Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales

Fascicule 5 - Témoignages du 31 mars 2004


OTTAWA, le mercredi 31 mars 2004

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 18 h 20, afin d'examiner le Budget principal des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2005.

Le sénateur Murray (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Comme vous le savez, dans l'étude du Budget principal des dépenses pour l'année financière 2004- 2005, nous avons décidé de revoir la question de la péréquation au sujet de laquelle le comité avait présenté, il y a quelques années, un rapport comportant un certain nombre de recommandations. La péréquation est un sujet d'actualité et sera, pendant plusieurs années à venir, omniprésente dans les discussions de politique publique dans le contexte général des relations fiscales fédérales-provinciales.

Comme vous le savez, M. Goodale a annoncé dans son budget qu'un texte de loi portant sur un régime de péréquation renouvelé de cinq ans était éminent. En tant que sénateurs représentant les régions, nous voulons mettre à jour les recommandations que nous avons faites il y a quelques années et, peut-être, ajouter de nouveaux avis et aider le ministre et le gouvernement dans cette tâche.

Ce soir, nous prévoyions entendre deux témoins. L'un de ces témoins était la sous-ministre des Finances de la Nouvelle-Écosse. Elle et ses collègues se sont désistés hier seulement parce que le budget de la province étant imminent, les responsables ont dû rester à Halifax.

À notre retour du congé de Pâques, nous entendrons M. Courchesne, professeur à l'Université Queen's, ainsi que les ministres des Finances de l'Île-du-Prince-Édouard, de Terre-Neuve et du Manitoba. Nous sommes impatients d'entendre ces témoins.

Pour ce soir, nous allons accorder toute notre attention à notre premier témoin, M. Harvey Lazar. M. le professeur Lazar a fait ses études à l'Université McGill, à l'Université de la Colombie-Britannique et à la London School of Economics and Political Science. Il a reçu son diplôme de doctorat en 1975. Il est actuellement directeur de l'Institute des relations gouvernementales de l'Université Queen's. Il a auparavant mené une longue carrière dans la fonction publique canadienne, notamment comme vice-président du Conseil économique du Canada et sous-ministre adjoint principal, Politique stratégique, Développement des ressources humaines Canada. Ses travaux de recherche actuels portent sur le fédéralisme canadien et le fédéralisme comparatif.

Assez récemment, il a dirigé l'équipe fédérale-provinciales sur la fiscalité, si je peux l'appeler ainsi, de la commission Romanow. Il ne prétend pas être un expert en péréquation, mais il est certainement un expert des relations intergouvernementales, des relations fédérale-provinciales en matière fiscale.

Soyez le bienvenu, professeur Lazar. Vous avez la parole.

M. Harvey Lazar, directeur, Institut des relations intergouvernementales, Université Queen's: Monsieur le président, je tiens à vous remercier de l'occasion qui m'est donnée de témoigner devant votre comité. Mes observations préliminaires porteront principalement sur les raisons qui ont motivé la création du programme de péréquation et sur les défis qu'il pose pour déterminer s'il permet de réaliser ses objectifs.

Lorsque j'examine le programme de péréquation, je ne suis pas certain qu'il atteigne ses objectifs. Il y a 15 ou 20 ans, le budget de la péréquation, en tant que part du produit intérieur brut, était supérieur du tiers environ à ce qu'il est aujourd'hui. On peut considérer ce déclin relatif comme réjouissant si on y voit le signe qu'on réussit mieux à atteindre les objectifs énoncés au paragraphe 36(2) de la Loi constitutionnelle de 1982. Divers arguments appuient ce point de vue, dont ceux qui reposent sur la réduction de l'écart qui sépare la capacité fiscale des provinces, à condition de faire abstraction des recettes tirées du pétrole et du gaz naturel.

Mais dans les dispositions constitutionnelles du paragraphe 36(2), il n'est pas uniquement question de différences de capacité fiscale. Elles supposent que l'on accorde également une attention aux besoins. Par ailleurs, le paragraphe 36(1) engage notamment les gouvernements fédéral et provinciaux à «promouvoir l'égalité des chances de tous les Canadiens dans la recherche de leur bien-être» et à «fournir à tous les Canadiens, à un niveau de qualité acceptable, les services publics essentiels». La réduction des différences de capacité fiscale n'est donc pas à elle seule le signe qu'on a atteint les objectifs énoncés dans ces dispositions constitutionnelles.

Depuis quelques années, on s'efforce de plus en plus de savoir si les programmes gouvernementaux atteignent leurs objectifs — ou, si vous préférez, si le contribuable en a pour son argent. Pour déterminer ce genre de chose, il faut invariablement énoncer les objectifs explicitement, choisir des indicateurs qui permettent de savoir exactement dans quelle mesure on réussit à les atteindre et, enfin, recueillir des données à l'égard de ces indicateurs et les analyser. Dans le cas de la péréquation, les dispositions de l'article 36 peuvent, peut-être, être assimilées aux objectifs.

Si l'on suppose que c'est effectivement le cas, la façon dont le programme de péréquation est conçu implique les mesures de la capacité fiscale sont en soi un indicateur du succès avec lequel les objectifs sont atteints. On semble poser comme hypothèse que les besoins en matière de services sont les mêmes d'un bout à l'autre de la fédération. C'est peut- être vrai, mais à ma connaissance, cela n'a jamais été établi de façon documentée. Je ne sais donc trop s'il faut se réjouir ou s'inquiéter de la réduction relative des paiements de péréquation parce que je ne sais si, avec le temps, les provinces ont plus de facilité à financer des services raisonnablement comparables moyennant des taux d'imposition semblables.

On peut certainement trouver des raisons de s'en réjouir comme de s'en inquiéter. Si l'on fait abstraction de ce que l'Alberta tire de l'exploitation des hydrocarbures, comme je l'ai dit plus tôt, je crois comprendre que l'écart entre la capacité fiscale des provinces diminue. Cette diminution donne à entendre que la diminution des coûts du programme en dollars constants puisse être une preuve du progrès vers la réalisation des objectifs de l'article 36. Par ailleurs, l'effort fiscal est généralement plus important dans les provinces qui reçoivent des paiements de péréquation, ce qui porte à croire le contraire.

Une façon de palier ce manque de connaissances sur les effets de la péréquation serait de tenir compte des besoins des provinces dans le calcul des paiements. On pourrait baser ce calcul, par exemple, sur les différences démographiques entre les provinces. Je sais que le comité a déjà examiné des variantes de ce concept et qu'il a recommandé de ne pas l'appliquer, jugeant que les avantages à en tirer ne valaient pas la complexité accrue que cela entraînait.

Même si le comité décidait de ne pas recommander de tenir compte dans une mesure quelconque des besoins dans le calcul des paiements eux-mêmes, il est certainement bon que des indicateurs de rendement en tiennent compte aux fins de l'évaluation du programme. À défaut de quoi, nous continuerons d'avoir du mal à savoir si le programme, mesuré à l'aulne des dispositions de l'article 36, est une réussite.

Quand on examine l'efficacité du programme de péréquation, il convient de noter qu'il n'est pas le seul programme fédéral à avoir pour effet d'égaliser la capacité des provinces d'assurer des services raisonnablement comparables et à promouvoir l'égalité des chances de tous les Canadiens dans la recherche de leur bien-être. Par exemple, le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux assure à toutes les provinces des transferts égaux, proportionnellement au nombre d'habitants. Comme le gouvernement fédéral ne perçoit pas les mêmes recettes fiscales par habitant dans toutes les provinces, un des effets de ce transfert est en fait un effet égalisateur. Autrement dit, pour décider si la péréquation réalise ses objectifs constitutionnels, et dans quelle mesure, il est sensé de tenir également compte des autres grands programmes de transfert qui ont un effet égalisateur.

Je sais bien que le débat politique sur la question de la péréquation ne porte pas sur la question que je soulève — les objectifs de la péréquation et si elle permet de réaliser ses objectifs. Les Canadiens se préoccupent davantage des questions comme le traitement des recettes tirées de l'exploitation des ressources naturelles, des normes, plafonds et seuils basés sur dix provinces versus cinq; de formules macro-économiques par opposition au régime fiscal représentatif; de dispositions de nivellement et d'autres sujets semblables. Je n'ai pas de connaissances particulières sur l'un ou l'autre de ces sujets. Comme l'a dit le président, je ne prétends pas être un expert en matière de péréquation.

Ce que je veux vous dire, c'est qu'il serait peut-être plus facile de dégager des consensus sur certains des ces points techniques si les indicateurs permettant de déterminer dans quelle mesure les buts énoncés dans la Constitution sont atteints étaient plus explicites; si vous aviez quelque chose de concret à examiner. Certains d'entre vous peuvent se demander si j'ai une thèse à défendre quant à l'avenir de la péréquation. Je leur dirai seulement que j'ai l'impression que ce programme a été utile au cours des années, qu'il a probablement permis d'atteindre les objectifs énoncés à l'article 36. Mon instinct me dit qu'il y aurait lieu de le maintenir et, si possible, de le renforcer. Mais le Parlement peut obtenir plus de précisions et il ne devrait pas se contenter de mots comme «impression», «probablement», «instinct» et «si possible». Tout ce que je veux dire, c'est qu'il est temps que le Parlement puisse évaluer l'efficacité du programme de péréquation au moyen d'indicateurs de rendement acceptés de tous.

J'aimerais maintenant dire quelques mots sur le système plus vaste du fédéralisme fiscal. Premièrement, depuis une vingtaine d'années, les gouvernements deviennent de plus en plus autonomes, au sens le plus large du mot, dans les dossiers financiers. Les provinces prélèvent elles-mêmes une plus grande part de leurs recettes fiscales qu'il y a 25 ans. Les programmes de transferts fédéraux qui subsistent imposent moins de conditions que dans le passé. Les provinces qui ont maintenu leurs accords de perception fiscale ont beaucoup plus de latitude fiscale qu'avant. Les processus budgétaires des gouvernements fédéral et provinciaux sont moins étroitement coordonnés depuis quelques années.

Certains analystes verraient dans cette évolution un fait réjouissant pour des raisons liées à la doctrine de la responsabilité fiscale, à l'opportunité de clarifier les rapports de responsabilisation et à la séparation des compétences législatives dans la Constitution. D'autres pourraient la déplorer comme mal avisée dans un monde aux interdépendances de plus en plus fortes et peut-être même comme incompatibles avec certains éléments du paragraphe 36(1). Je signalerais que les gouvernements fédéral et provinciaux collaborent étroitement quand il est question des programmes en ligne hiérarchiques — tels la santé, les programmes sociaux, l'environnement. Mais quand on presse les ministères responsables de collaborer alors que les ministères des Finances deviennent de plus en plus autonomes, on peut s'attendre à ce que cela cause des dommages subsidiaires quelque part.

Cela explique peut-être le différend inouï qui oppose le fédéral et les provinces quant à l'importance de la contribution financière fédérale aux soins de santé et les conséquences néfastes qu'il a eues sur la réforme des soins de santé au Canada.

Heureusement, les discussions sur la péréquation ne sont pas aussi improductives que l'affrontement sur les chiffres relatifs aux soins de santé. Mais les discussions qui portent sur les plafonds, les normes fondées sur dix provinces plutôt que cinq et d'autres questions semblables, cachent à certains égards des différends dans les dossiers plus importants — à savoir si le programme de péréquation est assez gros, ou trop gros, ou devrait être plus gros, si la répartition entre les provinces est appropriée, et tout le reste.

Il est peut-être plus difficile d'inscrire ces questions plus vastes au programme des rencontres des ministres des Finances maintenant qu'ils sont plus autonomes. Le monde qui nous entoure a beaucoup changé ces derniers temps et pourtant, dans l'ensemble, les composantes du programme de péréquation sont encore à peu près les mêmes qu'en 1982. Vous pourriez vous demander: est-ce parce que le programme atteint ses objectifs? Parce qu'il est géré de manière à répondre aux besoins financiers du fédéral? Parce que le dialogue sur les principaux problèmes du fédéralisme fiscal est moins possible dans le monde actuel, où les ministres fédéral et provinciaux des Finances cherchent à devenir encore plus autonomes? Les réponses à cette question ne s'excluent pas forcément entre elles, bien sûr. Mais elles valent la peine qu'on les cherche.

J'imagine aisément que lorsque le ministre des Finances et ses fonctionnaires étudient les améliorations au programme de péréquation qui leur sont proposés, ils le font dans le contexte des nombreuses autres demandes d'augmentation des paiements fédéraux ou de réduction des impôts qu'ils reçoivent sans doute de tous les groupes d'intérêt imaginables du pays. Bien que les gouvernements provinciaux soient plus que des intérêts, le ministère fédéral des Finances, lorsqu'il évalue leurs demandes d'augmentation des paiements de péréquation, doit aussi tenir compte du fait qu'ils exigent aussi que le Trésor fédéral contribue à éliminer le prétendu déséquilibre fiscal vertical.

J'ai participé, avec des collègues, à l'étude de la question du déséquilibre fiscal vertical dans le cadre du travail que j'ai fait pour la Commission Romanow. Nous avons alors pensé qu'il y avait effectivement un déséquilibre fiscal vertical. Cependant, nous avons jugé que cela n'était pas aussi important, pour les besoins de notre travail, que le déséquilibre que nous percevions entre l'importance de l'influence que le gouvernement fédéral cherchait à exercer sur l'élaboration des politiques régissant les systèmes de soins de santé, qui sont administrés par les provinces, d'une part, et l'importance des capitaux qu'Ottawa versait aux provinces aux fins des soins de santé, d'autre part. Dans la mesure où le gouvernement fédéral a investi, depuis, plus d'argent dans les programmes provinciaux de soins de santé, et qu'il pourrait en investir davantage, que ce soit pour des raisons liées au déséquilibre fiscal vertical ou au déséquilibre fiscal politique que j'ai mentionné, on peut présumer que cela aura des effets sur les tâches confiées aux responsables du programme de péréquation.

Il convient que les objectifs du programme de péréquation ou, de façon plus générale, les accords fiscaux soient établis par le Parlement et le gouvernement. Mais la question de savoir s'il convient de laisser au Parlement et au ministère des Finances du Canada le soin d'établir des caractéristiques techniques de ces programmes est sans doute une question que vous aimeriez examiner, à un moment donné dans le cadre du processus, de même que le fait que plusieurs fédérations ont mis sur pied des commissions indépendantes pour exécuter le travail technique lié à la péréquation.

Cela conclut mes observations, monsieur le président. Elles avaient pour but d'encourager le comité à tendre son filet plus large avant d'affiner des questions particulières. Je suis prêt à répondre aux questions, lorsque j'aurai les connaissances nécessaires. Lorsque je n'aurai pas l'expertise, je dirai que je ne le sais pas et je ne vais pas essayer de broder.

Le président: Merci, monsieur Lazar. Vous nous avez donné un excellent départ, avec les nombreuses questions que vous avez soulevées.

Le sénateur Comeau: Monsieur Lazar, vous n'avez pas débuté la discussion avec des formules arides qui permettent de calculer 33 sortes de revenus différents, ce qui me plaît pour une soirée.

Je ne peux m'empêcher de revenir à votre paragraphe d'ouverture, dans lequel vous avez dit que ce pourrait être un temps de réjouissance, bien que vous ayez atténué ce commentaire en disant «ou peut-être que non». Cependant, je suis bien content que vous ne soyez pas en train de célébrer trop fort, parce que je pense à un endroit dans ma région, où il y a un hôpital et où on voit parfois une affiche qui dit: «Pas de médecin en service cette fin de semaine». Le prochain hôpital est situé à environ 120 kilomètres de là. Je ne pense pas que l'on voyait ce genre d'affiche il y 10 ou 20 ans.

Qu'il y ait ou non des raisons de célébrer, ces affiches, dans certaines régions rurales, nous rappellent que les réjouissances ne sont pas tout à fait là où elles devraient être.

Je suis intrigué par votre suggestion selon laquelle nous devrions mesurer l'efficacité de la formule de péréquation et non pas simplement déterminer si la formule est bien calculée et si elle permet de réaliser les objectifs du paragraphe 36(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. J'imagine que cela va nous amener à d'autres formules ou pourrions-nous faire cela sans utiliser d'autres formules arides?

M. Lazar: J'ai été fonctionnaire. Dans les ministères pour lesquels j'ai travaillé et qui avaient des programmes, nous devions constamment énoncer les objectifs clairement, établir des indicateurs de rendement pour les objectifs, rassembler les données et, d'une manière quelconque, justifier le tout.

Je n'ai rien vu de tout cela dans le cas de la péréquation, parce que les formules, telles qu'elles existent maintenant, supposent implicitement l'hypothèse que des services comparables sont offerts partout au pays. Lorsque je dis «partout au pays», je ne veux pas dire entre régions urbaines et régions rurales, mais plutôt d'une province à l'autre.

Je suppose que la raison pour laquelle vous avez décidé de ne pas inclure les besoins dans les paramètres de la péréquation dans vos délibérations antérieures est liée au fait que cela ajoutait une complexité additionnelle aux calculs — comme vous l'avez dit, 33 formules, c'est bien assez.

Déterminer les besoins d'une manière précise serait complexe, mais on peut le faire. À défaut de quoi, vous pourriez probablement vous fier à une approximation pour des choses comme la proportion de la population d'une province qui vit en zone urbaine, par rapport à la zone rurale. Exemple très simple, une province qui a une population dont l'âge est supérieur à la moyenne verrait une demande plus grande sur ses ressources qu'une province dont l'âge moyen de la population est plus jeune. En utilisant certaines approximations démographiques, vous pourriez au moins commencer à déterminer une valeur estimée des besoins relatifs des provinces sans nécessairement utiliser des calculs très techniques.

Le sénateur Comeau: J'ose espérer que les hésitations du comité à inclure la question des besoins au moment de la dernière étude étaient motivées précisément par ce que vous dites — l'idée de ne pas compliquer davantage la formule. Je suis entièrement d'accord avec vous pour dire que la question du besoin devrait être mesurée.

Dans le passé, la Nouvelle-Écosse a tenté de faire valoir ce point de vue. Elle a examiné l'âge de sa population, qui est apparemment plus élevé que dans les autres provinces. C'est pourquoi, la Nouvelle-Écosse essaie de faire comprendre qu'elle a un besoin plus grand.

Il n'est pas nécessaire que cela fasse partie de la formule; en fait, le contraire serait peut-être même préférable. Cela pourrait constituer une mesure complètement séparée qui entraînerait alors la nécessité d'examiner une formule différente.

M. Lazar: Dans mes observations, j'ai offert deux choix: premièrement, de l'intégrer dans la Loi sur les arrangements fiscaux; et deuxièmement, si cette solution est trop complexe, de faire en sorte que le gouvernement négocie un ensemble d'indicateurs de rendement pour le programme qui seraient liés à l'article 36 de la Loi constitutionnelle. Ces indicateurs ne pourraient faire autrement que de tenir compte jusqu'à un certain point des différences entre les diverses parties du pays, qu'il s'agisse de différences liées à l'âge, à la géographie ou à d'autres facteurs.

De mon point de vue, il est important que le Parlement puisse déterminer si ce programme répond aux objectifs pour lesquels il a été créé. C'est une question cruciale et j'invite le comité à y accorder son attention.

Le sénateur Comeau: Dans vos observations, monsieur Lazar, vous avez indiqué que d'autres gouvernements fédéraux, dont ceux de l'Australie et de l'Inde, avaient créé des commissions pour suivre l'évolution de la péréquation.

J'ignore si nous avons le temps de creuser plus loin cette question, mais elle m'intéresse beaucoup. Cela dépasse la capacité de notre comité d'examiner cette question de la manière habituelle. Nous pourrions plutôt envisager l'idée d'une commission, en ce qui concerne à la fois la formule et le besoin.

Est-ce que le comité devrait envisager cette question, monsieur Lazar?

M. Lazar: Une chose que je pourrais faire pour le comité, c'est de lui fournir de l'information sur ces commissions et sur leur fonctionnement. Vous pourriez juger par vous-même si elle est utile à vos délibérations. Si c'est le cas, vous pourriez alors trouver des témoins qui pourraient vous donner plus de détails.

J'ai des collègues qui en savent beaucoup plus à ce sujet. Si cela vous intéresse et s'il s'agit d'une piste que vous voulez suivre, je pourrais faire quelque chose.

Le sénateur Comeau: J'aimerais obtenir cette information de vous, monsieur le professeur. Je suis effectivement intéressé à en savoir davantage sur cette question.

Le président: Cela serait très intéressant. Je peux vous parler un peu de la situation de l'Australie. Les Australiens ont ce qu'ils appellent une Commonwealth Grants Commission. Dans ce pays, plus de 70 p. 100 des recettes gouvernementales son prélevées par le gouvernement fédéral. La fonction de redistribution de la richesse du gouvernement central est donc extrêmement importante pour les États. La Commonwealth Grants Commmission visite les divers États périodiquement pour évaluer les besoins.

Comme l'a dit le représentant d'un État, peut-être peut-on en douter, ou peut-être que non, c'est que lorsque cette commission arrive, on s'empresse d'entasser tout ce beau monde dans un autobus que l'on fait circuler sur les pires routes de l'État, histoire de bien leur faire comprendre à quel point l'État a besoin d'argent.

Le sénateur Comeau: Est-ce qu'ils circulent devant des hôpitaux qui affichent qu'il n'y a pas de médecins en service?

Le président: S'il y a de tels hôpitaux en Australie, je suis certain que les commissaires auraient été amenés sur place.

Toutefois, cette anecdote ne parviendra pas à vous satisfaire, ni le comité, en termes d'information réelle. Je pense que M. Lazar est en mesure de nous aider, non seulement dans le cas de l'Australie, mais également de l'Afrique du Sud et de l'Inde — les deux autres fédérations dont il a parlé.

M. Lazar: Je pourrais ajouter, monsieur le président, que dans le cas de l'Australie, la péréquation est pratiquée à un niveau beaucoup plus élevé qu'au Canada. On parle en réalité d'une péréquation à 100 p. 100. Il n'y a pratiquement pas de différence. Ils font intervenir à la fois la capacité fiscale et les besoins dans leurs calculs.

Le président: Je reviendrai à la question des besoins plus tard.

Le sénateur Banks: Je m'en remettrai volontiers aux membres du comité.

Le président: Ce soir, vous êtes membre du comité, sénateur.

Le sénateur Banks: Dans sa vie antérieure, Paul Martin a comparu devant le comité. Lorsqu'il était ministre des Finances, nous lui avions posé des questions dans le cadre de notre étude sur la péréquation. Monsieur le président, vous vous en souvenez peut-être, lorsque nous lui avons posé une question à ce sujet, il a répondu: «Il y avait un type ici il y a une vingtaine d'années qui comprenait la péréquation, mais il est parti». Je pense que c'est de vous qu'il parlait, parce que vous semblez y comprendre quelque chose.

Moi aussi je suis intéressé d'en savoir davantage sur les besoins et sur la façon dont on pourrait quantifier cela et l'intégrer dans une formule. Je laisserai aux autres le soin de poser cette question.

Pour en venir à quelque chose qui est plus facilement quantifiable — je suppose que vous avez parlé de cette question. Si nous revenions à la norme des dix provinces — nous avons parlé de cela, je suppose que vous avez lu le rapport de notre comité.

M. Lazar: Oui.

Le sénateur Banks: À titre d'exemple, pourriez-vous nous dire, à brûle-pourpoint, quelle différence un tel changement entraînerait-il pour la province de la Nouvelle-Écosse?

M. Lazar: Il y a un rapport qui a été rédigé par les ministres provinciaux et territoriaux des Finances en septembre de l'année dernière — je vais le regarder, mais je soupçonne qu'ils ont fait ce calcul. Même s'ils ne l'ont pas fait, je pense que les chiffres habituels que j'entends, c'est que le programme coûterait environ trois ou quatre milliards de dollars de plus en vertu de la norme des dix provinces.

Une partie du message que je vous ai livré ce soir, c'est que je n'ai pas la moindre idée si c'est une bonne chose ou non — une tranche additionnelle de quatre milliards de dollars. Je ne sais pas vraiment si le programme réalise ses objectifs ou non. J'ai certaines idées sur la question. Cependant, cela entraînerait une différence considérable pour toutes les provinces qui reçoivent des paiements de péréquation, et cette différence serait en moyenne de l'ordre de 30 à 40 p. 100.

Le sénateur Banks: Je pense que c'est aux environs du chiffre que nous avons trouvé, n'est-ce pas, monsieur le président?

Le président: Je le cherche ici dans le tableau.

Le sénateur Banks: Ce chiffre me dit quelque chose. Monsieur le professeur, à notre avis, de ce côté-ci, — en passant, je vous dirai d'où vient cette prochaine question —, nous n'admettons pas qu'il y a un déséquilibre fiscal. En fait, un simple calcul arithmétique consistant à additionner l'argent que les provinces du groupe ont à dépenser, après que les transferts ont eu lieu, vous permet de constater qu'en bout de ligne, elles ont un peu plus d'argent à dépenser que le gouvernement du Canada — particulièrement à la lumière du fait, comme vous l'avez indiqué dans votre exposé liminaire, que les programmes de transferts fédéraux sont moins conditionnels qu'ils l'ont déjà été.

Avez-vous une idée sur cette question?

Certains d'entre nous savons que les subventions qui ont été accordées sous la rubrique santé et qui étaient destinées à l'achat d'équipement, c'est-à-dire des appareils d'IRM, et cetera, ont servi à acheter des tondeuses et des choses du genre. Êtes-vous, de façon générale, pour ou contre l'idée de fixer des conditions qui accompagnent les paiements de transfert?

M. Lazar: Pour généraliser — je suppose que cela me rendra moins populaire auprès du côté gouvernemental —, je préférerais des blocs de transfert plus importants avec moins, et non pas plus, de conditions.

Par exemple, dans le cas des soins de santé, quel que soit l'ensemble des conditions, les gouvernements provinciaux finiront par payer 75 ou 80 p. 100 de la note. C'est là un incitatif énorme pour les amener à faire un meilleur travail qu'ils l'ont fait jusqu'à présent dans la gestion efficace de leurs coûts en matière de soins de santé. L'idée que le gouvernement fédéral — qui fournira 15 ou 20, ou peut-être un jour, 25 p. 100, de l'argent nécessaire — serait en meilleure position pour déterminer comment faire fonctionner les systèmes de soins de santé provinciaux me laisse sceptique.

Je crois comprendre la raison qui se cache derrière les préoccupations du fédéral. Cela est lié, j'imagine, au taux d'accroissement énorme des dépenses en matière de santé, le fait que les coûts semblent échapper à tout contrôle aux yeux de nombreux observateurs et à la perception que si le gouvernement fédéral se contente de signer des chèques en blanc, l'argent ne fait que disparaître dans le gouffre sans fond des soins de santé.

À mon avis, je pense que le gouvernement fédéral a un choix. Il peut continuer d'essayer d'être un acteur majeur dans la politique touchant les soins de santé — auquel cas, toujours à mon avis, il doit accepter une partie des risques politiques et une partie des risques financiers qu'implique ce rôle de partenaire — ou il peut choisir de ne pas être un partenaire. Cependant, l'idée que le gouvernement fédéral puisse siéger à la table comme actionnaire — un actionnaire a un droit de vote — tout en investissant son argent comme un créancier obligataire sans courir de risque, me semble être la situation qui prévaut ces dernières années. Je pense que la distribution du risque est inéquitable pour les provinces. C'est peut-être une réponse plus longue que vous l'espériez, mais c'est ce que j'en pense.

Le sénateur Banks: C'est une question piège, mais si l'on ajoute l'argent que le gouvernement du Canada consacre à la recherche médicale, tout à coup, le pourcentage n'est plus de 15 ou 16 p. 100. Croyez-vous que nous devrions — c'est une question piège et je ne prendrai donc pas la peine de la poser. Je reviendrai à la charge au deuxième tour.

Le sénateur Ringuette: Professeur Lazar, j'ai bien aimé votre exposé et les questions que vous nous avez posées au sujet du succès du programme. Au cours des 25 dernières années, la population dans son ensemble a demandé qu'on lui rende compte de la manière dont l'argent de ses impôts est dépensé. Cette tendance a exigé du gouvernement fédéral qu'il conclue des ententes fédérales-provinciales spécifiques et ciblées, par exemple le plan quinquennal pour les soins de santé et le programme d'infrastructure, pour que la population puisse savoir plus précisément à quoi sert l'argent de ses impôts, au niveau fédéral et provincial, tandis que les paiements de transfert sont un poste de dépenses sans condition.

Pour revenir aux observations du sénateur Banks sur l'argent destiné à l'achat d'équipement qui sert plutôt à acheter des tondeuses à gazon, c'est arrivé il y a quelques années à peine dans ma province du Nouveau-Brunswick. Vous comprendrez que, personnellement, je tiens à savoir comment cet argent est dépensé.

À votre avis, est-ce que le fait que la population exige une plus grande transparence et reddition de comptes sur l'utilisation de l'argent provenant des impôts a une incidence sur les ententes fédérales-provinciales?

M. Lazar: Je suis d'accord avec votre déclaration. Je pense que c'est effectivement ce qui se passe, mais cela crée certaines tensions compte tenu de la Constitution qui attribue certains pouvoirs aux gouvernements provinciaux et certains pouvoirs au gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral s'est intéressé aux domaines de compétences législatives provinciales en utilisant son pouvoir de dépenser, ce qui n'est pas le cas de la péréquation, mais c'est vrai dans d'autres domaines.

Il y a plus d'une manière d'obliger le gouvernement fédéral à rendre compte de ses dépenses. Dans la mesure où cela se fait en assortissant de conditions détaillées les transferts aux provinces, qui sont versés au titre du pouvoir fédéral de dépenser, je crois que si l'on va au-delà d'un certain point, ces conditions seront jugées inconstitutionnelles. Les tribunaux jugeront que le gouvernement fédéral pourrait aller trop loin dans ce domaine, ce qui est d'ailleurs arrivé dans le passé. Plus les conditions fédérales commencent à ressembler à un programme législatif ou réglementaire, plus le risque est grand que ces conditions soient jugées incompatibles avec les compétences constitutionnelles du gouvernement fédéral.

Dans le cas du programme de péréquation, je soutiens que la reddition de comptes que vous réclamez peut être obtenue au moyen d'objectifs clairs établis par le Parlement, qui peuvent être conformes aux objectifs constitutionnels; il faudrait aussi décider quelles mesures de performance sont pertinentes, pour savoir si les objectifs en question sont atteints, et ensuite s'assurer de recueillir les renseignements nécessaires pour savoir si le niveau voulu est atteint selon ces indicateurs. Cela n'exige pas que vous imposiez des conditions quelconques aux provinces. Il faudrait simplement que vous vous penchiez sur l'efficacité du programme.

D'après mon interprétation de l'article 36 de la Loi constitutionnelle, la manière dont l'argent est transféré actuellement, en l'absence de toute condition, est conforme à ces dispositions, mais vous voulez savoir si les transferts atteignent leur but. Vous voulez savoir si les services deviennent plus comparables dans l'ensemble du pays.

Je ne le sais pas, et je soupçonne que personne au sein du comité ne le sait. Certains en ont peut-être une idée. J'ai moi-même une idée sur la question, mais cela vaut 10 milliards de dollars par année.

Le sénateur Ringuette: Je suis d'accord avec ce que vous dites.

Ces derniers mois, j'ai lu le document des groupes qui examinent comment les provinces veillent au bien-être de leur population, surtout les plus démunis. Il est renversant de constater que certaines provinces estiment qu'une personne peut survivre avec 450 $ par mois.

Si l'on veut des niveaux de service comparables, il faut examiner les besoins et tenir compte de la différence entre la prestation des services et le coût de ces services dans les secteurs urbains plus densément peuplés et où il en coûte donc moins cher de fournir les services de santé, ou d'éducation ou quoi que ce soit.

Mais ce n'est pas tout. Si les provinces ne rendent pas de comptes pour ce qui est d'offrir un niveau comparable de service, alors toutes nos études et toutes nos mesures des besoins n'auront servi à rien.

M. Lazar: Cela ne correspond pas à mon interprétation de l'article 36. D'après moi, l'article 36 dit que les provinces doivent avoir des revenus suffisants pour être en mesure de fournir des services comparables. Mais l'article ne les oblige pas à fournir des services comparables.

En fait, on peut aisément imaginer deux provinces d'égale richesse dont l'une a un généreux programme d'aide sociale tandis que l'autre a un programme d'aide sociale médiocre pour les plus démunis. Ce serait conforme aux pouvoirs constitutionnels de ces provinces. Si les deux provinces ont une capacité financière comparable, c'est suffisant pour se conformer aux dispositions constitutionnelles. Si vous voulez aller plus loin que cela, alors je vous dis que vous empiétez en fait sur les compétences provinciales.

Il y a des années, quelqu'un à l'Université Queen's a fait une étude dans laquelle on comparaît les régimes d'assistance sociale des 10 provinces. Il y avait de grands écarts, et pas seulement en fonction de la richesse de la province. Les régimes variaient selon l'idéologie des provinces. C'était courant, par exemple, que les personnes seules et sans enfant obtenaient très peu d'argent tandis qu'une femme seule avec des enfants obtenait proportionnellement beaucoup plus d'argent, ce qui correspondait à l'idéologie de la province et à l'idée qu'on se faisait du devoir de l'État. Je ne critique pas cela. Je fais simplement observer que c'était un choix opéré par un gouvernement provincial. Je songe notamment à une province de l'Atlantique où le montant versé aux personnes seules sans enfant était remarquablement bas, beaucoup plus bas que vos 450 $ par mois.

Pour ce qui est des dispositions constitutionnelles, ce qui est pertinent dans le cas de la péréquation, c'est ceci: les provinces ont-elles des fonds suffisants pour leur permettre d'offrir des services raisonnablement comparables? Quant à savoir si elles choisissent ou non d'offrir de tels services, c'est leur choix. Cet énoncé vous choque peut-être dans l'optique parlementaire de l'obligation de rendre compte, mais nous avons une Constitution et, à moins de la modifier, je pense que vous devez vous y conformer.

Le sénateur Ringuette: La tendance des 20 dernières années en termes d'ententes fédérales-provinciales ciblées sert bien cet objectif de reddition de comptes et de transparence et je dirais que cela permet d'offrir un traitement plus égal aux citoyens.

Le sénateur Mercer: Je suis un peu hors de mon domaine quand on parle de finances, mais je suis tout à fait dans mon domaine quand je parle de politique. Je veux revenir un instant à la question piège du sénateur Banks.

L'un des problèmes des transferts, c'est qu'ils se font entre gouvernements, et je n'ai pas d'objection à cela. Le problème, c'est que de part et d'autre du transfert, on trouve des politiciens.

Les gouvernements, de quelque parti qu'ils soient, aiment bien que leurs commettants puissent les voir à l'oeuvre quand ils dépensent l'argent des contribuables, parce que les gouvernements veulent se faire réélire — pas nous autour de cette table, mais nos collègues de l'autre endroit. C'est important pour eux, quand ils sont au pouvoir, d'avoir une mention au générique, pour ainsi dire, pour chaque dépense.

Il me semble que la question se résume à ceci: comment reconnaître publiquement l'apport du gouvernement fédéral — puisque je suis dans le camp fédéral — sous forme des montants qu'il transfère aux programmes, au moyen des paiements de transfert, et aussi comment reconnaître — j'ai toujours été sidéré ces dernières années de voir que nous transférons des points d'impôt et que, tout à coup, cet argent semble disparaître de l'équation et qu'on n'en reçoit plus aucun mérite. C'est presque tentant pour les puristes de dire: «Retournons à la situation antérieure, quand nous avions tous les points d'impôt et tout l'argent». À ce moment-là, notre pourcentage augmente en flèche.

Y a-t-il un moyen pour nous de faire cela? Mon autre question est celle-ci: Devrions-nous le faire?

M. Lazar: La question que vous posez est épineuse; elle me trouble beaucoup. Je cherche la réponse autant que vous. Je ne suis pas ici pour vous donner la réponse. Je peux peut-être vous faire part de mes réflexions sur le sujet, mais cela ne nous amènera peut-être pas très loin.

Quelque part, pas à titre de chercheur universitaire ni d'ex-fonctionnaire, mais de simple citoyen, cela m'irrite quand le gouvernement fédéral se plaint de ne pas voir reconnaître suffisamment ses mérites pour l'argent qu'il transfère. Je veux dire aux gouvernements fédéral et provinciaux d'arrêter ces enfantillages — mais, évidemment, je n'ai pas à me faire élire, et j'accepte donc votre argument là-dessus, et je me retrouve ambivalent.

Il me semble que, au minimum, quand les programmes sont financés conjointement, il n'y a aucune raison que les gouvernements provinciaux ne disent pas clairement et de manière très explicite que les services en question sont fournis grâce à l'apport financier des deux niveaux de gouvernement. Cela ne suffirait peut-être pas à combler vos besoins politiques — on voit des panneaux le long des routes: «Ce projet d'amélioration a été financé par A, B ou C». Le gouvernement fédéral s'efforce de le faire pour certains programmes de transfert. Dans les ententes sur le développement du marché du travail, je crois qu'il y a des dispositions exigeant que l'on signale les contributions fédérales.

Vous me posez vraiment une question politique et je soupçonne que vous êtes mieux placé que moi pour y répondre. J'aime à dire que sur les 27 ou 29 élections dont j'ai essayé de prédire le résultat, je me suis trompé 32 fois. Je n'ai pas un très bon instinct pour cela.

Sur la question de savoir si les transferts intergouvernementaux sont une bonne chose, la politique entre en jeu encore une fois, mais d'une manière différente. Il vaut la peine de signaler que, ces dernières années, le gouvernement fédéral — et je pense que c'est aussi vrai des gouvernements libéraux que conservateurs — a accordé une priorité croissante à des domaines qui, selon les articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle, sont de ressort provincial. La santé et l'éducation semblent prioritaires, et parfois aussi d'autres services sociaux. Si le gouvernement fédéral, essayant de comprendre ce que le public veut, croit qu'il lui faut intervenir dans ces domaines — et je pense qu'il est généralement accepté que c'est exactement ce que le public veut —, alors il investit son argent dans des domaines qui sont par ailleurs de compétence provinciale.

Dans la mesure où cela nécessite des transferts d'argent comptant, il y a moyen pour le gouvernement fédéral de le faire, par des crédits d'impôt remboursables, et cetera, sans s'ingérer sérieusement dans les programmes provinciaux. Cependant, quand on parle de services de santé, d'éducation, de services sociaux, ce sont les provinces qui dirigent ces réseaux de service, et le gouvernement fédéral doit trouver un moyen que les provinces jugent acceptable, faute de quoi on se retrouve avec des querelles fédérales-provinciales, ce qui ne répond nullement aux besoins des personnes en cause.

C'est une question politique difficile pour tous les partis politiques et aussi pour le grand public. D'après les sondages d'opinion, la population semble réclamer d'une manière constante que les gouvernements fédéral et provinciaux s'occupent des soins de santé, d'éducation, de services sociaux, et elle ne veut pas que les gouvernements se chicanent entre eux. Tout cela est bien beau, mais nous n'avons pas une Constitution qui nous facilite les choses. Nous nous débattons dans ce dilemme qui s'inscrit je crois dans votre argumentaire.

Dès que j'ai un doute, j'en reviens à la loi comme point de départ, et non pas aux sondages d'opinion; or la Constitution est la loi fondamentale. Pour le gouvernement fédéral, dans la mesure où il se sent obligé de s'orienter dans cette voie, j'incline à accorder passablement de poids à ce que disent les provinces.

Le sénateur Mahovlich: L'absence de péréquation aux États-Unis donne-t-elle à ce pays un avantage concurrentiel?

M. Lazar: C'est une bonne question, sénateur Mahovlich. Il n'y a pas aux États-Unis de programme de péréquation comme tel; cependant, le gouvernement fédéral verse beaucoup de subventions aux États et aux gouvernements locaux, et le résultat se rapproche de la péréquation. Le gouvernement fédéral des États-Unis injecte de l'argent dans les régions les moins prospères du pays.

Le sénateur Mahovlich: En cas de catastrophe, ils ont tendance à venir en aide à l'État touché, n'est-ce pas?

M. Lazar: C'est exact. Votre question soulève une question plus vaste. Un pays qui dépense moins d'argent et qui a des taux d'imposition plus bas est-il plus compétitif? Je ne connais pas la réponse à cette question. Bien des gens soutiennent que c'est le cas. Certains des pays les plus prospères d'Europe occidentale ont une fiscalité relativement lourde et semblent s'en être sortis assez bien. Je ne suis pas certain de pouvoir en dire beaucoup plus là-dessus.

Le sénateur Hubley: Je vais poser une question que nos attachés de recherche ont formulée à notre intention. C'est à propos du fédéralisme fiscal et d'un livre intitulé «Canada: The State of the Federation, 1999-2000: Toward a New Mission Statement for Canadian Fiscal Federalism». Je crois que c'est vous qui avez écrit cela, monsieur.

Vous avez écrit que le fédéralisme fiscal canadien souffrait de l'absence d'une mission nettement définie. Je crois d'ailleurs que vous y avez fait allusion dans vos interventions d'aujourd'hui.

Qu'entendez-vous par le fédéralisme fiscal canadien, et pourriez-vous nous dire pourquoi vous estimez qu'il souffre de l'absence d'une mission nettement définie?

M. Lazar: Après la Seconde Guerre mondiale, les citoyens se sentaient très clairement investis d'une mission: ils ne voulaient pas retourner à l'horreur de la dépression et à l'abomination des années de guerre. Tous les gouvernements du monde occidental, tout au moins chez les alliés, s'estimaient obligés de promettre à leurs citoyens une vie meilleure que celle qu'ils avaient vécue auparavant. Pendant environ 25 ans après la Seconde Guerre mondiale, les gens étaient convaincus de l'importance de bâtir un système d'assurance sociale et de bien-être social pour que les gens ne soient pas ravagés par les aléas du chômage, de la vieillesse, de la maladie ou des blessures, pour que les économies soient gérées de manière à soutenir le plein emploi ou un niveau d'emploi élevé.

Cette vision particulière s'est reflétée dans beaucoup d'événements qui se sont passés au Canada de 1945 jusqu'au milieu des années 70, approximativement. Pendant cette période, nous avons connu une forte croissance économique, le chômage était relativement bas, les services sociaux et les filets de sécurité ont été renforcés. En rétrospective, c'était une période d'accomplissement considérable de la part de l'État canadien, des autorités fédérales et provinciales, et bien d'autres pays ont connu des réalisations semblables.

Durant les années 70, l'optimisme a commencé à s'effilocher. Il y a eu une période de stagflation. Nous avons connu la hausse du chômage et une faible inflation. Les gens ont commencé à s'inquiéter et à croire que les gouvernements ne s'en tiraient plus aussi bien qu'auparavant.

Au début des années 80, quand nous avons été frappés par une récession très marquée, une grande partie de l'optimisme quant au rôle de l'État s'était évaporé. On était habitué d'entendre parler des échecs du marché. C'est alors qu'on a commencé à entendre parler des échecs des gouvernements.

Mon point de vue personnel sur la période allant du début des années 80 jusqu'à peut-être aujourd'hui ou jusqu'à très récemment, c'est qu'il y a eu beaucoup de critiques de cette période antérieure, des programmes qu'on avait mis en place: trop faible encouragement au travail et à l'épargne, impôts peut-être trop élevés, et cetera. On a beaucoup critiqué ce qui n'allait pas, mais il n'y avait pas de consensus sur ce que devait être une nouvelle vision. En conséquence, nous avons eu des gouvernements qui prenaient des décisions une à la fois, s'efforçant à chaque fois de prendre la meilleure décision possible, compte tenu des circonstances et de la conjoncture, mais sans avoir d'idée précise du but ultime à atteindre.

Par exemple — je ne veux pas critiquer un ministre ou un gouvernement en particulier. Je fais une observation de portée générale. En 1995, le ministre des Finances a annoncé qu'il était important de donner aux provinces une plus grande souplesse dans le cadre des programmes de transfert. L'ancien transfert pour l'aide sociale, le Régime d'assistance publique du Canada, a été amalgamé au transfert pour les soins de santé et les services sociaux pour devenir ce que l'on appelle maintenant le TCSPS. Ce changement était clairement dicté par la volonté de donner une plus grande souplesse aux provinces, ce qui, je le signale en passant, contredit ce que votre collègue disait il y a quelques minutes.

Sept ou huit ans plus tard, il est question de prendre ce transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, qui manque de transparence et pour lequel on n'a pas de comptes à rendre, et de le décomposer en un transfert canadien en matière de santé et un transfert canadien en matière de programmes sociaux. J'en conclus qu'il n'existe aucune vision claire de ce que devrait être la nature de notre fédération. Est-ce une fédération fortement centralisée dans laquelle le gouvernement fédéral peut transférer de l'argent aux provinces en les obligeant à rendre des comptes? C'est une façon de voir la fédération. Ce n'est pas une vision des choses qui est bonne ou mauvaise. C'est simplement une façon de voir les choses. Certains d'entre vous y souscrivent; d'autres non. D'autres encore diront que ce n'est pas conforme à la Constitution, que ce n'est pas la nature du pacte constitutionnel du Canada.

Un sénateur a dit tout à l'heure que c'était de la politique. C'est en effet de la politique au sens le plus noble. Ce qui est en cause, c'est la vision de la fédération à laquelle vous souscrivez personnellement, ou à laquelle certains de vos collègues souscrivent.

Je dirais que depuis 20 ou 25 ans, on n'a pas une idée claire et précise de la nature de notre fédération. On voit les gouvernements adopter des positions changeantes sur ces questions, comme en témoigne les plus récents accords conclus en matière de santé, prévoyant des transferts plus ou moins conditionnels, quand on a débloqué des fonds additionnels pour les soins de santé.

Encore une fois, c'est certainement conforme au message de la vérificatrice générale, selon laquelle il faut que l'on rende mieux compte de la manière dont est dépensé l'argent que vous transférez aux provinces. Une autre question qui se pose, c'est de savoir si c'est compatible avec les dispositions de la Constitution et je soupçonne qu'il y a des divergences d'opinions là-dessus. C'est assurément l'esprit de la Constitution.

Je suis bon pour poser des questions auxquelles je n'ai pas de réponses. Tout ce que je sais, c'est qu'il y a au Canada des opinions contradictoires sur ces questions.

Le sénateur Hubley: Vous persistez à dire qu'il faudrait réexaminer les formules de la péréquation, ainsi que les objectifs que nous voulons atteindre, et cetera? Je pense que vous avez dit que c'était le rôle du Parlement et du gouvernement de faire cela.

M. Lazar: Je suis personnellement d'avis que ce que le Parlement pourrait faire de plus utile, c'est de s'assurer que les objectifs sont clairs et de savoir si les objectifs sont atteints. Quant à savoir si vous voulez concevoir le programme dans ses moindres détails — on dit toujours que c'est quand on entre dans les détails que les difficultés surgissent. Le Parlement adopte des mesures fiscales qui sont très détaillées; les arrangements financiers sont très détaillés.

Vous voudrez peut-être discuter entre vous pour décider s'il serait préférable de vous attarder aux détails techniques et d'aider le ministère des Finances fédéral à ne pas se tromper dans les moindres détails, ou bien s'il serait mieux pour vous de vous concentrer sur les objectifs et de mettre le ministère des Finances sur la sellette pour s'assurer que les objectifs en question sont atteints. C'est la question que je vous pose.

Évidemment, je suggère une réponse à cette question en la posant. Cependant, c'est évidemment à vous d'en décider.

Le président: Professeur Lazar, au sujet des mesures de performance possibles, avez-vous réfléchi à ce quelles pourraient être et à la manière dont nous pourrions nous y prendre dans le dossier de la péréquation?

M. Lazar: La réponse est non, pas d'une manière assez détaillée pour vous être vraiment utile.

Cependant, vous pouvez ou bien tenter d'établir des indicateurs de performance détaillés et spécifiques — je vais vous donner un exemple de ce que je veux dire par là dans un instant — ou bien essayer de procéder par approximation, en utilisant des indicateurs démographiques.

Je vais m'écarter un instant du contexte canadien. En Afrique du Sud, où il existe un programme de péréquation et une commission relativement indépendante, même si l'existence de la commission est prévue dans la Constitution, c'est assez simple de savoir quel type d'indicateurs il faut rechercher. Par exemple, quelle proportion des gens ont de l'eau potable ou de l'électricité, et cetera? Nous n'en sommes pas à une étape de notre développement où les différences entre régions peuvent être tellement marquées et frappantes qu'il devient facile d'imaginer quels devraient être les indicateurs.

Je peux imaginer pour le Canada des indicateurs qui ont à voir avec la fréquence des bas revenus, par exemple. Une fois qu'on se lance dans cette voie, on se bute à la même complexité technique que pour calculer la capacité fiscale. Si, par contre, vous deviez vous en tenir, tout au moins initialement, à des indicateurs démographiques, vous sauriez alors que si une province a une population beaucoup plus vieille que la moyenne, cette province a des besoins plus grands, toutes choses étant égales par ailleurs. Il est fort probable que si une province compte une plus forte proportion de sa population vivant en milieu rural, cette province a des besoins plus grands. Vous pouvez déblayer le terrain au moyen de tels facteurs démographiques.

Je ne prétends nullement, monsieur le président, être un expert en la matière et je n'y ai pas vraiment réfléchi en profondeur. Je peux toutefois vous recommander de consulter d'autres experts qui ont fait cette réflexion.

Le président: Je pense que nous devons réexaminer cette question de savoir s'il sera possible d'intégrer des mesures quelconques des différents besoins des provinces en termes des programmes qu'elles doivent administrer.

La dernière fois que nous avons étudié la péréquation, Terre-Neuve en particulier — M. Grimes, qui était alors premier ministre de la province, a témoigné devant nous. Je me rappelle très bien que lui-même et ses collaborateurs nous ont parlé de leur immense territoire très faiblement peuplé, de la nécessité d'y installer des hôpitaux et autres installations, ce qui leur coûtait très cher, et ils ajoutaient que c'était injuste d'appliquer une simple norme par habitant pour le TCSPS, par exemple.

L'Île-du-Prince-Édouard a présenté une argumentation très semblable, pour d'autres raisons comme l'âge de la population, et je pense que le sénateur Comeau a signalé que la Nouvelle-Écosse en avait fait autant.

Notre comité a examiné la question et, comme vous l'avez dit dans votre allocution, nous avons fini par renoncer à faire quoi que ce soit. Nous n'arrivions pas à trouver une manière de mesurer tout cela. Chose certaine, nous n'avons pu en arriver à une série de mesures qui nous permettraient d'établir quels seraient les perdants et les gagnants, et nous avons dont dit: «Pas maintenant; nous ne faisons aucune recommandation en ce sens». Si nous faisions faire des études plus approfondies sur la question des besoins, pour alimenter notre discussion, nous changerions probablement d'avis.

Par ailleurs, j'ai lu dans «Money, Politics and Health Care», ouvrage dont France St. Hilaire et vous-même avez dirigé la rédaction — c'était pour la commission Romanow —, un article dont je recommande la lecture aux membres du comité et qui a été écrit par votre collègue, le professeur Keith Banting et par le professeur Robin Boadway. Les auteurs disent qu'il faut tenir compte des besoins dans la répartition des fonds aux provinces au moyen du TCSPS. Ils disent, par exemple: «Les provinces peuvent également avoir des besoins différents en matière de services publics en ce sens qu'on y observe des différences dans la composition des populations visées par les principaux services publics. Dans le cas des soins de santé, il y a une différence systématique dans le coût de la prestation des services à des personnes différentes sur le plan de l'âge et d'autres caractéristiques».

L'auteur mentionne par exemple les provinces qui comptent un grand nombre d'Autochtones vivant hors réserve, et cetera, et aussi certaines provinces qui sont représentées autour de cette table et qui comptent une proportion plus élevée que la moyenne de personnes âgées et une population beaucoup plus jeune que le reste du pays.

Les professeurs Banting et Boadway ont déclaré: «Quelques fédérations et d'autres nations ont des services de soins de santé décentralisés qui font exactement cela... et le financement provincial des autorités régionales en matière de santé est normalement fondé sur un indicateur des besoins». Ils ont aussi déclaré: «La répartition pourrait être déterminée au moyen de la même approche représentative suivie dans le système des paiements de péréquation — c'est- à-dire que les besoins en péréquation pourraient être basés sur le coût d'une norme nationale en matière de santé pour différents groupes démographiques et dans lequel les coûts pourraient représenter une certaine moyenne des coûts provinciaux réels».

Pour en venir à votre point de vue constitutionnel: ils estiment qu'un index des besoins défini conjointement par le gouvernement fédéral et les provinces et servant de base à la répartition des transferts fédéraux, pourrait servir à opérationnaliser les principes établis dans le paragraphe 36(1) de la Constitution.

Ce qui nous donne une certaine avance. Je ne sais pas si l'on pourrait le faire dans l'ensemble du programme de péréquation, même si je pense que le comité aimerait étudier cette question. Cependant, il est possible de faire quelque chose de ce genre avec le TCSPS.

M. Lazar: J'ai une ou deux observations à faire. Premièrement, je pense que lorsque les fonctionnaires fédéraux des Finances se présenteront devant vous, en supposant qu'ils le feront, ils soutiendront qu'il y a peut-être des différences de besoins dans le pays, mais que ces différences sont insignifiantes comparées à celles dans la capacité fiscale à cause de la répartition inégale des recettes de l'exploitation des ressources et que cela ne vaut pas la peine. À mon avis, cela vaut la peine.

Deuxièmement, presque tous les pays au monde qui ont des programmes de péréquation y ont inclus un élément des besoins en dépenses. Nous sommes un cas particulier. Le professeur Boadway vous a lu ma déclaration avant que je ne l'aie envoyée et nous en avons discutée. Il en sait probablement plus que moi à ce sujet. Je vous recommande de l'inviter si vous voulez ne savoir plus sur cette question. Je reconnais qui a écrit des parties de ce chapitre. Il a certainement travaillé beaucoup plus que moi sur la question. Vous découvrirez, pas seulement dans ce chapitre, mais aussi tout au long du livre, une référence à l'inclusion d'un élément des besoins. Il m'a convaincu.

Certains d'entre vous présument que si un besoin est inclus, votre province peut faire mieux. Elle peut aussi ne pas faire mieux.

Le président: Oui — et c'est un problème. Nous voulons savoir qui seront les gagnants et qui seront les perdants.

M. Lazar: Je comprends. Je suis seulement un observateur.

Le sénateur Mercer: Il vaudrait mieux que la Nouvelle-Écosse ne soit pas perdante.

M. Lazar: On finira probablement par un cas de figure dans lequel ceux dont la situation s'améliore seront bénéficiaires et ceux dont la situation s'aggrave resteront à leur place. Personne ne perd et très peu de gens gagnent.

En dehors de votre rôle de représentants des points de vue des provinces, il y a aussi une plus grande question, celle de savoir si ce programme donne les résultats prévus. Tant que vous n'aurez les réponses à ces questions, vous ne connaîtrez pas la réponse. Je ne connais pas la réponse. Je ne veux même pas faire croire que je la connais.

Les questions que je vous ai posées aujourd'hui ne sont pas des questions que quelqu'un poserait s'il croyait en connaître les réponses et qu'il essaierait de mener à ces réponses. Il y a des éléments qui me préoccupent en tant que chercheur et il n'y a pas de raccourci.

Le professeur Boadway y a pensé, mais je vous parie qu'il ne vous dira pas quelles provinces en sortiront gagnantes ou perdantes. Il vous dira «Je dois étudier cette question» ou bien quelqu'un doit faire ce travail.

Le président: Savoir si le programme fonctionne comme il le devrait est, à votre avis, une conclusion à laquelle nous pourrions arriver si nous avions les bonnes mesures du rendement.

Au sujet du point de vue constitutionnel, monsieur Lazar, je sais que parmi les provinces, des bruits courent disant que le gouvernement fédéral enfreint peut-être le paragraphe 36(1). Par exemple, elles signalent que dans les statistiques, que vous avez mentionnées dans votre déclaration préliminaire, la proportion de la richesse du pays, du PIB, utilisée aujourd'hui dans la péréquation est considérablement plus faible qu'il y a quelques années.

J'ai, devant moi, le Plan budgétaire. Le tableau, à la page 277, indique que les droits à péréquation des différentes provinces pour le nouvel exercice 2004-2005 générera moins d'argent, et dans quelques cas beaucoup moins d'argent, pour la plupart des provinces bénéficiaires qu'il y a quatre ou cinq ans.

Elles signalent aussi le fait, auquel on a fait allusion ici et sur lequel je reviendrai plus tard si j'en ai l'occasion, que bien que la péréquation joue un rôle plus petit dans le contexte global, le gouvernement fédéral, par sa capacité de dépenser, verse directement toutes sortes de sommes à des individus, des institutions, et cetera. Je reviendrai sur ce point plus tard.

Au sujet du point de vue constitutionnel, un de vos collègues universitaires ou d'autres personnes vous ont-ils suggéré que toutes les provinces ou chacune d'entre elles aurait une cause défendable ou gagnée d'avance à présenter à la Cour suprême du Canada?

M. Lazar: On ne m'a rien dit à ce sujet, monsieur le président.

Le président: N'est-ce pas un problème?

M. Lazar: Je ne dis pas cela, je n'ai pas beaucoup de contact avec les avocats de droit constitutionnel.

Le président: Nous pourrons utiliser les services d'un expert ou deux sur cette question.

Un dernier point, puisque quelqu'un l'a soulevé ici. La question de la visibilité fédérale est essentielle. À mon avis, c'est elle qui guide et a guidé pendant de nombreuses années la politique fédérale en matière de relations fiscales fédérales-provinciales, y compris la péréquation.

Nous avons eu ce débat il y a 21 ans, je crois que c'était avec ce comité; notre présent collègue qui était ministre de l'Expansion industrielle régionale à l'époque, Pierre De Bané, avait témoigné. Je ne me souviens plus exactement dans quel contexte, mais il avait fortement insisté sur le fait que la visibilité fédérale était nécessaire. Je crois pouvoir dire, sans me tromper, que c'est le Québec qui a vraiment soulevé le problème de la visibilité.

Je vais tenter quelque chose ici avec mes collègues. Dans le cas du Québec, il n'y a pas simplement des tensions naturelles et évidentes entre deux ordres de gouvernement, mais aussi, quelques fois entre le gouvernement fédéral à Ottawa et un gouvernement dans la ville de Québec qui est décidé à retirer le Québec de la fédération.

La question de la visibilité devient absolument cruciale dans l'esprit des dirigeants du gouvernement fédéral. Ils s'en servent également ailleurs.

Ma théorie, qui est contestée par beaucoup de gens, et qui peut être contestée aussi à cette table par trois ou quatre personnes, est que dans les autres provinces ce problème n'est pas aussi grand que le gouvernement le croît.

Sénateur Mercer, si dans votre province, où je suis né, vous deviez demander à des gens suffisamment informés — et la plupart des gens en Nouvelle-Écosse sont suffisamment informés — la part du budget à Halifax qui provient en fait d'Ottawa, du trésor fédéral, sous une forme ou une autre de transfert, la plupart des gens en Nouvelle-Écosse vous donneraient un chiffre assez proche du chiffre réel.

Le sénateur Banks: Ce chiffre est de 38 p. 100.

Le président: Je crois que la plupart d'entre eux vous donneraient ce chiffre ou un chiffre supérieur. Je ne crois pas que les gens en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, tels que je les connais, ou à l'Île-du-Prince-Édouard ou à Terre-Neuve — les provinces bénéficiaires que je connais le mieux — aient du tout l'illusion que leurs gouvernements provinciaux perçoivent tout l'argent qui est utilisé pour les programmes et les services dans ces provinces.

Le sénateur Mercer: Leur première réponse, monsieur le président, serait «pas assez». La seconde réponse se situerait effectivement autour de ce chiffre.

Cependant, pour revenir à ce que je disais au départ dans ma question, ce ne sont pas les 11 personnes qui représenteront le parti au pouvoir dans la campagne. Si c'était le contraire, s'il y a 11 conservateurs la prochaine fois ou bien 11 néo-démocrates, ils devront défendre ce que le gouvernement a fait.

Bien que le Néo-écossais bien informé puisse deviner 30 ou à 40 p. 100, la question à laquelle il ou elle veut une réponse — toutes les politiques servent des intérêts locaux — pour citer Jeremy Ackerman, est la suivante: «Qu'avez- vous fait pour moi dernièrement?» Quand un candidat vient frapper à une porte et qu'on lui demande «Qu'avez-vous fait pour votre communauté?» Si le candidat indique l'hôpital au bas de la rue et dit «Nous avons versé un montant donné de dollars pour les soins de santé et cela sert à financer cet hôpital» — cela ne veut rien dire. Et c'est un problème pour les politiciens fédéraux car ils travaillent durs pour essayer de fournir des programmes.

Si vous travaillez pour assurer que les programmes sont fournis à votre province, puis à votre région dans votre province, quelle que soit votre allégeance politique, vous devriez être félicité pour ce travail, car c'est la raison pour laquelle on vous a envoyé ici.

Le président: C'est vrai.

Je voudrais dire à M. Lazar et à certains téléspectateurs qui pourraient ne pas le reconnaître que le sénateur Mercer vient de quitter ses fonctions de directeur national du Parti libéral du Canada et qu'il est originaire de la Nouvelle- Écosse. Le monsieur Akerman qu'il a cité est un leader unique du NPD dans cette province.

Toutefois, la plupart des gens savent que le gouvernement fédéral offre beaucoup de moyens aux gouvernements de ces provinces. L'argument soutenu par les provinces concernant les soins de santé et la péréquation, dans lesquels la contribution fédérale n'est pas assez visible, est que le gouvernement fédéral par sa capacité de dépenser, s'implique dans des choses comme les bourses du millénaire, la recherche, les fondations, et Dieu sait quoi d'autre, où il peut hisser le drapeau et être très visible. On pourrait dire que cela allège la pression que subit le gouvernement provincial dans certains de ces secteurs. Cependant, le fédéral essaie en même temps d'établir les programmes principaux de l'enseignement post-secondaire, de la santé et de la péréquation en dépensant le minimum. Voilà le reproche.

Le sénateur Mercer: Monsieur le président, si vous demandez à des Canadiens, de Toronto ou de Calgary, qui ne reçoivent pas de paiements de péréquation, ce que le gouvernement fédéral dépense dans leur province, leur ville, leur village, ou leur région, le problème est encore plus grave là-bas.

Ce n'est pas un problème qui intéresse seulement les politiciens, mais aussi le gouvernement en général, car la visibilité du gouvernement fédéral dans des villes comme Toronto ou Calgary est minuscule parce que la situation y est bonne. Ils savent que de l'argent sort et que les paiements de péréquation n'entrent pas, mais qu'il y a des transferts d'argent et il est très difficile pour eux de comprendre.

C'est une bonne discussion philosophique, mais je rejoins le sénateur Comeau pour dire que nous sommes peut-être hors sujet.

Le sénateur Comeau: Professeur, vous avez entendu, ce soir, plusieurs de nos points de vue sur ce sujet. Nous venons d'avoir une discussion pour savoir qui faut-il féliciter pour l'argent dépensé par le gouvernement fédéral. Le sénateur Banks en a parlé du point de vue de l'Alberta, que je comprends bien, car je l'ai entendu sous de nombreuses formes et l'Alberta, comme nous le savons tous contribue à la péréquation. Le sénateur Ringuette a aussi parlé de la reddition de comptes.

Franchement, je ne suis pas du tout concerné, si, lorsque l'argent est transféré à une province, cette province décide d'autoriser un hôpital à acheter une tondeuse à gazon au lieu d'une IRM. En tant que parlementaires fédéraux, nous devons tenir compte de ce fait, c'est-à-dire que certains veulent être en mesure de dire aux provinces de quelle façon l'argent versé par le gouvernement fédéral doit être dépensé. Nous, en tant que politiciens fédéraux, devons en être conscients. Nous devons déterminer si les provinces peuvent accepter une telle situation.

Je voudrais revenir à votre expertise, monsieur. Vous avez suggéré que nous devrions déterminer si la formule en vigueur répond aux besoins prévus dans la Constitution. Le comité pourrait examiner deux domaines. Devrions-nous examiner les transferts de péréquation dans une colonne et les mesures des transferts de péréquation dans une autre colonne?

Autrement dit, devrions-nous complètement séparer les deux en espérant les fusionner à l'avenir?

M. Lazar: Je ne suis complètement sûr de vous suivre, bien que je crois que je vous suis.

Je suggérais, pour être fidèle aux dispositions constitutionnelles, qu'il est approprié de conserver la partie concernant la partie de la capacité fiscale des lois en matière de péréquation sous sa forme actuelle ou une variante selon ce que le Parlement juge approprié. En outre, je pense qu'il devrait y avoir dans une colonne séparée, pour reprendre votre mot, sénateur, un moyen de déterminer si les exigences de services à travers le pays sont comparables, puis elles devraient être fusionnées, à mon avis. Pour répéter ce que j'ai dit plus tôt, cela peut être complexe, ce n'est pourtant pas si compliqué puisque la plupart des programmes de péréquation dans le monde le font.

L'autre jour dans mon bureau, j'ai eu un visiteur de Russie qui m'a dit «Nous venons de commencer la péréquation, mais nous avons une capacité fiscale et des besoins en dépenses dans notre formule. Pourquoi pas vous»? Il se grattait la tête en essayant de comprendre, car cela lui paraissait si évident.

Le sénateur Comeau: Il y a quelques années que je suis à Ottawa. Je suis gêné par la discussion que nous avons eue tout à l'heure au sujet du mérite à attribuer aux fédéraux pour les bonnes choses qu'ils ont faites. Donc, si le gouvernement fédéral dépense un montant donné de dollars dans un hôpital, les députés sont prêts à porter la bannière, ils ne sont pourtant jamais prêts à accepter les aspects négatifs de ce qui s'est passé au cours des années.

Par exemple, nous savons qu'à Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse, dans l'Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau- Brunswick et probablement dans quelques autres provinces, il y a une immigration nette de jeunes vers des provinces plus riches. Je n'ai jamais vu cela inclus comme un point négatif dans n'importe quelle formule. Certains font trop de zèle pour s'attribuer le mérite sans accepter les aspects négatifs.

Cet exemple est l'un des aspects négatifs qui doit être calculé dans une formule. En d'autres mots, le fait que nos plus jeunes partent vers des provinces plus riches et laissent dans ces provinces une population plus âgée devrait faire partie de la formule, n'est-ce pas?

M. Lazar: Les conséquences démographiques de cette immigration seraient indiquées dans la formule, du moins dans la façon que je vous avais suggéré, en tenant compte de la démographie.

À un niveau un peu plus technique, si, lors d'une année particulière, la population d'une province est de un million de personnes, puis que 10 ans plus tard elle est de 950 000, il devrait être important de savoir ce que sont devenus les revenus moyens du reste de la population. Si les revenus moyens ont diminué, cela veut dire que les personnes les plus douées, les plus compétentes et les plus professionnelles ont quitté la province. En revanche, si les revenus moyens des gens qui sont restés dans la province augmentent comparativement à ceux du reste du pays, cela ne veut pas dire que les gens les plus doués ont quitté la province.

Dans le contexte de la péréquation, la diminution des populations peut ou non être un signe que quelque chose ne va pas dans le programme. Pour arriver à une conclusion, Il nous faut plus de renseignements au lieu de simplement savoir que la population diminue. Si, par exemple, la population de Saskatchewan diminuait, mais que son revenu moyen augmentait aussi vite ou plus vite que celui du reste du pays, on ne peut pas dire quelque chose ne va pas avec le programme de péréquation.

Le sénateur Comeau: Sauf si c'est le résultat de gens qui retournent pour leur retraite. Les données démographiques montreront donc un vieillissement de la population avec un plus grand besoin de services de santé et moins de jeunes gens pour prendre la relève.

M. Lazar: Je suis d'accord.

Le sénateur Comeau: Il faut examiner soigneusement les chiffres.

M. Lazar: Absolument.

Le sénateur Comeau: Vous avez dit que les commissions en Afrique du Sud, en Australie et en Inde sont indépendantes. Que voulez-vous dire par indépendante? Comment se crée une telle commission?

M. Lazar: Je ne suis pas aussi bien informé que je le voudrais car j'aurais voulu répondre à votre question. Cependant, en ce qui concerne l'Inde et l'Australie, les recommandations des commissions sont presque toujours acceptées. Elles ne sont pas très contestées politiquement.

J'ai récemment parlé à un Canadien qui a travaillé pendant neuf mois au Trésor australien et qui m'a dit qu'il en savait plus sur la péréquation en Australie que n'importe qui au Trésor car tout le travail était fait par la commission. Ils s'en sont pratiquement lavé les mains et la question est traitée ailleurs.

En Afrique du Sud, la commission a moins de succès pour faire accepter ses recommandations. Je promets d'envoyer plus de renseignements au comité à ce sujet.

Le sénateur Comeau: Un de mes collègues d'en face a demandé comment une commission indépendante est nommée. C'est un peu de la même façon que nous nommons un conseiller sénatorial en éthique sur la Colline. Le premier ministre nomme une personne et nous avons un conseiller indépendant.

C'est une blague d'initiés.

M. Lazar: Pas autant que ça.

Le président: Je présume que la commission en Australie travaille à temps plein.

M. Lazar: Elle dispose d'un énorme personnel. Des commissionnaires sont nommés et il y a un personnel professionnel. Je me suis laissé dire que les commissionnaires sont des personnes éminentes au lieu de technocrates, même si un technocrate peut être éminent. Le personnel professionnel est chargé de faire tous les calculs.

Le président: Est-ce que les membres nommés par les États le font?

M. Lazar: Je crois que c'est moitié-moitié, mais je peux me tromper.

Le sénateur Banks: Ce n'était ni une plaisanterie à caractère privé ni une blague.

Ainsi que l'a dit le sénateur Comeau je viens de l'Alberta. Je suis très fier des contributions de l'Alberta à la Confédération. J'espère que nous pourrons tous, comme j'essaie de le faire, éloigné de notre esprit cette idée qu'il y a des provinces donatrices d'un côté et des provinces bénéficiaires de l'autre.

Ce n'est pas ainsi que fonctionne la péréquation. Il y a des provinces bénéficiaires. Cependant, tous les contribuables contribuent, et ils contribuent tous de la même façon, peu importe leur province de résidence. La péréquation se base, comme vous l'avez dit, sur la capacité fiscale présumée d'une province. Cette ligne fluctue. Le fait que les provinces se rapprochent de cette ligne et donc qu'elles ont moins besoin d'argent — ainsi que vous l'avez suggéré dans la première partie de votre déclaration — est positif.

J'espère que nous nous débarrasserons de l'idée qu'il y a des provinces donatrices et des provinces bénéficiaires. Il y a des provinces bénéficiaires, mais tous les particuliers dans toutes les provinces contribuent.

Je voudrais pénétrer dans les vastes terres ensoleillées de l'altruisme et m'éloigner des questions de crédit se rapportant aux points forts. Les conditions rattachées aux transferts ont d'autres raisons que cela. J'aimerais que vous fassiez une observation hypothétique sur une hypothèse hypothétique. Ce n'est pas complètement hypothétique.

En ce qui concerne les soins de santé, des points d'impôt, comme nous les appelons, ont été transférés. En d'autres mots, le gouvernement du Canada a créé un créneau dans lequel les provinces ont gagné de l'envergure, ce que nous qualifions de points d'impôts qui ont été transférés aux provinces et oubliés.

Si nous disions — pour suivre votre logique, que lorsque nous empiétons sur ce qui est clairement des responsabilités provinciales en envoyant de l'argent sous certaines conditions. En ce qui concerne particulièrement les soins de santé, si nous disions, «nous nous retirons complètement de cette affaire; nous allons transférer aux provinces tous les points d'impôts nécessaires sur la base d'un accord conclu» — autrement dit, les provinces recevraient tout l'argent réservé à la santé et le dépenseraient comme bon leur semblerait. Ce cas de figure ne mettrait-il pas fin aux normes nationales puisque l'on ne disposerait plus de critère pour dire que le niveau des soins de santé à Halifax devrait correspondre à celui de Victoria?

Je crois que la seule raison d'être de cette attente est que le gouvernement du Canada a établi les principes fondamentaux de la Loi canadienne sur la santé qui stipule que l'argent sera versé à condition que les provinces respectent ces principes. Si nous y renonçons, il n'y aura plus de normes nationales pour les soins de santé. N'est-ce pas?

M. Lazar: Je vous ai déjà dit que je n'ai pas les compétences requises pour me porter candidat. Si je les avais, je vous dirais que je ne répondrais pas à une question hypothétique. Cependant, puisque je...

Le sénateur Banks: Ni vous ni moi avons besoin d'être élus.

M. Lazar: Cette question particulière m'a profondément troublé. Je présume et je crains que votre supposition soit probablement correcte. Ces derniers jours, je pense à ces questions d'une manière quelque peu différente. Il se peut très bien que vous ayez raison.

Je me demande si les prochaines discussions sur les soins de santé, qui devraient se tenir cet été, si l'on s'en tient à la promesse du premier ministre et en supposant que certains événements politiques se déroulent, ont lieu et aboutissent à un autre cessez-le-feu plutôt qu'à un traité de paix, le système auquel vous attachez tant de prix peut se détériorer au point de diminuer peut-être la fierté à avoir des normes nationales car ces normes peuvent ne pas toutes être bien respectées.

Il est important que les prochaines discussions ne soient pas menées avec précipitation. Je ne serais pas mécontent de voir le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux en débattre pendant 12 ou 18 mois pour négocier des ententes à long terme qui seront vraiment durables, pour utiliser les mots du premier ministre. Il n'y a aucune raison pour que ces discussions soient faciles. Il y a tant de problèmes en jeu.

Ces discussions devraient aboutir — j'ai utilisé le terme «traité de paix», dans le sens où ce problème pourrait être réglé pour une décennie.

Avant le dernier accord sur la santé, je disais naïvement que les premiers ministres commenceraient à quitter la table de négociations au bout de deux ou trois mois. Je m'étais trompé. Il ne leur a fallu que deux ou trois minutes. Ils ont déclaré que les accords étaient identiques aux précédents, envoyez l'argent. Ils ont tenu une conférence de presse car ils avaient besoin d'argent.

Si cela devait se répéter, alors, ce à quoi vous tenez tant peut être perdu d'une autre façon. Peut-être que la Loi canadienne sur la santé subsistera. Peut-être que le gouvernement fédéral versera de l'argent aux provinces sous certaines conditions, y compris les cinq dispositions de la Loi canadienne sur la santé.

À mon avis, tant qu'il n'y aura pas un cadre financier en place, les provinces n'arriveront pas à s'attaquer aux problèmes très difficiles qu'elles doivent affronter. Tant qu'elles estimeront qu'il y a un ou deux ou trois milliards de dollars qu'elles peuvent obtenir si elles insistent suffisamment, il n'y aura pas de reddition de comptes. Elles seront en mesure de dire que le gouvernement fédéral n'a pas versé suffisamment d'argent. Les deux parties feront, d'une façon ou d'une autre, des campagnes publicitaires ridicules.

Je suis en train d'improviser maintenant. Tout à l'heure, vous avez fait allusion au fait que l'on n'a pas loué le gouvernement fédéral pour les transferts d'impôt, et cetera. Je me suis déplacé partout et j'ai fait la publicité du livre mentionné par le sénateur Murray. J'ai dit au public: si vous voulez connaître la contribution du gouvernement fédéral aux soins de santé, il y a un numérateur, un dénominateur et une ligne entre les deux; le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux se sont mis d'accord sur la ligne.

Je comprends très bien le côté technique de la question. La publicité faite par les premiers ministres est assez trompeuse. La publicité implicite qui est faite dans le site Web des Finances est également trompeuse.

Les deux ordres de gouvernement se sont piégés. Ils se trouvent dans une situation dans laquelle aucun des deux ne peut céder. Cette affaire ne sera pas réglée par des hauts fonctionnaires. Elle doit être réglée au plus haut niveau. Il faut un nouveau contrat politique. Il faudra peut-être 12 ou 18 mois pour en venir à bout. Si l'on n'y arrive pas, je crains que ce que vous craignez n'arrive sous une autre forme.

Le président: Pour quelles raisons, au sein d'une fédération, les normes devraient être imposées par le gouvernement fédéral au moyen d'une loi du Parlement? Pour quelles raisons, les normes ne pourraient-elles pas être négociées entre les provinces et le gouvernement fédéral?

Dans le cas de ces cinq principes de la Loi canadienne sur la santé, pourquoi ne peuvent-ils pas, ensemble, arriver à une définition de l'intégralité, de l'accessibilité, etc? Pourquoi cela devrait simplement être une loi du Parlement?

M. Lazar: Si nous n'avions pas la Loi canadienne sur la santé et le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux et si nous tentions de les inclure dans l'Entente cadre sur l'Union sociale, il nous faudrait obtenir l'accord des provinces.

Le président: Sept/50.

M. Lazar: Moins que cela. Six sans chiffre de population, ce qui est bizarre, mais on peut en parler une autre fois.

La deuxième chose — cela se rapporte à la question du sénateur Banks et je vais être hypothétique — est que je peux imaginer un monde dans lequel toutes les provinces ont adopté des lois identiques et ont incorporé les dispositions d'une loi sur la santé négociée pour tout le Canada dans leurs propres lois et qu'elles maintiennent leurs efforts.

Toutefois, si vous voulez vous en tenir au cadre du sénateur Banks, il faut un décideur. En considérant les mesures prises par le gouvernement fédéral ces dernières années — que la vice-première ministre MacLellan a élaborées quand elle était ministre de la Santé — qui permettent aux tiers de participer au règlement des différends avant que le gouvernement fédéral prenne ses décisions — si le gouvernement fédéral prend une décision à l'encontre d'une province malgré le fait qu'il n'est pas soutenu par un tiers, c'est un jeu très risqué pour le gouvernement fédéral.

Nous avons commandé une étude à ce sujet, qui se trouve dans l'un de nos autres volumes, l'auteur de ce volume a conclu qu'en fin de compte, il faut un décideur.

Je pourrais certainement envisager un monde dans lequel une loi comme la Loi canadienne sur la santé, que ce soit seulement la Loi canadienne sur la santé ou 11 provinces qui adoptent une mesure législative identique afin que les Albertains mettent effectivement en application la Loi albertaine sur la santé et que les résidents de la Saskatchewan fassent de même, mais que c'est la même loi de province à province. Je peux imaginer cela, mais je ne suis pas encore sûr que ce soit pratique dans le monde réel de la politique.

C'est mon point de vue, mais si vous voulez vraiment être sûr qu'il y a un cadre pancanadien, vous aurez probablement besoin de quelqu'un qui puisse trancher, quelqu'un qui puisse décider quand il y a égalité des voix et ce quelqu'un devra probablement être le gouvernement fédéral.

Le président: Nous avons pris un bon départ avec vous, professeur Lazar. Merci.

La séance est levée.


Haut de page