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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 6 - Témoignages du 21 avril 2004


OTTAWA, le 21 avril 2004

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui à 16 h 10 pour étudier le projet de loi S-6, Loi modifiant le Code criminel (loteries)

Le sénateur George J. Furey (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président: Honorables sénateurs, aujourd'hui nous poursuivons notre étude du projet de loi S-6, Loi modifiant le Code criminel (loteries).

[Traduction]

Notre témoin aujourd'hui est M. Hal Pruden du ministère de la Justice.

M. Pruden nous présentera un bref exposé qui sera suivi par quelques questions des sénateurs.

M. Hal Pruden, avocat, ministère de la Justice: Le régime général des dispositions du Code criminel ayant trait aux jeux de hasard consiste à interdire toutes les formes de jeu sauf celles qui sont spécifiquement autorisées par le Code. L'article 204 autorise les paris privés entre des particuliers qui ne se livrent d'aucune façon à l'entreprise de parieurs. Il autorise les systèmes de pari mutuel sur les courses de chevaux lorsque le ministre fédéral de l'Agriculture réglemente ces paris.

L'article 207 autorise un large éventail de «loteries», qui comprennent diverses formes de loteries, de jeux et de paris collectifs, exploitées par le gouvernement d'une province ou d'un territoire, notamment celles qui fonctionnent par dispositif électronique de visualisation, les appareils à sous, les jeux sur ordinateur et les jeux de dés. L'article 207 autorise aussi un éventail plus réduit de loteries et de jeux qui sont exploités par des organismes ayant reçu une licence du gouvernement d'une province ou d'un territoire, par exemple les organismes de charité, sauf ceux qui fonctionnent par dispositif électronique de visualisation, les appareils à sous, les jeux sur ordinateur et les jeux de dés. L'article 207.1 autorise, à certaines conditions, un large éventail de loteries et de jeux qui sont exploités sur les navires de croisière en voyage international.

Avant 1969, au Canada, les jeux de hasard légaux se limitaient surtout aux paris mutuels sur les courses de chevaux et à certains jeux de hasard à faible mise organisés par des organismes de charité. Un comité parlementaire mixte spécial avait envisagé la possibilité de légaliser un plus grand nombre de jeux de hasard dans les années 50. La légalisation d'une loterie d'État au New Hampshire en 1964 a ravivé l'intérêt envers les loteries dans toute l'Amérique du Nord.

C'est ainsi qu'en 1969, le Canada a modifié le Code criminel en vue de permettre les loteries exploitées par le gouvernement fédéral, les loteries exploitées par le gouvernement provincial et les loteries autorisées par un gouvernement provincial ou territorial. Le Code criminel n'a jamais prévu de loteries autorisées par le gouvernement fédéral. Il est manifeste que le législateur fédéral avait décidé de légaliser un plus grand nombre de jeux de hasard à condition que les produits profitent à «des bonnes causes», notamment aux gouvernements, plutôt qu'à des intérêts privés et commerciaux.

En 1979, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux ont signé une entente par laquelle le Canada s'engageait à ne pas exploiter de loterie, en échange de quoi il recevrait ce qui représente aujourd'hui quelque 50 millions de dollars par année. En 1983, le législateur fédéral a modifié le Code criminel afin d'autoriser «l'exploitation de paris collectifs» par le gouvernement fédéral.

Ce changement a donné lieu à un contentieux: d'une part, les provinces prétendaient que, en réalité, c'était une loterie que le gouvernement fédéral exploitait et, d'autre part, le gouvernement fédéral prétendait que le Québec exploitait un système de paris collectifs. Le gouvernement canadien et les gouvernements provinciaux et territoriaux ont réglé ce contentieux en signant l'entente de 1985 sur les jeux de hasard. Aux termes de celles-ci, le gouvernement fédéral convenait de saisir le Parlement d'un texte législatif qui retirerait au gouvernement fédéral son pouvoir en matière de loteries et de paris collectifs tout en autorisant explicitement les provinces et les territoires à exploiter des loteries, des paris collectifs et d'autres jeux de hasard.

La modification de 1985 précisait aussi que les provinces pouvaient exploiter elles-mêmes des loteries ou des jeux de hasard fonctionnant par dispositif électronique de visualisation, des appareils à sous ou des loteries informatisées, mais qu'elles ne pouvaient pas accorder de licences d'exploitation à cette fin. Les provinces et les territoires ont convenu de donner au gouvernement fédéral 100 millions de dollars pour les Jeux olympiques de Calgary de 1988 et de continuer à verser les paiements annuels prévus à l'entente de 1979. Une modification apportée au Code criminel en 1999 a autorisé les jeux de dés exploités par les provinces ou les territoires.

Les dispositions de l'article 207 sur les loteries expriment la politique actuelle du gouvernement fédéral. Les gouvernements des provinces et des territoires sont libres de décider du genre de loteries qu'ils veulent exploiter ou concéder à d'autres organismes, dans les limites fixées par le Code criminel.

Certaines provinces ont décidé d'ouvrir des casinos, d'autres non. C'est la province ou le territoire qui détermine la nature des jeux et des loteries qu'il ou elle autorise. À ce jour, seuls les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut ont décidé de ne mettre en service aucun appareil à sous (y compris les ALV). La Colombie-Britannique, l'Ontario et le Yukon ont décidé de ne pas autoriser les ALV dans les bars, mais d'autoriser les appareils à sous dans les casinos.

Certaines provinces, notamment l'Alberta, le Manitoba et le Nouveau-Brunswick, ont organisé des référendums provinciaux ou municipaux au sujet de l'interdiction des ALV dans les bars. Aucune province n'a retiré les appareils à sous de tous les bars à la suite d'un référendum, mais certaines municipalités ayant tenu un référendum l'ont fait sur leur territoire. Certaines provinces ont décidé de limiter le nombre d'ALV mis en service sur leur territoire, comme c'est le cas au Québec. Il est évident que les référendums provinciaux et municipaux ont fait ressortir le conflit entre, d'une part, le problème du jeu compulsif, et d'autre part, le respect des libertés individuelles et l'importance des recettes que peuvent tirer les provinces de ces activités.

Le projet de loi S-6 vise à modifier en profondeur la politique actuelle du gouvernement fédéral en matière de loterie, exprimée dans les dispositions du Code criminel. Il est à prévoir que le projet de loi S-6 aura une incidence économique sur les provinces et les territoires et sur les relations fédérales-provinciales-territoriales compte tenu des ententes fédérales-provinciales-territoriales de 1979 et de 1985 sur les jeux de hasard.

Selon les avis juridiques du ministère de la Justice, aux termes du projet de loi S-6, les provinces ne pourront plus exploiter des «loteries» sur les appareils de loterie vidéo (communément appelés «ALV», lesquels constituent une variété d'appareils à sous) ailleurs que dans un «hippodrome [ou] des lieux consacrés aux activités de jeux». Or, le projet de loi ne définit pas «lieux consacrés aux activités de jeux» et ne fixe aucune limite concernant la taille de ces lieux ou le nombre d'ALV.

Avec le projet de loi S-6, les provinces pourraient continuer de mettre des ALV dans les hippodromes et les casinos ainsi que dans tout autre endroit consacré au jeu. On peut imaginer un petit local dans un centre commercial qui serait consacré aux ALV. Les locaux à usages multiples, comme les bars, ne pourront servir aux ALV exploités par le gouvernement des provinces.

De plus, dans sa formulation actuelle, le projet de loi n'autorise ni les paris automatisés ni les jeux de dés ailleurs que dans des locaux spécifiquement désignés pour le jeu.

À l'heure actuelle, les provinces et les territoires ne se servent pas d'Internet pour exploiter la vente de billets de loterie, les paris collectifs ou les jeux de casino; cependant, le projet de loi leur retire cette possibilité. Il est aussi possible de soutenir que le projet de loi S-6 rend illégale la vente de «mises éclair» informatisées dans les kiosques des centres commerciaux.

Le sénateur Nolin: J'ai une question d'ordre constitutionnel. Est-ce que l'entente conclue après 1991 est conforme à la décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Furtney?

M. Pruden: Je ne crois pas que l'entente aille à l'encontre de la décision de la Cour suprême dans Furtney. Dans cette affaire, les juges ont statué que le Parlement fédéral peut intervenir dans le domaine du jeu, en utilisant son pouvoir de légiférer en droit criminel; et que les provinces peuvent faire de même en application de leur pouvoir de légiférer en matière de propriété et de droits civils.

En concluant l'entente de 1985, le gouvernement fédéral indiquait simplement qu'il allait déposer au Parlement un projet de loi, lequel a été adopté, afin de retirer au gouvernement fédéral son pouvoir d'exploiter un système de loteries, une possibilité dont il jouissait depuis 1969. Comme les systèmes de loterie exploités par les provinces étaient autorisés en vertu du Code criminel depuis 1969, les provinces ont continué d'occuper ce créneau.

Je ne vois aucun problème constitutionnel avec l'entente de 1979 qui indiquait que le gouvernement fédéral pouvait exploiter des systèmes de loteries, mais qu'il ne le ferait pas.

Le sénateur Andreychuk: Comme quelques autres sénateurs, je me souviens d'un temps où il n'y avait que le Sweepstake irlandais, dont on se chuchotait les résultats loin des tribunes publiques. Nous avons transformé le paysage des jeux de hasard au Canada avec les casinos, les ALV et les billets de loterie.

J'ai quelques questions pour vous. Compte tenu des ententes en place, quelle est la situation actuelle au chapitre des ressources? Avez-vous des données quant aux revenus que les provinces tirent des ALV et qui pourraient être éliminés par ce projet de loi? Nous savons que c'est une question de choix individuel et de recettes pour les provinces. Si nous adoptons ce projet de loi, quelles seront les répercussions sur les revenus des provinces? C'est la première partie de ma question.

J'aimerais aussi savoir ce que le gouvernement fédéral retire dans l'ensemble de cet arrangement avec les provinces?

Dans le même ordre d'idées, le système fédéral-provincial, lorsqu'il fonctionne, donne de bons résultats au Canada; nous respectons les pouvoirs et les droits des provinces et nous espérons qu'elles en fassent de même pour les sphères de compétence fédérale.

Y a-t-il eu des discussions avec les instances provinciales quant à l'intention du gouvernement fédéral de leur retirer une partie de ces pouvoirs, comme le ferait le projet de loi S-6? Si le projet de loi est adopté, comment pourriez-vous composer avec une telle situation dans le contexte de l'équilibre délicat auquel nous sommes parvenus au Canada?

M. Pruden: Peut-être devrais-je commencer par le gouvernement fédéral. Comme je l'ai mentionné, le gouvernement fédéral reçoit environ 50 millions de dollars par année des provinces dans le cadre de l'entente conclue en 1978. On parle d'environ 50 millions en dollars actuels, plutôt qu'en dollars de 1978.

Le sénateur Nolin: Que voulez-vous dire?

M. Pruden: Cela équivaut à plus de 50 millions de dollars. Le montant est établi en fonction d'une année antérieure, des dollars de 1979 ou 1980.

Le sénateur Banks: S'agit-il d'un pourcentage?

M. Pruden: Non, c'est un montant fixe.

Le sénateur Banks: Qu'est-ce qui influe sur ce montant?

M. Pruden: C'est la valeur, aux fins de l'illustration, des dollars de 1978, année de signature de l'entente.

À mesure que cette valeur augmente, les paiements annuels au Canada font de même. C'est maintenant environ 50 millions de dollars que le Canada reçoit.

Pour ce qui est des revenus des provinces, je n'ai pas de chiffres totaux. Je sais que Statistique Canada publie de temps à autre des données à ce chapitre, et aussi que la Société de la loterie interprovinciale et d'autres organismes responsables de loteries tiennent des registres à ce sujet. C'est une somme considérable. C'est beaucoup plus que 50 millions de dollars.

Le sénateur Joyal: C'est près d'un milliard de dollars pour les ALV seulement. C'est du domaine public. Nous avons reçu des témoins...

Le sénateur Andreychuk: Je voulais un chiffre plus général; vous disiez que peut-être Statistique Canada pourrait nous le fournir?

M. Pruden: Oui, ou encore la Société de la loterie interprovinciale.

Je veux également répondre à la question concernant les contacts des provinces avec le gouvernement fédéral concernant le projet de loi S-6. J'ai reçu deux demandes de renseignements des provinces au sujet de ce projet de loi. Elles provenaient d'agents responsables du dossier, et non de représentants politiques. Ils voulaient seulement parler des répercussions des nouvelles dispositions sur la possibilité qu'une province puisse exploiter des ALV dans les bars, comme bon nombre d'entre elles le font actuellement.

Le sénateur Andreychuk: Vous nous dites que vous avez eu quelques discussions d'information?

M. Pruden: Oui.

Le sénateur Andreychuk: Si nous adoptons ce projet de loi, comment procédera le ministère de la Justice ou le gouvernement pour négocier avec les gouvernements provinciaux?

M. Pruden: Cette question, je crois, a été soulevée en 1985 lorsque le projet de loi a été examiné par le comité du Sénat. On a demandé à un témoin de l'Université d'Ottawa, un professeur je crois, d'examiner les aspects juridiques des ententes pour déterminer s'il pouvait y avoir contentieux, ou s'il était constitutionnellement possible pour le Parlement de modifier le Code criminel, compte tenu de ces ententes. Il a répondu que le Parlement pouvait bien sûr modifier le Code criminel s'il le désirait, malgré l'application de ces ententes, et qu'un contentieux pourrait s'ensuivre. Quant à savoir quels seraient les effets d'un tel contentieux, tant devant l'opinion publique que les tribunaux eux-mêmes, cela relève de la plus haute spéculation. Il est notamment possible que les poursuites devant les tribunaux ne puissent se concrétiser.

Le sénateur Andreychuk: Il me semble que vous me donnez une réponse juridique alors que je parlais de la réalité politique, mais je peux comprendre qu'il ne vous est pas nécessairement possible de me répondre à ce sujet.

M. Pruden: Je ne veux pas avancer des hypothèses, mais je crois qu'on peut certes prévoir une réaction des provinces et des territoires, surtout pour ceux et celles qui exploitent actuellement des ALV dans les bars. Il faut aussi peut-être s'attendre à une réaction des gouvernements qui ne le font pas actuellement, mais qui ont la possibilité d'exploiter de tels équipements.

Le sénateur Nolin: Est-ce que le personnel du comité pourrait retracer ce témoignage et communiquer avec le témoin en question, pour voir si nous pourrions obtenir davantage de précisions sur ce que nous venons d'entendre?

Le président: Absolument.

Le sénateur Nolin: Vous laissez entendre qu'il pourrait y avoir des contestations sans que l'on ait recours aux tribunaux? Je ne peux imaginer...

M. Pruden: Selon les avis juridiques, les provinces ne seraient pas en mesure d'intenter des poursuites. Il ressort essentiellement de l'avis donné au Sénat en 1985 que le Parlement n'est certainement pas...

Le sénateur Nolin: Ne peut faire l'objet de contestation?

M. Pruden: ... n'est pas empêché d'adopter pareille législation par un accord quelconque.

Le sénateur Nolin: Je l'espère bien.

Le sénateur Andreychuk: Il y a deux aspects que j'aimerais aborder. Vous avez parlé des lieux consacrés aux activités de jeux. Il nous manque certaines explications. On pourrait évidemment prendre une section d'un endroit quelconque et décider que cette section est consacrée aux activités de jeux. Serions-nous exposés à ce genre de manigance, si je peux dire, comme dans le cas des cigarettes? Si elles sont placées derrière un comptoir, alors les règles sont respectées. Un «lieu consacré aux activités de jeux» pourrait-être une antichambre dans un hôtel, par exemple. En d'autres termes, si nous ne définissons pas clairement les lieux consacrés aux activités de jeux, il y aura alors beaucoup d'interprétations créatives pour contourner la loi?

M. Pruden: J'hésite à dire que les provinces contourneraient la loi. Elles pourraient dire que la loi, telle qu'elle est écrite, leur permet de faire certaines choses; ce serait donc leur interprétation de la loi. Certaines pourraient dire qu'elles peuvent installer des appareils de loterie vidéo dans des lieux consacrés aux activités de jeux dans un centre commercial, et je pense tout de suite au West Edmonton Mall, où se trouve actuellement un casino. Il y a des appareils à sous du gouvernement provincial dans un casino qui se trouve dans un centre commercial. Les provinces peuvent donc vouloir aménager une très petite section d'un centre commercial qui serait consacrée aux jeux.

Le sénateur Andreychuk: Lorsqu'on a discuté de ces ententes, on les a évidemment abordées sous l'angle de la jurisprudence et des recettes, si ma mémoire est bonne. Or, ce qui prévaut aujourd'hui — et je crois que c'est là où veut en venir le sénateur Lapointe —, c'est que nous commençons à réaliser que la dépendance aux jeux a des effets nocifs sur la société, même si ces effets ne sont pas tous connus. Cette question a-t-elle été abordée dans les relations fédérales- provinciales, pour déterminer qui doit assumer le coût des services de counselling et de l'aide nécessaires pour contrer les problèmes de dépendance?

M. Pruden: Je crois comprendre que plusieurs provinces consacrent une partie des recettes du jeu au traitement des joueurs et, par leur système de soins de santé, elles assument généralement le coût des services de counselling demandés par l'entremise d'un conseiller médical.

Le sénateur Andreychuk: La province d'où je viens dit consacrer plus d'argent aux personnes qui sont aux prises avec des problèmes de dépendance, dont la dépendance aux jeux. Êtes-vous au courant des négociations concernant les soins de santé, qui constituent un enjeu de la plus haute importance? Les provinces demandent-elles plus d'argent parce que ce problème prend de plus en plus d'ampleur et crée des besoins plus grands dans le système de santé?

M. Pruden: Je ne suis pas au courant de ce dossier. Un représentant de Santé Canada le serait peut-être davantage.

Le président: Monsieur Pruden, dans votre déclaration préliminaire, vous dites que le ministère de la Justice est d'avis que l'adoption du projet de loi S-6 ferait en sorte que les provinces ne pourraient plus installer des appareils de loterie vidéo ailleurs que dans les hippodromes et dans un lieu consacré aux activités de jeux. Vous dites que le projet de loi ne définit pas ce que sont les «lieux consacrés aux activités de jeux». À votre avis, s'agit-il d'un problème de fond du projet de loi ou un simple problème de rédaction qui pourrait être réglé par un amendement?

M. Pruden: Le comité, ou le Parlement, peut évidemment amender le projet de loi pour préciser davantage, s'il le souhaite, la définition de «lieux consacrés aux activités de jeux».

Le président: Ce n'est pas une question qui viserait l'essence même du projet de loi dans sa forme actuelle, mais un problème qui pourrait être corrigé par un amendement?

M. Pruden: Si le Parlement adopte le projet de loi tel qu'il est rédigé, l'imprécision concernant les lieux consacrés aux activités de jeux pourrait soulever davantage de litiges. C'est tout ce que je voulais dire.

Le président: Merci.

Le sénateur Joyal: Monsieur Pruden, le sénateur Nolin se souviendra que dans les années 70, lors de la tenue des Jeux olympiques à Montréal, le maire de Montréal de l'époque avait demandé au gouvernement fédéral de modifier le Code criminel pour permettre la mise sur pied d'une loterie qui financerait les Jeux olympiques. Le gouvernement a alors mis sur pied Loto Canada, dont le fonctionnement est devenu un véritable cauchemar parce que des députés recommandaient des personnes à qui on donnerait des concessions pour vendre les billets de loterie. La situation est devenue incontrôlable, parce que Loto-Québec était déjà en place. Il y avait un kiosque de Loto-Québec à une extrémité du centre commercial et un kiosque de Loto Canada à l'autre extrémité, et tous deux se faisaient concurrence en sollicitant les mêmes consommateurs, c'est-à-dire les joueurs.

Dans de nombreux cas, la personne qui avait obtenu la concession de Loto Canada tentait de signer une entente avec le dépositaire de Loto-Québec pour conserver une part des ventes des billets de Loto Canada, selon la concession reçue du gouvernement fédéral. Après un certain temps, la province a fait valoir que c'était elle qui exploitait les systèmes de loterie et que le gouvernement fédéral n'avait pas l'infrastructure nécessaire, et c'est ainsi qu'on a conclu l'entente par laquelle le gouvernement fédéral a «loué» ses pouvoirs pour confier les loteries aux gouvernements provinciaux en échange d'une certaine compensation.

Aujourd'hui, cette compensation, comme vous le dites, est minime — 50 millions de dollars. J'ai devant moi les chiffres présentés par notre témoin précédent. Au Québec, les jeux de loterie rapportent à la province 1,3 milliard de dollars, et nous avons les statistiques pour toutes les autres provinces. En d'autres termes, on a conclu une entente politique pour que le gouvernement fédéral laisse ce champ de compétence aux provinces et pour que ces dernières paient une location. Au fil des années, ce fut une très bonne affaire pour les provinces si l'on parle d'argent seulement, puisque les recettes touchées par les provinces sont montées en flèche, tandis que la part du gouvernement fédéral, depuis le début, a été limitée à la valeur des dollars constants.

Les recettes que touche le gouvernement fédéral sont très limitées en comparaison avec les coûts sociaux, qui semblent de plus en plus élevés, pour la simple raison que les gens jouent davantage et sont plus nombreux à acheter. Il suffit de regarder les statistiques sur les recettes. L'industrie du jeu rapporte des milliards de dollars aux provinces. On pourrait faire le total de ce que les provinces reçoivent du système de loterie et le comparer à ce que touche le gouvernement fédéral.

Nous avons aujourd'hui la proposition du sénateur Lapointe, et il s'agit davantage d'une question d'intérêt public que d'une question constitutionnelle. Le gouvernement fédéral pourrait modifier le Code criminel et décider d'interdire tout simplement le jeu au Canada. Le Parlement a ce pouvoir. Nous refusons de le faire pour diverses raisons, et je pourrais adhérer à certaines d'entre elles, mais nous devons maintenant examiner l'objectif général de cette initiative. Il ne fait aucun doute que les coûts sociaux du jeu ont augmenté de façon phénoménale partout au pays et, comme le sénateur Andreychuk l'a mentionné, les provinces reconnaissent qu'elles doivent dépenser plus d'argent pour atténuer les torts sociaux, personnels et médicaux causés par le jeu, parce que ces problèmes ont connu une croissance exponentielle.

Le sénateur Andreychuk: Sans parler du système de justice.

Le sénateur Joyal: Exactement. Les coûts sociaux de ce phénomène sont élevés. Le sénateur Lapointe nous demande de les limiter.

Quelles seraient les répercussions d'une entente signée par le gouvernement fédéral? Si nous avons signé une entente, il faudrait informer les provinces que nous changeons les règles du jeu, si vous me permettez l'expression. Les provinces pourraient vouloir renégocier avec le gouvernement fédéral, mais la part du gouvernement fédéral, en pourcentage, est si minime que, si j'étais à leur place, je ne demanderais pas de négocier, parce que la facture risquerait d'être beaucoup plus élevée. Toutefois, il existe des problèmes sociaux que nous devons reconnaître et que le sénateur Lapointe tente de régler. Convient-il d'aborder ce problème avec ce projet de loi, ou devrions-nous le faire autrement? Voilà la question soulevée par ce projet de loi.

M. Pruden: Je suis d'accord avec vous pour dire que cette question a été soulevée et qu'il s'agit d'une question de politique gouvernementale. Or, je peux dire au comité ce que sont les incidences juridiques, mais seul le ministre de la Justice peut faire des commentaires sur les questions de politique. Je ne suis pas en mesure d'en parler.

Le sénateur Joyal: Toutefois, vous confirmez ma conclusion, à savoir que si le Parlement fédéral souhaite abolir toute forme de jeu, il pourrait le faire par le Code criminel?

M. Pruden: Oui.

Le sénateur Joyal: Si le Parlement fédéral décide de restreindre certaines formes de jeu à certaines circonstances et à certains endroits, il pourrait le faire également?

M. Pruden: Oui.

Le sénateur Joyal: On pourrait faire plus ou on pourrait faire moins en ce qui concerne les principes de droit.

M. Pruden: Il est clair que le Parlement peut légiférer dans le domaine du jeu, en se servant de son pouvoir en droit pénal.

Le sénateur Joyal: Si nous voulons avoir une idée juste de la situation, puisqu'il semble que cette question n'ait pas été abordée à la conférence fédérale-provinciale ni soulevée par le gouvernement fédéral, soit lors des conférences annuelles des procureurs généraux ou des ministres de la Santé, ce serait au gouvernement fédéral de décider s'il faut prendre l'initiative de revoir l'entente?

M. Pruden: Ce projet de loi est devant le Parlement. C'est au Parlement de déterminer s'il doit être adopté. Il s'agit d'un projet de loi émanant d'un sénateur qui est devant le Parlement du Canada.

Le sénateur Nolin: Pour poursuivre, regardons ce qui s'est fait par le passé au lieu de tenter de savoir ce que pense le ministre en matière de politique.

Avez-vous analysé les principes directeurs qui ont amené les gouvernements à passer de l'interdiction totale à des systèmes peu restreints, en échange d'argent? Pourquoi est-on passé de l'interdiction totale à une activité réglementée?

M. Pruden: Le changement apporté en 1969 était peut-être motivé par le fait qu'au moins un État américain avait décidé d'utiliser une loterie d'État pour recueillir des fonds.

Le sénateur Nolin: La collecte de fonds a été un élément déclencheur de ce revirement majeur?

M. Pruden: Oui. La différence entre le Canada et les États-Unis, dans une certaine mesure, c'est qu'il existe des casinos commerciaux privés dans de nombreux États américains. Au Canada, la grande majorité des activités de jeu profitent soit à des organisations caritatives qui obtiennent un permis de loterie, soit à un gouvernement provincial ou territorial.

Par ailleurs, certaines provinces ont conclu des ententes avec des Premières nations pour permettre à celles-ci de tirer des profits des casinos ou d'autres loteries.

Le sénateur Nolin: La collecte de fonds pour de bonnes causes a été la force motrice derrière l'adoption d'un nouveau principe directeur?

M. Pruden: Oui. De plus, certains ont remarqué dès les années 50 que des jeux comportant des prix peu élevés existaient déjà. Les bingos et les paris mutuels sur les courses de chevaux étaient permis depuis des décennies.

Le sénateur Nolin: Dans son analyse du projet de loi, le Parlement pourrait revoir le principe directeur. Nous pourrions décider de ne pas revenir à l'interdiction totale, mais de restreindre l'accessibilité. Nous voulons envoyer un signal qui montrerait que la prévention par un accès restreint est préférable à un service tout à fait libre, ou même la réglementation du jeu?

M. Pruden: Ce sont certainement des questions sur lesquelles les parlementaires doivent se pencher.

Le sénateur Nolin: C'est le genre de questions que le sénateur Joyal posait.

M. Pruden: Les parlementaires peuvent évidemment aborder pareilles questions.

Le sénateur Nolin: Dans quelle mesure sommes-nous limités? Je refuse de croire que nous sommes limités par des ententes conclues entre les gouvernements.

M. Pruden: Selon l'avis juridique que le professeur de l'Université d'Ottawa a donné au Sénat en 1985, le Parlement pourrait adopter une loi de nature pénale.

Le sénateur Nolin: Merci. Nous tenterons de tenir compte des principes directeurs, sans oublier la question concernant la collecte de fonds.

Le sénateur Joyal: Pouvons-nous obtenir copie de l'entente fédérale-provinciale qui a été signée pour que nous puissions en examiner les modalités, si ce n'est pas un document confidentiel. Comme l'entente porte sur les relations fédérales-provinciales, on ne devrait pas avoir recours à la Loi sur l'accès à l'information.

M. Pruden: Parlez-vous de l'entente de 1978 ou de celle de 1985?

Le sénateur Nolin: Des deux.

M. Pruden: Le comité sénatorial devrait les avoir déjà reçues lors des audiences de 1985. Chose certaine, elles ont été déposées devant la Cour suprême du Canada dans le contexte de poursuites pendant les années 90. Ce sont des documents qui sont déjà publics, et les tribunaux les ont déjà examinés.

Le président: Nous allons faire un effort, sénateur Joyal, pour que le comité en obtienne copie.

[Français]

Le sénateur Lapointe: J'aurais une question un peu embêtante à vous poser. Je ne sais pas si c'est de mise, mais je vous ai fait parvenir un document que vous venez de recevoir par le jeune messager. Est-ce que vous êtes un des responsables de l'écriture de ce document?

M. Pruden: Oui.

Le sénateur Lapointe: Êtes-vous au courant que j'ai rencontré le ministre Cotler moins d'une semaine après avoir reçu ce document déposé au caucus du Sénat, je crois. J'ai demandé à M. Cotler; il n'était pas au courant du tout de ce document.

M. Pruden: Je n'ai pas entendu, jusqu'à maintenant, que vous avez eu une discussion avec le ministre Cotler.

Le sénateur Lapointe: Je l'ai rencontré à l'investiture du ministre Pettigrew. J'étais très en colère — je ne vous en veux pas personnellement, vous répondez bien aux questions — mais ce document est remplit de faussetés. Quand j'ai demandé au ministre Cotler s'il était au courant et pourquoi il n'appuyait pas ce projet de loi, il m'a dit: «Je ne sais pas de quoi vous parlez».

Depuis ce temps, le sénateur Rompkey a trouvé une solution: dorénavant peu importe d'où vient le document d'un ministère, le ministre le signe. Je veux vous corriger, je ne sais pas si vous l'avez fait seul ou avec des collaborateurs, mais nous, on ne veut absolument pas, comme le disait le sénateur Nolin tout à l'heure, de prohibition, on ne veut pas détruire les appareils, on veut les localiser à d'autres endroits. Pour une raison fort simple, aujourd'hui, ces machines infernales atteignent des gens vulnérables, qui ne sont pas des joueurs et qui le deviennent parce qu'ils n'ont pas besoin de prendre l'autobus pour aller au casino, ils n'ont pas besoin de prendre un taxi pour se rendre dans les champs de course ou les hippoclubs. C'est à deux pas de chez eux.

Vous ne savez pas les chiffres, mais de plus en plus d'études nous démontrent que les coûts sociaux en criminalité, vols, des mineurs qui jouent sont importants. Une dame m'a téléphoné pour me dire que son fils s'est suicidé à 17 ans. Il n'avait jamais mis les pieds dans un casino, on ne l'aurait pas laissé rentré. On les laisse entrer dans les bars. Son fils s'est suicidé à 17 ans dans la région d'Ottawa parce qu'il avait une dette de 2 300 $ du vidéo poker. Il devait cette somme à des prêteurs sur gage.

Les nombreuses situations infernales et incroyables de suicide, d'absentéisme, de vols, de commerces perdus, de vies perdues, de dépressions en sont la conséquence. Les coûts sociaux sont tellement élevés qu'il faut se dépêcher de faire disparaître ces machines. Je ne m'oppose pas comme tel à ces machines bien que je n'y pas porte pas beaucoup croyance. Il est aberrant d'exposer la population du Canada à subir ce fléau incroyable.

Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais 71 p. 100 des Canadiens retireraient les loteries vidéo des bars et des restaurants, selon un sondage récent de la Canadian West Fondation.

Je ne sais pas, sur le plan juridique, si cela vous influence de savoir que 29 p. 100 de la population vous appuie et que 71 p. 100 appuie notre démarche. Je ne suis pas juriste, je ne suis pas avocat, je n'ai pas la compétence pour discuter des relations fédérales et provinciales.

Au Nouveau-Brunswick, il y a quelques années, il y a eu un référendum et ils ont gagné. J'y suis allé il y a un an ou deux. J'ai posé la question à au moins 40 personnes parce que c'est un dossier qui me tient beaucoup à cœur. Unanimement, pas une seule d'entre elles ne m'a dit que la proposition passerait. Ils feraient le même référendum et ils seraient battus à plates coutures. Ces gens réalisent les coûts sociaux.

Je défends cet amendement de toutes mes forces parce que je sais que cela crée de la souffrance. Contrairement aux prétentions des provinces qui disent que ces appareils rapportent 1 300 000 $ au Québec, des études nous disent qu'ils coûtent de 3 à 6 milliards en coûts sociaux.

La discussion ne sera pas très longue en autant que je suis concerné si j'ai à parler au ministre responsable au Québec, M. Séguin. Je crois qu'il faudra faire en sorte que cette situation se clarifie le plus rapidement possible. J'ai de l'aide, de l'appui. J'ai des réactions d'êtres humains sensibles. Je ne suis pas un avocat et je ne vous reproche pas la lettre que vous avez envoyée et qu'on a déposé partout sur les bureaux des sénateurs. Mais je vous dis qu'elle contient des faussetés. Je peux m'asseoir avec vous et vous montrer où elles sont. Je vous dirai que j'ai été très insulté de cette lettre. Mais je ne vous en avec eux pas. Cela n'a rien à voir.

[Traduction]

Le président: Pouvez-vous nous parler de ce document? Nous venons juste de le recevoir. Vous avez peut-être besoin de temps.

M. Pruden: Il n'a certainement pas été envoyé par une voie officielle. Il doit venir du ministre et non du ministère. Comme vous le savez certainement, les fonctionnaires qui relèvent du sous-ministre préparent des documents pour le ministre. Le personnel politique rattaché au ministre décide ensuite ce qu'il fera des documents préparés pour lui.

Je peux m'exprimer sur les aspects juridiques, mais pas sur les aspects politiques. C'est au ministre de la Justice de le faire.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Pruden.

Le sénateur Cools: Monsieur le président, nous parlons d'une lettre en audience publique. Il faudrait donc que tout le monde l'ait en main. Je n'ai pas lu la lettre dont parle le sénateur Lapointe. Le sénateur Lapointe dit qu'elle contient beaucoup de faussetés.

Le sénateur Lapointe: Sénateur Cools, vous avez reçu une lettre précisément en même temps que moi. Vous étiez là, je vous ai vue. Nous avons tous reçu cette lettre lors du caucus du Sénat.

Le sénateur Cools: Monsieur le président, voilà le problème. On ne peut pas faire allusion à une lettre. Soit elle nous est renvoyée, soit elle n'est pas.

Le sénateur Nolin: Avez-vous écrit cette lettre, monsieur Pruden?

M. Pruden: Non.

Le président: Ce n'est pas une lettre de M. Pruden. Nous allons obtenir l'exemplaire qui a été distribué.

M. Pruden: Je tiens à souligner que le document que j'ai sous les yeux n'est pas une lettre. C'est un document d'information.

Le président: Vous n'en êtes pas l'auteur?

M. Pruden: Je dois y avoir travaillé avec d'autres fonctionnaires.

Le sénateur Cools: Le document doit être déposé officiellement. C'est malheureux d'une certaine façon, mais...

Le sénateur Andreychuk: Je voudrais une information. Le sénateur Cools parle d'un document que M. Pruden vient juste de distribuer. Est-ce le même document dont parle le sénateur Lapointe? Parlons-nous des notes d'allocution qu'a citées M. Pruden?

On lui a montré la lettre. Nous parlons de la lettre du sénateur Lapointe.

Le sénateur Banks: J'invoque le Règlement. Est-il en règle qu'on distribue un document qui a été distribué lors d'une réunion du caucus libéral?

Le sénateur Cools: S'il a été rendu public, oui. Il est maintenant public. Il ne peut pas être à la fois public et confidentiel. Je n'avais pas compris ce dont vous parliez. Ce document doit être remis à toutes les personnes présentes autour de cette table, parce que le sénateur Lapointe émet des opinions assez graves.

Le président: Nous sommes en train de photocopier la lettre. On me dit que quelqu'un a remis la lettre au témoin sans que la greffière n'en ait été informée. Le fait est que M. Pruden a reçu cette lettre. Il a dit avoir participé à sa rédaction.

M. Pruden: Je précise que ce n'est pas une lettre, mais un document d'information.

Le président: C'est un document d'information qu'il a contribué à produire. Une copie en sera distribuée à nos collègues qui ne l'ont pas encore reçu. Nous pourrons nous demander à un autre moment s'il convenait ou non de le distribuer.

Chers collègues, il nous reste de 5 à 10 minutes. Le sénateur Banks voulait poser une question.

Le sénateur Cools: Pour revenir à ce document, je ne crois pas que nous ayons réglé la question. Le sénateur Lapointe a parlé de faussetés.

Le président: Nous allons y revenir. Personne n'en a encore reçu copie.

Le sénateur Cools: Nous semblons toujours manquer de temps. Nous devrions réserver du temps pour M. Pruden, afin qu'il puisse répondre à ces accusations de faussetés. Sinon, il sera indiqué au compte rendu que le document est rempli de faussetés. M. Pruden doit avoir l'occasion de se défendre.

Le président: Sénateur Cools, je viens de dire que si nous n'arrivons pas à régler la question aujourd'hui, nous y reviendrons à une autre réunion.

Le sénateur Cools: C'est le genre de choses que vous dites souvent, mais nous ne revenons jamais aux questions laissées en suspens.

Le sénateur Banks: J'aimerais revenir aux incidences possibles du projet de loi. Je dois admettre, à mon grand dam, que je me rappelle des changements de 1978 et de 1985, parce que j'ai participé aux émissions organisées par Loto Canada. On les appelait «Mission Million... Possible». On donnait un million de dollars, et c'était remarquable.

Les mises en jeu n'étaient pas négligeables. Les foires agricoles qui étaient autorisées à tenir des activités de jeu étaient également autorisées à faire tirer des prix d'une valeur assez importante sur les lieux, pouvant aller jusqu'à 1 million de dollars.

Ce qu'a dit le sénateur Joyal sur le faible montant versé à ces foires pour cesser leurs activités de jeu est juste. Cela fonctionne dans les deux sens, parce que les gouvernements provinciaux ont voulu indemniser les foires agricoles qui ont été forcées de cesser leurs activités de jeu lorsque les provinces en ont acquis la compétence. Le pourcentage établi alors semblait minuscule, mais il a pris des proportions gigantesques. Personne n'avait prévu l'intensification exponentielle du jeu de toutes sortes.

Il y a eu une baisse à peu près comparable des paris mutuels. Nous ne le savons dans l'Ouest. Si vous regardez les chiffres, vous verrez que les gens de l'Ouest jouent plus que les gens des autres régions du pays.

Il y a des commerces, comme des petits hôtels et des restaurants, dans l'Ouest du Canada, qui fermeraient s'ils ne tiraient pas profit du jeu. La même situation existe peut-être dans les régions rurales du centre et de l'est du Canada aussi. Ces entreprises en sont venues à dépendre des recettes du jeu pour survivre.

J'en suis venu à cette réflexion en réfléchissant aux entreprises qui se consacrent exclusivement aux activités de jeu. Si j'étais propriétaire d'un tel endroit, je pourrais très bien enlever la vieille enseigne «restaurant» pour la remplacer par une enseigne «salle de jeux... et en passant, nous servons aussi de la nourriture», et c'est ce que la plupart des propriétaires font.

Vous êtes-vous demandé... quelqu'un s'est-il demandé ce qui arriverait de ces petites entreprises si nous leur enlevions les appareils de loterie vidéo, sans parler des autres types de jeux? Quelqu'un s'est-il posé la question?

M. Pruden: Je ne crois pas que quiconque en ait parlé. Je peux toutefois vous dire que les représentants de quelques provinces de l'Ouest ont effectivement souligné que les appareils de loterie vidéo avaient permis à l'industrie des hôtels en milieu rural de se maintenir. Je pense aux provinces des Prairies.

Le sénateur Banks: Dans cette étude, est-ce que quelqu'un a indiqué que les joueurs changeaient de type de jeu? Les joueurs restent des joueurs, et si on leur enlève une chose, ils en trouveront une autre. Il semble bien connu que les joueurs, par exemple, ont quitté les pistes de courses pour aller jouer aux casinos.

M. Pruden: Je ne peux vraiment pas vous répondre. Au Canada, la situation est vraiment inverse, parce qu'il n'y a pas vraiment eu de fermetures devant l'apparition des nouvelles possibilités de jeux. On pourrait même dire que l'accessibilité accrue au jeu a fait augmenter le nombre de joueurs compulsifs. La situation n'est pas telle que les joueurs compulsifs voient des endroits fermer et qu'ils doivent aller ailleurs; en fait, il y a une foule de nouvelles possibilités et il se peut que des personnes qui ne seraient pas portées à aller dans un endroit aient maintenant un autre endroit à proximité où aller, et elles y vont.

Le sénateur Andreychuk: Vous parlez de possibilités de jeu. Je ne crois pas qu'il n'y ait eu de discussion chez nous en vue de l'ouverture d'un nouveau casino et je ne sais si vraiment des personnes risquent de déménager pour jouer, donc vos observations répondent surtout au sénateur Banks. Est-ce que les gens changent d'activité de jeu? Avez-vous des études qui montrent que si on ferme un hôtel local, les gens n'hésiteront pas à parcourir 100 kilomètres pour se rendre au casino le plus proche, par exemple, et y utiliser des appareils de loterie vidéo?

M. Pruden: Je ne sais vraiment pas si les gens suivraient les appareils de loterie vidéo ou s'ils trouveraient d'autres façons de jouer comme d'acheter des billets de loterie ou de jouer au bingo. Je suis désolé, mais je ne connais pas la réponse à cette question.

Le sénateur Andreychuk: Nous savons à coup sûr que les bingos ne fonctionnent pas très bien en ce moment, mais c'est tout le contraire des casinos de ma région. Les bingos ont commencé à perdre des adeptes lorsque les autres possibilités de jeu se sont développées.

Le sénateur Lapointe: Je veux dire au sénateur Banks que je ne suis pas contre l'idée d'octroyer la permission aux foires de mener des activités de jeu. Je parlais exclusivement des appareils de loterie vidéo.

J'aimerais toutefois vous demander ce que faisaient ces hôtels avant l'arrivée des appareils de loterie vidéo.

Le sénateur Banks: Il n'y a pas de réponse simple à cette question, mais il faut dire que les villes dans lesquelles ces hôtels se trouvent comptaient quelque 5 000 habitants auparavant, alors qu'elles n'en comptent plus que 2 000.

Le président: Monsieur Pruden, je vous remercie d'être venu nous rencontrer aujourd'hui.

Il ne fait aucun doute que si nous avons l'occasion d'approfondir cette étude au cours de la session, nous allons communiquer avec vous pour vous permettre d'examiner la note d'information qu'on vous a remise. Je suis certain que nous en rediscuterons, mais pour l'instant, je vous remercie infiniment d'être venu nous rencontrer.

Chers collègues, j'aurais une petite question à régler avant de conclure. Vous vous rappelez certainement que nous avons commencé notre examen du projet de loi C-17 avant la relâche de Pâques et que nous avons entendu quelques fonctionnaires. Je sais que le sénateur Joyal a demandé que nous entendions deux témoins, Mme Bougie et Mme Arnold, et je me demande, avant d'établir l'horaire, s'il y a d'autres témoins que les membres du comité aimeraient entendre? Dans la négative, nous allons accueillir les deux témoins mentionnés, à la demande du sénateur Joyal.

La séance est levée.


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