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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 6 - Témoignages du 22 avril 2004


OTTAWA, le jeudi 22 avril 2004

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel ont été renvoyés le projet de loi S-11, Loi prévoyant l'abrogation des lois non mises en vigueur dans les dix ans suivant leur sanction, et le projet de loi C-17, Loi modifiant certaines lois, se réunit aujourd'hui, à 10 h 58, pour examiner ces mesures législatives.

Le sénateur George J. Furey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous allons reprendre notre étude du projet de loi S-11, Loi prévoyant l'abrogation des lois non mises en vigueur dans les dix ans suivant leur sanction royale.

Vous vous souviendrez que nous avions commencé cette étude à la dernière session; à l'époque, ce projet de loi portait le numéro S-12. Nous tenons à remercier nos témoins du ministère de la Justice d'avoir bien voulu comparaître devant le comité pour examiner de nouveau ces mesures législatives. Bienvenue encore à M. Daniel Ricard, premier conseiller législatif adjoint, et à M. Mark Keyes, directeur, Orientations et perfectionnements législatifs.

J'aimerais vous entretenir maintenant d'un détail administratif. Notre ordre du jour indiquait que cette séance serait diffusée sur le Web. La greffière m'a communiqué que c'était toujours le cas, mais que la rencontre n'était pas nécessairement télévisée à chaque fois. La séance de ce matin ne sera évidemment pas télévisée.

Messieurs, je vous cède la parole pour que vous nous présentiez votre exposé.

[Français]

M. John Mark Keyes, directeur, Orientations et perfectionnements législatifs, ministère de la Justice du Canada: C'est un plaisir de revenir discuter du projet de loi S-11 dont le sénateur Banks en est le parrain. Comme mes collègues l'ont fait remarquer lors de nos comparutions précédentes, nous reconnaissons la valeur de ce projet de loi comme outil pour la révision des lois et pour assurer que celles-ci atteignent leur objectif.

En plus de comparaître devant ce comité, nous avons rencontré le sénateur Banks à plusieurs reprises pour discuter de son projet de loi et des amendements qui pourraient l'améliorer. Le sénateur a répondu à quelques-unes de nos préoccupations. D'ailleurs, nous avons noté qu'il a apporté des changements à son projet de loi depuis la dernière session, notamment à l'article 4 qui prévoit la publication dans la Gazette du Canada de la liste des lois et des dispositions abrogées.

Nous appuyons fortement ces changements.

[Traduction]

Lorsque M. Ricard et moi-même avons comparu devant ce comité en octobre dernier, nous avions parlé de deux changements supplémentaires que nous voudrions réitérer, au nom de notre ministre.

Le premier concerne l'abrogation des dispositions qui ont été amendées depuis leur promulgation initiale. Dans sa forme actuelle, le projet de loi permettrait d'abroger ces dispositions si elles ont été édictées il y a plus de dix ans. Toutefois, on laisserait derrière un amendement à une disposition qui a cessé d'exister. Cela créerait de la confusion. Quel serait l'effet d'une telle situation? C'est très difficile à dire, particulièrement si l'amendement porte seulement sur une partie de la disposition abrogée.

Nous proposons qu'un amendement soit considéré comme un moyen de redonner une vie législative à une disposition — de la renouveler, en quelque sorte. Ainsi, la date d'entrée en vigueur de la disposition serait modifiée pour coïncider avec celle de l'adoption de l'amendement; elle ne correspondrait plus à la date de promulgation initiale de la disposition.

Le deuxième changement que nous continuons de proposer concerne le caractère automatique de l'abrogation après dix ans. On pourrait conclure qu'une disposition non mise en vigueur au bout de dix ans n'est pas nécessaire, mais ce n'est pas aussi péremptoire. Il peut y avoir des raisons de conserver officiellement une disposition, au moins quelque temps encore, pour qu'elle satisfasse aux objectifs du Parlement.

Il existe de nombreuses raisons de maintenir officiellement une disposition. Par exemple, lorsqu'une loi fait intervenir des gouvernements provinciaux et territoriaux, il peut s'avérer nécessaire de disposer de temps afin d'élaborer les ententes administratives requises pour donner effet à cette loi. La Loi sur les contraventions en est un bon exemple. Des raisons semblables peuvent apparaître lorsqu'une loi prévoit un accord international, particulièrement si celui-ci doit être ratifié par plusieurs pays. La ratification prend souvent du temps.

Étant donné qu'il existe de bonnes raisons de conserver officiellement une disposition, nous proposons que les députés aient la possibilité de voir si une loi ou une disposition doit être abrogée. Si l'abrogation doit avoir lieu pendant leur mandat, ils devraient avoir leur mot à dire.

Pour ce faire, nous proposons que le projet de loi soit modifié de façon à inclure une procédure permettant d'examiner si les lois et les dispositions méritent d'être abrogées.

Celle-ci pourrait suivre le modèle utilisé pour le projet de loi C-205, qui a été adopté l'année dernière et qui prévoyait une procédure pour le désaveu des règlements. Nous avons remis à la greffière, pour distribution, un tableau qui présente d'un côté de la feuille le processus concernant le projet de loi C-205 et de l'autre, ce que nous voudrions pour le projet de loi S-11.

Je serais ravi de revoir le processus en détail si les sénateurs le jugent utile à ce stade-ci.

Ce processus commencerait tel que prévu dans le projet de loi actuellement. Le ministre de la Justice déposerait, au cours des cinq premiers jours de séance de chaque année civile, un rapport aux deux Chambres. Ce rapport renfermerait la liste de toutes les lois ou dispositions non mises en vigueur durant les dix années précédentes.

Selon notre procédure, cette liste serait remise aux comités de chaque Chambre ou aux comités mixtes, si telle est la volonté des deux Chambres, pour qu'ils déterminent si toutes les dispositions et lois figurant sur la liste méritent d'être abrogées.

Les comités feraient ensuite rapport à chaque Chambre. Ils feraient rapport soit sur la liste originale, soit sur la liste modifiée ou écourtée afin d'exclure certaines lois ou dispositions que les membres souhaitent conserver au moins un an de plus.

Le rapport serait déposé, comme je l'ai dit, devant chaque Chambre. Ensuite, les membres de chacune d'elles pourraient exprimer leur point de vue sur la liste en question. Cela se ferait au moyen d'une procédure leur permettant de déposer une motion visant à retirer de cette liste n'importe quelle loi ou disposition y figurant. En ce sens, la procédure ressemble à celle mise en place pour le projet de loi C-205 en ce qui concerne les règlements.

Conformément à cette procédure, la motion devrait être débattue pendant une heure le mercredi d'après. S'il y a plus d'une motion, la procédure prévoit que celles-ci seraient examinées successivement, si nécessaire, les mercredis suivants, jusqu'à ce qu'elles aient toutes été revues.

Cette étape terminée, la liste — telle que modifiée éventuellement par les motions — serait considérée comme étant adoptée par la Chambre. Une fois les listes adoptées par les deux Chambres, il y aurait une autre abrogation des éléments apparaissant sur les deux listes. Par exemple, si une Chambre décidait de retirer une loi ou une disposition de sa liste, mais que l'autre la conservait sur la sienne, cette loi ou cette disposition ne serait pas abrogée. Pour être abrogées, il faut qu'elles figurent sur les deux listes.

Ce processus se déroulerait assez rapidement. L'adoption des rapports, les abrogations elles-mêmes, seraient tout simplement prévues par la loi. Les Chambres n'auraient pas besoin d'adopter des motions ou des résolutions à cet effet. Pour retirer des éléments d'une liste, il suffirait de tenir un débat et d'examiner des motions en Chambre.

Voilà en gros à quoi ressemblerait la procédure que nous proposons.

Pour conclure, nous aimerions, comme je l'ai dit, que les deux changements au projet de loi que je viens de vous exposer soient retenus. Nous avons réfléchi un peu à la façon dont la mesure législative pourrait être amendée afin d'inclure ces changements. Nous serions heureux de travailler avec le sénateur Banks et avec le comité en vue de préparer les amendements requis pour donner effet à ces modifications.

Le président: Selon le processus proposé pour les abrogations dans le projet de loi S-12, le projet de loi initial, le schéma que vous nous avez présenté indiquait que les comités devaient faire rapport à chaque Chambre sur chacune des lois et dispositions devant être abrogées. Le processus pouvait ensuite être modifié suite à une motion ministérielle s'opposant à l'adoption du rapport et y mettant ainsi un terme. Le changement que vous proposez pour le projet de loi S-11 indique que tout ce dont nous avons besoin maintenant, c'est d'une motion pour supprimer une loi ou une disposition. Vous pourriez supprimer une section et le rapport conserverait sa raison d'être.

M. Keyes: C'est exact. C'est une procédure beaucoup moins radicale. Elle permet d'effectuer des changements précis plutôt que d'opter pour le tout ou rien.

Le sénateur Andreychuk: Vous avez dit qu'il y aurait deux amendements et ajouté que vous étiez disposé à travailler avec le comité pour les rédiger. Ce serait vraiment utile.

Est-ce la même procédure que celle utilisée pour le désaveu de règlements? Existe-t-il des différences mineures? Je ne me rappelle pas si les deux procédures sont identiques ou pas.

M. Keyes: Il y a certainement quelques ajustements. Nous avons repris du projet de loi C-205 l'exigence de tenir automatiquement un débat le mercredi suivant, de limiter ce débat dans le temps et de conclure par un vote. Voilà donc les éléments qui ont été repris du projet de loi C-205 afin de s'assurer que les dossiers sont traités rapidement.

Le reste traduit dans une large mesure le projet de loi S-11 plutôt qu'une procédure applicable aux règlements.

Le sénateur Andreychuk: Lorsque je suis devenue membre de ce comité, je me souviens que nous avions procédé à l'un des premiers désaveux de règlement et que nous avions fait rapport à ce sujet. À l'époque, j'avais demandé quel pouvoir nous permettait d'annuler des règlements en vertu de motions et de processus adoptés par des comités. On m'avait répondu que c'était conforme à la Constitution et valide sur le plan juridique, ce qui m'avait satisfaite.

Selon votre proposition, nous pourrons abroger des lois en vertu de motions adoptées par le Parlement au lieu de proposer des mesures législatives visant à abroger ces lois. Est-ce exact? Je ne me suis pas penchée sur la constitutionnalité de cette proposition ni sur les aspects administratifs.

M. Keyes: C'est une façon de la décrire. Je préfère dire qu'il s'agit d'une abrogation faite sur la base du projet de loi dont est saisi ce comité. Ce serait une révocation découlant d'une loi du Parlement, le projet de loi S-11, en l'occurrence. La procédure de résolution n'est qu'une composante du processus d'abrogation qui serait exposé dans la loi. Cela demeure une abrogation faite par le Parlement, mais au moyen d'un mécanisme établi par une loi du Parlement.

Le sénateur Andreychuk: Il est important que nous voyions les amendements pour décider comment la disposition déterminative se mettra en place. Sans cela, nous devrons présenter un projet de loi d'abrogation à chaque session. Il faut incorporer dans ce projet de loi un mécanisme d'abrogation assorti d'une responsabilité permanente. Je m'intéresse à toute étape discrétionnaire. C'est légèrement différent de la présentation d'un règlement.

M. Keyes: Oui.

Le sénateur Andreychuk: En avez-vous tenu compte? Cela n'entre pas dans mon domaine de compétence et je ne sais pas si cela fait partie du vôtre. Je ne suis pas du tout en train de vous discréditer. Ce mécanisme est-il conforme à la Constitution? Entre-t-il dans le cadre normal des pratiques parlementaires?

M. Keyes: Permettez-moi d'établir un parallèle entre ceci et les dispositions de temporisation. Les lois contiennent parfois une date d'expiration. Dans un sens, le Parlement fait ici la même chose, même si c'est un peu plus compliqué que d'indiquer un jour particulier pour une loi donnée. Il fixe les dates d'abrogation. La loi mettra simplement en place un mécanisme permettant de choisir cette date.

Le sénateur Andreychuk: Nous établissons des dates pour que le mécanisme devienne effectif. Ce n'est pas à l'infini. Ce n'est pas l'inconnu. Il s'agit d'un moment précis. C'est donc un processus auquel nous pouvons nous fier.

M. Keyes: C'est exact.

Le sénateur Joyal: Quand on regarde les deux tableaux se rapportant aux projets de loi S-11 et C-205 — dont j'ai devant moi la version française —, on peut lire, au troisième paragraphe avant la fin concernant le projet de loi C-205:

[Français]

Fin de la procédure, le texte demeure inchangé.

[Traduction]

Il y a là un élément qui n'apparaît pas dans le projet de loi S-11. Pouvez-vous expliquer la procédure et le processus d'adoption dans le projet de loi C-205? Dans l'autre, il faut l'adoption officielle des résolutions par les deux Chambres pour pouvoir abroger le projet de loi.

M. Keyes: Selon le projet de loi C-205, la question est de savoir si oui ou non il convient d'abroger une mesure législative ou de révoquer ou pas un règlement. Ainsi, le tableau relatif au projet de loi C-205 décrit chacune de ces deux possibilités. L'encadré intitulé «fin de la procédure» indique une situation où la motion est adoptée; il n'y a donc pas d'abrogation et la procédure est terminée. L'autre possibilité est que la motion soit rejetée et que la procédure suive son cours étant donné qu'elle n'a pas été bloquée par une motion. Il faut donc se reporter à l'encadré du centre — désaveu d'un règlement.

Avec le projet de loi S-11, nous envisageons une approche beaucoup plus ciblée puisque les motions ne porteraient pas sur toute la liste, de la même façon que la motion concernant le projet de loi C-205 concernerait l'abrogation dans son ensemble. Les motions traiteraient simplement de certains éléments de la liste. Si celles-ci devaient proposer le retrait de chaque élément de la liste, il n'y aurait au bout du compte absolument aucune loi ou disposition abrogée.

Le sénateur Joyal: Ce serait la fin de la procédure.

M. Keyes: Exactement. Peut-être pourrions-nous ajouter cette possibilité dans le tableau. Nous partions du principe que, selon la procédure normale, certains éléments demeureraient dans la liste et qu'il y aurait donc des abrogations.

Le sénateur Joyal: L'une des principales différences entre les deux, d'après ce que je peux lire dans le tableau, au dernier encadré sur le projet de loi S-11, en bas de page, est que seules les lois figurant sur la liste des deux rapports seront abrogées.

Dans le projet de loi C-205, l'abrogation se fait par l'intermédiaire du gouverneur en conseil ou du ministre. Dans le cas du projet de loi C-205, il existe un acte administratif ou une décision exécutive supplémentaire dans le processus parlementaire que l'on ne retrouve pas dans le projet de loi S-11, si j'ai bien compris. Ai-je tort ou raison?

M. Keyes: Oui, vous avez raison.

Le sénateur Joyal: Autrement dit, une fois que le processus de désaveu d'un règlement est confirmé par les deux Chambres, il est considéré comme un ordre du Parlement à l'autorité compétente d'abroger le règlement. C'est ce que c'est. Dans le cas d'une loi, la volonté du Parlement s'exprime par un vote à chaque Chambre sur la question de l'abrogation. C'est l'une des différences entre les deux.

M. Keyes: C'est exact.

Le sénateur Joyal: J'en viens maintenant au point soulevé par le sénateur Andreychuk et selon lequel la volonté du Parlement s'exprime uniquement par l'intermédiaire d'une motion et qu'il n'y a pas de sanction royale. L'adoption d'un projet de loi se fait au terme de trois étapes: l'accord de la Chambre des communes, celui du Sénat et la sanction royale. Lorsque nous abrogeons une mesure législative, comme le propose le projet de loi S-11, nous exprimons la volonté des deux Chambres — soit la Chambre des communes et le Sénat —, mais il n'y a pas de sanction à cette initiative.

Je soulève ce point car lorsque nous abrogeons un règlement, nous donnons un ordre à une autorité constituée donnée, investie du pouvoir de proposer le règlement et de l'adopter. Lorsque nous abrogeons un projet de loi, ce qui est essentiellement l'expression d'une intention législative ayant force obligatoire, nous ne sommes pas tenus de faire appel au troisième élément, la sanction royale, nécessaire pour rendre une décision exécutoire. N'avez-vous jamais pris en compte cet élément? Cela vous satisfait-il qu'on puisse le faire de cette façon?

M. Keyes: Votre argumentation est fondée. Selon le processus proposé, la Chambre des communes et le Sénat auraient toujours leur mot à dire au sujet de la liste. Toutefois, il n'y aurait pas de reconnaissance formelle du rôle de Sa Majesté à ce chapitre, si ce n'est par l'intermédiaire d'un ministre d'État qui présenterait une motion au nom de Sa Majesté.

On pourrait certainement ajouter une étape supplémentaire au processus qui prévoirait le dépôt d'un projet de loi pour l'abrogation officielle de tous les éléments figurant sur la liste. C'est au comité de décider si cette étape supplémentaire est justifiée. Ajouterait-elle quelque chose au processus? Cette étape existe déjà pour les règlements, sauf que ceux-ci ne sont pas faits par le Parlement, mais par un autre organe.

Le sénateur Joyal: Il s'agit d'une autorité déléguée par le Parlement.

M. Keyes: Les règlements sont souvent assez techniques. L'étape supplémentaire est prévue dans le projet de loi C- 205 pour éviter tout problème, au cas où l'abrogation se ferait trop rapidement. Elle vise à permettre à l'autorité réglementaire de préparer quelque chose pour remplacer le règlement. Cette étape est là pour lui conférer la liberté de choisir le moment opportun pour l'abrogation et pour prendre toute mesure nécessaire, d'un point de vue politique, pour régler la question.

Si l'on procédait à l'abrogation des lois comme nous le proposons dans le projet de loi S-11, il n'y aurait pas d'étape additionnelle. C'est le Parlement proprement dit qui intervient au sujet d'une loi du Parlement; on n'a pas affaire à quelque chose qui émane d'une entité subordonnée.

Le sénateur Joyal: Dans le cas de la réglementation, c'est un pouvoir délégué qui est conféré au Parlement, pouvoir que ce dernier cède au volet exécutif, soit au gouverneur en conseil ou à un ministre de la couronne.

Lorsque l'on respecte le processus qui doit présider à l'abrogation, il n'y a pas de maillon qui manque. Cela ne fait aucun doute dans mon esprit.

J'appuie entièrement les objectifs que vise le projet de loi du sénateur Bank. Je l'ai dit à maintes reprises au sujet de l'incarnation précédente de cette mesure, soit le projet de loi S-12, et aussi au cours de discussions sur le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui. Je veux simplement m'assurer que ce que nous faisons est conforme à la Constitution.

On demande souvent au Sénat d'adopter des projets de loi renfermant des articles abrogeant des parties de certaines lois. Cependant, ces projets de loi doivent franchir toutes les étapes du processus législatif, c'est-à-dire être adoptés par les deux Chambres et recevoir la sanction royale. Nous faisons cela régulièrement. En l'occurrence, nous voulons abroger des parties de loi ou des lois qui sont devenues obsolètes ou inutiles. Cependant, le fait que le Parlement procède ainsi en se fondant sur son pouvoir législatif, qui contient essentiellement trois éléments, soulève la question de l'un des chaînons manquant dans la chaîne législative normale. Selon l'article pertinent de la Constitution, le Parlement est composé de la Reine, des deux Chambres, et cetera. En ce qui concerne la promulgation des lois, le Parlement est assujetti à cet article. Si l'on veut abroger une loi pour une raison ou une autre, particulièrement si elle est jugée inutile, on pourrait le faire par voie de simple résolution.

M. Keyes: À ce sujet, sénateur, je ne parlerais pas d'abrogation par voie de résolution. La procédure de résolution existe pour empêcher l'abrogation et non pour la concrétiser ou l'accélérer.

L'abrogation se ferait en vertu de l'application de la loi elle-même. La procédure relative à la motion est simplement un élément qui fait partie du mécanisme législatif. La motion elle-même n'est pas une motion d'abrogation. C'est exactement l'inverse. C'est une motion qui interdit l'abrogation, qui interdit toute action législative.

Le président: Une motion portant l'abrogation d'une disposition ou d'une loi s'apparente davantage à une loi corrective par opposition à une motion visant à l'élimination intégrale d'une mesure. Est-ce exact?

M. Keyes: Je ne vous suis pas.

Le président: Cette motion en vue de supprimer une disposition ou une loi s'apparente davantage à une modification corrective, n'est-ce pas?

M. Keyes: Il y a une certaine similitude avec cette procédure. Selon la tradition, lorsque des propositions correctives sont présentées aux comités, si un membre du comité s'y oppose, elles sont retirées. En ce sens, cela s'apparente à la démarche relative aux projets de loi correctifs.

Le président: Pour en revenir à la préoccupation du ministère qui a suscité cette discussion, d'après ce que j'ai compris, elle s'articule autour de l'incidence sur les tierces parties, particulièrement les autres ministères qui seraient touchés ou encore des initiatives fédérales-provinciales ou internationales. Est-ce juste?

M. Keyes: Ce sont de bons exemples de nos préoccupations.

Le sénateur Joyal: Je me débats encore avec cela. Il serait sans doute bon que d'autres sénateurs interrogent nos témoins en attenant que je revienne sur le sujet.

Le sénateur Andreychuk: Étant donné que je ne suis pas spécialiste des questions juridiques, je voudrais qu'on me dise clairement si nous pouvons interpréter le pouvoir législatif énoncé dans le projet de loi S-11, si nous l'adoptons, en vue d'actions futures.

A vrai dire, contrairement au sénateur Joyal, je ne vois pas la différence entre le rôle de Sa Majesté et le rôle du Parlement. Il s'agit des deux volets de l'organe législatif. Si Sa Majesté adopte le projet de loi S-11, elle confirme un processus ayant trait à ses droits. Si nous adoptons le projet de loi S-11, nous confirmons un processus qui concerne nos droits en matière de législation.

Voilà pourquoi je voulais savoir d'entrée de jeu si cela est conforme à la Constitution. Je n'ai connaissance d'aucune autre loi qui intègre un mécanisme qui lie autant les Parlements futurs à un processus. Les règlements ne sont pas un bon exemple car, comme vous l'avez dit, ils relèvent de notre responsabilité déléguée. Nous pouvons compléter le cercle parce que c'est ce que nous faisons à partir de la Chambre et ensuite, au Parlement.

Ce serait une façon unique d'exercer le pouvoir parlementaire de l'assemblée législative et de Sa Majesté. Est-ce conforme à la Constitution? Existe-t-il des précédents en ce sens? Il y a certes l'élément temps, le mécanisme lui-même. Il faut savoir si le projet de loi repose sur de solides assises législatives dans cette perspective. Je ne connais pas d'exemples.

M. Keyes: Je ne connais pas d'exemples au niveau fédéral. Au niveau provincial, l'assemblé législative de la Nouvelle-Écosse a adopté une disposition allant dans le même sens que celle-ci.

Je ne suis pas au courant de l'existence d'une mesure semblable. Cela dit, en Australie, le Parlement applique une procédure qui exige des ministres qu'ils déposent chaque année la liste des dispositions qui ne sont pas en vigueur, mais les abrogations doivent se faire de la façon habituelle.

Vous avez tout à fait raison: c'est exceptionnel. Je ne suis pas en mesure de vous fournir une opinion sur la constitutionnalité de la chose. Je peux simplement vous signaler qu'il y a une certaine similitude entre cette façon de procéder et les dispositions de temporarisation que nous avons incluses dans la législation. En pareil cas, le Parlement intègre dans la loi une disposition en prévoyant l'abrogation sans qu'il soit nécessaire d'adopter subséquemment un projet de loi pour le faire.

Le sénateur Andreychuk: Comme vous l'avez fait remarquer à juste titre, on peut uniquement faire un parallèle quelconque avec les dispositions de temporarisation. Cependant, une disposition de temporarisation a simplement pour effet d'abroger une loi; ce n'est pas un mécanisme qui a une incidence quelconque dans l'avenir.

Je sais que les précédents vont plutôt dans l'autre sens, parce que périodiquement, nous faisons un nettoyage complet du Code criminel. Nous faisons un effort de rationalisation, nous apportons des changements mineurs et nous retirons les dispositions désuètes et ce, en présentant une version révisée du Code criminel. C'est l'autre façon de faire.

Le sénateur Banks se demande pourquoi des projets de loi adoptés depuis dix ans n'ont-ils pas été promulgués? Pourquoi figurent-ils dans les livres? Cela induit la population en erreur et ce n'est pas très efficient pour encourager l'application de la loi de façon opportune.

Cela soulève une question constitutionnelle, à savoir si ce mécanisme est valable, étant donné que nous ne pouvons trouver de précédent ou de pouvoir relatif à son usage. Je ne suis pas une experte. À la lecture de votre explication, je conclus que nous devrions réfléchir à cet aspect et nous assurer que cette façon de procéder est conforme à la Constitution.

Le sénateur Joyal: Je ne veux pas prolonger indûment la discussion, mais permettez-moi de résumer brièvement ma question.

S'agissant d'une disposition de temporarisation d'un projet de loi, le Parlement tout entier — les trois éléments — y ont consenti et ont sanctionné le fait que dans certaines circonstances ou après un certain temps, un projet de loi deviendra sans effet. Je n'ai aucune objection à cela. En effet, cette démarche s'inscrit dans le processus parlementaire intégral et fait appel aux trois composantes du Parlement. Lorsque Sa Majesté donne son assentiment à un projet de loi renfermant une disposition de temporarisation, elle exprime officiellement son acceptation du fait que les dispositions d'une loi ne s'appliqueront plus dans certaines circonstances ou au bout d'un certain temps. Je suis tout à fait d'accord avec cela. Dans le cadre de nos activités législatives, nous voyons souvent des projets de loi qui abrogent d'autres mesures législatives ou qui les remplacent.

En principe, lorsque nous abrogeons une mesure en vertu du pouvoir général conféré par le Parlement — en effet, le projet de loi S-11 serait une loi du Parlement et elle devrait recevoir la sanction de la Reine si les deux Chambres l'adoptent —, nous donnons au Parlement le pouvoir de modifier la volonté du Parlement en qui concerne des projets de loi qui ne sont pas spécifiquement visés par ce pouvoir habilitant. En fait, on ignore quel projet de loi sera touché.

Ce qui me dérange, c'est que la participation des trois éléments constitutifs du pouvoir législatif du Parlement n'est pas présente dans le projet de loi S-11 ou dans le tableau que vous mentionnez. Comme vous le savez, l'article 17 de la Constitution est très clair. On y lit qu'il y aura, pour le Canada, un parlement qui sera composé de la Reine, une Chambre haute appelée le Sénat, et de la Chambre des communes. Voilà la définition constitutionnelle du Parlement. Évidemment, l'article 91 stipule clairement qu'il sera loisible à la Reine, de l'avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des communes, de faire des lois pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement.

Le Parlement peut-il, par l'entremise d'une loi du Parlement, contourner la nature du Parlement en affirmant que pour certaines décisions législatives, le consentement de deux de ses éléments seulement sera nécessaire? D'une certaine façon, c'est ce que nous faisons.

Le sénateur Andreychuk: Pouvons-nous lier les Parlements futurs?

Le sénateur Joyal: Je ne suis pas en mesure de formuler une opinion définitive à ce sujet, mais comme la Cour suprême l'a énoncé dans l'affaire Referendum — la célèbre affaire manitobaine où le tribunal s'est prononcé sur le pouvoir et la capacité législatifs —, nous ne pouvons modifier le pouvoir législatif par une simple loi du Parlement. C'est un principe constitutionnel facile à comprendre. Est-il possible qu'une mesure habilitante comme celle-ci nous permette de modifier le processus d'abrogation? Ou le processus d'abrogation doit-il être assujetti, lui aussi, aux trois éléments du processus de promulgation?

Le sénateur Andreychuk: Il nous faudra peut-être entendre d'autres témoins versés en la matière.

Le président: Voulez-vous commenter?

M. Keyes: Je ne pense pas. Vos arguments sont intéressants. Il vaut certainement la peine d'examiner de plus près l'affaire Referendum du Manitoba en rapport avec ce projet de loi. Ce matin, nous ne sommes pas en mesure de commenter plus avant.

M. Daniel Ricard, premier conseiller législatif adjoint, ministère de la Justice du Canada: Le seul commentaire que je ferais a trait à la possibilité de lier les assemblées législatives. Rien n'interdit au Parlement d'adopter éventuellement un autre projet de loi s'il estime que celui-ci est trop lourd, ou quoi que ce soit. Au lieu d'abroger chaque loi individuellement, après 10 ans, on s'est dit que ce processus serait plus efficient puisqu'un seul processus s'appliquerait à toutes les lois qui figurent dans les statuts depuis 10 ans mais qui n'ont jamais été promulguées.

Le Parlement pourrait toujours modifier la loi s'il le désire.

Le président: Dans votre déclaration liminaire, vous avez évoqué les lois modifiées et vous avez mentionné qu'il ne faudrait pas commencer le compte à rebours à partir de la date d'entrée en vigueur de la loi mais plutôt de la date à laquelle elle a été modifiée.

Je reviens au changement proposé dans le projet de loi C-205 en ce qui a trait aux motions ministérielles sur les rapports en vue de supprimer une loi ou une disposition ce qui, comme vous l'avez dit, monsieur Keyes, vous permettrait d'avoir un rapport plus ciblé au lieu de procéder à l'élimination pure et simple.

Cela ne réglerait-il pas aussi la question du compte à rebours et du moment auquel il doit commencer?

M. Keyes: C'est un mécanisme qui nous permettrait certainement de régler ce problème, même si nous estimons qu'il serait préférable de le régler d'entrée de jeu au lieu de mentionner cela dans le rapport ou encore d'intégrer cela à la liste et d'en saisir le comité. Si l'une des dispositions était effectivement abrogée à la suite du processus, on se retrouverait simplement avec un amendement ultérieur dont la signification susciterait énormément de confusion puisque la disposition sous-jacente aurait été abrogée.

À notre avis, c'est un cas où il est assez évident qu'il ne faudrait pas abroger une disposition même si elle remonte à plus de 10 ans. Selon nous, il faudrait que cette possibilité soit abordée directement dans le projet de loi au lieu de dépendre de la procédure que nous suggérons.

Le sénateur Joyal: Je veux conclure sur une note positive parce que je ne veux pas empêcher que ce projet de loi soit soumis à la Chambre. Vous avez fait deux suggestions. Le parrain du projet de loi est ici. Vous serait-il possible de revenir nous présenter une proposition de libellé qui serait acceptable pour le parrain du projet de loi pour que nous puissions régler cela rapidement? Nous aimerions obtenir des réponses à nos questions concernant le pouvoir constitutionnel d'abroger une loi du Parlement.

M. Keyes: C'est avec plaisir que nous vous aiderons à rédiger les dispositions nécessaires pour apporter les deux changements que nous proposons.

Le président: Merci beaucoup. Nous attendrons avec impatience de vous revoir avant de conclure notre examen du projet de loi S-11.

Honorables sénateurs, nous allons maintenant reprendre notre étude du projet de loi C-17, Loi modifiant certaines lois, que nous avions commencée avant les vacances de Pâques.

Nous accueillons de nouveau, du Conseil privé, Mme Ginette Bougie, directrice, Rémunération et classification, et Mme Joan Arnold, directrice, Élaboration de la législation, Division des pensions.

Je vous remercie d'avoir pris le temps de revenir pour participer à nos délibérations sur le projet de loi C-17. Je sais que les sénateurs avaient des questions précises à vous poser. En revanche, je ne sais pas si vous voulez faire un exposé avant que nous passions aux questions ou si vous voulez simplement faire un commentaire liminaire ou deux. Voulez- vous faire une déclaration liminaire?

Mme Joan Arnold, directrice, Élaboration de la législation, Division des pensions, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada: Non.

Le sénateur Joyal: Je vous invite à faire quelques observations liminaires. Étant donné que nous avons discuté de ce projet de loi il y a trois ou quatre semaines, il serait sans doute bon que vous nous rappeliez le contexte global dans lequel s'inscrivent ces propositions et amendements. Si j'ai bonne mémoire, votre dernier exposé était succinct. Pour ma part, je voudrais que vous reveniez sur l'objectif des amendements qui occupent une grande partie de ce projet de loi.

Mme Ginette Bougie, directrice, Rémunération et classification, Bureau du Conseil privé: En ce qui a trait à l'allocation d'invalidité, il y a quelques années, trois lieutenants-gouverneurs ont écrit au premier ministre pour lui exprimer leurs préoccupations concernant le fait que s'ils devenaient invalides avant d'avoir complété cinq ans de service, ils ne toucheraient aucune rémunération et n'auraient pas droit à une pension. Par conséquent, s'ils devaient démissionner, ils se retrouveraient privés de tout revenu financier. En outre, advenant que cela se produise, aucune protection n'est assurée aux survivants.

Deux ou peut-être trois d'entre eux se sont retrouvés dans cette situation dans le passé, ce qui les a amenés à demander que leur cas fasse l'objet d'une considération spéciale. En effet, ils estimaient avoir été mal traités et ils se retrouvaient en difficultés financières ou dans le dénuement en raison de cette situation.

Le problème, dans une certaine mesure, c'est que les lieutenants-gouverneurs, à l'exception de ceux nommés ces dernières années, ont généralement accédé à ce poste tard dans leur vie. Pendant qu'ils sont employés en tant que lieutenants-gouverneurs, ou pendant la durée de leur mandat, ils bénéficient des régimes d'avantages sociaux de la fonction publique comme les soins de santé, les soins dentaires et l'invalidité à long terme. Cependant, dans le cas de l'invalidité à long terme, le plan d'assurance prend fin à l'âge de 65 ans. Pour ce qui est des fonctionnaires comme nous, nous pouvons alors toucher une pension d'invalidité. Nous recevons une pension. Cependant, les lieutenants- gouverneurs qui n'ont pas été en poste pendant cinq ans n'ont pas droit à une pension et, par conséquent, se retrouvent sans revenu.

La mesure permettra aux lieutenants-gouverneurs âgés de plus de 65 ans qui n'ont pas complété les cinq ans de service ouvrant droit à pension, de démissionner pour pouvoir toucher une allocation d'invalidité équivalente à ce qu'ils auraient reçu en vertu du régime d'assurance s'ils avaient eu moins de 65 ans, mais uniquement jusqu'à ce qu'ils aient accumulé les cinq années de service les rendant admissibles à une pension. Au cours de cette période pendant laquelle ils reçoivent l'allocation d'invalidité et avant de toucher leur pension, ils pourraient continuer d'être couverts pour des dépenses comme les médicaments d'ordonnance et tous leurs soins de santé, s'ils doivent être hospitalisés, recevoir des soins dentaires, et ainsi de suite.

Le sénateur Joyal: Essayons de comprendre la situation. Une question m'est venue à l'esprit lorsque vous avez fait votre exposé il y a quelques semaines; j'ai eu l'impression que le régime proposé par le projet de loi C-17 pour les lieutenants-gouverneurs correspondait à celui qui s'applique à d'autres fonctionnaires — le régime de prestations d'invalidité et le régime d'assurance-invalidité de longue durée de la fonction publique — et je suis complètement d'accord à cet égard.

Dans le cas des lieutenants-gouverneurs, ce qui me préoccupe quelque peu, c'est que nous essayons de leur accorder des niveaux de responsabilité et de traitement comparables à ceux que l'on retrouve dans le système gouvernemental général du Canada. J'ai du mal à considérer leur statut égal à celui d'un juge, par exemple, car les juges ne sont pas nommés tard dans leur vie, pas à l'âge de 72 ans, si bien que leur activité professionnelle dure un minimum de temps. C'est la même chose pour un sous-ministre ou un cadre de niveau EX. Lorsqu'on établit une comparaison dans le système, on se rend compte que l'on s'attend à un minimum d'années de service. Un lieutenant-gouverneur, par contre, est nommé pour un mandat de cinq ans seulement. Il me semble que compte tenu d'un mandat ou d'un nombre d'années de service aussi limités, assortis d'autant d'avantages, il faudrait parvenir à un genre d'équilibre entre les avantages et les fonctions exercées pendant le mandat de lieutenant-gouverneur.

Cela rejoint l'intervention que j'ai faite un peu plus tôt. Je ne sous-estime certainement pas l'élément important de la Couronne dans le processus législatif. Vous étiez là lorsque j'ai présenté cet argument. Je ne fais pas partie de ceux qui pensent qu'ils n'assument pas une responsabilité constitutionnelle importante; bien au contraire, mais j'essaye de mettre les avantages qu'ils reçoivent sur le même pied que les fonctions qu'ils accomplissent ainsi que la durée de leur mandat. Si au bout de deux ans, un lieutenant-gouverneur tombe malade et si après deux années de service public, il bénéficie des mêmes avantages que celui qui passe 10 années en moyenne dans un poste comparable de la fonction publique, je crois que nous sommes en droit de nous demander si c'est juste ou équilibré.

Le président: Avant que vous ne répondiez, pourrais-je également compléter la question du sénateur Joyal? Je devrais en connaître la réponse, mais malheureusement ce n'est pas le cas. Un lieutenant-gouverneur a-t-il complètement droit à pension après cinq ans, après un mandat?

Mme Bougie: Nous avons examiné la situation des parlementaires ainsi que celle des juges et les régimes de pension sont différents. Pour ce qui est des lieutenants-gouverneurs, ils sont admissibles à une pension après cinq années de service, mais ils doivent être âgés d'au moins 60 ans.

Mme Arnold: La pension complète correspond à 30 p. 100 de leur traitement.

Le sénateur Joyal: S'agit-il d'un traitement ou d'une indemnité?

Mme Arnold: Je crois que c'est assimilé à un traitement.

Le président: Si un lieutenant-gouverneur est nommé une nouvelle fois, ces 30 p. 100 sont-ils relevés ou ce pourcentage reste-t-il inchangé?

Mme Bougie: Il est fixe.

Le sénateur Joyal: Indépendamment de la durée du mandat, c'est 30 p. 100?

Mme Bougie: C'est exact. Un lieutenant-gouverneur est nommé pour un mandat de cinq ans. Toutefois, à la demande du gouvernement, il peut continuer d'exercer ses fonctions jusqu'à ce que le gouvernement soit prêt à nommer quelqu'un d'autre, mais la limite est établie à 30 p. 100 du traitement. Même s'il exerce ses fonctions pendant six ou sept ans, c'est la limite imposée.

Le sénateur Andreychuk: J'ai besoin de plus d'explications. Êtes-vous en train de dire que ce projet de loi précise une période de cinq ans au maximum, essentiellement?

Mme Bougie: Oui.

Le sénateur Andreychuk: Après cinq ans, la pension de 30 p. 100 est-elle assortie d'un élément d'invalidité, de manière qu'ils puissent être remboursés pour leurs médicaments d'ordonnance, et cetera, ou s'agit-il simplement d'une pension? Des prestations d'invalidité sont-elles prévues?

Mme Bougie: Il s'agit simplement d'une pension à ce moment-là. S'ils sont âgés de 60 ans et ont terminé leur mandat de cinq ans, y compris la durée de la prestation d'invalidité, c'est leur pension.

Le sénateur Andreychuk: Si un lieutenant-gouverneur est âgé de 43 ans au moment de sa nomination, et que deux années plus tard il tombe malade, la pension serait-elle calculée en fonction de cette période de trois ans?

Le sénateur Joyal: Dans l'exemple que vous donnez, cette personne ne recevrait pas sa pension avant l'âge de 60 ans.

Mme Bougie: C'est exact; c'est la même chose pour les parlementaires. En 2001, nous avons présenté une disposition permettant aux parlementaires qui doivent démissionner en raison d'invalidité avant d'être admissibles à une pension de continuer à contribuer à leur régime de pension, à recevoir une allocation d'invalidité et à bénéficier de régimes d'avantages sociaux, comme les soins de santé, pour une durée correspondant au maximum de six années de service. Ils seraient alors admissibles à une pension, qui n'est de toute façon pas payable avant l'âge de 55 ans.

Le sénateur Joyal: Continuent-ils à contribuer au fonds de pension au cours de cette période de manière que lorsqu'ils atteignent l'âge admissible à la pension, ils en obtiennent le maximum comme s'ils avaient travaillé pendant toute la durée de leur mandat électoral?

Mme Bougie: Oui, ils continueraient à payer leur part des contributions.

Le sénateur Joyal: Un lieutenant-gouverneur contribue-t-il à son fonds de pension ou celui-ci provient-il automatiquement du Trésor?

Mme Arnold: Ils contribuent 7 p. 100.

Le sénateur Joyal: Le lieutenant-gouverneur doit-il continuer à contribuer au fonds de pension en cas d'invalidité? Imaginons qu'au bout de deux années, il devenait invalide. Il serait alors visé par le régime d'invalidité. Devrait-il continuer à contribuer au fonds de pension pendant cette période?

Mme Bougie: Il faudrait qu'il continue à verser sa part des contributions.

Le sénateur Joyal: S'agit-il de 7 p. 100 de son traitement?

Mme Bougie: Oui.

Le sénateur Joyal: Lorsque vous dites qu'ils reçoivent une pension de 30 p. 100, existe-t-il d'autres postes de la fonction publique du Canada, y compris les juges et d'autres postes dans l'ensemble du gouvernement, où la pension est établie à 30 p. 100? Est-ce que ces 30 p. 100 représentent le minimum?

Mme Bougie: Pour les juges, la formule correspond aux deux tiers de leur dernier traitement, au moment de la cessation de leurs fonctions, mais ils doivent avoir le facteur 80.

Mme Arnold: Un juge doit avoir au moins 15 années de service.

Le sénateur Joyal: C'est bien ce que je pensais. Ils doivent servir pendant 15 ans pour obtenir la pension maximale.

Mme Arnold: Oui et ils doivent également avoir atteint un âge donné.

Mme Bougie: La Loi sur les juges renferme une disposition relative à la pension d'invalidité.

Le sénateur Joyal: Je le sais. Quel autre poste de la fonction publique comporterait une pension forfaitaire de 30 p. 100?

Mme Arnold: À ma connaissance, il n'y en a pas. La plupart des pensions sont calculées en fonction d'un pourcentage cumulatif par année de service.

Le sénateur Joyal: C'est habituellement ce qui est prévu. Tant que vous êtes en service, vous accumulez votre pension jusqu'à un montant maximum, en fonction également d'un âge limite. C'est le système habituel. C'est ce que j'essaye de comprendre, comment définissons-nous la situation des lieutenants-gouverneurs par rapport aux autres postes du système. Sur quoi vous êtes-vous fondés pour déterminer que 30 p. 100 représentent un pourcentage juste et raisonnable?

Le sénateur Andreychuk: Si je ne me trompe, nous avons déterminé ce qui était juste au moment de l'adoption d'un autre projet de loi.

Mme Arnold: Il s'agit de la Loi sur la pension de retraite des lieutenants-gouverneurs.

Le sénateur Joyal: Y a-t-il un critère précisant qu'il s'agit de la pension minimum?

Le sénateur Andreychuk: Autant que je sache, on avait parlé à ce moment-là d'une période de travail de 15, 22, 25 et 30 ans. Notre débat avait porté sur le caractère unique de cette fonction. J'étais déjà là lorsque nous avons adopté ce projet de loi et il est effrayant de voir que nous l'avons adopté il y a si longtemps. Je mérite peut-être de recevoir une pension.

Le sénateur Joyal: En d'autres termes, la protection en cas d'invalidité prévue par le projet de loi C-17 est uniquement fondée sur le fait que la personne qui est nommée devient invalide à quelque moment que ce soit après sa nomination.

Mme Bougie: La façon dont fonctionne le régime d'assurance — et c'est la raison pour laquelle nous parlons d'allocation d'invalidité — pour les fonctionnaires est la suivante: si je devenais invalide, je recevrais, en fonction de ce régime d'assurance, 70 p. 100 de mon salaire. Si je voulais que mes années d'invalidité comptent à des fins de pension, il me faudrait verser des contributions et payer pour avoir la couverture d'assurance au cours de cette période.

Si, au bout de deux ans, je répondais toujours aux critères d'invalidité, je serais admissible à une pension d'invalidité. Une telle pension est calculée en fonction du nombre d'années de service effectuées jusqu'à présent. Je pourrais alors avoir accès aux avantages sociaux comme les soins de santé et les soins dentaires. En tant que pensionnée, j'y aurais toujours accès.

Dans le cas des lieutenants-gouverneurs, avant l'âge de 65 ans, ils sont admissibles à 70 p. 100 de leur traitement au maximum, ce qui correspond à une assurance-invalidité. Lorsqu'ils atteignent l'âge de 65 ans, comme c'est le cas des fonctionnaires et des parlementaires et de n'importe quel régime d'assurance, cette couverture se termine. Par conséquent, tout ceci est fait pour qu'ils bénéficient d'une allocation d'invalidité jusqu'à ce qu'ils répondent au moins à l'exigence minimale de cinq ans, laquelle leur donne droit à pension. C'est juste pour cela, et pour leur donner accès aux avantages sociaux. Normalement, en cas d'invalidité, ils ont des dépenses d'hospitalisation, de médicaments d'ordonnance, et cetera.

Le sénateur Joyal: Vous expliquez bien la situation. Nous créons une exception pour une période après leurs 65 ans, qui doit se poursuivre jusqu'à ce qu'ils aient atteint les cinq ans.

Mme Bougie: C'est exact.

Le sénateur Joyal: Nous créons une exception.

Mme Bougie: Oui.

Le sénateur Joyal: Je vous remercie de le dire, car c'est un point important. Lorsque le projet de loi a été présenté, on nous a laissé entendre qu'il s'agissait uniquement de normaliser la situation. En fait, nous créons quelque chose de particulier en raison de la situation particulière dans laquelle on demande aux lieutenants-gouverneurs d'accomplir leurs fonctions. C'est un élément important qu'il faut noter aux fins du compte rendu, puisqu'il explique la nature particulière de ce projet de loi.

Mme Bougie: C'est une exception semblable à celle que nous avons prévue pour les parlementaires qui deviennent invalides juste avant l'âge de 65 ans ou après 65 ans.

Le sénateur Andreychuk: N'est-ce pas plus qu'une exception? Nous reconnaissons que les genres de personnes qui assument ces fonctions proviennent d'horizons divers et que, par conséquent, elles ont des revenus plus variés, et cetera. Auparavant, beaucoup de lieutenants-gouverneurs étaient fortunés. Aujourd'hui, nous nommons des gens de tous les milieux, dont le revenu peut varier, et cetera. C'est également un facteur et c'est la raison pour laquelle c'est devenu un problème. Certains ne pourraient pas financer eux-mêmes les frais reliés à leur invalidité alors qu'auparavant, la plupart d'entre eux le pouvaient.

Le sénateur Joyal: Je le comprends. Peut-être que dans le passé, les personnes choisies pour être nommées par le gouverneur en conseil venaient d'un milieu professionnel donné ou avaient une vaste expérience, puisqu'il s'agit d'un «poste supérieur», mais, selon les normes actuelles, il peut arriver que le caractère d'une personne soit aussi important que la période de temps au cours de laquelle la personne a occupé une profession donnée.

Toutes les dispositions qui traitent de cette question dans le projet de loi vont de la page 4 à presque toute la page 11, n'est-ce pas?

Mme Arnold: Oui, c'est exact.

Le sénateur Joyal: Pouvez-vous expliquer les divers éléments de toutes les dispositions qui se rapportent à une modification relative aux survivants?

Mme Arnold: Il semble effectivement qu'il y ait beaucoup de modifications, mais la plupart sont de nature consécutive. Elles tiennent compte de la situation où un lieutenant-gouverneur qui est devenu invalide ou qui a quitté ses fonctions, continue à contribuer à son régime de pension. Il fallait prévoir le fait qu'il ait quitté ses fonctions, mais qu'il ait continué à contribuer au régime de pension. Cela veut dire qu'il fallait revoir tous ces articles de la loi.

Beaucoup de dispositions et d'événements sont harmonisés en fonction du moment où une personne quitte ses fonctions et cesse de contribuer. Dans ce cas particulier, à cause de la nature des modifications que nous apportons afin de permettre à ces personnes de continuer à contribuer de manière à accumuler cinq années de service ouvrant droit à pension, il faut dire qu'elles ont cessé leurs fonctions mais qu'elles continuent à contribuer. La loi n'était pas ainsi faite dans le passé. Les deux événements se sont produits en même temps et il fallait tenir compte de cette situation particulière. C'est ce qui explique que chaque modification prévue dans le projet de loi vise la Loi sur la pension des lieutenants-gouverneurs.

Le sénateur Joyal: Pouvez-vous expliquer la prestation aux survivants proposée aux pages 8 et suivantes?

Mme Arnold: Il fallait revoir ces articles de la loi afin de tenir compte de la situation de ces gens qui continuent à contribuer parce que, pour obtenir une prestation au survivant, le survivant doit avoir un lien de parenté avec le lieutenant-gouverneur au moment où celui-ci cesse de contribuer. Étant donné que ces gens contribuent après avoir quitté leurs fonctions, il a fallu renvoyer à l'article 4.1 exigeant que la personne invalide continue de contribuer après avoir cessé d'occuper sa charge. Il s'agissait donc de revoir ces articles pour y insérer un renvoi à l'article 4.1.

Mme Bougie: C'est pour prévoir les mêmes prestations au survivant auxquelles ils auraient eu droit s'ils avaient continué d'occuper leurs fonctions de lieutenant-gouverneur pendant cinq années complètes.

Le sénateur Joyal: Lorsque vous parlez de lien de parenté, vous parlez de relation conjugale.

Mme Arnold: Oui, qu'il s'agisse d'un conjoint ou d'une relation de nature conjugale.

Le sénateur Joyal: Une période de temps minimale est-elle prévue pour cette relation conjugale?

Mme Arnold: Elle doit correspondre à une année au moins.

Le sénateur Joyal: C'est la même chose dans toutes les autres lois fédérales.

Mme Arnold: C'est exact.

Le sénateur Joyal: Cela n'a rien à voir avec le fait que dans certaines provinces, la période de temps relative à la reconnaissance légale d'une telle relation n'est pas la même.

Mme Arnold: Tous les régimes d'avantages fédéraux sont adaptés à une année.

Le sénateur Joyal: Ils tombent sous le coup du régime fédéral à cet égard.

Mme Arnold: Oui.

Le sénateur Joyal: Pouvez-vous parler de la prestation consécutive au décès prévue par l'article 9 de la page 10?

Mme Arnold: Il s'agit, si je ne me trompe, d'une disposition prévoyant le versement d'une somme globale des contributions de la personne s'il n'y a pas de survivant ayant droit à la pension. Par conséquent, c'est le versement d'une somme globale.

Le sénateur Joyal: De combien s'agit-il?

Mme Arnold: C'est le montant correspondant à la différence entre le montant total des contributions versées par la personne et le montant total effectivement versé sous forme de pension.

Si la personne qui a commencé à recevoir une pension de retraite ne l'a reçue que pour une courte période de temps avant son décès, la différence entre ce qu'elle a payé au titre des contributions et ce qu'elle a effectivement reçu comme prestation serait versée à sa succession.

Le sénateur Joyal: C'est en fait un remboursement de la contribution.

Mme Arnold: Essentiellement, oui. Cela s'applique seulement dans les cas où il n'y a pas de survivant admissible.

Le sénateur Joyal: Ce n'est pas un avantage supplémentaire, c'est simplement le remboursement de la contribution à la succession.

Mme Arnold: C'est exact et on retrouve la même disposition dans d'autres lois sur les pensions. Dans le régime des députés, on retrouve également une disposition de cette nature.

Le président: J'aimerais vous remercier, madame Arnold et madame Bougie, d'être venues nous faire profiter de votre expertise et je vous souhaite de réussir dans toutes vos entreprises futures.

Collègues, avant d'ajourner, puis-je proposer que l'on procède à l'examen article par article du projet de loi C-17 à la prochaine séance.

Des voix: D'accord.

Le président: Merci.

La séance est levée.


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