Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 4 - Témoignages
OTTAWA, le lundi 10 mai 2004
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 17 h 30 pour étudier l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la Loi, ainsi que les rapports de la commissaire aux langues officielles, du président du Conseil du trésor et du ministre du Patrimoine canadien.
L'honorable Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente: Pour commencer, je voudrais souhaiter la bienvenue à nos invités. Nous avons un ordre du jour très chargé.
Cela nous fait toujours plaisir, madame la commissaire, de vous recevoir pour discuter des nombreux dossiers que vous faites avancer pour les minorités.
Vous avez trois rapports sur lesquels vous aimeriez nous dire quelques mots, mais malheureusement, aujourd'hui nous devons cibler les services bilingues dans les commerces et édifices fédéraux. Mais vous avez deux autres rapports sur lesquels vous aimeriez nous parler.
Mme Dyane Adam, commissaire, Commissariat aux langues officielles: J'aimerais parler brièvement de trois rapports, puisque depuis notre dernière comparution, nous avons effectivement publié une première vérification qui a été menée par le Commissariat auprès de la Société canadienne des postes ainsi que deux études.
Je vais en profiter pour présenter mes deux collègues. À ma droite, Gilbert Langelier, directeur aux enquêtes spéciales, et bien sûr, Gérard Finn, conseiller principal à la commissaire.
[Traduction]
Premièrement, au sujet de la vérification chez Postes Canada, comme vous le savez, les vérifications nous permettent de fournir au Parlement une évaluation objective de la situation linguistique dans les institutions assujetties à la Loi sur les langues officielles. Elles procurent également aux institutions une évaluation externe essentielle à l'amélioration continue de leur rendement. La vérification de Postes Canada portait sur le service aux comptoirs postaux. La société gère 7 000 points de services postaux d'un bout à l'autre du pays, dont près de 800 sont désignés bilingues. Plusieurs d'entre eux sont des franchises exploitées par des tiers au nom de Postes Canada. Chaque année, le Commissariat aux langues officielles reçoit des plaintes de la part des clients de comptoirs bilingues, qui ont du mal à obtenir des services dans leur langue officielle.
Lors de cette vérification, des agents du commissariat ont rencontré plusieurs gestionnaires de différents niveaux de Postes Canada et ont vérifié 64 comptoirs postaux dans six régions partout au pays, soit 36 comptoirs franchisés exploités par un détaillant et 28 comptoirs de la société. Enfin, l'équipe a examiné les politiques, la documentation, les rapports clés ainsi que les procédures mises en place pour surveiller les comptoirs postaux. Cette vérification a révélé des aspects positifs. En ce qui concerne son cadre de gestion, la société dispose d'une politique sur les langues officielles qui est conforme à la loi et aux règlements. Elle en communique les exigences à son personnel responsable des comptoirs postaux et à ses partenaires qui exploitent des franchises. Elle a également mis en place un certain nombre de mécanismes de surveillance de la conformité avec ces exigences.
[Français]
Toutefois, ces mesures ne sont pas toujours suffisantes pour assurer un service d'égale qualité dans les deux langues officielles. Ainsi, parmi notre échantillonnage de 64 franchises et comptoirs postaux désignés bilingues, un sur quatre n'arrive pas à offrir un service de qualité égale dans les deux langues officielles. La situation est cependant très variable selon les régions visitées. Pour ce qui est du service en personne, par exemple, l'écart se situe entre 100 p. 100 des points de service qui satisfont les exigences linguistiques dans les Cantons de l'Est au Québec, et seulement 50 p. 100 en Alberta. De plus, il existe des écarts importants entre le service offert aux comptoirs de Postes Canada et celui offert dans les franchises postales.
Alors qu'un comptoir sur cinq de la société n'était pas en mesure d'offrir un service convenable dans les deux langues, près du tiers des franchises étaient incapables de le faire. Mentionnons toutefois que dans quatre des six provinces vérifiées, le service en personne, dans les franchises postales, était équivalent ou même supérieur à celui observé dans les comptoirs postaux.
Les Canadiens et les Canadiennes comptent sur les services offerts par Postes Canada et il importe que la société améliore son rendement dans les plus brefs délais.
Par conséquent, j'ai émis 14 recommandations afin d'aider Postes Canada à mieux desservir le public canadien dans les deux langues officielles.
La société doit notamment revoir son interaction avec les exploitants des franchises afin de s'assurer qu'ils se conforment à leurs obligations et responsabilités touchant la langue de service. À cet effet, un renforcement des mécanismes de surveillance serait nécessaire. La société devrait aussi prendre les mesures nécessaires pour que le public puisse facilement repérer les comptoirs leur permettant de recevoir un service dans la langue officielle de leur choix.
Je tiens à vous souligner toutefois que nous avons reçu une excellente collaboration de Postes Canada. La société a reconnu les lacunes portant sur le service dans les deux langues officielles et s'est engagée à y remédier. Même si cela n'a pas de lien avec notre vérification, je profite de l'occasion pour féliciter Postes Canada d'avoir décidé de maintenir un service bilingue dans une soixantaine de bureaux qui auraient dû normalement perdre leur désignation bilingue d'après les données du recensement de 2001.
Conformément à notre politique de vérification, nous effectuerons un suivi après un délai de 12 à 18 mois, afin d'évaluer la mise en œuvre de nos recommandations. Compte tenu de son engagement, nous nous attendons à une nette amélioration du rendement de Postes Canada.
Pour ce qui est de la fonction de vérification, nous désirons mener trois autres vérifications au cours de l'exercice financier 2003-2004 et dans les prochaines années, nous comptons augmenter ce nombre à quatre, tout en effectuant les suivis qui s'imposent.
Passons maintenant à l'autre sujet qui, je pense, retiendra davantage votre attention aujourd'hui.
[Traduction]
Passons maintenant à notre étude sur les baux commerciaux dans les édifices fédéraux. Depuis plusieurs années, la disponibilité des services bilingues dans ces commerces suscite des préoccupations de la part du public et des parlementaires. En vertu de la loi, le gouvernement fédéral doit inclure des clauses linguistiques dans ses baux commerciaux de la région de la capitale nationale, informer ses locataires des exigences en matière de langues officielles et faire respecter ces dispositions. Dans l'ensemble de la région de la capitale nationale, toutefois, 41 p. 100 des 207 commerces vérifiés dans le cadre de cette étude avaient dans leur bail des clauses à l'égard de l'affichage et de la prestation de services bilingues. Ce pourcentage était de 78 p. 100 pour les baux qui relèvent de la Commission de la capitale nationale, comparativement à seulement 18 p. 100 pour ceux dont Travaux publics et Services gouvernementaux Canada est responsable. L'étude révèle aussi un piètre rendement pour ce qui est de la prestation de services bilingues dans les commerces situés dans les immeubles fédéraux à Ottawa. Dans plus de la moitié des commerces vérifiés, le matériel écrit, nommément l'affichage, les menus, les documents de promotion et les sites Web étaient en anglais seulement. Même si la situation est quelque peu meilleure pour les services au téléphone et en personne, à 70 p. 100 et 60 p. 100, les résultats n'en demeurent pas moins inacceptables.
Dans les commerces situés dans les immeubles fédéraux à Gatineau, les services téléphoniques et en personne étaient exemplaires et le matériel écrit était bilingue dans la très grande majorité des cas. Les résultats du côté d'Ottawa sont décevants et cette situation perdure depuis trop longtemps. D'ailleurs, le Comité mixte permanent des langues officielles s'était déjà penché sur cette question en 1997 et avait formulé plusieurs recommandations à cet effet. Celles-ci ont été plus ou moins reproduites dans notre propre étude, dans les appendices.
Pour remédier aux lacunes, j'ai fait des recommandations à la Commission de la capitale nationale, à Patrimoine canadien et à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Vous comprendrez qu'il s'agit non seulement d'obligations légales de la part du gouvernement fédéral, mais aussi d'une question de respect envers les deux communautés de langue officielle de la région de la capitale nationale, et aussi envers les Canadiens et les Canadiennes et les autres personnes qui visitent notre région.
[Français]
Le troisième article porte sur notre deuxième étude rendue publique le 29 mars. Cette étude examinait la question de la langue de travail au sein des institutions fédérales dans la région de la capitale nationale.
Rappelons que le gouvernement fédéral, avec plus de 460 000 employés dans les ministères et organismes assujettis à la Loi sur les langues officielles, est l'employeur bilingue le plus important au pays. Dans les régions désignées bilingues, comme la région de la capitale nationale, le personnel occupant des postes bilingues a le droit de s'exprimer, d'être supervisé et d'avoir accès à des outils de travail et au service interne dans la langue officielle de son choix.
Il est important de reconnaître qu'il y a eu des progrès dans la langue de travail au cours des 15 dernières années. Cependant, le français demeure toujours sous-utilisé comme le démontre deux études récentes du Conseil du Trésor. Par exemple, dans les milieux de travail bilingues, les anglophones passent 14 p. 100 de leur temps à parler français et les francophones consacrent 43 p. 100 de leur temps à parler anglais.
L'objectif de notre étude était de dépasser ce simple constat — qui est bien documenté — pour mieux comprendre l'environnement sociolinguistique et la dynamique interculturelle qui caractérise un milieu de travail bilingue. Notre but était d'identifier les facteurs qui favorisent une pleine expression des deux langues officielles.
Nous avons notamment remarqué que chez les employés francophones, plusieurs facteurs jouent en faveur d'une sous-utilisation de leur langue, notamment une meilleure connaissance de la langue seconde comparativement à leurs collègues anglophones, la tendance à favoriser la langue du superviseur, la perception de l'anglais comme langue d'ascension professionnelle et enfin, le manque de disponibilité d'outils de travail en français. Le résultat en est un phénomène d'assimilation professionnel fort perturbant.
[Traduction]
Quant aux employés anglophones, ils sont exposés à une culture organisationnelle qui les pousse à utiliser l'anglais plus souvent qu'ils ne le voudraient ou le pourraient. En fait, ils disent manquer de la formation nécessaire au développement d'un bilinguisme pratique et estiment que cela limite leurs chances d'avancement.
Notre étude montre également que la formation linguistique offerte aux gestionnaires anglophones n'est pas suffisante pour leur permettre de superviser leur personnel en français, ce qui a un impact considérable sur le comportement linguistique des employés. C'est pourquoi un francophone sur quatre croit que le travail doit être fait en anglais.
En réponse à cette situation, j'ai émis dix recommandations. Je propose également un plan qui permettrait de valoriser et de reconnaître pleinement les langues officielles au travail. Ce cadre est fondé sur trois priorités. La première est un leadership clair et soutenu; autrement dit, les gestionnaires doivent montrer l'exemple. La deuxième priorité est le renforcement des aptitudes personnelles par la formation, mais aussi en faisant en sorte que le cadre de travail permette aux employés nouvellement formés d'exercer leurs compétences linguistiques. La troisième priorité est le renforcement de la capacité institutionnelle, car la formation linguistique et les tests de langue ne doivent pas être une fin en soi. La prochaine étape est d'encourager et de soutenir l'expression des deux langues au quotidien. De plus, pour augmenter l'imputabilité de la haute gestion à cet égard, il faut que l'usage réel de la langue et l'adoption de mesures concrètes pour favoriser un milieu de travail bilingue figurent parmi les critères d'évaluation du rendement et de promotion des cadres supérieurs.
Au cours des deux ou trois prochaines années, notre réflexion englobera les autres régions bilingues du pays. En effet, le contexte socio-linguistique de Montréal est possiblement différent de celui de la région de la capitale nationale ou du Nouveau-Brunswick. Par ailleurs, l'environnement de travail au sein d'une société d'État peut s'avérer assez différent de celui d'un ministère. D'ailleurs, il est intéressant de noter que plus de la moitié des employés qui travaillent dans des institutions assujetties à la loi travaillent au sein de sociétés d'État et d'organismes privatisés. C'est donc une question qu'il faudra examiner de plus près.
[Français]
J'aimerais terminer sur un autre sujet d'actualité qui risque d'avoir un impact sur les droits linguistiques, les droits linguistiques du public voyageur.
Il s'agit bien entendu du futur d'Air Canada. Comme vous le savez, j'ai toujours été préoccupé par le maintien des obligations linguistiques d'Air Canada dans le contexte de sa restructuration et c'est un dossier que nous suivons de très près.
Les Canadiens s'attendent au plein respect de leurs droits et surtout à aucune réduction des obligations linguistiques ou à un recul de droits linguistiques du public voyageur. C'est d'ailleurs la position que le gouvernement a maintenue jusqu'à présent, c'est-à-dire qu'il ne devrait y avoir aucune réduction des obligations linguistiques d'Air Canada et j'espère qu'il continuera à le faire. La proposition voulant que les principaux concurrents d'Air Canada soient soumis aux mêmes conditions d'affaires est certes intéressante pourvu qu'il n'y ait pas de dégradation des services bilingues offert par Air Canada. La question de l'équilibre concurrentiel des transporteurs est une situation complexe que le gouvernement fédéral devra probablement examiner. Cet équilibre doit se faire dans le respect des droits linguistiques du public canadien.
Je sollicite votre appui en tant que collaborateurs afin de m'aider à suivre et à faire progresser ces dossiers, notamment en convoquant périodiquement les ministres et les administrateurs responsables, comme vous allez le faire subséquemment pour ce qui est de l'étude sur les baux. Effectivement, ce moyen favorisera la reddition de compte des institutions concernées. Plus particulièrement, en ce qui a trait à la langue de travail, je vous invite à convoquer les responsables de la nouvelle agence pour identifier des pistes de solution répondant à nos objectifs linguistiques. La mise en place de nouvelles institutions telles que l'agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique et l'école de la fonction publique est l'occasion d'apporter une modernisation des pratiques et d'ajuster les programmes. Il s'agit non seulement de se pencher sur la formation linguistique, mais aussi la formation des fonctionnaires en ce qui a trait à la gestion d'un environnement de travail bilingue. Dans cette perspective, il serait également souhaitable d'analyser les modèles appliqués dans d'autres pays afin de bonifier nos interventions.
Je vous remercie à nouveau de votre engagement et je tiens à vous assurer de mon entière collaboration.
Le sénateur Gauthier: Je ne m'attendais pas à ce qu'on nous parle de Postes Canada ce soir. Je n'ai malheureusement pas eu le temps de lire le document qu'on nous a envoyé cet après-midi. J'ai déposé des plaintes à plusieurs reprises au sujet du service et, de ces plaintes, a probablement découlé une partie de l'enquête.
Dans votre rapport, vous faites allusion aux baux de la région de la capitale nationale. Je voudrais que tous les baux dans les édifices fédéraux — propriétés des Canadiens et des Canadiennes — aient des clauses linguistiques lorsqu'il s'agit d'un tenancier commercial ou d'une personne exploitant une boutique touristique ou autres. Ces personnes doivent savoir qu'à Halifax, à Vancouver et à Ottawa, nous sommes tenus par la loi, par les contrats que nous signons, à respecter les deux langues officielles et à donner un service lorsqu'il est possible de le faire.
Le débat qui existe concerne la portée véritable de la partie VII, que certains prennent plus au sérieux que d'autres. Tout cela peut conditionner les engagements et les comportements de nos institutions fédérales.
Dans ce cas, deux institutions, soit Travaux publics et Patrimoine canadien, se sont montrées très ouvertes à nos recommandations et veulent s'engager afin d'améliorer la situation. Elles croient qu'il est important d'informer, de surveiller et de s'assurer que les correctifs sont véritablement apportés afin que le public canadien et les visiteurs soient en mesure de bénéficier de services bilingues.
Il est également important de reconnaître qu'avec la contribution directe que le gouvernement fédéral peut facilement apporter, le visage de la capitale nationale sera davantage bilingue qu'il ne l'est présentement.
Le sénateur Maheu: Air Canada pourrait décider d'écouter ceux qui l'encouragent à laisser tomber la recommandation qui vise à placer quelqu'un de bilingue sur tous ses vols. Si tel était le cas, je demanderais que vous suiviez ce dossier de très près car je pense qu'on assisterait à une scène terrible au gouvernement si une telle chose se produisait.
Mon deuxième commentaire concerne la formation linguistique et les examens de langues officielles au sein de la fonction publique. Avant, c'était une véritable farce. N'importe qui pouvait être considéré bilingue.
Aujourd'hui, la qualité des services s'est-elle améliorée? Est-ce que la formation linguistique des gestionnaires anglophones ayant de la difficulté à travailler en français s'est améliorée?
Mme Adam: Nous n'avons pas examiné la question de la formation linguistique ni celle de la qualité des services. Dorénavant, cette question relèvera de la Commission de la fonction publique qui sera responsable des tests. La nouvelle école, quant à elle, sera responsable de la formation linguistique.
Ce sont des professionnels en formation linguistique qui ont conçu les cours et les tests. Je dois dire que nous n'avons pas vraiment vérifié la qualité des cours et des tests.
Le sénateur Léger: J'ai hâte au jour où être bilingue sera naturel. Ce n'est pas pour demain, mais ce midi il y avait une chorale formée d'enfants qui chantaient dans les deux langues. Je dois vous avouer que j'ai eu de la difficulté à chanter la partie anglaise parce que je ne la connaissais pas. Il faut dire que les jeunes sont de plus en plus bilingues, mais tout n'est pas fait.
Vous avez dit qu'il y avait des progrès dans la langue de travail, mais le français demeure toujours sous-utilisé. Vous avez aussi dit que le leadership était insuffisant dans la fonction publique. Est-ce que les anglophones qui comprennent et parlent le français pourraient exiger qu'une moitié de la journée se déroule en français et l'autre en anglais? Est-ce qu'on exige qu'ils parlent les deux langues?
Mme Adam: Je ne suis pas certaine de comprendre votre question.
Le sénateur Léger: Il y a des anglophones qui réussissent les tests de français langue seconde. Ils pourraient exiger que la moitié de la journée se passe en français et l'autre moitié en anglais. Est-ce que la présence de leadership peut faire en sorte que cela s'applique?
Mme Adam: Pour respecter la loi, l'élément clé repose toujours sur le superviseur, le gestionnaire ou le haut fonctionnaire. Dans les institutions fédérales, les gestionnaires doivent veiller à ce que les employés sous leur gouverne puissent utiliser la langue de leur choix.
Cela dépend de la composition linguistique de leurs institutions. Il peut s'agir d'un aménagement différent du contexte de travail. Par exemple, si des francophones et/ou des anglophones autour d'une même table comprennent ce qui se dit, la réunion peut se dérouler dans les deux langues officielles, en alternance.
Par contre, s'il y a des gens qui ne comprennent absolument ce qui se dit et qu'il n'y a pas d'interprétation simultanée, le gestionnaire doit alors trouver un aménagement linguistique qui permette aux gens de s'exprimer dans leur langue de leur choix. On peut traduire ce qui se dit. Cela nécessite donc un aménagement linguistique particulier.
Évidemment, comme le respect de la loi repose sur les gestionnaires, c'est sur eux que la compétence linguistique devrait être la plus exigeante. L'étude a démontré que le facteur le plus important qui détermine si les francophones utilisent ou non le français est presque directement rattaché à la compétence linguistique du superviseur dans la langue française.
Le sénateur Léger: Est-ce que tout employé fédéral doit être bilingue?
Mme Adam: Non, à peu près 35 p. 100 doit l'être et ce sont seulement les personnes qui ont des postes désignés bilingues.
Le sénateur Léger: Beaucoup d'employés se plaignent de ne pas avoir l'occasion d'appliquer les connaissances qu'ils ont acquises. Ils sont contents de suivre une formation linguistique mais ont rarement l'occasion de mettre en pratique ce qu'ils apprennent.
Mme Adam: Les anglophones qui ont participé à notre étude nous disent exactement la même chose. Ils voudraient utiliser davantage la langue française, mais ils ne rencontrent pas les conditions favorables à l'usage de cette langue. Peut-être sentent-ils qu'ils n'ont pas atteint une compétence suffisante pour s'exprimer dans cette langue ou que le milieu n'est pas propice. Souvent le temps presse, il faut écrire vite, il faut parler vite. Tout cela mène à la solution la plus facile, soit l'utilisation de la langue qui est la plus facile pour les gens.
Le sénateur Léger: Si j'ai bien compris, la personne a suivi des cours de français tout le mois de janvier. Elle voulait suivre ses cours. Où sont les gymnases dans lesquels on pourrait crier en français pour s'entendre? Cela pourrait se faire après le cours, pas juste pendant.
Mme Adam: Vous proposez des mesures ou des interventions en milieu de travail qui favorisent l'utilisation de la langue seconde ou de la langue française, dans le cas présent, dans la région de la capitale nationale. C'est exactement ce que nous proposons. Les tests et la formation linguistique ne sont pas une fin en soi. Par exemple, suivre des cours de golf et frapper des balles de golf au champ de pratique mais ne jamais jouer sur le terrain de golf sont deux choses différentes. Je pense que les responsables sont à examiner d'autres façons — et je dis bien examiner — d'amener les personnes à maîtriser leurs compétences linguistiques en langue seconde.
Par exemple, apprendre en milieu de travail plutôt qu'en salle de classe ou, du moins, avoir une composante de formation en milieu de travail. On sait que pour la plupart des compétences, qu'elles soient linguistiques ou autres, il faut souvent l'exercer dans le milieu de travail. Cette question retient présentement l'attention des ministères ou institutions responsables et on parle en ce moment de la Commission de la fonction publique, l'Agence des ressources humaines et je sais que la nouvelle école aussi examine cette question.
Le sénateur Léger: J'ai une autre question au sujet d'Air Canada. Mes oreilles ont été très heureuses plusieurs fois. Non seulement on nous annonçait aujourd'hui qu'Air Canada pouvait nous servir dans cinq langues: le français, l'anglais, mais aussi d'autres langues comme le chinois, et cetera. J'ai pensé que ce devait sûrement être notre bilinguisme de demain.
[Traduction]
Le sénateur Keon: Merci beaucoup, madame Adam, pour votre comparution et pour la qualité de votre travail. Je vous en félicite.
Je m'inscris en faux contre ce que vous avez dit au sujet du manque de leadership dans des organisations comme la Commission de la capitale nationale, le ministère du Patrimoine et Postes Canada, pour ce qui est d'offrir et ensuite de soutenir la dualité linguistique du Canada. Je ne pense pas que ce soit la faute des gens qui travaillent dans ces organisations. Comme je vous l'ai déjà dit, j'ai vécu cela pendant 30 ans à titre d'administrateur dans le domaine de la santé. Quand j'ai pris ma retraite, il y avait un nombre égal de francophones et d'anglophones parmi les médecins de l'établissement que je dirigeais. Cependant, je peux vous dire que c'était une lutte de tous les instants et que cela coûtait très cher de recruter un nombre égal de médecins francophones et anglophones. En dépit de mes bonnes relations avec les gouvernements fédéral et provincial, l'établissement n'a jamais pu se faire rembourser intégralement ses dépenses.
J'en reviens à Air Canada. Le couperet est à la veille de tomber sur Air Canada. Le grand public dit qu'Air Canada doit mettre de l'ordre dans ses affaires et se conformer aux mêmes normes économiques que les autres transporteurs. Il doit concurrencer Cathay Pacific Airways sur la scène internationale et doit faire concurrence aux petits transporteurs localement.
À moins que le gouvernement ne prenne l'engagement de payer la mise en oeuvre des mesures nécessaires pour soutenir la dualité linguistique et le bilinguisme d'Air Canada, en versant une somme séparée du budget global, il y aura un énorme problème.
Même si, au fil des années, tout le monde a dit du bout des lèvres qu'il fallait atteindre cet objectif, personne n'est disposé à agir. Il y a des gens qui se plaignent des montants que nous avons dépensés pour nos programmes de bilinguisme. Cependant, sur le plan purement financier, les dirigeants et les gestionnaires dans les divers secteurs touchés ne peuvent pas absorber ces dépenses sans sacrifier d'importantes portions de leurs propres coûts de fonctionnement.
C'est notre responsabilité; nous sommes sénateurs. Je regarde le sénateur Gauthier et je suis convaincu que l'on peut dire n'importe quoi sans risquer de se faire congédier. Il a mené la lutte à lui seul et à bout de bras dans ce domaine et je suis désolé qu'il ne sera pas ici l'année prochaine. Je pense que c'est nous, au gouvernement, qui sommes à blâmer. Nous devons le faire et nous devons y consacrer de l'argent. Je vous invite à commenter tout cela.
Mme Adam: Le gouvernement fédéral devrait se pencher sur l'ensemble du secteur des transports, parce que c'est un domaine qui relève de sa compétence, et déterminer quel est le service bilingue minimum nécessaire, disons dans le secteur aérien. C'est un message que j'ai récemment transmis au ministre des Transports.
Je veux toutefois ajouter une observation. Air Canada, au fil des années, a prouvé qu'il n'en coûte pas plus cher d'avoir du personnel bilingue que d'avoir du personnel unilingue. C'est le même personnel. Air Canada a été confronté dans le passé au fait que la Loi sur les langues officielles était souvent considérée impossible à respecter à cause des conventions collectives. Les employés les plus bilingues étaient souvent les plus récemment embauchés et étaient mis à pied. Air Canada faisait des progrès dans l'acquisition d'une capacité de bilinguisme suffisante pour assurer la prestation du service et respecter les exigences de la loi, mais en période de réorganisation ou de difficultés financières, la société devait souvent congédier ses employés bilingues, à cause de questions syndicales.
À cet égard, nous, au Commissariat des langues officielles, soutenons que la Loi sur les langues officielles a préséance sur les autres lois. C'est même écrit dans notre propre loi. Si l'on met de côté la législation sur les droits de la personne, la Loi sur les langues officielles a préséance sur toutes les autres lois.
C'est une question que nous n'avons jamais pu résoudre avec Air Canada, mais je pense qu'une grande partie de ces coûts supplémentaires sont liés à ce problème. Je suis d'accord avec vous quand vous évoquez la responsabilité du gouvernement fédéral. Sur le plan de la sécurité à bord des avions, si l'on doit se contenter de faire jouer un enregistrement, si quelque chose arrive et qu'il n'y a personne à bord capable de parler aux passagers dans les deux langues officielles, est-ce que ce serait un problème de sécurité? Il y a moyen pour le gouvernement fédéral, en invoquant à la fois la Loi sur l'aéronautique et la Loi sur les langues officielles, de se pencher sur la question des obligations en matière de bilinguisme dans le domaine du transport.
[Français]
Le sénateur Gauthier: Je veux poursuivre les questions et enchaîner sur le suivi que vous, en tant que commissaire aux langues officielles, devez faire de ces rapports. D'abord, je déplore qu'on n'ait pas plus de temps pour étudier ces rapports. On a une réunion de temps en temps et ce n'est vraiment pas suffisant. Quelle sorte de suivi est-ce que le Commissariat aux langues officielles a donné aux huit recommandations de 1997 du Comité des langues officielles, dont aucune n'a été suivie, ainsi qu'aux treize recommandations que vous faites aujourd'hui? En tout, cela fait 21 recommandations. C'est de l'ouvrage! Si vous mettez cela en œuvre, vous aurez besoin de 200 millions de dollars au lieu de 20 millions de dollars.
Mme Adam: Il n'y a pas de doute dans mon esprit que le commissariat a la responsabilité de faire des suivis et d'exercer des pressions. Je dois toujours le rappeler, la commissaire a un pouvoir de persuasion, de recommandation, mais elle a besoin, bien sûr, d'autres leviers pour inciter les institutions à suivre effectivement ces recommandations. En cela, bien entendu, votre action parlementaire est primordiale à mes yeux.
Pour ce qui est de notre suivi, je laisserai mon collègue responsable des vérifications et des suivis vous dire un peu plus en détail ce que nous comptons faire, en ce qui concerne l'étude des baux en particulier.
M. Langelier: Nous avons, en premier lieu, déjà avisé les trois institutions concernées et nous en avons rencontré une, Travaux publics et Services gouvernementaux, pour leur dire que nous allions faire un suivi dans une douzaine de mois environ. Nous les avons donc avertis. Nous allons rencontrer également les gens de la Commission de la Capitale nationale et de Patrimoine canadien pour les aviser du fait que nous allons faire un suivi, de sorte qu'ils puissent tout de suite tenir compte des recommandations, au lieu de simplement attendre qu'on en fasse le suivi. Nous avons vraiment insisté auprès des institutions. Elles sont averties qu'il y aura un suivi.
Au moment du suivi, nous irons de nouveau rencontrer les gestionnaires des trois ministères concernés. Nous allons regarder ce qu'ils ont fait pour mettre en œuvre les recommandations et nous allons probablement, peut-être pas de façon aussi approfondie, vérifier auprès d'un certain nombre de commerces si la situation s'est améliorée.
Le sénateur Gauthier: Monsieur Langelier, je ne veux pas vous interrompre, mais, il y a sept ans, on a fait des recommandations. Aucun suivi n'a été fait. Ne venez pas me dire que vous allez en faire dans les 12 mois pour les 21 recommandations que vous avez maintenant.
M. Langelier: Ces recommandations du comité avaient été faites il y a six ou sept ans, effectivement.
Mme Adam: C'est parce que les recommandations du comité mixte permanent s'adressent au gouvernement et aux institutions fédérales concernées. Je ne peux pas en parler car je n'étais pas là à l'époque, mais le commissariat aurait certes pu faire un suivi. Cependant, en dernier lieu, ceux qui sont responsables de rendre des comptes sur ce sujet, ce sont institutions elles-mêmes et le gouvernement. Dans le cas de notre étude, qui a repris plusieurs des recommandations du comité mixte, on pourrait dire qu'il y a eu une chance entre 1997 et 2003 de faire quelque chose. On voit dans certains cas des améliorations, mais, malgré tout, c'est inacceptable.
Il faut créer au sein des institutions fédérales le sentiment qu'elles doivent agir. Il faut qu'elles se sentent obligées d'agir et de respecter la loi. À mon sens, les acteurs sont nombreux: le gouvernement, les parlementaires qui exercent leur influence, la commissaire qui aiguillonne et qui fait entendre ses récriminations régulièrement. Il y a également les citoyens. C'est donc toute une dynamique.
Le sénateur Gauthier: Vous avez touché au cœur du problème: c'est la capacité des ministères ou des organismes centraux de donner l'exemple. Quand on a une loi qui est interprétée par certains au gouvernement comme étant déclaratoire, des fonctionnaires disent: C'est simplement déclaratoire, c'est symbolique, rien ne nous oblige à pratiquer les deux langues officielles, à en faire la promotion, à les protéger et les développer. J'ai essayé, pour ma part, avec un projet de loi. Vous l'avez appuyé, c'était le projet de loi S-4. Dieu sait que j'ai reçu des lettres de toutes sortes de gens, qui se sentaient insultés parce que j'osais parler de la partie VII, où on fait la promotion du français et de l'anglais, les deux langues officielles du Canada.
J'ai une petite question. On m'a dit que vous avez parlé tantôt à Travaux publics Canada; dans toutes ces études et ces rapports que vous faites, avez-vous parlé à la Commission de la Capitale nationale et à Patrimoine canadien, récemment? Pouvez-vous nous en faire un bref rapport?
Mme Adam: Pour ce qui est de la Commission de la Capitale nationale, et d'ailleurs vous remarquerez que c'est un fait nouveau dans ces études, nous avons les commentaires des institutions. On n'avait pas l'habitude de leur demander de réagir aux recommandations avant même d'en avoir la publication. La raison pour laquelle nous avons fait cela, c'est que, en les engageant dans le processus, nous croyons que nous allons avoir de meilleurs résultats. Nous faisons, en «bon français», du «buy in» pour que les institutions répondent. J'ai rencontré le ministre de Travaux publics pour discuter de cette question et, bien sûr, mon équipe a également rencontré l'équipe administrative. Bien sûr, cette étude a fait l'objet d'une couverture médiatique pour informer les citoyens canadiens de la situation.
Nous faisons donc effectivement des rencontres pour les sensibiliser, les informer et créer cette pression du devoir à accomplir.
Le sénateur Gauthier: Je vous en remercie mais, dans la région de la capitale nationale, c'est loin d'être exemplaire pour le reste du pays quand 18 p. 100 des baux signés par Travaux publics Canada n'ont pas de clause linguistique. S'il y en a une, on s'en moque comme de l'an 40. Allez sur la rue Sparks, je vous mets au défi de trouver une affiche en français. Pourtant ce sont tous des édifices fédéraux, me semble-t-il. Je parle du côté nord, pas du côté sud. Il y a des limites à la patience, j'imagine. Allez-vous vous choquer une bonne fois et dire: « C'est fini, la plaisanterie; la dualité linguistique, c'est sérieux. »
Mme Adam: Je ne suis pas certaine que si, je me choque, cela va changer quelque chose, mais il est important de persévérer, de ne pas lâcher prise et de faire comme vous, sénateur Gauthier. Vous prêchez à une convaincue. Pour ce qui est des institutions fédérales, vous aurez l'occasion de mesurer leur engagement quand ils comparaîtront devant vous dans peu de temps.
La présidente: Merci beaucoup à vous tous de votre travail; comme vous le voyez, nous allons suivre ce dossier de très près.
La présidente: Nous accueillons maintenant de la Commission de la capitale nationale, M. Marcel Beaudry, président, ainsi que Mme Gustafsson, directrice administrative des ressources humaines.
M. Marcel Beaudry, président, Commission de la capitale nationale: Je vous remercie, madame la présidente, de m'offrir l'occasion de vous présenter les rôles et les responsabilités de la Commission de la capitale nationale concernant l'application de la Loi sur les langues officielles et de donner suite aux recommandations du rapport du Commissariat aux langues officielles, publié en mars 2004.
La Commission de la capitale nationale est une société d'État créée par le Parlement en 1959, qui a pour mandat de mettre en valeur la région de la capitale du Canada au nom de tous les Canadiens. Notre mission est de faire en sorte que cette région soit une source de fierté et d'unité. Pour y arriver, je crois fermement que nous devons être non seulement des défenseurs, mais également des ambassadeurs des deux langues officielles du Canada, car elles constituent le fondement de notre pays.
Nous sommes non seulement engagés à appliquer la Loi sur les langues officielles dans tous nos secteurs d'activité, nous le sommes aussi dans le maintien des deux langues officielles dans la région de la capitale du Canada. En ce qui concerne la prestation de notre mandat, le bilinguisme y occupe une place prépondérante dans tous les aspects de nos activités quotidiennes.
[Traduction]
La CCN présente la région de la capitale aux visiteurs comme un endroit où ils peuvent découvrir la culture, les réalisations et le patrimoine canadien grâce à une variété de services, d'activités et de programmes. Nos programmes et nos services à l'intention du public sont non seulement offerts dans les deux langues officielles, ils sont aussi conçus de manière à refléter le caractère linguistique et la diversité culturelle unique de notre région et de notre pays.
Une attention particulière est portée au fait d'organiser des manifestations et des activités des deux côtés de la rivière des Outaouais et de donner aux visiteurs l'occasion de découvrir et de faire l'expérience de la diversité culturelle du Canada. La CCN est un chef de file en matière de prestation de services au public dans les deux langues officielles. Le Centre de contact de la capitale, l'Infocentre de la capitale, le Centre des visiteurs du Parc de la Gatineau et des attractions telles que le pavillon Canada-monde continuent d'être des modèles de services exceptionnels offerts aux visiteurs dans les deux langues officielles. Nos publications, tout le matériel promotionnel et tous les renseignements offerts aux visiteurs, y compris le site Web de la CCN, sont bilingues.
De plus, les festivals de la CCN sont ciblés à l'échelle nationale de manière à attirer les visiteurs dans la région de la capitale et, si possible, les festivités sont télédiffusées dans tout le pays, en français et en anglais. Des efforts particuliers sont aussi déployés pour rejoindre les minorités linguistiques dans tout le pays par l'entremise de programmes télévisés sur les chaînes locales. Le «Plan quinquennal de marketing, de communications et de relations extérieures» de la CCN, qui a été récemment approuvé, fait aussi mention de l'importance de rejoindre les minorités linguistiques dans l'ensemble du pays.
[Français]
Notre responsabilité en matière de protection et de préservation des trésors du Canada va au-delà du patrimoine bâti de la région. Elle englobe aussi la préservation du patrimoine naturel et culturel de la capitale nationale au nom des futures générations de Canadiens.
Les cultures francophones et anglophones sont toutes deux bien présentes dans la région de la capitale. La CCN cherche continuellement à mettre l'accent sur cette diversité et cette authenticité en misant sur des activités et des manifestations enrichissantes sur les plans social et culturel.
En tant qu'employeur, la CCN est fière de son engagement envers les langues officielles dans son milieu de travail. La CCN fait constamment des efforts, et prend des mesures concrètes, pour créer et maintenir un milieu de travail propice à l'utilisation des deux langues officielles. Par exemple, dans le but d'améliorer davantage les aptitudes linguistiques de ses employés, l'interaction orale de la formation linguistique est offerte sur place aux employés qui en font la demande, peu importe les exigences linguistiques de leur poste.
De plus, au moment de doter un poste ouvert au public, des mesures sont prises pour attirer des candidats des deux groupes linguistiques officiels, en annonçant des postes dans les deux langues officielles, en affichant, dans la mesure du possible, des postes avec la mention «bilingue non impératif» et en utilisant des comités de sélection bilingues. La CCN souscrit au principe de participation équitable de sa main-d'œuvre.
[Traduction]
La CCN est fière de jouer un rôle important dans la promotion des deux langues officielles dans la région de la capitale du Canada tout en faisant affaire avec des partenaires, des dirigeants communautaires et des résidents. Nous veillons à ce que notre site Web, nos publications, nos documents de planification de même que nos avis publics, notre publicité et nos appels de soumissions soient présentés dans les deux langues officielles. Toutes les réunions et consultations publiques ont lieu dans les deux langues officielles, des deux côtés de la Rivière des Outaouais, et tous les emplacements immobiliers et secteurs d'activité sont pourvus de signalisations bilingues. La CCN assume de plus en plus un rôle de chef de file en collaborant avec les administrations municipales afin de promouvoir l'importante question de la dualité linguistique dans la région de la capitale du Canada, laquelle peut servir d'exemple pour tout le pays.
La CCN a aussi établi des contacts avec des dirigeants d'affaire dans la région de la capitale du Canada pour aborder la question de la dualité linguistique et pour entrevoir la possibilité d'initiatives permettant de renforcer le caractère bilingue d'établissements, à Ottawa et à Gatineau, et d'accroître la présence de cette dualité. Cette démarche pourrait inclure des affiches, un accueil, des menus et un service bilingues. Le service bilingue dans les établissements fédéraux et commerciaux de la capitale est un objectif qui peut être atteint et qui peut aussi servir d'exemple pour tout le pays.
La CCN veille au rendement et à la conformité en ce qui a trait à ses obligations afin d'offrir au public des services dans les deux langues officielles, y compris tout concessionnaire ou tout entrepreneur qui assure un service en son nom.
[Français]
Ceci dit, nous ne sommes pas sans savoir que malgré nos nombreux efforts, il y a toujours place à l'amélioration dans certains secteurs. Notre plus grand défi demeure celui du service offert par nos locataires commerciaux. Nous avons fait des progrès importants et nous avons mis en œuvre différentes mesures. Par exemple, veiller à ce que les locataires commerciaux occupants des immeubles loués par la CCN se conforment aux dispositions sur les langues officielles contenues dans leur bail. Nous sommes prêts à travailler avec nos locataires et à leur offrir les outils nécessaires pour leur faciliter la tâche et les aider à voir les avantages du bilinguisme.
En outre, la CCN s'est jointe au projet pilote, «Aide aux entreprises» de la ville d'Ottawa, lequel vient en aide aux entreprises souhaitant améliorer leurs services à la clientèle en français et en anglais en mettant à leur disposition des outils pratiques.
[Traduction]
En réponse au rapport du Commissariat aux langues officielles publié en mars 2004, nous avons aussi élaboré un plan d'action incluant les éléments suivants: veiller à ce que les baux de la CCN prévoient des clauses indiquant clairement les obligations des locataires en matière de langues officielles; établir et mettre en oeuvre des mesures d'incitation, de pénalité ou d'exécution qui sont pratiques et acceptables dans ce secteur d'activités; veiller à ce que le processus utilisé pour un nouveau bail et le renouvellement d'un bail prévoient une discussion sur les obligations du locataire en ce qui a trait aux langues officielles; gérer un programme de surveillance de manière à évaluer régulièrement la conformité relative aux obligations locatives; communiquer avec les locataires pour aborder les questions d'obligations locatives et de non-conformité; et mettre des outils et de l'aide à la disposition des locataires afin qu'ils s'acquittent de leurs obligations et accroître leur sensibilisation.
[Français]
Pour terminer, au nom de la Commission de la capitale nationale, j'aimerais réitérer notre engagement ferme à poursuivre nos efforts pour atteindre la norme la plus élevée en matière d'exigences linguistiques au sein de notre organisme. J'en conviens, il s'agit d'un défi constant qui exigera des efforts continus de notre part, et nous sommes prêts à relever ce défi.
Le sénateur Maheu: Dans votre présentation, vous dites que vous exigez que les locataires s'astreignent aux obligations contenues dans les baux et que vous vous assurez qu'ils soient signés d'une certaine façon. Où? Quand? Pourquoi ne s'y conforment-ils pas?
M. Beaudry: J'aimerais pouvoir vous répondre de façon simple et vous dire je ne sais pas pourquoi. Depuis que je suis à la commission, les baux commerciaux que nous faisons signer à nos locataires contiennent des clauses qui demandent aux locataires de respecter les clauses des langues officielles; le bilinguisme. Malheureusement, ce n'est pas toujours le cas et je l'admets volontiers. Nous avons fait une enquête l'an dernier, dans tous les commerces, dans tous les restaurants qui ont des baux avec la CCN, et nous avons constaté qu'un bon nombre de ces commerces, ne respectaient pas intégralement les clauses du bilinguisme. Parfois, il y a des menus bilingues, parfois des serveurs bilingues, dans d'autres cas, il n'y en a pas du tout. Dans certains cas, les menus sont affichés uniquement en anglais dans les vitrines extérieures et il y a des lacunes, occasionnellement, un peu partout. Par contre, certains respectent intégralement les baux tels que signés.
Nous avons entrepris des démarches auprès de ces locataires afin de leur demander de se conformer aux conditions du bail. Un certain nombre s'est conformé, d'autres se sont améliorés de façon sensible ou de façon moins importante leurs responsabilités quant au bilinguisme. Nous entendons continuer à talonner ces locataires afin qu'ils en viennent à se conformer à la clause des baux que nous avons actuellement.
Nous avons mis de l'avant un plan d'action qui fera en sorte que lorsqu'un nouveau bail sera signé, un crochet spécial sera accroché à la clause du bilinguisme. On fera initialiser cette partie du bail — un bail peut comprendre 25 à 30 pages et la clause du bilinguisme se perd dans tout cela — afin de bien s'assurer que le locataire comprenne qu'il s'engage à respecter cette clause du bilinguisme. Une liste des choses considérées essentielles sera remise aux locataires comme les menus bilingues, le service bilingue, l'affichage bilingue, pour faire en sorte que lorsqu'on fera une vérification de ces endroits, on soit en mesure de signaler les lacunes existantes et d'y apporter les correctifs nécessaires.
Ceux qui ne voudront pas se conformer — il y en a toujours qui ont la tête dure, mais ce n'est pas le président de la CCN — on va essayer de leur ramollir la tête un peu pour leur dire que lorsque leur bail sera renouvelable dans cinq ans, peut-être qu'il ne sera pas renouvelé. Cela peut être un incitatif.
On a également mis de l'avant à notre centre des visiteurs — ce sera effectif bientôt — une liste des établissements offrant des services bilingues. Cette liste sera publiée afin que les 300 000 personnes qui visitent notre centre d'information — situé en face du Parlement — puissent savoir que s'ils vont à tels restaurants, boutiques ou magasins, ils pourront être servis en français et ils pourront obtenir de la publicité dans les deux langues officielles. Il y a d'autres initiatives, mais ce sont des exemples qu'on entend mettre de l'avant pour mettre un peu de pression sur ces gens.
Je dois vous avouer que ce ne sont pas les efforts qui manquent, souvent c'est la bonne volonté qui manque. Il arrive que ce soit une rue à sens unique comme on dit en français ou en anglais et ce n'est pas toujours facile à réaliser.
Le sénateur Gauthier: Y a-t-il des clauses linguistiques dans tous les baux à long terme, les baux emphythéotiques? Lorsque vos locataires sous-louent à un tenancier, sont-ils tenus de respecter les clauses linguistiques ou si c'est incitatif, comme vous me l'avez déjà dit, il y a longtemps? Il y a des édifices dans la région qui sont des sites historiques importants loués à une personne morale. Elles le louent à d'autres individus. Ce sont ces personnes qui ne veulent rien savoir du bilinguisme. Je n'ai pas besoin de cela.
M. Beaudry: Les clauses linguistiques, qui sont dans nos baux, s'appliquent non seulement au locataire, mais si ce dernier sous-loue, il doit obtenir la permission de la CCN pour que l'on accepte le sous-locataire, d'une part, et le sous- locataire, d'autre part, est tenu de respecter les mêmes conditions que dans le bail original.
Le sénateur Gauthier: Il y a deux communautés, une francophone et une anglophone dans la région capitale nationale. Vous respectez la Loi sur les langues officielles. Une des conditions de la loi est que vous consultiez ces communautés régulièrement pour savoir si cela marche, si elles sont satisfaites de vos services. Vous devez promouvoir la capitale nationale. C'est ce qui est dans l'intérêt national et c'est votre obligation. Est-ce que vous rencontrez les communautés anglophones du Québec à l'occasion pour leur parler? Est-ce que vous rencontrez les communautés francophones de l'Ontario pour leur parler de leurs besoins comme groupe minoritaire dans une région de la capitale nationale?
M. Beaudry: On consulte les comités francophones et anglophones dans différentes sphères d'activités de la commission. Je ne peux pas dire qu'on a consulté ces communautés uniquement sur les langues officielles. Lorsqu'on élabore des projets ou lorsqu'on a des programmes quelconques, on est responsable, par exemple, de la Fête du Canada, de Bal de neige, des Lumières de Noël, de différents programmes, à ce moment, c'est évident que ces communautés sont consultées de façon régulière.
J'ai envoyé personnellement une lettre à la Chambre de commerce et de l'industrie de l'Outaouais, l'an dernier, à la Chambre de commerce d'Ottawa et au Regroupement des gens d'affaires, leur demandant que ces organismes encouragent leurs membres à utiliser le bilinguisme dans toutes les activités de leurs commerces. J'ai reçu une réponse positive de la part du RGA, mais je n'ai pas reçu de réponse de Chambre de commerce et de l'industrie de l'Outaouais ni de la Chambre de commerce de l'Ontario ni de la Chambre de commerce d'Ottawa. On les a incités à participer parce que dans notre esprit, ce n'est pas uniquement dans les édifices qui appartiennent à la CCN ou à Travaux publics et Services gouvernementaux que l'on devrait faire la promotion des deux langues officielles, c'est dans l'ensemble de tous ceux qui vivent dans la région de la capitale nationale que l'on devrait faire cette promotion, parce qu'on est la capitale du pays et comme capitale, on devrait donner l'exemple à l'ensemble des autres villes du Canada.
Le sénateur Gauthier: Madame Tartempion de je ne sais pas où qui vient dans sa capitale veut être servie en français et M. Taylor qui vient de l'Ouest veut être servi en anglais. C'est votre obligation de rendre la capitale nationale accueillante, ouverte, généreuse et tolérante. Le plan d'action de la CCN est très bien. Je vous félicite. Il faut faire un suivi.
M. Beaudry: Il va y avoir un suivi. Dans nos activités de la CCN, nous avons très peu de plaintes qui proviennent de la commissaire des langues officielles. Toutefois, cela arrive: il y a parfois une personne qui pose une question en français dans le parc de la Gatineau et la personne qui est là lui répond en anglais ou n'est pas capable de lui répondre en français mais en général, je ne crois pas qu'on reçoive pour toutes les activités de la commission dans la capitale régionale au-delà de trois à quatre plaintes mineures par année.
Le sénateur Léger: Vous avez dit: «two sides of the river». Est-ce que la région de la capitale nationale inclut les deux côtés de la rivière?
M. Beaudry: Oui.
Le sénateur Léger: S'ils veulent l'expérience française, il faut traverser l'autre côté et s'ils veulent l'expérience anglaise...
M. Beaudry: Le territoire s'étend sur les deux côtés de la rivière des Outaouais. La Commission a juridiction sur 456 kilomètres carrés dans la région de la capitale nationale et nous avons des activités des deux côtés de la rivière des Outaouais. La Commission, par exemple, est propriétaire du parc de la Gatineau, qui s'étend sur 82 000 acres de terre. Ce parc accueille annuellement environ 1 750 000 visiteurs. Ces visiteurs viennent surtout de la région, mais il y en a à peu près 15 à 20 p. 100, bon an mal an, qui se rendent dans le parc de la Gatineau. Ce sont des gens qui viennent de l'Ouest, du Québec, d'un peu partout. Il faut être en mesure de leur donner des services dans les deux langues officielles et on s'assure de le faire de façon quotidienne.
Le sénateur Léger: La capitale, ce n'est pas seulement Ottawa, c'est la région. Mais si quelqu'un venant du Nouveau- Brunswick dit qu'il va à la capitale du Canada, il veut dire Ottawa.
M. Beaudry: Cela veut dire la même chose pour nous. Parce que le siège du gouvernement, c'est Ottawa, mais la Commission de la capitale nationale a juridiction au-delà d'Ottawa. Elle a juridiction également au Québec, pour toute la région de la capitale.
Le sénateur Léger: Que ce soit un exemple pour tout le pays. C'est Ottawa, mais on va sûrement aller à Gatineau. Mais pour nous, et vous avez dit pour vous aussi, la capitale, c'est Ottawa.
M. Beaudry: Il est important de mentionner qu'à Gatineau, il y a un casino, il y a un hôtel, il y a le parc de la Gatineau, et il y a des activités comme le Bal de Neige également du côté québécois. Il y a des anglophones unilingues qui vont du côté de Gatineau. Bien sûr que la charte de la langue française existe au Québec et il y a des règles qui existent dans l'affichage bilingue, en particulier où la priorité doit être donnée au français par rapport à l'anglais, mais cela n'empêche pas que les institutions fédérales du côté du Québec doivent quand même offrir les services dans les deux langues officielles comme nous le faisons à la Commission, et cela n'empêcherait pas les commerçants du côté du Québec de donner ces mêmes services dans les deux langues officielles. C'est pour cela que j'ai écrit à la Chambre de commerce. Il n'est pas difficile d'offrir des services dans les deux langues. Nous n'avons pas à être gênés de donner des services dans les deux langues. Cela devrait être au contraire un atout que l'on offre à la clientèle.
Le sénateur Léger: Vous avez prononcé un mot-clé «casino». Cela va aider.
Le sénateur Rivest: Est-ce que le non-respect des clauses relatives à la Loi sur les langues officielles est une cause d'annulation du bail?
M. Beaudry: Ce n'est pas écrit comme cela dans le bail. Je dois vous avouer que j'ai dû consulter nos avocats à ce sujet parce que ce n'est pas clair. Cela pourrait devenir une clause de non-renouvellement, parce que le renouvellement d'un bail est toujours de la discrétion des deux parties. Si l'on considère que notre locataire n'est absolument pas intéressé à respecter les clauses du bail, on pourrait prendre des mesures qui s'imposent.
[Traduction]
Le sénateur Keon: Madame la présidente, je félicite notre témoin pour l'excellent travail qu'il accomplit. La CCN a eu beaucoup de succès sous la gouverne de M. Beaudry et de son prédécesseur. La commission est un programme extraordinaire. Quand je fais visiter Ottawa à des gens venus de divers coins du monde, ils se plaisent également des deux côtés de la rivière. Ils aiment particulièrement le côté québécois, compte tenu des nombreux points d'intérêt.
C'est dommage que la Ville d'Ottawa ne soit pas bilingue; cependant, je crois qu'elle deviendra bilingue avant très longtemps. Je ne peux songer à aucune suggestion à faire à M. Beaudry pour qu'il fasse du meilleur travail.
M. Beaudry: Merci beaucoup.
[Français]
La présidente: Je vous remercie tous deux. Je vous félicite de votre plan d'action et je peux vous assurer que nous allons le suivre de très près. Le comité voudra sûrement vous rencontrer à nouveau pour connaître la suite.
M. Beaudry: Cela nous fera plaisir, madame la présidente et je dois vous dire que Mme Gustafsson, qui m'accompagne, est la personne responsable de la Loi sur les langues officielles à la Commission; elle suit la situation de très près et m'en parle régulièrement. On va essayer d'y arriver ensemble.
La présidente: Merci beaucoup. Nos prochains témoins à l'ordre du jour, toujours sur le même sujet, sont, du ministère du Patrimoine canadien, M. Hilaire Lemoine, directeur général aux Programmes d'appui aux langues officielles, et de Travaux publics et Services gouvernementaux, Mme Sylvie Lemieux et M. Denis Cuillerier. Bienvenue à tous.
Vous avez fait circuler une copie de votre présentation. Nous allons commencer avec vous, monsieur Lemoine. Sera- t-il possible de résumer cela en quelques minutes afin de passer rapidement aux questions? Nous allons écouter la présentation de M. Lemoine et celle de Mme Lemieux et nous passerons ensuite aux questions.
M. Hilaire Lemoine, directeur général, Programmes d'appui aux langues officielles, ministère du Patrimoine canadien: Je vais faire circuler une trousse d'information qui n'est pas ma présentation. Ma présentation durera environ cinq minutes.
Je voudrais remercier le comité de me donner l'occasion de partager avec vous quelques initiatives du ministère du Patrimoine canadien visant à encourager le milieu des affaires à offrir des services dans les deux langues officielles. Si Mme Scherrer était ici, elle dirait, en réponse à Mme Adam, que nous n'avons pas attendu le rapport pour agir. Mais moi, comme fonctionnaire, je ne peux pas me permettre de le dire.
Je voudrais tout d'abord vous parler d'un projet pilote, celui qui est en train d'être distribué, que nous avons élaboré avec la ville d'Ottawa. Il s'adresse aux entreprises de la région. Le projet s'intitule «Aide aux entreprises». Il a été lancé en février dernier, à Ottawa. Il fait suite à une série de consultations faites avec des groupes témoins et avec les gens d'affaires de la région pour identifier les besoins de ces derniers.
Je ne suis pas ici pour faire de la publicité pour la ville d'Ottawa, elle est amplement capable de le faire, mais le ministère du Patrimoine canadien a été hautement impliqué dans ce projet. Cela illustre bien le genre d'outils que nous essayons de développer avec nos partenaires.
Il y a trois domaines touchés par ce projet: la traduction pour les gens d'affaires à un tarif préférentiel, il y a également des ateliers de communication orale offerts par une entreprise de la région, de même qu'un appui au recrutement avec des services de placement des jeunes.
Le projet pilote vise deux cibles en particulier: les gens d'affaires et les entrepreneurs du marché By, d'abord, et ensuite, ceux du centre d'achat St-Laurent. Il a été jugé que ces deux milieux présentaient le plus d'intérêt pour la population, qui est souvent francophone dans ces deux régions. Il y a également beaucoup de touristes dans cette région. Une fois le projet évalué, l'idée est de pouvoir l'élargir à l'ensemble des gens d'affaires de la région.
Nous croyons que l'expérience pourrait servir à d'autres municipalités, dans d'autres régions de l'Ontario, et dans d'autres régions du Canada également.
Dans un deuxième temps, nous venons de créer un site où nous retrouvons une trousse pour appuyer le bilinguisme auprès des organismes bénévoles et des entreprises. Cette trousse s'appelle «Vers une organisation bilingue». On vient tout juste de l'inscrire sur le site de notre ministère, et déjà, sans même faire de publicité, plus de 500 personnes nous ont envoyé un message pour obtenir plus d'information.
Nous prévoyons lancer cette trousse au cours des prochains mois. Encore une fois, cette initiative vise à appuyer le secteur bénévole et les entreprises, pour leur donner des trucs; à savoir comment être plus ouvert à une clientèle bilingue, ainsi qu'à offrir quelques trucs pour les conseils d'administration, et cetera.
Finalement, nous travaillons de près avec la Commission de la capitale nationale afin d'identifier d'autres moyens à mettre en œuvre pour aider les entreprises. Nous travaillons également avec d'autres partenaires du secteur bénévole. Je pense entre autres à l'organisme « Canadian Parents for French », ou encore à l'organisme « French for the Future ». Ce sont des organismes nationaux qui nous aident à sensibiliser le public en général sur les avantages du bilinguisme.
Nous avons également travaillé à un projet intéressant avec le Regroupement des gens d'affaire en l'an 2000, c'est-à- dire que nous avons développé avec eux un programme de sensibilisation pour les gens d'affaire.
« French for the Future » est un nouvel organisme. Son mandat est de trouver une façon d'arrimer les jeunes diplômés des écoles d'immersion, par exemple, afin qu'ils soient davantage connus et qu'ils puissent offrir leurs services à tous les entrepreneurs dans différentes villes. Nous pensons effectivement que cela contribue à rapprocher ces jeunes du monde des affaires, lequel souvent ne sait pas à qui s'adresser pour obtenir des services.
Je serai maintenant heureux de répondre à vos questions.
Mme Sylvie Lemieux, directrice générale intérimaire, Gestion des locaux et du portefeuille, ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada: Je vous remercie de me permettre de vous adresser ces quelques mots. Le ministre Owen s'excuse de ne pas être parmi nous aujourd'hui. Je ferai cependant de mon mieux pour vous informer des dernières mesures prises par Travaux publics et services gouvernementaux Canada — TPSGC — pour améliorer l'application de la politique sur les langues officielles du Canada dans le cadre des baux commerciaux.
L'an dernier, le sénateur Gauthier a fait part de ses préoccupations à propos du bilinguisme dans les services offerts par les commerces locataires des édifices fédéraux de la région de la capitale nationale, dont bon nombre sont gérés par TPSGC.
Dans un rapport récemment publié, la commissaire aux langues officielles critique TPSGC de ne pas avoir pris des mesures adéquates pour veiller à ce que ces locataires commerciaux de la région de la capitale nationale respectent les deux langues officielles en ce qui a trait aux services et à l'affichage. Je veux rassurer le comité que nous prenons ces constatations très au sérieux.
TPSGC entend favoriser la pleine reconnaissance et l'utilisation de l'anglais et du français dans la société canadienne, ainsi qu'augmenter le bilinguisme dans la région de la capitale nationale. C'est dans cet esprit que le ministère accueille favorablement les recommandations de la commissaire aux langues officielles.
En fait, nous avons déjà pris des dispositions pour suivre ces recommandations. Depuis l'an 2000, TPSGC exige que tous les baux commerciaux comprennent des clauses obligeant les locataires à respecter les deux langues officielles en ce qui a trait aux services et à l'affichage dans la région de la capitale nationale. Ces clauses sont intégrées aux baux lorsqu'ils sont renouvelés. Comme les baux comportent des termes variés, nous n'avons pas encore été en mesure d'ajouter ces exigences à tous les baux. Toutefois, nous y arriverons avec le temps.
[Traduction]
Nous avons constaté que bon nombre de locataires commerciaux dans la région de la capitale nationale qui n'ont pas de clause de bilinguisme dans leurs baux ont néanmoins fourni des services et un affichage bilingues comme bonne pratique commerciale. Le comité doit aussi prendre bonne note du fait que nos baux commerciaux à l'extérieur de la région de la capitale nationale comprennent maintenant une disposition qui encourage les locataires à faire la promotion de la politique des langues officielles du Canada. Cette nouvelle approche était un élément clé du plan d'action approuvé par le précédent ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux en juillet 2003 en réponse aux préoccupations soulevées par le sénateur Gauthier.
Ces deux mesures ont été mises en oeuvre avant la publication du rapport de la commissaire aux langues officielles. Aujourd'hui, nous déposons au comité un plan d'action qui fait directement suite aux recommandations de la commissaire.
Les éléments clés de ce plan sont les suivants:
[Français]
Tout d'abord, un processus officiel sera mis en œuvre afin que tous les nouveaux locataires commerciaux signent une lettre confirmant leur obligation linguistique au moment de l'exécution du bail. Nous mettrons en œuvre un mécanisme de surveillance pour garantir que tous les nouveaux baux renferment les clauses linguistiques approuvées.
TPSGC ou son fournisseur de services rencontrera tous les locataires commerciaux pour discuter des exigences de leurs baux en ce qui a trait aux services et à l'affichage et effectuera un suivi en leur envoyant une lettre officielle d'ici la fin de juin 2004. TPSGC ou son fournisseur de services mettra en place des mécanismes de surveillance pour vérifier si les locataires commerciaux respectent leur obligation linguistique. Les locataires seront tenus au courant des résultats et invités à régler les points de non conformité.
Nous prenons des mesures pour veiller à ce que les clauses linguistiques ajoutées aux nouveaux baux indiquent clairement les obligations en ce qui a trait aux services et à l'affichage. Nous examinons aussi, avec l'aide du Ministère de la justice, la possibilité d'utiliser des clauses semblables à celles qui figurent dans les baux de la Commission de la capitale nationale.
Nous entendons aider les locataires commerciaux à respecter les obligations linguistiques précisées dans leurs baux. À cette fin, TPSGC fournira aux locataires la liste des associations professionnelles de traducteurs.
Enfin, TPSGC examinera la possibilité de rendre Termium, la base de données terminologiques et linguistiques du gouvernement du Canada, accessible gratuitement à tous les locataires commerciaux et à la population canadienne.
Madame la présidente, vous savez sans doute que TPSGC est le plus important propriétaire foncier du Canada. Nous gérons 600 baux commerciaux d'un océan à l'autre, dont 300 dans la seule région de la capitale nationale. Nous nous efforçons de veiller à ce que toutes les clauses des baux soient respectées, y compris celles se rapportant aux langues officielles.
En intégrant des clauses linguistiques à ses baux commerciaux, TPSGC démontre l'engagement qu'il a pris envers l'application de la politique sur les langues officielles du Gouvernement du Canada.
Toutefois, il est évident que nous pouvons et devons même améliorer cet aspect de nos activités. Le plan d'action que je vous ai présenté aujourd'hui prévoit la mise en œuvre de mesures pratiques pour traiter des enjeux soulevés par la commissaire aux langues officielles, entre autres. Si vous avez des questions au sujet du plan d'action, j'y répondrai avec plaisir.
La présidente: Y aurait-il des questions de la part des sénateurs?
Le sénateur Gauthier: Je vais commencer avec M. Lemoine. L'entente avec la ville d'Ottawa de 2,5 millions de dollars a été signée en 2002. Nous sommes maintenant en 2004. À ce que je sache, c'est la première fois qu'on nous donne quelque chose de tangible. Je suis extrêmement déçu de la mise en œuvre du fameux plan d'action. La première année, il n'y a rien eu. La deuxième année, cela a commencé à bouger un petit peu. Vous nous remettez ce soir un document. Il est temps que cela bouge. Ce n'est pas de votre faute.
M. Lemoine: Je n'ai pas une réponse, mais plutôt un commentaire. C'est la deuxième année, effectivement, que l'entente a été mise en œuvre. La première année, c'était surtout pour lancer le processus. Il faut dire que la ville d'Ottawa, avant de pouvoir mettre en place un certain nombre de mesures particulières, a dû faire un tas d'exercices, d'analyses, de revues, et cetera.
Nous avons une entente avec la ville d'Ottawa qui stipule que la ville doit nous soumettre, chaque année, un rapport d'étape, un rapport financier qui démontre l'utilisation des fonds. Les rapports qui ont été soumis satisfaisaient à l'entente.
Ce projet qu'est la trousse que je vous ai fait parvenir, cela fait environ un an que la ville y travaille. C'est sûr qu'il aurait été préférable de l'avoir l'an passé. Mais avant de lancer un tel outil avec les gens d'affaire, il est important d'aller vérifier auprès des gens d'affaire et des entreprises quels étaient leurs besoins particuliers, pour ne pas arriver avec une trousse qui ne semble pas répondre à ce qu'ils veulent.
Nous croyons jusqu'à présent avoir vu juste et que cette trousse répond aux besoins. Les commentaires que nous avons reçus des gens d'affaires et de plusieurs entrepreneurs à cet effet sont positifs.
Le sénateur Gauthier: Les baux commerciaux contiennent parfois certaines clauses selon lesquelles on ne peut pas sous-louer ou avoir des animaux. Si ces clauses ne sont pas respectées, le bail est brisé.
Il y a sept ans, on a demandé que des clauses exécutoires soient mises en place. On m'a répondu que de telles clauses étaient incitatives.
La Commissaire aux langues officielles n'a constaté l'existence de clauses linguistiques que dans 18 p. 100 de vos baux.
Comment pouvez-vous améliorer cette situation? Il faudrait inclure dans vos baux des clauses exécutoires qui exigeront le respect des deux langues officielles lorsqu'il s'agit d'un édifice fédéral. Un tel édifice est souvent le bâtiment le plus important de la région où il se trouve.
Mme Lemieux: Lors du renouvellement d'un bail commercial, nous incluons les clauses d'affichage et de service bilingues dans tous les cas. Toutefois, nos baux ne sont pas tous renouvelés en même temps. Certains baux sont établis sur une période de 35 ans, d'autres sur une période de cinq ans. Par conséquent, lorsqu'un bail est renouvelé, nous incluons automatiquement les clauses d'affichage et de service bilingues.
Il faudra un certain temps avant que les 500 baux sous la supervision de TPSGC ne soient révisés. Toutefois, en commençant dès maintenant et en s'assurant que les clauses soient incluses lors de chaque renouvellement, nous verrons une amélioration de la situation.
Le sénateur Gauthier: Le ministre Goodale a donné cet engagement il y a trois ans. Que la situation s'améliore, soit. Toutefois, j'aimerais voir les données qui indiquent que ces clauses seront incluses à vos baux dès maintenant ou d'ici un an.
Mme Lemieux: Notre plan d'action indique que cette pratique est désormais d'usage. Les périodes de renouvellement de chacun de nos baux sont tenues à jour, et nous tiendrons un registre de ces changements au fur et à mesure que les renouvellement s'effectueront.
[Traduction]
Le sénateur Keon: Madame Lemieux, certains critiques de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada trouvent qu'il est absurde d'avoir 600 baux d'un bout à l'autre du pays. D'après eux, vous devriez faire le contraire: louer des locaux du secteur privé, au lieu de construire des immeubles gouvernementaux et de fournir ensuite au secteur privé des locaux loués. Si ce changement était effectué, quelle mesure de rechange prendrait TPSGC pour s'assurer de poursuivre ses efforts en vue de soutenir le bilinguisme et la dualité linguistique?
Mme Lemieux: Évoquez-vous une situation où nous posséderions moins de locaux et en louerions davantage?
Le sénateur Keon: C'est-à-dire que Travaux publics et Services gouvernementaux Canada louerait moins et posséderait très peu, ce que bien des gens préconisent. Comme vous le savez, il est justifié pour le gouvernement d'avoir des immeubles à ses propres fins, mais d'offrir de louer des immeubles au secteur privé, c'est absurde sur le plan économique. Cela posera un problème d'ici quelques années.
Laissons cela de côté. Il n'y a aucun doute que TPSGC a eu énormément d'influence sur la promotion du bilinguisme et de la dualité linguistique. Si vous perdez cette influence que vous apporte la possession d'immeubles que vous louez, quelle politique avez-vous pour soutenir l'effort que vous déployez actuellement?
Mme Lemieux: Vous me demandez de me projeter dans l'avenir. Évidemment, à l'heure actuelle, c'est plus facile quand on possède des immeubles et qu'on a droit de regard sur les baux, parce que l'on peut décider des clauses que l'on veut exiger des locataires. Par exemple, nous travaillons actuellement à une clause d'écocivisme afin de promouvoir le dossier du développement durable. Nous travaillons fort actuellement pour inclure des dispositions d'écocivisme dans nos baux.
Si le gouvernement du Canada décidait que le portefeuille est trop important et qu'il faudrait le réduire, évidemment, l'impact pourrait potentiellement être grandement diminué. Mon seul espoir est que nos efforts à TPSGC et ceux de mes collègues de Patrimoine canadien et de la région de la capitale nationale commenceront à faire une différence et que les gens réaliseront de leur propre chef que l'adoption du bilinguisme présente des avantages commerciaux et financiers.
À l'heure actuelle, nous n'avons aucune politique sinon celle que nous inscrivons dans nos propres clauses, dans les baux des locaux dont nous sommes propriétaires et que nous louons. Je suis désolée, mais je ne peux pas en dire plus là- dessus.
Le sénateur Keon: Pouvez-vous me donner des arguments convaincants prouvant que vos opérations actuelles sont d'une importance vitale pour soutenir la dualité linguistique du Canada?
Mme Lemieux: Quand on est responsable de 600 baux commerciaux dans l'ensemble de la région de la capitale nationale, je crois que l'on peut exercer une certaine influence.
Chaque fois que nous renouvelons nos baux, nous travaillons sur l'ensemble de nos baux commerciaux et je suis convaincue que nous exerçons une influence sur l'ensemble du pays. Je ne veux pas m'aventurer plus loin que cela. Nous avons des collègues dans d'autres ministères fédéraux qui sont également conscients de leurs responsabilités et qui contribuent à l'effort en offrant des services bilingues dans leurs propres services gouvernementaux. J'outrepasserais mon mandat en me prononçant sur autre chose que les baux.
M. Lemoine: Si je peux ajouter à cela, c'est une question intéressante. Nous ne nous contentons pas de travailler avec les gens d'affaires. Il faut également faire de la promotion auprès du grand public, s'assurer que le public comprend de quoi il retourne. Il faut qu'il y ait un partenariat avec le secteur privé, et aussi avec le grand public. Par ailleurs, les gens peuvent aussi exiger ces services. Je pense que le ministère du Patrimoine canadien déploie beaucoup d'efforts avec ses partenaires pour s'assurer que les gens soient bien conscients que ces services sont disponibles, qu'ils peuvent leur être offerts et que les gens peuvent exiger ces services quand ils vont au restaurant ou dans des magasins, quand ils traitent avec des entreprises.
Le sénateur Keon: Je vous invite, monsieur Lemoine, à commenter la situation suivante. Croyez-vous, par exemple, que si TPSGC ne déployait aucune activité à Halifax et à Vancouver, la population francophone de ces villes serait privée de son droit patrimonial canadien à des services bilingues?
M. Lemoine: Je dirais qu'à mon avis, le gouvernement du Canada a la responsabilité de faire la preuve que les deux langues sont très actives dans notre pays. C'est plus qu'un simple droit individuel. Le gouvernement doit montrer que c'est suffisamment important pour prouver au public que, dans les secteurs régis par le gouvernement fédéral, le français langue officielle est aussi important que l'anglais. Voilà comment je vois les choses. Le gouvernement doit être un chef de file très fort et très visible dans ce domaine.
Le sénateur Keon: Je suis très content de vous l'entendre dire. Travaux publics et Services gouvernementaux Canada doit avoir une conscience aiguë de cette réalité. Cela doit faire partie de son programme de promotion au cours des prochaines années, parce que ce ministère traverse lui-même une période complexe. Il doit livrer le message qu'il joue un rôle important dans la réalité canadienne de la dualité linguistique et du bilinguisme.
[Français]
Le sénateur Léger: Ma question s'adresse à M. Lemoine. Le projet pilote dont vous avez parlé visait à la fois les commerçants du marché By et ceux du boulevard St-Laurent.
Le marché By est situé dans une zone centrale, et le boulevard St-Laurent se trouve à l'est de la ville où on compte un plus grand nombre de francophones.
Comment se fait-il que votre projet pilote ne touche pas du tout l'ouest de la ville?
M. Lemoine: La ville d'Ottawa a voulu voir dans quelle mesure cette trousse pourrait être utile aux entrepreneurs de ces deux quartiers, car c'est là où le besoin est le plus réel.
Si le projet a du succès — et nous le souhaitons ardemment — il sera bien sûr élargi à d'autres régions de la capitale.
Le ville a toutefois voulu commencer avec les régions où les demandes sont les plus fréquentes. Il est important de commencer par desservir les régions où l'on compte la population francophone la plus importante. On pourra ensuite élargir le champs d'action au Centre Rideau et à Bayshore, par exemple.
Le sénateur Léger: Le Centre Rideau se trouve près du marché By.
M. Lemoine: En effet.
Le sénateur Léger: Si j'ai bien compris, ce projet est mené par la ville d'Ottawa et Patrimoine canadien. Il ne s'agit donc pas exclusivement d'un projet mené par Patrimoine canadien. Je trouve cet effort un peu timide de leur part. Patrimoine canadien me semble un organisme capable de plus d'efforts.
La présidente: Ma question s'adresse à M. Lemoine. Vous avez mentionné plus tôt qu'il faut une demande. Vous conviendrez qu'il faut également une offre active.
Dans cette question de dualité linguistique au sein de la capitale nationale, Patrimoine canadien s'engage-il à mettre sur pied une campagne de promotion? Vous avez développé un outil. Toutefois, est-ce que vous comptez pousser vos efforts plus loin et faire une campagne de promotion de la dualité linguistique?
M. Lemoine: Présentement, le ministère ne fait pas de campagne de promotion. Toutefois, il travaille avec des partenaires qui en font. Nous avons jugé plus utile, présentement, de travailler avec nos partenaires à cause de leur clientèle et de leurs réseaux. Ce faisant, une telle campagne est moins perçue comme venant du gouvernement fédéral, mais plutôt comme une campagne d'organismes ou de municipalités qui s'intéressent à la question.
Pour l'instant, nous avons opté pour cette approche. À ce titre, nous travaillons en collaboration avec des groupes de gens d'affaire et, par exemple, avec l'organisme «Canadian Parents for French» en matière d'éducation des jeunes. À notre avis, il est plus efficace que les parents fassent la promotion plutôt que le gouvernement fédéral.
La présidente: Monsieur Lemoine, j'aimerais vous féliciter de votre présentation ainsi que du plan d'action que vous avez fourni.
Les membres du comité suivront de près les actions qui seront entreprises. D'ailleurs, nous vous inviterons à nouveau pour discuter des progrès de ce plan d'action. Je vous félicite et vous remercie; merci également à Mme Lemieux et M. Cuillerier.
Le sénateur Gauthier: Madame Lemieux, auriez-vous l'obligeance de bien vouloir faire part au ministre que nous aimerions l'inviter à témoigner à ce comité.
Nous n'avons pas eu l'occasion ce soir de toucher au volet des services gouvernementaux. Ce volet comprend les services de traduction, d'interprétation et de sténotypie en temps réel. Il existe toute une gamme de sujets intéressants que nous aimerions discuter avec le ministre.
Lorsque vous le verrez, nous vous saurions gré de lui transmettre notre invitation à comparaître au Comité sénatorial permanent des langues officielles.
Mme Lemieux: Je suis certaine que cela lui fera plaisir.
La présidente: Nous passons maintenant à notre prochain groupe de témoins. Il nous fait plaisir d'accueillir M. Francis Potié, directeur général de l'Association de la presse francophone, et Mme Annick Schulz, directrice des communications et des relations gouvernementales.
Nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation à venir nous faire part de la réalité que vous vivez présentement à l'association. Je vous demanderai tout d'abord de nous faire une brève présentation. Nous passerons ensuite à la période des questions.
M. Francis Potié, directeur général, Association de la presse francophone: Madame la présidente, je vous remercie de l'occasion que vous m'offrez de vous dresser le portrait de la situation de la presse francophone en ce moment.
Comme vous le savez, l'Association de la presse francophone est constituée d'une trentaine de journaux francophones disséminés à travers neuf provinces et deux territoires. Ce sont des marchés qui sont souvent assez difficiles à exploiter, surtout le marché régional, et surtout dans les provinces un peu plus à l'Ouest ou un peu plus à l'Est, où la population francophone est moins importante proportionnellement.
La question qui préoccupe les membres de l'Association de la presse francophone en ce moment, c'est le moratoire annoncé sur la publicité nationale par le ministère des Travaux publics. Ce moratoire est en vigueur de la mi-mars jusqu'au début juin, et pour nos journaux, c'est assez néfaste, surtout en ce qui a trait à la santé financière de ces journaux. Nos journaux dépendent d'un apport assez important de la publicité fédérale. Pour la majorité d'entre eux, la publicité fédérale peut représenter de 20 à 40 p. 100 de leurs revenus publicitaires.
De plus, les mois de mars, avril et mai sont vraiment les mois important de la publicité fédérale. Ensuite, on tombe dans la saison creuse pour ces journaux. Et avec la possibilité d'une élection fédérale, c'est vraiment une période de six mois où les revenus sont affectés.
En ce moment, certaines publications commencent à faire des mises à pied de personnel. Des décisions seront prises prochainement sur la réduction de la fréquence de publication et cela peut provoquer la fermeture de journaux.
L'Association de la presse francophone, l'Alliance des radios communautaires du Canada et le RCFO avons signalé notre inquiétude à plusieurs endroits, incluant le comité parlementaire sur les langues officielles. Il y a quand même une certaine sympathie pour notre situation, mais il n'y a pas de solution pour ce qui est du problème à court terme qui en est vraiment un de liquidité et d'urgence.
Du côté du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, M. Owen, dans sa présentation au comité parlementaire, a clairement laissé entendre qu'il ne considérait pas que c'était du ressort de son ministère de se préoccuper de la viabilité des journaux. Notre réaction à ce commentaire a été de faire abstraction des engagements du gouvernement fédéral dans le cadre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. S'il n'y pas de journaux en place bientôt, cela va lui causer des problèmes dans son mandat premier qui est de faire la publicité du gouvernement fédéral autant auprès des communautés minoritaires que de la majorité.
Nous avons rencontré plusieurs personnes sympathiques à notre situation, mais jusqu'à présent, nous n'avons pas trouvé de solution à court terme à cette situation urgente.
Le comité parlementaire sur les langues officielles a émis un rapport, vendredi dernier, dans lequel il fait des recommandations que nous trouvons très intéressantes autant pour nos membres que pour les autres médias minoritaires. Mais c'est toujours des réponses à des problématiques à moyen et à long terme.
Le sénateur Gauthier: Monsieur Potié, vous connaissez le dicton qui dit: dépêche-toi lentement? Le gouvernement, c'est cela. Ne vous attendez pas à ce qu'il y ait une réponse à votre problème, si je peux le caractériser ainsi, d'ici à demain.
Une chose m'inquiète par contre: vous avez trois événements qui sont hors de votre contrôle. Il y a eu ce qu'on appellerait un moratoire sur la publicité. Deuxièmement, il y a probablement une élection fédérale qui va avoir lieu d'ici quelque temps. Une semaine, deux semaines, on ne sait pas. Troisièmement, vous avez un problème de liquidités. Ces trois problèmes existent. Vous recevez des fonds de Patrimoine Canada dans le cadre du programme d'aide aux publications. L'ensemble de l'aide fédérale que vous recevez actuellement compte pour combien dans votre budget annuel?
Deuxième question: quel est votre budget annuel? Et troisièmement: avez-vous une association nationale de la presse francophone? Non pas une association des hebdomadaires, mais une association nationale de la presse francophone?
M. Potié: Pour l'Association de la presse francophone, le programme d'aide aux publications ne rapporte rien. C'est une subvention aux coûts de distribution des journaux qui représente à peu près 80 p. 100 des coûts de distribution. Les journaux comme tels ne voient jamais les fonds. C'est retiré de la facture de distribution des frais postaux. Cela représente quand même des sommes assez considérables, mais c'est une subvention disponible à l'ensemble des publications et abonnements canadiens.
Le budget de l'Association de la presse francophone peut varier, mais je pense qu'au 31 mars, nous avions un budget total d'environ 800 000 $. Cette somme est pour l'association, non pas pour les journaux membres.
En fait d'association nationale, l'Association de la presse francophone est une association d'hebdomadaires et de bimensuels. Il n'y a pas, à ma connaissance, une association qui regroupe les autres publications, c'est-à-dire les quotidiens ou les revues.
Le sénateur Gauthier: Je comprends bien que ce sont les coûts à la distribution, mais seulement à ceux qui sont abonnés, pas à ceux qui ne sont pas abonnés. Votre pourcentage d'abonnés est d'environ 40 p. 100?
M. Potié: Oui.
Le sénateur Gauthier: Vous distribuez gratuitement 60 p. 100 de vos publications? J'ai lu les transcriptions de votre témoignage au comité des Transports et des communications. Vous avez fait un témoignage très intéressant. Est-ce qu'on peut parler d'un ratio 40/60?
M. Potié: C'est un peu en bas; j'aurais dû dire 70/30, 70 p. 100 gratuit.
Le sénateur Gauthier: Vous avez dit que vous aviez un problème de liquidités.
M. Potié: Les journaux, oui.
Le sénateur Gauthier: Pouvez-vous m'expliquer l'impact financier que le moratoire du 15 mars dernier jusqu'à la fin juin aura sur vous?
M. Potié: Cela ne devrait pas avoir beaucoup d'impact sur l'APF. Nos revenus proviennent d'autres sources que de la publicité. Parmi nos membres, je vais prendre l'exemple des journaux de l'Ouest, on parle en moyenne de 4000 ou 5000 $ par mois et pour des journaux comme l'Express du Pacifique, qui n'ont que deux employés ou trois employés, cela fait vraiment la différence entre pouvoir payer son personnel et ne pas y arriver.
La menace est surtout pour les journaux dans les communautés où il n'y a qu'un journal pour toute la province. Ce sont vraiment nos publications les plus fragiles. C'est un arrêt soudain de la plus importante source de revenus, et il faut qu'ils compensent.
Le sénateur Gauthier: Il y a des frais d'adhésion, chez vous?
M. Potié: Oui.
Le sénateur Gauthier: C'est de là que vient votre budget de 800 000 $?
M. Potié: Nous avons des subventions, nous travaillons beaucoup, nous avons des projets. Nous avons une subvention de soutien du ministère du Patrimoine canadien et nous avons plusieurs projets avec d'autres ministères. Comme bien d'autres organismes à but non lucratif, nous faisons beaucoup de demandes et beaucoup de projets pour arriver à nos fins.
Le sénateur Gauthier: Une chose qui m'intéresse énormément, c'est la formation de vos journalistes. Si j'ai bien compris, vous n'avez pas, si je puis dire, accès à un bassin d'étudiants diplômés suffisamment large pour justifier votre roulement. Vous vous faites voler vos meilleurs journalistes par des compétiteurs un peu plus agressifs ou ayant plus de moyens. Quand vous avez un bon journaliste, Radio-Canada va vous le prendre.
M. Potié: Oui, ils vont le recruter.
Le sénateur Gauthier: Je connais un peu le système. Comment contourne-t-on cela? Avez-vous des critères d'admission pour les journalistes ou prenez-vous n'importe quel candidat?
M. Potié: Les journaux vont aller chercher le meilleur employé possible. On fait des annonces, on fait passer des entrevues et on se donne des critères de sélection. Il incombe à chaque journal de faire sa sélection de personnel. Le problème qui se pose concerne beaucoup moins le recrutement que la rétention des journalistes; autrement dit, quand on trouve un journaliste, on a de la difficulté à le garder. Un autre problème est que, dans plusieurs communautés, il est très difficile de trouver un journaliste natif de l'endroit. Ainsi les journalistes connaissent souvent moins bien la communauté et il leur faut une certaine période d'adaptation. C'est une réalité démographique, jusqu'à un certain point; ce sont des communautés qui ont de la difficulté à fournir des journalistes.
Le sénateur Gauthier: Vous offrez des bourses de mille dollars à dix étudiants par année, n'est-ce pas?
M. Potié: Oui, dix ou douze étudiants.
Le sénateur Gauthier: Où prenez-vous ces fonds?
M. Potié: Nous avons une fondation qui s'appelle la fondation Donatien-Frémont. Ce fonds a été mis sur pied par les journaux membres de l'APF. Il y a un capital de 375 000 dollars, je crois, qui génère un intérêt avec lequel on offre des bourses.
Le sénateur Léger: Mon expérience avec ce qu'on appelle les petits journaux — je n'en suis pas tant une grande lectrice, j'aime bien Le Devoir et ses éditoriaux — c'est que, selon moi, l'influence des petits journaux dans un milieu donné est très forte. Toutes les annonces, toutes les ventes s'y retrouvent. Je voudrais comprendre une chose. Vous avez dit qu'il y avait beaucoup de sympathie mais très peu de solutions, et que les publicités allaient revenir après le mois de juin, une fois que vous serez ou bien mort ou trop endetté, est-ce exact?
M. Potié: Le moratoire finit le 1er juin.
Le sénateur Léger: Après, est-ce que cela va marcher comme avant?
M. Potié: Je pense qu'il va y avoir une élection, probablement. Pendant l'élection, le gouvernement fédéral n'a pas le droit d'annoncer; après l'élection, il y aura l'été, une période où très peu d'annonces sont diffusées. Oui cela va revenir; je ne voudrais pas vous induire en erreur, ce n'est pas nécessairement une perte à tout jamais, mais notre préoccupation concerne les liquidités dont disposent les journaux à court terme. Si le ralentissement perdure jusqu'à la fin de l'été, je pense que des journaux vont disparaître.
Le sénateur Léger: Pourquoi ce moratoire? Est-ce qu'on voulait sauver de l'argent?
M. Potié: Ce sont peut-être de ma part des considérations de spéculation politique, mais il y a eu un scandale.
Le sénateur Léger: Cette affaire? N'en parlons pas, miséricorde! C'est la deuxième fois que je me fais prendre.
La présidente: Monsieur Potié, donnez-nous un exemple concret. Par exemple L'Eau Vive, en Saskatchewan, que vous connaissez bien.
M. Potié: Ce journal vient de mettre à pied deux employés; le poste de rédaction a été réduit, reclassifié à celui de journaliste. Le journal La Liberté, au Manitoba, vient de mettre deux journalistes à pied. Je sais que Le Franco, sans avoir les détails sur les dispositions administratives, va connaître un déficit assez important. Le directeur général — je ne veux pas trop commenter sur la vie personnelle des autres — n'a plus de salaire depuis quelque temps et ce n'est pas une situation qui peut durer trop longtemps. Un journal qui n'est pas membre de l'Association de la presse francophone parce qu'il n'a pas la fréquence nécessaire, Le Chinook de Calgary, éprouve de grandes difficultés en ce moment. Je sais que pour Le Gaboteur, à Terre-Neuve c'est aussi très difficile.
La présidente: Combien de fonds faudrait-il pour passer la période critique et attendre que le gouvernement se remette en place?
M. Potié: Je peux dire que le moratoire représente une perte de revenus de 210 000 dollars pour les journaux membres de l'APF. La perte pour la période d'été représente à peu près 60 000 dollars supplémentaires.
[Traduction]
Le sénateur Keon: Vous avez soulevé un point très important. Auriez-vous une suggestion à nous faire pour que nous soyons utiles? Vous êtes dans une situation très délicate, entre aujourd'hui et probablement Noël prochain, avant que les rouages se mettent à tourner.
Avez-vous une idée de ce que nous pourrions faire pour aider à remédier à cette situation?
[Français]
M. Potié: La difficulté est le moratoire sur la publicité. Le gouvernement ne peut pas acheter de l'annonce chez nous ni ailleurs. Je pense qu'il y aurait un problème politique et peut-être juridique assez important. On parle de court terme et non de long terme, je pense que la solution devra vraiment être politique. J'imagine que le seul ministère qui aurait la flexibilité par rapport à ses objectifs et à son mandat est le ministère du Patrimoine canadien. Il y a toutes sortes de contraintes législatives, à toutes fins pratiques. C'est difficile pour moi de suggérer une solution concrète. On attend du gouvernement qu'il nous arrive avec une solution. C'est assez intéressant.
Pour ce qui est de votre question et de savoir comment nous aider, je pense qu'il faut signaler à la ministre du Patrimoine canadien, entre autres, dans vos caucus que ce problème vous préoccupe et qu'il faut essayer de trouver une solution.
Le sénateur Gauthier: Vous avez dit tantôt qu'il y avait 30 membres de votre association dont quatre sont des membres à l'essai. Les 26 autres sont des membres titulaires, propriétaires ou responsables.
M. Potié: Des membres réguliers.
Le sénateur Gauthier: Pourquoi avez-vous quatre membres à l'essai? Que ce passe-t-il avec ces gens, est-ce qu'ils ont commis un crime?
M. Potié: Non; cela ne fait pas longtemps qu'ils ont fait la demande pour être membres. Il s'agit d'une procédure pour devenir membre de l'association. On dépose une demande d'adhésion et, de façon automatique, on est accepté comme membre mis à l'essai. Seule l'assemblée générale des membres peut entériner l'adhésion d'un membre régulier. Il y a une petite procédure, il faut faire une évaluation du journal.
Le sénateur Gauthier: Vous n'allez pas plus vite que le gouvernement.
M. Potié: Nous sommes pas mal plus vite. Cela se fait en six mois, de six mois à un an tout au plus.
Le sénateur Gauthier: Il n'y a pas d'hebdomadaires bilingues dans votre association?
M. Potié: Non.
Le sénateur Gauthier: Il y a l'association nationale des hebdomadaires anglophones. Pourquoi n'y a-t-il pas d'association francophone? Exception faite des grands journaux, pourquoi excluez-vous les hebdomadaires du Québec? Les représentants d'hebdomadaires francophones du Québec sont tout de même des Canadiens importants qui seraient sûrement utiles à votre cause.
M. Potié: Oui. Nous collaborons avec les hebdomadaires du Québec. Je vais faire de la spéculation — je n'ai pas posé la question à nos membres et la question n'a pas été soulevée lors de nos délibérations — mais les membres de notre association ont des préoccupations spécifiques, des besoins qui sont considérablement différents des journaux en situation majoritaire. Ils craignent de se retrouver dans une association qui comporterait plus de 150 membres qui n'auraient pas les mêmes préoccupations qu'eux, de ne pas avoir une association qui leur ressemble.
Cela dit, nous avons des projets de formation avec les hebdomadaires du Québec. Nous aurons notre assemblée générale annuelle prochainement et nous passerons une journée et demie avec des représentants des hebdomadaires du Québec en atelier, à partager différentes activités. Nous gardons des contacts et nous nous entraidons mais nos associations sont distinctes.
Le sénateur Gauthier: Je suis un Canadien français né en Ontario mais qui a vécu toute sa vie à Ottawa. Pourquoi l'hebdomadaire francophone principal de Toronto, l'Express, n'est-il pas membre de votre association? Je ne comprends pas pourquoi.
M. Potié: Il a déjà fait partie de notre association avant que je n'en fasse partie. Il faudrait que je fasse une recherche sur ce sujet. À la suite d'un différend, l'Express s'est retiré de l'association.
Le sénateur Gauthier: Prenez le temps d'y penser et vous me répondrez par écrit.
La présidente: J'ai une dernière question pour vous. Dans le rapport du comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes, deux recommandations sont proposées à long terme. J'aimerais que vous fassiez parvenir votre réponse par écrit au comité des langues officielles pour dire si vous êtes d'accord avec ces deux recommandations.
M. Potié: D'accord.
La présidente: Pour ce qui est du court terme, je vais attirer l'attention de notre caucus sur votre problème pour voir ce que nous pouvons faire.
Je vous remercie encore une fois d'avoir comparu à notre comité.
La séance est levée.