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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 9 - Témoignages du 13 mai 2004


OTTAWA, le jeudi 13 mai 2004

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 11 h 05 pour étudier les questions qu'ont suscitées le dépôt de son rapport final sur le système de soins de santé au Canada en octobre 2002 et les développements subséquents. En particulier, le comité doit être autorisé à examiner la santé mentale et la maladie mentale.

[Traduction]

M. Daniel Charbonneau, greffier du comité: Honorables sénateurs, il est de mon devoir de vous informer de l'absence forcée du président et du vice-président. En conséquence et conformément au Règlement du Sénat, je suis prêt à recevoir les nominations au poste de président suppléant.

Le sénateur Cordy: Je propose que le sénateur Morin occupe le poste de président pour la réunion d'aujourd'hui.

M. Charbonneau: Il est proposé par le sénateur Cordy que le sénateur Morin occupe le poste de président suppléant pour la réunion d'aujourd'hui. Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Yves Morin (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant: Nous poursuivons ce matin notre étude sur la santé mentale. C'est une question importante.

Merci beaucoup de comparaître devant nous. Je crois que vous avez convenu de l'ordre de vos exposés. Nous vous demandons de faire un bref exposé afin qu'il y ait assez de temps pour les questions.

Nous commençons par le Dr Kirmayer, du département de psychiatrie de l'Université McGill. Il sera suivi de Mme Restoule et de la Dre Wieman.

Le Dr Laurence Kirmayer, directeur, Division de la psychiatrie sociale et transculturelle, Département de psychiatrie, Université McGill: Honorables sénateurs, j'essaierai d'être bref. J'ai apporté quelques diapositives, je ne les utiliserai pas toutes afin de ne pas dépasser mon temps de parole.

Je passerai en revue ce que nous savons ou ne savons pas des problèmes de santé mentale de la population autochtone au Canada. Je soulèverai des questions conceptuelles importantes pour l'élaboration et la prestation des services de santé et pour la promotion de la santé. Tout au long de l'exposé, nous aurons l'occasion de revenir sur certaines questions.

Je dirige un programme de psychiatrie culturelle visant essentiellement à soulever les questions relatives à la pertinence des concepts et des services de santé mentale transculturellement. Ce programme concerne la population multiculturelle du Canada, y compris les Autochtones, les immigrants, les réfugiés et porte aussi sur les travaux à l'échelle internationale. Je parlerai surtout de mes travaux et de ceux d'autres personnes sur les Autochtones. Dans ces différents domaines, certaines questions conceptuelles et la mise en œuvre de services sont très similaires.

Je passerai rapidement sur ce qui a été dit au sujet de la santé mentale et la maladie mentale en tant que continuum ou série de contrastes importants pour les Autochtones et les écarts de connaissance qui existent. Comme vous allez l'entendre dans un instant, beaucoup d'éléments nécessaires à l'élaboration de services efficaces nous sont inconnus.

Je parlerai brièvement du suicide comme indice de problèmes, un domaine que nous connaissons bien. Je crois que les autres témoins traiteront de questions spécifiques à la santé mentale des Autochtones. Ces questions concernent tous les Canadiens, cependant, certaines sont spécifiques aux collectivités et populations autochtones. J'aborderai brièvement les disparités au niveau des services, car je sais que d'autres exposés ont en fait leur thème principal. Je parlerai de nos connaissances générales des modèles d'intervention adaptés culturellement. Il n'y a pas de solution unique. Les antécédents des gens, leur langage, et cetera doivent faire l'objet d'un examen sérieux si l'on veut une prestation de services efficace.

Je sauterai les données démographiques des Autochtones; ce qui est important de retenir, c'est la grande diversité. La population autochtone a plus de problèmes de santé physique et mentale que la population en général. Je ne m'étendrai pas sur les statistiques de cette diapositive. Je pense qu'elles sont importantes, mais je suppose que le comité a accès à beaucoup de renseignements sur ce sujet.

Nous manquons beaucoup de renseignements sur l'éventail des problèmes de santé mentale. À ce jour, aucune étude n'a vraiment utilisé des méthodes épidémiologiques psychiatriques récentes pour évaluer le taux des troubles mentaux dans les collectivités autochtones. Il y a, plutôt, des enquêtes sur la santé concernant la façon dont les gens comprennent leurs problèmes, leur expérience et ce qu'ils estiment être leurs problèmes essentiels.

Le développement de méthodes structurées au niveau du diagnostique et de l'évaluation des besoins permettant une meilleure compréhension des besoins spécifiques à une population est une importante innovation de la psychiatrie contemporaine. Cela est significatif pour les Autochtones à cause du large éventail de problèmes et de préoccupations incluant, d'un côté, des troubles mentaux majeurs sévères, par exemple: les maladies chroniques, la schizophrénie, les troubles bipolaires et les troubles dépressifs majeurs. Et, de l'autre côté, des problèmes courants tels que les problèmes familiaux et conjugaux, la violence familiale et toutes sortes de problèmes sociaux et quotidiens pouvant être assez graves et relevant habituellement des systèmes de soins de santé mentale. Quand les gens utilisent les termes «santé mentale» et «maladie mentale», ils ne devraient pas penser seulement à un petit nombre de troubles très sévères, mais à un plus grand nombre d'états mentaux moins graves dont beaucoup ne sont pas pathologiques et, qui doivent être traités dans des cadres différents tels que le travail social, le développement communautaire, et cetera..

Donc, la santé mentale couvre un territoire plus large. Dans l'élaboration d'un plan de santé mentale, l'Assemblée des Premières nations et les Inuits Tapirisat donnent au terme «bien-être mental» un sens plus large, car il va au-delà de l'affliction pour inclure la volonté d'être en bonne santé. En psychiatrie, nous nous préoccupons essentiellement des troubles les plus sévères, mais les techniques et les approches s'étendent à toute la gamme.

Il n'y a pas vraiment de bonne épidémiologie psychiatrique qui donne des chiffres définitifs. De nombreuses études se fondent sur les échantillons cliniques de gens qui vont en consultation ou lorsqu'un groupe cherche de l'aide. Ces études indiquent un large éventail de problèmes et, probablement, des taux de prévalence plus élevés, mais on ne peut pas se fier aux taux de prévalence de la collectivité à partir d'échantillons cliniques.

Pour ce qui est du suicide, les preuves indiquent clairement que certaines, mais pas toutes, collectivités des Premières nations et des Inuits ont des taux élevés de suicide, de personnes qui se sont suicidées ou qui ont tenté de le faire. Je ne m'étendrais pas là-dessus, car il y a une ample documentation à ce sujet. C'est un sujet de préoccupation important dans de nombreuses collectivités.

Il y a de grandes différences entre les collectivités, c'est important car cela laisse supposer la présence de facteurs de protection au sein de certaines collectivités. Les collectivités n'ont pas été touchées de la même façon.

Les diapositives qui suivent montrent que le taux global de suicides, calculé à partir des données de Santé Canada, chez les Indiens inscrits est supérieur à celui de l'ensemble de la population et a été systématiquement plus élevé depuis plusieurs décennies. Dans certaines collectivités, notamment celles des Inuits du Nunavut, du Nunavik et dans les collectivités Anishnawbe, les taux ont continué à augmenter au cours des dernières années. C'est un problème, car il y a eu des prestations de services et des interventions, mais de nombreuses collectivités n'ont pas pu régler ce problème.

Le président: Puis-je intervenir? Votre diapositive montre le nombre de suicides et c'est vraiment désastreux. Est-ce une vraie courbe? Est-ce dû au fait que les suicides sont plus signalés maintenant ou au fait qu'ils augmentent effectivement?

Le Dr Kirmayer: Il y a vraiment une augmentation. Dans les petites collectivités, très peu de choses passent inaperçues. Des questions se posent sur ce qui peut vraiment être qualifié de suicide. Il existe peut-être des divergences, au niveau la définition, qui peuvent enfler le taux. Même, en tenant compte de cela et de la croissance de la population, rapide de nombreuses collectivités, le taux de suicide augmente réellement dans le territoire inuit et dans certaines collectivités des Premières nations.

Il y a un semblant de stabilisation dans certaines collectivités, sinon une vraie diminution selon les données des bandes de la Colombie-Britannique. Cette variance est importante. Nous pouvons dire, globalement, que cet alarmant problème existe depuis des décennies. Le taux de suicide augmente, alors qu'on accorde une plus grande attention au problème. Il y a, toutefois, une variance qui pourrait être très instructive sur le bien-être de la collectivité et sur les circonstances historiques particulières grâce auxquelles la situation est meilleure dans certaines collectivités. Il peut y avoir des indices très importants.

Cela nous incite à poser une question générale: les perspectives en matière de santé mentale ont tendance à visent l'individu et sur la vulnérabilité et l'affliction individuelles. Ce genre de données reflète vraiment l'incidence des forces sociales, des facteurs influant sur des générations entières et c'est ainsi que nous devons les considérer. Dans ce modèle, il y a une vulnérabilité individuelle; les gens ne réagissent pas tous de la même manière face à la même l'adversité. Toutefois, le taux élevé global laisse à penser que beaucoup de gens sont concernées et que des éléments extérieurs à l'individu sont en jeu. Il nous importe de définir les forces sociales et de réfléchir aux moyens d'aider les gens à s'en charger.

Les jeunes, principalement les hommes entre 15 et 24 ans, ont les taux de suicide les plus élevés. Les femmes se suicident aussi. Un nombre trop élevé de femmes des Premières nations et des Inuits se suicident, mais le taux est très alarmant chez les jeunes hommes. Ici, vous pouvez voir les différences entre les sexes, le taux chez les jeunes femmes est plus élevé que la moyenne nationale, mais il est plus dramatique chez les hommes.

L'effet des variances par rapport à la population autochtone des différentes provinces montre qu'il y a des différences régionales. Les variances régionales sont aussi dues à d'autres raisons. Le Québec, par exemple, avait tendance à avoir des taux plus élevés, probablement, pour d'autres raisons sociales. Cette diapositive représente des données du Nunavut et les variances entre les collectivités. On a tendance à généraliser et à déclarer que le taux de suicide est plus élevé chez les Inuits. Cela est vrai globalement, mais il est important de noter la variance considérable entre les collectivités. Cela aussi peut nous aider à trouver la cause de ces différences. Il y a des variances. Les collectivités qui enregistrent un taux plus bas à un moment auront un taux plus élevé à un autre moment.

Cette diapositive représente les résultats d'une étude de Michael Chandler et de Christopher Lalonde faite en Colombie-Britannique, la variance est similaire entre les conseils tribaux en Colombie-Britannique. Ils ont utilisé ces données pour examiner les facteurs sociaux pouvant être liés à ces différences. La diapositive suivante représente les groupes linguistiques et indique une grande variance entre les divers groupes linguistiques ou culturels des Autochtones en Colombie-Britannique.

Ils ont utilisé certains indicateurs, dont ils disposaient, des particularités des collectivités pour tenter de comprendre ce qui pourrait faire le lien avec ces taux de suicides. Plus particulièrement, ils ont cherché à savoir si les collectivités avaient ou non: une autonomie gouvernementale; des revendications territoriales; le contrôle des services d'éducation et de santé; les installations culturelles et le contrôle des services policiers et d'incendie. Ils ont donné un point pour chacun de ces éléments désignés «facteurs de continuité culturelle». Cependant, ces facteurs pourraient être mieux qualifiés de «contrôle local» ou de «prise en charge». Ils ont trouvé que le taux de suicide variait en fonction de la variance de ces indicateurs. Plus ces facteurs étaient présents dans les collectivités, plus le taux de suicide était bas. Il est frappant de constater que le nombre de ces facteurs est lié aux taux de suicides.

Ils ont répété l'étude en utilisant des données établies sur une plus longue période et d'autres indicateurs qu'ils avaient obtenus sur ces collectivités. Les variables précédentes ont été confirmées et ajoutées à d'autres variables, notamment les femmes comptant pour plus de la moitié des représentants élus et les services locaux de protection de l'enfant dans la bande. Cette étude, qui devrait être faite aussi dans d'autres endroits du Canada, peut nous aider à identifier les processus sociaux et communautaires dans lesquels un soutien et un processus politique serviraient à promouvoir la santé mentale.

J'attire votre attention sur le fait que ces études peuvent être interprétées différemment. Ces données sont uniques et les gens les prennent très au sérieux pour le moment. Il est important de souligner l'absence des causes et des effets. Il y a de nombreuses autres interprétations possibles qui auraient des conséquences légèrement différentes sur les interventions sociales. J'ai fait une liste de quelques-unes qui sont plausibles et qui pourraient avoir un effet sur les suicides des jeunes.

Finalement, je veux parler des services de santé mentale pertinents du point de vue culturel. Un domaine où nous sommes très impliqués avec les Autochtones et, plus généralement, avec les collectivités urbaines multiculturelles du Canada. Il est amplement démontré que la qualité des services est améliorée lorsque l'on concorde le type de soins fournis et le contexte dans lequel ils sont fournis aux besoins et aux antécédents culturels de l'individu.

Cette approche varie selon les pays. Aux États-Unis, la tendance vise une sorte d'appariement ethnique direct. On part du principe que si le praticien ou le clinicien ont la même origine ethnique que le patient, le traitement se passera mieux. Cela est certainement logique au point de vue linguistique. En fait, c'est un problème dans certaines collectivités autochtones où il y a des barrières linguistiques qui ne sont pas prises en compte de manière appropriée par le système de soins de santé. Si le clinicien et le patient parlent la même langue, la qualité du service est meilleure. Des données provenant d'Australie et d'autres pays indiquent la même chose.

Il y a d'autres façons d'essayer de répondre aux besoins des gens qui sont plus axées sur les questions culturelles. Pour de nombreux Autochtones, l'identité culturelle est liée à une vie dans des collectivités rurales ou isolées, il est très important de conserver certains aspects du mode de vie traditionnelle ou d'espérer garder et continuer à apprendre les traditions de leur famille et de leurs collectivités. C'est une notion différente de l'image de soi et de l'identité individuelle.

Dans l'ensemble de la société canadienne, le sens de l'image de soi est très individualiste, ce que les psychologues appellent «l'égocentrisme», la tendance de l'individu à être centrée sur lui-même. Toute notre personnalité morale et la plus grande partie de notre psychisme sont ainsi façonnées: il s'agit des droits de l'individu; de la condition de l'individu; de ce qu'il y a dans la tête ou l'esprit de l'individu.

Les collectivités autochtones en sont conscientes. Cependant, il y a un sentiment beaucoup plus fort, dans certaines collectivités, d'interdépendance entre les gens. Donc, l'identité est très liée à la famille, au réseau social, à la parenté et à la collectivité. En outre, il y a un sens de ce que le géographe George Wenzel, de McGill, a appelé un sens «écocentrique» qui implique des relations continues avec la terre, les animaux et le monde environnant. Évidemment, ce sentiment varie considérablement entre les collectivités, les générations et cetera, mais il demeure un facteur significatif pour beaucoup de gens. Dans les collectivités inuites où j'ai travaillé, il demeure certainement une importante réalité.

Cela a des répercussions sur la théorie et la pratique des soins de santé mentale traditionnels. Nous comprenons les choses au moyen d'un processus psychologique fondé sur la représentation que l'on se fait de soi-même et qui est très individualiste. Ce type de modèle vient à l'appui de nos théories de la dépression et de la psychothérapie. Il y a lieu de croire que les besoins doivent être repensés et être incorporés d'une manière systémique pour tirer avantage des divers atouts, ressources et systèmes de valeur des Autochtones.

En ce qui concerne les répercussions que je viens de mentionner, les risques et les atteintes à l'environnement sont perçues par de nombreux Autochtones comme des atteintes à leur propre personne. Nous l'avons constaté dans les controverses autour des revendications territoriales, du développement hydroélectrique au Québec et cetera, dans lesquelles les arguments présentés sont fondés sur une collectivité très soudée, sur des valeurs morales et, à un certain niveau, sur un plaidoyer psychologique portant sur l'effet de certains développements sur les individus. Il faut des théories qu'on peut trouver, à mon avis, en psychiatrie et en psychologie sous forme de thérapie familiale, d'une théorie de systèmes familiaux, d'une théorie de réseaux, de psychologie communautaire qui tiennent considération des liens entre les individus.

Enfin, je voudrais juste anticiper sur un sujet qui, j'en suis sûr, sera soulevé par d'autres personnes. Il y a un besoin considérable d'une stratégie globale en santé mentale pour les Autochtones ainsi que pour les Canadiens en général. Il faut trouver des moyens d'élaborer des mécanismes de financement qui fonctionnent conformément au besoin évalué. De manière générale, pour les collectivités autochtones, le financement est absent ou il est octroyé en réponse à des crises plutôt qu'à des besoins constants. Dans l'ensemble, il faut améliorer la qualité et la diversité des services qui manquent énormément. Je laisse aux autres témoins le soin de le démontrer.

Il y a quelques adresses Web, notamment celle du réseau national de la recherche dans le domaine de la santé mentale autochtone, que je dirige avec Gail Valaskakis de la Fondation autochtone de guérison. Je serai heureux de vous fournir les autres rapports et documents en notre possession si le comité est intéressé à les consulter.

Mme Brenda M. Restoule, psychologue et représentante du conseil de l'Ontario, Native Mental Health Association of Canada: Honorables sénateurs, merci d'avoir invité Native Mental Health Association of Canada et de me permettre de vous faire part de nos points de vue et de nos expériences en santé mentale autochtone au Canada.

En plus d'être membre du conseil de l'Ontario avec Native Mental Health Association of Canada, je travaille, en tant que psychologue, dans trois collectivités de Premières nations du nord de l'Ontario, dans la région de Sudbury. J'offre aussi des services de conseils aux femmes autochtones incarcérées dans les prisons fédérales. Je me fonde sur ces expériences, ainsi que sur mon expérience personnelle de la collectivité des Premières nations où j'ai grandi, pour partager mon point de vue sur la santé mentale autochtone.

Honorables sénateurs, je suis sûre que, dans le cours de votre étude sur les soins de santé actifs au Canada, vous avez entendu dire que l'état de santé global des membres des Premières nations est moins bon que celui de la population en général. De même que l'état de santé physique, celui de la santé mentale des membres des Premières nations est aussi généralement moins bon que celui de la population canadienne.

En me fondant sur le peu de recherches faites dans ce domaine, et sur mes expériences personnelle et professionnelle, j'ai constaté qu'il existe dans les populations des Premières nations des taux de prévalence considérablement plus élevés de problèmes de maladie mentale et de santé mentale. Comme l'a indiqué le Dr Kirmayer, nous disposons de très peu de données. En tant que praticienne, j'ai pu constater des diagnostics de troubles mentaux tels que la dépression, l'anxiété et surtout des troubles mentaux post-traumatiques démesurément élevés chez les Autochtones.

À l'école, les enfants et les jeunes Autochtones sont souvent qualifiés de difficiles ou qu'ils ont un comportement préoccupant. Dans bon nombre de ces cas, l'étiquette de «trouble oppositionnel» ou «trouble déficitaire de l'attention» est très vite accolée au comportement de ces enfants et de ces jeunes. Dans le cadre de ma pratique et de mes fréquentes rencontres avec des individus dans le but d'évaluer leurs antécédents et leur histoire personnelle, celle de leur famille et de leur collectivité, on m'a rapporté des expositions à une multitude de problèmes et de sources de stress qui ont abouti à certains de ces troubles ou qui ont, à mon avis, exacerbé les humeurs négatives de ces individus.

Il est assez courant que les membres des Premières nations fassent plus souvent état d'incidents liés à la colère ou à l'agression, à la violence conjugale ou familiale, à des problèmes de condition parentale, à des difficultés relationnelles — qu'elles soient conjugales, avec les autres enfants, les parents ou les autres membres de la famille —, de taux de suicide plus élevés, de deuils et de pertes, de mauvaises relations avec la famille, de mauvais traitement et de négligence à l'enfance, d'agences de protection de l'enfant, d'abandon ou d'éclatement de la famille. Il faut y ajouter une forte dépendance à l'alcool, aux solvants, à d'autres drogues et au jeu. Cela laisse supposer que les membres des Premières nations ont aussi des taux de prévalence élevés d'affections multiples ou de double problèmes.

Le concept des doubles problèmes est un concept relativement récent qui, à mon avis, n'est pas encore accepté dans les collectivités des Premières nations. Sa méconnaissance désavantage un grand nombre de personnes de notre communauté, car les animateurs communautaires n'identifient pas précisément les problèmes et, souvent, le traitement qu'ils offrent ne répond pas aux besoins de ces personnes. Cela peut aboutir à de mauvais résultats des traitements ou à l'échec du processus du traitement qui donnent à ces personnes peu de moyens pour affronter la complexité de leurs problèmes. Dans un bon nombre de cas, on juge que ces personnes sont «difficiles à soigner» et, souvent, elles préfèrent éviter le système de santé mentale car elles se sentent marginalisées à l'intérieur du système.

Le fait que les animateurs communautaires n'aient peut-être pas conscience de la question du double problème rend encore plus difficile l'identification des besoins spécifiques à cette population. D'autres problèmes, notamment la formation des animateurs communautaires, affectent aussi la capacité des fournisseurs de services à travailler efficacement avec cette population.

D'autres maladies mentales graves, telles que la schizophrénie, les troubles bipolaires et psychotiques frappent aussi les membres des Premières nations. Comme le Dr Kirmayer vous l'a dit, il n'y a pas vraiment de statistiques qui indiquent clairement si le taux de prévalence est plus élevé chez les membres des Premières nations. J'ai constaté que ceux chez lesquels on avait diagnostiqué cette maladie mentale appartiennent souvent à deux catégories. Ceux qui sont protégés par leur famille dans la collectivité et qui ne sont pas décrits par leurs comportements étranges, mais, quelquefois, ces comportements se manifestent certains jours et pas d'autres. Lorsqu'ils se manifestent, les familles peuvent demander l'aide de professionnels de la santé à l'extérieur ou à l'intérieur de la collectivité. Ils font simplement de leur mieux jusqu'à ce que ces comportements cessent. Dans d'autres cas, quand ces personnes se comportent étrangement, souvent après avoir abusé d'alcool ou d'autres drogues, elles peuvent être considérées comme dangereuses ou menaçantes par les membres de la collectivité et la collectivité les rejette vite. Éventuellement, elles quittent la collectivité pour vivre dans un centre urbain où elles continueront à être marginalisées.

Beaucoup d'Autochtones font état d'agression et de violence à leur égard, souvent au pensionnat. Les enfants victimes de ces expériences ont souffert de violences physiques et psychologiques, de négligence et de violence d'ordre spirituel, je suis certaine que les honorables sénateurs le savent. Le retrait des enfants de leurs familles et de leurs collectivités a provoqué une cassure des traditions et de la culture familiale transmises de génération en génération. La recherche indique que l'identité culturelle contribue de manière importante à l'état physique et à l'état mental de l'individu ainsi que le suggèrent les travaux de John Barry, de l'Université Queen's. À mon avis, la perte importante au niveau culturel des Autochtones, qui peut être liée au pensionnat, a contribué au mauvais état de la santé mentale des Autochtones qui semble être largement répandu dans nos collectivités à travers le pays.

Les conditions sociales dans les collectivités des Premières nations compliquent l'état de santé mentale. Les statistiques indiquent que les Autochtones vivent souvent au-dessous du seuil de la pauvreté. Le dénuement économique des collectivités des Premières nations est mis en évidence par les taux de chômage élevés, les faibles revenus et les grandes difficultés financières d'un bon nombre d'individus et de familles. Les mauvaises conditions de logement sont également évidentes. Les surpeuplements, les habitats défectueux, les mauvais systèmes d'égouts et le manque d'eau courante dont se plaignent les Autochtones constituent les sources de stress quotidiennes auxquelles ils sont confrontés. Souvent, les Autochtones n'ont pas un accès adéquat au système de soins de santé, peut-être parce que les fournisseurs de soins de santé ont tendance à prescrire trop de médicaments ou bien à cause du manque de sensibilisation du système de soins de santé à l'égard de la culture des Autochtones. Généralement, pour les membres des Premières nations, cela se traduit habituellement par un état de santé médiocre.

À travers le pays, les Autochtones sont encore victimes du racisme et de la discrimination qui peuvent avoir un effet négatif sur leur volonté de poursuivre des études supérieures, de vivre dans un centre urbain où il y a plus de possibilités d'emploi ou de chercher un emploi à l'extérieur des collectivités des Premières nations. Dans certains cas, le racisme est systémique. J'ai travaillé avec des gens de la Société d'aide à l'enfance. Les objectifs que doivent atteindre les familles ne sont souvent pas réalistes et, dans certains cas, pratiquement impossibles. Les agences d'aide aux enfants ne font pas grand-chose pour identifier les sources de stress particulières auxquelles font face les Autochtones. Elles placent les membres des Premières nations au même niveau que la population en général. Je ne suggère pas que les membres des Premières nations ne doivent pas être tenus de respecter un critère équitable de sécurité de l'enfant, mais mon expérience m'a fait constater que la Société d'aide à l'enfance renvoie un plus grand nombre de familles des Premières nations aux services; qu'elle s'implique beaucoup plus rapidement dans les cas d'aide aux enfants; qu'elle suit le cas beaucoup plus longtemps et retire plus rapidement l'enfant du foyer. Quelques districts de la Société d'aide à l'enfance ont tenté de reconnaître ces problèmes comme des responsabilités traditionnelles et l'importance de la culture et de la tradition, mais leur guide d'évaluation est souvent discriminatoire à l'égard des besoins et des capacités des familles des Premières nations.

D'autres types de discrimination et d'abus systémiques se manifestent dans le système juridique, ainsi que l'a souligné le Dr Kirmayer. Nous constatons que les Autochtones sont surreprésentés dans les prisons fédérales et provinciales atteignant parfois 70 p. 100 de l'ensemble de la population carcérale. Cela est particulièrement vrai dans l'Ouest canadien.

Il y a de plus graves problèmes systémiques qui ont des répercussions sur l'état de la santé mentale des Autochtones. Le financement des programmes de santé mentale est extrêmement limité et, dans bon nombre de cas, c'est un processus fragmentaire. La majorité des collectivités des Premières nations utilise ce financement comme ceux de «Grandir ensemble» et «Pour les collectivités en bonne santé» pour la mise en œuvre leurs programmes de santé mentale. D'autres collectivités utilisent aussi les fonds de la Fondation autochtone de guérison, de Bon départ et, ici en Ontario, de la Stratégie de ressourcement pour le mieux-être des Autochtones et du Fonds d'aide au développement de la petite enfance. Les exigences de chacune de ces sources de financement sont différentes, notamment en ce qui concerne les prestataires. Le financement est souvent assorti de délais et peut varier considérablement.

Plus récemment, le financement du programme «Grandir ensemble» s'est trouvé menacé à cause du large déficit de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits. Comme je l'ai mentionné, la plupart des collectivités utilisent ces fonds pour mettre en œuvre des programmes de santé mentale, aussi nos dirigeants étaient très préoccupés des répercussions en cas de réductions de ce financement. Suite à une campagne intensive d'envoi de lettres, la décision a été renversée, mais il a été rappelé aux collectivités des Premières nations qu'il y aura des réductions du financement pour éliminer le déficit. On craint que si les réductions ne soient pas faites au niveau des soins de santé mentale, elles le seront ailleurs et cela continuera à avoir une incidence sur la santé mentale.

Le financement actuel est déjà inadéquat et ne répond pas aux besoins de la collectivité et des membres. Étant donné que le financement est fonction de la population, de nombreuses collectivités en reçoivent un petit montant, ce qui rend difficile ou, dans un bon nombre de cas, impossible les services de counselling et d'intervention en santé mentale. La plupart des collectivités doivent utiliser leur financement pour promouvoir la santé mentale et élaborer des programmes de prévention des maladies mentales. Bien que ce type de programmes soit nécessaire, le financement ne permet par un continuum de soins dont ont désespérément besoin les collectivités des Premières nations.

Les collectivités qui arrivent à mettre en œuvre un programme d'intervention font face à des défis supplémentaires. Le financement est si peu élevé pour les salaires des travailleurs de santé mentale que des professionnels comme les travailleurs sociaux, les psychologues et les psychiatres ne sont pas intéressés à travailler dans les collectivités des Premières nations. Par conséquent, le poste est souvent occupé par un travailleur non formé ou non qualifié dont on attend qu'il réponde à la forte demande de la collectivité. La Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, les dirigeants ou l'administration autochtones reconnaissent peu le besoin du développement et de la prestation de services de santé mentale efficaces et de qualité dans les collectivités des Premières nations. Cela se traduit par une affectation limitée ou nulle des ressources pour la supervision, la gestion, l'élaboration de la politique et des procédures et le perfectionnement professionnel.

D'autres types de financement en matière de santé mentale tels que les paiements à l'acte ou la gestion de crises, sont souvent limitatifs en ce qui a trait à la date du versement du financement, à la façon dont il est versé et à qui peut y avoir accès. Je crois aussi comprendre que ce financement continue à être de plus en plus limité avec la possibilité que les paiements à l'acte, c'est-à-dire le counselling en santé mentale, deviennent finalement obsolètes.

Le président: Puis-je vous interrompre un instant? Est-ce que le financement dont vous parlez provient du gouvernement provincial ou bien de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada?

Mme Restoule: Des deux.

Le président suppléant: Le financement provient de deux sources. Quand vous dites «provincial», vous voulez dire l'Ontario. En est-il de même pour les autres provinces?

Mme Restoule: Je crois qu'elles ont d'autres formes de financement. Je ne suis pas sûre de leur nom. In Ontario, c'est la Stratégie de ressourcement pour le mieux-être des Autochtones.

Le président suppléant: Vous avez mentionné des réductions du financement de la santé mentale. Nous savons de quoi vous parlez. Nous savons que des problèmes financiers sont abordés en Ontario. Parlez-vous de réductions au niveau provincial ou au niveau fédéral?

Mme Restoule: Au niveau fédéral.

Le président suppléant: Pouvez-vous être plus précise? Je ne savais pas que Santé Canada réduisait le financement de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits. Voulez-vous dire qu'il y a eu des réductions du financement du programme de la santé mentale au niveau fédéral?

Mme Restoule: Je me réfère à ce que le ministre a écrit aux collectivités en suggérant qu'il y aurait des coupures pour la santé mentale et que le financement sera versé les trois premiers mois de l'exercice puis il sera complètement coupé. Les dirigeants politiques dans les collectivités et les représentants des programmes de santé mentale ont lancé une campagne intensive d'envoi de lettres au ministre demandant de ne pas faire cela à cause du grand nombre de problèmes liés à la santé mentale dans nos collectivités et la décision a été renversée.

Le président suppléant: Donc, il n'y a pas que de coupures, au niveau fédéral, du financement de la santé mentale.

Mme Restoule: Pas pour l'instant, mais la lettre renvoyée par le ministre suggérait qu'il y en aurait.

Le président suppléant: La décision a été renversée. J'essaie de comprendre pour avoir des renseignements pour le rapport du comité. Ai-je raison de dire qu'il y a eu des coupures au niveau provincial, du moins en Ontario, mais qu'au niveau fédéral, il n'y a pas de coupures dans le programme de santé mentale maintenant?

Mme Restoule: C'est exact. Il n'y a pas de coupures maintenant.

Le président suppléant: Nous n'avons pas à aborder cette question maintenant et vous êtes assurée que ces activités vont se poursuivre. Nous travaillons au niveau fédéral, il est donc important d'être au courant des activités de Santé Canada.

Mme Restoule: Je crois comprendre que Santé Canada prévoit des coupures quelque part dans le système sur les soins de santé des Premières nations. Cependant, cette coupure pour la santé mentale n'a pas été faite pour le moment. D'où proviendra-t-elle, je n'en suis pas certaine.

Le président suppléant: Merci de vos précisions. Pouvez-vous continuer en résumant votre exposé?

Mme Restoule: Je passe à nos recommandations.

Nous avons constaté que de nombreuses collectivités des Premières nations commencent à intégrer ce que je qualifierais de «services à l'Ouest», tels que des services de counselling et l'utilisation de modèle médical de diagnostic conjointement avec des activités et des cérémonies plus traditionnelles.

Il n'y a pas vraiment de données suggérant que cela ait amélioré l'état de la santé mentale. Cependant, un bon nombre de mes clients et des collectivités qui mettent en œuvre un tel système m'ont rapporté que les gens disaient se rétablir beaucoup plus vite, qu'ils reconnaissaient ou qu'ils ressentaient une meilleure qualité de vie et que les choses leur paraissaient plus holistiques. Les Autochtones ont tendance à se soucier du holisme, le concept présent dans le cercle des influences où les processus mentaux, émotionnels, physiques et spirituels se rejoignent. Il faut pour cela examiner les rapports, qu'ils soient entre les conditions sociales, économiques, culturelles et physiques aux relations entre les individus et dans la collectivité et les programmes. Ainsi que le Dr Kirmayer l'a suggéré, les Autochtones se sentent menacés lorsqu'il n'y a pas d'interdépendance et de travail d'équipe entre les programmes, leurs besoins ne sont pas abordés d'une manière holistique. C'est très individualiste dans un domaine ou un autre.

L'une des recommandations que Native Mental Health Association of Canada est l'élimination des programmes de services dans ce que nous appelons l'effet de silos. Au lieu d'accorder un financement pour la santé mentale, les services sociaux et d'autres questions de la collectivité, nous favorisons des approches d'équipe fondées sur le partenariat afin que ce qui est disponible pour une collectivité soit intégré et rendu disponible et accessible à nos clients sous forme holistique descendante, des décideurs et des planificateurs aux autorités locales.

Nous recommandons que tous les facteurs influant sur la santé dont j'ai parlé soient pris en considération et utilisés pour établir des priorités en matière de santé afin que les raisons sous-jacentes énoncées éliminent les abus sexuels et autres formes d'abus et de violence, y compris la violence latérale. Les besoins au niveau du deuil et du rétablissement seront aussi éliminés afin que les familles et les membres de la collectivité puissent jouir de l'autotraitement, de l'entraide, de l'autodétermination, d'amitiés sincères, de la convivialité et d'une bonne vie familiale.

Nous recommandons des ressources pour la mise en œuvre de toutes les priorités et stratégies élaborées pour assurer la mise à disposition continue de tous les facteurs influant sur la santé afin d'apporter de vrais changements durables.

Nous recommandons l'affectation de ressources pour recruter et former des travailleurs de première ligne compétents et dotés de solides connaissances culturelles pour promouvoir le rétablissement, le développement individuel et d'autres mesures qui appuient le renforcement des capacités et de préparer un leadership averti et avisé qui peut gérer efficacement l'élaboration des politiques, la planification stratégique et les travaux connexes.

Nous recommandons que la priorité soit accordée aux Autochtones afin qu'ils puissent identifier et entreprendre une recherche massive qui fournira la preuve qui soutiendra des actions concrètes aboutissant au changement voulu.

Finalement, comme je l'avais dit aux sénateurs au mois d'octobre à l'assemblée publique locale, nous recommandons l'élaboration d'une stratégie nationale sur la santé mentale des Autochtones. Merci.

La Dre Cornelia Wieman, psychiatre, Six Nations Mental Health Services: Honorables sénateurs, bonjour. Je remercie le président et les membres du comité de me donner l'occasion de présenter mon point de vue sur la santé mentale autochtone.

Je suis originaire de la Première nation de Little Grand Rapids qui fait partie de la nation Ojibway. En 1998, j'étais la première femme autochtone au Canada à entamer une formation de psychiatre. Je suis professeure adjointe en clinique au département de psychiatrie et des neurosciences comportementales de l'Université McMaster à Hamilton. Au cours des quatre dernières années, j'ai travaillé comme directrice du programme de la santé des étudiants autochtones de la Faculté des sciences de l'Université McMaster.

Durant les sept dernières années, j'ai travaillé en tant que psychiatre aux premières lignes d'une clinique communautaire de santé mentale dans le territoire des Six Nations de la rivière Grand, une communauté de la réserve située près de Hamilton et de Brantford en Ontario. Mon exposé d'aujourd'hui est fondé sur l'expérience que j'ai acquise à la collectivité des Six Nations. Dans les minutes qui suivent, j'aimerais vous décrire mon travail et je vous demande d'imaginer ce à quoi il ressemble dans cette collectivité.

Je travaille deux jours et demi par semaine. Dans l'exercice de ma profession, j'offre aux patients des services cliniques de première ligne, notamment des évaluations psychiatriques, des consultations et des suivis à court et long termes des patients atteints de maladies mentales graves, notamment la dépression, les troubles anxieux, la schizophrénie, et cetera. J'offre aussi d'autres services comme les consultations indirectes, c'est-à-dire rencontrer le médecin de famille, par exemple, d'un patient sans que celui-ci soit présent; les techniques de réunions des intéressés; l'enseignement de questions relatives à la santé mentale à d'autres fournisseurs de services dans la collectivité; la participation à de nombreuses différentes campagnes de sensibilisation de la collectivité traitant de la santé mentale, en partie pour éliminer la honte de la maladie mentale et de la psychiatrie.

Je reçois moins de patients qu'un grand nombre de mes collègues, entre six et neuf par jour. La première consultation dure au moins une heure. Les consultations suivantes durent entre trente et soixante minutes selon les besoins particuliers du patient. Bien que la majorité des patients soient atteints de maladies comme la dépression, ce qui est également le cas de la population en général, et qu'ils reçoivent un traitement conformes aux normes de la profession, j'ai constaté que les membres des Premières nations qui vivent dans la réserve ont de nombreux troubles de stress psychosocial qui doivent être aussi traités et qu'il faut élaborer un plan de gestion visant à améliorer leur santé mentale.

Je crois que le Dr Kirmayer et Mme Restoule ont en déjà mentionné un grand nombre, mais il y aussi d'autres facteurs tels que l'éducation, l'emploi, les finances, le logement, les transports, et cetera. Ainsi que l'a mentionné Mme Restoule, pour les Autochtones de ce pays, il existe un lien inextricable avec leurs antécédents historiques qui incluent la colonisation, les pensionnats et le racisme.

Nombreux sont mes patients qui ne disposent de moyens de transport et notre collectivité rurale est très étendue. Un grand nombre d'entre eux vivent, en famille nombreuse, dans des logements inadéquats. Le sol de certains logements est encore en terre battue, il n'y a pas de plomberie, ni de chauffage pour l'hiver à part un poêle à bois. Il m'arrive souvent d'aller chez eux s'ils ne peuvent pas venir à la clinique à cause du manque de transport ou de moyens de déplacement — par exemple, nous avons un nombre considérable de paraplégiques ou de quadriplégiques — ou à cause de maladies mentales ou psychiatriques, c'est-à-dire qu'ils hésitent beaucoup à venir à notre clinique pour demander des soins. Par exemple, je traite depuis plusieurs années un vieil homme atteint de schizophrénie paranoïaque qui n'avait reçu aucun soin pendant des décennies. Il a nous fallu presque six mois pour établir une relation avec lui, il se tenait derrière la porte de chez lui. Il ne l'ouvrait que de quelques pouces jusqu'au moment où il s'est senti suffisamment à l'aide pour nous laisser entrer.

Un bon nombre de mes patients ont des comportements suicidaires aigus ou chroniques et beaucoup d'entre eux ont les moyens, y compris des armes à feu, d'attenter à leurs jours. Beaucoup sont aussi dans d'autres programmes de services sociaux et de soins de santé: programmes de traitement pour les toxicomanies, agences d'aide à l'enfant comme la Société d'aide à l'enfance et ont des démêlés avec la justice.

Étant donné que notre clinique offre des services de santé mentale à tous les membres des Six Nations vivant dans la réserve, nous n'avons pas les critères d'exclusion que peuvent avoir certains services de soins psychiatriques tertiaires. Je veux dire par là que nous recevons tout le monde. J'ai vu des personnes qui avaient été qualifiés de délinquants dangereux. Je traite actuellement une personne qui vient de purger une peine pour meurtre.

Bien que les membres des Six Nations aient accès à des médecins de famille, le personnel de notre clinique médicale dans la collectivité compte des médecins de famille qui travaillent chacun un à deux jours et demi par semaine, soit l'équivalent d'un médecin de famille qui travaille quatre jours et demi par semaine dans la collectivité. La population des Six Nations est d'environ 22 000 membres. Environ la moitié vit dans la réserve, il y a donc un médecin de famille pour 11 000 personnes, ce qui veut dire que pour les soins primaires, les gens doivent aller ailleurs.

Les patients de ma clinique n'ont pas tous un médecin de famille, même si nous essayons de leur en trouver un. Il nous est arrivé d'essayer de gérer ou de trier les crises médicales aiguës lorsque, par exemple, des malades hypertendus ou atteints d'exacerbations de diabète arrivent à la clinique. Enfin, notre clinique offre des services d'intervention d'urgence pouvant inclure des visites chez le malade suite à un appel pour donner des soins intensifs psychiatriques. En générale, on nous appelle lorsque quelqu'un a un comportement suicidaire aigu. Je voudrais ajouter que nous n'avons pas de guérisseur traditionnel dans notre personnel bien qu'il y en ait dans notre collectivité.

Il a fallu plusieurs années de travail dans cette collectivité pour établir des relations avec les guérisseurs traditionnels afin de nous assurer que les gens consulteraient des guérisseurs de bonne réputation dans la collectivité. Dans notre clinique, les gens peuvent choisir de me voir, de voir l'une des mes infirmières psychiatriques ou de voir un guérisseur traditionnel ou une combinaison. Nous essayons d'être très flexibles en offrant les traitements des deux médecines occidentale et traditionnelle. Notre objectif final est de donner la possibilité aux membres de la collectivité membres de décider par eux-mêmes des soins de santé mentale qu'ils veulent.

J'aimerais revenir sur quelques questions relatives à la prestation des services de santé mentale.

L'épidémiologie des maladies mentales chez les Autochtones n'est pas suffisamment documentée. Donc, nous ne savons pas vraiment quels sont les plus efficaces types de services de santé mentale. Bien qu'il y ait très peu de modèles, autres que le nôtre, pour fournir des services de santé mentale d'une façon aussi étendue dans une collectivité, nous devons avoir des possibilités de partager ces expériences avec d'autres collectivités des Premières nations à travers le pays.

Une autre question concerne les tendances que j'ai remarquées en psychiatrie. En tant que psychiatre en exercice, je reste informée des normes de la spécialité médicale que j'ai choisie. Je suis un peu préoccupée par ce qui, à mon sens, est un modèle de «consultation seulement» très limitée de services psychiatriques que préconisent certaines associations de médecins. Je ne crois pas pouvoir être aussi efficace dans ma collectivité des Premières nations si je n'offrais pas des services de la même façon qu'un médecin de soins primaires.

Je suis aussi préoccupée par l'importance grandissante des modèles biologiques de maladie mentale. Bien que je reconnaisse que notre connaissance des fondements biologiques des maladies mentales soit importante, je la place beaucoup plus bas dans ma liste de priorités pour traiter mes patients. Par exemple, le fils de l'une de mes patientes s'est suicidé l'année dernière alors qu'il était en garde à vue. La même année, on a découvert qu'elle avait un cancer du rein, on l'a opérée pour lui retirer le rein. Sa plus jeune fille, âgée de 14 ans a réagi au suicide de son frère en adoptant un comportement à risque très élevé, notamment l'abus d'alcool ou d'autres drogues, des relations sexuelles non protégées et des fugues de plusieurs jours. Cette femme est en congé de maladie, elle est donc en très mauvaise situation financière. En outre, elle héberge beaucoup de membres de sa famille. C'est une veuve qui bénéficie de très peu d'aides sociales.

Il serait irréaliste, à mon sens, de ne prescrire à cette patiente qu'un antidépresseur et de l'assurer qu'elle se rétablira avec le temps. Cependant, en lui prescrivant un antidépresseur, mais aussi en lui offrant d'autres aides psychosociales, notamment du counselling, et après lui avoir donné un traitement assez intensif pendant un an dans notre clinique, elle s'est finalement rétablie et reprend un emploi à plein temps ce mois-ci.

À propos de la collaboration avec d'autres services communautaires, le Dr Kirmayer et Mme Restoule ont décrit la façon dont les différents services de santé mentale étaient très séparés ou «dans des silos». Dans ma collectivité, je suis payée à l'acte. Je ne suis payée que pour les contacts directs avec les patients. Je ne suis pas payée pour le temps passé aux réunions des intéressés, avec d'autres fournisseurs de services, concernant des patients communs. Il est très difficile d'apprendre et d'enseigner les méthodes de travail en collaboration avec d'autres fournisseurs de services sociaux et de soins de santé.

L'une des recommandations du Comité consultatif sur la prévention du suicide — le Dr Kirmayer et moi-même en sommes membres — proposait que soient formés en gestion des cas, en techniques de réunion des intéressés et en d'autres modèles à l'appui des services intégrés aux clients et de la coopération pluridisciplinaire les responsables de la prestation des services de santé mentale, des services de santé holistique et des services sociaux.

En outre, je pense qu'un plus grand soutien devrait être accordé à ces fournisseurs de services communautaires pour améliorer leurs attitudes, connaissances et compétences dans leur travail avec les patients atteints de troubles mentaux. Je suggère un changement d'attitude, car je constate que de nombreuses personnes ont peur des malades mentaux, ce qui est très lié à la honte. Des mesures prises à cet égard pourraient améliorer la qualité des soins de santé mentale offerts par les fournisseurs de services communautaires.

Mes patients ont maintenant accès au counselling individuel grâce au programme des services de santé non assurés (SSNA). Mme Restoule a parlé du financement fédéral accordé ce programme par le biais de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits. Toutefois, en Ontario, la limite est fixée à 15 séances avec une possibilité d'un renouvellement de 12 autres séances. Un total de 27 séances ne suffit pas à bien aider un grand nombre de patients à surmonter leurs problèmes de santé mentale. La vocation du programme SSNA est de fournir un soutien aux clients en crise ou à ceux qui n'ont aucune autre possibilité de recevoir du counselling. Ce counselling pourrait être assuré par une clinique psychiatrique ou un service de santé externes financés par le système de soins de santé provincial qui pourrait aussi assumer les frais de counselling individuel.

Le revenu de la majorité de mes patients est limité et ils ne peuvent pas payer les frais de counselling individuel. À cause de problèmes de transport et d'accès, beaucoup d'entre peuvent aussi ne pas avoir accès aux services de counselling dans les petites collectivités avoisinantes ou dans les grandes agglomérations telles que Brantford ou Hamilton. Ces personnes gens sont, en fait, des laissés pour compte.

Le Dr Kirmayer a parlé de la formation d'un plus grand nombre de professionnels de la santé chez les Autochtones. C'est une des meilleures façons d'améliorer l'accès aux services de santé et les résultats dans le domaine de la santé, y compris la santé mentale. Les obstacles à l'accès aux divers services de santé mentale pourraient être éliminés et des soins plus adaptés culturellement seraient offerts. En 1996, la Commission royale sur les peuples autochtones a recommandé la formation en médecine de 10 000 Autochtones au cours des 10 prochaines années. Il ne reste que deux ans pour arriver à 2006 et je crois que nous sommes encore très loin de cet objectif. Le nombre de médecins autochtones au Canada est d'environ 150, la plupart sont des médecins de famille. Je n'ai pas le chiffre exact sous la main, mais je crois que le nombre de spécialistes autochtones est probablement inférieur à 25. À ma connaissance, il y a deux autres psychiatres autochtones au Canada, un quatrième finit le programme de résidence au Manitoba en juin.

La formation d'un plus grand nombre de professionnels de la santé des Autochtones, y compris ceux qui travailleraient dans le domaine de la santé mentale, doit être une priorité du système de soins de santé des Autochtones. Aux Six Nations, j'ai fait partie d'un groupe d'élaboration d'un plan qui est résumé dans le document intitulé «2020 Vision: Training Aboriginal physicians in Ontario». Ce plan préconisait la formation de 60 médecins autochtones en Ontario avant 2020. La stratégie est fondée sur le partenariat et l'engagement des intéressés, notamment les Autochtones de l'Ontario, les établissements d'enseignement supérieur et de santé, les ministères fédéraux et provinciaux et le secteur privé. Nous sommes persuadés que cet objectif peut-être atteint avec un investissement total de 35 millions de dollars provenant de tous les partenaires durant les 15 prochaines années. J'ai une copie de ce document. La dixième version préliminaire n'a été terminée qu'hier, c'est la raison pour laquelle je n'ai pu la présenter plus tôt.

On dit que personne n'est irremplaçable. Après sept ans de travail dans la collectivité des Six Nations et plus de 400 patients totalisant plus de 600 séances, je vous demande s'il y a quelqu'un pour me remplacer?

Voici ce que je recommande pour améliorer les services de santé mentale et les résultats pour les Autochtones. Il faut optimiser et mieux intégrer les services de santé mentale pour les Autochtones. Mme Restoule et le Dr Kirmayer l'ont déjà dit.

Comme le dit le discours du Trône du mois de février, il faut améliorer les relations fédérales-provinciales- territoriales au niveau de la prestation des services de soins de santé, et plus particulièrement dans ce cas, la prestation des services de santé mentale aux Autochtones.

Nous avons désespérément besoin de former plus de professionnels de la santé autochtones, notamment des médecins, des infirmières, des psychologues, des physiothérapeutes et des thérapeutes occupationnels. Et d'autres encore.

Nous devons concevoir des moyens de fournir des services psychiatriques et de santé mentale complets qui prennent en considération les facteurs généraux influant sur la santé tels que le logement, l'éducation et la pauvreté. J'ajouterais qu'ils devront tenir compte et inclure les connaissances et les méthodes de la guérison traditionnelle des Autochtones.

Nous avons besoin de plus d'argent pour les services de santé mentale, surtout une plus grande subvention fédérale par le biais du programme SSNA pour le counselling relatif à la santé mentale. Je ne vais pas vous donner de chiffres, mais je les ai si vous voulez en parler plus tard.

Merci de votre attention et de l'intérêt que vous portez à cette question.

Le président suppléant: Merci pour la liste de références. Allez-vous nous remettre le document que vous avez mentionné?

La Dre Wieman: Oui, je l'ai ici.

Le président suppléant: Pourriez-vous nous le remettre pour le circuler? Ce document est très important pour nous.

Le sénateur Cook: Je ne sais pas par où commencer, mais je vous remercie de nous avoir fait part de votre point de vue au sujet de cette situation difficile.

Je suis membre de l'Église unie du Canada, qui a beaucoup travaillé avec les membres des Premières nations. Je me souviens de ce qui a été relaté au sujet des pensionnats et des solutions apportées. Avez-vous vu la vidéo The Taming of Elizabeth Shaw? Elizabeth Shaw était une enseignante dans un pensionnat en Colombie-Britannique. J'ai été très marquée par ce film.

J'ai compris la situation dans laquelle vous vous trouvez et les défis soulevés par l'augmentation de la population. Je regarde vers le passé et je ne sais pas si nous étions animés de bonnes intentions. J'aimerais avoir votre avis. Avions- nous compris? Est-ce que nous comprenons aujourd'hui?

Dans mon église, nous avons une conférence autochtone qui se tient en cercle. Nous nous réunissons, peu de gens à vrai dire, pour essayer de comprendre. Comme vous, nous vivons tous dans des collectivités. Je crois comprendre que les collectivités peuvent être isolées. Je n'arrive pas à admettre que quelqu'un qui habite si près du centre de l'Ontario vit dans une maison de sol en terre battue. Si vous aviez dit que c'était à Nuvik, à Iqaluit, au Grand Nord ou un endroit très éloigné, je serais tout autant choquée, mais je le comprendrais mieux. Il y a un million de personnes qui font partie de ce pays, le Canada. Comment vivons-nous ensemble?

Vous habitez dans une réserve très structurée et vous vivez aussi dans des centres urbains ou près de centres urbains où il est possible de travailler. La situation économique est très différente dans le Nord.

Je siège aussi au Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Nous venons de faire une étude sur les pêches du Nord au Nunavut et au Nunavik. Les gens nous ont dits qu'ils veulent développer leurs collectivités. Ils veulent vivre dans leurs collectivités et les rendre durables. L'accès aux permis de pêche, l'accès à l'infrastructure et cetera, sont des éléments de ce casse-tête économique. Quelle est leur importance dans tout cela?

Je sais que votre spécialité est le bien-être et la santé mentale de votre population, mais d'une façon ou d'une autre, je crois que tout est relié. Je suis originaire de Terre-Neuve. Nous avons connu deux programmes de réinstallation. C'était une situation difficile. Nous examinions attentivement des choses et nous disions: «On ne peut pas vivre ici.» Est-ce cela que nous voulons faire aux gens?

Le Nord est une rude région — essayer de construire une infrastructure, essayer de vivre dans une collectivité durable, essayer de se sentir bien au niveau spirituel. Je me demande quand nous déciderons de nous pencher sur ces problèmes. J'aimerais votre opinion à ce sujet.

La Dre Wieman: Sénateur Cook, je pense que votre question traite de presque toute l'histoire du Canada. Je crois que vous soulevez deux questions auxquelles je vais essayer de répondre. La première, si je la comprends bien, concerne la façon dont nous vivons ensemble au Canada. Je suis certaine qu'en raison de la diversité des Autochtones, vous aurez 100 réponses différentes si 100 Autochtones étaient assis autour de cette table. Je ne peux vous donner que mon point de vue personnel.

La culture fait partie de notre identité et de notre bien-être. C'est ainsi que nous sommes faits. En ce qui me concerne personnellement, je fais partie de ce que l'on a appelé «la rafle des années soixante». On a mentionné les pensionnats; nous n'avons pas trop parlé de la rafle des années soixante qui a suivi la fermeture des pensionnats. Dans les années 60, de nombreuses agences d'aide à l'enfant — surtout au Manitoba — ont commencé à retirer beaucoup d'enfants autochtones de leurs foyers et à les éloigner de leurs collectivités. Je parle de la collectivité dont je suis originaire, au Manitoba.

J'ai été pupille de la Couronne. J'ai vécu dans six différents foyers d'accueil. J'ai été adoptée et élevée par une famille non autochtone. Bien sûr, je suis allée à l'école durant de nombreuses années et j'ai étudié pour devenir médecin. Je peux vous dire que je ne me suis sentie épanouie que lorsque je suis retournée dans une collectivité. J'ai préféré ne revenir dans ma collectivité d'origine pour y pratiquer la médecine, car je pensais être plus utile aux Six Nations, qui est la plus grande réserve de collectivités au pays et parce qu'il y avait si peu de psychiatres. C'est ce que j'ai pensé. Ce n'est que lorsque j'ai travaillé de nouveau dans ce que je considère, aujourd'hui, comme étant ma collectivité que je me suis sentie épanouie.

Ainsi que l'a dit le Dr Kirmayer, il y a une interdépendance; un sens d'appartenance difficile à décrire, mais qui existe. À mon avis, les Autochtones ne veulent pas regarder vers le passé et le blâmer. Ils veulent que l'on reconnaisse ce qui s'est passé. Ce matin même, en me préparant à venir ici, j'écoutais la radio de la CBC, on parlait des deux nations fondatrices de ce pays: les Anglais et les Français. Je me suis dit: «Mais, nous sommes les Premières nations, nous sommes les indigènes de ce pays.»

Une grande partie de cette histoire est oubliée. De nombreux jeunes au Canada ignorent l'histoire des Autochtones. Il faut y remédier. Pour vivre ensemble, il faut reconnaître les contributions de chacun et la façon de vivre ensemble tout en conservant notre identité culturelle.

Je ne crois pas que les gens veulent vivre en isolement. Les gens de ma collectivité veulent aller dans des centres urbains et recevoir la formation nécessaire, mais un grand nombre veulent retourner dans les collectivités pour faire ce qu'ils peuvent faire de mieux. Étant donné que j'ai travaillé dans un établissement d'enseignement supérieur comme l'Université McMaster et dans une collectivité autochtone — je me trouve un peu entre ces deux mondes — une situation un peu inconfortable. C'est l'un des plus grands défis de ma carrière mais qui a, malgré tout, des avantages.

Même ma vie personnelle est une chose importante que je peux offrir aux gens. Mes patients tiennent compte du fait que moi aussi, j'ai souffert. Comme le disait le Dr Kirmayer, les Autochtones réagissent — mes clients réagissent à mon égard, car, même s'ils peuvent ne pas connaître l'histoire de ma vie, ils reconnaissent quelque chose de commun.

La deuxième question portait sur l'accès aux services de santé mentale. C'est, à mon sens, l'un des plus importants obstacles dans la prestation de services de santé mentale. Le comité devra probablement aborder ce problème pour faire des recommandations ou se prononcer sur les services de santé mentale pour les Autochtones.

Les raisons des difficultés d'accès sont multiples, des raisons entièrement physiques comme l'impossibilité de se déplacer et des raisons non physiques ou psychologiques. Par exemple, nous savons qu'il est difficile pour les malades mentaux ou les personnes qui éprouvent des difficultés de caractère affectif d'être suffisamment organisés pour venir aux rendez-vous. Autrement dit, un très grand nombre de patients manquent leur rendez-vous. Dans ma clinique, il est très courant que 10 à 33 p. 100 des personnes manquent leur rendez-vous. Je vous donne un exemple courant.

Quelqu'un qui consulte un psychiatre très spécialisé à Hamilton et qui manque un ou deux rendez-vous sera éliminé de la liste des patients. Nous ne refusons pas, dans notre clinique, les patients qui manquent des rendez-vous, nous devons continuer à traiter ces patients. Je connais assez bien un grand nombre de mes patients, il m'arrive d'aller chez eux, en voiture, parce que je leur avais réservé une heure pour les voir.

Nous avons essayé d'avoir accès à des services de Hamilton qui sont plus spécialisés, pour des traitements que nous n'offrons pas tels que le traitement des troubles anxieux ou la thérapie cognitivo-comportementale de la dépression. Notre clinique ne dispose pas des ressources permettant de donner ces traitements.

J'ignore pourquoi, mais il nous est très difficile d'obtenir ces services. J'hésiterais à qualifier cette attitude, mais je suggérerais que, quelquefois, les gens ne veulent simplement pas avoir affaire à nos collectivités. Je n'en connais pas les raisons, même si j'ai mes doutes là-dessus.

Ma collectivité est divisée en deux par les bassins versants. Il y a les régions de Haldimand-Norfolk, de Brantford et de Hamilton. D'une certaine façon, on devient un peu paranoïaque en imaginant que cela a été fait volontairement parce qu'on ne sait plus où aller. Si on va à Brantford, on se fait répondre qu'ils ne sont pas responsables et ils vous envoient à Hamilton. À Hamilton, on peut vous dire que vous êtes de la responsabilité de Brantford. Je dirais que c'est pareil avec les gouvernements provincial et fédéral, autrement dit, personne ne veut assumer la responsabilité, en tout ou en partie, et dire «Oui, vous êtes de notre responsabilité.»

Le sénateur Cook: Dans ma province, Goose Bay est la plus proche région pour les sept ou huit collectivités le long de la côte du Labrador et les services sont limités. Je ne vais pas parler de la crise de Davis Inlet car tout le monde est au courant.

Dans les décennies 70 et 80, l'Église unie, en partenariat avec les services sociaux, a lancé plusieurs programmes à l'intention des jeunes de Goose Bay. Ces programmes n'ont pas été efficaces, car nous les mêmes jeunes délinquants réapparaissaient. Les jeunes entre 8 et 16 ans avaient une perception différente de la vie. Le problème était que les compétences parentales étaient absentes dans les collectivités. Ça n'a pas marché.

Comment fournir les services? Comment préserver la culture et la situation économique des gens qui vivent si loin? Vous n'avez pas parlé du système juridique, de la sensibilité ou de l'insensibilité. La seule personne que l'on voit dans les collectivités est le gendarme. Tous ces éléments influant sur la santé mentale et sur le bien-être des gens qui choisissent de vivre dans des collectivités plus isolées, ce qui est leur droit. Ils ont le droit de vivre où bon leur semble.

Mme Restoule: Je pense à ce qu'à dit le Dr Kirmayer tout à l'heure sur la prise en charge et la capacité à planifier son propre avenir. La situation serait très différente si les collectivités avaient la possibilité de développer des systèmes d'enseignement et de soins de santé qui répondraient aux besoins particuliers des familles, qui créeraient des débouchés économiques, qui auraient des services d'aide à l'enfant adaptés à la culture et qui seraient sensibles aux services de santé. C'est la raison pour laquelle la situation de certaines de nos collectivités est meilleure que dans d'autres. Avec un bon leadership et de bonnes idées, elles peuvent élaborer des plans et les mettre en œuvre dans les collectivités. Cela fait une différence, car soudainement, les gens jugent qu'il y a de la durabilité, qu'ils sont responsables et qu'ils se sont pris en charge. Leur bien-être a tendance à s'améliorer parce qu'ils peuvent faire des projets et constater une croissance et un partage. Les programmes communautaires sont interdépendants. C'est une différence importante.

J'ai demandé à quelques membres du conseil de Native Mental Health Association of Canada ce qu'ils en pensaient. Le membre du conseil de l'est du Canada m'a répondu: «S'il y a quelque chose que je veux vous dire c'est que, sur la côte Est, les taux de suicides étaient assez élevés avant la crise d'Oka.» De suite après la crise, le taux de suicide a considérablement baissé. On aurait dit que d'un seul coup, un espoir est né chez les jeunes de l'est du Canada, que les Autochtones avaient une voix, qu'ils pouvaient défendre leur position et qu'ils seraient reconnus et entendus. Cela m'a paru très intéressant. Je n'y aurais pas pensé, mais je crois que la prise en charge joue un rôle très important pour notre bien-être.

Le sénateur Cook: Il y juste un peu plus de 50 ans que les habitants du Labrador sont devenus Canadiens. Selon les conditions de l'union, ils n'étaient pas considérés comme des indigènes. Le Dr Wilfred Grenfell, un missionnaire médical anglais, a travaillé sur la côte. Aujourd'hui, ce sont les enseignants du Labrador, les travailleurs sociaux et les infirmières qui continuent ce travail. Serait-il utile d'inclure dans leur programme d'études une formation axée sur une population particulière?

Le président suppléant: J'aimerais que le Dr Kirmayer réponde à cette question.

Le Dr Kirmayer: Avec plaisir. Des questions extrêmement importantes et fondamentales ont été soulevées. Je suis heureux que les problèmes aient été situés dans le contexte historique. Les processus des 200 dernières années se poursuivent. Je vais vous montrer une diapositive que je n'avais pas projetée. On voit que le Canada, comme la Nouvelle-Zélande et l'Australie, menait une politique manifeste d'assimilation forcée — que les Indiens, les membres des Premières nations, étaient moins civilisés, qu'on leur rendait service en les modernisant et leur imposant une culture eurocanadienne. De nombreuses politiques, notamment les pensionnats et d'autres mesures, sont issues de cette attitude qui, hélas, est toujours présente, même s'il y a eu des changements. Il semble y avoir une sensibilisation croissante des valeurs intrinsèques des traditions autochtones et du droit des gens à préserver leurs traditions et leurs différences.

Il y a une forte tendance à imposer aux gens un seul mode de vie et cela se reflète dans toutes nos conceptions des services. Je parle de l'objectif éducationnel. Si la question de la différence, de la diversité et de la tradition culturelles n'est pas abordée explicitement et si elle n'est pas incorporée dans des modèles de santé mentale au lieu de l'être dans des modèles de développement de collectivité, les gens bien intentionnés tenteront, sans le vouloir, d'imposer un modèle ethnocentrique. De nombreux pays suivent de près les tentatives du Canada visant à instaurer une sorte de diversité et de pluralisme. Assurément, les relations avec les Autochtones en sont un élément important. L'aspect culturel est peu présent dans l'enseignement médical et les professions de la santé.

Dans cette diapositive, j'attire l'attention des sénateurs sur une chose. La plupart des points sont assez explicites, mais une ligne contient l'expression «fondement essentiel de l'identité.» Cette notion est particulièrement intéressante, car elle laisse supposer que nous imposons aux gens une approche uniforme de l'identité.

Nous disons: «Voici un membre des Premières nations, donc il ou elle devrait vivre de cette façon». En fait, les jeunes ont une multitude de possibilités. Les gens qui vivent dans les collectivités les plus isolées ont accès à Internet, à la télévision satellite et aux mass média. Ils savent se situer et situer leur environnement par rapport au reste du monde.

L'identité des Autochtones évolue. Chacun la développe à sa manière. Si on leur donne les possibilités et les ressources, et si l'on met fin aux pratiques d'exclusion, tout un éventail de collectivités et d'identités apparaîtra.

Dans le passé, et aussi récemment que l'an dernier dans une page en regard de l'éditorial publiée dans le Globe and Mail, on attribuait tous les problèmes à ceux qui s'accrochaient au passé, on leur demandait de s'intégrer à la société et, de ce fait, les collectivités disparaîtraient. Ce raisonnement n'est pas différent de celui de la fin du XIXe siècle qui a directement contribué à multiplier les problèmes de santé mentale qui frappent, aujourd'hui, les collectivités.

Le sénateur Cook: Le gouvernement fédéral paie un prix considérable, du point de vue économique, en ce qui a trait à ce que vous venez de mentionner. On n'a pas demandé aux habitants de Davis Inlet le genre de logement qu'ils voulaient. On ne leur a pas demandé de quelle façon ils aimeraient vivre dans leur nouvelle collectivité de Sango Bay. Une fois de plus, les gens paient le prix; le gouvernement paie le prix économique, de l'argent qui aurait pu être mieux utilisé. C'est ce que j'avais à dire, merci.

Le sénateur Keon: Moi aussi, je ne sais par où commencer. Je vois deux problèmes considérables qui pourraient peut- être être réglés. L'un concerne les suicides, principalement chez les jeunes hommes, et l'autre la criminalisation, surtout chez les jeunes hommes.

Ces deux phénomènes sont tous deux catastrophiques. J'aimerais faire mon possible au sein du comité et du Sénat pour vous aider à vous pencher sur ces deux problèmes et trouver des solutions.

Le suicide est souvent lié à la criminalisation. J'ai lu récemment un article sur un jeune homme qui avait semblé avoir tout pour réussir dans la vie. Il a été arrêté pour conduite en état d'ivresse et voilà que tout à coup il est considéré comme un criminel. Il n'a plus d'avenir. Il ne peut sortir du pays. Il ne peut pas s'inscrire à l'université. Il ne peut rien faire. Il s'est suicidé avec une arme à feu.

Si on peut décriminaliser ces personnes ou, au moins, éliminer les charges de criminalisation qui pèsent sur elles, on leur permettrait d'étudier à l'université, de travailler pour les gouvernements fédéral, provincial ou local, de voyager et d'être des citoyens normaux.

Je ne sais pas comment nous pouvons vous aider, mais j'aimerais que vous vous intéressiez à ces deux problèmes et que vous déterminiez ce que nous pouvons faire pour vous aider. J'aimerais avoir votre avis.

Le Dr Kirmayer: Je voudrais dire un mot là-dessus. Avec la Dre Wieman et de nombreuses autres personnes, nous avons pris quelques initiatives concernant le problème du suicide. Ce problème existe depuis longtemps et a suscité beaucoup de travail.

Le fait de ne se limiter qu'au suicide me préoccupe pour deux raisons. À mon avis, le suicide résulte de problèmes plus graves qui touchent beaucoup plus de gens. Ne considérer que le suicide ne mène pas immédiatement aux causes du problème.

Bien sûr, le fait que les jeunes hommes soient plus concernés directement que d'autres personnes de la collectivité souligne l'importance des débouchés, de la vision de l'avenir et de l'idée que se font d'eux-mêmes les jeunes hommes de certaines collectivités autochtones. Il est vrai que des hommes ont affronté différemment le changement culturel rapide et l'assimilation forcée. D'une certaine façon, ils en ont souffert plus. La rupture au niveau de leurs rôles et de leurs options en tant que membres importants de la collectivité a été plus nette. Dans de nombreuses collectivités autochtones, les moyens de subsistance et le bien-être économique de la collectivité sont plus du ressort des hommes.

Avec le passage des collectivités à une économie fondée sur les services offrant des emplois dans les ressources humaines et les relations humaines, la représentation des femmes est proportionnellement plus élevée. Les hommes ont peut-être moins d'options dans certaines collectivités. Cette situation peut avoir un effet indirect sur la jeunesse.

Tout cela pour dire que je pense qu'il est important de ne pas se concentrer sur un seul élément. Les statistiques concernant le suicide sont très alarmantes. Il s'agit de morts, de la mort de jeunes gens dont l'avenir promettait d'être brillant. C'est tragique pour tout le monde.

En nous concentrant exclusivement sur le suicide, nous risquons de passer à côté de problèmes sociaux plus importants, du tissu social de la collectivité et de l'autodétermination dans la collectivité. On a fait observer tout à l'heure que les collectivités qui ont un sens de l'autodétermination et qui veulent changer le cours des choses ont probablement un taux de suicide inférieur, car les jeunes pensent qu'ils peuvent changer les choses.

C'est l'un des meilleurs antidotes au désespoir et à la souffrance qui mènent au suicide. Même si l'on considère le problème du suicide très sérieusement et qu'on le place au cœur du problème, les questions du développement de la collectivité et le pouvoir de décision par les jeunes seront automatiquement pris en compte au lieu de ne se concentrer que sur le phénomène du suicide.

À propos de la criminalisation, vous avez raison de dire qu'il faut régler les questions liées au racisme à l'intérieur du système. Les décisions ne sont pas toujours prises d'une manière impartiale et équitable. Nous devons aussi chercher d'autres solutions aux conflits afin de préserver l'interdépendance et ne pas créer un sentiment d'exclusion qui serait désastreux pour tout le monde et pas seulement pour les jeunes Autochtones.

La Dre Wieman: Vous avez dit que vous ne saviez pas ce qu'il fallait faire. Je peux vous aider. Je suis d'accord avec le Dr Kirmayer sur le fait de ne pas considérer exclusivement le suicide.

J'ai fourni aux honorables sénateurs de la documentation concernant un projet commandé par la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada et par l'Assemblée des Premières nations. Ce rapport, publié en octobre 2002, s'appelle «Agir selon ce que nous savons: La prévention du suicide chez les jeunes des Premières nations.» Nous lui avons donné ce titre, car nous savons ce qu'est le suicide, nous en connaissons la cadence, nous savons qui se suicide, mais nous devons agir maintenant. Ce rapport demandait vraiment que l'on prenne des mesures.

Dans la documentation que j'ai remise au sénateur Morin l'automne dernier, j'avais inclus le résumé de ce rapport. Ce groupe avait fait une trentaine de recommandations. Pendant deux ans, nous avons étudié le problème sous toutes ses formes. Je peux dire sincèrement que le groupe a fait un travail minutieux.

Il est important de savoir que toutes les recommandations du rapport ont été adoptées à l'unanimité. Chacun d'entre nous était fermement déterminer à inclure chacune des recommandations. De nombreuses recommandations mettent en évidence le rôle que peut jouer le gouvernement fédéral.

Les recommandations s'articulent autour de quatre thèmes principaux. Premièrement, nous devons faire plus de recherches sur le suicide et sur sa prévention. Deuxièmement, il faut optimiser les services de santé mentale offerts aux membres des Premières nations. Troisièmement, il faut favoriser le développement des collectivités, les propositions des collectivités pouvant être utiles en termes de prévention du suicide. Quatrièmement, il faut encourager la recherche d'une identité, de la conscience de soi et de la culture chez les jeunes.

Ce rapport n'est pas censé être une déclaration définitive au sujet du suicide. C'est un document évolutif à consulter au fil du temps pour déterminer le nombre de recommandations mises en œuvre. Certaines sont en cours d'application. Par exemple, le Dr Kirmayer a mentionné le réseau national de la recherche dans le domaine de la santé mentale autochtone qui est une initiative subventionnée par le biais de l'Institut de la santé des Autochtones, les Instituts canadiens de recherche en santé regroupant des chercheurs travaillant dans le domaine de la santé mentale autochtone. Le suicide ne constitue que l'un des sujets d'intérêt.

Je souhaite que vous puissiez, au moins, examiner les recommandations de ce rapport afin de déterminer si nous pouvons continuer dans cette voie pour régler certains de ces problèmes. Les différents rapports ont exigé beaucoup de travail, aussi nous espérons que des mesures concrètes soient prises et que nous n'ayons pas à soumettre rapport après rapport tous les dix ans.

Le président suppléant: Le greffier a ce rapport, il va être circulé aux membres.

Le sénateur Keon: Docteure Wieman, pourriez-vous nous dire quelles sont les mesures que vous avez appliquées et quelles sont les mesures que vous pensez pouvoir appliquer pour décriminaliser les jeunes qui sont en prison? Ce n'est pas tellement le fait qu'ils soient en prison ou qu'ils y passent plusieurs séjours, mais qu'il n'y ait plus d'espoir pour eux. Leur situation est vraiment tragique. Y a-t-il une initiative à cet égard?

La Dre Wieman: À ma connaissance, il n'y a pas d'initiative proprement pancanadienne. Mes collègues en savent peut-être plus.

Ce que vous décrivez est le même genre de problème que je rencontre souvent dans la pratique de la médecine, c'est- à-dire cette tendance à ne régler que les crises à ne s'occuper des gens qu'en situation d'urgence. Il n'y a pas de prévention primaire ni de programme de prévention précoce avant que ces jeunes aient des démêlés avec la justice pénale. Je pense que les autres témoins en ont aussi parlé.

Nous devons prendre en compte les familles et les collectivités, les familles et les collectivités en désarroi et les raisons de la conduite et du comportement des jeunes. À un moment donné, nous ne pourrons pas apporter des améliorations et des avantages à long terme et, franchement, nous ne pourrons pas rentabiliser les coûts des interventions à moins que nous commencions à mettre l'accent sur la prévention primaire. Je crains que nous ne continuions à dépenser de l'argent pour des choses qui ne sont pas du tout efficaces et qui n'ont pas d'effet à long terme. Nous devons, quelque part, prendre du recul et, au lieu d'examiner le symptôme, nous devons étudier le problème de fond et ce à quoi il est lié.

Le sénateur Keon: J'ai aussi été cardochirurgien et j'ai connu des critiques tout au cours de ma carrière; on reprochait de dépenser beaucoup d'argent pour opérer des gens atteints d'une maladie évitable. J'ai fait de mon mieux pour fournir les meilleures ressources et des programmes de prévention dans mon établissement; cependant, pour la personne allongée devant moi à qui il ne restait que 12 heures à vivre, mais qui pouvait avoir 30 ans de plus à vivre si on lui faisait une opération du cœur, le programme de prévention ne signifiait pas grand-chose. Un jeune de 19 ans qui a un casier judiciaire n'est pas concerné par les programmes de prévention. L'avenir de ce jeune est compromis. Je pense que nous ne pouvons pas nous permettre de laisser ce genre de choses s'empirer.

La Dre Wieman: Permettez-moi d'apporter une précision, je ne suggérais pas de ne suivre que des modèles de prévention primaire. Dans le cas du jeune de 19 ans, je ne tiendrais pas nécessairement compte que de son comportement criminel; il doit y avoir des raisons de santé mentale sous-jacentes, entre autres, pour expliquer sa conduite et les choix qu'il a fait. C'est ce que j'essayais d'expliquer dans mon exposé. Dans ma collectivité, j'ai affaire à beaucoup de gens qui ont des démêlés avec la justice. Il faut beaucoup de temps avant que les gens ne prennent conscience de leurs actes.

Cela répond en partie à votre question. Je ne suggère pas simplement d'avoir des modèles de prévention. Cependant, je pense que la façon dont j'offre des services dans ma collectivité aide beaucoup les gens, mais il faut beaucoup de temps avant que les gens fassent des changements positifs dans leur vie.

J'ai eu du mal à me situer par rapport à certains de mes collègues du département de psychiatrie, car j'utilise environ la moitié des connaissances que j'ai acquises dans ma résidence en psychiatrie. Je ne dis pas que mon traitement va à l'encontre des normes, mais j'ai dû modifier mon approche et offrir des services d'une manière qui diffère, à certains égards, de la formation que j'ai reçue.

Pour ce qui est de l'exemple du jeune de 19 ans, il faudrait un traitement intensif pour l'aider à faire des changements dans sa vie. Je veux dire que 27 séances de counselling n'apporteront pas de solution, ni six semaines dans un centre de traitement pour les toxicomanies. Cela pourrait être utile, mais probablement pas.

Le sénateur Cordy: J'aimerais revenir à la question des ressources humaines. Quand nous avons eu, il y a deux semaines ou bien la semaine dernière, une téléconférence avec des Néo-Zélandais, ils nous ont dit comment ils avaient encouragé un plus grand nombre d'Autochtones, de Maoris, à utiliser les services de soins de santé.

Je cherche des façons de faire la même chose. Bien sûr, on ne peut y arriver sans financement et sans l'octroi de bourses à des étudiants en médecine ou en psychologie. Cependant, je crois que cela ne suffit pas. On ne peut simplement pas avoir de l'argent que personne ne peut recevoir. Il faut des encouragements et du soutien de la part des dirigeants autochtones et des personnes qui sont des modèles comme vous. Comment s'y prendre?

Si nous allons avoir des services culturellement adaptés, surtout pour la maladie mentale et la santé mentale, mais aussi pour tous les domaines du système de soins de santé, il serait certainement utile de les offrir aux Autochtones. Il y a une pénurie de personnel médical dans tout le Canada et je crois, plus particulièrement, dans les collectivités autochtones. Pouvez-vous nous donner quelques suggestions au sujet des recommandations que nous pourrions faire, mis à part les questions relatives au financement?

Mme Restoule: J'ai quelques idées bien arrêtées à ce sujet. En tant qu'Autochtone, qui a choisi une profession dans la santé mentale, j'ai appris, entre autres, au cours de mes études supérieures — cela rejoint un peu ce que disait le sénateur Cook — que l'éducation devrait être adaptée à la culture.

J'ai constaté à l'école des études supérieure que les besoins particuliers des membres des Premières nations étaient peu connus ou reconnus. Durant la formation en counselling ou l'étude des questions relatives aux enfants, à la famille, à la jeunesse et au contexte judiciaire, il était peu question des besoins uniques des membres des Premières nations. Je devais demander, chaque jour, si telle ou telle chose s'appliquait aux membres des Premières nations. Je regrette de vous annoncer que souvent ils ne savaient pas. J'ai dû faire ma propre formation en ce qui concerne les membres des Premières nations.

Je pense qu'il est important d'enseigner les besoins uniques des membres des Premières nations — afin que l'on reconnaisse, ainsi que l'a dit la Dre Wieman tout à l'heure, que nous faisons partie des pères fondateurs de ce pays, que nous avons une histoire et une contribution uniques. Je pense que cela fait partie du problème.

Sans cela, les Autochtones n'estiment pas que leurs besoins et leurs capacités sont reconnus et ils ne veulent pas avoir affaire à une profession qui ne reconnaît pas ces besoins et ces capacités. La dernière fois que je les ai comptés, il y avait 30 psychologues autochtones au Canada. C'est un chiffre extrêmement bas. Je pense que cela est, en partie, dû au fait que les Autochtones ne sont pas encouragés à rejoindre ces professions.

Il y a des associations telles que Native Psychiatric Association ou Native Physicians Association. Il y avait antérieurement la Native Psychology Association. Je sais que je reviens au financement, mais ces associations n'ont bénéficié d'aucune aide financière pour être présentes dans les collectivités et pour encourager nos jeunes à entrer dans ces professions.

Il faut aider les associations, à composante autochtone pouvant servir de modèle, à s'introduire dans les collectivités afin que les jeunes les reconnaissent et aient le sentiment que c'est quelque chose qui vaut la peine d'être poursuivie.

Je pense aussi qu'il est important pour nos collectivités d'aider nos jeunes à suivre des études supérieures et même d'aller à l'université. Certains de nos jeunes sont tellement attachés à nos collectivités, ils ont un si grand sentiment d'appartenance, qu'ils se sentent perdus quand ils les quittent. C'est une situation assez difficile. Il faut une base solide dans la collectivité et dans la famille pour aider ces jeunes à quitter leurs collectivités.

En ce qui me concerne, moins de 200 personnes vivaient dans ma collectivité et j'ai choisi d'aller à l'Université Western Ontario pour ma formation élémentaire. Lorsque je suis arrivée en voiture avec mes parents aux portes de l'université, je leur ai dit que je croyais avoir fait une erreur, car l'université était plus étendue que ma collectivité. J'avais peur d'être là. Si ce n'était le fort soutien de ma famille, qui me téléphonait régulièrement, qui me rendait visite, qui m'amenait à la maison, cela aurait été encore plus difficile.

Quand je suis arrivée à l'école des études supérieures, un bon nombre d'associations d'étudiants autochtones avaient été fondées dans les universités, ce qui a fait une grande différence. Un étudiant autochtone pouvait s'identifier à d'autres personnes dans la même situation, c'est-à-dire loin de chez eux et de leur famille et souvent coupés de traditions et de cultures auxquelles ils attachent beaucoup d'importance.

Voilà quelques éléments importants à retenir si l'on veut donner à ces jeunes une chance de rejoindre ces professions.

Le président suppléant: Les Néo-Zélandais nous ont dit qu'ils s'employaient surtout à avoir plus de jeunes à l'école secondaire. C'est l'un des défis à relever. On sait que le nombre d'Autochtones qui obtiennent un diplôme d'études secondaires n'est pas élevé du tout. Les professionnels de la santé sont importants, mais vous avez aussi besoin d'un plus grand nombre d'ingénieurs et d'autres professionnels.

Mme Restoule: Votre observation est excellente. Je considère que nous avons beaucoup de chance dans ma collectivité. Nous sommes situés à une heure de notre école secondaire et je suis heureuse de vous dire qu'au moins 85 p. 100 de nos jeunes terminent leurs études secondaires. Les étudiants doivent voyager une heure aller et une heure retour, mais ils le font. Donc, la collectivité fait quelque chose qui encourage les jeunes à suivre des études, du moins les études secondaires.

Ce qui me préoccupe, et j'en ai parlé dans ma collectivité, c'est ce que nous faisons ou ne faisons pas pour les aider une fois qu'ils ont quitté la collectivité pour une période plus longue — mais votre observation est excellente.

Le sénateur Cordy: Y a-t-il une association d'étudiants autochtones dans chaque université et est-ce que la création de ces associations est la responsabilité des étudiants autochtones qui fréquentent les universités? Il serait possible de faire cela dans une grande université, mais dans une petite université, les étudiants autochtones risquent de sentir isolés. Existe-t-il un système de soutien auquel ils peuvent avoir accès via Internet ou est-ce le soutien de la famille qui est envisagé?

La Dre Wieman: Du fait que je participe au programme des sciences de la santé des étudiants autochtones à McMaster, je suis un peu au courant de la situation dont vous parlez. Je pense que chaque établissement devrait avoir son propre programme, ce qui n'est pas le cas. Par exemple, le Canada compte 16 écoles de médecine, mais elles n'ont pas toutes un programme à l'intention des étudiants autochtones comme celui de McMaster.

Le meilleur programme est celui de l'Université de l'Alberta à Edmonton, bien que l'Université du Manitoba risque de ne pas être d'accord avec moi. Ces établissements enregistrent le plus grand nombre de diplômés autochtones — parce qu'ils acceptent chaque année, cinq ou six étudiants, ce qui est, à mon avis, un nombre important. Comme le disait Mme Restoule, ils peuvent s'entraider et ils bénéficient aussi du programme de soutien et d'une aide de leur famille.

J'imagine que cette aide varie selon l'établissement. Certains programmes de soutien sont bien subventionnés alors que d'autres ne le sont pas du tout. Il y a un manque d'uniformité à travers le pays.

La seule autre chose que je voudrais ajouter à ce que Mme Restoule a dit tout à l'heure en réponse aux propos du sénateur Morin concernant les initiatives visant à encourager les jeunes à terminer leurs études secondaires, je pense qu'il faut commencer avant le secondaire. Il faut, dans nos collectivités, encourager les enfants à poursuivre leurs études élémentaires, des enfants abandonnent l'école élémentaire à la sixième année et perdent tout espoir d'entrer dans le marché du travail s'ils ne retournent pas aux études. Les familles doivent être fières des enfants qui réussissent. Nous devons, dans nos collectivités, favoriser le sentiment de la réussite et de l'accomplissement. Il faut que l'intelligence, les études, l'accomplissement, l'envie de devenir médecin et d'étudier les mathématiques et les sciences soient perçus comme des objectifs positifs. Les Premières nations doivent s'y employer.

La stratégie de la Vision 2000 que j'ai apportée, qui est seulement une approche recommandée dans l'Ontario et qui pourrait vous être utile, mentionne qu'il faut s'assurer que les étudiants sont bien préparés avant de les accepter dans une école de médecine, non seulement du point de vue des études, mais aussi qu'ils soient psychologiquement prêts à passer beaucoup de temps loin de chez eux.

Le Dr Kirmayer: Un programme de la University College of Cape Breton sous la direction de Cheryl Bartlett et de membres de la réserve Eskasoni Micmac tente de regrouper les anciens et les enseignants des sciences biologiques afin d'éliminer l'écart qui existe entre l'enseignement scientifique conventionnel et l'identité traditionnelle, les valeurs traditionnelles en se fondant sur le principe étant que les jeunes peuvent apprendre les deux sujets. Cela est nécessaire afin que les gens n'aient pas à choisir entre les options qui leur sont proposées. On le constate, dès les écoles secondaires, dans les activités mises de l'avant pour répondre à certains besoins pédagogiques qui se présentent.

Le sénateur Cordy: Merci d'avoir mentionné la University College of Cape Breton. C'est ma ville natale et j'y ai grandi. Quand j'enseignais dans une école élémentaire de la Nouvelle-Écosse, des universitaires venaient apprendre aux enseignants à s'adapter à la culture. Ils ont joué un rôle très actif dans ce domaine pendant longtemps.

Quand vous avez dit que c'était une bonne chose que d'être intelligent, je me suis souvenu des difficultés que rencontrent des adolescentes, quand elles ont 13 ou 14 ans, et qui décident que ce n'est pas bien d'être intelligents. C'est un phénomène social sur lequel il faut se pencher.

Un diplômé d'une école de médecine qui est payé à l'acte et qui voit, disons entre six et neufs patients par jour, ne s'enrichira pas. C'est merveilleux de faire preuve de compassion et de prendre soin de vos concitoyens, mais il faut aussi s'en sortir financièrement. C'est le sentiment général que l'on retrouve chez les professionnels de la santé mentale, mais en ce qui a trait spécifiquement à la communauté autochtone, mais, il semble que pour la communauté autochtone, nous devons adopter un autre modèle. Devons-nous chercher un autre modèle?

La Dre Wieman: Oui, nous devons vraiment chercher un autre modèle et je vais en parler brièvement. Je ne suis payée que pour les contacts directs avec les patients et les paiements varient en fonction du temps passé avec eux et le type de services offerts. Par exemple, le montant facturé pour une consultation est différent de celui d'un rendez-vous de suivi. Je suis probablement la psychiatre la moins payée en Ontario.

Cependant, d'après ce que j'ai constaté, ce modèle ne fonctionne pas, car je ne suis pas payée pour le temps passé à parler d'un patient avec les infirmières qui m'assistent à la clinique et à transmettre les renseignements pertinents et les résultats au médecin de famille. Nous essayons de préserver ce modèle de soins entre les médecins de soins primaires, le médecin de famille et les spécialistes. L'examen des données sur les malades avec les médecins de famille demande énormément de temps.

Je consacre beaucoup de temps à parler au pharmacien de ma collectivité pour éviter la consommation abusive ou les ordonnances excessives de médicaments. Le pharmacien me communique aussi des renseignements sur les patients. Si une ordonnance que j'ai prescrite, il y a six mois, n'a pas été encore remplie, je sais que le patient n'a pas pris ses médicaments.

Nous ne sommes pas payés pour les appels téléphoniques que nous faisons ou les télécopies que nous envoyons. À mon avis, la fourniture de services de santé mentale efficaces incluent les conférences de cas avec le médecin de famille, le psychiatre, le psychologue, le représentant de la santé communautaire, le conseiller de la collectivité et le conseiller en matière d'abus d'alcool ou d'autres drogues. Nous travaillons tous dans des programmes différents, et nous n'avons pas le temps de discuter d'un patient que nous traitons pour élaborer un plan de gestion efficace. Quand cela se produit dans ma collectivité, j'utilise mon temps libre; je ne suis pas payée pour ce service qui concerne mon patient.

Comme je l'ai déjà dit, nous sommes payés pour le contact direct; le taux de rendez-vous manqués est élevé. Je ne me conduis pas comme un psychiatre du centre-ville de Toronto qui envoie une facture d'au moins 100 $ à un patient qui a manqué un rendez-vous. La plupart de mes patients vivent soit de l'assistance générale en bien-être social soit de paiement de prestations d'invalidité à longue durée. Une facture de 100 $ équivaut à un quart ou à un tiers de leurs revenus mensuels. Les lignes directrices du code de déontologie des médecins de l'OMA définissent les situations dans lesquelles il n'est pas raisonnable de facturer un patient qui manque un rendez-vous. En toute bonne conscience, je ne pourrais pas facturer, à mes patients, les renouvellements d'ordonnance faits au téléphone ou le remplissage de formulaires, surtout pour les compagnies d'assurance.

À l'époque, les compagnies d'assurance versaient un paiement pour les formulaires remplies. Cependant, la plupart des formulaires contiennent une ligne qui énonce que tout paiement fait pour remplir le présent rapport est la responsabilité du patient. Je ne peux pas demander 80 $ à mes patients pour remplir leur formulaire. Je fais tout ce travail gratuitement dans mon temps libre.

Tout cela pour dire que le modèle de paiement à l'acte ne favorise pas un bon service de santé mentale ni le sentiment que l'on est récompensé pour les services que l'on offre à la collectivité. Je pense que les collectivités auraient des difficultés à recruter des médecins si elles n'offraient pas une façon différente de rémunération pour les services, comme un salaire.

Le président suppléant: Cela est du ressort de la province. D'autres provinces ont résolu ce problème, comme vous le savez peut-être. Au Québec, la grande majorité des psychiatres ne sont plus payés à l'acte; ils reçoivent une somme ou un salaire global. Je ne crois pas que nous devons nous attarder sur ce sujet. Je pense que nous devrions plutôt passer aux fonctionnaires provinciaux. De nombreuses provinces ont résolu le problème; l'Ontario est la seule province dans laquelle les psychiatres sont payés à l'acte. Vos efforts devraient être faits au niveau provincial.

Le sénateur Léger: Docteur Kirmayer, connaissons-nous le nombre de spécialistes autochtones? Docteure Wieman, vous avez dit être la seule ou la première. La Dre Restoule dit qu'il y a 30 autres psychologues autochtones. Avons- nous des chiffres? Si 85 p. 100 des étudiants autochtones fréquentent, aujourd'hui, l'école secondaire, cela signifie que nous sommes sur la bonne voie. Ces résultats devraient être suivis.

Le Dr Kirmayer: Je ne connais pas le nombre prévu de psychologues et psychiatres d'origine autochtones. Peut-être que la Dre Wieman ou la Dre Restoule le connaissent.

Le sénateur Léger: Je ne faisais pas allusion aux prévisions, mais le nombre que l'on a aujourd'hui.

Le Dr Kirmayer: Le nombre actuel a été donné et il est très bas. Des associations se chargent de faire ce décompte. Comme l'a dit la Dre Wieman, il y a trois psychiatres autochtones et il y aura bientôt un quatrième. En psychiatrie conventionnelle, la formation dispensée aux psychiatres non autochtones est trop peu importante pour leur permettre de régler les problèmes, s'ils choisissaient de travailler avec des Autochtones ou des personnes de tout autre horizon ethnique.

Le sénateur Léger: S'ils avaient cette formation, les services en bénéficieraient considérablement. Docteure Wieman et docteure Restoule, pensez-vous à éventuellement fonder vos propres écoles? Est-ce inévitable? Le Dr Kirmayer a dit que nos modes de réflexion et d'enseignement sont individuels alors que ceux des Autochtones sont holistiques et interdépendants avec la terre, les gens, l'environnement et la collectivité. Nous devons compter sur les Autochtones pour nous les initier. Peut-être que, peu à peu, les écoles traditionnelles le réaliseront. Est-ce que je me trompe? Je pense que cela pourrait se faire très rapidement.

Le Dr Kirmayer: C'est un point de vue remarquablement optimiste. Évidemment, beaucoup de gens s'intéressent aux Autochtones et, en dépit de leur situation difficile, ont cette notion romantique qu'ils détiennent peut-être les solutions à nos plus importants problèmes environnementaux, sociaux et économiques. Je ne suis pas sûr que cela soit vrai, mais les efforts entrepris par la Dre Wieman pour faire évoluer les mentalités dans une école particulière prouvent combien il est difficile de changer les mentalités. Des progrès ont été accomplis dans la recherche avec la création d'un institut de la santé autochtone dirigé par des universitaires autochtones et qui a pour but explicite le renforcement des capacités à travers le pays. Des programmes spécialement conçus pour renforcer les capacités au niveau de la recherche au sein des collectivités autochtones et pour aider les étudiants autochtones peuvent entraîner une augmentation du nombre de chercheurs. Il faut des développements parallèles dans le domaine des fournisseurs de soins de santé et celui de la formation des professionnels de la santé, en particulier.

Le président suppléant: Je remercie nos témoins d'avoir pris le temps de comparaître devant le comité aujourd'hui.

La séance est levée.


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