Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 2 - Témoignages du 24 novembre 2004
OTTAWA, le mercredi 24 novembre 2004
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 30, pour étudier, afin d'en faire rapport, la participation des peuples et entreprises autochtones aux activités de développement économique au Canada.
Le sénateur Nick G. Sibbeston (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je déclare la séance ouverte.
Notre comité commence son étude sur la participation des peuples et entreprises autochtones aux activités de développement économique au Canada; analyse des éléments propices à leur succès et des obstacles à leurs réalisations dans tous les secteurs de l'économie, notamment mais sans s'y limiter, les projets industriels de grande envergure, l'exploitation des ressources renouvelables, le tourisme et autres domaines connexes.
C'est l'essentiel de notre étude. Nous voulons savoir pourquoi certains peuples autochtones dans des régions précises du pays ont très bien réussi jusqu'à présent.
J'ai l'honneur de vous demander, monsieur Jules, de témoigner et de nous faire profiter de vos connaissances et de votre expérience dans ce domaine.
Aux fins du compte rendu, je dirai brièvement que Manny Jules est actif depuis plusieurs années dans le domaine du développement économique des Premières nations. En 1996, le Conseil pour l'avancement des agents de développement autochtones l'a nommé Promoteur économique de l'année. Il a été l'un des principaux intervenants dans le groupe de travail mixte Premières nations-Canada sur la réforme de la politique des revendications particulières. Il a été chef de la bande indienne de Kamloops de 1984 à 2000 et a présidé la commission consultative de la fiscalité indienne de 1989 à 2003.
Monsieur Jules, je suis sûr que l'on pourrait en dire beaucoup plus à votre sujet, mais nous allons maintenant vous céder la parole. Si vous avez un exposé, nous nous ferons un plaisir de l'écouter.
M. C.T. (Manny) Jules, porte-parole, Initiative pour la création d'institutions financières des Premières nations : C'est un grand honneur pour moi que de faire un exposé devant le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. J'attends notre discussion avec impatience et j'ai trois propositions à vous présenter.
Pour commencer, vendredi après-midi de la semaine dernière, tous les partis politiques se sont prononcés en faveur de la Loi sur la gestion financière et statistique des Premières nations. Cette loi en est maintenant à l'étape du comité. En 1988, j'ai conduit la modification de Kamloops à la Loi sur les Indiens qui avait également reçu un appui de tous les partis. Je demande au Sénat d'adopter ce projet de loi le plus rapidement possible une fois que la Chambre des communes en aura terminé l'examen.
Je demande également que le comité sénatorial permanent appuie un programme d'infrastructure des Premières nations afin de stimuler l'investissement du secteur privé sur nos terres.
Enfin, je demande au comité sénatorial permanent d'appuyer la mise sur pied d'une institution de coopération et de partenariats économiques des Premières nations de manière que nous puissions transférer la technologie nécessaire pour bâtir nos économies.
Le projet de loi fiscal découle de nombreuses formes d'imagination qui sont puissantes : elles peuvent créer de la crainte là où elle n'existe pas, elles peuvent susciter l'espoir nécessaire pour nous encourager. Je veux vous parler de l'imagination à l'origine de ce projet de loi.
J'espère que d'ici 10 ans, nous aurons un choix autre que la Loi sur les Indiens, que cette loi sera remplacée par des lois élaborées par les Premières nations.
J'espère que d'ici 10 ans, le ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord n'aura plus sa raison d'être et qu'il sera remplacé par des institutions des Premières nations.
J'espère que nous sommes participants à part entière de l'économie canadienne et que nos enfants auront les mêmes opportunités que les autres enfants canadiens.
J'espère que nous ne serons plus considérés comme un problème social qui coûte à tous les gouvernements 3,5 milliards de dollars de plus et à l'économie 5 milliards de dollars en perte de productivité.
J'espère que nous ferons partie de la solution au problème de l'augmentation des coûts de soins de santé.
J'espère que nous pourrons remplacer la perte de productivité d'une population vieillissante.
J'espère que nous pourrons générer suffisamment de recettes de nos économies pour payer nos services.
J'espère que mes enfants n'iront pas chapeau bas devant un autre gouvernement pour lui demander de l'eau potable, des routes sûres et de bonnes écoles.
J'espère que les gens du monde entier se tourneront vers le Canada qu'ils considéreront comme le modèle des fédérations. Pour devenir un tel modèle, la fédération canadienne doit résoudre son problème de longue date : quelle est la place de la confédération des Premières nations au sein de cette fédération?
J'espère que nous aurons mis sur pied notre gouvernement, le gouvernement de la nation Secwepemc, avec l'appui d'un cadre institutionnel des Premières nations.
Ce sont des espérances qui m'encouragent sur la voie de la politique depuis 30 ans. Ce sont des espérances qui m'ont mené à faire ces propositions pour la Loi sur la gestion financière et statistique des Premières nations, pour un programme d'infrastructure des Premières nations et pour une institution pour la coopération et les partenariats économiques des Premières nations.
Pour commencer, le projet de loi fiscal proposé traite d'une simple réalité : les gouvernements ne bâtissent pas les économies, ce sont les entreprises qui le font. Il y a cinq fois plus d'investissement privé au Canada que d'investissement public; quatre fois plus de création d'emplois dans le secteur privé que dans le secteur public. Malgré tout, la plupart des Premières nations passent cinq fois plus de temps à faire du lobbying auprès du secteur public pour obtenir plus d'argent qu'elles ne le font auprès du secteur privé. La législation des institutions financières proposée nous aidera à surmonter les obstacles auxquels nous sommes confrontés et qui nous empêchent de créer un secteur privé sur nos terres.
Il est 10 fois plus difficile d'attirer l'investissement sur nos terres et ce, pour trois raisons. Notre infrastructure est inférieure aux normes ou elle est inefficace. Nous n'avons pas accès aux mêmes mécanismes de financement de l'infrastructure que d'autres gouvernements. Nous n'avons pas de fonds de réserve d'infrastructure. Nous n'avons pas d'imputation de frais de développement. Nous avons un accès limité aux fonds d'autres gouvernements pour l'infrastructure économique. Nous ne pouvons pas émettre d'obligations.
L'incertitude pour les investisseurs est trop grande. Nous commençons à peine à fixer les règles, les procédures et à prévoir les autorités susceptibles de susciter la confiance chez les investisseurs. Il nous faut des codes d'investissement, des lois et processus de gestion des terres clairs, un enregistrement foncier et des modèles de bail pour les Premières nations.
Il nous faut des éclaircissements en ce qui concerne les taux de l'impôt foncier, de la taxe de vente, de l'impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés. Le coût des entreprises sur nos terres est trop élevé, puisqu'il est au moins quatre à six fois plus élevé qu'à l'extérieur des réserves. Réduire ces coûts exige des améliorations à nos systèmes d'administration, de gestion des terres et de facilitation de l'investissement.
Ce projet de loi commence à faire tomber les obstacles aux échanges si bien que le marché peut fonctionner sur les terres des Premières nations. Il nous permet de financer l'infrastructure grâce à des obligations, comme n'importe quelle autre compétence au Canada. Il commence à créer une certitude chez les investisseurs au sujet des taxes foncières et des services locaux, de la qualité de la gestion financière et de l'information, comme dans d'autres compétences au Canada. Il donne à nos administrations l'appui dont elles ont besoin pour abaisser le coût des entreprises pour qu'il atteigne les niveaux d'autres compétences au Canada — plus brièvement, pour commencer à égaliser les chances d'investissement sur les terres des Premières nations.
Ce projet de loi ne demande pas au gouvernement de bâtir nos économies à l'aide d'un apport important de fonds publics. Au contraire, il s'agit de construire des économies viables nous-mêmes.
Pendant 130 ans, nos institutions gouvernementales ont été écrasées par le poids de la Loi sur les Indiens qui, en fait, nous place en dehors de l'économie; nos gouvernements ne font pas partie de la fédération, à cause des lois. Cette législation des institutions financières permet d'entamer le long processus qui nous permettra de revenir légalement au sein de la fédération canadienne.
Le projet de loi doit être appuyé par un programme d'infrastructure des Premières nations. Trop de Premières nations qui veulent bâtir leurs économies se retrouvent dans une situation sans issue : elles ont besoin de revenus pour bâtir une infrastructure susceptible d'attirer l'investissement; en même temps, elles ont besoin d'investir pour générer des revenus pour bâtir l'infrastructure. Le résultat, c'est que seules les Premières nations qui ont déjà suffisamment de revenus peuvent tirer parti de ce projet de loi. La disparité économique entre Premières nations va s'accentuer.
La meilleure solution consiste à mettre sur pied un programme d'infrastructure des Premières nations qui aide à bâtir l'infrastructure économique, de manière que les Premières nations puissent attirer l'investissement et mettre un terme à ce cycle de dépendance. Ce programme proposé d'infrastructure pourrait améliorer la capacité des Premières nations à combiner les programmes fédéraux à des obligations d'impôt foncier; il pourrait permettre à beaucoup de Premières nations petites et moins développées qui possèdent un potentiel important d'entreprendre ces investissements initiaux dans l'infrastructure publique, ce qui stimulera le processus de création de richesse. Dans le passé, beaucoup de petites villes canadiennes ont tiré parti de programmes semblables offerts par leurs gouvernements provinciaux. Un programme d'infrastructure des Premières nations fera en sorte que les programmes à coûts partagés comme le Programme d'infrastructures du Canada donnent le meilleur taux de rendement possible.
En plus du programme d'infrastructure, votre comité devrait appuyer la création d'une institution pour la coopération et les partenariats économiques des Premières nations. Cette organisation proposée accélérerait le développement des connaissances relatives à la facilitation de l'investissement pour nos collectivités. Ces 130 dernières années, le reste du Canada a mis sur pied des systèmes et des cadres qui font de l'achat et de la vente d'une maison, de la recherche d'une opportunité, du zonage d'une propriété et de la construction de lotissements résidentiels ou commerciaux des entreprises relativement simples. Vous tenez les institutions publiques qui appuient l'économie de marché pour acquises. Vous ne vous rendez même pas compte qu'elles ne sont pas là pour les Premières nations.
Nous avons besoin d'un mécanisme pour transférer cette technologie vers nos collectivités. C'est la raison pour laquelle je propose une institution pour la coopération et les partenariats économiques des Premières nations. Cette agence ferait mieux connaître le potentiel de l'investissement privé et la façon de l'attirer en faisant du travail de promotion et en aidant les Premières nations à identifier leur potentiel en matière d'investissement; elle permettrait de transférer des systèmes et des codes d'investissement; elle appuierait la formation de spécialistes en matière de facilitation d'investissements des Premières nations; elle créerait un forum qui améliorerait la coordination entre les Premières nations et les institutions des Premières nations; elle nous permettrait de partager nos succès; elle nous permettrait de trouver des partenaires dans le secteur privé qui nous aideraient dans le cadre de programmes et projets d'infrastructure.
Plus important encore peut-être, cette institution faciliterait dans les réserves le concept de logement axé sur les marchés en encourageant la tenure à bail pour les Premières nations; elle fournirait des logements et des baux modèles aux collectivités; elle pourrait ainsi libérer une demande refoulée de logements dans les réserves et nous permettrait d'avoir la même valeur nette d'hypothèque du logement familial que vous tenez pour acquise; elle nous permettrait de débloquer ce que Hernando de Soto appelle « Le mystère du capital » en offrant à nos entrepreneurs les mêmes opportunités de financement de leurs idées par la valeur nette d'hypothèque auxquelles ont accès d'autres entrepreneurs. En résumé, cette institution encouragerait plus de Premières nations à se lancer dans une stratégie de développement économique, tout en améliorant considérablement notre capacité d'attirer l'investissement.
Les retombées de ce projet de loi, du programme d'infrastructure et de l'institution pour la coopération et les partenariats économiques des Premières nations sont importantes. Nous croyons que la construction de nouvelles infrastructures économiques sur nos terres de l'ordre de 750 millions de dollars en sera facilitée; que plus de 2 milliards de dollars de nouveaux investissements pourront être attirés; que près de 30 000 nouveaux emplois seront créés. N'oubliez pas que d'ici 10 ans, 80 000 citoyens des Premières nations vont entrer sur le marché du travail. Si nous adoptons ce projet de loi, la création d'un programme d'infrastructure et l'instauration de cette institution, des milliers d'entre eux connaîtront les rouages du monde des affaires, sauront comment bâtir des collectivités et comment jouer un rôle positif dans leur vie.
D'ici 10 ans, on dénombrera 20 p. 100 de plus de personnes âgées et seulement 6 p. 100 de plus de travailleurs. Il est impératif pour nous tous de faire des investissements productifs au cours des 10 prochaines années. Ces propositions représentent un excellent rendement de l'investissement, à un coût total de près de 40 millions de dollars par année. C'est avec plaisir que je dépose l'exposé prébudgétaire de la Commission consultative de la fiscalité indienne qui décrit ces propositions en plus de détails et qui explique la façon dont nous pouvons parvenir à ces rendements élevés.
En guise de conclusion, j'aimerais répéter les demandes que je présente à votre comité sénatorial. Adoptez le projet de loi sur la gestion financière et statistique des Premières nations le plus rapidement possible. Recommandez la mise sur pied d'un programme d'infrastructure des Premières nations. Recommandez la création d'une institution pour la coopération et les partenariats économiques.
Le président : De toute évidence, vous mettez beaucoup d'espoir dans les institutions fiscales des Premières nations — c'est-à-dire le projet dont nous allons éventuellement être saisis au Sénat — et c'est sur ce point que vous insistez. Beaucoup de vos observations portent sur ce projet de loi et sur les résultats qui, vous espérez, en découleront pour les collectivités autochtones à l'échelle de notre pays.
Le sénateur Léger : Vous dites avec insistance que cela doit provenir de vous, n'est-ce pas?
M. Jules : Oui.
Le sénateur Léger : Nous devons vous laisser aller, est-ce que vous voulez dire?
M. Jules : Exactement.
Le sénateur Léger : C'est le problème, n'est-ce pas? Vous avez trouvé la façon d'y parvenir. Si je comprends bien, c'est la Loi sur les Indiens et ses conséquences qui vous empêchent d'avancer. Selon moi, ce semble être la bonne façon de faire, mais comment procéder? Pourquoi y a-t-il tant d'opposition à cet égard? Je sais qu'il faut procéder étape par étape et qu'on ne peut faire preuve de naïveté.
Vous dites que d'ici 10 ans environ, on dénombrera 20 p. 100 de plus de personnes âgées et seulement 6 p. 100 de plus de travailleurs.
M. Jules : C'est exact.
Le sénateur Léger : Je croyais que c'était le contraire.
M. Jules : La population au Canada est vieillissante. Démographiquement parlant, la population sera plus âgée et seulement 6 p. 100 de Canadiens entreront sur le marché du travail, dont beaucoup seront des membres des Premières nations qui ne seront pas prêts à être productifs sur le marché du travail canadien.
Le sénateur Léger : D'après d'autres discussions et séances, j'ai cru comprendre que dans très peu d'années, le nombre des jeunes Autochtones va être supérieur à celui des non-Autochtones, puisque les familles sont plus grandes.
M. Jules : En Saskatchewan, la population autochtone va probablement augmenter.
Le sénateur Léger : Je vois, mais pas ailleurs?
M. Jules : Non, pas ailleurs. Si vous n'investissez pas dans l'avenir des peuples autochtones du Canada, les conséquences seront considérables. La seule façon de corriger ce problème consiste à nous permettre, grâce à nos propres institutions, d'être un partenaire économique au sein de la fédération canadienne. De cette façon, nous pourrons abaisser les coûts liés à la santé et prendre soin de nous-mêmes. Au bout du compte, c'est ce que nous voulons faire.
Le sénateur Léger : Cela m'éclaire de voir la question de façon globale et non fragmentée. C'est probablement ce que j'ai compris et c'est certainement la bonne façon de démarrer cette économie d'infrastructure.
Le sénateur Watt : Je vais essayer de ne pas aborder les questions dont nous avons traité dans le passé.
J'aimerais que vous m'éclairiez sur plusieurs points. Vous avez commencé à parler du logement, domaine que je connais un peu. Je sais que dans le cas des baux de 99 ans, il faut de temps à autre s'arranger avec les institutions financières pour avoir accès au capital nécessaire. Vous encouragez cette idée et c'est déjà probablement fait dans ma région vu que les terres appartiennent à la collectivité et ne peuvent être vendues. Il faut être novateur et faire la distinction entre bâtiments et terres afin d'avoir accès au capital des institutions financières, ce qui, comme vous le savez, n'est pas chose facile.
Vous dites que cette mesure législative sur ces nouvelles institutions doit être adoptée par la Chambre des communes et que nous en serons éventuellement saisis au Séant. Si je comprends bien, ces institutions seront mises sur pied pour exploiter l'actif de la collectivité? Je veux parler de l'ensemble de l'actif plutôt que des terres simplement, qui sont de propriété collective.
M. Jules : C'est l'autorité en matière de prélèvement de l'impôt foncier qui servira de nantissement. Ces collectivités seront en mesure d'avoir recours à cette autorité, qui actuellement génère de 40 à 50 millions de dollars par an, pour garantir bons et obligations par effet de levier.
Le sénateur Watt : Est-ce une mesure positive que de s'en servir de nantissement pour les gens qui n'ont pas d'argent ou est-ce prévu uniquement pour ceux qui ont du capital et qui seront en mesure d'avoir recours à ces institutions?
M. Jules : Le meilleur exemple provient de la Colombie-Britannique où il existait une disparité entre les grands centres urbains, comme Vancouver et Victoria, et Terrace, New Aiyansh et Kamloops, par exemple. En Colombie-Britannique, à la demande des municipalités, le gouvernement a créé une autorité chargée des finances municipales de manière à regrouper les ressources et à prendre cette responsabilité collective de garantir bons et obligations par effet de levier.
Par voie de conséquence, toutes les collectivités qui auparavant ne pouvaient pas mettre sur pied d'infrastructure le peuvent maintenant. Des millions de dollars dont on ne parle pas ont été injectés dans l'infrastructure et le développement économique. Cela me fait penser à l'histoire que je racontais un peu plus tôt au sujet des Nisga'a. La première chose que les Nisga'a ont faite a été de construire une route goudronnée entre Terrace et New Aiyansh. L'infrastructure est absolument essentielle au développement d'une nouvelle économie.
Dans ce cas particulier, l'intérêt sous-jacent n'a pas changé et la réserve conservera son statut. Nous avons été en mesure, grâce à une approche collective, de garantir l'entraide, ce qui à l'avantage des collectivités plus petites. À l'heure actuelle, de nombreuses collectivités plus importantes peuvent aller emprunter de l'argent à la banque. Ainsi, les collectivités plus petites pourront travailler avec les collectivités plus grandes et obtenir un meilleur rendement de l'investissement sous forme d'obligations à charge flottante si bien que toutes les collectivités, grandes et petites, pourront en tirer parti.
Le sénateur Watt : Avez-vous déjà déterminé la valeur de l'actif?
M. Jules : Cela se ferait par chaque collectivité particulière. À Kamloops, 40 entreprises se trouvent sur nos terres et génèrent près de 250 millions de dollars chaque année, créant plus de 2 000 emplois. L'actif se situe dans les 100 millions de dollars annuellement, et pourtant, nous avons du mal à attirer un développement de qualité de nos terres, même si nous avons ces entreprises, car nous n'avons pas accès à l'infrastructure. Si nous avions un réseau d'égouts adéquat, et cetera, nous pensons que l'évaluation foncière quadruplerait; le rendement de l'investissement serait plus élevé pour tout entrepreneur, si bien que nous aurions une taxe foncière plus élevée, ce qui permettrait ainsi d'installer plus d'infrastructures, ce qui, à son tour, créerait plus d'entreprises et plus d'opportunités. Je dirais que nous sommes en train de faire nos preuves et que nous créons une économie des Premières nations.
La reconnaissance explicite de nos droits est légitime, mais pourquoi les pays africains qui ont des droits, des constitutions et qui ont accès à leurs ressources font-ils partie des pays les plus pauvres du monde? Je crois que c'est parce qu'ils n'ont pas la capacité institutionnelle de traiter de ces questions. Je ne veux pas que nos peuples se retrouvent dans une telle situation insoluble. Je veux que nos peuples puissent être en mesure de créer leur propre institution et de bâtir leur propre économie pour que nous n'ayons pas à nous adresser chapeau bas à quiconque. Nous voulons faire partie intégrante de cette économie et de cette fédération et pouvoir le dire clairement au reste du monde pour que d'autres veuillent venir au Canada apprendre la façon de venir à bout de semblables dilemmes.
Le sénateur Watt : Dans le modèle dont vous parlez, vous vous exprimez à partir de votre expérience personnelle du domaine que vous connaissez le mieux. Je le comprends et je vous en remercie.
Ce modèle peut-il d'adapter autant aux collectivités riches et pauvres, aux collectivités dotées de beaucoup d'actifs financiers et aux collectivités qui n'ont rien?
M. Jules : J'en suis fermement convaincu, parce que ces institutions seront créées pour nos entreprises. Il s'agit d'une législation facultative et toute collectivité qui le souhaite pourra se lancer dans le domaine du développement économique qui s'appuie sur le fait que ces institutions susciteront la certitude requise pour se lancer véritablement en affaires. Les populations autochtones sont confrontées à toute une série de questions, puisqu'elles vivent dans des collectivités rurales, des collectivités isolées, ainsi que des collectivités urbaines. Il ne faut pas croire que tout peu se faire d'un seul coup, c'est impossible.
Les Nisga'a ont choisi leur priorité et ont construit une route. La pêche et l'accès aux industries de bois d'œuvre étaient leur priorité.
Lorsque la décision Marshall a été rendue en Nouvelle-Écosse, elle a provoqué beaucoup de chaos, car les Premières nations n'avaient pas la capacité institutionnelle de tirer avantage des opportunités de pêche; elles n'avaient pas les connaissances scientifiques qui leur auraient permis de savoir ce qu'il fallait faire dans les régions dont elles devaient se contenter; elles n'avaient pas accès au capital qui leur aurait permis d'acheter des bateaux de pêche, et cetera. La seule façon consiste à avoir nos propres institutions de manière que nous puissions donner cette opportunité à tous ceux qui veulent s'en prévaloir.
Le sénateur Watt : Vous croyez que ces institutions ne menaceront pas les terres?
M. Jules : Oui.
Le sénateur Watt : J'ai déjà eu ma propre entreprise et je sais que les affaires fluctuent d'un jour à l'autre. Elles sont bonnes comme elles peuvent être mauvaises. Ce qui m'inquiète, c'est de confier l'actif à la collectivité, en premier lieu, et ensuite, c'est la possibilité de prendre un risque au sujet du peu de terres qu'il leur reste.
Que se passerait-il si les affaires tournaient mal, comme cela arrive parfois? Qui vous renflouera? Le gouvernement du Canada va t-il garantir de vous renflouer en pareil cas?
M. Jules : C'est ce que l'on appelle une entreprise conjointe et individuelle, ce qui signifie que toutes les collectivités qui se rassemblent garantissent collectivement ce prêt.
Ce n'est pas à un particulier d'assumer la responsabilité.
Le sénateur Watt : Si le tout capote, qui intervient?
M. Jules : Toutes les autres collectivités.
Le sénateur Watt : En d'autres termes, une collectivité peut mettre en danger d'autres collectivités?
M. Jules : Absolument. C'est ce que les municipalités de Colombie-Britannique ont fait, et il n'y a pas eu une seule défaillance.
Le sénateur Watt : Avez-vous jamais exploité une entreprise?
M. Jules : Oui.
Le sénateur Watt : Je veux parler d'une vraie entreprise, mis à part les autres genres d'activités que vous avez eues.
M. Jules : Oui. J'ai participé à de nombreuses entreprises, monsieur le sénateur. La société Sun Rivers Development dont je vous ai parlé un peu plus tôt a un chiffre d'affaires d'un milliard de dollars.
Le sénateur Watt : Est-ce une entreprise collective?
M. Jules : Oui.
Le sénateur Watt : Ce n'est pas une société dont la responsabilité revient à des particuliers?
M. Jules : Des particuliers ont des certificats de possession et sous-jacent à tout ceci — j'en parle dans le mémoire — c'est que nous avons absolument besoin de notre propre enregistrement foncier, qui serait l'une des institutions, pour nous protéger exactement de ce qui pourrait arriver, comme vous le dites.
Le sénateur Watt : C'est fort possible. C'est indispensable, car je ne voudrais pas que l'on se retrouve dans une situation semblable à celle créée aux États-Unis, avec les réserves en damier. Comment est-ce traité par le projet de loi C-20, dont vous souhaitez l'adoption?
M. Jules : Dans le cadre de cette proposition, monsieur le sénateur, il n'y a pas d'enregistrement foncier. Je préconise un enregistrement foncier qui n'influe pas sur le droit de propriété sous-jacent de n'importe quelle réserve. La réserve, comme vous la connaissez, qui est réservée par Sa Majesté à l'usage et à l'avantage d'une bande d'Indiens, ne change pas.
Le sénateur Watt : Ajoutez-vous un niveau?
M. Jules : Oui, pour ce qui est de la collectivité, de façon que toutes les collectivités puissent regrouper leurs actifs pour bâtir l'infrastructure.
Le sénateur Watt : Je vous comprends, vous avez répondu à ma question.
Le président : Merci beaucoup, monsieur le sénateur, d'être ici. Vous pouvez maintenant partir, mais nous allons poursuivre les débats, si cela ne vous dérange pas.
Nous avons eu le privilège de lire votre exposé du 5 février 2003 sur le projet C-7 devant le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Nord, à la Chambre des communes. Vous dites au sujet des Premières nations que leurs membres sont tout aussi innovateurs que les autres Canadiens, qu'ils ont autant qu'eux l'esprit d'entreprise et qu'ils ont à cœur le bien public. Les Premières nations veulent ce que beaucoup de Canadiens tiennent pour acquis, notamment des possibilités d'emploi, de bons soins de santé, un revenu stable et un logement convenable, des services publics fiables, de bonnes routes, de l'eau potable en abondance et un bon réseau d'égouts ainsi qu'un brillant avenir pour leurs enfants.
D'après votre expérience, pouvez-vous préciser ce qui, à votre avis, sont les facteurs clés les plus importants de la réussite des peuples et des collectivités autochtones? Nous examinons la situation et essayons de savoir pourquoi certaines collectivités autochtones réussissent et d'autres non. Nous aimerions entendre votre point de vue à cet égard.
M. Jules : Lorsque j'ai été élu une première fois au conseil, j'avais 22 ans — j'étais allé à nombreuses rencontres — c'était en 1975. Mon père a été chef pendant 10 ans et membre du conseil pendant quelques années; lorsque je revenais des rencontres, je disais : « Pourquoi, papa, parlent-ils toujours des mêmes choses, pourquoi? » Il me répondait : « J'ai moi-même écouté les mêmes conversations; c'est une façon philosophique d'aborder les questions qui nous intéressent. »
Il me posait des questions au sujet de certaines personnes avec qui j'avais fait affaire et me demandait : « Pensent-elles comme nous? » J'ai été élevé et beaucoup de membres des Premières nations ont été élevés également de la même façon : vers 13,14 ou 15 ans, un enfant était envoyé dans la nature pour trouver son guide spirituel et à son retour, il devait répondre lui-même à la question suivante : « Si tu voulais vivre seul, tu le pourrais, mais si tu reviens dans la collectivité, tu dois en être un membre productif. » C'est l'un des cycles que nous avons perdu, à savoir la capacité de rendre à la collectivité ce qu'elle nous a donné. Il faut être membre productif de la collectivité si bien que quand quelqu'un a besoin d'aide, nous devrions être là pour l'aider, de même que lorsqu'un enfant a besoin d'éducation, et cetera.
À Kamloops, nous avons adopté une approche philosophique face à notre situation. Nous avons commencé à nous lancer dans l'aménagement des terres dans les années 30. Dans les années 60, nous avions notre propre administration, notre propre parc industriel, nos propres règlements et ce, jusque dans les années 70. Beaucoup de ces événements sont intervenus grâce à l'approche philosophique que nous avons adoptée. Cette approche a également été transmise de chef en chef — la chaîne était pratiquement ininterrompue — par conséquent, la continuité est un élément extrêmement important.
Il n'y a eu que deux chefs après moi. Entre 1800 et le moment où j'ai été chef, ma collectivité a connu 11 chefs. Il faut beaucoup de stabilité, il ne faut jamais abandonner, car on peut donner tellement d'excuses qui poussent si facilement à abandonner : « Cette question est trop difficile à régler, pourquoi devrions-nous régler la question des terres alors qu'elle n'est pas réglée depuis 130 ans? Je vais en laisser la responsabilité à la personne qui va me suivre. »
Ce n'est pas la chose à faire. Il faut dire : « Je vais trouver une nouvelle solution pour traiter de cette question, je vais faire preuve d'esprit novateur. » Je crois fermement, et j'en ai été témoin à plusieurs reprises, que les collectivités qui réussissent sont celles qui ont de bons leaders, qui ont un réseau d'appui; cela ne veut pas dire toutefois qu'elles n'ont pas eu d'obstacles à surmonter, cela veut dire qu'il y a un débat au sein de la collectivité et un consensus, pratiquement, en ce qui concerne les objectifs à long terme du leadership. C'est ainsi que se crée le leadership.
J'ai repensé à tout ceci à la mort de Yasser Arafat et nous savons tous ce que sont les Intifadas et sommes au courant de tous les événements qui se sont produits dans cette partie du monde. Un leader a dit : « Nous avons besoin d'une nouvelle philosophie, d'une nouvelle façon de faire, nous devons construire de nouveaux ponts, reconstruire et reconstituer notre nation. » C'est une théorie que l'on peut vraiment adapter aux Premières nations.
Je ne rejette pas — et en fait j'appuie — ceux qui disent qu'ils ont leur propre façon de faire et de résoudre les problèmes. Toutefois, il faut reconnaître qu'il existe beaucoup de chemins qui nous mènent au même objectif; je choisis simplement l'un de ces chemins.
Un de ces chemins qui, à mon avis, s'impose pour nous tous, doit nous mener à une économie viable à laquelle nos peuples peuvent participer; doit nous amener à susciter un nouvel espoir parmi nos jeunes; à prendre soin de nos anciens; à nous occuper de nos anciens combattants — tout ce que notre collectivité s'efforce de faire depuis plusieurs années, mais qu'elle n'a pas pu régler entièrement elle-même à cause de la loi que l'on appelle la Loi sur les Indiens.
Lorsque je dis que nous sommes prêts à le faire nous-même, je le pense véritablement. Nous avons collectivement l'intelligence pour ce faire. Il ne fait aucun doute que les peuples des Premières nations, pas seulement au Canada mais dans tout le continent américain, ont le même genre d'intelligence que n'importe qui d'autre. Ce dont nous avons besoin et ce que nous voulons, ce sont les mêmes opportunités afin de recréer la grandeur à laquelle est parvenu le Canada sur nos terres ancestrales.
Le sénateur Léger : D'après ce que vous venez de dire, de nombreux chemins s'offrent à vous. Est-ce que votre philosophie, qui est très claire, s'applique à toutes les Premières nations du Canada? Est-ce que votre expression « de nombreux chemins » signifie qu'il y a également différentes façons de faire? Si oui, où se situe le projet de loi C-20? Le gouvernement fédéral a-t-il une seule loi ou ce projet de loi ne s'applique-t-il qu'à Kamloops? Le concept de nombreux chemins est intéressant. Que va-t-il se passer maintenant?
M. Jules : Je pense qu'il a été dit très clairement qu'au bout du compte, avec le rejet de la politique du Livre blanc, une approche d'assimilation ne peut pas fonctionner. Il a été prouvé que cela ne marcherait jamais.
Il faut admettre qu'il y a beaucoup de Premières nations dans notre pays dont les priorités sont différentes. Elles ont besoin d'institutions qui facilitent le développement économique et la croissance, selon ce qu'elles désirent. Le projet de loi C-20 est une loi véritablement habilitante.
La Loi sur les Indiens s'applique toujours aux Premières nations qui le souhaitent. Si une collectivité des Premières nations choisit d'être assujettie à l'article 35, c'est son choix. Nous donnons la possibilité de faire un choix éclairé au niveau de la collectivité qui, selon nous, serait bénéfique, dans le cadre d'institutions.
Le sénateur Léger : Si une collectivité le désire, les autres peuvent s'en prévaloir, si c'est offert.
M. Jules : C'est exact.
Le sénateur Léger : Cela viendrait de la collectivité.
M. Jules : Effectivement.
Le sénateur Léger : L'expérience de Kamloops est un succès, si je comprends bien.
M. Jules : Oui; je ne suis plus le chef.
Le sénateur Léger : Pas de problème; pour moi c'est un peu difficile. Tout ce que je sais, c'est que votre présence ici, que vous soyez chef ou non, dépasse mon entendement.
Maintenant, est-ce que le projet de loi C-20 aiderait Kamloops; favoriserait-il sa situation ou aiderait-il les autres à en tirer parti?
M. Jules : Les deux. Dans ma collectivité, ce sera le jour et la nuit.
Lorsque mon père était chef — et ce que je vais vous raconter représente l'un de ces instants privilégiés que vous vivez dans votre jeunesse — je suis tombé sur une feuille de papier parmi toutes celles que l'on trouvait à la maison; c'était le même genre de papier qu'aujourd'hui, sauf que le papier d'avant était jaune. On pouvait y lire 10 points que mon père avait écrits à la main. Il m'a dit : « La première chose que je veux faire, c'est arriver à avoir de meilleurs logements, des routes pavées, de l'eau potable, de l'éclairage dans les rues » — il avait noté tout ces points. Pour moi, cet instant est l'un des plus forts de ma jeunesse. Je me suis rendu compte que cet homme qui, bien sûr, était mon héros, jetait les bases de l'avenir vers lequel nous devons tendre. Lorsque j'ai été chef, j'ai simplement repris le flambeau.
Cela ne s'explique que par l'expérience. Il faut connaître ces genres de situations pour pouvoir avancer. J'ai vécu tant de situations de conflits auxquelles il faut mettre un terme, mais après cela, que faire?
L'autre instant important s'est produit il y a peu de temps lorsque le président Bill Clinton a prononcé une allocution à Mont Tremblant, dans le cadre d'une conférence organisée par le Forum des fédérations. Il a prononcé l'un des meilleurs discours que j'ai jamais entendus et, j'en ai entendu d'innombrables. Il a parlé de l'importance du fédéralisme et comment pour réussir, tous les éléments de la fédération doivent réussir.
Récemment, il est apparu clairement que c'est la voie que je veux emprunter. L'avenir des Premières nations se trouve au sein de la fédération canadienne, tout comme l'avenir du Canada doit recevoir l'apport des Premières nations. En ce moment, le Canada se place au huitième rang des Nations Unies pour ce qui est du niveau de vie. C'est un problème auquel nous sommes tous confrontés et qui doit nous pousser à arriver au meilleur résultat possible. Le Canada peut jouer un rôle à cet égard en permettant aux Premières nations de se défendre elles-mêmes.
Le sénateur Léger : À partir de l'histoire de la feuille de papier jaune sur laquelle votre père avait inscrit les 10 points, dois-je comprendre que c'est ce qu'il a commencé à réaliser à Kamloops — l'eau a été installée, les routes ont été construites, si bien que vous travaillez pour le fédéralisme, n'est-ce pas? D'accord, c'est bien.
J'ai bien aimé votre comparaison avec l'Afrique. Je ne comprends pas tout, mais je sais bien sûr que les ressources naturelles y sont immenses, tout s'y trouve, mais que ces pays n'ont pas l'infrastructure de base qui les aiderait à se développer et à aller de l'avant, n'est-ce pas?
M. Jules : Oui.
Le sénateur Léger : Cela m'a paru très intéressant.
M. Jules : C'est extrêmement intéressant lorsque l'on examine l'état du monde et la place que nous y occupons et comment, dans le passé, les Premières nations ont contribué à tant de choses — le toboggan, la raquette, tous ces cadeaux, le maïs. Ce qui m'a véritablement frappé à un moment, c'est pourquoi le monde ne s'est-il pas peuplé de la façon inverse; pourquoi n'avons-nous pas peuplé le continent avant d'aller coloniser l'Europe?
Beaucoup de raisons l'expliquent. Il faut ainsi parler du développement des céréales, et cetera et du fait qu'il n'y avait pas de frontières géographiques; tandis qu'ici, les frontières géographiques sont nombreuses et nous empêchent d'avoir ce genre de relations avec nos voisins.
C'est pour ça qu'il a fallu 9 000 années avant de parvenir au maïs que nous mangeons aujourd'hui. Il vient en fait du Yucatan, a remonté le Mississippi avant d'arriver dans le pays Mohawk. Cela a pris beaucoup de temps.
Le sénateur Léger : Je suis scandalisée du fait que nous parlions aujourd'hui au Canada du manque d'eau, de l'absence de réseau d'égouts. C'est ce que vous demandez; c'est tout à fait incroyable.
M. Jules : C'est fort triste. J'ai un fils qui a 10 ans et comme n'importe quel fils, il est la prunelle de mes yeux. Lorsque je regarde dans ses yeux, je vois l'avenir. L'avenir que je vois et que j'espère lui permettra de devenir ce qu'il souhaite. Pendant un certain temps, il voulait être le premier enfant indien sur la lune. Maintenant, il veut être orfèvre et acteur.
Le sénateur Léger : C'est dangereux, mais bien.
M. Jules : C'est bien.
Le sénateur Léger : Cela rejoint probablement l'approche philosophique; je ne peux certainement pas contribuer à l'application de cette philosophie.
Un autre point, la géographie. Il n'y avait pas de géographie. Diriez-vous que les réserves qui ont été imposées sont catastrophiques d'un point de vue géographique?
M. Jules : La différence entre réserves canadiennes et réserves américaines est intéressante. Au départ, je ne savais pas qu'il y avait une différence entre les deux. Les réserves canadiennes, dans la plupart des cas, ont été créées là où elles se trouvent, comme dans le cas de Kamloops, parce que c'est là que les bandes indiennes passaient l'hiver. C'est là que se trouvaient nos maisons pour l'hiver. Cette réserve est l'endroit où nous avons toujours été. Pour ce qui est des réserves aux États-unis, vous êtes tous au courant du déchirement occasionné par le déplacement de tous ces peuples. Beaucoup ont été déracinés et envoyés ailleurs. L'importance géographique de ces terres est très importante. Dans le cas de Kamloops, nous savons que nous nous sommes toujours trouvés dans cet endroit et ce, depuis 4 500 ou 5 000 années. Il est terriblement important de raconter cette histoire.
Le président : Monsieur Jules, jusqu'à présent, lorsque l'on vous demande les raisons de votre succès, vous parlez d'une approche philosophique, d'une bonne approche, de leadership, de stabilité, de détermination et d'opportunités. J'aimerais vous demander jusqu'à quel point il est important d'avoir des opportunités pour réussir. L'opportunité peut se présenter sous la forme d'emplacement, de population ou de ressources. De toute évidence, vous avez besoin de ressources que vous pouvez utiliser ou rendre fructueuses. Dans votre cas, à Kamloops, l'emplacement est bien évidemment important. L'emplacement est parfois à la base de tout le succès d'une entreprise. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
M. Jules : Vous avez déjà probablement entendu parler d'emplacement idéal, comme celui des magasins Tiffany à New York. Notre emplacement n'est pas tout à fait aussi idéal, mais nous nous trouvons près d'un centre urbain, ce qui veut dire que nous avons dû régler des questions tout à fait différentes de celles auxquelles sont confrontées beaucoup d'autres collectivités.
Ce qui était très important, c'était que nous voulions faire les choses autrement. J'ai vu des communautés isolées qui ont eu un succès incroyable. Sawridge, à Edmonton, en est un bel exemple. Vous devez en être au courant.
Le président : Le lac des Esclaves.
M. Jules : Vous connaissez probablement Walter Twinn. Sawridge est assez isolé, et pourtant, on a mené à bien un incroyable projet de développement à Jasper, c'est-à-dire l'hôtel Sawridge. On a mené de nombreux autres projets, et on a effectivement développé des ressources à cet endroit même. Bien souvent, vous devez tirer profit de la situation dans laquelle vous vous trouvez, que ce soit l'emplacement ou les ressources, mais ça dépend beaucoup de ce que vous avez dans la tête — votre imagination — et des moyens dont vous disposez. Les Premières nations ont besoin de l'appui institutionnel pour pouvoir réaliser ce travail. Je ne dirai jamais assez que même si nous avons les meilleures idées, si nous n'avons pas accès aux institutions que les autres personnes tiennent pour acquises, nous nous retrouverons encore dans le cycle de pauvreté que nous connaissons actuellement.
Le président : Dans les Territoires du Nord-Ouest, c'est surtout par voie d'eau qu'on pouvait se déplacer vers le nord. Les bateaux descendaient le fleuve. Durant l'été, les bateaux nous dérangeaient, puis la glace prenait et on ne voyait plus aucune embarcation; il n'y avait plus de visiteur et peu de déplacement pendant sept ou huit mois.
Je connais également les effets des routes. J'ai grandi à une époque où les routes commençaient à être construites dans le nord et atteignaient les communautés. Nous avions des discussions à savoir si c'était une bonne chose qu'une route parvienne jusqu'à une communauté. Allait-on créer des problèmes sociaux? Cette route allait-elle amener de étrangers et des gens du sud que personne ne connaîtrait? Les communautés tenaient ces débats. Invariablement, c'était le chaos au début, parce que les routes apportaient l'alcool, par exemple, beaucoup plus d'alcool que ce à quoi les gens étaient habitués, alors il fallait composer avec pareille chose, mais avec le temps, les gens se sont habitués aux routes et à ce qu'elles apportaient à la collectivité. Tôt ou tard, la route amène un certain développement, puis la communauté décide, par des essais et des expériences, si elle veut participer à ce développement et en tirer profit. Vous avez dû constater ce phénomène dans votre région.
M. Jules : Beaucoup. Nous nous trouvons à l'extrémité sud de la route de Yellowhead et non à l'extrémité nord, près de Prince Rupert. La route commence à Winnipeg, et elle traverse la réserve. Sa construction a été négociée dans les années 60, dont une partie à 50 $ l'acre, mais ce n'est que dans les années 80 qu'elle a été transférée de la bande au gouvernement fédéral, puis au gouvernement provincial. Vous avez un énorme dilemme au sud du 60e parallèle en ce qui a trait aux terres, aux droits de passage, et cetera.
C'est pourquoi il est très important d'avoir compétence dans ces domaines. Tous les types d'infrastructure sont importants. À mon avis, il faut absolument que la route transcanadienne soit élargie à quatre voies partout, parce que c'est très important pour notre pays. J'ai fait la route transcanadienne à deux voies, et ce n'est pas acceptable, selon moi.
Les routes sont importantes, en particulier pour les communautés rurales et isolées. Beaucoup de collectivités avec lesquelles j'ai traité attendent avec impatience le jour où il y aura une route permanente qui les reliera à ce qui, pour elles, est le monde extérieur, pour pouvoir se procurer à meilleur prix des marchandises, des matériaux de construction et tout ce que vous voulez. C'est un enjeu sur lequel nous devrons nous pencher, parce que, à mon avis, la diversité des Premières nations est très importante pour le monde. On comptait 6 000 langues à une certaine époque. Un grand nombre disparaîtront. La diversité humaine est importante non seulement pour le Canada, mais pour le monde entier.
Un grand nombre de nos peuples choisiront, comme ils en ont le droit, de continuer à vivre là où ils se trouvent actuellement. En tant que Canadiens et en tant que membres des Premières nations, nous devrons les aider à ce sens. Nous devrons garantir que les troupeaux de caribous ne seront pas exploités au point de disparaître; que l'on tiendra compte des trajets migratoires dans la construction du gazoduc; que l'on tiendra compte des peuples d'origine dans l'exploration et l'exploitation des mines de diamant; et que ces peuples d'origine pourront non seulement participer à l'exploitation de ces ressources, mais qu'ils prendront part véritablement aux avantages à long terme qui en découleront. Bien souvent, comme vous l'avez constaté — et je le tiens de vous —, ce sont les gens du sud qui ont profité de ces avantages.
J'essaie de propager l'idée que le dollar doit rebondir dans notre communauté au moins trois ou quatre fois. À l'heure actuelle, il y a une fuite incroyable à l'extérieur de notre collectivité. Quatre-vingt-quinze pour cent des fonds qui entrent dans notre communauté en ressortent immédiatement. Comment pouvons-nous conserver cet argent? Comment faire pour que cet argent rebondisse plus d'une fois, pour qu'on puisse créer d'autres occasions et d'autres emplois et trouver d'autres façons de conserver ce capital? C'est un enjeu important pour nous.
Toutefois, la situation des Nisga'a est l'exemple le plus éloquent. Lorsqu'ils ont conclu leur traité, la première chose qu'ils ont faite a été de construire une route incroyable. Comme je le disais plus tôt, je n'ai jamais assimilé les volcans aux Nisga'a, et je ne sais pas si c'est important, mais j'ai été surpris et ils ont des histoires à ce sujet. Toutefois, le simple fait que leur premier objectif était de construire une route montre bien l'importance des programmes d'infrastructure dont les communautés des Premières nations ont besoin.
Le président : Monsieur Jules, que pensez-vous de la situation des communautés autochtones qui ont des ressources naturelles sur leurs territoires ou à proximité? Vous savez qu'un certain nombre de projets d'exploitation ont lieu dans différents secteurs du nord. Je pense par exemple aux mines de diamant qui se trouvent dans les Territoires du Nord-Ouest, à proximité du peuple Dogrib. Ce dernier a tiré profit du fait qu'un important projet de développement avait lieu à proximité. Dans les Prairies, certains peuples autochtones possèdent des ressources pétrolières et gazières. Pouvez-vous nous parler des Autochtones et de l'exploitation des ressources?
M. Jules : Lorsque vous avez un potentiel de développement de ce type, il vous faut la capacité institutionnelle pour pouvoir en tirer profit. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle.
Tout d'abord, les Premières nations doivent avoir une base institutionnelle pour tirer profit de tout projet d'exploitation qui a lieu à proximité, et elles doivent aussi avoir un droit de regard sur le moment propice d'une telle exploitation, en consultation avec les autres paliers de gouvernement. Le meilleur exemple à l'heure actuelle — la décision a été rendue très récemment —, c'est l'affaire des Haïdas, qui porte sur les consultations.
Les Premières nations veulent participer à ces projets d'exploitation, entre autres pour pouvoir éventuellement en tirer profit. Cela suppose des partenariats.
Encore une fois, pour reprendre ce que j'ai dit plus tôt, j'aimerais qu'une institution pour la coopération économique et le partenariat soit créée afin que nous puissions mettre fin aux obstacles législatifs qui nous empêchent de jouer un rôle productif dans l'économie canadienne et, par conséquent, dans l'économie mondiale.
Le président : Vous parlez de leadership et de tout ce que cela implique. À votre avis, que faut-il pour que les peuples autochtones puissent participer au développement, que ce soit en regard de leur culture, de leur langue ou de leur intégrité en tant que communautés et en tant que peuples?
J'ai vu des Autochtones d'une collectivité voisine être démolis à cause de leur alcoolisme. Ils sont faibles, et ils sont démolis par la collectivité environnante. Dans cette situation, les gens ont bien du mal à s'en tirer et à prendre part à la vie de la communauté. Évidemment, lorsque les personnes sont fortes et ont une bonne estime de soi, elles ont le potentiel nécessaire pour prendre part à la vie de la communauté. Avez-vous des commentaires à ce sujet?
M. Jules : J'ai vu des situations semblables. J'ai vu des communautés qui avaient accès à des ressources incroyables et qui touchaient des revenus incroyables, mais dont les taux de suicide, d'alcoolisme et de mortalité infantile étaient les plus élevés au pays. Je ne sais pas comment expliquer ce phénomène, comment pareilles choses peuvent se produire, sauf que, parce que nous vivons depuis si longtemps sous le joug de la Loi sur les Indiens, c'est toujours quelqu'un d'autre qui doit régler ce problème ou ce dilemme, alors que ce devrait être nous, en partenariat avec les autres paliers de gouvernement.
Prenons par exemple la communauté Shuswap d'Alkali Lake. À une certaine époque, Andy Chelsea, qui est une des meilleures personnes que j'ai rencontrées dans ma vie, en était le chef. On avait donné à cette communauté le sobriquet de « Alcohol Lake ». Des gens arrivaient dans la communauté et faisaient la fête continuellement, et tout était délabré. Lorsque Andy Chelsea est devenu chef à la fin des années 60 et au début des années 70, son premier objectif a été d'assécher la communauté. Un travail incroyable a été réalisé depuis ce temps. Un esprit communautaire extraordinaire est né et des projets de développement économique ont vu le jour, dont certains ont réussi et d'autres ont échoué. Pourtant, cette communauté a servi de modèle à de nombreuses autres partout au pays qui se sont trouvées dans la même situation.
Parmi ses succès, mentionnons le fait que, lorsqu'on envoyait une personne suivre un traitement, bien souvent on ne s'occupait pas seulement de cette personne, mais de toute sa famille. Ce n'était pas un seul individu, mais tout un groupe. Lorsque cette famille ou cette personne revenait dans la communauté, on veillait à ce que leur maison soit remise en bon état. Les fenêtres brisées étaient réparées, et cetera. La communauté tentait de trouver des possibilités pour eux. Tous les problèmes n'ont pas été réglés. Il y a énormément de ressources à proximité, mais on n'y a pas accès.
Pour tenter de régler ces problèmes, il faut non seulement que le gouvernement fédéral s'asseye à la table, mais aussi le gouvernement provincial et, ce qui est encore plus important, les entreprises. C'est là où nous devons être. Nous ne pouvons pas dépendre du 5 ou du 10 p. 100 des gouvernements provinciaux. Nous devons être en mesure de créer la base sur laquelle notre économie peut être érigée avec ce 95 p. 100 du secteur privé. Ça va prendre un certain temps.
Le président : Bienvenue, sénateur Christensen.
Le sénateur Christensen : Veuillez excuser mon retard. Il y a trop de réunions en ce moment.
Le président : Bienvenue. Nous accueillons aujourd'hui M. Jules, qui nous a présenté un témoignage intéressant sur les entreprises et les peuples autochtones et le développement économique. Il est originaire de la région de Kamloops. Avez-vous des questions?
Le sénateur Christensen : Je m'excuse de ne pas avoir été ici pour écouter votre témoignage. Comme je l'ai dit, nous avons trop de réunions en ce moment. D'ailleurs, c'est probablement ce que font les autres sénateurs également, c'est-à-dire voter.
Concernant le développement économique, je présume que vous êtes au courant de l'accord définitif avec le Yukon et les Premières nations du Yukon?
M. Jules : Oui.
Le sénateur Christensen : Il y a trois Premières nations qui n'ont pas encore conclu d'accord définitif. Toutes les autres l'ont fait.
Un des problèmes qui semblent se produire, et qui s'est produit également en Alaska, surtout sur la côte Ouest, sur la bande côtière, c'est qu'on ne veut pas établir de co-entreprises avec d'autres bandes et partager les ressources. En élaborant leurs propres lois de gouvernance, ces personnes veulent réinventer la roue avec l'aide d'une multitude de consultants, au lieu de prendre le meilleur de ce que d'autres ont déjà fait et de s'en servir. Beaucoup de temps et de ressources sont perdus tant pour la bande que pour la région.
Comme de plus en plus de Premières nations envisagent de conclure des ententes d'autonomie gouvernementale, y a-t-il un moyen de surmonter cet obstacle?
M. Jules : Je suis heureux que vous ayez soulevé cette question, que j'ai d'ailleurs abordée dans mon exposé. L'institution pour la coopération économique et le partenariat que nous proposons repose sur un modèle international qui a été élaboré tout de suite après la Seconde Guerre mondiale. À l'origine, un petit nombre de pays ont participé à la mise sur pied de cette organisation, et aujourd'hui presque tous les pays du monde en sont membres. L'objectif de cette organisation était d'abolir les obstacles qui freinaient le développement et la croissance économiques, mais aussi de favoriser les partenariats, pour qu'il ne soit plus nécessaire de réinventer la roue encore et encore. Nous n'avons pas ce genre d'institution à l'heure actuelle, et c'est pourquoi je suggère de créer une nouvelle institution qui faciliterait concrètement le développement et la croissance économiques.
Le sénateur Christensen : Qui créerait cette institution? Comment serait-elle mise sur pied?
M. Jules : Je fais partie de ceux qui tentent de la mettre sur pied. Comme bien d'autres choses, c'est une idée.
Le sénateur Christensen : Vous ne pouvez pas le faire tout seul. D'autres doivent prendre part au projet.
M. Jules : Réfléchir est parfois une activité solitaire. Je passe beaucoup de temps à réfléchir, mais je passe aussi beaucoup de temps à parler aux gens. La plupart des gens à qui j'en ai parlé s'entendent pour dire que pareille organisation est nécessaire, et j'en fais la promotion.
Le sénateur Christensen : J'avoue que le besoin est criant, compte tenu du temps et des ressources que l'on gaspille en refaisant toutes ces choses.
M. Jules : Je n'ai qu'à prendre ma propre expérience en exemple. J'ai parlé beaucoup de mon père ce soir. Je me rends compte que si je n'avais pas appris de lui, je referais tout ce qu'il a fait, et toutes les leçons qu'il a apprises seraient perdues.
Les Premières nations ont cette tradition orale. En plus de lire, vous devez entendre et être des témoins. Par conséquent, cette institution serait chargée notamment de guider et de réunir des communautés aux vues similaires afin de créer d'autres institutions pour abolir les obstacles qui nous empêchent de participer activement à l'économie.
Par exemple, la Tribu des Blood, dans le sud de l'Alberta, a mis au point un système d'irrigation. Sa première embûche a été de traiter avec la Commission du blé. On ne pouvait vendre des produits à l'extérieur de la réserve sans la permission du ministre. Il faudrait travailler avec cette tribu pour savoir comment elle a réussi à abolir les obstacles qui se trouvaient devant elle.
Le sénateur Christensen : Il faut élaborer des modèles pour les ententes de coentreprise avec les grandes sociétés, pour les processus d'appel d'offres, et cetera.
M. Jules : Tout à fait. Au bout du compte, lorsque vous fixez des normes, vous créez une stabilité et une certitude. Ces normes peuvent être transmises d'une communauté à l'autre.
On m'a demandé un peu plus tôt de parler de fiscalité, ce qui fait peur à tout le monde. Dans le cadre du projet de loi C-20, nous proposons d'utiliser les pouvoirs en matière d'imposition foncière pour créer d'autres occasions. À mon avis, on ne peut séparer le pouvoir de taxation du pouvoir de gouvernance. L'un ne va pas sans l'autre. Nous faisons fausse route si nous croyons qu'il faut traiter l'un et l'autre séparément, et cette approche a engendré de nombreux problèmes que nous connaissons aujourd'hui.
C'est une chose dont les citoyens des Premières nations ne doivent pas avoir peur, parce qu'ils doivent finir par avoir confiance en eux-mêmes.
Le président : Le comité voyagera dans différentes régions du pays dans le cadre de son étude. Nous commencerons dans les Territoires du Nord-Ouest, pour examiner la situation des mines de diamant et des Autochtones dans cette région, et nous irons également à Inuvik pour voir comment les Inuvialiut et les Gwich'in participent au projet de gazoduc.
Dans votre région d'origine, quel secteur, quel projet ou quelle communauté serait un exemple de réussite que nous pourrions observer, à votre avis? Je sais que vous êtes originaire de Kamloops, mais comme vous visitez fréquemment Ottawa, nous commençons à vous connaître et à connaître votre succès.
M. Jules : Vous devez venir là où j'habite. La géographie y est spectaculaire et incite de nombreuses personnes à s'y installer. Je suggérerais Kamloops, bien qu'il y ait de nombreuses autres communautés que vous pouvez visiter partout au pays. Toutefois, je sais bien accueillir mes visiteurs.
Le président : Pouvez-vous nous suggérer des peuples de la Colombie-Britannique qui sont semblables au vôtre et qui pourraient témoigner dans le cadre de notre étude?
M. Jules : Il y a de nombreuses communautés qui pourraient contribuer à votre étude. Je vous suggérerais Millbrook, et son chef Lawrence Paul, ainsi que le tribu Membertou du chef Bernd Christmas. Elles se sont intéressées à plusieurs dossiers internationaux.
À Sept-Îles, au Québec, il y a des projets de développement étonnants à l'intérieur de la réserve. Un certain nombre de communautés en Ontario mériteraient également une visite. Au Manitoba, j'opterais pour la communauté de John Thunder à Buffalo Point, ainsi que The Pas. En Saskatchewan, je recommanderais un certain nombre de communautés. Le Meadow Lake Tribal Council s'est fait connaître sur la scène internationale dans les dossiers du bois d'œuvre et d'autres activités. La communauté de Brian Standing, à White Buffalo, et celle de Darcy Bear ont des projets de développement incroyables, de même que Muskeg Lake.
Ces communautés ont profité des droits fonciers issus de traités pour stimuler la croissance économique. Voilà un aspect que vous devriez examiner. En Alberta, il y a Siksika, dans le sud; dans le nord, dans la région des sables bitumineux, adressez-vous à des gens comme Dave Tucker, qui a réalisé une quantité incroyable de projets de développement; il y a Sawridge, évidemment. Il y a beaucoup de communautés à cet endroit, par exemple, Hobbema et Sarcee. La nation Tsuu T'ina, qu'on appelait autrefois les Sarsis, s'est beaucoup développée et elle a dû composer avec toute une série de problèmes qui seraient intéressants d'étudier.
En Colombie-Britannique — pour laquelle j'ai un penchant, évidemment —, on trouve beaucoup de communautés : Osoyoos, avec son chef Clarence Louis; Squamish; Tsawout sur l'île de Vancouver; Campbell River; les communautés Sto:lo à Chilliwack et aux alentours; la communauté Lheidli Tenneh près de Prince George et certains projets de développement auxquels les Carriers ont participé, dans le domaine de l'exploitation forestière, des concessions de fermes forestières, et cetera. Au nord, vous avez déjà nommé certaines communautés que vous allez visiter. Richard Sidney, au Yukon — on a déjà parlé du Yukon.
Il y a une foule de communautés et des dirigeants qui font des efforts et qui persévèrent.
Le président : Y a-t-il d'autres questions à la suite de ce que M. Jules a dit?
Le sénateur Léger : Cette dernière liste me satisfait davantage. J'étais sur le point de dire combien de fois nous avions rencontré des dirigeants ici — c'est merveilleux. Aujourd'hui, les Autochtones ont la chance de faire des études, et même des études supérieures. Je ne vois pas comment vous pourriez reculer. C'est impossible. Je crois que vous êtes des précurseurs de jours meilleurs.
Avez-vous le même sentiment, c'est-à-dire que les choses vont continuer à changer pour votre fils? Vous nous avez donné une belle liste ici, et il est à espérer que tout cela continuera.
M. Jules : Une des choses qui me stimulent, c'est l'espoir en l'avenir. Il y a un certain temps, alors que nous faisions une de nos nombreuses marches, mon fils m'a demandé : « Papa, pourquoi j'existe? Pourquoi je suis ici? » C'est une question difficile. Nous avons continué à marcher dans le petit sentier, puis je lui ai dit : « Mon fils, je crois que nous sommes tous ici pour faire de ce monde un endroit meilleur ».
Le président : Sur cette note, je vous remercie beaucoup, monsieur Jules. Votre témoignage de ce soir est vraiment inspirant et nous aidera beaucoup dans notre étude.
Nous vous reverrons sans doute. Il y a un projet de loi qui vous tient évidemment très à cœur, le projet de loi C-20, qui nous sera soumis en temps et lieu.
Par suite de votre témoignage de ce soir, pouvons-nous dire que nous sommes totalement inspirés et qu'il ne sera pas nécessaire de vous revoir concernant ce projet de loi, ou allez-vous insister pour revenir?
M. Jules : Vous êtes les sénateurs.
Le président : Merci beaucoup.
La séance est levée.