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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 3 - Témoignages du 7 décembre 2004


OTTAWA, le mardi 7 décembre 2004

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, dans le but d'examiner, afin d'en faire rapport, la participation des peuples et des entreprises autochtones aux activités de développement économique au Canada.

Le sénateur Nick G. Sibbeston (président) occupe le fauteuil.

[Note de la rédaction : Une partie du témoignage a été présentée en déné par l'entremise d'un interprète.]

[Traduction]

Le président : Nous souhaitons la bienvenue à M. Anderson, de la faculté d'administration de l'Université de Regina. M. Anderson a effectué des recherches sur l'entrepreneuriat et le développement économique, la gestion des ressources et le développement durable, les revendications territoriales et le développement économique des Autochtones, ainsi que les alliances entre les entreprises et les Autochtones. Ce sont tous des sujets auxquels nous nous intéressons. Bienvenue à notre comité. Je vous cède la parole.

M. Bob Anderson, professeur agrégé, Faculté d'administration, Université de Regina : Je suis heureux de vous rencontrer. Vous me demandiez, dans la lettre d'invitation, de vous aider à définir un cadre théorique ou à mettre au point une méthode de pratique pour votre prochaine étude sur la participation des Autochtones au développement économique. Je peux peut-être faire les deux.

Bien entendu, comme vous êtes amplement en mesure de vous occuper du deuxième point, je vais mettre l'accent sur le premier, soit la perspective théorique, un sujet que j'ai abordé dans le cadre de mes travaux et de mes articles. La perspective théorique s'applique au contexte autochtone; elle peut toutefois s'étendre au développement communautaire dans la nouvelle économie.

Avant de me retrouver à l'Université de Regina, j'ai enseigné pendant 10 ans au Saskatchewan Indian Federated College, aujourd'hui connu sous le nom d'Université des Premières nations du Canada. Celle-ci occupe un édifice neuf et merveilleux qui ressemble, mais en plus petit, au Musée des civilisations, puisque c'est le même architecte qui l'a conçu. Je travaille avec des Autochtones, et le développement économique autochtone est un sujet qui m'intéresse depuis plusieurs années.

Le développement économique des Autochtones n'a pas fait l'objet d'un grand nombre d'études. Toutefois, la question suscite, aujourd'hui, plus d'intérêt. Il demeure cependant difficile de trouver de l'information là-dessus. C'est un domaine plutôt restreint, mais qui prend de l'ampleur. Ainsi, nous comptons lancer une nouvelle publication sur le développement économique des Autochtones à l'occasion d'une conférence qui aura lieu en février 2005, en Australie. Cette publication fournira davantage de renseignements sur le sujet. Cela fait environ cinq ans que je participe au projet, grâce aux quelques subventions reçues du CRSH. J'ai réussi, par ailleurs, à mettre la main sur une cinquantaine d'articles et de discours qui traitent de la question.

Je m'intéresse aux mêmes questions que vous. En fait, mon mandat et celui que vous devez remplir au cours des prochaines années à venir, et qui ne tient qu'à un seul paragraphe, se recoupent. Je fais partie d'un groupe de chercheurs qui a obtenu une subvention du CRSH dans le but de définir une perspective théorique qui devrait nous permettre de comprendre comment le développement économique des peuples autochtones s'inscrit dans la nouvelle économie. La perspective théorique que nous avons élaborée s'appuie sur cette idée.

Il en est question, d'ailleurs, dans le document que je vous ai fait parvenir. Ce document est plutôt long et sans doute plus aride que ce que vous auriez aimé recevoir. Je pense qu'on vous l'a distribué. Il peut peut-être vous aider à définir le cadre théorique dont vous avez besoin pour votre étude.

Le fait est que le développement est un phénomène nouveau. Ce n'est que depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale que l'on s'intéresse à la question. Deux écoles de pensée ont dominé au cours de cette période. La première, soit la théorie de la modernisation, laisse entendre qu'une collectivité peut uniquement arriver à se développer si elle délaisse ses méthodes traditionnelles et imite les autres. C'est là la clé du développement — il faut se moderniser, se doter d'institutions, imiter le modèle occidental. Une fois cet objectif atteint, le développement sera possible.

La deuxième école de pensée, qui a dominé pendant les années 50 jusqu'aux années 80, soutient le contraire. Elle juge cette théorie dépassée. Les collectivités qui tentent de suivre le même cheminement que le noyau de pays qui se sont développés finissent par se retrouver dans une situation de dépendance. Elles ne constituent qu'une annexe de ce noyau économique vers lequel affluent toutes les richesses. Les populations marginales restent dans un état de dépendance. Ces deux éléments ont fait partie du débat théorique qui a eu cours pendant une bonne partie des années 50, et ce, jusque vers la fin du XXe siècle.

Manifestement, ces deux théories ne font pas partie du discours des peuples autochtones quand ils parlent de développement. Ils veulent en fait l'inverse. Ils veulent développer leurs collectivités comme ils l'entendent, en se fondant sur leurs traditions et en prônant l'autonomie administrative, par opposition à l'autonomie gouvernementale, et l'autodétermination — le contraire de l'état de dépendance. Or, il y a des faits concrets qui contredisent totalement ces deux théories.

Nous avons essayé, dans le cadre de nos travaux, de définir une théorie qui rend possible le développement tout en préservant les valeurs traditionnelles, les caractéristiques uniques d'un peuple. On peut protéger et renforcer ces caractéristiques tout en participant de façon active à la nouvelle économie mondiale. C'est ce que confirme la théorie dite « de régulation ». Cette nouvelle économie suppose une nouvelle façon de faire les choses. Elle accorde une place plus large aux habitudes locales, au caractère distinct des peuples et des groupes.

En théorie, on pourrait soutenir que les peuples autochtones, entre autres, assurent déjà leur développement, ce qui est vrai. En effet, il est clair, quand on se rend dans des collectivités que je connais bien, comme la Première nation d'Osoyoos, dans la vallée de l'Okanagan, la Première nation du lac La Ronge, dans le nord de la Saskatchewan, ou encore la Première nation du lac Muskeg ou Membertou — la liste est longue — que certaines collectivités sont en mesure d'assurer leur développement économique. L'avenir dans leur cas s'annonce prometteur, parce qu'elle se débrouillent fort bien.

Pour ce qui est des alliances entre les entreprises et les Autochtones, elles sont nombreuses. Vous allez entendre, sous peu, le témoignage d'une association qui fait partie du Aboriginal Pipeline Group. Le pipeline de la vallée du Mackenzie opère dans des circonstances qui sont bien différentes de celles décrites par la commission Berger. En effet, on est en train d'assister, dans le Nord, à un changement de politique entourant ce dossier, et ce , sur trois fronts : les droits fonciers, les partenariats entre les Autochtones et les entreprises, et la participation des Autochtones aux activités économiques. Ces critères peuvent servir de fondement à un cadre théorique. Je ne propose pas que vous les adoptiez, mais vous pourriez vous en inspirer.

Le président : Nous allons maintenant passer aux questions.

Le sénateur Christensen : À votre avis, quels sont les éléments qui pourraient contribuer à favoriser le développement économique traditionnel? Quels sont les points que les Premières nations partagent en commun , dans une certaine mesure?

M. Anderson : Les différences entre les groupes sont nombreuses. Ils ont un sens plus poussé de la responsabilité collective. Voilà pour le premier point. Ensuite, ils estiment que l'économie et la vie en général sont étroitement liées, autrement dit que le développement durable et l'environnement font partie intégrante de l'économie, et enfin, que les droits autochtones fondamentaux constituent une assise solide, et sans doute , une base de ressources pour les nations. Ce sont les trois éléments qui me qui viennent à l'esprit.

Le sénateur Christensen : Comment peut-on intégrer ces éléments à un cadre national de développement économique?

M. Anderson : C'est difficile parce que, même dans le contexte d'une perspective théorique, il faut accorder une large place aux intérêts locaux et régionaux par opposition aux intérêts nationaux, chose tout à fait normale au Canada. À l'échelle nationale, il faut faciliter, reconnaître les revendications territoriales et autres droits puisque cette solution ne fait que des gagnants. Le prochain groupe de témoins que vous allez entendre a présenté une revendication territoriale fort intéressante. À l'échelle nationale, il faut adopter une politique qui permet à chaque groupe de suivre son propre cheminement. Il est question ici de gouvernance, non de gouvernement. Comment peut-on amener les Autochtones à prendre des décisions au sujet de l'utilisation et de la gestion de leurs ressources à l'intérieur d'un gouvernement national, sans trop intervenir dans le processus décisionnel? Il faut élaborer un cadre.

Le sénateur Christensen : Comment peut-on justement élaborer un cadre quand on sait que les gros projets de pipeline, comme ceux envisagés dans les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon, des projets d'envergure nationale et internationale, des projets de coentreprise, reposent sur la participation de grandes sociétés qui doivent conclure des alliances avec des bandes ou des Premières nations? Pour ces grandes sociétés, le temps, c'est de l'argent. Elles n'ont pas de temps à perdre. Comment pouvons-nous aider les Premières nations à sensibiliser les grandes sociétés aux différences qui existent?

M. Anderson : C'est quelque chose que nous sommes en train d'examiner. Les sociétés ont fait beaucoup plus de progrès qu'on ne le pense à ce chapitre, car elles savent davantage ce qu'on attend d'elles. Il y a des entreprises extraordinaires qui, lorsqu'elles commettent des erreurs, n'hésitent pas à les corriger. La compagnie Shell, au Nigeria, avait une réputation terrible. Or, le nouveau président a adopté une merveilleuse politique qui favorise la collaboration avec les peuples autochtones. Il est en train de changer les choses.

Les grandes sociétés sont prêtes à faire plus. Elles laissent entendre, dans une certaine mesure, que si les autres intervenants faisaient leurs devoirs, elles pourraient agir plus rapidement. Elles ont tendance à montrer du doigt le gouvernement et non les peuples autochtones. Les Autochtones ont une grande expérience des coentreprises.

Les études de cas peuvent , à cet égard, être très utiles. En effet, il existe de nombreuses études de cas qui peuvent servir de modèles à suivre. Mentionnons, par exemple, la collaboration entre les Premières nations et Cameco, la bande indienne d'Osoyoos et Vinco, un producteur de vin, les coentreprises auxquelles participent PCL Construction, à l'échelle du pays, et les Autochtones.

Les Autochtones sont prêts à participer à des projets de coentreprise. Cette volonté cadre avec la perspective théorique, le principe de l'économie nouvelle qui laisse entendre que les grandes sociétés sont beaucoup plus susceptibles d'établir des partenariats et des réseaux, de créer des alliances, et non d'exercer seules un contrôle sur toutes les opérations, du début à la fin. La perspective théorique a fait ses preuves, car il existe déjà plusieurs modèles en place. Il n'est pas nécessaire d'adopter une politique nationale; il faut plutôt entreprendre une campagne de sensibilisation sur les modèles à suivre. On est en train d'accomplir des choses extraordinaires dans tous les secteurs.

Le sénateur Christensen : Le problème, quand on crée une coentreprise dans le cadre de projets de grande et même de moyenne envergure, c'est qu'une fois qu'on a versé beaucoup d'argent aux Premières nations, plus rien ne se passe. On promet des emplois, sauf que ce sont des emplois mal rémunérés. Il n'y a pas de formation, d'encadrement pour aider les gens à améliorer leurs compétences pour qu'ils puissent progresser. On investit beaucoup d'argent dans ces projets, mais c'est un geste purement symbolique qui n'aboutit à rien. Comment peut-on venir à bout de ce problème?

M. Anderson : Les entreprises qui sont efficaces le font elles-mêmes. Prenons l'exemple de Cameco qui, au fil des ans, a changé d'attitude. Elle soutient maintenant qu'elle est en mesure de travailler avec les collectivités locales, autochtones ou autres, et que c'est là que réside la clé de son succès. Cette collaboration lui permet d'obtenir des permis et d'entreprendre des projets d'exploration des ressources dans tous les pays du monde. Elle n'hésite pas à mettre en évidence son bilan, les politiques qu'elle a adoptées. Toutefois, ce ne sont pas toutes les entreprises qui agissent de la sorte. Beaucoup ne le font pas.

Nous sommes en train, de concert avec le Conference Board, de mener un sondage sur les pratiques exemplaires, parce que certaines sociétés offrent des programmes exceptionnels qui sont très efficaces. Les sociétés qui mettent en place de tels programmes bénéficient d'un avantage stratégique, puisqu'elles arrivent ainsi à obtenir de meilleurs résultats. Prenons l'exemple de Hewlett Packard. La compagnie a décidé que si elle veut améliorer sa performance, elle doit collaborer avec les collectivités locales. Cette démarche vous amène presque tout naturellement à accomplir des choses positives au sein de la collectivité parce que la situation de l'entreprise s'améliore. Ces résultats sont de plus en plus documentés. Vous pourriez mettre l'accent sur ce facteur dans vos travaux de recherche.

Le sénateur Christensen : Pouvez-vous nous fournir une liste des entreprises qui obtiennent de bons résultats, pour que nous puissions leur demander de nous fournir une copie de leurs politiques?

M. Anderson : Oui. Vous pourriez communiquer avec le Conseil canadien pour le commerce autochtone, qui compte dans ses rangs des sociétés canadiennes qui participent au programme de relations progressives avec les Autochtones. Ce programme, qui en est encore à ses débuts, vise à mettre en place un protocole qui s'inspire de la norme ISO pour favoriser les bonnes relations entre les entreprises et les Autochtones. Ils y ont déjà consacré beaucoup d'efforts, et je pense que le Conseil accepterait volontiers de venir vous en parler. Ils essaient en fait de définir les meilleures pratiques — en quoi elles consistent, et d'englober dans celles-ci la gestion des ressources humaines. Ce groupe pourrait vous aider.

Le sénateur Gustafson : Il y a une chose que j'ai du mal à accepter. On est en train de construire une autre tour à côté de mon immeuble. Je sais qu'elle va accueillir des centaines de bureaux qui seront remplis de personnes qui n'auront pas droit à des prestations de pension à long terme. On semble — et je ne sais pas si les collectivités autochtones vivent la même chose— privilégier le travail à contrat. Les employés sont tous des contractuels. Ils ne bénéficient pas d'avantages à long terme; ils n'auront pas droit à des prestations de pension à long terme. Les Autochtones sont en train de vivre la même chose que les agriculteurs. Ce sont de gros travailleurs. Il n'est pas facile de construire un pipeline par temps très froid. Or, c'est le genre de travail que font ces gens. Je n'ai pas l'impression qu'on s'occupe d'eux.

J'aimerais avoir votre avis là-dessus. J'ai l'impression qu'on s'occupe de moins en moins des travailleurs. Les pétrolières font des profits mirobolants en raison du coût élevé du pétrole, mais la plupart des emplois sont à contrat. Une fois le boom terminé, elles vont dire aux travailleurs : « Merci. Prenez votre camion et allez-vous chercher un emploi ailleurs. »

M. Anderson : C'est vrai qu'il y a des inconvénients. C'est l'une des caractéristiques de la nouvelle économie. Les collectivités autochtones sont en train de tirer partie du travail à contrat, parce qu'elles constatent que les grandes sociétés sont prêtes à les écouter.

Elles en profitent pour créer leurs propres entreprises. Elles cherchent toutefois à éviter ce genre de situation au sein de leurs propres compagnies. Le sénateur Christensen voulait savoir ce qui distinguait les entreprises autochtones des autres. Certaines, à tout le moins, adoptent des politiques différentes à l'égard de l'emploi, de la collectivité. Au lieu de faire comme les grandes entreprises qui, une fois le travail terminé, quitte les lieux immédiatement, elles donnent des contrats de sous-traitance à des groupes autochtones. Elles transforment les avantages éphémères en avantages durables. Elles essaient d'appliquer cette politique aux mines de diamants qui se trouvent dans le Nord. BHP Billiton et Rio Tinto, qui financent les projets Diavik et Ekati dans le Nord, donnent beaucoup de travail en sous-traitance aux cinq collectivités situées à proximité des mines de diamants. Le travail est tel que, une fois les diamants extraits et les sites nettoyés, les sociétés plient bagage et les collectivités finissent par se retrouver dans la même situation qu'avant, ou même pire. Le travail à contrat permet aux collectivités de renforcer leur économie pour qu'elle puisse continuer de fonctionner une fois que les mines de diamants ont fermé. Il faut donner aux collectivités autochtones les outils dont elles ont besoin pour créer des entreprises. Ce qu'elles en font dépend de tout ce que nous avons dit plus tôt.

Le sénateur Gustafson : Vous dites qu'elles créent une société parapluie qui s'occupe des détails et qui offre, par exemple, des prestations de pension à long terme, une certaine stabilité. Or, ce n'est pas du tout ce qui se passe dans le cas des travailleurs blancs présents dans les champs pétrolifères. Ils doivent se débrouiller seuls.

M. Anderson : Cette situation est en partie attribuable au fait que les entreprises, dans un premier temps, sont créées dans un but différent. On a l'impression qu'elles appartiennent à la collectivité, probablement parce qu'elles reconnaissent les droits fonciers des Autochtones. Les entreprises qui sont susceptibles de développer la collectivité, de lui offrir des perspectives d'emploi et de formation, vont chercher non seulement à exploiter la mine de diamants et à construire des routes, par exemple, mais aussi à obtenir des contrats municipaux dans d'autres localités.

La Première nation d'English River, dans le nord de la Saskatchewan, participe à un projet de coentreprise avec une société d'exploitation minière de roche dure. Elle a profité de cette occasion pour prendre part à un projet d'exploitation de mines d'uranium. Elle fait maintenant partie de la compagnie qui s'occupe d'effectuer des travaux préliminaires sur les mines dans le Nord. Quand le projet de la mine Cluff Lake a pris fin, la société responsable a quitté les lieux, mais grâce à ces entreprises dérivées, les collectivités dans le Nord sont en mesure de poursuivre le travail. La nouvelle économie permet donc à certaines collectivités autochtones de créer leurs propres entreprises.

Le sénateur Gustafson : Est-ce que les collectivités autochtones ont toutefois accès à une partie des ressources?

M. Anderson : Cela dépend des circonstances. Souvent, la société est consciente du fait qu'elle n'accomplira rien si elle ne travaille pas en partenariat avec les collectivités autochtones. Très souvent, la collaboration se fait par l'entremise du processus environnemental, du moins en ce qui concerne les mines de diamant. Les deux grandes sociétés savent que si elles veulent que leurs projets soient acceptés sur le plan environnemental, elles doivent convaincre les collectivités autochtones de leur bien-fondé. La meilleure façon d'y arriver, c'est d'établir un partenariat avec les collectivités. Celles-ci veulent avoir l'occasion de faire plus que de créer des emplois au bas de l'échelle. Les collectivités dans le Nord veulent renforcer leur économie, se fonder des entreprises, assurer leur avenir et non pas uniquement se contenter de créer des emplois. Ce sont les collectivités qui doivent trouver une solution au problème, non pas les sociétés. Celles-ci peuvent partir une fois le travail terminé. Les collectivités, elles, doivent construire des routes et s'occuper des questions environnementales. Elles doivent voir à ce que les routes ne traversent leur territoire de piégeage. Elles doivent construire des entreprises autour de celui-ci.

Le conseil tribal du lac Meadow, en Saskatchewan, a conclu une entente avec le gouvernement provincial en vue d'assurer la gestion des ressources forestières dans la partie nord-ouest de la province. Millar Western, une usine de pâte de l'Alberta, souhaitait y construire une papetière. Elle était prête à construire le pipeline et à installer une clôture tout autour. Le conseil tribal, lui, pouvait s'occuper de toutes les autres questions, comme la construction de routes, et décider s'il y avait lieu de couper la forêt à blanc ou sur petites aires. L'unique chose qui l'intéressait, c'était que le bois soit livré à temps, que le prix soit juste et que le conseil tribal règle toutes les autres questions. C'était un partenariat idéal.

Il y a eu beaucoup de discussions au sein des collectivités autochtones entourant les opérations forestières. Des barrages routiers ont été érigés, mais le débat visait uniquement les sept Premières nations qui composent le conseil tribal. Les arguments portaient sur les valeurs traditionnelles, les pratiques, le règlement des dossiers gérés par le conseil tribal. La papetière a laissé à d'autres le soin de régler toutes les questions que suscitent habituellement les projets de ce genre. Les personnes qui les ont soulevées s'en occupent directement. C'est un modèle merveilleux qui est repris dans bon nombre de régions.

Le sénateur Gustafson : La « mondialisation » est, à mon avis, un bien grand mot. Le Canada est à la traîne dans de nombreux domaines. Prenons l'exemple du secteur agricole. Nous ne savons pas du tout ce qui se passe à l'échelle planétaire dans ce secteur, ce que font, par exemple, les Américains et les Européens. Est-ce que les décisions prises dans ce dossier ont un impact sur les collectivités autochtones?

M. Anderson : Vous soulevez là une question intéressante. La réponse est presque la même. Les forces de mondialisation qui semblent constituer un enjeu présentent également des possibilités extraordinaires. En effet, les expériences réussies se traduisent par des connaissances, des compétences, une sensibilisation accrues.

Il est intéressant de voir à quel point ce phénomène influe sur les sociétés. Au bout du compte, les sociétés et les gouvernements sont le visage de la collectivité, et je m'exprime du point de vue de la collectivité. La société Shell a été confrontée à de nombreux problèmes au Nigeria. Elle a fini par apprendre, et est devenue plus réceptive aux forces en présence dans la région.

La mondialisation englobe également les secteurs civils. Greenpeace, entre autres, oblige les grandes sociétés à changer leur façon de faire, et c'est là un des aspects les plus prometteurs de la mondialisation. Les grandes sociétés ne doivent pas seulement faire du bon travail, elles doivent également agir correctement. Pour y arriver, elles doivent de plus en plus tenir compte des collectivités ou des régions dans lesquelles elles s'implantent. Elles doivent composer non seulement avec les nations autochtones, mais également avec les collectivités locales, parce qu'elles risquent de les placer en conflit avec le gouvernement national.

Prenons l'exemple de la nation U'wa, en Colombie. Le gouvernement colombien voulait faire de la prospection pétrolière sur le territoire d'un groupe autochtone qui ne voulait rien savoir du projet. La société Occidental Petroleum et le gouvernement colombien avaient conclu une entente. Les U'wa ont dit « non », et Occidental s'est retirée du projet parce qu'elle ne pouvait aller de l'avant avec celui-ci — même si le gouvernement était de son côté — sans l'accord des U'wa. Occidental a jugé qu'elle pouvait travailler dans de nombreuses autres régions, avec les collectivités locales, et trouver une proposition gagnante.

On constate de plus en plus que la mondialisation entraîne à la fois des effets négatifs et positifs. Les avantages dépendent des circonstances qui existent dans une région particulière.

Le sénateur Gustafson : Il me semble que vous êtes en train de nous dire le contraire de ce que nous avons l'habitude d'entendre — que les grands conglomérats prennent de l'expansion. Nous lisons des articles à ce sujet tous les jours dans les journaux. Vous dites qu'ils sont en train de devenir tellement puissants qu'ils se prennent pour des gouvernements.

M. Anderson : La mondialisation leur donne certainement le pouvoir de graviter autour des gouvernements.

Le sénateur Gustafson : Elle leur donne également le pouvoir de forcer les gouvernements à adopter des politiques qui les favorisent.

M. Anderson : Peu importe leur taille, elles finissent toujours par aboutir en quelque part. Il est toujours possible de conclure des ententes intéressantes avec elles parce qu'elles sont établies en réseau, elles ont réglé les questions prioritaires et elles emploient le minimum de ressources nécessaires. Elles savent qu'elles doivent établir de bonnes relations avec les habitants de la région où elles souhaitent s'implanter. Ce facteur fait de plus en plus partie de la mondialisation. Aussi étrange que cela puisse paraître et aussi puissantes qu'elles soient, les grandes sociétés accordent aujourd'hui beaucoup plus d'importance aux bonnes relations qu'elles entretiennent avec les habitants des différentes régions du monde qu'elles ne le faisaient dans le passé. Cela ne veut pas dire qu'elles vont cesser de faire de la spéculation. Elles vont certainement continuer à le faire. Elles le font toujours. J'entends des histoires au sujet des constructeurs de véhicules automobiles ici dans les États du sud. Ils vont certainement essayer de créer une rivalité entre un endroit et l'autre.

Au moins, elles créent des possibilités, surtout quand il est question de ressources et de territoires. Elles ne peuvent pas être partout en même temps, ce qui offre des occasions incroyables aux collectivités locales.

Les entreprises qui entretiennent de bonnes relations avec les collectivités sont, habituellement, des sociétés qui exploitent des ressources ou qui construisent des pipelines. Il est très important pour elles d'être sur place. Les sociétés qui sont les moins susceptibles d'entretenir de bonnes relations avec les collectivités sont les entreprises de détail. Walmart n'est pas le meilleur exemple à citer. Cette question ne les intéressent guère. Par contre, la Baie, qui exploite des magasins dans le Nord, adopte le genre de politiques en matière de ressources humaines auxquelles nous faisons ici allusion. Au lieu de faire venir des Écossais pour gérer les magasins dans le Nord, comme elle l'a fait il y a 10 ou 15 ans, elle confie des postes de gestion à des habitants du Nord.

Le sénateur Gustafson : Merci, professeur. Vous venez de Regina et vous avez manifestement le sens des réalités.

Le sénateur Watt : Je voudrais continuer de parler de mondialisation, et aborder aussi la question des besoins en capitaux.

Nous devons établir des règles du jeu équitables pour que les Autochtones puissent avoir leur place au sein d'une communauté internationale. Vous avez parlé de différents signes qui existeraient pour un entrepreneurship plus expéditif et fructueux.

Selon vous, que faut-il entre le peuple autochtone et le gouvernement du Canada pour éliminer les obstacles qui existent, comme les règlements internationaux et canadiens? Un autre obstacle est celui des objectifs divergents dans l'utilisation des terres et des ressources naturelles. Je pense que vous comprenez ce que je veux dire.

Que faudrait-il pour amener le gouvernement du Canada à abattre ces obstacles afin que nous puissions avancer?

Ma deuxième question concerne le besoin de capital. Il arrive qu'il nous faille employer l'argent des revendications territoriales comme capital pour stimuler l'activité économique. De temps à autre, de façon sporadique, le gouvernement du Canada crée des mesures de financement, mais ce n'est jamais assez pour atteindre l'objectif visé. L'aspect de la sécurité est toujours négligé, et le montant du capital insuffisant.

Que pensez-vous de l'idée de créer une société nationale de financement, sous l'égide du gouvernement fédéral, dans le but d'un jour éliminer le ministère des Affaires indiennes? Comme vous le savez, les Affaires indiennes existent depuis presque aussi longtemps que le pays, et le ministère ne sert pas à grand-chose d'autre qu'à employer un nombre illimité de bureaucrates.

M. Anderson : Je commencerai par dire que je préférerais voir le développement de l'entreprise et la poursuite des opportunités. Dans l'étude de la petite entreprise, soit de l'entrepreneurship et du développement économique en général, nous trouvons que l'accès au financement et au capital n'est pas le pire obstacle au développement. C'est, de façon générale, l'identification des bons débouchés et l'élaboration d'un bon plan pour s'emparer des occasions qui se présentent. Le financement suit souvent le plan, bien que cela ne veuille pas dire qu'il n'y a pas toutes sortes d'obstacles à franchir, en ce qui concerne l'accès équitable au financement.

Vous le savez mieux que moi, les règlements de revendications territoriales ont un élément largement économique. Telle que je la comprends, la politique fédérale dit explicitement que l'un des résultats attendus du règlement de revendications territoriales est l'épanouissement économique des collectivités. Cependant, cela ne s'applique qu'à quelques collectivités.

Les deux collectivités dont j'ai parlé, les bandes indiennes Osoyoos et lac La Ronge, n'ont pas eu de règlement de revendication territoriale. Elles exploitaient des créneaux intéressants. Elles recherchaient énergiquement du financement, où et comme elles le pouvaient, elles se sont butées aux obstacles dont vous avez parlé et on trouvé moyen de les contourner. Les obstacles au financement des bonnes idées sont la norme, plutôt que l'exception.

Je pense que le gouvernement fédéral pourrait créer quelque chose dans un cadre d'affaires, avec un budget suffisant pour financer les occasions d'affaires qui en valent la peine. Entreprise autochtone Canada le fait, mais à très petite échelle, selon les montants dont elle dispose. Jeudi, je dois rencontrer six Autochtones qui préparent des propositions à présenter à Entreprise autochtone Canada, d'une valeur de 5 000 à 15 000 $. Il serait vraiment important de créer quelque chose de plus abondant pour ouvrir l'accès aux débouchés.

Les gens du Nord pourront vous en parler plus en détail. Le financement de l'Aboriginal Pipeline Group, dans le Nord, dont le projet n'est pas encore tout à fait terminé, a été un défi, mais il a été négocié. L'argent n'est pas venu de l'État, mais, plutôt, des membres du groupe. TransCanada PipeLines a relevé d'excellentes occasions d'affaires qu'offrait le pipeline et a versé une part du financement provisoire pour le projet.

Si nous nous concentrons sur la capacité, sur les modèles de développement et si nous stimulons ce qui est déjà un processus très fructueux, cela deviendrait une question de mettre suffisamment d'argent à la disposition de projets d'affaires viables. Ce serait possible avec un modèle comme la Banque fédérale de développement, qui pourrait se rapprocher de ce dont vous parlez, ou de la Société pour l'expansion des exportations, qui ne donne pas l'argent mais offre plutôt un financement provisoire.

Les fondations indiennes de placement de tout le pays sont un grand succès, et elles sont très modestes. La Saskatchewan Indian Equity Foundation est une merveilleuse petite organisation. Elle remporte beaucoup de succès en offrant un financement à un petit nombre d'entreprises prospères. C'est une question de créer un bassin de capital qui soit un peu plus facile d'accès.

L'un des grands succès du monde est la Grameen Bank. C'est à une échelle réduite, mais le principe est que si on met l'argent entre les mains de gens qui sont déterminés à créer des entreprises et qui ont de bonnes idées, on n'a rien à perdre. Le taux de remboursement à la Grameen Bank est absolument fantastique. Il est aussi bon que celui des banques d'investissement les plus rigoureuses du monde.

Ce sont des choses comme ça, un mécanisme pour faire sortir l'argent, qui constitue une dette, mais une dette qui a un certain bon sens, qui comprend ce qui se passe et qui a un peu plus de patience que dans le cas d'une simple dette à une banque, qui pourraient fonctionner. Je ne pense pas que ce soit tellement difficile à réaliser. C'est plus une question de mettre assez d'argent à la disposition des gens. Il en faudrait beaucoup. Il y a des tas de débouchés fantastiques à exploiter, qui n'attendent que d'être financés.

Le sénateur Léger : Comment le gouvernement et les entreprises peuvent-ils graduellement changer la mentalité autour de cette question? Je pense que cela n'arrivera jamais. Vous nous avez dit que Greenpeace nous oblige à penser autrement, mais nous avons beaucoup de chemin à faire. Les droits des Autochtones sont établis. Est-ce que les entreprises participent à l'éducation des gens aussi?

M. Anderson : On peut compter sur les entreprises pour s'acquitter très bien de la formation initiale et elles s'efforcent de plus en plus de faire grimper l'échelle hiérarchique à leurs employés, mais c'est tout.

Vous avez parlé des droits des Autochtones. Peut-être mon parti pris va-t-il vous sembler évident, à cause des rapports que j'entretiens de longue datte avec le Saskatchewan Indian Federated College et avec leurs travaux budgétaires au fil des années, mais la réaction la plus bête que j'ai jamais vu prendre au gouvernement, c'est cette approche pointilleuse du droit à l'éducation. Je ne vois absolument pas pourquoi nous privons la communauté autochtone d'éducation. C'est une communauté pleine de gens qui obtiennent leur diplôme d'études secondaires d'écoles financées par leurs bandes. C'est un nouveau réseau d'éducation fabuleux, qui fait un travail fantastique.

Cependant, il y a beaucoup de problèmes. Par exemple, dans une école du nord de Regina, les parents ont occupé l'école en signe de protestation, parce qu'ils trouvaient que les normes n'étaient pas assez élevées dans leur école locale, que ses programmes de mathématiques et de sciences n'étaient pas d'assez haut niveau. Bien que l'école soit conforme aux exigences de la province, les parents voulaient des programmes meilleurs et plus avancés pour leurs enfants. Cela vient de la collectivité.

Ils se butent réellement à un mur, parce que les étudiants autochtones qui obtiennent leur diplôme d'études secondaires et veulent faire des études postsecondaires n'y parviennent pas. Je ne sais pas quelle est la portion des étudiants qui y arrivent. Je dirais qu'environ 25 p. 100 d'entre eux sont financés. J'ai bien de jeunes amis qui sont retournés dans la collectivité et ont travaillé dans le milieu de l'éducation postsecondaire dans les collectivités, et il y a des listes d'attente pour ces étudiants qui fréquentent l'école. Les voilà, brillants et plein de bonne volonté, et ils veulent fréquenter l'école. Tant qu'ils n'y parviendront pas, il y aura des problèmes. Je pense que la solution est dans le financement, et que les retombées seraient faramineuses.

Le sénateur Léger : Est-ce que les entreprises peuvent le faire comprendre au gouvernement?

M. Anderson : Je pense qu'elles le pourraient. Ce sera l'un des résultats des travaux que nous faisons avec le Conference Board, à propos des modèles exemplaires entre les compagnies et le CCA, le Conseil canadien pour le commerce autochtone. L'un de leurs grands programmes est un programme de la septième génération. L'autre, c'est le FAAY. Vous pouvez vous renseigner auprès d'eux. Ce sont tous les deux des programmes de participation des entreprises pour faire passer les jeunes par le système d'éducation, mais c'est à très petite échelle.

Le sénateur Pearson : Vous avez parlé de la Grameen Bank, et je pensais, après une visite à certaines réserves au nord de Sioux Lookout, aux modèles que nous avons employés à l'étranger, pour le microfinancement des femmes. Je parle plus précisément des femmes, dans ce cas-ci. J'ai vu, dans l'une des réserves, qu'elles avaient créé une jolie petite entreprise d'artisanat. Il doit bien y avoir des débouchés pour les femmes. Y a-t-il quelque chose de ce genre qui s'adresse particulièrement aux femmes?

M. Anderson : Il n'y en a pas, mais il pourrait y en avoir. Nous nous concentrons souvent sur les projets à grande échelle. Beaucoup de ce qui se passe dans les collectivités touche au financement à petite échelle. Nous n'avons pas de version locale de la Grameen Bank, pour simplifier les choses et voir le tableau en chiffres de 2 000 et 3 000 $. Je pense que c'est la même chose que dans la société en général, en ce sens qu'il est beaucoup plus facile d'emprunter 1 million de dollars que 50 000 $. Nous ne sommes tout simplement pas organisés pour composer avec ces chiffres modestes.

Le sénateur Pearson : Je pensais à quelques réserves de régions où le climat est rigoureux. J'ai vécu au nord de la Russie, où on cultive beaucoup de légumes. Je ne pense pas qu'on cultive de légumes dans nos réserves du Nord. Peut- être certaines femmes pourraient-elles être encouragées à l'envisager. Est-ce que cela vous semblerait une idée valable?

M. Anderson : Je le pense. Vous pourriez en parler à Wanda Wuttunee, une Autochtone de la Saskatchewan. Elle est avocate et titulaire d'un doctorat. Elle est à l'Université du Manitoba. Elle s'est toujours intéressée aux petites entreprises et aux questions touchant les femmes. Elle aurait des observations les plus intéressantes à faire sur ces questions. Je sais qu'elle serait très heureuse de pouvoir vous parler. C'est une femme fantastique.

Le président : Cela met fin à la période de questions. Je tiens à vous remercier, monsieur Anderson, pour les renseignements que vous nous avez donnés aujourd'hui. Le comité doit aller dans diverses régions du pays. Lorsque nous irons en Saskatchewan, nous nous assurerons de communiquer avec vous.

M. Anderson : J'ai été heureux d'avoir cette occasion. J'ai bien apprécié notre entretien. Vous êtes sur une voie des plus intéressantes. Je suivrai avec beaucoup d'intérêt les travaux du comité et je suis impatient de connaître vos conclusions.

Si vous avez besoin de documents d'information, vous savez comment me joindre. Je vais dresser une liste de noms d'entreprises.

Le président : Nous allons prendre un moment et demander aux témoins suivants de venir.

Nous avons une délégation du Conseil Dogrib, des Territoires du Nord-Ouest. Pour les mettre à l'aise, puisqu'ils sont loin de chez eux, je vais dire quelques mots en langue dénée.

J'ai dit qu'ils viennent de loin et que je tenais à les mettre à l'aise. Nous ne comprenons pas parfaitement la langue, parce que c'est un dialecte différent, mais il est assez similaire pour que nos témoins puissent comprendre mon message.

Je vous souhaite la bienvenue à Ottawa. Vous êtes venus de loin pour parler d'une question importante.

Je vais demander à M. Zoe de présenter la délégation.

M. John B. Zoe, négociateur en chef, Conseil des Dogrib visés par le Traité no 11 : Honorables sénateurs, je suis le négociateur en chef pour l'accord Tlicho. Je suis accompagné de Mme Bertha Rabesca Zoe, conseillère juridique; de l'aîné Harry Simpson; de l'aîné Alexis Arrowmaker, de Wekweti; et de M. James Rabesca, de Rae-Edzo, qui nous aidera à interpréter notre entretien pour les aînés. Je voudrais faire un résumé de notre participation au développement économique, et je demanderai ensuite à M. Arrowmaker de faire un exposé.

La dernière fois que j'ai eu l'occasion de faire quelque chose d'important pour un président de comité, c'était au début des années 80, lorsqu'il était premier ministre de l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest. À l'époque, nous étions en train de créer ce que nous appelions alors les « conceils régionaux et tribaux », une nouvelle instance, sous l'égide du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. C'est le sénateur Sibbeston qui était alors responsable de ce portefeuille.

Comme ce genre d'organisations était quelque chose de nouveau pour nous, nous ne savions pas comment les choses se déroulaient. Le sénateur Sibbeston m'a invité en tant que président du Conseil tribal à l'époque, et aussi Charles Den, à l'accompagner pour voir comment les Inuits dirigeaient les conseils régionaux. Nous avons été à Resolute et à Pond Inlet. Nous avons eu l'occasion d'assister au Conseil de la région de Baffin, pour voir comment se déroulaient les choses. De façon générale, ça été pour nous l'occasion d'apprendre comment tirer parti de ce genre d'organisations pour régler des problèmes de façon concrète et constituer pour nous une plate-forme que nous n'avions pas auparavant.

C'est, depuis lors, devenu ce qui est maintenant le Conseil des Dogrib signataires du Traité no 11. C'est la structure qui nous permet de faire avancer l'accord Tlicho. Cela a été une expérience instructive, et bien des gens y ont contribué au fil des années.

J'aimerais dire qui nous sommes et comment nous favorisons le développement économique, ce qui ne s'est pas fait en un jour, mais au fil du temps. Nous avons conclu des accords, dont le dernier est l'accord Tlicho. Nous savons que l'histoire des peuples de la vallée du Mackenzie, y compris les Dogrib et les Tlicho, est fondée sur le mode de vie de l'époque, lorsque nous avions la responsabilité de veiller à la protection de l'environnement et des animaux. Nous avons les terres et nous sommes chargés de veiller à ce que les animaux soient protégés dans leur habitat. Ces lois font partie intégrante de notre environnement. Nous avons des endroits où siègent les aînés pour créer ce genre de lois et de lieux où existent toutes ces choses.

Dans notre premier accord, nous parlions d'un accord de coexistence que nous avons avec les animaux, pour assurer une bonne intendance. Parfois, la situation peut se détériorer au point que les animaux ne viennent plus. Cette situation nous oblige à plus nous enfoncer dans nos propres régions. Avant, lorsque cela arrivait, le risque augmentait. Dans ces temps-là, lorsque les groupes autochtones se rencontraient, l'affrontement pouvait être bref et brutal. C'étaient les réalités de l'époque, avant la prise de contact.

Nous avons réglé ces conflits avec des traités de paix, des accords avec d'autres groupes autochtones. Dans ce cas-ci, ce serait entre les Edzo et les Akaitcho. Nous avons des noms de lieu pour décrire comment ces accords ont été conclus. Tout est écrit dans le paysage. Nous savons aussi que la traite des fourrures a favorisé cette entente. Dans tout le Canada, les premiers contacts avec les groupes autochtones ont toujours entraîné le pillage du groupe suivant. Cela a été réglé lorsque, après les traités de paix, le peuple Tlicho s'est organisé sous la gouverne des chefs du commerce, en vertu de quoi le commerce se faisait sur une base collective. Cela a donné beaucoup plus de pouvoir de négociation à notre groupe. En un sens, nous avons abordé le commerce des tout débuts sur une base d'entreprise, de telle manière que nous récoltions, cueillions et faisions du commerce pour notre propre compte. Notre culture s'est adaptée à ce mode de vie de l'époque.

Lorsque les premiers traités ont été signés en 1921, le chef Monfwi nous représentait. Notre vision du monde était pour nous un moyen de nous représenter. Nous nous sommes fondés sur elle pour nous représenter dans les audiences sur le pipeline, dans les années 70. Nous nous sommes aussi représentés dans les politiques de l'époque, lorsque nous avons travaillé avec d'autres groupes autochtones et les compagnies minières. Nous avons conclu des accords avec les compagnies minières, non seulement sur le développement économique, mais au sujet des emplois et de la formation.

À la fin des années 60 et au début des années 70, un de nos chefs, le chef Bruno, voulait aborder l'éducation de manière à intégrer l'éducation dans la culture pour que nous ne perdions pas notre identité lorsque nous apporterions de nouveaux outils dans notre culture et que nous n'aurions pas de point d'attache pour rester ce que nous étions. Ces choses qu'ont affirmées nos représentants à l'époque sont les principes fondamentaux et la base même de notre mode de pensée encore aujourd'hui.

Dans les années 60 et 70, il n'y avait presque pas d'emplois dans les collectivités. Le seul revenu disponible provenait d'activités sur le terrain, c'est-à-dire le trappage et la pêche, dont les produits étaient échangés avec des négociants.

Au début des années 70, lorsque l'on a essayé d'organiser notre participation au développement économique, nous nous sommes inspirés de notre tradition collective et nous avons emprunté des idées à d'autres groupes autochtones.

Nous sommes allés en Arizona où nous avons étudié les structures tribales, le développement économique de l'industrie minière et la manière dont ils se représentent. Nous avons rapporté des idées et mis sur pied une corporation de développement. L'idée n'était pas de faire des profits, bien que nous ne refusions pas cela, mais plutôt de former et d'embaucher nos membres afin de pouvoir créer un marché qui n'aurait pu exister si nous n'avions pas eu les habiletés nécessaires. Cette corporation existe encore et fonctionne bien, et elle nous a permis d'acquérir assez d'expérience pour pouvoir traiter avec les entreprises de développement des ressources qui existent aujourd'hui.

Aujourd'hui, nous travaillons à l'élargissement de toutes ces activités du passé. Nous essayons de reconnaître qui nous sommes et la manière dont nous abordons le développement des ressources et la formation dans notre région.

Il n'y a pas si longtemps, nous pensions que pour entreprendre des négociations de revendications territoriales, il fallait tout donner dès le départ, puis on nous redonnerait ce que nous avons négocié. Cependant, pour nous, c'est la fin, lorsque l'on se défait de ses liens avec le passé afin de s'adapter à une nouveauté en espérant y arriver. Ce concept était contre notre principe voulant qu'une entente est le prolongement de ce qui existait avant.

L'idée du droit naturel, c'est que si vous héritez de quelque chose de vos parents ou de vos grands-parents, la loi reconnaît que c'est votre droit naturel, qu'il s'agisse d'une maison ou quel que soit d'autre, et protège ce bien jusqu'à ce qu'il vous soit transféré. Vous pouvez faire ce que vous voulez de ce bien et vous pouvez le transmettre. Pour les Autochtones, on ne reconnaît pas notre droit naturel, alors par les ententes de revendication territoriale, nous tentons d'obtenir la reconnaissance de ce que nous avons hérité du passé et de notre droit de transmettre cela aux générations futures.

Cela s'applique aussi au développement économique. Nous voulons transmettre ce que nous avons appris en matière de développement des ressources afin que les futures générations puissent mettre cela à profit et améliorer ces connaissances dans la continuité de nos droits naturels.

Au début, lorsque nous avons organisé le développement économique, le chef Charlie Charlo a dit que le développement économique n'était pas quelque chose de nouveau, que cela remontait au début de l'histoire des Tlichos. Le premier commerçant qui est venu dans notre région a mis sur pied un atelier à Nishi, qui s'appelait Old Fort Ray. La Compagnie de la Baie d'Hudson avait mis sur pied au départ des postes de traite dans la région des Dogribs non pas pour faire l'échange de la fourrure mais pour obtenir de la viande de caribou, des langues et des peaux pour approvisionner les navires qui remontaient le fleuve Mackenzie. Ce n'est que plus tard qu'elle a fait la traite des fourrures.

À la fin des années 70, le premier complexe de commerce mis sur pied par le chef Charlie Charlo s'appelait Nishi. Nous commencions notre développement économique et l'adoption de ces pratiques dans notre culture. Nishi est le nom de l'établissement, et il a été choisi d'après le paysage de la région. Sa structure est similaire au paysage qui existait au début de notre histoire.

Aujourd'hui, nous bâtissons sur des principes qui remontent au début des temps. Nous ne mettons pas notre culture en jeu pour le développement économique; nous mettons plutôt le développement économique au service de notre culture afin de pouvoir aller de l'avant avec vigueur et non avec fatalité et en abandonnant notre identité afin de bénéficier du développement économique. Nous devons conserver notre identité et nos droits naturels et aller de l'avant avec vigueur, avec nos principes qui nous sont chers.

Voilà ce que j'avais à dire; je vais laisser la parole à M. Arrowmaker.

[Interprétation]

M. Alexis Arrowmaker, aîné-conseiller, Conseil des Dogribs visés par le Traité no 11 : Il me fait plaisir de comparaître devant le Sénat en ce 7 décembre 2004. Je suis heureux de constater qu'il y a beaucoup de visages rayonnants; les sénateurs sont toujours souriants et accueillants pour nous, et j'espère que nous allons leur transmettre la pareille dans nos souhaits de bienvenue.

Chez nous, j'ai beaucoup pensé à la manière dont je pouvais appuyer la société. Lorsque la société est bonne pour vous, vous devez d'une manière ou d'une autre lui offrir quelque chose en retour.

En tant que sage, je dois être disponible pour les générations futures, afin que celles-ci puissent bénéficier de ce que nous leur avons offert. Dans cette optique, j'ai toujours donné de mon temps à titre de conseiller pour notre équipe de négociations sur les revendications territoriales. J'ai appuyé cette équipe et son travail. Lorsque la société est toujours bonne pour nous, nous devons bien sûr donner quelque chose en retour.

C'est la même chose pour le Sénat. Le Sénat est ici pour ces mêmes raisons. Il y a aussi les députés du Parlement qui sont là pour faire du travail en notre nom. Je crois qu'ils ont fait un travail majestueux. Je crois que le Sénat fait aussi un travail majestueux.

J'ai souvent pensé aux sénateurs lorsque j'étais chez moi; je me demandais qui ils sont et quand j'aurai l'occasion de comparaître devant eux. Ce jour est enfin arrivé et je suis reconnaissant de constater que nous sommes assez bien représentés ici à la Chambre des communes et au Sénat. J'en suis heureux.

Je crois, en ma qualité de sage, que nous devons nous appuyer les uns les autres. En tant qu'Autochtone qui vit au- delà de la limite des arbres, je peux dire que la communauté des Wekwetis, d'où je viens, a aidé les premiers explorateurs qui sont arrivés dans la région et cela leur a permis de survivre. Nous les avons orientés et ils nous ont aidé en retour avec de l'équipement qu'ils avaient apporté et avec leur expérience. Nous leur avons montré où aller et comment survivre dans la nature. C'est comme cela que nous nous aidons les uns les autres et c'est de cette manière que nous aimerions que les sénateurs nous appuient — en nous donnant des conseils sur l'avenir.

Aujourd'hui, nous négocions nos revendications territoriales, des négociations très bien menées, en bonne foi. Nous avons entendu beaucoup de personnes à la Chambre des communes hier, dont la majorité des députés du Parti conservateur qui s'opposent aux revendications territoriales. Cependant, à certains moments, ils ont parlé du pipeline et des activités économiques là-bas. Là où nous sommes, nous ne sommes pas touchés par le pipeline autant que d'autres peuples. Il est certain qu'en raison des activités économiques dans notre région, nous voulons toujours partager le Nord avec d'autres Autochtones et avec les personnes qui y viennent.

Lorsque le pipeline sera installé, nous aimerions certainement avoir notre part. Nous pourrions peut-être avoir des retombées de ce projet. La majorité d'entre nous espérons que cela se produira.

Au fil du temps, nous avons besoin de l'appui du gouvernement fédéral, et le gouvernement fédéral a besoin de notre appui de temps en temps, aussi. À tous les quatre ans, nous les appuyons en participant aux élections. Nous avons besoin de leur aide et ils ont certainement besoin de notre aide. Tout cela est inséré dans nos revendications territoriales.

En 1971, j'ai eu l'occasion d'aller en Italie rencontrer le pape. J'avais beaucoup d'expérience des voyages, j'avais déjà été dans d'autres parties du monde, et j'ai trouvé que cela m'avait servi pour la négociation des revendications territoriales et pour aider l'équipe qui s'en charge. Si l'on tient compte de l'histoire de la relation avec le gouvernement et des traités, cela a toujours été bon jusqu'à présent. La revendication territoriale est assez bien négociée. Nous avons eu de bonnes équipes de négociation. Quatre conseillers-sages de nos quatre communautés ont travaillé avec l'équipe de négociation. Ils ont fait un excellent travail. Il y a eu beaucoup de négociations avec le gouvernement du Canada, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et avec les tribus voisines.

J'ai presque 84 ans aujourd'hui et j'ai fait ma part pour les Autochtones dans les Territoires du Nord-Ouest. Pendant plusieurs années, j'ai travaillé avec les Dénés à titre de conseiller. J'étais le chef de la nation Dogrib pendant plusieurs années et j'ai travaillé avec un bon nombre de groupes qui, je l'espère, pourront mener à bien leurs revendications territoriales. Apparemment, il y a eu un recul en 1990, mais maintenant, je suis certain que nous allons voir la lumière au bout du tunnel avec les revendications territoriales. Nous avons eu de bonnes relations avec les négociateurs et nous avons toujours pu les rencontrer en personne, heureusement, car les négociations doivent continuer.

Pendant de nombreuses années, nous avons eu de la difficulté avec divers paliers de gouvernement pour une raison. Il y avait beaucoup de critique chez les Autochtones de notre communauté. Maintenant, nous voulons mettre cela de côté et essayer de travailler pour conclure un nouveau pacte. Nous avons eu un bon départ avec l'amélioration de nos relations avec d'autres groupes des Territoires du Nord-Ouest qui font des revendications.

Je remercie les sénateurs de me permettre de comparaître devant le comité, ce que je ne pensais jamais pouvoir faire. Il y a beaucoup de groupes autochtones dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous sommes une branche de l'Assemblée des Premières nations, et il y a aussi les Dénés. Certains de ces groupes désirent peut-être comparaître devant le comité. J'espère que nous aurons de bonnes relations avec les sénateurs, avec le gouvernement du Canada et avec le reste du pays.

[Traduction]

Le président : Au nom du comité, j'aimerais dire que nous sommes heureux de vous accueillir ici aujourd'hui. C'est intéressant, car certains de nous viennent du Nord. Nous nous voyons souvent dans le Nord, mais c'est spécial de voir des gens du Nord ici à Ottawa. Je voulais m'assurer que vous receviez un bon accueil à Ottawa et j'ai apprécié votre intervention au sujet de l'entente des Tlichos.

Le comité sénatorial commence son étude sur la manière dont les Autochtones font des affaires et du développement économique. Les Dogribs des Territoires du Nord-Ouest sont probablement les plus traditionnels de tous les peuples autochtones du Nord. Ils vivent sur la terre et l'utilisent, font de la chasse et de la trappe et utilisent leurs ressources naturelles. À la fin des années 80, il était question d'ouvrir une mine de diamants dans le Nord et il y avait des discussions sur la prospection et les emplois. Éventuellement, une mine de diamants a été construite et les Dogribs ont pu passer d'une manière de vivre traditionnelle à une manière de vivre industrielle.

J'aimerais savoir ce que M. Arrowmaker et M. Simpson pensent de cela. Je sais qu'il aurait été facile de rejeter les nouvelles idées et de continuer à vivre de manière traditionnelle sur vos terres. Vous auriez pu dire à la compagnie minière de vous laisser tranquille. Cependant, vous avez reconnu une possibilité de développement et vous en avez tiré avantage et profit. Vous avez fait le saut dans le développement industriel. J'aimerais savoir ce qui explique cette transition des Tlichos.

Je sais que M. Rabesca et Mme Rabesca-Zoe ont des réponses à ces questions, mais j'aimerais savoir ce qu'en pensent M. Arrowmaker et M. Simpson.

[Interprétation]

M. Arrowmaker : La combinaison des traditions et de l'activité économique chez les Dogribs n'est pas quelque chose de nouveau pour nous. Comme le président l'a dit, nous avons déjà connu cela.

Le président a parlé d'économie traditionnelle, de la trappe, de la pêche et de la chasse. Il s'agit de pratiques traditionnelles pour nous. M. Zoe a dit que le chef Bruno avait construit l'école et qu'il était à l'origine de cette idée. Toute la communauté peut encore vivre de l'économie traditionnelle. Nous pouvons le faire, car la possibilité est là. Par conséquent, si la communauté veut vivre de l'économie des Tlichos, elle pourra le faire. C'est pourquoi le chef Bruno a dit qu'il nous fallait être fort.

Nous avons également parlé de notre histoire — de la manière dont la traite de la fourrure fonctionnait dans notre région lorsque les premiers Européens sont arrivés. Sans notre aide, je pense qu'ils n'auraient pas survécu dans la nature. Sans notre expertise, ils n'auraient pu retourner d'où ils venaient. C'était un bon échange, et les deux parties travaillaient ensemble. Nous avions même un échange de courriers entre notre région et Edmonton. Il y avait même du transport de marchandises dans la région d'Edmonton. Depuis cette époque, nous avons été témoins de nombreux changements. C'est ainsi que le traité de paix a été établi.

Lorsque je faisais encore de la trappe, il y avait trop de trappeurs dans la région. C'était difficile de trouver un territoire de trappe. Parfois, je revenais bredouille, mais de toute façon, je devais vivre avec ma communauté, qui était habituée à l'entraide.

Au sujet de l'activité minière, nous avons établi un accord à ce sujet. Les aspects de l'emploi et de la formation devaient être inclus. C'est ce type d'accord que nous concluons avec les compagnies minières.

L'autre point à prendre en considération, c'est le fait que nous ne savons pas combien de temps vont durer les activités minières. Nous ne savons pas combien de temps va durer la mine. Nous ne sommes pas certains de sa durée de vie.

Je suis heureux de vous raconter l'histoire de ma région. Mais étant donné que nous sommes limités dans le temps, je vais essayer de dire tout ce que j'ai à dire.

[Traduction]

Le président : Nous avons jusqu'à environ 11 h 15, puis ensuite une autre séance est prévue dans cette salle.

Si M. Arrowmaker a terminé, M. Simpson serait-il prêt à dire quelques mots?

[Interprétation]

M. Harry Simpson, aîné-conseiller, Conseil des Dogribs visés par le Traité no 11 : Je suis l'un des sages du comité consultatif de l'équipe de négociation. Je viens de la région de Fort Simpson. C'est pourquoi l'on m'a appelé « Simpson ». Mes parents voyageaient avec moi jusqu'à la région des Sahtus où nous vivions sur nos terres ancestrales, et nous vivions de la trappe et de la chasse. Nous avons couvert une grande surface dans la région des Dogribs, avec les tribus voisines.

Ce que nous faisons aujourd'hui, ce n'est pas nouveau, mais nous devons travailler ensemble afin de prendre de bonnes décisions pour les générations futures.

Je suis heureux d'être ici. Beaucoup de personnes nous respectent et nous les respectons en retour. Cela fait partie de notre tradition. Sans l'équipe de négociation, je ne pense pas que nous serions ici. Nous n'avions jamais pensé pouvoir vous rencontrer, et nous sommes reconnaissants d'être ici aujourd'hui. Nous remercions notre équipe de négociation pour nous avoir permis de venir ici comparaître devant vous.

Noël arrive bientôt et nous espérons que vous aurez tous de bonnes vacances de Noël.

Il y a des défis à relever tous les jours. Il ne faut pas avoir peur du développement, car le développement peut donner des résultats positifs. Nous devons relever les défis. C'est de cette manière que nous envisageons la nouvelle ère qui commence. Notre défi est de réussir le processus de revendications territoriales actuel. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici, et c'est important à préciser.

Nous ne voulons pas perdre nos traditions, notre culture, notre langue ni notre religion. Ces choses sont importantes dans notre vie de tous les jours. Nous enseignons à nos étudiants la vie sur les terres à chaque fois que nous en avons l'occasion. À chaque année, nous tenons des assemblées. Les personnes qui peuvent voyager amènent des étudiants dans nos collectivités, en canot. Tous les soirs, nous leur parlons de l'histoire des Dogribs. C'est de cette manière que nous conservons notre culture et nos traditions et que nous les transmettons aux jeunes.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup. La semaine prochaine, notre comité se penchera sur l'accord des Tlichos et nous vous rencontrerons à cette occasion.

La séance est levée.


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