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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 4 - Témoignages du 9 février 2005


OTTAWA, le mercredi 9 février 2005

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, auquel a été renvoyé le projet de loi C-14, Loi mettant en vigueur l'Accord sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale conclu entre le peuple tlicho, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et le gouvernement du Canada et modifiant la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 18 h 25 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Nick G. Sibbeston (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue. Nous allons commencer par une prière tlicho. Veuillez vous lever.

(La prière est dite en tlicho par M. Phillip Husky)

Le président : Ce soir, nous allons entendre le témoignage de M. Bill Erasmus, de l'Assemblée des Premières nations et des Territoires du Nord-Ouest. M. Erasmus a été, pendant de nombreuses années, le président de la Nation dénée dans le Nord. Je crois que le grand chef de l'Assemblée des Premières nations, M. Phil Fontaine, sera également des nôtres dans quelques minutes et qu'il sera accompagné du conseiller juridique de l'APN.

Avant de commencer, je vais vous présenter les membres du comité qui sont le sénateur Buchanan, de Nouvelle- Écosse, le sénateur Watt, du nord du Québec, le sénateur Christensen, du Yukon, le sénateur Léger, du Nouveau- Brunswick et le sénateur St. Germain, de la Colombie-Britannique.

La parole est à vous, monsieur Erasmus.

M. Bill Erasmus, chef régional des Territoires du Nord-Ouest, Assemblée des Premières nations : Je suis le chef régional de l'Assemblée des Premières nations dans les Territoires du Nord-Ouest. Comme l'a dit le président, notre chef national et ses adjoints arriveront bientôt et je préférerais attendre qu'ils soient là pour commencer. Nous avons envoyé des exemplaires de notre mémoire au comité, mais ils ne sont malheureusement pas ici, sur la table, et je m'en excuse.

Le président : Monsieur Erasmus, vous avez été le président de la Nation dénée pendant un certain nombre d'années dans les Territoires du Nord-Ouest. Il serait utile et intéressant pour nous de vous entendre parler des événements qui ont permis au peuple tlicho d'obtenir un accord sur certaines revendications territoriales. Cette description du contexte serait utile au comité.

M. Erasmus : Merci de m'avoir donné la parole. Je ne vais pas lire le texte que j'avais préparé. C'est un exercice bénéfique. J'ai réfléchi à la longue histoire des relations entre les Dénés et la Couronne. Notre peuple s'est organisé, comme les dirigeants du peuple tlicho vous l'ont expliqué hier. Ils vous ont dit comment ils s'étaient organisés sous la direction de très grands chefs comme Monfwi et Bruneau. Dans les Territoires du Nord-Ouest, nous pensions que nous avions conclu un traité de paix et d'amitié avec la Couronne et que nous n'avions cédé aucun de nos droits, libertés ou privilèges.

Notre peuple a conclu des traités en 1899, 1900, 1921 et 1922. Nous sommes restés attachés à notre territoire et nous avons poursuivi notre façon de vivre. C'est seulement plus tard, après la Seconde Guerre mondiale, lorsque l'économie a commencé à changer à l'échelle du monde entier et que nous avons eu besoin d'une aide plus importante du Canada que nous avons constaté que le Canada avait une interprétation différente du traité. Nous pensions que nos droits étaient intacts et que nous allions continuer à vivre comme nous l'avions toujours fait. Nous nous sommes rendu compte que le Canada avait une version différente du traité. Selon cette version, nous avions renoncé à nos terres et à nos droits et nous étions des sujets de la Couronne.

Nous avons dû organiser notre action et nous avons eu la chance d'avoir parmi nous des gens comme James Washee, qui se trouve dans la salle et qui a fait partie de la première génération qui s'est organisée pour défendre les droits que nous savions être toujours les nôtres.

Les chefs se sont ensuite réunis et sont allés devant les tribunaux du Canada qui ont tranché en notre faveur. Ils ont dit qu'effectivement nos droits étaient toujours intacts. Ces décisions ont influé sur le cours de l'histoire. Les jugements rendus dans l'affaire Calder, en Colombie-Britannique, au début des années 70 et dans l'affaire Powley ont prouvé que nous avions toujours des droits et ont forcé le Canada à négocier avec nous. C'est alors que la politique à l'égard des revendications territoriales a été mise en place. Les Dénés sont les seuls qui ont été invités à la table de négociation avec des traités existants et on nous a demandé d'aider à les clarifier.

Depuis le début des années 70, le peuple tlicho a pu clarifier ces traités. Cela a pris beaucoup de temps et c'est pourquoi nous nous réjouissons tellement d'en être arrivés à l'aboutissement des accords.

Le président : Merci, monsieur Erasmus. J'ai le plaisir d'accueillir au comité le grand chef, M. Phil Fontaine, ainsi que le sénateur Gustafson, qui est de la Saskatchewan. Le pays est bien représenté ce soir.

Monsieur Fontaine, la parole est à vous.

M. Phillip Fontaine, chef national de l'Assemblée des Premières nations : Excusez-moi de mon retard, mais j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les propos de mon collègue, le chef régional Erasmus. Je suis d'accord avec tout ce qu'il a dit. J'appuie de tout coeur toutes ses paroles, mais je demande au comité d'avoir l'indulgence de me permettre de lire mon mémoire.

Je vous remercie de m'offrir l'occasion de vous faire ici ce soir un exposé sur un événement qui revêt pour nous tous une importance historique. Comme vous le savez — excusez-moi pour la prononciation — les Tlichos ont travaillé très fort pour en arriver là. Ils ont fait ce qu'ils avaient à faire et leur gouvernement a déjà adopté l'Accord tel qu'il est libellé. Nous savons que le gouvernement du Canada a également travaillé très fort. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a, lui aussi, fait sa part et poursuit l'adoption de la législation requise pour que l'Accord entre en vigueur à la date prévue.

Comme on l'a dit, ce traité a été abordé d'une façon assez particulière. Après une première ratification, il a fait l'objet d'un débat public. Il a alors été ratifié une nouvelle fois, ce qui ne s'était encore jamais fait au Canada. On peut dire que c'est là un exemple de la démocratie parlementaire à son meilleur. Par conséquent, le peuple tlicho a dû attendre plus longtemps que d'habitude l'adoption définitive de cet accord.

Cette mise en oeuvre sans précédent d'un traité reconnaît certains facteurs importants. Par exemple, cet accord signifie que deux entités autonomes se sont alliées pour améliorer le pays que nous connaissons sous le nom de Canada. Comme le Sénat l'a déclaré au cours de sessions antérieures, il est évident que tout le monde en sort gagnant. Cet accord met en place des règles et des pouvoirs qui assureront la stabilité économique et politique de cette région du monde qu'est le territoire déné. Il confirme que les Premières nations sont une entité fondatrice et renforce leur place dans la Loi constitutionnelle de 1982 en consolidant l'article 35. Il exprime pleinement la réalité que les Anciens du peuple déné et tlicho ont toujours exprimée.

Cela m'amène à la question du « troisième palier de gouvernement », une expression sur laquelle le comité a posé des questions lorsque le ministre, l'honorable Andy Scott, a comparu la semaine dernière. C'est une expression qui sème la confusion. C'est comme l'expression « intérêts des tierces parties ». Cela fait du tort aux Dénés. Il y a seulement deux parties en cause, le peuple tlicho, en vertu de l'article 35 et Sa Majesté du chef du Canada, en vertu de l'article 91. Comme vous le savez, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest relève directement du pouvoir fédéral en vertu de l'article 91 étant donné qu'il ne s'agit pas d'une province et qu'il n'a pas acquis le statut de gouvernement responsable. Pour acquérir ce statut ou celui de province, il doit obtenir le consentement des Dénés comme cela a été démontré lors des discussions de Charlottetown, au début des années 90.

Le système fédéral canadien prévoit trois paliers de gouvernement qui sont le gouvernement fédéral, le gouvernement des provinces et les gouvernements municipaux lesquels sont, en réalité, une forme de gouvernement délégué par les provinces. Cela n'a rien à voir avec l'Accord dont nous parlons. Ce traité fait de la Confédération ce qu'elle aurait dû être dès le départ. Nous savons que les droits, les privilèges et les libertés du peuple tlicho sont inhérents et ne découlent pas de la Loi constitutionnelle de 1982. Ce sont des droits inaliénables que la Couronne n'a pas le pouvoir d'enlever.

Autrement dit, la Loi constitutionnelle de 1982 a été conçue pour accorder une protection juridique et constitutionnelle ainsi que des moyens d'exprimer les droits des Dénés dans le cadre des processus existants au Canada et non pas comme une barrière, comme un obstacle ou un fardeau pour nos sociétés. Le droit de propriété et l'intégrité territoriale demeurent intacts. Par conséquent, les lois dénées sont reconnues et mises en oeuvre et sont reliées aux lois de la Couronne. Les articles et les dispositions du traité doivent être prises au sérieux et pleinement appliquées comme la vérificatrice générale l'a fait valoir dans de récents rapports au gouvernement. Autrement, les nombreux efforts déployés par les parties en cause auront été inutiles.

M. Erasmus : Monsieur le président, comme nous avons décidé de faire équipe, je vais lire la suite.

Cet instrument international comprend les droits extracôtiers reconnus dans le traité no 11 qui visait à promouvoir et protéger ce pays comme le prévoyait la Proclamation royale du 7 octobre 1763. Les Tlichos sont partie au traité 11 qui s'applique au territoire au nord de la mer de Beaufort. Pour conclure, l'Assemblée des Premières nations souhaitent féliciter les parties et invite le comité à passer rapidement à l'étude du projet de loi article par article.

Enfin, en ce qui concerne la Couronne fédérale, il est important de mentionner que les modalités des négociations concernant les intérêts des Dénés, et maintenant des Tlichos, ont été établies au début des années 70. Le juge Moreau ayant déclaré, dans la célèbre affaire Paulette, que les traités nos 8 et 11 étaient effectivement des traités de paix et d'amitié qui comprenaient des intérêts économiques sur les terres, le gouvernement fédéral avait alors contacté la Nation dénée. La Couronne et toutes les communautés dénées ont participé à ces négociations.

L'accord initial conclu sous la direction du premier ministre Trudeau et du ministre des Affaires indiennes, Jean Chrétien, accordait une subvention aux Dénés pour leur permettre de participer aux négociations. L'entente prévoyait qu'ils devaient prouver leur utilisation et leur occupation traditionnelles des terres.

À l'époque où ils ont obtenu gain de cause, les Dénés devaient obtenir non pas un prêt, mais une subvention pour s'organiser et financer leurs négociations. Avec le temps, cette entente financière entre les Tlichos et le gouvernement fédéral a été modifiée unilatéralement par le Canada. Par conséquent, ce qui devait être au départ une subvention, s'est transformé en prêt, ce qui a obligé les Tlichos et les autres Dénés de la Nation dénée à rembourser la partie financière de leur traité. Au fil des années, en raison de la politique adoptée et des changements survenus sur une période de 30 ans, on nous a demandé de rembourser le prêt contracté.

Monsieur le président, en tant que président sortant et chef national de la Nation dénée, j'ai le devoir de soulever cette question et de vous demander de présenter une requête à ce sujet. Les Tlichos et autres citoyens dénés qui viennent devant vous doivent connaître et comprendre cet épisode de l'histoire et de leurs relations avec le gouvernement et rester fidèles aux principes établis au départ pour les amener à négocier. Nous insistons pour que la Couronne fédérale honore ses engagements et donne suite à ses intentions initiales. L'esprit et la lettre de l'entente aideront les parties à en comprendre pleinement les modalités et à en assurer la mise en oeuvre.

Nous vous remercions de votre attention et de nous avoir permis de participer à ce moment historique dans l'histoire de notre peuple.

Monsieur le président, voilà qui termine notre exposé. Si vous avez des questions, nous sommes prêts à y répondre.

Le président : Je tiens à vous remercier tous les deux, monsieur Fontaine et monsieur Erasmus, pour votre présence, Votre présence nous honore. Il est bon que vous soyez ici en tant que chefs nationaux pour représenter le peuple tlicho et parler en son nom.

Sur ce, je vais ouvrir la discussion pour les sénateurs qui désirent poser des questions.

Le sénateur St. Germain : Je voudrais encore une fois, au nom du comité, souhaiter la bienvenue aux Anciens, aux chefs et aux membres de la Nation Tlicho qui sont ici avec nous ce soir.

Cela témoigne du vif intérêt qu'ils ont pour cet accord qu'aucun d'entre nous ne prend à la légère. Toutes les questions que nous posons visent à obtenir des éclaircissements et il se peut que les éclaircissements obtenus ici guident les négociations d'autres peuples autochtones qui désirent obtenir l'autonomie gouvernementale et le règlement de leurs revendications foncières.

C'est dans cet esprit que je formulerai mes questions. La première chose à laquelle je pense est que le grand chef nous a demandé d'essayer d'accélérer les choses. Nous ferons de notre mieux, mais je ne peux rien promettre en raison de la complexité des personnalités et de la composition du Sénat. Toutefois, le président et moi-même avons convenu de faire tout en notre pouvoir pour permettre à ce projet de loi d'obtenir la sanction royale.

Monsieur Erasmus — comme vous le savez, je suis allé dans votre territoire et je serai donc très direct — lorsque je suis allé visiter votre région au sujet du projet de loi C-68, je pense que le Nunavut avait obtenu une injonction à l'égard de l'enregistrement des armes à feu. Que s'est-il passé dans votre nation depuis que j'ai rencontré tous vos chefs? Était- ce George qui présidait la réunion ou était-ce vous?

M. Erasmus : C'était moi.

Le sénateur St. Germain : Avez-vous quelque chose à dire au sujet de cette loi et des conséquences qu'elle a eues pour votre peuple?

M. Erasmus : Nous avons tenu cette réunion à Fort Providence et vous étiez parmi les gens qui collaboraient avec l'APN et les autres peuples autochtones pour essayer de protéger nos droits. Ma réponse sera peut-être longue, mais je crois devoir expliquer un peu les choses.

Les Territoires du Nord-Ouest, le Yukon et l'Alberta, ainsi que d'autres provinces, n'appuyaient pas cette loi quand elle a été adoptée. Ces provinces ont contesté la loi devant les tribunaux et le gouvernement territorial a été partie au litige. Un jugement intéressant a été rendu, car le juge a déclaré qu'il y avait trois aspects à examiner de plus près. L'un concernait les peuples autochtones en raison de nos traités qui sont valides à cause des différents accords, en raison de notre nature particulière, et cetera. Le deuxième était l'aspect septentrional, le fait que les habitants du Nord ont un mode de vie différent. La Loi sur les armes à feu n'a pas été conçue pour la population du Nord. C'était davantage un problème pour les gens du Sud auquel on essayait de remédier. Le troisième aspect était la dimension urbaine par opposition à la dimension rurale. C'est ce que disait le jugement.

Suite à cette décision, les Inuits, si je me souviens bien, ont décidé de porter la question devant les tribunaux et comme l'accord qu'ils ont conclu contient des dispositions précises au sujet des permis, et cetera, le juge a ordonné une injonction. L'entente conclue avec les Inuits leur évite de se faire arrêter ou ennuyer par la police.

Dans notre cas, notre chef national à l'époque était M. Fontaine. J'ai eu la chance que le dossier des armes à feu me soit confié. Nous avons essayé de nous entendre avec le Canada parce que nous pensions avoir des droits issus de traités et des droits ancestraux. Si vous examinez nos traités, peu importe qu'il s'agisse de traités oraux ou écrits, il est évident que nous avions un certain mode de vie et qu'il devait être préservé. Le traité va encore plus loin, car il mentionne que nous obtenons nos munitions de la Couronne. Cela signifie symboliquement que notre mode de vie axé sur la chasse, le piégeage, la pêche, l'occupation de notre territoire et l'accès à notre territoire doit toujours être préservé.

Dans cet esprit, nous avons entamé des pourparlers avec le Canada dans le but de conclure un accord qui reconnaîtrait notre compétence dans tout ce domaine, y compris les armes à feu et le reste. Nos pourparlers ont progressé jusqu'à un certain point, mais à cause sans doute de l'instabilité du gouvernement canadien, étant donné qu'il y avait eu trois élections entre-temps, il a été difficile de parvenir à un accord. Je ne dis pas cela pour laisser entendre que le Canada est instable, mais comme vous le savez il y a eu un certain nombre d'élections et nous avons donc eu affaire à des ministres différents. Nous en sommes arrivés au point où la GRC ne veut pas non plus appliquer la loi parce que cela coûte très cher. Apparemment, cette loi n'a pas été conçue en collaboration avec elle. Vous savez le reste. Nous lisons dans les journaux que ce programme devait coûter 2 millions de dollars et que son coût se chiffre maintenant à plusieurs milliards. Par conséquent, cela ne marche pas bien.

Nous n'avons pas conclu d'entente. La GRC a accepté de travailler avec nous. Si nous chassons, elle ne viendra pas essayer de confisquer nos armes tant que nous respecterons les règles de sécurité. Nous continuons, comme nous l'avons toujours fait, d'enseigner à nos jeunes comment se servir des armes à feu depuis leur plus jeune âge.

Le sénateur St. Germain : Monsieur le président, je pense m'être écarté de l'Accord. Cette question s'y rapporte en raison de la capacité de se gouverner dans les domaines qui vous concernent. Comme vous vous en souviendrez, à l'époque, ce qui m'intéressait, ce n'était pas le Sud. C'étaient les droits ancestraux de tous nos peuples et leur capacité de préserver leurs droits en vertu de l'article 35 de même que les droits qui découlent du traité de 1763.

Pour en revenir à l'Accord, à notre première réunion, j'ai soulevé cinq questions. J'ai fait valoir que l'Accord n'offrait pas un règlement définitif. À certains égards, je pense que c'est une bonne chose. Ces questions ont été soulevées à la Chambre des communes à la suite d'une étude qui a été réalisée là-bas.

Ce qui m'intéresse surtout en ce qui concerne ce projet de loi, c'est la question du chevauchement. Il y a un chevauchement avec les tribus voisines ou les groupes autochtones voisins, et il y a aussi la situation des Métis. Les Tlichos nous ont présenté leur point de vue et je crois qu'ils ont répondu à la plupart de ces questions. Monsieur Erasmus, comme vous venez de cette région, je vais vous poser une question. Vous connaissez très bien la région. En ce qui concerne les accords, apparemment, il y a quatre accords qui se chevauchent et qui accompagnent l'accord qui nous intéresse maintenant. Les Métis nous ont signalé qu'ils n'avaient pas été consultés. Nous entendrons leur représentant plus tard. Je voudrais savoir ce que vous avez entendu dire à ce sujet dans votre région du pays, monsieur Erasmus.

M. Erasmus : Avez-vous dit que les Métis avaient été consultés?

Le sénateur St. Germain : Les Métis ont été consultés. Au départ, certains d'entre eux sont venus nous voir pour dire qu'ils n'avaient pas été consultés. Nous avons entendu dire, depuis, qu'il y avait eu certaines consultations. La cause est en instance. Cela a placé le ministre et la secrétaire parlementaire, Mme Barnes, qui se trouve parmi nous ce soir, dans une situation délicate pour répondre étant donné que l'affaire est devant les tribunaux. D'après certains renseignements que j'ai reçus, un comité comme celui-ci a le droit de soulever ces questions, même si elles sont devant les tribunaux.

Je sais que vous connaissez bien la région et sa population et que vous êtes le mieux placé pour nous dire ce qui se passe. Je ne veux pas dire que le grand chef n'est pas au courant de ce qui se passe, mais je crois qu'il vient du Manitoba dont je suis moi-même originaire.

M. Fontaine : Je soutiens M. Erasmus. Je suis ici pour apporter mon appui moral.

M. Erasmus : Je vous remercie d'avoir autant confiance en moi. Il faudra que je m'en souvienne quand nous nous attaquerons aux autres accords qu'il nous reste à conclure.

Le sénateur St. Germain : Vous avez toujours été honnête avec moi. Il n'y a pas de raison pour que cela ne continue pas.

M. Erasmus : Je vous en remercie. Je vais retracer brièvement l'historique des événements, car la façon dont vous m'avez posé la question est assez intéressante.

Nous avons mentionné l'étude de l'utilisation des terres qui a été réalisée auprès de notre peuple. Nous nous sommes toujours considérés comme des Dénés. Si vous vivez dans notre région du pays, ou bien vous êtes Déné ou bien vous ne l'êtes pas. C'est très simple. Nous avons eu de longues discussions entre nous dans les années 70 et une partie des années 80 au terme desquelles il a été convenu que vous pouviez être entièrement ou pas du tout Déné, mais pas à moitié. Il y a différentes façons d'être d'ascendance dénée. Vous pouvez être adopté, vous pouvez devenir un Déné ou cesser d'en être un par mariage. Vous pouvez avoir les yeux bleus, mais être quand même d'ascendance dénée. Nous avons toute une méthode pour déterminer qui sont les citoyens dénés.

Le problème, c'est qu'au cours des années, le Canada a divisé notre peuple. Le Canada a adopté une Loi sur les Indiens qui donnait à une partie de notre peuple l'appellation d'Indiens et à une autre l'appellation de Métis ou de demi-sang et toutes sortes d'autres choses. Nous avons toutefois survécu et nous nous qualifions de « Dénés ». Au début des années 70, nous avons insisté pour être appelés par ce nom, car nous ne sommes pas des Indiens. Les Indiens viennent de l'Inde et d'autres pays.

Nous avons adopté une déclaration à Fort Simpson, la ville du sénateur Sibbeston, en 1975, je crois. Je vivais là-bas à l'époque. Je travaillais dans la communauté et je m'en souviens très bien, car je me trouvais dans le hall quand cela a été fait. Nous avons adopté la Déclaration dénée qui disait que nous étions une nation. Nous demandions l'autodétermination et nous avions le droit de nous définir nous-mêmes.

Il y a toute une histoire associée à cela. Quand j'étais jeune, les Métis n'existaient pas. Nous étions un peuple. C'est seulement après les jugements des tribunaux dont j'ai parlé que le Canada nous a tout à coup demandé qui nous étions : êtes-vous des Métis non inscrits? êtes-vous des Dénés? de quel groupe de négociation faites-vous partie? Nous nous sommes efforcés de répondre à ces questions entre nous et nous avons décidé de nous organiser. Nous avions une revendication Déné-Métis et cela a duré jusqu'en 1990, année où le Canada a changé sa politique. Au lieu de nous réunir tous à la table de négociation, le 7 novembre 1990, le ministre, sous le gouvernement Mulroney, a insisté pour que nous nous séparions en régions. Nous devions nous diviser en cinq entités régionales linguistiques. C'est la troisième entité régionale qui comparaît devant le Sénat pour obtenir la sanction royale.

En ce qui concerne l'utilisation des terres, nous avons prouvé que nous étions ses occupants depuis des temps immémoriaux. Nous avons choisi un échantillon de gens de notre peuple pour qu'ils se rendent sur les territoires qu'ils avaient l'habitude de fréquenter et au lieu de demander seulement à des hommes de le faire, nous l'avons également demandé à des femmes. Une partie de notre échantillon était donc constituée de femmes, car un grand nombre de nos femmes peuvent chasser et poser des pièges tout comme les hommes. Nous avons procédé à un échantillonnage. Cela comprenait des gens que le Canada qualifie de Métis ou demi-sang ou je ne sais trop quoi. Ce sont des parents, des descendants et nous avons donc réalisé une étude de l'occupation et de l'utilisation des terres par les Dénés-Métis.

Si je regarde les cartes d'utilisation des terres, elles sont numérisées. Ces terres appartiennent à notre peuple et on ne voit aucun chevauchement sur la carte. Toutes nos terres sont utilisées. Tout est numérisé. Vous pouvez pointer n'importe quel endroit sur la carte et nous vous donnerons des renseignements montrant que notre peuple a toujours utilisé ces terres, même si notre échantillonnage ne comprend pas la totalité de notre population. La notion de Métis ne correspond à rien.

Néanmoins, si des gens insistent pour s'appeler des Métis, il n'y a aucun territoire qui porte le nom de terres métisses. Cela n'existe pas. Ce sont des terres dénées et si les Métis obtiennent de droits sur ces terres, si c'est ainsi qu'ils veulent s'appeler, ils devront obtenir ces droits des Dénés. C'est toujours ce qui a été entendu, au sein de notre peuple et dans nos relations avec le Canada.

Le sénateur St. Germain : Mais les Métis sont des Dénés en ce qui vous concerne ou c'est ce qu'ils souhaitent être?

M. Erasmus : Ils peuvent s'appeler ainsi, mais ils sont les descendants de notre peuple. C'est de nous et non pas du Canada que leur viennent leurs droits. Ils sont Métis parce que nous leur avons permis d'être des Dénés et ils existent.

Le sénateur St. Germain : Les cinq régions sont Gwich'in, Sahtu, Tlicho, Akaitcho et Deh Cho.

Le sénateur Buchanan : Je dois dire que je me réjouis de faire partie de ce comité. Cela fait longtemps que je suis au gouvernement. Si je me réjouis tant de faire partie de ce comité, c'est parce qu'à titre de premier ministre de Nouvelle- Écosse, pendant 13 ans, j'ai participé aux réunions autochtones-fédérales-provinciales ici, à Ottawa. Je crois qu'elles se sont déroulées en 1978, 1981, 1985, 1987 et 1990. Les chefs de la grande nation autochtone des Micmacs de Nouvelle- Écosse y participaient.

J'ai également pris part, entre 1978 et 1982, aux pourparlers qui ont débouché sur la Loi constitutionnelle de 1982 et l'entente unanime que nous avons conclue à l'époque pour les Autochtones du Canada. C'est à ce moment-là que l'article 35 qui protège et préserve les traités avec les Autochtones a été enchâssé dans la Constitution.

Je m'intéresse également à ce que vous avez dit aujourd'hui à propos des « droits extracôtiers », car à ma connaissance la Nation dénée est visée par le traité no 11 de 1763. Les droits extracôtiers sont, bien entendu, d'une importance cruciale pour l'avenir de la Nouvelle-Écosse. Votre traité étend vos droits territoriaux — ce que j'ignorais — jusqu'à la mer de Beaufort. Il est très important que vous préserviez et protégiez ces droits, car la Loi constitutionnelle de 1867 définissait le territoire de la Nouvelle-Écosse — ce que beaucoup de gens ignorent — comme le territoire actuel de la colonie et une zone s'étendant à 200 lieux du littoral. Ce territoire incluait et entourait la grande île de Sable.

Entre 1978 et 1983, j'ai négocié avec le gouvernement fédéral, avec l'aide de beaucoup d'autres gens, les premières ententes sur les gisements de pétrole et de gaz extracôtiers qui ont été signées par M. Trudeau en 1983, puis j'ai négocié un deuxième accord en 1986 avec le premier ministre Mulroney. Ces accords ont ensuite été adoptés par le Parlement du Canada et l'Assemblée législative de Nouvelle-Écosse. Bien entendu, ces accords qui incluaient 100 p. 100 des revenus du gaz naturel et du pétrole, notre taxe provinciale, les redevances et les baux, devaient servir les intérêts de la population de la Nouvelle-Écosse. La production a commencé en 1999. Il a fallu quelques années pour que tous ces efforts aboutissent, mais comme vous le savez, c'est maintenant chose faite depuis quelques semaines et la Nouvelle- Écosse obtient 100 p. 100 des redevances. Je tenais à vous rappeler ces événements historiques qui se sont produits dans ma province.

En ce qui concerne la Nation dénée, je crois que vos droits extracôtiers s'étendent actuellement jusqu'à la mer de Beaufort qui recèle certainement d'importantes ressources minérales, du pétrole, du gaz, et cetera.

Je me réjouis vivement de participer de nouveau à des discussions avec les nations autochtones du Canada.

M. Fontaine : Nous sommes contents de voir que le sénateur Buchanan nous appuie autant. Tous les appuis que nous pouvons obtenir pour cet accord sont les bienvenus.

Le sénateur Christensen : J'appuie vivement cet accord et je tiens à ce qu'il soit adopté.

Chef Fontaine, l'Assemblée des Premières nations est une organisation nationale qui défend les intérêts des communautés des Premières nations de tout le pays. L'APN joue-t-elle un rôle dans les négociations portant sur certaines revendications territoriales?

M. Fontaine : Nous ne jouons pas un rôle direct à moins qu'on ne nous le demande, mais notre mandat n'inclut pas la négociation des revendications territoriales. C'est une responsabilité qui incombe aux gouvernements des Premières nations.

Le sénateur Christensen : Avez-vous une idée des raisons pour lesquelles la plupart des règlements conclus jusqu'ici concernent le Nord plutôt que les autres régions du pays?

M. Fontaine : C'est peut-être parce que les gens du Nord sont plus éclairés que ceux du Sud.

Le sénateur Christensen : Je suis d'accord là-dessus.

M. Fontaine : Les gens tiennent à ce que les choses bougent. C'est un accord qui est bon pour les Tlichos et comme les Tlichos ont décidé qu'il était bon pour eux, l'Assemblée des Premières nations les appuie en tant qu'organisation nationale.

Le sénateur Christensen : Dans votre mémoire, vous dites que le système fédéral canadien prévoit trois paliers de gouvernement : Les paliers fédéral, provincial et municipal. Vous ajoutez que ce traité fera de la Confédération ce qu'elle aurait dû être, que les droits, les privilèges et les responsabilités des Tlichos sont inhérents et ne découlent pas de la Loi constitutionnelle de 1982, que ce sont des droits inaliénables et que les droits de propriété et l'intégrité territoriale des Tlichos demeurent intacts.

Dans le mémoire que vous avez adressé à la Chambre des communes, vous dites que la politique du gouvernement à l'égard des droits inhérents présente des lacunes et des défauts et que les pouvoirs qui s'apparentent à ceux des gouvernements municipaux et qui sont largement délégués ne s'appliquent pas ici.

Comment décririez-vous la structure de gouvernance qui est prévue dans cet accord? Où s'insère-t-elle? Comment voyez-vous cette structure? Je pense au Territoire du Yukon où nous avons un Accord cadre définitif. Les Premières nations du Territoire participent activement à tous les gouvernements par l'entremise des divers conseils qui font partie des ententes sur leurs revendications territoriales. Notre législation environnementale était exigée par cette entente. Cela fait maintenant partie intégrante de notre territoire.

M. Erasmus : J'ai expliqué plus tôt qu'à un moment donné, nous avions une entente cadre, comme au Yukon, mais que nous nous sommes séparés en régions et que chaque région décidera de son autonomie régionale et réciproquera ses droits et compétences avec le Canada. Néanmoins, en fin de compte, nous aurons un modèle qui inclura tous les membres de notre nation qui résident dans le Nord.

Nous avons examiné différents modèles au cours des années. Par exemple, Jim Burke, une personnalité bien connue du Nord, a fait faire une étude. À l'époque, nous étions en avance sur les événements. Les modèles que nous avions conçus envisageaient un certain nombre de façons dont nous pourrions gouverner, nous-mêmes et tous les résidents du Nord. Nous n'avions toutefois pas d'entente comme l'Accord tlicho qui précise les pouvoirs dont les gens disposeront au niveau local. Cet accord en parle. Il précise comment les gens peuvent se gouverner. Beaucoup de travail a été réalisé et les Tlichos ont acquis l'expérience requise. Le premier ministre en a parlé et le chef également. Nous sommes prêts à le faire.

Les autres régions en arriveront au même point que les Tlichos et nous devrons alors concevoir un modèle qui s'appliquera à nous tous. Certains de ces pouvoirs pourraient inclure la santé, qui nous concerne tous, ou certains droits territoriaux ou questions financières, et cetera.

Le sénateur Christensen : Où tout cela s'inscrit-il dans les différents paliers de gouvernement?

M. Erasmus : L'accord permet aux Tlichos de définir qui ils sont. Ils viennent d'un territoire particulier, ils ont leur propre réalité et ils se sont entendus avec le Canada. L'accord définit les pouvoirs et responsabilités qui ont toujours été les leurs.

Nous avons toujours dit que l'article 35 était complet. Nous avons tout ce que les autres sociétés ont. Certains pouvoirs ont été définis et sont maintenant enchâssés dans la Constitution canadienne. Certains pouvoirs n'y figurent pas et sont laissés de côté. Par exemple, les Tlichos n'établiront pas d'armée. Ils n'en ont pas besoin.

C'est certainement l'accord qui est allé le plus loin. Nous en sommes arrivés là étape par étape, au fil du temps.

Le sénateur Buchanan : Je tiens à bien préciser qu'à propos de l'article 35, je n'ai certainement pas voulu dire qu'en 1981-1982, les premiers ministres des provinces, le premier ministre et les groupes autochtones avaient créé ces droits. Nous voulions faire en sorte que les droits inhérents des Autochtones du Canada soient enchâssés dans la Constitution pour apporter des certitudes étant donné qu'avec les années, les gens oublient.

Le sénateur Watt : Je voudrais parler des trois questions que M. Erasmus a soulevées.

À votre connaissance, quand votre peuple a-t-il obtenu le droit de voter au sujet du traité? Est-ce quand il a obtenu le droit de voter et de participer à un processus politique national et seulement à ce moment-là que les membres de votre nation sont devenus des Canadiens? Pourriez-vous m'éclairer à ce sujet? C'est un sujet intéressant.

M. Erasmus : En effet. C'est une chose à laquelle je pense souvent, car j'ai eu la chance de naître avant que nous ayons le droit de vote. Les gens se plaignent de ne pas avoir le droit de voter, mais nous connaissons tous l'histoire du Canada. Je suis né en 1954, et c'est seulement à partir de 1960 qu'on nous a considérés comme des Canadiens. Le problème est que Diefenbaker ne nous a jamais demandé notre avis.

Le sénateur St. Germain : Il vous a donné ce droit.

M. Erasmus : À ses propres conditions. Le gouvernement a dit que ces gens avec qui il concluait des traités, des traités internationaux, des traités valides, deviendraient des Canadiens et qu'on leur donnerait le droit de voter. On les autorisait aussi à consommer de l'alcool et d'autres choses.

Le problème, c'est qu'on ne nous a jamais demandé notre avis. En droit international et maintenant en droit canadien, il est parfaitement clair que pour prendre ce genre de mesures, vous devez consulter la population concernée et obtenir son consentement. Nous sommes devenus Canadiens et je suppose que nous avons en quelque sorte une double citoyenneté. Je crois que les Tlichos ont le droit d'avoir leur propre passeport parce qu'ils sont Dénés d'abord et avant tout; c'est un droit inhérent et la Constitution le respecte. Ils entrent maintenant dans la Confédération avec cet accord. Ils entrent dans la Confédération à leurs propres conditions. Le Canada a donné son accord et ils ont donc une double citoyenneté.

Cela pourrait signifier, par exemple, que les Métis pourront en obtenir autant, surtout s'ils se qualifient de descendants. S'ils reconnaissent qu'ils sont les descendants de notre peuple et s'il y a une équipe de hockey autochtone, par exemple, ses membres pourraient avoir leur propre passeport, participer aux Jeux olympiques de Vancouver en 2010 et compétitionner contre le Canada pour la Médaille d'or.

Le sénateur St. Germain : Vous avez mentionné qu'il y a des Métis aux yeux bleus.

Le sénateur Watt : Vous avez dit que votre nation était divisée, non pas par vous mais par le système extérieur. Je crois que vous en avez parlé en répondant au sénateur Christensen. Si en cours de route vous réexaminez la question et concluez un accord inclusif avec la Couronne, que pourrons-nous faire en tant que sénateurs? Lorsque nous déposerons ce projet de loi à la Chambre du Sénat, devrions-nous songer à y joindre une explication ou une observation? De temps à autre, nous joignons des renseignements que nous jugeons importants. Si vous voulez que nous le fassions, nous pourrions peut-être l'envisager.

Vous avez également mentionné des ententes financières qui remontent à quelques années et que le gouvernement a modifiées. Devrions-nous également étudier la question afin de rétablir l'intention initiale de l'entente conclue entre les deux parties? Je vous laisse y réfléchir, monsieur Erasmus, vous et votre peuple. Si vous voulez que nous fassions quelque chose immédiatement dans ces deux domaines, peut-être pourrons-nous le mentionner et vous aider à revoir cela plus tard.

M. Erasmus : L'accord prévoit que les parties peuvent le rouvrir si elles le désirent et je crois que ces questions figurent dans d'autres accords.

Pour ce qui est des questions financières, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de rouvrir l'accord pour cela. C'est davantage une question de politique. Le ministre et le premier ministre ont des pouvoirs discrétionnaires.

Le sénateur Watt : Je ne parle pas de rouvrir l'accord. Je parle d'accompagner ce projet de loi de nos observations. En fait, il s'agit d'un message adressé à l'autre Chambre.

M. Erasmus : Je crois que c'est une chose à laquelle les Tlichos et les parties représentées ici devraient réfléchir. C'est une simple observation.

Le sénateur Watt : Nous allons étudier cela.

Le sénateur St. Germain : Monsieur Erasmus, vous avez énuméré les cinq nations qui constituent la Nation dénée. Cela s'étend jusqu'à la mer de Beaufort. Les Inuvialuits se trouvent plus au nord. Sont-ils touchés par cet accord?

M. Erasmus : Au départ, les Inuvialuits faisaient partie des autres peuples inuits du pays. Ils ont ensuite constitué le COPE, le Committee of Aboriginal Peoples Entitlement. Ils ont conclu un accord avant les Inuits. Ce qui se passe actuellement, et c'est intéressant, est qu'ils sont en pourparlers avec les Gwich'in et mettent au point un modèle de gouvernance conjoint qui finira par être mis en place. Voilà comment les choses ont évolué.

Le président : Je vous remercie d'être venu nous fournir ces renseignements. Votre témoignage va certainement éclairer nos délibérations.

M. Bill Enge, président, Alliance des Métis de North Slave : Il est réconfortant d'avoir un président qui est lui-même Métis et qui vient des Territoires du Nord-Ouest. Je suis donc en bonne compagnie.

Monsieur le président, avant de commencer mon exposé, je voudrais remercier le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones d'avoir invité l'Alliance des Métis de North Slave à lui faire part de ses opinions et préoccupations au sujet du projet de loi C-14, Loi sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale du peuple tlicho.

Je m'appelle Bill Enge et je suis le président de l'Alliance des Métis de North Slave et président de la Section locale 66 de la Nation des Métis de Yellowknife qui est une organisation communautaire métisse. Je préside la Section locale 66 de Yellowknife depuis 10 ans et je suis devenu président de l'Alliance des Métis de North Slave en novembre. J'ai donc une longue expérience des revendications territoriales dans la région de North Slave et dans l'ensemble des Territoires du Nord-Ouest.

Il y a neuf ans, l'ancien président de l'Alliance des Métis de North Slave et président actuel de la Section locale 64 de la Nation métisse Rae/Edzo, Sholto Douglas et moi-même avons commencé à travailler ensemble en vue de la conclusion d'un accord sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale pour les Métis de North Slave. Pour obtenir cet accord, nous pensions qu'il était nécessaire de créer une organisation régionale des Métis de North Slave englobant tous les bénéficiaires de nos revendications territoriales. À cette fin, nous avons réussi en 1996 à fonder l'Alliance des Métis de North Slave après avoir persuadé le président du Conseil communautaire des Métis de Yellowknife, Clem Paul, de s'associer à nous pour le faire.

Malgré les énormes difficultés à relever sur le plan politique, économique et social, l'Alliance des Métis de North Slave a atteint ses objectifs dans tous les domaines. Nous avons enregistré un de nos grands succès un an après la formation de l'Alliance lorsque le gouvernement du Canada, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et du Conseil tribal des Dogribs signataires du traité no 11 ont offert à l'Alliance des Métis de North Slave de siéger à la table de négociation sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale du peuple tlicho.

Malheureusement, les trois principales parties à l'Accord sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale du peuple tlicho ont dû retirer leur offre d'inclure l'Alliance des Métis de North Slave au nombre des parties à l'accord parce que Clem Paul, qui était le premier président élu de l'Alliance, a fait avorter les initiatives de revendications territoriales et d'autonomie gouvernementale de l'Alliance des Métis de North Slave en prenant, avec ses partisans, des mesures illégales pour transformer l'Alliance en dictature. Clem Paul et ses partisans ont commis les actes illégaux ci-après : Clem Paul a refusé de quitter son poste de président de l'Alliance des Métis de North Slave à l'expiration de son mandat au bout de deux ans; il a illégalement privé plus de 100 membres de l'Alliance de leur statut de membre, il a fait adopter plusieurs amendements illégaux à la constitution et aux règlements de l'Alliance et enfin, il a malheureusement supervisé le dépôt d'une injonction illégitime auprès de la Cour fédérale du Canada contre les trois principales parties à l'Accord sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale du peuple tlicho, c'est-à-dire le gouvernement du Canada, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et le Conseil des Dogribs signataires du traité no 11.

Il va sans dire que le résultat le plus grave et le plus désastreux des agissements illégaux et illégitimes de Clem Paul a été que les trois principales parties à l'Accord sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale du peuple tlicho ont retiré leur offre de se joindre à elles à la table de négociation.

Compte tenu de la situation, je voudrais profiter de l'occasion pour affirmer catégoriquement, en tant qu'un des fondateurs de l'Alliance des Métis de North Slave, qu'à titre de président en exercice, je ne peux pas reprocher aux trois principales parties qui ont négocié l'Accord sur les revendications territoriales Tlichos d'être revenues sur leur offre de faire participer l'Alliance des Métis de North Slave aux négociations.

En fait, lorsque l'Alliance des Métis de North Slave a perdu illégalement plus d'une centaine de ses membres, elle a également perdu son mandat politique pour défendre les droits ancestraux collectifs des bénéficiaires des revendications territoriales des Métis de North Slave.

Je signale en passant que la Cour fédérale du Canada a rejeté la demande d'injonction déposée par Clem Paul contre l'Accord sur les revendications territoriales du peuple tlicho. Malheureusement, North Douglas, le successeur de Clem Paul, a jugé bon d'intenter une autre poursuite devant la Cour fédérale du Canada contre le gouvernement du Canada, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et le Conseil tribal des Dogribs signataires du traité no 11. Cette poursuite visait principalement à obliger les principales parties à négocier un accord sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale avec l'Alliance des Métis de North Slave.

Je tiens à informer le comité que le conseil d'administration dûment élu de l'Alliance des Métis de North Slave a mis un terme à cette poursuite et qu'il considère qu'il n'a aucune raison de poursuivre les principales parties à l'Accord sur les revendications territoriales du peuple tlicho. Si l'Alliance n'a pas été partie à cet accord, la responsabilité en incombe à Clem Paul et à ses partisans.

J'ai le plaisir de pouvoir dire que le mandat politique qui permet à l'Alliance des Métis de North Slave de revendiquer les droits ancestraux collectifs de ses membres a été rétabli. C'est parce que Sholto Douglas, l'ancien président et également le premier vice-président de l'Alliance des Métis de North Slave et moi-même avons gagné, au bout de six ans, un recours collectif contre Clem Paul et ses partisans devant la Cour suprême des Territoires du Nord- Ouest. La Cour suprême a ordonné le rétablissement de tous les membres dont l'affiliation avait été révoquée illégalement, le rétablissement de la constitution et des règlements originaux de l'Alliance des Métis de North Slave ainsi qu'une élection sous les auspices de la constitution et des règlements de l'Alliance. Il va sans dire que l'ordonnance de la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest a été suivie étant donné que je suis ici aujourd'hui pour représenter les intérêts des membres de l'Alliance.

Pour résumer, les agissements de quelques membres de l'Alliance ont empêché celle-ci de progresser dans sa revendication territoriale et ses aspirations à l'autonomie gouvernementale. Autrement dit, la situation découle non pas du fait que les trois parties à l'Accord de revendication territoriale du peuple tlicho n'ont pas voulu inclure l'Alliance des Métis de North Slave à la table de négociation, mais plutôt des actes illégaux et illégitimes de Clem Paul. Maintenant qu'on y a remédié, les membres de l'Alliance des Métis de North Slave souhaitent qu'on s'occupe de leurs droits ancestraux.

Il existe divers moyens de reconnaître les droits ancestraux des bénéficiaires des revendications de l'Alliance. Deux solutions satisfaisantes seraient les suivantes : il faudrait d'abord modifier l'Accord sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernemental du peuple tlicho afin de permettre aux Métis d'y adhérer. Ce concept n'est pas nouveau. La Première nation de Fort Liard a signé le traité no 11 par voie d'adhésion en 1922, soit un an après que toutes les autres Premières nations eurent signé le traité. Cette solution pourrait exiger l'accord des deux Chambres du Parlement, ce qui veut dire que je serai peut-être de retour devant votre comité pour demander son appui.

Deuxièmement, le gouvernement fédéral pourrait négocier avec l'Alliance des Métis de North Slave un traité visant uniquement les Métis. Cela permettrait au gouvernement du Canada de négocier un accord sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale avec l'Alliance sans avoir à modifier l'Accord tlicho.

Enfin, au nom de l'Alliance des Métis de North Slave, je voudrais conclure mon témoignage en félicitant les trois parties à l'Accord sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale du peuple tlicho. Elles ont travaillé très fort au cours des 10 dernières années pour parvenir à conclure cet accord.

Je tiens à remercier de nouveau le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones de m'avoir invité à vous faire part des opinions et des préoccupations de l'Alliance des Métis de North Slave. Je tiens également à souligner que j'apprécie la bonne volonté du peuple tlicho et du peuple Dogrib. Je tiens à les voir progresser. En tant que président de l'Alliance des Métis de North Slave, je ne peux rien faire pour changer le passé, mais je peux certainement changer le présent et l'avenir. Je présente nos excuses au peuple tlicho pour ce qui s'est passé sous l'ancien régime de l'Alliance.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Enge. Avez-vous des questions, sénateur St. Germain?

Le sénateur St. Germain : Merci, monsieur Enge, pour cet exposé. J'aurais une ou deux questions à vous poser. D'après ce que vous venez de dire, vous avez eu de gros problèmes avec l'ancienne direction de votre organisation. Je crois qu'il y a environ 350 Métis qui vivent dans le territoire tlicho, n'est-ce pas?

M. Enge : Ce n'est pas tout à fait exact. Les Métis de North Slave partagent la région de North Slave avec le peuple Dogrib. Nous l'avons fait pendant des centaines d'années. L'accord sur les revendications territoriales du peuple tlicho permet au peuple Dogrib de s'autogouverner sur un certain territoire. Autrement dit, il s'agit de terres situées dans les quatre communautés où résident les Dogribs et aux alentours.

La majorité des Métis de North Slave vivent à Yellowknife. Ce n'est pas dans les régions visées par les revendications territoriales des Tlichos ou des Dogribs. Néanmoins, quelques Métis habitent une partie du territoire que les Dogribs ont revendiqué, dans une petite communauté appelée Edzo. Edzo est située à environ sept milles de Fort Rae et c'est surtout là que résident les Métis dans les terres visées par les revendications territoriales tlichos. Je crois qu'il y a une trentaine de membres de l'Alliance des Métis de North Slave dans cette communauté.

Le sénateur St. Germain : Je m'intéresse à cette question du fait que mes ancêtres sont Métis. J'ai écouté attentivement ce qu'a dit le chef Erasmus. Vous vivez dans une société unie où ceux qui veulent faire valoir leur ascendance peuvent faire partie intégrante de la Nation dénée, qui est divisée en cinq régions. En théorie, si vous êtes Métis et d'ascendance autochtone, si vous êtes prêt à être considéré comme tel, vous faites partie de cette nation.

Depuis l'affaire Powley, il y a maintenant un peuple métis qui considère peut-être sa situation différemment. Il se peut qu'il cherche à affirmer ses droits de façon plus énergique. Cela a déjà commencé. Je reçois de nombreux appels en Colombie-Britannique. Je suis originaire du Manitoba. Néanmoins, en Colombie-Britannique, les Métis se réunissent pour essayer d'établir quels sont leurs droits et comment ils peuvent être considérés comme un peuple métis authentique.

Si nous ratifions cet accord, à quelles demandes pouvons-nous nous attendre de la part des Métis de la région? Pensez-vous qu'ils seront d'accord avec ce que vous avez proposé ici ce soir? S'ils cherchent à obtenir des accords et des règlements propres aux Métis en vertu de l'article 35, l'Accord tlicho sera-t-il rouvert pour qu'ils puissent y adhérer? Vous avez dit que le gouvernement fédéral pourrait conclure un accord distinct. Y a-t-il là bas des Métis que vous ne représentez pas et qui pourraient avoir un point de vue différent? Si c'est le cas, combien sont-ils? Pourrions-nous être obligés de traiter avec quelqu'un d'autre? Je ne dis pas que cela empêchera les Tlichos d'atteindre leur but.

Ce qui me plaît dans cet accord c'est qu'il peut être modifié. C'est Richard Salter, le conseiller juridique qui me l'a fait remarquer, je crois, au cours d'une réunion à mon bureau, l'autre jour. Je me demande à quoi nous devons nous attendre si les Métis essaient d'affirmer leurs droits dans cette région.

M. Enge : Merci pour cette question. Je dois vous dire que je compte également un St. Germain parmi mes ancêtres.

Le sénateur St. Germain : Votre beau physique et votre fière allure en témoignent.

M. Enge : Il y a aussi de nombreux Métis qui ont les yeux bleus. Sans vouloir offenser l'ancien chef de la Nation dénée, Bill Erasmus, qui a dit que les Métis étaient intégrés intimement dans le peuple déné, le fait est que les Métis sont au nombre des Autochtones visés par l'article 35. Nous sommes distincts de nos homologues indiens et inuits. Autrement dit, nous sommes un peuple bien distinct.

Si l'ancien chef Bill Erasmus lisait l'arrêt Powley, il verrait que le gouvernement du Canada a reconnu, par l'entremise de la Cour suprême du Canada, que les Métis forment un peuple séparé et distinct. Notre race résulte de l'union entre nos homologues autochtones et les colons d'origine principalement européenne qui sont venus ici. Sans trop m'attarder sur les considérations historiques et anthropologiques, je dirais que l'ethnogenèse des Métis a eu lieu dans les Prairies et c'est là que les Métis sont nés et sont devenus un peuple séparé et distinct.

Dans les Territoires du Nord-Ouest, je peux vous dire que je viens d'une longue lignée de Métis qui ont coexisté avec les Dénés. Je suis le descendant direct d'un célèbre Métis que la Commission nationale des lieux et monuments historiques a reconnu comme un Métis d'une grande importance historique nationale, François Beaulieu II, surnommé Old Man Beaulieu ou Le Patriarche. Il a coexisté avec les Dogribs et les Chipewyans de la région de North Slave. Il avait un poste de traite à l'endroit qui s'appelle maintenant Lac la Martre. Il a même participé à la triste guerre entre les Dogribs et les Chipewyans. C'était toutefois un pacifiste qui a fait déboucher ce conflit sur un règlement pacifique.

Les Métis ont une longue histoire dans la région de North Slave. Ils vivaient parmi les Dénés avec qui ils entretenaient des relations harmonieuses. Il n'y a aucune raison pour que les Métis ne continuent pas à en faire autant.

Je suis ici aujourd'hui pour soutenir les aspirations des Dogribs. Je souhaite vivement que cet accord sur les revendications territoriales aboutisse. Je suis un optimiste et je crois sincèrement que, lorsque le moment viendra, les Dogribs et les Chipewyans signataires du Traité 8 coopéreront avec les Métis pour que nos droits ancestraux soient respectés. Il est regrettable que, lorsque les Métis ont eu l'occasion de faire reconnaître leurs droits dans le cadre de l'Accord tlicho, l'ancienne direction de l'Alliance des Métis de North Slave ait fait avorter cette initiative. Tout le monde avait fait preuve de bonne volonté. Il n'y a aucune raison pour que cette bonne volonté ne revienne pas. Les Tlichos ou les Dogribs ont tendu la main de l'amitié aux Métis en 1997 et je ferai de mon mieux pour réparer les torts causés sous l'ancien régime, nouer des liens avec nos amis les Dogribs et coexister avec eux de façon pacifique et harmonieuse de façon à ce que nos deux peuples puissent prospérer dans cette région qui est l'une des plus riches du pays.

Vous savez sans doute que c'est le seul endroit d'Amérique du Nord où l'on extrait le diamant. C'est une ressource formidable qui quitte la région sans que les peuples autochtones dont on exploite les terres ne puissent en bénéficier pleinement.

Une autre chose qui se passe actuellement est que nous avons une sorte d'entente d'autonomie gouvernementale, un processus de dévolution qui est en cours et grâce auquel les groupes autochtones des Territoires du Nord-Ouest devraient toucher des redevances sur les ressources. Les trois groupes autochtones qui se partagent la région de North Slave devraient donc pouvoir prospérer et grandir ensemble. Je suis optimiste pour l'avenir. La main de l'amitié a été tendue aux Métis il y a quelques années et je suis sûr que nous pourrons travailler ensemble et repartir du bon pied.

Le président : D'autres sénateurs désirent poser des questions?

Le sénateur Gustafson : Je m'intéresse à ce que vous avez dit au sujet des mines de diamant. Je fais partie des Canadiens du Sud qui ne connaissent pas du tout votre région et je suis en train d'apprendre. Fait-on de l'exploration pétrolière dans votre région? Y a-t-il eu des relevés sismiques ou quelle est la situation?

M. Enge : Sénateur Gustafson, il n'y a pas d'exploration pétrolière dans la région de North Slave, mais il y a beaucoup d'exploration minière. La région de North Slave est une région très riche en ressources non renouvelables. Yellowknife a été fondée autour des mines d'or, car il y avait là-bas deux mines d'or qui ont été fermées depuis parce que le filon était épuisé. L'or a été remplacé par le diamant et notre économie fait l'envie du reste du pays. Il y a deux ans, le taux de croissance de la région de North Slave a été estimé à 20 p. 100, ce qui est une situation économique très inhabituelle par rapport à l'Alberta que nous avons réussi à surpasser.

L'avenir des Territoires du Nord-Ouest semble très prometteur. Un avenir prospère attend tous les citoyens des Territoires du Nord-Ouest, mais pour ce qui est des groupes autochtones qui résident dans la région de North Slave, nous sommes promis à un très bel avenir et je sais que notre situation au sein de cette société et du Canada va s'améliorer. Nous constatons déjà d'énormes progrès.

Je félicite les Dogribs d'utiliser une partie de l'argent qu'ils reçoivent des mines de diamant pour l'éducation de leurs jeunes. L'année dernière, je crois qu'ils ont placé un demi-million de dollars par an pour financer l'éducation de leurs jeunes, ce qui est une initiative louable. Ils préparent le terrain pour améliorer leur sort. Je veux faire la même chose. Je veux faire le plus possible pour éduquer nos jeunes, comme les Dogribs ont jugé bon de le faire.

Le sénateur Gustafson : Comme la glace semble fondre dans le Nord, de nombreux experts scientifiques nous disent que les brise-glaces pourront traverser le Nord en toute saison, que cela pourrait remplacer le canal de Panama et réduire les distances pour le transport maritime et le commerce. Qu'en pensez-vous?

M. Enge : En fait, je n'y ai pas beaucoup réfléchi. Il se passe des choses extraordinaires dans les Territoires du Nord- Ouest. Vous avez sans doute entendu dire qu'on envisageait de construire le plus gros gazoduc au monde. Ce projet absorbe la majeure partie de notre temps. Je sais que les Inuits du Nunavut envisagent de construire une mine de nickel quelque part près de Kugluktuk. Je suppose que cela les aiderait. Si les voies maritimes sont ouvertes, cela rendrait certains projets miniers plus réalisables, ce qui serait extrêmement avantageux pour les Autochtones de la région.

Le sénateur Gustafson : Cela révolutionnerait le Nord.

M. Enge : Nous connaissons actuellement de profonds changements. La croissance économique rapide pose de nombreux problèmes. En ce qui concerne le logement, par exemple, il y a de nombreux emplois, mais pas d'endroit où loger. C'est une situation inhabituelle et c'est bon pour nous. Tous les résidents de la région ont déjà un logement. Il y a des emplois pour nous et nous sommes sur la voie de la prospérité. Cela va largement contribuer à améliorer le sort des peuples autochtones du Nord sur le plan du développement économique. Les populations autochtones sont prêtes pour le développement économique. Elles demandent aux deux Chambres du Parlement de permettre ce développement. Le Groupe de travail autochtone sur le pipeline étudie un projet en vue de la construction de ce gazoduc. Bien entendu, il y a quelques obstacles à surmonter dont l'un est le droit de passage par la région Deh Cho. Cela pose certains problèmes. Les problèmes de ce genre sont toutefois inévitables lorsqu'on entreprend un projet d'envergure. J'espère que la volonté collective l'emportera et que le développement économique se fera.

Le président : Monsieur Enge, dans l'Accord tlicho, dans la définition d'un Tlicho, une disposition permet à des personnes d'ascendance tlicho de se faire enregistrer et d'être partie à l'Accord. Savez-vous s'il y a des Métis qui entrent dans cette catégorie et qui se sont enregistrés comme membre du peuple tlicho? Si c'est le cas, combien y en a-t-il par rapport au nombre de Métis qui ne se sont pas enregistrés?

M. Enge : Monsieur le président, c'est une question intéressante à laquelle j'aimerais pouvoir répondre. L'équipe de négociation du Conseil tribal des Dogribs signataires du traité no 11 n'a pas encore publié sa liste d'inscription. J'ai demandé la copie de cette liste, mais le Conseil estime ne pas devoir la publier avant de l'avoir communiquée à ses propres citoyens, et je respecte cette décision. Je crois toutefois qu'il compte publier cette liste vers la mi-avril et je saurai alors exactement quels sont les membres de l'Alliance des Métis de North Slave qui ont décidé de se joindre au processus de revendications territoriales des Tlichos. Je ne peux pas vous le dire aujourd'hui, mais c'est une chose que nous saurons prochainement. J'ai hâte de voir cette liste.

Une des principales raisons d'être de l'Alliance des Métis de North Slave est d'affirmer les droits ancestraux de ses membres, surtout à l'égard des revendications territoriales.

Le président : J'ai examiné l'accord pour voir s'il y était fait mention des Métis, mais il n'y en est pas question et seuls les descendants des Tlichos y sont mentionnés. Je remarque qu'à l'article 2.25, il est dit que l'inscription au registre n'a pas d'effet sur le statut de Métis. Je ne sais pas si c'est une bonne chose ou une mauvaise chose à vos yeux, mais cela veut dire, je suppose, que c'est aux Métis qu'il revient de s'identifier comme tel. On laisse les Métis trouver leur propre définition ou déterminer leurs propres droits ancestraux. Plus loin dans le texte il est dit que l'accord ne reconnaît pas les droits ancestraux ou issus de traités d'autres peuples autochtones que les Tlichos. Les Tlichos disent donc que cela s'applique uniquement à eux. Ils considèrent que les autres groupes autochtones devront formuler leurs revendications dans le cadre d'un processus ultérieur.

Également, la clause 7.3 porte que le gouvernement tlicho peut accepter de partager des droits. Cette disposition vous rassure-t-elle quant aux droits des Métis?

M. Enge : La réponse est non. Ces dispositions ne me permettent pas de croire que l'identité collective des membres de l'Alliance des Métis de North Slave sera préservée. Si je comprends bien, et c'est ce que pensent mes conseillers, si nous nous inscrivons pour bénéficier de l'Accord sur les revendications territoriales des Tlichos, nous deviendrons des citoyens tlichos et nous perdrons donc notre identité de Métis. Les Métis tiennent absolument à ne pas sacrifier leur identité sur l'autel de ces revendications territoriales. Pour faire reconnaître nos droits ancestraux, nous demandons un processus séparé qui pourra se dérouler sous les auspices de l'Accord tlicho.

Je sais que certaines dispositions de cet accord permettent aux descendants du peuple Dogrib de s'inscrire sur la liste des bénéficiaires. Nous avons des Métis qui entrent dans cette catégorie. En fait, l'ancien président de l'Alliance des Métis de North Slave, North Douglas, en fait partie. Certains membres de sa famille ont obtenu le statut d'Indien en vertu du projet de loi C-31, mais il a décidé de ne pas l'obtenir lui-même. Il reste donc un Métis authentique au lieu d'être un Indien inscrit. Il pourrait maintenant décider de bénéficier de l'Accord tlicho étant donné qu'il est un descendant du peuple Dogrib. Sa mère a toutefois perdu son statut d'Indien lorsqu'elle a épousé son père, qui était un Métis de la région de Sahtu et, comme elle y avait droit, elle a décidé de récupérer son statut d'Indien. Elle est également membre de la bande Dogrib. Plusieurs de ses frères et soeurs ont fait la même chose, mais pas lui. Il pourrait toutefois s'inscrire au registre tlicho s'il le désirait étant donné qu'il est un descendant du peuple Dogrib et une disposition de l'accord lui permettrait de s'inscrire auprès d'un comité constitué pour examiner les demandes. Si le comité, qui est composé de Dogribs, décidait de l'accepter, il pourrait devenir un citoyen tlicho, mais il faut qu'il en fasse la demande. Il y a un processus à suivre.

Je tiens seulement à souligner que les Métis sont très fiers de leur héritage. Ils sont très fiers de leur identité et ne sont pas prêts à la perdre pour bénéficier de l'Accord sur les revendications territoriales Tlichos. Nous espérons que nos droits seront reconnus. Je suis certain que nos droits finiront par être reconnus. J'en suis certain.

Le président : Une dernière question, monsieur Enge. Vous dites dans votre mémoire que vous avez ordonné l'arrêt des poursuites contre le gouvernement fédéral. Où en sont ces poursuites et pensez-vous ou espérez-vous entamer prochainement des négociations avec le gouvernement fédéral au sujet des droits des Métis?

M. Enge : Oui. Sous ma direction et grâce à la bonne volonté du conseil d'administration actuel de l'Alliance des Métis de North Slave, la poursuite intentée devant la Cour fédérale du Canada contre les trois principales parties à l'Accord sur les revendications territoriales du peuple Tlicho a été abandonnée le 3 décembre, je crois. Il reste quelques petits problèmes à résoudre. La demande en désistement a été déposée à la Cour fédérale du Canada, mais il reste certaines formalités à remplir. Néanmoins, en ce qui concerne l'Alliance des Métis de North Slave, cette poursuite a pris fin. Nous l'avons abandonnée officiellement et nous ne voyons pas la nécessité de revenir là-dessus.

Chacun sait, je crois, que lorsqu'un peuple autochtone intente une poursuite contre la Couronne, cette dernière arrête automatiquement de négocier. Quand vous êtes en litige, il n'y a plus de négociation. Il était absurde d'intenter cette poursuite parce qu'elle était inutile. Maintenant que la poursuite a été abandonnée, je suis sûr que nous pourrons ramener le gouvernement fédéral à la table de négociation pour faire respecter nos droits ancestraux.

Le président : Avez-vous des questions sur ce sujet ou tout autre sujet à poser à notre témoin?

S'il n'y en a pas, je tiens vous remercier, monsieur Enge, pour votre témoignage. Je crois que vous avez fourni des renseignements utiles aux membres du comité. Cela va nous éclairer pour nos délibérations sur ce projet de loi.

Tous nos voeux de succès vous accompagnent.

M. Enge : Merci de m'avoir invité ici ce soir. Je vous exhorte à accélérer l'adoption de ce projet de loi.

Le président : Sénateurs, l'audition de nos témoins est maintenant terminée pour l'examen du projet de loi C-14. Nous allons passer à l'étude article par article du projet de loi. Est-ce d'accord, sénateurs?

Le sénateur St. Germain : Monsieur le président, si le comité est d'accord, je suggère que nous passions immédiatement à l'étude article par article.

Des voix : D'accord.

Le président : Normalement, nous remettons à plus tard l'examen du titre complet, du préambule et du titre abrégé contenu à l'article 1. Le comité veut-il procéder de la façon habituelle?

Le sénateur Watt : Pourriez-vous nous fournir le texte que vous lisez? Nous ne l'avons pas.

Le président : En fait, je procède article par article et il y a deux façons de faire. Nous pourrions procéder par groupes d'articles ou si nous adoptons une motion pour procéder autrement, nous pouvons adopter tous les articles globalement. Ce sont là deux options.

Le sénateur St. Germain : Pouvons-nous séparer le projet de loi en plusieurs éléments?

Le président : Oui. Je vais commencer et demander aux sénateurs : l'article 2 est-il adopté? Voulez-vous examiner ces articles au fur et à mesure?

Le sénateur Watt : Pouvons-nous avoir un exemplaire du projet de loi?

Le président : Vous pouvez suivre dans la table analytique. Les articles sont regroupés dans la table analytique.

Sénateurs, l'article 2 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté. Les articles 3 et 4 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : Adoptés. L'article 5 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté. L'article 6 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté. L'article 7est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté. L'article 8 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté. Les articles 9 à 14 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : Adoptés. Les articles 15 à 94 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : Adoptés. Les articles 95 et 96 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : Adoptés. Les articles 97 à 106 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : Adoptés. Les articles 107 à 110 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : Adoptés. L'article 111 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté. L'article 1, le titre abrégé, est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté. Le préambule est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté. Le titre est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté. Êtes-vous d'accord, sénateurs, pour que le projet de loi soit adopté sans amendement?

Des voix : D'accord.

Le président : Êtes-vous d'accord pour que je fasse rapport du projet de loi sans amendement à la prochaine séance du Sénat?

Des voix : D'accord.

Le président : Voilà qui termine notre étude du projet de loi C-14. Pour la gouverne des témoins et de l'auditoire, je signale qu'en tant que président du comité, je ferai rapport au Sénat à sa prochaine séance, qui aura lieu demain. Nous serons alors en mesure de demander le consentement unanime du Sénat pour procéder à la troisième lecture du projet de loi et, éventuellement, à la sanction royale.

Toutefois, si un des sénateurs ne donne pas son consentement, comme il doit normalement s'écouler 24 heures entre la présentation du rapport et la troisième lecture, nous devrons attendre jusqu'à mardi prochain. Je tiens à ce que tout le monde sache que les sénateurs ont droit à 24 heures pour examiner le projet de loi et s'assurer que toutes ses dispositions les satisfont.

Je sais que nos témoins ont fait un long voyage pour venir ici et je les remercie d'être venus devant le comité sénatorial pour voir le processus démocratique du Canada à l'oeuvre.

Le sénateur St. Germain : Nous devons veiller à ce que chaque sénateur ait le droit d'exprimer son opinion sur ce projet de loi en troisième lecture. Ce n'est généralement pas le cas, mais cette possibilité existe et il se pourrait qu'un sénateur autre que le sénateur Sibbeston et moi-même désire en parler.

Le président : J'insiste sur le fait qu'en troisième lecture, comme l'a dit le sénateur St. Germain, n'importe quel sénateur peut parler du projet de loi. J'ai l'intention de le faire, car je connais la question, je suis originaire du Nord et je m'y intéresse. Le sénateur St. Germain, qui est le vice-président du comité, parlera de l'Accord tlicho. N'importe quel autre sénateur pourra également parler du projet de loi.

Sur ce, je vous remercie encore une fois.

La séance est levée.


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