Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 7 - Témoignages du 10 mai 2005
OTTAWA, le mardi 10 mai 2005
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 9 h 32 pour étudier, afin d'en faire rapport, la participation des peuples et entreprises autochtones aux activités de développement économique du Canada.
Le sénateur Nick G. Sibbeston (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, la séance est ouverte. Nous accueillons aujourd'hui des représentants d'Industrie Canada. Monsieur Moore, auriez-vous d'abord l'obligeance de nous présenter vos collègues et de faire ensuite votre exposé.
M. Jeff Moore, directeur exécutif, Entreprise autochtone Canada, Industrie Canada : Honorables sénateurs, Entreprise autochtone Canada est une composante d'Industrie Canada. À ma gauche, je vous présente M. Freiheit, économiste principal de recherche pour Entreprise autochtone Canada. À ma droite, M. Heubner, gestionnaire, Services au Programme, Entreprise autochtone Canada.
Je serai bref. Premièrement, je tiens à dire que je suis heureux d'être ici pour témoigner dans le cadre de votre étude, car nous estimons que le développement économique est très important pour les peuples autochtones. Ce que j'aimerais faire, c'est de vous tracer un bref profil de la participation des peuples autochtones à la vie économique et de vous entretenir de certaines lacunes à combler en matière de qualité de vie, et de certaines des réussites, après quoi je parlerai brièvement d'Entreprise autochtone Canada, de son travail, et de certaines des orientations que nous nous proposons de suivre.
Je vais commencer par les bonnes nouvelles : les Autochtones participent de plus en plus à la vie économique. En fait, le nombre d'Autochtones en âge de travailler augmente. Et quand je parle des gens en âge de travailler, je parle des personnes âgées de 15 à 64 ans. En 2001, près des deux tiers de la population autochtone était en âge de travailler. De 1996 à 2001, on a enregistré une augmentation de 25 p. 100 des Autochtones en âge de travailler comparativement à 5 p. 100 pour l'ensemble de la population canadienne. Le segment des personnes en âge de travailler augmente de façon importante.
Selon Statistique Canada, la population active chez les Autochtones, en pourcentage de la population active canadienne, passera de 2,9 p. 100 à 3,6 p. 100 d'ici à 2016. Ces augmentations sont beaucoup plus importantes dans certaines régions du pays comme la Saskatchewan et le Nunavut. Le nombre d'Autochtones en âge de travailler qui entrent sur le marché du travail est également à la hausse. De 1996 à 2001, le taux de croissance de la population active autochtone était plus de quatre fois celui de la population active canadienne, d'où une augmentation du taux de participation de la population active autochtone qui s'est établi à 61,4 p. 100.
Cette participation accrue a permis de réaliser des améliorations économiques. L'emploi chez les Autochtones a augmenté. Entre 1996 et 2001, le taux d'emploi chez les Autochtones a augmenté quatre fois plus rapidement que le taux d'emploi chez les Canadiens; ainsi, le taux d'emploi chez les Autochtones se situait à un tout petit peu moins de 50 p. 100 en 2001. De même, le chômage chez les Autochtones a diminué; de 1996 à 2001, le taux de chômage chez les Autochtones est passé de 24 à 19,1 p. 100, soit une diminution de plus de 20 p. 100.
Des progrès sont également enregistrés dans d'autres domaines. En ce qui concerne le développement comme tel, la participation autochtone aux grands secteurs des ressources naturelles continue de s'accroître. Les possibilités de partenariat comme Voisey's Bay, les projets forestiers et les projets d'exploitation de mines de diamant sont de plus en plus importants pour les peuples autochtones. On a également constaté une augmentation mesurée du secteur des affaires. Il y a plus de 27 000 Autochtones travailleurs autonomes au Canada. Le taux de croissance du travail autonome chez les Autochtones correspond à neuf fois le taux enregistré à l'échelle nationale. Le tourisme autochtone, secteur évalué à plusieurs milliards de dollars pour les peuples autochtones au Canada, est particulièrement prometteur, et les Jeux olympiques de 2010 peuvent être un moteur économique très important pour la croissance de ce secteur.
Entre autres progrès en matière d'infrastructure, mentionnons l'accès à l'Internet et à la large bande pour les communautés inuites des Premières nations. Pour ce qui est du financement, nous continuons de réaliser des améliorations pour ce qui est de l'accès aux capitaux, de la bonification des taux d'intérêt et nous assistons également à la maturation des institutions financières autochtones.
Les entrepreneurs autochtones affichent de plus en plus de bons rendements. D'après les réponses à l'Enquête sur les entrepreneurs autochtones que nous avons menée en 2002 avec Statistique Canada, nous avons constaté qu'environ deux tiers des entreprises étaient exploitées depuis plus de cinq ans et près des deux tiers des propriétaires d'entreprises prévoyaient que celles-ci prendraient de l'expansion au cours des deux années suivantes. Sept entreprises autochtones sur 10 ont déclaré des profits en 2002, ce qui constitue une augmentation de 11 points de pourcentage depuis 1996 et est comparable aux entreprises canadiennes. Trente-cinq pour cent des petites entreprises autochtones comptaient au moins un employé à temps plein, alors que 30 p. 100 engageaient au moins un employé à temps partiel. Au cours des deux prochaines années, 72 p. 100 des entreprises d'exportation prévoient accroître leur chiffre d'affaires, et un cinquième des entreprises autochtones qui n'exportaient pas en 2002 prévoyaient commencer à le faire au cours des deux prochaines années.
Malgré toutes ces bonnes nouvelles, il y a encore d'importantes lacunes au chapitre de la qualité de vie qui persistent chez les Autochtones. Par exemple, les taux de participation à la population active traînent toujours derrière ceux du Canada en général. Le taux de chômage est de deux fois et demie plus élevé que le taux national. L'incidence des faibles revenus est deux fois plus répandue chez les Autochtones qui ont un niveau de revenu moyen une fois et demie inférieur au niveau national.
On remarque également une lacune grave en matière d'infrastructure, qui est importante pour le développement économique, soit la bande large et d'autres projets majeurs d'infrastructure. Les Autochtones ont trois fois et demie plus de chances de se retrouver à vivre de l'aide sociale que les autres Canadiens. Malgré des taux de scolarisation en croissance, il existe encore d'importantes lacunes et des taux encore plus élevés de pauvreté, de maladie, et cetera. chez les Autochtones.
Parmi les obstacles que nous constatons ou parmi les conditions qui nuisent au développement économique durable et au développement des entreprises pour les Autochtones, mentionnons le manque d'instruction, de possibilités d'emploi, le sous-développement des infrastructures, l'éloignement des marchés et un accès insuffisant aux marchés et aux services financiers. Les autres obstacles incluent la non-disponibilité de l'information, des capitaux et des actifs restreints, le fait d'être perçus comme un risque élevé en matière de crédit, l'incapacité d'accéder au financement commercial, de donner un terrain de la réserve en garantie et une expérience limitée en affaires et un manque de formation. En ce qui concerne les politiques et les programmes adoptés par le gouvernement fédéral pour lutter contre ces difficultés, en 1984, nous avons créé le Programme de développement économique des Autochtones, qui coûte près de 100 millions de dollars par année. Au fil des ans, ce programme s'est transformé pour devenir Entreprise autochtone Canada, qui est un programme de subventions et de contributions d'une valeur approximative de 39 millions de dollars par année.
Compte tenu de l'état actuel du développement chez les Autochtones, on semble mettre davantage l'accent sur le développement social que sur le développement économique. Nous ne disons pas qu'une telle mesure est erronée, mais qu'il faudra peut-être établir un meilleur équilibre entre les deux. Le gouvernement fédéral investit quelque 300 millions de dollars par année dans le développement économique des Autochtones, ce qui est peu comparativement aux 9 milliards de dollars qui sont investis pour les peuples autochtones. Il y a manque d'intégration entre les politiques de développement social et économique. Nous devons faire davantage pour établir un lien entre les grandes contributions sociales comme le logement, et le développement économique.
Industrie Canada inclut, bien sûr, Entreprise autochtone Canada et offre du soutien aux institutions financières autochtones. Le ministère englobe Rescol canadien pour les Autochtones qui relie les écoles autochtones à l'Internet. Il y a des programmes d'application générale qui sont pris en main par les Autochtones, par exemple, FedNor, l'agence régionale du Nord de l'Ontario, par l'entremise de son Programme de développement des collectivités. Il y a aussi le programme à large bande qui relie les communautés autochtones et autres à la large bande sur l'Internet.
Le mandat d'Entreprise autochtone Canada est de travailler avec les entrepreneurs et les entreprises autochtones et les organisations financières pour promouvoir le développement, la compétitivité et le succès des entreprises autochtones sur les marchés canadiens et mondiaux. Nous constituons un modèle de prestation à succès avec 37 millions de dollars de subventions et contributions qui proviennent du programme national. Entreprise autochtone Canada offre aux entrepreneurs et organisations autochtones admissibles des conseils et de l'information en matière d'aide financière. Le programme est mis à la disposition de tous les groupes autochtones ancestraux, quel que soit leur lieu de résidence. La contribution moyenne est d'environ 38 000 $, ce qui est en grande partie une contribution non remboursable, utilisée pour établir ou acquérir une entreprise ou pour la développer. La contribution maximale accordée à un entrepreneur individuel est de 75 000 $ et de 500 000 $ s'il s'agit d'un projet communautaire. Entreprise autochtone Canada offre des contributions non remboursables et du soutien pour la planification des entreprises, leur lancement, leur expansion et la commercialisation.
L'Administration centrale et les 10 bureaux d'Entreprise autochtone Canada comptent 100 personnes réparties dans tout le Canada. Nous avons également 15 ententes de prestation de services de tierce partie avec des institutions autochtones qui sont chargées d'exécuter notre programme en notre nom. Nous disposons d'un réseau de 30 sociétés d'immobilisations autochtones dont nous avons facilité la mise en place.
Je vais maintenant vous parler des réalisations de notre programme. Le taux de survie des entreprises qui profitent de l'aide d'Entreprise autochtone Canada est de 70 p. 100 comparativement à 65 p. 100 pour les entreprises canadiennes en général. Chaque dollar de contribution rapporte de 2 à 3 $. Depuis avril 2003, nous avons contribué à la création de 575 entreprises, à l'expansion de 270 et à l'acquisition de 67 entreprises existantes.
Grâce à l'accès que nous avons au programme de bonification des taux d'intérêt, nous avons dépensé 1,2 million de dollars et obtenu 16,5 millions pour les institutions financières principales. Tout cela a créé plus de 46 millions de dollars d'activité économique chez les Autochtones et plus de 1 600 emplois. Nous avons participé à la création et à l'expansion de sociétés d'immobilisations autochtones au cours des 20 dernières années. Jumelés à d'autres institutions, nous avons dépassé la marque du milliard de dollars en ce qui a trait aux prêts accordés aux entreprises autochtones. Les sociétés d'immobilisations autochtones prêtent actuellement de 40 à 50 millions de dollars par année à environ 1 300 entreprises autochtones.
Nous pouvons également compter sur le Conseil national de développement économique des Autochtones, dont le mandat est de fournir des conseils au ministre de l'Industrie et à d'autres ministres fédéraux sur la coordination des programmes, des politiques et des procédures dans leur ministère eu égard au développement économique des Autochtones. Le Conseil a été créé par décret en 1990 et compte un maximum de 20 membres. Tous les membres sont nommés par le gouverneur en conseil et représentent tous les groupes autochtones de toutes les régions du Canada. Il y a des cadres supérieurs nommés d'office par Industrie Canada, Affaires indiennes, Développement des ressources humaines Canada et Diversification économique de l'Ouest Canada. Le Conseil est sur le point d'ajouter des représentants d'autres agences régionales également.
Entreprise autochtone Canada offre des services de secrétariat au Conseil national de développement économique des Autochtones. Entre autres activités principales de l'exercice financier actuel, mentionnons la planification et la réalisation d'un sommet national des entreprises pour tenter de jumeler des entreprises autochtones à de grandes sociétés canadiennes et d'élaborer une fiche de rendement des entreprises en ce qui a trait au développement économique autochtone.
Entre autres mesures à venir, mentionnons l'adoption d'une approche plus équilibrée à l'égard du développement économique et social et l'encouragement de l'autonomie chez les peuples autochtones. Nous prévoyons utiliser l'outil du développement économique pour régler des enjeux sociaux et autres tout en répondant aux besoins d'une population importante et de plus en plus nombreuse vivant hors réserve. Nous prévoyons compter sur les programmes d'orientation générale pour aider les peuples autochtones. Nous reconnaissons que le coût économique de l'échec a des répercussions sur tous les Canadiens, non seulement sur les peuples autochtones.
Comme le savent les sénateurs, le premier ministre dispose d'une table ronde chargée de faire ressortir les possibilités économiques prioritaires. Le ministre de l'Industrie, M. David Emerson, a rencontré le secteur privé, les provinces, les territoires et les groupes autochtones pour formuler des recommandations sur la façon d'aller de l'avant dans cet important dossier. Le ministre souhaite lui aussi ardemment qu'il en soit ainsi.
Nous devons voir comment composer avec la diminution de 30 millions de dollars des crédits affectés au développement économique et imposée par Affaires indiennes et du Nord Canada. Le budget annuel de développement des entreprises de ce ministère a diminué, de sorte qu'il est plus difficile pour notre programme de gérer les occasions qui se présentent en matière de développement des entreprises.
Nous avons joint à notre mémoire une copie de la publication Le Quotidien, organe de Statistique Canada qui donnera aux sénateurs une meilleure idée des résultats de l'Enquête sur les entrepreneurs autochtones. Nous avons également joint un document de fond que le ministre Emerson a utilisé lors de son forum sectoriel sur les possibilités de développement économique et l'évaluation informative du programme d'Entreprise autochtone Canada. Vous trouverez également un exemplaire d'un ensemble de documents intitulé « Services aux entrepreneurs autochtones », qui est un guide de référence rapide pour les personnes autochtones qui veulent obtenir de l'aide pour leur entreprise ou de l'aide connexe. Nous laisserons également au comité la liste des réalisations du programme Entreprise autochtone Canada.
Une fois l'analyse terminée, nous remettrons au comité des fiches signalétiques provinciales et thématiques sur l'Enquête sur les entrepreneurs autochtones que nous avons menée. Les sénateurs auront l'information sur les entreprises autochtones non seulement par province et par secteur, mais également par territoire.
Le sénateur St. Germain : Monsieur Moore, ma première question concerne ce que vous avez dit au sujet du manque d'instruction. Vos statistiques paraissent bien intéressantes, mais je constate qu'il n'y a pas de changements importants dans certaines régions. Je suis convaincu que vos statistiques reposent sur les réalisations. Il y a manifestement une démarcation entre les entreprises qui ne réussissent pas et celles qui réussissent. Dans ma province de la Colombie- Britannique, les secteurs comme Osoyoos, Westbank et autres comptent des succès qui s'ajoutent aux autres réalisations. Cependant, il y a des cas d'échec. Vous avez également parlé du Nord, qui est un secteur bien particulier.
Notre comité s'est rendu dans le Nord et nous avons constaté qu'il y avait une économie axée sur les ressources. Naturellement, les gens ont profité de la situation et l'ont exploitée depuis le règlement des revendications territoriales. Ce sont les nations autochtones qui vivent en deçà du 60e parallèle qui éprouvent de véritables difficultés.
En ce qui concerne l'éducation, ce que je vois et ce que j'entends, c'est que nombre de nos Autochtones veulent devenir avocats; je ne sais pas pourquoi il en est ainsi, mais ils semblent vouloir faire carrière en droit. Certains se dirigent vers l'éducation. Quelle formation est offerte aux gens de métier?
Du côté des non-Autochtones, nombre d'entrepreneurs en bâtiment et de gens d'affaires prospères ont connu le succès en tant que plombiers et menuisiers qualifiés.
Est-ce que le ministère des Affaires indiennes ou votre ministère fait quoi que ce soit pour encourager les gens à devenir des gens de métier qualifiés, ce qui, à mon avis, est une profession plus honorable que celle d'avocat?
M. Moore : Je suis tout à fait d'accord avec vous, sénateur. Notre programme met davantage l'accent sur le développement des entreprises. Si des gens de métier veulent lancer une entreprise ou lui faire prendre de l'expansion, nous allons certainement les aider. En ce qui concerne la capacité de les amener au niveau de qualification nécessaire pour entreprendre ce travail, cela relève davantage de Développement des ressources humaines Canada, et dans une certaine mesure, d'Affaires indiennes également.
Je suis au courant de certaines des activités et de certains des projets pilotes qui sont menés à Vancouver, et d'une annonce récente concernant une formation en bâtiment. Il y a plusieurs autres exemples dans les environs de Fort McMurray et d'autres régions du pays. DRHC serait mieux en mesure de faire des commentaires sur ce genre de programme.
Le sénateur St. Germain : Depuis quand occupez-vous votre poste, monsieur Moore?
M. Moore : Trois ans.
Le sénateur St. Germain : Étiez-vous au ministère de l'Industrie avant?
M. Moore : Avant, j'étais gestionnaire d'un programme de développement des compétences à DRHC.
Le sénateur St. Germain : Pour avoir déjà été ministre, je sais que des problèmes peuvent passer inaperçus lorsqu'il y a trop de ministères qui sont en cause. Le problème, c'est qu'il y a tellement de ministères. Vous avez parlé de DRHC, d'Affaires indiennes Canada, de vous-même et vous avez mentionné un autre ministère.
M. Moore : Il y a aussi des agences régionales qui sont dans le jeu. Statistique intéressante, 11 ministères fédéraux s'occupent de développement économique des Autochtones et offrent environ 26 programmes
Le sénateur St. Germain : Comment peut-on vraiment se concentrer sur le travail à faire? Vous avez des réunions, et ensuite vous avez des réunions pour avoir des réunions. C'est ce qui me préoccupe. Le fait est que je constate que s'il y a une ressource importante comme le diamant, les pipelines, les puits de pétrole ou de gaz, il est relativement aisé pour une nation autochtone de se sortir du marasme du bien-être social et de s'attaquer au développement économique.
Lorsque les Autochtones vivent près des grandes villes au Manitoba, en Ontario ou dans des régions du Québec, ils ont peu de possibilités d'emploi. La seule façon de s'en sortir, c'est par l'éducation.
Vous avez commencé votre exposé en parlant d'éducation et il est encourageant de savoir que le Ministère est conscient des problèmes auxquels font face les Autochtones. Je m'inquiète de voir que rien ne sera fait parce qu'il y a tellement de ministères et d'organismes qui sont en cause. Ces peuples accusent un retard de quelque 20 ans dans leur niveau d'instruction comparativement au reste de la société. Cela va leur prendre 25 ans, quelqu'un l'a dit je crois, au taux actuel d'amélioration, pour rattraper le niveau d'instruction des non-Autochtones au Canada.
Je ne sais pas. Je pense que beaucoup de travail a été fait. Je ne veux pas être critique. Depuis le début des années 1980, les choses ont changé. Je faisais partie du gouvernement dans les années 1980, et j'ai été en mesure de constater le changement. Des améliorations ont été apportées.
Avec tous ces ministères et toutes ces agences, comment peut-on vraiment se concentrer sur la personne qui a vraiment besoin d'aide dans une réserve indienne du sud du Manitoba où la seule façon de se sortir du marasme, c'est d'apprendre un métier et d'améliorer son niveau d'instruction.
Je ne dis pas que l'université est mauvaise, mais le fait est que je ne pense pas que ce soit une fin en soi, même si de nombreuses personnes ont tendance à graviter autour de l'université. Si un jeune n'a pas l'intelligence pour aller à l'université, il passe à travers les mailles du filet.
Avez-vous fait des études sur cette question qui nous guideraient dans notre rapport? Pouvez-vous nous faire des recommandations positives?
M. Moore : Pour ce qui est de l'instruction, non. Je suis sûr que si vous demandez au ministère des Affaires indiennes, on pourra vous en fournir. Comme je l'ai dit, nous mettons davantage l'accent sur le développement des entreprises.
Le président : De toute évidence, vous vous intéressez aux entreprises autochtones de tout le pays. Est-ce que vous constatez un changement marqué?
Avons-nous atteint une étape dans notre société où grâce à une instruction accrue, à des possibilités élargies et à une plus grande conscience sociale, nous pourrons voir une véritable prolifération d'entreprises autochtones?
Est-ce une évaluation juste ou idéaliste de ma part?
M. Moore : C'est juste. Quand on regarde les statistiques sur la croissance de la population active et du marché du travail, on constate qu'il y a de plus grandes possibilités pour les Autochtones de devenir entrepreneurs.
Pour ce qui est de l'instruction, même si nous traînons toujours de l'arrière, il y a encore des possibilités d'avoir une meilleure instruction. Comme l'a fait remarquer mon collègue M. Freiheit, si l'on constate une augmentation du taux d'entreprenariat qui est neuf fois plus élevé que la moyenne canadienne, c'est peut-être en partie un effet corrélé de l'instruction. Selon M. Freiheit, les gens cherchent à créer leurs propres occasions, peut-être parce qu'ils n'ont pas l'instruction ou l'expérience nécessaire pour devenir des gens de métier ou pour quitter leur communauté pour trouver un emploi ailleurs ou même pour trouver un emploi chez eux. Il pourrait y avoir ici un lien entre l'absence d'occasions et le manque d'instruction et la tendance au travail autonome qui est beaucoup plus élevée que la moyenne canadienne.
Le sénateur St. Germain : Est-ce que vous aidez les gens qui vivent hors des réserves?
M. Moore : Notre programme est offert à tous les Autochtones, ce qui veut dire que nous offrons de l'aide et du soutien aux Inuits, aux Métis, aux Premières nations, aux Indiens inscrits ou non, vivant en réserve ou hors réserve, dans les régions urbaines, rurales et nordiques. Notre programme est un programme global, alors que si vous prenez le programme des Affaires indiennes offert auparavant pour le développement des entreprises, on mettait l'accent sur les Indiens inscrits vivant en réserve.
Le sénateur Peterson : Vous avez parlé des difficultés d'emploi chez les Autochtones, et de la question connexe de l'instruction. Un important employeur de Regina songe actuellement à abaisser ses exigences pour inclure plus de gens de métier dans ses offres d'emploi. Il exige actuellement un diplôme de 5e secondaire.
Avez-vous des statistiques indiquant si c'est là une bonne orientation à suivre entre-temps?
Les auteurs d'une étude sur les stratégies d'emploi à Regina ont constaté la même chose, à savoir que l'instruction est un facteur important pour les jeunes Autochtones. Tout ce que l'on veut, c'est de les amener à devenir des entrepreneurs et à atteindre l'autonomie. Nous avons l'Université des Premières nations, mais d'abord, les jeunes doivent finir leurs études secondaires. Il me semble que nous allons devoir consacrer beaucoup d'efforts au développement de ces gens s'ils veulent devenir des entrepreneurs.
Dans quelle mesure est-il important de restaurer le financement du développement économique? Vous avez dit que vous essayez de combler les lacunes. Il me semble que cela a eu des répercussions importantes sur le fait de vouloir aller de l'avant. On ne peut plus conclure des alliances stratégiques; on n'a plus le financement. Où en est-on au sujet de ce problème?
M. Moore : Pour ce qui est des jeunes, nous n'avons pas de statistiques sur l'éducation, mais nous constatons effectivement qu'il est très important de nous concentrer sur les jeunes Autochtones. Assurément, les Affaires indiennes pourraient trouver ces statistiques.
Nous constatons que les jeunes Autochtones sont plus désireux que les jeunes Canadiens de devenir travailleurs autonomes ou entrepreneurs, pour certaines des raisons dont j'ai parlé dans mon exposé. Il y en a peut-être d'autres aussi.
Nous réduisons les exigences en matière de capitaux pour les jeunes Autochtones afin qu'il soit plus facile pour eux d'accéder au financement par l'entremise de notre programme. Nous reconnaissons qu'ils ont une expérience restreinte, voire aucune expérience, et nous voulons leur faciliter la tâche.
En ce qui concerne la restauration du financement pour AINC, cela a eu des répercussions négatives sur le développement des entreprises en général. Ce que nous tentons de faire, c'est de réduire certaines de nos exigences et de changer les politiques de nos programmes pour combler les lacunes laissées par la baisse du financement des Affaires indiennes. Cela étant dit, le financement de ce ministère a été coupé, sans qu'il y ait augmentation parallèle du nôtre. Quant à savoir si nous serons en mesure de répondre à la demande, cela est incertain, mais nous le saurons au fur et à mesure que nous ajusterons nos priorités de programmes.
En considérant ce que j'ai déjà dit au sujet du grand nombre de programmes qui existent, je ne suis pas certain que la solution est qu'Affaires indiennes et Industrie Canada appliquent un programme de développement des entreprises. Peut-être pourrions-nous envisager une certaine consolidation où il y aurait un programme pour les peuples autochtones leur permettant d'accéder au financement pour le développement des entreprises.
Le sénateur Peterson : Je serais tout à fait d'accord pour ce genre de consolidation. L'autre problème que l'on constate, c'est que les gens tournent en rond pour tenter de savoir où ils peuvent obtenir de l'aide. Il doit y avoir un guichet unique. Ce serait une bonne idée.
M. Moore : C'est là un aspect que nous envisageons actuellement, et pas seulement pour le développement des entreprises. Il faut envisager les choses du point de vue d'un développement économique plus large pour ce qui est de rationaliser certains des programmes afin qu'ils soient davantage un guichet unique pour les collectivités et les individus que nous cherchons à aider.
Le sénateur Gill : J'aurais trois ou quatre remarques.
[Français]
Le sénateur Gill : Vous mentionniez qu'il y avait une centaine d'employés qui travaillaient au programme Entreprises autochtones Canada. FedNor est aussi impliqué ainsi que SOCA au Québec et probablement d'autres des Conseils de bandes. Avez-vous une idée du nombre d'employés impliqués à offrir les services du programme pour ces 38 millions de dollars. J'aurais d'autres questions à vous poser ou préférez-vous répondre à celle-là ?
[Traduction]
M. Moore : Entreprise autochtone Canada compte environ 100 employés qui ne sont pas tous nécessairement affectés à l'exécution du programme. Il y a d'autres aspects dont le sénateur est probablement au courant, comme offrir des services de secrétariat au Conseil national de développement économique des Autochtones. Certains de nos employés offrent du soutien en matière de politiques et de recherche pour le programme et le Ministère en ce qui a trait au développement économique des Autochtones.
Tout compte fait, nous avons 75 ou 80 personnes qui sont responsables de l'exécution du programme. Nous avons également des ententes de tierce partie avec des entités comme SourceCAN qui applique le programme au nom d'Entreprise autochtone Canada.
Nous avons évalué récemment la structure de prestation des services par une tierce partie et nous voulons aller de l'avant pour donner plus de soutien aux institutions autochtones, non seulement pour l'exécution de notre programme, mais aussi pour les intéresser davantage à profiter de notre programme.
Le sénateur Gill : Est-il possible de savoir quels sont les coûts généraux de gestion de ce programme?
Il y a tellement de personnes en cause, non seulement au niveau du gouvernement, mais du conseil de bande et au niveau provincial. Avec vos 100 employés, c'est 12 p. 100 ou 13 p. 100 du budget.
En ce qui a trait à l'emploi, combien investissez-vous pour gérer ce programme?
M. Moore : Pour les salaires, le budget de fonctionnement et d'entretien, le total d'EAC est d'environ 10 millions de dollars. Une partie importante de cet argent n'est pas forcément utilisée pour l'exécution du programme. Il faut mettre cela à part. Je n'ai pas les chiffres en tête. Une partie importante de cet argent est utilisée pour le fonctionnement de notre conseil du secteur privé de même que pour la prestation de conseils, la réalisations d'activités et de projets de recherche sur les politiques, et ainsi de suite.
Le sénateur Gill : Je m'intéresse à ce programme depuis le début. J'ai fait partie du conseil à l'échelle provinciale et nationale. J'y ai passé suffisamment de temps pour savoir que d'après les statistiques, tous les Indiens doivent avoir travaillé.
Si vous ajoutez les statistiques et les emplois créés chaque année, on devrait avoir un taux d'emploi de 100 p. 100. Il faut être sérieux à ce sujet. Ça vous guide pour l'avenir, pour l'argent qui devrait être investi et où il devrait être investi.
Je ne sais pas si les choses ont changé, mais vous pouvez compter les têtes et les entreprises qui sont supposées avoir été créées et être efficaces. Je ne sais pas sur quelle base vous vous fondez.
Si vous prenez le développement économique et l'aide sociale, qui augmente de plus en plus, votre programme prend de l'expansion en raison de la création d'emplois. Je parle ici des emplois en réserve, parce que hors réserve, les choses sont différentes. C'est difficile de savoir. L'aide sociale en réserve augmente tout comme l'emploi. Cela est difficile à expliquer. Pourriez-vous le faire pour moi?
M. Moore : C'est une bonne question et je ne pense pas pouvoir vous donner une explication.
Le sénateur Gill : Je sais que vous travaillez sérieusement et que vous essayez de faire de votre mieux. Pourriez-vous essayer de convaincre votre patron — je ne sais pas qui il est — d'analyser la situation et de fournir de bonnes statistiques pour créer un bon programme, un programme qui va régler un problème? Je ne dis pas que vous ne faites rien pour aider les Autochtones. Des progrès ont été constatés en réserve, mais les choses sont toujours difficiles.
Quand vous parlez des Autochtones, vous parlez des gens qui vivent en réserve, hors réserve, des Premières nations, des Métis et des Inuits. Je pense que tout le monde est d'accord pour dire que la situation géographique, économique et sociale est différente d'un groupe à l'autre. Nous devrions avoir quelque chose de spécial pour chacun de ces groupes. Par exemple, si vous investissez de l'argent et que vous voulez une garantie, les Indiens en réserve ne peuvent en donner. Ils peuvent le faire s'ils vivent hors réserve. Dès le début, cela est très important.
Il est important de faire une distinction entre les deux groupes, et je vais l'inclure dans mes recommandations. Je sais que les gens ont tendance à mettre tous les groupes dans le même panier. C'est plus facile pour l'administration, mais ça ne nous donne pas une idée réelle de la situation et ça ne vous aide pas non plus à trouver une solution adéquate.
Je sais que vous faites de votre mieux. Ce n'est qu'un commentaire. Peut-être souhaiterez-vous y répondre?
M. Moore : Il y a une différence importante entre les gens qui vivent en réserve et hors réserve. Les gens qui vivent en réserve sont assujettis à un régime législatif et réglementaire différent, et ces régimes créent des obstacles au développement économique. Vous avez fait allusion à un de ces obstacles, qui est la question du versement de garanties par des gens vivant dans les réserves. Quand l'entrepreneur normal va dans une banque, il offre sa maison ou son terrain pour garantir un prêt. C'est difficile de faire ça quand on vit en réserve.
Certaines communautés ont trouvé des façons innovatrices de contourner le problème. Nous voulons voir comment nous pouvons reproduire une telle solution partout dans le pays. Je ne crois pas qu'il suffise simplement de garantir une terre en réserve. Beaucoup vont s'opposer à une telle mesure. Il faut plutôt trouver des façons innovatrices de contourner le régime législatif et réglementaire actuel pour s'assurer que les Autochtones vivant en réserve qui souhaitent lancer ou agrandir une entreprise puissent le faire.
Le sénateur Gill : Je sais que les gens essaient de réunir leurs efforts : Affaires indiennes, Développement économique, Développement économique autochtone, et autres s'intéressent à l'économie. À votre connaissance, y a-t- il des problèmes entre ces institutions?
M. Moore : Beaucoup de progrès ont été réalisés. Nous entretenons de très bonnes relations avec nos collègues des Affaires indiennes, tout comme avec ceux des agences régionales. Dans certains cas, nous avons des comités d'examen de projets et d'autres types de comités où nous pouvons nous réunir pour discuter de projets d'intérêt mutuel. Dans certains secteurs, nous comptons sur les provinces.
Un bon exemple de cela, le Nouveau-Brunswick, qui fait partie de l'Initiative conjointe de développement économique (ICDE). Cette initiative réunit autour d'une même table des représentants de la province, d'Affaires indiennes, d'Industrie Canada, de l'APECA et des groupes autochtones. Nous avons des discussions générales sur le développement économique du Nouveau-Brunswick, mais des discussions particulières sur certains projets. Ce modèle semble bien fonctionner. Il faudra voir si cela pourrait bien fonctionner dans d'autres provinces. Peut-être est-ce un modèle qui pourrait être repris ailleurs.
Le sénateur Christensen : Il est difficile de tout inclure dans les statistiques. Comment établissez-vous le taux de survie des entreprises à 70 p. 100? Est-ce qu'il s'agit d'autonomie financière?
M. Freiheit : L'étude de laquelle les statistiques ont été tirées prenait en compte les entreprises qui étaient exploitées au moment où l'enquête a été menée.
Le sénateur Christensen : Toutes les entreprises encore en exploitation tombent dans cette catégorie?
M. Freiheit : C'est exact. Nous sommes en train de créer une base de données avec l'information que nous avons recueillie. Nous recueillons des données qui vont permettre de faire un calcul du taux de survie de façon régulière.
Le sénateur Christensen : Lorsque ce taux a été établi, il était plus élevé que pour le reste du pays. Si vous prenez le pourcentage pour le reste du pays, sur quoi se base-t-on?
M. Freiheit : Le taux de 65 p. 100 établi pour le reste de la population canadienne est basé sur une étude qui commence à dater. C'était une étude de Statistique Canada, et qui tentait rigoureusement d'établir le taux de survie des entreprises autochtones. C'est là une chose que nous devons améliorer, et que nous sommes en train d'améliorer.
Le sénateur Christensen : Quand ce taux est comparé, il est artificiellement élevé. Il faut voir ce qui se fait dans le reste du pays et quel genre d'aide les entreprises ont obtenu pour en arriver là. Il faut faire une comparaison égale pour en venir à cette conclusion.
M. Freiheit : Tout le monde reconnaît les limites des données en ce qui concerne les peuples autochtones.
Le sénateur Christensen : Quel est le taux de participation au programme? Est-ce qu'il est utilisé à 100 p. 100 ou s'il y a place pour la croissance?
M. Moore : Nous dépensons la totalité de notre budget à la fin de chaque année. Certaines années, nous avons dépensé plus que nos crédits, mais nous gérons ce problème d'une année à l'autre.
Cette année et les années subséquentes seront déterminantes pour nous à cause de la diminution du financement des Affaires indiennes et de l'absence d'augmentation de financement accordé à Entreprise autochtone Canada. Beaucoup de gens vont venir nous voir pour obtenir du soutien à des projets que nous n'avons jamais soutenus. Il est important d'ouvrir nos portes davantage et de prendre le risque. Nous ne voulons pas que les gens n'obtiennent pas l'aide dont ils ont besoin parce qu'un programme a été annulé.
Chaque année, nous refusons beaucoup de clients. Soit parce qu'ils ne sont pas admissibles, soit qu'ils ont changé d'idée ou qu'ils ne répondent pas à nos critères. J'espère, comme nos critères ont changé, que nous pourrons accueillir plus de gens dans le cadre de notre programme cette année.
Nous finançons environ 1 000 projets par année. La contribution de 38 000 $ par client est assez faible. Nous offrons de 2 000 à 5 000 $ pour aider quelqu'un à élaborer un plan d'affaires. Nous offrons jusqu'à concurrence de 50 000 $ pour aider quelqu'un à acheter un véhicule pour son entreprise.
Le sénateur Christensen : Des 1 000 clients avec qui vous traitez chaque année, quel est le pourcentage de gens qui vivent en réserve et hors réserve?
M. Moore : Je suis presque certain que nos statistiques correspondent à la répartition géographique et que 70 p. 100 des Autochtones vivent hors réserve. En ce qui a trait à notre financement, environ 66 p. 100 des personnes que nous finançons vivent hors réserve, donc c'est pratiquement à même hauteur.
Le sénateur Christensen : Quel serait le taux de participation entre le Nord et le Sud des Territoires? Quel est le pourcentage?
M. Moore : Trois pour cent de nos demandeurs proviennent des Territoires. Je ne sais pas si cela correspond au pourcentage de la population.
Nous avons ouvert un bureau à Yellowknife l'an dernier pour atténuer ce problème. Nous n'avions pas de bureau là-bas, mais nous avions une entente de prestation de services de tierce partie et cela n'a pas fonctionné. Nous avons décidé d'ouvrir un bureau à Yellowknife pour les Territoires du Nord-Ouest, et la demande de financement dans le cadre de notre programme a augmenté de 300 p. 100.
Le sénateur Christensen : Est-ce que les Premières nations qui ont réglé leurs problèmes de revendications territoriales sont admissibles?
M. Moore : Absolument.
Le sénateur Christensen : Il doit y avoir répétition du genre d'entreprises que vous financez. Y a-t-il des restaurants, des entreprises de construction ou d'entretien de routes?
M. Moore : Nous offrons du soutien au secteur des ressources naturelles et au secteur touristique.
Nous commençons à constater une augmentation des demandes de soutien de services professionnels et techniques : médecins, dentistes, consultants et avocats. Nous accordons plus de soutien aux professionnels qui lancent une entreprise.
Le commerce de détail commence à augmenter également, et cela semble coïncider avec ce que nous constatons dans les données du recensement.
Le sénateur St. Germain : Vous mettez 38 millions de dollars dans cela par année?
M. Moore : Oui. Notre budget de subventions et de contributions est de 38 millions de dollars par année.
Le sénateur Christensen : Quelles garanties sont exigées si les gens sont hors réserve comparativement à ceux qui sont en réserve et qui disposent de certains arrangements dans leur structure en ce qui concerne les garanties?
M. Moore : Toute personne qui veut accéder à notre programme doit avoir 15 p. 100 de son propre actif. Les jeunes doivent fournir 10 p. 100, et nous avons défini les jeunes comme des personnes âgées de 36 ans moins un jour. Je ne réponds pas au critère. Nous ne prenons pas de titres boursiers.
Le sénateur Peterson : Beaucoup de nouvelles réserves urbaines sont créées pour prendre en charge une entreprise existante ou créer une industrie. Est-ce qu'il existe des procédures et des règles différentes pour obtenir les actifs en pareil cas?
M. Moore : Je ne sais pas exactement quelle loi régit les réserves urbaines. Je suppose que, si ce sont des réserves, elles ont les mêmes problèmes que les autres réserves en ce qui concerne le fait de s'engager ou de donner en garantie une terre ou une maison. Il faudrait que je vérifie avec les Affaires indiennes à ce sujet.
Le sénateur Peterson : S'il vous plaît, oui.
M. Moore : La réserve de Muskeg Lake en Saskatchewan, voisine de Saskatoon, tire extrêmement bien son épingle du jeu. On compte plusieurs entreprises qui connaissent beaucoup de succès dans cette réserve. Quant à savoir si le succès peut se répéter dans d'autres réserves urbaines, cela reste à voir.
Je crois que Diversification économique de l'Ouest a fait une étude sur les réserves en milieu urbain. On pourrait essayer de la trouver pour vous, si vous voulez. C'était une étude intéressante. Nous savons qu'il y a beaucoup de résistance de la part d'autres zones urbaines en ce qui a trait à la création de réserves en milieu urbain, pour diverses raisons.
Le sénateur Peterson : L'information serait intéressante. Elle vous aiderait à vous lancer dans de nouveaux projets.
Le sénateur Gill : Est-ce que vous incluez les Inuits et les gens qui vivent dans les territoires dans les gens vivant « hors réserve »? Certains d'entre eux vivent en réserve, mais la majorité vit hors réserve, y compris la nation dénée.
M. Moore : Nos statistiques sur les gens en réserve par rapport aux gens hors réserve incluent les Inuits, pour des raisons statistiques seulement.
Le sénateur Léger : Le sénateur St. Germain disait qu'il y a tellement de ministères que l'on se perd. Il y a 11 ministères et 26 programmes, comme vous l'avez dit.
On constate des progrès du côté des entreprises. Y a-t-il progrès équivalents dans la diminution du nombre de ministères et l'atténuation des complications qui empêchent d'obtenir de l'aide? Au fur et à mesure que les Autochtones progressent, le gouvernement rationalise-t-il ses opérations pour réduire les complications?
M. Moore : Je n'ai pas vu de changement majeur. En ce qui concerne les mesures que nous adoptons pour les Autochtones en général, y compris les programmes socio-économiques, il y a environ 30 ministères qui appliquent plus de 260 programmes. Nous constatons des progrès dans des secteurs comme le développement de la petite enfance où ils travaillent ensemble pour coordonner et rationaliser les programmes. Voilà le genre de mesures que nous souhaitons prendre en matière de développement économique également. Nous voulons réduire l'écart et le dédoublement afin d'être capables de réagir à la vitesse des entreprises et d'être plus efficaces dans l'exécution des programmes. C'est là le défi que nous devons relever actuellement.
Le sénateur Léger : Est-ce que c'est une priorité pour tous les ministères ou si c'est simplement que l'on est conscient de la situation, mais qu'on ne peut pas se sortir du système?
M. Moore : D'après notre propre expérience et le travail que nous faisons en matière de développement économique, c'est une des grandes priorités actuellement. Nous avons informé le ministre Emerson de la situation. Il souhaite que l'on adopte un processus qui mènera à la création d'une approche à l'aide de laquelle on pourra rationaliser tous ces ministères et ces programmes.
Le sénateur Léger : Est-ce qu'il y a des Autochtones qui occupent des postes supérieurs dans ces 11 ministères, surtout dans les 10 bureaux répartis dans tout le Canada?
M. Moore : J'occupe le poste le plus élevé à Entreprise autochtone Canada, et je suis un Autochtone de Kitigan Zibi, une réserve près de Maniwaki. Nous avons cinq postes de cadres à Entreprise autochtone Canada, et trois sont occupés par des Autochtones dont moi-même. Entreprise autochtone Canada compte 40 p. 100 d'employés autochtones. Nous aimerions atteindre 50 p. 100, sinon plus. Nous devons suivre les règles et règlements de la Commission de la fonction publique, mais nous voulons atteindre ce niveau.
Le sénateur Léger : Je ne comprends pas le volet entreprise. Pourquoi diminuons-nous les fonds de 30 millions de dollars dans un domaine en expansion?
M. Moore : Je ne peux répondre à cette question. Il faudrait la poser aux gens des Affaires indiennes, mais cela représente certainement une difficulté pour nous.
Le sénateur Christensen : Parmi les projets que vous financez actuellement, quel pourcentage représenterait des coentreprises avec des sociétés non autochtones?
M. Moore : Nous croyons que c'est très peu, mais il faudrait trouver le pourcentage pour vous.
Le sénateur Christensen : Je me demande si c'est vraiment répandu.
Le président : La vérificatrice générale a comparu devant le comité la semaine dernière. Comme vous le savez, son bureau a réalisé une étude sur les services offerts aux Premières nations. Elle a critiqué le gouvernement, plus particulièrement les organismes qui offrent des services aux Autochtones, parce que cela prend tellement de temps.
Dans votre organisation, êtes-vous soucieux d'adopter une attitude d'entrepreneur et d'être le plus efficace possible? De toute évidence, respecter le rythme normal du gouvernement, ce n'est pas suffisant pour une entreprise.
M. Moore : Entreprise autochtone Canada engage des particuliers qui ont un baccalauréat en commerce, un MBA, un CPA, des CGA et ainsi de suite. Ce sont des gens très qualifiés pour évaluer les entreprises. Nous avons également établi des normes de service que nous devons respecter. Les cadres et les personnes qui travaillent pour EAC doivent respecter ces normes pour avoir une rémunération au rendement.
En fait, nous jugeons nos employés par la rapidité avec laquelle ils peuvent réaliser un projet, et ainsi de suite. Nous prenons les normes de service au sérieux chez nous, parce que nous réalisons que lorsque les possibilités se présentent, il faut tenir compte des délais et des besoins des clients pour agir rapidement. Notre sondage sur la satisfaction de la clientèle indique qu'environ 75 p. 100 de nos clients sont satisfaits du service qu'ils ont reçu. Cependant, lorsque nous avons examiné les 25 p. 100 qui n'étaient pas satisfaits, les principales critiques portaient sur les échéanciers, de toute évidence. C'est là une chose qu'il nous faut encore améliorer et pour laquelle il faut trouver des façons innovatrices d'améliorer notre processus pour accélérer les choses. Assurément, nous en faisons une priorité très importante.
M. Freiheit : Certains aspects de la prestation des services et le rythme de prestation ont été critiqués, mais cela est dû en grande partie à la diligence raisonnable qu'impose le programme aux clients et qui, à notre avis, aide à faire en sorte que le client ait un meilleur point de départ. Cela lui donne une meilleure chance de se battre et de survivre avec le temps. Grâce à la diligence raisonnable et à divers mécanismes de soutien qui sont offerts par les agents de développement, les commentaires de nos clients, recueillis dans nos études sur la satisfaction de la clientèle, indiquent que c'est ce service personnel et ces mesures supplémentaires pour nous assurer que tout est bien aligné afin de lancer l'entreprise sur un bon pied qui constituent un facteur important dans leur succès et leur viabilité en bout de ligne.
M. Moore : L'autre difficulté que nous éprouvons, c'est que pour accéder au financement, il faut concevoir un plan d'affaires. Nous constatons que pour plusieurs de nos clients, il est difficile de préparer un plan d'affaires. Nous essayons de les aider au départ pour leur fournir des cadres et des guides de planification des entreprises, ainsi de suite. Il peut y avoir encore des difficultés pour échanger de l'information et sensibiliser les clients aux éléments importants qu'il faut inclure dans un plan d'affaires. Cela peut retarder le processus également, mais nous essayons de les aider le plus possible pour leur fournir la bonne information.
Le président : Je sais qu'emprunter de l'argent, c'est stressant et qu'il faut s'impliquer. Une fois le plan d'affaires établi, vous allez voir votre institution financière. En quelques semaines, elle vous donne sa décision. Dans le cadre de votre programme, j'imagine qu'il y a un conseil qui prend des décisions pour les sommes plus importantes en particulier. En quoi cela est-il différent d'aller à une banque?
M. Moore : À Entreprise autochtone Canada, nous avons un processus en deux étapes. Premièrement, le client fournit une déclaration d'intention. Nous examinons cette déclaration pour nous assurer que le client est admissible aux fonds du programme. Nous avons établi cette étape pour nous assurer que les gens n'arrivaient pas immédiatement avec un plan d'affaires, qu'ils faisaient tout ce travail et constataient qu'ils ne pouvaient pas obtenir des fonds d'Entreprise autochtone Canada. La déclaration d'intention est un processus qui demande moins de travail pour le client. Il remplit quelques pages et fournit certaines preuves de capitaux et de ses origines autochtones et ainsi de suite. Une fois que nous avons fait la sélection à l'étape de la déclaration d'intention, nous rendons une réponse en quelques semaines. Parfois, ça peut être quelques jours, parfois quelques semaines et ainsi de suite. Nous donnons une réponse en disant que la ou les personnes ont été sélectionnées et sont admissibles. Elles peuvent ensuite passer à l'étape du plan d'affaires qui nous sera soumis. C'est là que ça peut prendre plus de temps parce que parfois, les clients ne savent pas comment préparer un plan d'affaires, comme je l'ai dit. Cela peut être plus long, entre un et plusieurs mois pour obtenir un plan d'affaires bien ficelé. Nous sommes alors en mesure de les financer à cette étape, une fois le plan d'affaires accepté.
Le sénateur St. Germain : Combien de gens chez vous ont une expérience pratique des affaires?
Mon comptable agréé ne pourrait pas lancer une entreprise même si sa vie en dépendait, mais il m'a gardé à flot toute ma vie dans diverses entreprises. Je connais beaucoup de ses clients et je sais combien il en a. Est-ce que vous avez des gens sur le terrain dans votre ministère qui ont une véritable expérience des affaires?
Il y a un risque dans toutes les entreprises. Ce risque calculé, c'est un risque que les entrepreneurs eux-mêmes peuvent mieux évaluer que des personnes qui ont un diplôme de CGA, de CA ou un baccalauréat en commerce, peu importe. Mon associé en affaires est incapable de faire un chèque, mais il vaut environ 20 millions de dollars aujourd'hui. Il est incapable d'écrire le mot « cent ». Les banquiers lui ont toujours dit, vous devez faire ceci, vous devez faire cela, tout ce qu'il a fait, c'est de faire de l'argent, et il y est parvenu parce qu'il avait le sens des affaires. Combien de gens comme lui avez-vous dans vos ministères?
M. Moore : En fait, nous en avons pas mal. Nous avons des personnes qui ont géré leur propre entreprise ou travaillé pour des institutions financières autochtones, une banque, et cetera. Je crois qu'il y a un assez bon mélange.
Le sénateur St. Germain : Avez-vous des gens sur le terrain qui ont bâti eux-mêmes une entreprise, qui l'ont partie de zéro?
Certes, on peut travailler dans une banque, ici, là, n'importe où, mais travailler dans une banque à charte serait la pire chose que l'on puisse donner comme expérience parce que les banques ne prennent aucun risque.
M. Moore : Nous avons des personnes qui ont de l'expérience dans la création ou la gestion d'entreprises. C'est bien, comme vous le dites. Nous essayons de former les gens qui se joignent au programme s'ils n'ont pas cette expérience pour être capables d'expliquer les aspects du risque et ainsi de suite, et pour s'assurer qu'ils sont conscients de la situation des Autochtones et des défis qu'ils ont à relever. Il est important d'avoir cette formation, cette sensibilisation pour connaître certains des autres défis et peut-être prendre des décisions différentes d'une institution financière. Essentiellement, nous sommes là pour combler les lacunes entre la possibilité d'accéder au financement ou non. Nous ne sommes pas là pour financer un projet dans son intégralité. Si une personne va à la banque et qu'elle a de la difficulté à obtenir du financement, nous pouvons combler le manque à gagner et nous assurer qu'elle a des capitaux supplémentaires en main pour aller à une banque ou s'adresser à un partenaire et dire qu'elle a maintenant les ressources.
Le sénateur Gill : Est-il possible d'avoir un organigramme? J'aimerais savoir si votre organisation évolue. Je sais que vous avez un bureau national à Ottawa. Vous avez un gros bureau à Toronto, un petit à Montréal et de plus petits dans le reste du pays. J'aimerais savoir s'il est possible d'avoir votre organigramme avec le nombre d'employés. Est-ce possible?
M. Moore : Certainement.
Le sénateur Gill : Nous aimerions connaître les organisations avec lesquelles vous avez des ententes de contrat de services.
M. Moore : Les services de tierce partie?
Le sénateur Gill : Les ententes de tierce partie avec les clients.
M. Moore : Nous pouvons vous en donner une liste aussi, absolument.
Le président : S'il n'y a pas d'autres questions, je vous remercie beaucoup.
Il nous faut une motion pour accepter les documents qui sont déposés.
Le sénateur St. Germain : Je propose cette motion.
Le sénateur Léger : Je l'appuie.
Le président : Tous ceux qui sont en faveur?
La motion est adoptée.
Merci beaucoup.
La séance se poursuit maintenant à huis clos.
Le comité poursuit ses travaux à huis clos.