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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 7 - Témoignages du 11 mai 2005


OTTAWA, le mercredi 11 mai 2005

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 25, conformément à l'article 131 du Règlement, renvoi de la réponse du gouvernement au sixième rapport du Comité permanent des peuples autochtones intitulé « Les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain : Plan d'action pour le changement. »

Le sénateur Nick G. Sibbeston (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je déclare la séance ouverte. Avant de commencer, je voudrais vous donner le contexte du rapport que nous examinons ce soir. Certains membres du comité se souviennent probablement d'une étude intitulée « Les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain : Plan d'action pour le changement », effectuée par notre ancienne collègue, le sénateur Chalifoux. Le rapport a été initialement présenté au Sénat le 30 octobre 2003; il a été adopté le 1er avril 2004, puis une demande de réponse de la part du gouvernement a été faite le 3 novembre 2004. Une réponse a été déposée par le gouvernement le 19 avril. C'est l'historique de l'étude entreprise et nous écoutons aujourd'hui la réponse du gouvernement fédéral.

C'est avec plaisir ce soir que j'accueille l'honorable Ethel Blondin-Andrew, ministre d'État (Nord canadien). Elle est accompagnée de deux fonctionnaires, M. Allan MacDonald, directeur du Bureau de l'Interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits, et Suzanne Desjarlais, analyste principal en politiques.

L'honorable Ethel Blondin-Andrew, ministre d'État (Nord canadien) : L'honorable Andy Scott, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et Interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits m'a demandé de vous saluer. Il est sincèrement désolé de ne pouvoir être ici aujourd'hui en raison d'engagements pris antérieurement. Il m'a demandé de vous féliciter pour l'excellent travail accompli dans votre examen des questions d'importance qui touchent les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain et pour veiller à sensibiliser le gouvernement du Canada à ces questions de sorte qu'il y donne suite.

Je remercie le comité de me donner l'occasion de l'entretenir au sujet des mesures prises par le gouvernement du Canada pour venir en aide aux jeunes Autochtones vivant en milieu urbain. Les enjeux mettant en cause les enfants et les jeunes Autochtones m'importent profondément, et cela a toujours été le cas. En fait, si je me consacre à la fonction publique aujourd'hui, c'est notamment pour travailler avec d'autres à favoriser la réalisation du plein potentiel des jeunes Autochtones d'un bout à l'autre de notre pays.

J'ai déjà travaillé dans le domaine des enfants et des jeunes à la fois à Ressources et Développement des compétences Canada et à Santé Canada. Je crois que nous avons fait de grands progrès dans ce domaine, mais il reste encore beaucoup à faire. C'est pourquoi les travaux que vous avez accomplis dans le cadre du rapport concernant les jeunes Autochtones en milieu urbain sont très utiles. Le plan d'action énonce d'excellentes recommandations pour soutenir les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain, et je sais que plusieurs ministères fédéraux ont déjà envisagé l'adoption de mesures pour mettre en œuvre vos suggestions, ou sont en voie de le faire.

Nombre d'entre vous voudraient sans aucun doute m'entendre dire que le gouvernement a adopté toutes les recommandations. J'aimerais bien pouvoir le dire, mais certaines de ces questions requièrent du temps et plus de travail. En témoignent les discussions qui ont actuellement lieu dans le cadre de la table ronde Canada-Autochtones et de la prochaine rencontre des premiers ministres avec les dirigeants des peuples autochtones.

Je ferai tout à l'heure état de l'avancement de ces deux processus, mais je voudrais auparavant mentionner certains des efforts du gouvernement axés sur les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain depuis le dépôt de votre rapport en novembre 2003. J'indiquerai les mesures prises par le gouvernement par rapport aux quatre rubriques dont il est fait mention dans le rapport. Permettez-moi de commencer par la question des politiques et des compétences.

Le partage des compétences est prépondérant en matière de politique autochtone. Nul doute, selon moi, que l'échec des gouvernements à conjuguer leurs efforts par le passé sur les questions autochtones a considérablement nui à la réalisation de progrès pour les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain. Dans le contexte actuel — conditions socioéconomiques difficiles, nombre croissant d'Autochtones vivant hors réserve et pressions exercées notamment par le secteur privé et les tribunaux — il est à mon avis nécessaire que les gouvernements fédéral et provinciaux cessent de s'attacher aux questions de pure forme et visent des résultats concrets. Il est dommage que les gouvernements attendent souvent que la situation soit critique avant d'agir; on peut heureusement voir qu'il y a maintenant des progrès.

Par suite d'une collaboration intergouvernementale accrue, nous commençons à voir l'adoption d'approches novatrices en matière de programmes et de prestation de services. C'est aussi le cas pour les partenariats. Afin de démontrer le lien entre l'amélioration de la prestation de services et les partenariats, je voudrais vous parler des mesures que nous prenons dans le cadre de la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain (SAMU). Depuis le dépôt de votre rapport, le gouvernement du Canada a doublé le budget total de la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain. Comme bon nombre d'entre vous le savent, la stratégie a été mise en place en 1998 pour répondre, en partenariat avec d'autres intervenants, aux besoins socioéconomiques pressants des Autochtones vivant en milieu urbain. Elle est conçue pour améliorer l'élaboration de politiques et la coordination des programmes au sein des ministères fédéraux et des différents ordres de gouvernement. Par le biais de la SAMU, les gouvernements et les collectivités visent à combler l'écart entre les Autochtones vivant en milieu urbain et l'ensemble des Canadiens en mettant en œuvre des programmes qui répondent mieux aux besoins et priorités des Autochtones qui vivent dans les villes.

La grande partie des fonds affectés à la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain sont consacrés à la mise en œuvre de projets pilotes dans 12 villes prioritaires : Vancouver, Prince George, Lethbridge, Calgary, Edmonton, Prince Albert, Winnipeg, Regina, Saskatoon, Thompson, Thunder Bay et Toronto. La concurrence a été serrée. Ces projets sont menés par la collectivité et reflètent la diversité des populations autochtones dans les villes. Les comités directeurs de la SAMU sont donc composés de représentants des Premières nations et des Métis, des organismes politiques et de prestation de services, des hommes et des femmes, des personnes âgées et des jeunes. Les priorités varient selon les villes, mais la jeunesse est une priorité dans la plupart de ces villes. Voici plusieurs exemples de projets pilotes fort prometteurs, mis en œuvre au cours des deux premières années de la SAMU : des programmes « L'école avant tout » qui, dans le cadre de différents projets mis en place dans un certain nombre de villes, permettent d'améliorer le rendement scolaire des jeunes Autochtones; un programme artistique de graffitis qui met à profit la créativité et le talent de jeunes Autochtones à risque dans le centre-ville de Winnipeg et à Saskatoon; la production de Moccasin Flats, série télévisée qui met en vedette des jeunes Autochtones aux prises avec différents problèmes à Regina; des projets de perfectionnement des compétences et de leadership qui aident les jeunes Autochtones d'aujourd'hui à devenir les leaders de demain. Chacun de ces exemples est prometteur, non seulement en soi, mais aussi parce qu'il est réalisé en partenariat. Ces projets démontrent qu'en travaillant en partenariat, nous pouvons, effectivement, améliorer les choses.

La dernière rubrique de votre rapport a trait aux interventions auprès des jeunes Autochtones vivant en milieu urbain. La réponse du gouvernement a été préparée en collaboration avec sept autres ministères, si bien que je m'en tiendrai donc ici à des commentaires d'ordre général concernant les questions touchant les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain propres au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Je suis toutefois heureuse d'indiquer que la ministre Frulla a annoncé le 3 mai le renouvellement pour une période de cinq ans de l'Initiative des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones afin d'appuyer les projets entrepris par les jeunes pour les jeunes.

Je voudrais revenir à la question de la table ronde Canada-Autochtones et à la rencontre des premiers ministres sur les questions autochtones dont j'ai parlé tout à l'heure. Ces deux processus auront des répercussions appréciables sur les politiques et les programmes concernant les Autochtones, dont les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain. En fait, nombre des enjeux sectoriels déterminés par la table ronde Canada-Autochtones comme la santé, l'apprentissage continu, les perspectives économiques et le logement ont une importance cruciale pour les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain. Dans le contexte de chacune de ces initiatives, on a demandé aux gouvernements et aux organisations autochtones d'aborder ces questions dans toutes leurs discussions concernant d'éventuels programmes et politiques autochtones, dans une perspective urbaine et une perspective jeunesse.

Je suis certaine que ces processus donneront lieu à des initiatives intéressantes qui contribueront à la mise en œuvre de recommandations formulées dans votre rapport. On s'attend de toute évidence à ce que le gouvernement du Canada s'appuie sur ces processus pour faire progresser considérablement les questions autochtones. Une séance de réflexion sur les politiques autochtones aura lieu à la fin du mois et sera suivie, à l'automne 2005, de la rencontre des premiers ministres où nous commencerons à voir les résultats concrets des travaux de la table ronde et des séances de suivi sectorielles.

J'ai tendance à être optimiste, mais il faut aussi se montrer réaliste. Les enjeux concernant les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain sont complexes et graves et ont un profond retentissement. Il n'est ni facile ni simple de trouver des solutions efficaces. Pour ce faire, un vaste éventail de partenaires doivent conjuguer leurs efforts et leurs ressources — tous les ordres de gouvernement, les dirigeants et les organisations autochtones, les groupes et organismes communautaires et le secteur privé. Les besoins sont pressants; il faut agir dès maintenant. Pour terminer, je voudrais reprendre les mots de Duncan Mercredi cités dans votre rapport : « Ces enfants n'auront pas de problème. Lorsqu'ils seront prêts, ils nous feront découvrir des lieux auxquels nous n'avons jamais rêvé. » Sénateurs, je crois que nous vivons une très belle aventure. Veillons à ce que les enfants d'aujourd'hui aient accès à des possibilités qui les amèneront à nous faire découvrir de nouveaux lieux remarquables.

Je conclurai en disant que les mots couchés sur du papier et les discussions dans une salle ne résoudront pas les questions que nous abordons aujourd'hui. Quiconque connaît le sénateur Chalifoux sait qu'elle en a parfaitement conscience en raison de son engagement permanent à l'égard de son peuple compte tenu des défis auxquels il est confronté, ainsi qu'à l'égard de beaucoup d'autres qui vivent en milieu urbain. Parfois, ce milieu est très prédateur et pose plus d'un défi à un particulier ou un groupe. La discussion que nous allons avoir ce soir peut être instructive, mais non concluante; il reste beaucoup de travail à faire.

Le président : J'ai eu la chance d'être un des membres du comité présidé par le sénateur Chalifoux. C'était une longue étude et le sénateur Chalifoux s'est consacrée avec sérieux aux travaux de ce comité. Elle était très préoccupée par les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain. Nous parlons ici de la migration des Autochtones et des non- Autochtones vers les centres urbains de notre pays au cours des dernières décennies. Si je ne me trompe, plus de 50 p. 100 des Autochtones vivent dans des centres urbains. J'ai eu la possibilité de le voir directement lorsque nous nous sommes déplacés pour tenir des séances à Winnipeg, Vancouver et Edmonton. On s'inquiétait en fait des jeunes Autochtones et de la façon dont ils s'en sortent une fois dans les villes, après la vie qu'ils ont menée dans des régions rurales. Beaucoup de programmes du gouvernement fédéral ciblent les Autochtones dans les réserves et non à l'extérieur de celles-ci. Nous voulions savoir ce qui se passait lorsqu'ils quittaient les réserves pour s'installer dans les villes et connaître également les services et l'appui qui leur étaient offerts.

Le sénateur Chalifoux qui s'est dévouée complètement à cette cause espérait une réponse du gouvernement fédéral. C'est la raison pour laquelle le rapport s'intitule « Plan d'action ». Souvent, les rapports ne sont pas pris au sérieux par la bureaucratie gouvernementale et finissent sur les tablettes. Le sénateur Chalifoux était décidée à obtenir une réponse du gouvernement qui soit la plus positive, humaine et efficace possible. De nombreux mois plus tard, nous avons la réponse du gouvernement fédéral, après l'analyse de ce rapport.

Le sénateur Pearson : M. MacDonald voulait-il intervenir?

Le président : Pas que je sache. Je voulais définir de façon concise l'atmosphère et l'esprit dans lequel le rapport du sénateur Chalifoux a été préparé et présenté au gouvernement.

M. Allan MacDonald, directeur, Bureau de l'Interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits : Je suis ici pour appuyer la ministre, en cas de besoin.

Le sénateur Pearson : D'après ma longue expérience, madame la ministre, je sais que vous êtes entièrement dévouée à la cause des jeunes Autochtones si bien que je n'ai aucun doute quant à votre engagement à cet égard.

Pour les membres du comité qui ont fait les recommandations, l'expérience a été très intéressante. Nous avons entendu tout un éventail de jeunes gens formidables à l'échelle du pays et certains de leurs propos étaient prometteurs et encourageants, mais ils nous ont également parlé des obstacles et de leurs frustrations.

Pour commencer, j'ai été frappée par les problèmes posés par les allers et retours entre la ville et la réserve. Par exemple, ceux qui souhaitaient poursuivre leur éducation et se lancer dans des études postsecondaires avaient besoin d'appui pour ce faire. Nous avons vu quelques bons exemples à Calgary et en Saskatchewan où des mesures ont été prises pour aider les jeunes à entrer dans des écoles et des universités et pour faciliter leur adaptation. Il est toujours important de bénéficier de systèmes d'appui lorsque l'on arrive dans un nouvel environnement.

Ce qui m'a également frappée, c'est la réussite enregistrée dans le domaine des arts. Les Autochtones possèdent des dons exceptionnels et nous avons tout fait pour leur offrir des possibilités ou de la formation dans les arts. Les sports sont un autre domaine dans lequel il faudrait peut-être investir davantage pour encourager des activités et des équipes sportives, et cetera.

Beaucoup de ces jeunes qui font des études supérieures dépendent d'appuis financiers extérieurs et de bourses. Contrairement aux jeunes issus de familles de classe moyenne ou de familles professionnelles vivant à Toronto, les familles des jeunes Autochtones ne peuvent pas répondre à certains besoins, contrairement à nous. À de nombreux égards, ils ont besoin de plus d'appui que celui que représentent les bourses. C'est l'une de mes impressions. Certaines jeunes femmes m'ont dit que lorsque leur réserve d'origine leur offre un appui pour leur permettre de faire des études postsecondaires au sein de leur collectivité, elles ont du mal à l'obtenir si elles se lancent dans des domaines d'études ou professionnels jugés non traditionnels.

Je n'ai pas terriblement confiance en la réponse du gouvernement, même si cela n'a rien à voir avec la ministre, je peux vous l'assurer. On recherche l'avis des jeunes et des tables rondes sont organisées, mais à la lecture de la réponse, je n'ai pas l'impression que l'on prévoit des mécanismes adéquats pour que les jeunes puissent participer à part entière aux discussions au sujet de leur avenir. Étant donné que les jeunes représentent une si vaste proportion de la population autochtone, j'aimerais que l'on prenne plus de mesures pour assurer leur participation. Pouvez-vous nous dire si les jeunes gens ont la possibilité de se faire entendre dans toutes ces tables rondes et ces séances de réflexion sur les politiques? Est-il prévu de les intégrer dans les rencontres des premiers ministres?

Mme Blondin-Andrew : Vous abordez de nombreux domaines. Vous parlez de certaines questions en matière de compétences, de la mobilité des programmes entre la réserve et le milieu urbain. Il s'agit d'un problème systémique, puisqu'il y a plus qu'un seul intervenant. De toute évidence, c'est une question très difficile. Certaines bandes et réserves ou des collectivités métisses dans les régions éloignées s'accrochent aux fonds dont elles disposent si bien que l'argent prévu pour les jeunes qui se rendent dans les grands centres ne leur revient pas nécessairement. Lorsque les jeunes gens arrivent dans une nouvelle compétence dans un centre urbain, ils se tournent vers d'autres sources de financement pour leurs besoins, comme la garde des enfants, les subventions pour les études postsecondaires et le logement. Parfois, ils s'exposent à un refus, car ils n'appartiennent pas à la bande locale ou à l'organisation locale. C'est un problème qu'il est difficile de régler. Certains des programmes acceptent ces nouveaux venus, contrairement à d'autres, même s'ils sont gérés par la même entité, comme par exemple la formation et le perfectionnement des ressources humaines autochtones. Certains groupes permettent la transférabilité de ces programmes, d'autres non. C'est un problème énorme, car nous avons 600 bandes dans tout le pays et beaucoup d'organisations métisses. Nous avons des problèmes de compétences ainsi que des problèmes de transférabilité des programmes et des services. Pour régler la situation, il faudrait abattre beaucoup plus de travail et il est impossible d'en débattre aujourd'hui. Pendant les 11 années où j'ai été responsable de ce programme, nous avons été confrontés à ce problème, qui a des dimensions humaines, compétitives et de compétences. Certaines bandes ou collectivités instaurent des règlements différents et appliquent le programme différemment. Nous leur donnons l'argent et c'est à elles d'établir les priorités et de diriger les programmes. On observe la même chose dans le domaine du logement.

Vous avez parlé d'un autre problème au sujet duquel, je crois, nous pouvons avoir une certaine influence; je veux parler de la possibilité pour les jeunes de s'exprimer. En fait, sénateur, vous et moi avons fait du travail à cet égard à l'échelle internationale. Pour ce qui est de l'habilitation des jeunes et de l'accès qu'on peut leur donner, nous avons insisté pour que nos équipes internationales de négociation fassent participer des jeunes à la rédaction de chaque document que nous avons publié. Lorsque nous sommes allés en Chine en 1995, si je ne me trompe, deux jeunes femmes faisaient partie de notre équipe de négociation. Loyd Axworthy et moi-même sommes allés à la Conférence de développement social au Danemark, accompagnés de toute une brochette de jeunes gens. Si en tant que dirigeants, nous jugeons qu'il convient d'inclure les jeunes, ils auront nécessairement voix au chapitre. Si les dirigeants locaux et nationaux ne les englobent pas, ils devront eux-mêmes trouver une façon de s'exprimer. Dans un système aussi compétitif et aussi agressif que celui de la politique et des organisations politiques, vous pouvez imaginer jusqu'à quel point c'est difficile pour les jeunes. Nous en avons fait l'expérience et nous pouvons certainement les aider à cet égard.

Certains organismes se débrouillent mieux que d'autres. Je constate que les Métis incluent les jeunes. Lors de mon passage au ministère du DHRC, nous avons lancé un programme d'intervention auprès des jeunes. Les associations nationales recevaient chaque année entre 100 000 et 150 000 $ pour entreprendre des initiatives qui permettaient aux jeunes de s'engager à ce niveau. Les nouveaux programmes qui étaient mis sur pied, comme le programme de guérison et de réconciliation, encourageaient les jeunes à s'exprimer sur des dossiers et à participer à toutes les grandes rencontres. Or, inclure les jeunes signifie partager le pouvoir, leur faire une place, les sensibiliser au processus, leur permettre d'en faire partie. Tout est possible lorsqu'on sait faire preuve de volonté.

Toutefois, nous ne pouvons nous contenter de laisser les choses au hasard. Nous devons faire plus. Nous devons faire en sorte que les jeunes Autochtones aient les fonds et les ressources nécessaires pour suivre des cours de formation en leadership. J'ai visité une école qui offre de tels cours avec le sénateur Sibbeston. L'école s'efforce de former de jeunes dirigeants. Il nous en faut. Certaines personnes qualifient cette formation d'élitiste. Il s'agit plutôt, à mon avis, d'une initiative intelligente. Elle inclut les jeunes, elle investit dans ceux-ci et cela donne des résultats.

Je ne peux commenter toutes les questions soulevées dans le rapport du gouvernement. Vous en avez déjà abordé beaucoup. Vous avez mentionné les sports. Prenons l'exemple du Aboriginal Sport Circle. Il nous faut plus d'argent pour ce programme, son budget étant modeste. Nous devons exercer des pressions auprès du ministre responsable des sports. La concurrence dans ce milieu est très forte, puisqu'il englobe différentes catégories de sports, allant jusqu'aux Olympiques.

Le sport stimule. De nombreux athlètes autochtones servent de modèle : mentionnons, par exemple, Ted Nolan, Gino Odjick, Jordan Tootoo. Ils ont fourni beaucoup de leadership, mais ils ne peuvent le faire sans ressources. Or, les ressources sont un problème constant.

Les jeunes dans les villes doivent avoir accès à des services de garde. Bon nombre d'entre eux sont des chefs de famille monoparentale. Ils ont besoin d'aide pour pouvoir terminer leurs études postsecondaires ou encore travailler. Les programmes se sont beaucoup améliorés en dix ans. Nous avons aujourd'hui le programme d'aide préscolaire aux Autochtones, le programme d'action communautaire pour les enfants, le programme de nutrition prénatale. Ajoutons à cela les programmes de garde des enfants qui ont été mis sur pied à l'intention des Inuits et des Premières nations.

Est-ce que ces programmes suffisent? Est-ce qu'ils répondent à tous les besoins? Non. Il reste encore beaucoup de travail à faire. Y a-t-il un programme global, précis, qui cible les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain? Non. Les programmes comportent des lacunes et doivent être mieux coordonnés.

Concernant les arts, vous avez fait à ce sujet un commentaire fort intéressant. J'ai rencontré, à Saskatoon, un groupe de jeunes qui soit avaient déjà eu des démêlés avec la justice, soit vivaient dans la rue. Ils participaient à un programme très dynamique dans le domaine des arts. Ils avaient réalisé des peintures murales et organisé une exposition d'œuvres d'art. Ils ont découvert qu'ils avaient du talent. Comme ils mènent une vie difficile, il est très stimulant pour eux de créer quelque chose qui reflète leurs valeurs.

Cette initiative du gouvernement fédéral avait été lancée de concert avec une municipalité, et elle semblait donner de bons résultats. D'excellents programmes ont été mis en place dans le domaine de la prévention du crime, ou encore avec le secteur privé. Toutefois, je pense qu'on aurait pu en faire encore plus avec l'aide du gouvernement à tous les paliers.

Le sénateur Peterson : Ma question porte sur la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain. Est-ce qu'elle fonctionne comme prévu? Y a-t-il des problèmes et, si oui, dans quels domaines? Pouvez-vous nous dire comment la stratégie est administrée dans une ville?

Mme Blondin-Andrew : La Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain cible un certain nombre de villes prioritaires. Je vous ai donné la liste de celles où la concurrence est très vive. Il y a 12 projets pilotes. Plusieurs partenaires, y compris les grandes villes et les municipalités, se réunissent ensemble pour lancer des projets, dont certains sont excellents. Si le gouvernement les avait conçus, ils n'auraient pas été aussi efficaces. Ces programmes sont mis sur pied à partir de la base, du noyau urbain, de concert avec divers organismes. Ils sont très efficaces.

Je peux vous en fournir la liste. Par exemple, à Vancouver, nous avons mis sur pied, en 2003, le comité directeur de la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain de la grande région de Vancouver. Le comité est composé de 16 membres : huit qui représentent les trois paliers de gouvernement, et huit qui représentent la communauté autochtone. Ils se réunissent et entreprennent des initiatives. Ils ne font pas tous la même chose.

Une conférence a eu lieu à Prince George, les 25 et 26 janvier. Elle portait sur l'apprentissage et l'alphabétisation. Au total, 275 représentants communautaires y ont assisté. Ils ont décidé de créer deux entités. Le premier, le conseil responsable de l'ensemble de la stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain, a organisé des rencontres communautaires et recommandé des projets aux fins d'approbation. C'était fort stimulant. Le deuxième, l'entité communautaire responsable de la stratégie, est composée de deux organismes existants, le Centre d'emploi des Autochtones et le Centre de développement des affaires des Autochtones de Prince George. Ils facilitent l'établissement de réseaux communautaires et aident les organisations locales à développer leurs capacités dans le domaine des communications.

Il existe d'autres programmes d'éducation : mentionnons, notamment, le programme qui favorise le développement des compétences des jeunes à Edmonton, Calgary et Lethbridge. À Regina, il y a un programme qui vise à promouvoir la sécurité des enfants et à favoriser la création de communautés sûres, positives, axées sur la famille.

Les groupes et programmes sont nombreux. Je peux vous faire parvenir la liste, si vous voulez.

Des initiatives ont été mises sur pied dans ma propre ville, c'est-à-dire Yellowknife, de concert avec diverses agences. Un ministère inter-agences administre un programme pour sans-abri avec l'aide du gouvernement fédéral. Bien qu'il présente des lacunes, il est beaucoup plus efficace, étant donné qu'il a été conçu par les centres urbains eux-mêmes.

Le sénateur Peterson : Ce qui m'intéresse avant tout, c'est la gouvernance de la stratégie. Prenons l'exemple de Regina. Est-ce que la stratégie englobe un grand nombre de groupes? Il semblait y avoir un problème à Regina, puisque la stratégie ne visait qu'un seul groupe. Elle ne peut fonctionner si les groupes n'arrivent pas à collaborer ensemble. Je me demande ce qui a bien pu se produire.

Mme Blondin-Andrew : Je vais demander à M. MacDonald de répondre à la question. Je peux toutefois vous dire que presque tous les programmes que nous élaborons connaissent des difficultés à l'étape de conception. Le programme que j'ai dirigé pendant 11 ans a connu trois ou quatre incarnations. D'abord appelé Les chemins de la réussite, le programme a fait l'objet d'ententes bilatérales régionales qui, par la suite, se sont transformées en ententes sur le développement des ressources humaines autochtones. Il a subi deux autres changements sous ce nom. Nous sommes enfin arrivés à la conclusion que nous avions un programme global, inclusif et représentatif.

Les programmes changent; ils connaissent des difficultés. Vous avez parlé de Regina. Je vais demander à M. MacDonald de vous en dire plus à ce sujet.

M. MacDonald : Merci, madame la ministre. Je ne parlerai pas de ce qui se passe de façon précise à Regina ou ailleurs, mais du système dans son ensemble. La Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain est une initiative communautaire et locale. Il y a d'abord une rencontre communautaire. Les communautés fixent leurs priorités et mettent sur pied un comité qui, de concert avec le gouvernement fédéral et la province, décide des investissements qui seront effectués dans le cadre de la stratégie. Voilà comment les choses fonctionnent en gros.

La formule varie selon les villes qui font l'objet de projets pilotes. Les communautés nous disent qu'elles sont leurs priorités. Elles nous font part de leurs problèmes et ensuite, le gouvernement fédéral s'efforce, avec les provinces, de trouver des solutions. Le gouvernement n'impose pas de programmes dans les domaines qui relèvent de la compétence des provinces. Il ne leur dit pas ce qu'elles doivent faire.

Vous avez également parlé des points faibles et des points forts de la stratégie. La Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain existe maintenant depuis plusieurs années. Il est difficile de travailler avec les ministères fédéraux. Nous n'arrivons pas toujours à coordonner nos activités, à nous entendre sur les mécanismes de financement, de responsabilisation.

Toutefois, nous constatons que nous obtenons de meilleurs résultats quand nous connaissons les priorités des communautés. Le fait de travailler en collaboration avec les gouvernements provinciaux et municipaux est également positif. Les partenariats établis avec les associations autochtones, avec la plus large assise possible, mènent au succès. Malgré les problèmes qu'il peut y avoir, la stratégie nous permet de voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Nous faisons le point lorsque les projets pilotes mis en œuvre dans le cadre de la stratégie prennent fin un ou deux ans plus tard, et donnons une orientation nouvelle aux interventions que nous effectuons auprès des Autochtones vivant en milieu urbain.

Le sénateur Christensen : Merci, madame la ministre, d'être venue nous rencontrer. Pendant notre étude, nous avons entendu parler des problèmes qui semblent se manifester, notamment en ce qui concerne la responsabilité à l'égard des jeunes vivant en milieu urbain. Quand les jeunes s'installent dans les villes, ils ne relèvent ni des municipalités, des provinces, des bandes ou des réserves. Le problème ne se réglera pas du jour au lendemain. Il va falloir beaucoup de temps pour trouver une solution. Vous pourriez peut-être dire quelques mots à ce sujet.

Il y a aussi la question des fonds. Nous avons rencontré de nombreux groupes différents qui ont tous mis sur pied des programmes visant à répondre aux besoins de leur communauté. Il pouvait s'agir, par exemple, d'un programme de conditionnement physique pour les enfants dans un quartier en particulier. Or, les fonds alloués à ces programmes ont été absorbés par les dépenses administratives engagées alors qu'ils transitaient d'un palier à l'autre, que ce soit du palier fédéral au palier provincial, municipal ou à la bande, ou encore de la bande à la région, ainsi de suite. Nous devons trouver des moyens de mieux administrer les programmes pour que les fonds soient utilisés aux fins prévues. Si le montant initial alloué est de 100 000 $ et que le club ou le programme en particulier n'aboutit qu'avec 2 000 $, on ne pourra pas réaliser grand-chose. Il faudrait prévoir des centres d'information qui auraient pour tâche de bien cibler les programmes, de les administrer correctement et de réduire les montants qui sont consacrés au volet administration des programmes. On ne peut pas faire grand-chose avec un budget limité.

La mise sur pied de programmes à l'intention des autochtones qui vivent à l'intérieur et à l'extérieur des réserves pose également problème. De nombreux programmes s'adressent de manière précise aux membres des Premières nations qui vivent à l'intérieur des réserves. Quand les gens quittent la réserve, il est difficile de les retracer. Les réserves ont déjà assez de difficulté à régler les problèmes qu'elles éprouvent sans avoir également à envoyer de l'argent ailleurs. Nous devons peut-être élaborer des programmes qui s'adressent de manière précise aux Autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves, et aussi trouver un moyen de les gérer.

Il s'agit surtout de problèmes à long terme que vous ne pouvez solutionner dans l'immédiat, mais qui demeurent graves. Nous devons administrer les programmes de façon judicieuse : si nous consacrons un million de dollars à un programme, il faut que ce montant soit versé aux jeunes qui sont visés par le programme. Il ne faut pas que les trois quarts de cette somme disparaissent.

J'aimerais poser une autre question au sujet du trouble du spectre de l'alcoolisation foetale. C'est une question qui m'intéresse beaucoup. Le budget 2005 a réservé 145 millions pour la santé maternelle et infantile. Est-ce que cette somme est réservée aux Autochtones, ou à l'ensemble de la population, y compris les Autochtones? Si elle est destinée à l'ensemble de la population, quel pourcentage prévoit-on consacrer aux Autochtones?

Mme Blondin-Andrew : Je n'ai pas bien compris la question parce que l'interprète est intervenu pendant que vous parliez.

Le sénateur Christensen : On indique, en réponse à la recommandation 13 sur le TSAF, que le budget 2005 réserve 145 millions de dollars pour la santé maternelle et infantile. Je me demande si cette somme sera destinée aux Autochtones ou à l'ensemble de la population. Si tel est le cas, quel pourcentage du 145 millions prévoit-on consacrer aux Autochtones?

Mme Blondin-Andrew : Pour ce qui est du trouble du spectre de l'alcoolisation fœtale, j'ai fait partie de l'équipe qui a annoncé l'investissement de plus de 400 000 $ à ce programme. L'annonce a été faite à la nation des Oneidas, de concert, entre autres, avec le chef Docksteader. Une partie du financement sera consacré aux besoins spéciaux, y compris le trouble du spectre de l'alcoolisation foetale. Cette somme est destinée aux nouveaux-nés autochtones.

Le sénateur Christensen : Cela fait partie du financement qui a été annoncé. Toutefois, est-ce que les 145 millions de dollars pour la santé maternelle et infantile mentionnés dans votre réponse sont destinés de manière précise aux Premières nations?

Mme Blondin-Andrew : Je crois comprendre que cette somme sera consacrée aux nouveaux-nés autochtones atteints du trouble du spectre de l'alcoolisation foetale.

Le sénateur Christensen : J'aimerais parler davantage des problèmes qui existent. Quel genre d'efforts le gouvernement déploie-t-il pour administrer les programmes de façon, à défaut d'un meilleur terme, plus intelligente?

Mme Blondin-Andrew : Des fonds sont prévus pour l'initiative contre le trouble du spectre de l'alcoolisation fœtale, pour les Autochtones. Je ne sais pas quel est le montant exact, mais des fonds seront alloués aux Autochtones, car le nombre de cas de trouble du spectre de l'alcoolisation fœtale est très élevé dans certaines communautés autochtones.

Le sénateur Christensen : Ce n'est pas un problème propre aux Autochtones?

Mme Blondin-Andrew : Non.

Le sénateur Christensen : On le retrouve dans n'importe quelle société en proie à des difficultés.

Mme Blondin-Andrew : C'est quelque chose qui peut arriver à n'importe qui. C'est une maladie évitable qui peut frapper n'importe qui.

Vous avez soulevé un certain nombre de points concernant la responsabilité. Vous avez fait un commentaire intéressant au sujet des ressources qui sont absorbées par les coûts administratifs des programmes et des services. J'ai appris beaucoup du ministre Axworthy. C'était un excellent professeur. Il m'a fait comprendre que les programmes devaient être actifs, et non passifs, et qu'il fallait servir en priorité le client, et non l'industrie.

Depuis ce jour, nous nous sommes efforcés, dans tous les programmes auxquels j'ai participé, de réduire le montant d'argent qui était consacré aux coûts administratifs. Dans certains cas, presque 50 p. 100 des fonds servaient à couvrir les coûts administratifs. Nous avons ramené ce chiffre à 25 p. 100, et même à 15 ou 17 p. 100, pour que les fonds servent surtout à répondre aux besoins des clients et non de l'industrie. Il est possible d'offrir des programmes sans perdre d'argent : on peut regrouper les services sous un même toit; partager les fonds consacrés aux programmes; établir des partenariats, ouvrir des guichets uniques. Vous avez parlé de centres d'information. Les guichets uniques constituent une priorité pour le gouvernement.

Il est vrai que le concept du guichet unique ne fait pas l'unanimité. Toutefois, c'est l'un des objectifs que nous visons. Nous voulons que les Autochtones et les non-Autochtones aient accès aux programmes facilement, sans qu'il soit nécessaire pour eux de visiter 100 endroits différents. Quand vous regroupez les services sous un même toit, vous partagez les ressources, ce qui une bonne chose, sauf que ce n'est pas toujours possible quand vous avez un très petit bureau et une petite équipe. À Edmonton, nous avons regroupé sous un même toit les services offerts dans le cadre de différents programmes, et la formule a bien fonctionné.

Le sénateur Christensen : Nous avons analysé la situation qui existe dans les centres urbains et les grandes villes. Le regroupement des services, entre autres, est possible dans les grandes villes.

Mme Blondin-Andrew : Nous avons partagé des locaux, des fonds, de même que des initiatives de formation, à la condition que la formation donnée visait le même domaine. On peut prendre différentes mesures pour tirer le maximum des ressources qui sont allouées aux programmes.

Le sénateur Christensen : Comment pouvons-nous amener le gouvernement à inclure l'adoption de telles mesures dans les énoncés de mission des programmes?

Mme Blondin-Andrew : Je ne sais pas ce que font les autres ministères, mais j'ai passé beaucoup de temps au ministère des RHDCC. J'y suis restée 12 ans. J'étais secrétaire d'État de la formation et de la jeunesse, et ensuite ministre d'État des enfants et de la jeunesse. J'ai passé la majeure partie de mon temps à élaborer et à passer en revue des initiatives totalisant plus de un milliard de dollars pour les Peuples autochtones. Nous avons essayé d'inclure ce genre de mesures dans le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones, mis sur pied avec Santé Canada, où j'ai également travaillé. En ce qui concerne l'initiative de lutte contre l'alcoolisation fœtale, le programme antitabac et le programme sur la santé des Autochtones, nous avons essayé de partager les ressources et de réduire les frais généraux. Je ne sais pas si ces principes sont appliqués dans toutes les initiatives du gouvernement, mais je sais que cela peut se faire.

Le sénateur Christensen : Vous avez raison. Mais comment pouvons-nous encourager un tel changement de mentalité? Comment pouvons-nous, par le biais de ce rapport, créer un mécanisme qui permet d'examiner chaque programme et de dire qu'on ne peut consacrer plus de 10, 12 ou 17 p. 100 des fonds aux coûts administratifs?

Mme Blondin-Andrew : Je vais demander à M. MacDonald de répondre à la question.

Le sénateur Christensen : Je rêve probablement en couleurs, mais il faut savoir persévérer.

M. MacDonald : Je ne crois pas que vous rêviez en couleurs. Vous avez fait valoir un excellent point au sujet du fardeau que nous imposons aux clients, soit de servir le gouvernement plutôt que d'avoir un gouvernement au service du client. Il est arrivé qu'un projet vraiment valable soit soumis et que le gouvernement oblige l'exécutant à se rendre dans cinq ministères différents pour signer cinq accords de contribution distincts, avec tous les frais administratifs que cela comporte. En bout de ligne, la personne passe son temps à courir des contributions de sorte que trop peu d'argent ou d'efforts est consacré à l'exécution du travail sur le terrain.

L'adoption de programmes intelligents s'impose, et un de ces programmes est la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain. Dans le cadre de cette stratégie, nous fixons des modalités horizontales qui obligent le gouvernement à faire tout le travail. C'est lui qui ira à la chasse aux contributions un peu partout. Nous allons réunir les conditions. Nous allons prévoir un mécanisme unique de financement avec lequel peut interagir le groupe client. C'est nous qui allons faire la chasse aux contributions. Des efforts sont déployés en vue de concevoir des programmes intelligents et d'alléger un peu le fardeau du client.

Le sénateur Christensen : Voilà qui est bon, à condition que le gouvernement n'utilise pas tous les fonds pour le faire.

M. MacDonald : Oui, vous avez raison.

Le sénateur Christensen : Peu m'importe qui exécute le programme, à condition que les fonds soient utilisés expressément aux fins pour lesquelles ils ont été autorisés. Nous avons rencontré de nombreux petits organismes dont les dirigeants étaient extrêmement frustrés. Tout ce qu'ils souhaitaient, c'était de montrer aux enfants à jouer au basket, par exemple, et d'avoir des employés sur place pour les aider, les attirer et leur distribuer de la soupe. Or, ils n'arrivaient tout simplement pas à obtenir des fonds. Le grand programme avait l'air bien, mais par le temps que les fonds se rendaient aux petits organismes, il n'y en avait pas assez pour faire des choses fort simples. Ce n'est pas là ce que j'appelle un programme grandiose.

Mme Blondin-Andrew : Sénateur, je pourrais peut-être faire valoir un point qui illustre très bien ce dont vous parlez. Nous avons exécuté un programme de formation pour lequel nous disposions de 1,6 milliard de dollars. Il n'y avait que 76 signataires d'accords. Pour 400 millions de dollars par année, nous avons couvert tout le monde. Ce sont là d'assez bonnes économies d'échelle. Nous avons signé des ententes, nous leur avons donné de l'argent et ils ont fixé eux-mêmes leurs priorités et géré l'argent. Ils avaient une capacité d'administration limitée, mais ils pouvaient composer avec cette situation. Si nous avions permis la signature de 200 ou 300 accords, chacun n'aurait reçu qu'un tout petit pécule, insuffisant pour faire quoi que ce soit de significatif.

Nous avons délibérément maintenu à un minimum le nombre d'accords, mais nous avons fait en sorte de couvrir chaque région du Canada, y compris celle où sont concentrés les Métis. C'était la première fois que les Métis étaient inclus dans un programme gouvernemental. C'était un programme pan-autochtone, c'est-à-dire que tous les groupes autochtones y étaient inclus. Ce genre de programme est possible, mais très difficile à réaliser.

Le sénateur Christensen : Utilisons-nous au maximum les centres d'amitié dans les grands centres urbains?

Mme Blondin-Andrew : Certains des meilleurs agents d'exécution du programme se trouvent dans les centres d'amitié et ils font partie de ceux avec qui nous avons signé des accords dans le cadre de la Stratégie relative aux Autochtones en milieu urbain en vue d'y offrir de la formation.

Le président : Puisqu'il en est question, il me revient que la continuité du financement a été soulevée comme problème dans plusieurs des réunions que nous avons tenues dans les centres urbains. Les membres du personnel étaient toujours appréhensifs et préoccupés, se demandant combien de temps durerait un bon programme, puisque la continuité des fonds n'était pas assurée. On appréhende qu'à une certaine date, le programme prendra fin, que la source de financement se tarira et qu'il faudra tout rependre à zéro et perdre du personnel. Le ministère ou le gouvernement a-t-il cherché une solution à cette incertitude?

Mme Blondin-Andrew : Dans les décennies précédentes, les projets pilotes de dix ans nous posaient un gros problème. À mesure que passaient les années, ce n'était plus des projets pilotes, de sorte qu'il a fallu les abolir. Le projet pilote à très long terme est la solution facile, puisque vous n'avez pas vraiment à décider si vous allez vous engager dans la création d'un véritable programme.

Nous avons donc opté pour les projets quinquennaux, puis nous avons commencé à travailler à leur renouvellement à mi-parcours. Ainsi, au bout de deux ans et demi, nous commencions à travailler à leur renouvellement, à faire la comptabilité et tout le reste. À l'échéance, nous étions en train de demander au Cabinet d'approuver leur renouvellement pour cinq autres années. Nous avons choisi la durée de cinq ans parce que les gouvernements n'aiment pas, en règle générale, prendre des décisions qui excèdent leur mandat et engager de la sorte leurs successeurs.

Le sénateur Léger : Quel est l'objectif d'un projet pilote? Je sais que vous avez opté pour les programmes de cinq, voire de dix ans. Est-ce temporaire ou le contraire? Si le projet est bon, sera-t-il maintenu, mais sous une autre forme? Très souvent, on entend dire que la difficulté fondamentale tient au fait que le projet n'est pas maintenu, une fois qu'il a atteint son but.

Mme Blondin-Andrew : La Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain a une durée de quatre ans. Je suppose qu'une fois qu'elle aura été évaluée, si le projet s'est avéré un programme viable, même s'il a besoin de certains petits ajustements, on lui trouvera une source de financement et on sera disposé à en faire un programme en règle, mais cela ne se fait pas d'office. Il faut que le gouvernement réunisse beaucoup d'information et qu'il prenne l'engagement de mettre sur pied un véritable programme plutôt qu'un projet pilote.

Le sénateur Léger : Le but d'un projet pilote est-il de se transformer en programme?

Mme Blondin-Andrew : Des projets pilotes vous indiquent parfois si vous avez un problème fondamental, systémique et de longue durée auquel il faut répondre par un programme ou s'il ne s'agit que d'un problème ponctuel qui peut s'améliorer par une série d'activités entreprises dans le cadre d'un projet pilote. Le projet pilote pourrait légitimement être aboli après avoir servi à ses fins ou se transformer en véritable programme grâce à toute une série d'activités.

Le sénateur Léger : Très souvent, on se plaint d'avoir du succès et d'arriver à la fin du projet sans connaître le sort réservé au programme.

Mme Blondin-Andrew : C'est là la nature problématique du projet pilote. Je suppose que c'est presque une étude de faisabilité à long terme. Vous l'entreprenez; vous voyez s'il fonctionne ou pas, ou vous élaborez un véritable programme. Parfois, vous n'avez pas suffisamment de temps pour élaborer un programme qui dispose des ressources voulues. Vous tentez donc de trouver une solution temporaire jusqu'à ce que vous ayez élaboré un véritable programme.

Le sénateur Léger : Dans votre ministère, est-on préoccupé par cette question de continuité, d'aider les groupes à faire la transition d'un projet pilote à un programme? Est-ce qu'on les aide? Je parle de projets ou de groupes qui connaissent du succès et qui démontrent qu'ils sont capables de continuer.

Mme Blondin-Andrew : J'ai travaillé au sein de deux ministères, soit Santé Canada et Développement des ressources humaines et Compétences Canada et, actuellement, je travaille au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Dans tous les ministères, j'ai constaté qu'on avait fait l'essai de projets pilotes. Je vous en donne un exemple. Nous avons mené des projets pilotes en matière d'éducation au ministère des Affaires indiennes. Nous tenons actuellement une table ronde sur l'éducation qui tire des leçons de ce que nous avons appelé des projets pilotes.

Je ne puis vous nommer les projets pilotes menés à Santé Canada, mais ils ont été entrepris en collaboration avec les provinces dans le domaine du trouble du spectre de l'alcoolisation foetale et du tabagisme. Tous les projets pilotes ne se transforment pas forcément en programmes permanents à long terme, mais cela arrive.

Le sénateur Léger : Vous avez mentionné un partenariat avec sept ministères. Ce doit être difficile à coordonner, pour faire en sorte que tous ceux qui contribuent se concertent vraiment en vue de faire avancer un dossier. Je me demandais si ce genre de partenariat est utile ou s'il nuit?

Mme Blondin-Andrew : J'aime à croire qu'il est utile, mais il peut nuire parfois également, selon ce que vous souhaitez faire.

Quand j'ai pour la première fois pris en charge le portefeuille de la jeunesse, je souhaitais rapatrier tous les programmes de jeunesse là où je me trouvais, à Développement des ressources humaines Canada. J'ai appris que quatorze ministères y participaient, allant de la Défense aux Affaires étrangères. Des programmes étaient offerts aux jeunes un peu partout.

Ces ministères hésitaient à céder le contrôle de ces merveilleuses initiatives pour les jeunes, comme les cadets ou le programme d'adaptation des services policiers aux jeunes Autochtones mis sur pied par la GRC. C'était difficile. Nous ne les avons jamais rapatriés, finalement. Cependant, les quatorze ministères — représentés par quatorze ministres — étaient présents quand nous avons annoncé une stratégie d'emploi pour les jeunes. Ils étaient tous sur la scène pour représenter leur contribution à la jeunesse. Je crois que vous étiez là vous aussi, sénateur. Ce fut en réalité tout un exploit.

Toutefois, ce n'est pas toujours le cas. Parfois, il peut être difficile de concilier des intérêts différents. Cependant, j'estime qu'en règle générale, les gens font vraiment de leur mieux pour contribuer au succès de l'initiative entreprise par le gouvernement. J'essaie de vous trouver un exemple, Corps Canada peut-être. Combien de groupes travaillent à ce programme? C'est un programme destiné aux jeunes et, en règle générale, ces ministères sont intéressés et y participent.

Le sénateur Léger : En ce qui concerne les communications, ces projets et toutes les activités qui sont menées sont-ils communiqués au grand public grâce aux journaux et à la télévision de sorte qu'on puisse voir ce que font les Autochtones? Très souvent, il existe un manque de communication dans ces domaines — nous ignorons ce qui se passe. Est-ce une préoccupation?

Mme Blondin-Andrew : On a toujours hésité à investir dans l'annonce des activités plutôt que dans leur exécution. Il y a là un conflit. Certains projets sont fantastiques, et il faudrait que cela se sache. Prenez l'exemple de l'Initiative des centres urbains polyvalents pour les jeunes autochtones. C'est une fort bonne initiative, et elle n'est pas la seule. L'initiative visant l'itinérance, à laquelle participent de nombreuses collectivités autochtones, est aussi un bon exemple.

Il se fait de la publicité. Tout dépend des différents ministères. Beaucoup d'entre eux placeront les annonces habituelles du gouvernement à la télévision et à la radio ainsi que dans les journaux — par exemple, le programme de placement ÉTÉ Canada : programme d'emploi d'été pour étudiants. Ce programme est bien annoncé; on en connaît les échéances, tous présentent une demande et ils savent quelle sorte d'emploi est disponible. La technologie est utilisée très volontiers, mais je ne crois pas qu'on ait recours à d'énormes affiches ou à d'autres moyens de ce genre.

Le sénateur Léger : J'aurais dû le savoir, mais j'ai oublié qu'on avait besoin d'argent pour mener toutes ces initiatives.

Le président : Sénateur Buchanan, j'étais sûr que vous auriez une question au sujet des douze villes prioritaires. Je m'attendais à vous voir trépigner et demander pourquoi aucune ville du Canada atlantique n'a été incluse.

Le sénateur Buchanan : Je ne l'ai pas fait parce qu'il est surtout question des grandes villes de l'ouest du Canada. Naturellement, dans nos grandes villes d'Halifax et de Sydney, tout va bien.

Mme Blondin-Andrew : En réalité, sénateur, chez vous, à Halifax, vous offrez de merveilleux programmes aux jeunes. Vous avez un centre de recyclage, soutenu je crois par RHDC, où des jeunes font tout le recyclage. J'ai visité cette région. Nous avons également des programmes dans d'autres régions; je crois que nous avons une installation pour les jeunes dans le centre-ville de Halifax.

Le sénateur Buchanan : Sur la rue Gottingen.

Mme Blondin-Andrew : Oui. C'est un centre fantastique dirigé par des jeunes à l'intention des jeunes.

Le sénateur Buchanan : Il s'agit du centre de métiers micmac.

Mme Blondin-Andrew : C'est un centre d'amitié et un centre pour les jeunes.

Le sénateur Buchanan : Oui, un centre pour les jeunes. J'y suis allé.

Mme Blondin-Andrew : Ce sont là d'excellents programmes.

Le sénateur Buchanan : Ils ont besoin de plus d'argent.

Mme Blondin-Andrew : D'accord. J'en prends note.

Le président : C'est comme si c'était déjà fait!

Le sénateur Dyck : J'espère que ma question va vous sembler logique. Je suis simplement de passage au comité et je suis nouvelle au Sénat. Je viens de la Saskatchewan, où la population autochtone en milieu urbain croît à un rythme beaucoup plus rapide que celui de ce qu'on appelle la population en général. Dans tous les plans, il est toujours difficile de savoir ce qu'il faut privilégier, de l'éducation ou de la recherche d'emplois. À la lumière de ce boom des naissances chez les Autochtones et du fait que vous traitez avec de multiples organismes, quelle est la meilleure stratégie à long terme? Par où faudrait-il commencer? Avons-nous besoin de multiples initiatives? Et quelle est la meilleure façon de régler le problème de la nouvelle population?

Mme Blondin-Andrew : Certaines personnes présentes dans la salle pourraient vous répondre mieux que moi, mais à mon avis, l'aide précoce à l'apprentissage et le développement de l'enfance sont très importants. Si vous commencez par ces deux-là et donnez un bon départ aux enfants dès leurs premières années sur le plan du développement, de l'art d'être parent, de l'épanouissement et des soins, vous préviendrez de nombreux problèmes. Je soutiens toujours que, même si vous faites tout bien avec vos enfants —que vous voyez à leurs besoins, que vous les entourez de soins—, rien ne garantit qu'il n'y aura pas de problème. Par contre, si vous ne faites rien, il est fort probable que les enfants tourneront mal. Le développement du jeune enfant est très important, tout comme l'éducation de base.

Il existe des possibilités d'emploi pour les Autochtones. Des personnes chez IPSGO, une énorme acierie, m'ont dit qu'elles n'avaient pas de difficulté à recruter des travailleurs autochtones en Saskatchewan, mais qu'elles n'arrivaient pas à les garder. J'estime qu'il faut faire preuve d'imagination. J'ai posé des questions au sujet de la participation au capital et aux contrats. Quand les gens sentent qu'ils font partie de quelque chose, qu'ils en sont propriétaires et qu'ils ont le sentiment d'appartenir, ils vont vouloir rester. Avez-vous des actions? Offrez-vous de la participation au capital? Offrez-vous des options sur actions? Est-il possible de gravir des échelons? Ce n'était pas le cas. Je crois qu'on a laissé passer une occasion en or.

La création d'emplois est possible. SITAG, c'est-à-dire le Saskatchewan Indian Training Assessment Group, y contribue énormément en Saskatchewan et il a connu beaucoup de succès. La Saskatchewan est un des premiers endroits où nous avons ouvert des centres d'appels, dans le cadre de notre programme de formation, ce qui s'est révélé un autre succès. Il a fixé le rythme. Nous y avons une université autochtone, First Nations University, ce qui est tout simplement merveilleux.

Le sénateur Dyck : Voyez-vous un rôle pour les différents ordres de gouvernement et le secteur privé? Vous avez parlé d'IPSCO. Si je vous ai bien comprise, une des principales industries de la Saskatchewan est l'extraction minière. Il y a aussi une certaine activité pétrolière et gazière de même que de l'agriculture. Entrevoyez-vous la possibilité d'inciter des entreprises à former des partenariats en vue de créer des possibilités d'emploi?

Mme Blondin-Andrew : Le potentiel est énorme. Avec l'ouverture des trois mines de diamants dans le Nord, soit Ekati, Diavik et De Beers, le problème n'est pas tant d'avoir des emplois garantis que d'avoir suffisamment de travailleurs pour les occuper. Depuis quelques jours, Diavik offre des billets d'avion gratuits en partance d'Edmonton pour importer des travailleurs. La pénurie de main-d'oeuvre est attribuable à deux facteurs : tout d'abord, toutes les personnes de notre groupe qui pourraient être formées ne le sont pas toutes et, ensuite, le travail minier ne convient pas à tous. Vous ne pouvez pas obliger quelqu'un qui n'est pas fait pour ce genre de travail à le faire.

Cependant, il existe de grandes possibilités et on prévoit des arrangements contractuels. Là d'où je viens, ils ont des contrats pour transporter le carburant de même que les explosifs. Ils font aussi beaucoup de travaux de génie. Une entreprise qui a pour raison sociale Aboriginal Engineering Limited engage à contrat des ingénieurs de différents endroits pour travailler sur le chantier de la mine. À Fort à la Corne, ils travaillent à aménager une mine de diamants. Il y a toutes sortes de possibilités. La Saskatchewan a une stratégie de développement du Nord, je crois, qui a été mise en œuvre en partie avec l'aide du ministre Goodale, lorsqu'il était au portefeuille des Ressources naturelles.

Le sénateur Pearson : Un des problèmes qui nous préoccupaient était la sexualité chez les jeunes. Nous sommes préoccupés par les mères qui sont très jeunes et qui ne prennent pas de moyens pour empêcher la conception. Nous en savons un peu au sujet du risque d'une épidémie de VIH/SIDA et tout le reste. Notre quatorzième recommandation concernait la santé en matière de sexualité et l'art d'être parent. Le nouveau budget, s'il est adopté, prévoit un investissement de 400 millions de dollars dans des programmes de prévention et de promotion en matière de suicide, de santé de la mère et de l'enfant et de développement de la petite enfance. Ce serait un investissement très important.

Nous avons visité à Winnipeg un endroit où il y avait des parents et de jeunes enfants. Tout le monde était jeune. Tous les parents avaient moins de 18 ans, mais ils estimaient que le fait d'avoir un enfant était une expérience très enrichissante. Cela m'a en quelque sorte obligée à me raviser, à me questionner sur le fait d'attendre d'être plus vieux avant d'avoir des enfants. Dans ce cas-ci, il s'agissait de toute évidence d'une expérience positive. Vous estimiez que ce que vous deviez faire, c'était de faire en sorte d'avoir toutes les ressources possibles pour leur permettre de continuer à assumer leur rôle de manière positive. Ils assumaient fort bien leur rôle de parent.

La réponse que le gouvernement a donnée dans son rapport consiste en quelque sorte à annoncer divers programmes mis en place. Nous nous préoccupions plus particulièrement du type de programmes disponibles en matière d'éducation sexuelle et de santé-sexualité et de la façon dont ils sont conçus pour aider les jeunes. À mon avis, la réponse du gouvernement à ce sujet était plutôt vague. Je me réjouis de l'investissement promis, mais avez-vous des idées qui pourraient être utiles?

Mme Blondin-Andrew : Sénateur, vous posez des questions tellement simples. C'est bien au-delà de mon domaine de travail. Lorsque j'étais enseignante, je me suis intéressée à bon nombre de ces problèmes, même s'ils ne relevaient pas directement de ma responsabilité. Nous partageons les responsabilités selon l'âge de la population avec laquelle nous traitons. Entre zéro et six ans, nous entrons en jeu. Entre six et douze ans, ce n'est plus le cas; c'est du domaine de l'éducation, qui relève des provinces et des territoires. Nous utilisons une catégorie d'âge de l'ONU, de 14 à 30 ans, je crois; ou est-ce de 18 à 30 ans?

Le sénateur Pearson : Selon l'ONU, un enfant est une personne âgée de moins de 18 ans, et la jeunesse commence à 14 ans.

Mme Blondin-Andrew : Pour la catégorie des 18 à 30 ans, nous pouvons élaborer des programmes, mais nous ne pouvons pas offrir de formation, puisqu'il s'agit d'une compétence provinciale, sauf pour ce qui est des Autochtones qui ont un traité et des Inuits. Dans ces cas, nous avons pleine compétence fiduciaire pour faire ce que nous voulons.

Cela étant dit, la société a la responsabilité éthique ou morale de considérer ces questions d'ordre religieux, moral et culturel. Ces questions comportent de nombreuses dimensions, selon la personne à qui vous parlez. Lorsqu'il s'agit de la protection et de la sécurité des enfants, le gouvernement a une obligation du point de vue légal ou judiciaire. Il doit assurer la sécurité des enfants et leur protection contre l'exploitation sexuelle commerciale.

Quant à l'éducation sexuelle et l'âge idéal de procréer, c'est une boîte de Pandore dont je ne suis pas qualifiée de parler.

Le sénateur Pearson : Je ne faisais pas de commentaire sur l'âge, mais sur l'importance de valoriser les enfants, peu importe l'âge que vous avez lorsque vous les mettez au monde.

Mme Blondin-Andrew : C'est vrai, mais la responsabilité n'est pas toujours la nôtre et varie en fonction de l'âge qu'ils ont. Nous nous occupons des enfants de zéro à six ans. Si des problèmes liés à la sexualité affectent la sécurité ou la santé des enfants, nous nous en occupons. Les enfants de six à douze ans relèvent de la compétence provinciale. Si un enfant est victime d'abus sexuels ou autres, c'est une autre histoire.

Monsieur MacDonald, voulez-vous ajouter des commentaires à ce sujet?

M. MacDonald : Madame le sénateur, vous dites que le rapport est vague et trop théorique dans certains cas. En compilant ce rapport au nom du gouvernement, nous avons tenté d'intégrer les réflexions de divers ministères de manière judicieuse. Il y a beaucoup de détails derrière ce qui se trouve dans le rapport. Santé Canada a ces détails. Bon nombre de programmes visent les enjeux dont vous parlez. Les détails ne se trouvent pas dans le rapport, mais ils existent. Nous pouvons vous les fournir si vous voulez les voir.

Le sénateur Pearson : J'en serais ravie, oui.

Mme Blondin-Andrew : Il n'y a pas de place pour les débats d'opinions, mais je peux vous montrer comment l'information nous touche. Récemment, j'ai entendu un reportage à la radio ou à la télévision sur l'âge des jeunes qui prennent des contraceptifs. Deux jeunes de dix ans recevaient des contraceptifs à Londres, en Angleterre. C'est très jeune; ce sont des enfants. Cela nous amène à nous questionner sur la façon de composer avec ces situations, qui sont compliquées et délicates. Certaines questions sont d'ordre culturel, certaines sont d'ordre moral tandis que d'autres touchent à la santé. Je n'ai pas de réponse pour vous. Dans le travail que nous avons entrepris auprès des jeunes enfants, notre rôle n'est pas de juger; notre rôle est d'aider.

Le sénateur St. Germain : L'éducation est l'un de mes sujets de prédilection. C'est la clé du succès pour nos jeunes Autochtones. Quand on a des options, c'est plus facile de faire son chemin dans la vie.

Ma question porte sur les programmes. Lorsqu'un gouvernement arrive au pouvoir, il veut un programme pour avoir d'autres moyens à sa disposition. Y a-t-il une façon de mesurer le succès des programmes en place, mis à part les vérifications faites par le Bureau du vérificateur général?

Nous pouvons mettre sur pied une foule de programmes à l'intention des jeunes Autochtones ou de l'ensemble des Autochtones. Toutefois, s'il n'existe aucun moyen de vérifier ou de mesurer le succès des programmes, on peut comprendre pourquoi notre taux de réussite dans le domaine de l'éducation des Autochtones est si faible. Au rythme où vont les choses, il faudra de 20 à 25 ans pour que nos peuples rattrapent le reste de la population dans ce domaine. Avons-nous une méthode en place pour mesurer le succès?

Mme Blondin-Andrew : La table ronde se penche déjà sur tous les renseignements que nous avons été en mesure de recueillir au fil des années, y compris les projets pilotes qui ont été lancés. L'un d'eux a été entrepris au Nouveau- Brunswick avec la collaboration d'un médecin autochtone. Il ne s'agit pas seulement de faire un suivi; l'exercice implique un changement radical ou fondamental concernant ce que nous offrons aux jeunes pour favoriser leur éducation. On parle de la norme d'enseignement, de la matière enseignée, des installations, de l'état de la technologie utilisée et des ressources disponibles. Toutes ces choses doivent être en place, de même qu'un bon ratio élève- enseignant. J'ajoute cet aspect parce que j'ai déjà été enseignante. À cette époque, aucun de ces facteurs n'était considéré. On nous donnait des livres et il fallait se mettre à la tâche.

La table ronde sur l'éducation se penche sur tous ces éléments, et non pas sur un seul aspect. C'est une nouvelle façon d'examiner la norme et la qualité de l'apprentissage et de l'enseignement à la fois.

Au lieu de calculer simplement combien d'élèves se trouvent dans le système et d'identifier ceux qui échouent et ceux qui réussissent, nous effectuons une étude longitudinale avec les enfants à mesure qu'ils avancent dans leur apprentissage au cours des premières années, jusqu'en 6e année, je crois. Il y a de nombreux éléments. Nous suivons les schémas d'apprentissage des enfants, la façon dont ils acquièrent des connaissances, les obstacles, comme ceux liés à la langue, et nous cernons les lacunes culturelles que comporte le système. Nous aurons alors une base de connaissances pour porter des jugements judicieux, contrairement aux hypothèses auxquelles il faudrait s'en remettre à l'heure actuelle. Cette initiative s'appelle «Comprendre la petite enfance.»

M. MacDonald : Je vais vous donner une micro-réponse et une macro-réponse. D'abord, depuis quelques années, tous les programmes sociaux du gouvernement à l'intention des Autochtones visent notamment à effectuer des évaluations afin d'établir des jalons et des résultats à atteindre et voir s'ils sont effectivement atteints et mesurés. Cela s'inscrit dans la plupart des programmes qui sont mis sur pied.

Au niveau plus global, comme la ministre l'a mentionné, dans le cadre de la table ronde autochtone, il y a eu une séance sur la responsabilité, de laquelle est ressorti un bulletin sur les questions autochtones. À l'avenir, le gouvernement fera rapport des résultats visés et des résultats atteints, pour que nous puissions évaluer nous-mêmes ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas; nous n'aurons plus à attendre que le Bureau du vérificateur général arrive après coup pour nous dire ce que nous n'avons pas accompli.

Le sénateur St. Germain : Madame la ministre, vous avez un diplôme en enseignement. J'ai l'impression que, dans la communauté autochtone, la croyance veut qu'il faut être avocat ou enseignant pour réussir. Une telle croyance empêche bon nombre de personnes de voir la lumière au bout du tunnel. Nous ne pouvons pas tous être des avocats, Dieu merci, et je ne crois pas que nous voulons tous devenir des enseignants. Certains parmi nous ne sont pas faits pour cela.

J'ai soulevé cette question auparavant. Parmi les gens d'affaires les plus prospères se trouve Freddy DeGasperis, un constructeur de Toronto. Je crois qu'il est arrivé d'Italie alors qu'il était ouvrier. Mes partenaires d'affaires, des Allemands et un Hollandais, ont connu la guerre et ont fréquenté l'école des métiers. Ils ont travaillé dans d'importantes entreprises de construction en Colombie-Britannique.

D'après ce que vous avez observé, encourage-t-on suffisamment nos jeunes Autochtones à apprendre un métier de la construction, comme la plomberie et l'électricité? Je ne veux pas rabaisser mon pauvre comptable, mais il m'a dit « Je ne peux pas investir et faire de l'argent, tandis que vous semblez avoir toutes les réponses pour devenir riches ». Je lui ai répondu « Vous êtes trop instruit. Vous êtes trop intelligent pour nous tous. Vous ne pouvez pas penser comme les gens ordinaires ».

Je ne veux pas dénigrer ou rabaisser les professions, mais elles ont beaucoup d'importance dans notre société. Je crois sincèrement qu'on n'encourage pas suffisamment nos jeunes à apprendre un métier. Pourriez-vous faire des commentaires à ce sujet?

Mme Blondin-Andrew : Le gouvernement du Canada s'est retiré des programmes de formation. Nous avons abandonné le développement du marché du travail, et donc la formation des apprentis et des gens de métier, et c'était aux divers secteurs de prendre la relève. À l'heure actuelle, nous nous engageons de nouveau grâce à des partenariats avec les grands syndicats qui visent un important projet de développement des ressources. Si le projet de la vallée du Mackenzie va de l'avant, les syndicats disent que les gens de métier qui y travaillent devront avoir un certificat de compagnon. Dans le cadre des négociations fédérales-provinciales, nous nous sommes retirés du développement du marché du travail et de la formation. Si nous touchions à cette compétence maintenant, nous soulèverions un tollé de la part des provinces, qui nous accuseraient d'abuser du pouvoir de dépenser, bien que nous ayons pleine compétence dans le domaine des affaires autochtones pour faire cela.

Au Canada, les gens de métier et les apprentis n'ont jamais vraiment été mis en valeur. En Autriche et en Allemagne, il existe d'excellents programmes de formation des gens de métier. Les ministres sont des plombiers, des électriciens et des menuisiers, et ils ont des diplômes universitaires. Ils ont à la fois une formation académique et une formation dans les métiers; c'est obligatoire. Nous n'avons pas fait pareille chose et nous devrons nous y voir. M. Axworthy avait l'habitude de demander quelle était la différence entre un technicien en fabrication d'outils qui gagne 86 000 $ par année et un directeur supérieur des finances qui gagne le même salaire? Quelle est la différence? Leur travail est de valeur égale. J'ai beaucoup réfléchi à cette question lorsque le gouvernement s'occupait des programmes de formation, bien que nous n'ayons jamais mis au point les programmes de formation d'apprentis que nous avions espéré élaborer, parce que nous nous sommes retirés de la formation.

Il y a des possibilités pour les Autochtones. Récemment, nous avons élaboré le programme Partenariat pour les compétences et l'emploi des Autochtones, d'une valeur de 84 millions de dollars, auquel participent le secteur privé à divers niveaux, des partenaires autochtones ainsi que les gouvernements fédéral et provinciaux. L'objectif est de mettre au point des programmes de formation liés au développement des ressources forestières, minières, pétrolières et gazières. Le ministère a fait cela à Voisey's Bay, et des programmes liés au pétrole et au gaz ainsi qu'aux ressources hydroélectriques seront lancés respectivement dans les Territoires du Nord-Ouest et au Manitoba. Une grande partie de ce programme implique une formation dans les métiers.

J'ai lu un sondage réalisé dans les années 90 dans lequel on demandait aux parents s'ils s'attendaient à ce que leurs enfants apprennent un métier ou fréquentent l'université. La majorité ont répondu l'université. Toutefois, bon nombre de jeunes n'ont pas obtenu les notes exigées par les universités et se sont dirigés dans d'autres domaines. Ce sondage montrait que les attentes sont bien différentes de la réalité. Il y a peut-être des gens qui sont prêts à apprendre un métier, mais les parents veulent que leurs enfants obtiennent des diplômes universitaires; or, les enfants n'ont peut-être pas les mêmes aspirations. C'est intéressant.

Le sénateur St. Germain : Dans quelle mesure encourage-t-on nos jeunes Autochtones à se joindre aux Forces canadiennes? Je pose la question parce que, en tant que jeune Métis, c'est ce que j'ai fait, parce que je n'avais pas les moyens de fréquenter l'université après mes études secondaires. Cette expérience a été, sans l'ombre d'un doute, un des points tournants de ma vie. La même chose est arrivée à un grand nombre de jeunes hommes. Je dis « hommes » parce qu'à cette époque, la gent masculine était prépondérante dans les Forces canadiennes. Encourage-t-on les jeunes Autochtones à poursuivre une carrière militaire? Avec le service militaire vient une éducation qui ne peut être achetée ailleurs, ainsi qu'une discipline dont la plupart d'entre nous avons besoin.

Mme Blondin-Andrew : Le projet Service jeunesse Canada du gouvernement comportait un volet militaire, mais il n'a pas pu voir le jour parce que le gouvernement s'apprêtait à fermer des bases des Forces canadiennes. Des militaires obtenaient leur libération dans un effort de réduction des effectifs. C'est pourquoi le ministère n'a pas pu élaborer un nouveau programme. Le volet militaire que devait comporter le projet Service jeunesse Canada ne s'est donc pas concrétisé.

Au cours des dernières années, de nouveaux engagements ont été pris à l'égard des Forces canadiennes, ce qui a enclenché, je crois, un engagement envers les cadets et les rangers ainsi que le programme Eagle en Saskatchewan, qui donne de bons résultats. De plus, on s'est montré plus actif dans les efforts de recrutement. À ce sujet, j'ai rencontré récemment un officier supérieur qui s'en allait à Yellowknife en vue de visiter les Territoires du Nord-Ouest à cette fin. Le fils du sénateur Sibbeston était pilote dans les Forces, bien que j'ignore son grade.

Le président : Il pilotait des hélicoptères Sea King embarqués. Il a quitté les Forces depuis.

Mme Blondin-Andrew : C'est tout un exploit. Il y a des Autochtones partout au Canada qui font partie des Forces canadiennes. Je connais un Autochtone de Fort Smith, dans les Territoires du Nord-Ouest, qui s'occupe de formation et qui connaît très bien le milieu militaire. Il semble y en avoir davantage, bien que je n'ai pas de chiffres à l'appui de ce que je dis. Le gouvernement injecte plus d'argent dans le système. Sous le ministre Eggleton, on avait pris plus d'engagements envers les cadets et les rangers. Les efforts de recrutement sont là et ont donné des résultats en Saskatchewan, avec le programme d'orientation Eagle.

Le sénateur St. Germain : Ces efforts donnent-ils les résultats que nous devrions avoir?

Mme Blondin-Andrew : Je crois que oui. En Saskatchewan, je me suis entretenue avec le général responsable à cette époque, et les résultats étaient passablement remarquables. La discipline, l'apprentissage, l'engagement et le respect étaient tous évidents. Je n'ai reçu aucun commentaire négatif. Des programmes de la sorte seront plus nombreux maintenant qu'on dispose de plus d'argent.

Le président : Madame la ministre, je tiens à vous remercier ainsi que vos fonctionnaires d'avoir comparus devant nous ce soir.

La séance est levée.


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