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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 9 - Témoignages du 7 juin 2005


OTTAWA, le mardi 7 juin 2005

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, auquel a été renvoyé la teneur du projet de loi S-16, qui vise la reconnaissance par la Couronne de l'autonomie gouvernementale des Premières nations du Canada, se réunit aujourd'hui, à 9 h 9.

Le sénateur Nick G. Sibbeston (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones poursuit ses délibérations sur le projet de loi S-16, Loi sur la reconnaissance de l'autonomie gouvernementale des Premières nations. Notre premier témoin aujourd'hui est le professeur Michael Posluns.

Je demanderais au sénateur St. Germain de présenter M. Posluns.

Le sénateur St. Germain : Merci, monsieur le président. M. Michael Posluns détient un doctorat de l'Université York et est probablement mieux connu pour sa participation en tant que co-auteur à la biographie de George Manuel, The Fourth World : An Indian Reality. Il révise actuellement sa thèse de doctorat qui se veut une étude des témoignages sur l'autonomie gouvernementale des dirigeants des Premières nations devant le comité parlementaire et qui s'intitule « The Public Emergence of the Vocabulary of First Nations Self-government »; elle sera publiée plus tard cette année par Routledge. En 1993, il a également rédigé une thèse intitulée « The Bureaucratic Response to the Penner Report ».

M. Posluns, qui est professeur agrégé du Programme d'études autochtones à l'Université St. Thomas, à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, a rédigé de nombreux documents sur les questions touchant les Autochtones. Il a effectué des études pour l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest et le Comité spécial sur l'autonomie politique des Indiens de la Chambre des communes et a participé à la conception d'un programme de formation de conseiller parajudiciaire autochtone à l'intention des Autochtones. Il a organisé des programmes de perfectionnement professionnel pour l'Assemblée des Premières nations, l'Union des Indiens de l'Ontario, la Nation dénée et la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan. Dans les années 1970, il a occupé le poste de rédacteur en chef adjoint du Akwesasne Notes et se chargeait de trouver des avocats compétents pour les familles et les jeunes affiliés à la maison longue d'Akwesasne.

M. Posluns connaît donc très bien les questions que nous aborderons aujourd'hui.

M. Michael Posluns, professeur agrégé, Programme d'études autochtones, Université St. Thomas : Merci beaucoup, c'est un honneur d'être ici.

J'aimerais aborder quatre points entourant le projet de loi S-16. Premièrement, je parlerai du sens courant du concept d'« autonomie gouvernementale ». Deuxièmement, je mettrai l'accent sur la différence entre la « reconnaissance » et la « délégation ». Troisièmement, je ferai un lien entre l'autonomie gouvernementale et les droits autochtones. Quatrièmement, j'aborderai ce que serait l'autonomie gouvernementale des Premières nations du point de vue d'une petite université au Nouveau-Brunswick comme la mienne ou du Sénat du Canada.

Dans ce domaine, peut-être même plus qu'ailleurs dans le contexte législatif, on constate une tendance chez les gouvernements, groupes et spécialistes des politiques à emprunter des termes à un domaine et à leur donner une signification autre que celle utilisée habituellement dans les politiques. Cette tendance existe depuis un certain temps.

En 1832, John Marshall, le juge en chef des États-Unis, a dit dans l'affaire Worcester c. Georgia :

Les mots « traité » et « nation » sont tirés de notre propre langue; nous les avons choisis dans nos procédures diplomatiques et législatives et ils ont une signification déterminée et bien comprise. Nous les avons appliqués aux Indiens, comme aux autres nations de la terre. La signification est la même pour tous.

Si le mot « nation », dans le contexte des Premières nations, n'est plus aussi clair, je crois que c'est attribuable en partie à la tendance qu'on a à donner une signification très différente à des mots, et ce à des fins que des ministres ou des hauts fonctionnaires ne veulent peut-être pas admettre.

Le regretté juge en chef Brian Dickson a parlé de cette même difficulté dans l'affaire Nowigijick, qui demeure une source reconnue pour interpréter les traités et les lois ayant trait aux Indiens. Il a dit :

Il faut, je crois, dans des cas de ce genre, tenir compte du fond et du sens manifeste et ordinaire des termes employés, plutôt que de recourir à la dialectique judiciaire.

Le concept d'autonomie gouvernementale, en particulier, doit avoir la même signification dans le contexte autochtone qu'ailleurs. Je soupçonne que le terme « Première nation », comme on l'utilise dans le projet de loi, est conforme au sens qu'on lui donne lors de mes voyages aux alentours de la Baie Georgienne en Ontario, dans l'Est du Québec et au Nouveau-Brunswick. La Commission royale sur les peuples autochtones aurait utilisé le terme « collectivité des Premières nations » pour chaque localité et aurait réservé « Première nation » pour désigner un groupe de collectivités qui partagent une langue et une histoire communes.

Le projet de loi S-16 permet à chaque Première nation de déterminer quels pouvoirs elle désire exercer, et à quel moment, et il lui revient, plutôt qu'à des fonctionnaires d'Ottawa ou même au Parlement du Canada, de prendre ces décisions.

Que ce soit les travaux du Comité spécial sur l'autonomie politique des Indiens, connu sous le nom du Comité Penner, en 1983, le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, ou CRPA, ou votre propre rapport de comité, Forger de nouvelles relations, en 2000, tous soulignent le fait que les bandes de 500 membres en moyenne ne se prêtent pas bien à l'autonomie gouvernementale, particulièrement dans le contexte actuel.

En ce qui a trait à la façon dont les petits groupes, qui s'apparentent à des bandes en vertu de la Loi sur les Indiens et dont l'existence est reconnue juridiquement dans une loi fédérale, peuvent se regrouper, la Commission Penner et la CRPA ont toutes les deux mis l'accent sur la nécessité qu'ils négocient une entente appropriée à cette fin.

Ce qui différencie le projet de loi S-16, c'est qu'il suit cette voie. Les collectivités, qui sont principalement la création du ministère des Affaires indiennes, auront la possibilité de se joindre à d'autres collectivités désireuses de conclure une entente sur la nature de leur association.

Toutes les collectivités anishinabek de la côte est de la baie Georgienne pourraient décider de se regrouper en tant que fédération, et d'autres collectivités, comme les Micmacs du nord du Nouveau-Brunswick, pourraient opter pour un autre type d'association.

L'accent mis dans le rapport Penner et celui de la CRPA sur la nécessité pour ces collectivités de prendre une telle décision va de pair avec le besoin pour chaque groupe qui souhaite que son autonomie gouvernementale soit reconnue d'élaborer sa propre constitution. La fragmentation des nations en minuscules bandes indiennes d'un océan à l'autre du pays est attribuable aux politiques des Affaires indiennes depuis plusieurs décennies. Presque tous s'entendent pour dire que ces petites bandes doivent se regrouper maintenant. Reste à savoir si les pourparlers dans chaque cas reflèteront l'autonomie prévue dans le projet de loi S-16 ou si les forces extérieures continueront de déterminer la dynamique des collectivités des Premières nations.

La Commission Penner et la CRPA avaient en commun un point fondamental, c'est-à-dire qu'elles estimaient que le ministère des Affaires indiennes ne pouvait pas agir efficacement en tant que représentant du gouvernement fédéral dans le cadre des démarches visant à instaurer de nouvelles relations avec les Premières nations. Dans ces deux rapports, on peut lire qu'étant donné que les Affaires indiennes contribuent depuis si longtemps au problème et sont, à tout le moins, largement responsables de l'administration malsaine des dossiers, il serait insensé de croire qu'il puisse être la voie qui mène à la création de nouvelles relations.

Le rapport Penner recommandait que le gouvernement nomme un ministre de premier plan, un membre du cabinet principal, pour représenter le gouvernement fédéral dans ses échanges menant à l'établissement d'une nouvelle relation. Ce serait une façon de manifester l'engagement du gouvernement à l'égard d'une relation nouvelle et différente, que ce soit prescrit dans la loi ou pas.

J'ai été soulagé de voir que le professeur Macklem abordait la question de la certitude juridique et de la validité constitutionnelle des lois des Premières nations qui ne sont pas conformes aux lois provinciales. J'ai été très content de constater que d'après M. Macklem, le pouvoir de légiférer des Premières nations dans les domaines prévus à l'annexe 2 et sa constitutionalité découlent directement et incontestablement du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867.

Je ne pense pas me tromper en disant qu'à chaque fois qu'un juriste indépendant s'est prononcé sur le paragraphe 91(24), il était d'avis que les notions « Indiens » et « terres réservées aux Indiens » étaient deux pouvoirs fédéraux distincts bien que très clairement liés. Bien que des représentants fédéraux croient que le gouvernement ne peut pas adopter de dispositions concernant des membres des Premières nations qui ne vivent pas dans une réserve, je crois que certaines dispositions de la Loi sur les Indiens et mesures législatives connexes font justement ça.

Pour ne citer que deux exemples bien connus, mentionnons le financement de l'éducation postsecondaire et les programmes de santé, y compris l'aide financière pour l'achat de lunettes et d'appareils auditifs.

Je vais maintenant parler de la reconnaissance et de la délégation. Force est de reconnaître que la principale différence entre le projet de loi S-16 actuel et le projet de loi C-7, d'il y a deux ans, est au chapitre de la reconnaissance et de la délégation.

Dès le premier Comité mixte sur la Constitution, qui était présidé par Mark MacGuigan et le sénateur Gildas Molgat, du Manitoba, de 1970 à 1972, les documents sur les Autochtones et les droits issus de traités remis par des organisations politiques indiennes insistaient déjà sur l'importance de la reconnaissance.

Pendant cette même période, j'ai collaboré avec George Manuel à ses mémoires, The Fourth World : An Indian Reality. Dans le cadre de nos discussions et de nos entretiens, le chef Manuel parlait fréquemment de l'importance de la reconnaissance comme pierre angulaire de tout renouvellement de la relation entre le Canada et les « nations indiennes », si je reprends le terme utilisé à l'époque.

Dans le cadre des relations avec les Premières nations, le concept de « pouvoir délégué » est, à mon avis, fortement associé à la municipalisation, ce qui va directement à l'encontre de l'autonomie gouvernementale.

Comme le décrit le juge en chef Dickson, la « reconnaissance » est unique et se veut :

Un droit antérieur n'ayant pas été établi par proclamation royale, par le paragraphe 18(1) de la Loi sur les Indiens ou par toute autre mesure exécutive ou législative.

Depuis 1982, on associe la « reconnaissance » avec la « promesse » que fait, comme l'a décrit le juge en chef Dickson, l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Pendant tout le temps, environ deux ans, qu'a passé la résolution sur le rapatriement de la Constitution au Parlement, personne n'a travaillé aussi fort que les Premières nations et les autres peuples autochtones pour faire enchâsser leurs droits dans la Constitution.

La notion de reconnaissance était au coeur des droits qu'ils revendiquaient. Dès qu'on comprend que divers droits — comme celui de pêcher qui a fait l'objet de l'arrêt Sparrow ou d'autres comme celui qui a été déterminé dans la décision Delgamuukw — sont, comme l'a dit le juge en chef Dickson, des « droits juridiques antérieurs », la meilleure façon pour la Couronne de montrer sa bonne volonté dans ses relations avec les Premières nations, que ce soit au niveau fédéral ou provincial, c'est de reconnaître ces droits.

La notion de « droits juridiques antérieurs » soulève aussi un autre aspect de la reconnaissance. Le professeur John Borrows dit depuis de nombreuses années dans ses écrits que la common law doit reconnaître le droit autochtone et qu'il faut intégrer la common law au droit des Premières nations. Je crois que le projet de loi S-16 est une occasion sur le plan législatif d'aller dans cette direction.

Pour qu'une telle intégration puisse se produire, il faut reconnaître qu'il y a un ensemble de mesures législatives composé de ces « droits juridiques antérieurs ». On oublie souvent que les Premières nations ont un corpus législatif. D'ailleurs, le juge en chef Dickson semble y faire allusion dans l'arrêt Sparrow, qui a été la première affaire dans laquelle la Cour suprême a exploré la portée et la force de l'article 35 en tant que disposition prometteuse pour les peuples autochtones du Canada. Le juge en chef Dickson a déclaré que le droit de pêcher de chaque membre de la collectivité musqueam, comme M. Sparrow, avait toujours été réglementé, même si ça n'était qu'au niveau de la collectivité.

Il est encore difficile de faire comprendre aux gens que les droits autochtones sont essentiellement des droits détenus par les Premières nations et les collectivités autochtones et exercés par leurs membres. Toutefois, si nous acceptons la description de certains droits autochtones faite par la Cour suprême, nous commençons à apercevoir un corpus législatif antérieur.

Dans chaque Première nation, l'institution à l'origine d'une loi exerçait ce que nous pourrions considérer comme un pouvoir de légiférer au nom de la collectivité ou de la nation. Il n'est pas difficile d'imaginer qu'un tel organe puisse s'être occupé de domaines qui ne font guère l'objet de litiges dans le système judiciaire contemporain, par exemple l'éducation et le bien-être des enfants.

L'éducation est un domaine de compétence législative à l'avant-plan du débat sur l'autonomie gouvernementale depuis le rapport, en 1971, du Sous-comité sur l'éducation des Indiens de la Chambre des communes. Le rapport Watson, comme on l'appelle aussi, alléguait que le taux d'abandon scolaire des élèves indiens se maintenait à l'époque plus ou moins au niveau effrayant de 94 p. 100, que les écoles aient été administrées par des églises, le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial. Il proposait alors que le gouvernement permette aux collectivités indiennes d'administrer leurs propres écoles.

L'année suivante, George Manuel, pour le compte de la Fraternité des Indiens du Canada, présentait au Comité des affaires indiennes de la Chambre des communes un document intitulé « La maîtrise indienne de l'éducation indienne ». À la suite de la présentation de M. Manuel, le ministre des Affaires indiennes de l'époque, Jean Chrétien, avait déclaré que ce document allait devenir une politique ministérielle. Je n'irai pas plus loin dans cette digression, mais je crois qu'on ne peut que constater que le gouvernement fédéral a toujours eu le pouvoir d'établir des politiques et d'adopter des mesures législatives dans le domaine de l'éducation des Indiens, que ce soit pour confier aux églises l'administration des écoles ou protéger les compétences législatives pouvant être exercées par les Premières nations.

Le projet de loi S-16 est l'occasion pour ce comité de lancer un débat pancanadien, de préférence un dialogue, sur ce que devrait être l'autonomie gouvernementale des Premières nations.

Une telle occasion est un couteau à double tranchant. Le danger est que ces échanges s'éternisent et anéantissent ainsi la possibilité d'adopter un projet de loi après qu'il a été peaufiné, fait l'objet d'une deuxième lecture et envoyé à l'autre chambre, et cetera, uniquement dans l'intérêt du débat.

Aussi, si vous attirez des témoins qui sont fondamentalement contre les droits des Autochtones et voient les travaux de ce comité comme une occasion d'étouffer la notion même d'autonomie pour les Premières nations, la tenue de longues délibérations pourrait bien nuire aux bonnes intentions et à l'objectif bien pensé à l'origine de ces échanges.

Si vous acceptez la description du juge en chef Dickson concernant la reconnaissance et l'affirmation, dans l'article 35, de droits autochtones et de ceux issus de traités comme une promesse faite par tous les corps législatifs du Canada à tous les peuples autochtones et les Premières nations, il reste donc à trouver des moyens de concrétiser cette promesse, particulièrement en ce qui a trait à l'autonomie gouvernementale.

Je vous propose ce que j'appelle un concept « anti-politique ». C'est un terme que j'utilise pour parler d'un aspect très important de l'autonomie gouvernementale selon le Comité Penner, c'est-à-dire que le rôle du gouvernement fédéral, dans le contexte de l'autonomie gouvernementale des Premières nations, est de protéger les compétences législatives des Premières nations contre l'interférence du gouvernement fédéral lui-même, des provinces ou d'autres instances.

De nombreux rapports et études depuis la Commission Penner, et particulièrement depuis le rapport de la CRPA en 1996, ont essayé de régler le dossier autochtone avec l'ancienne méthode. Les rapports que j'ai cités sont importants car ils n'ont pas commis cette erreur et ont cherché des moyens de permettre aux Premières nations de trouver elles-mêmes des solutions à leurs problèmes.

Par « anti-politique », je fais allusion à une décision prise par le Parlement et le gouvernement canadien de ne pas adopter de politique pour le compte des Premières nations, d'éviter de déléguer la prise de décisions les concernant à des gouvernements provinciaux non autochtones et de faire l'impossible pour mettre à la disposition des Premières nations toutes les ressources dont elles ont besoin.

Il ne fait aucun doute qu'il y aura des gens qui s'opposeront à toute décision prise par une Première nation et qui se tourneront vers le ministère, le cabinet ou le Parlement pour qu'il règle le problème. Je crois que ça va prendre une volonté de fer pour ne pas succomber à la tentation de croire qu'une solution extérieure est meilleure que celle choisie par une Première nation.

Enfin, j'aimerais parler brièvement de trois sujets qui sont étroitement liés, à savoir l'autonomie gouvernementale, l'appartenance ou la citoyenneté et le territoire.

En 1976, au cours des travaux du deuxième Comité mixte sur la Constitution, Noel Starblanket, président de la Fraternité des Indiens du Canada, s'était fait demander s'il accepterait la réintégration des femmes ayant perdu bien involontairement leur statut d'Indien inscrit. Si je me rappelle bien, la question avait été posée par les sénateurs Joan Neiman et Flora McDonald. Il avait surpris le comité en répondant que oui, sous réserve de certaines conditions. Il avait déclaré qu'il le permettrait si les sénateurs et les membres du comité appuyaient une augmentation proportionnelle des avoirs fonciers, principalement en accélérant le règlement des revendications territoriales encore en suspens et en augmentant les fonds pour l'infrastructure et les dépenses sociales nécessaires à la réintégration des personnes émancipées.

C'est aussi ce que corroborait le Comité Penner, en 1982, dans le premier de ces deux grands rapports intitulé Les femmes indiennes et la Loi sur les Indiens. Ceux qui ont constaté, trois ans plus tard, en 1985, que le projet de loi C-31 laissait beaucoup à désirer auraient dû prendre acte des recommandations du rapport Les femmes indiennes et la Loi sur les Indiens qui avaient été écartées ou contredites dans le projet de loi. Ils se seraient alors rendu compte que les lacunes du projet de loi C-31 étaient évidentes dès le moment de son dépôt.

Le gouvernement de l'époque a décidé de permettre aux gens de redevenir Indiens inscrits sans leur donner les moyens de revenir vivre dans la communauté ou de participer à la vie communautaire s'ils le voulaient. Il faut cependant dire, à sa décharge, que le gouvernement est allé au-delà des grands discours sur l'émancipation volontaire et non volontaire et a autorisé la réintégration d'Indiens et d'Indiennes.

Un des principaux points forts du projet de loi S-16, c'est qu'il tient compte dans une large mesure des intentions du rapport Penner et du point de vue adopté par les témoins autochtones du pays qui y sont exprimés.

Je sais que le Comité Penner a siégé il y a 22 ans. Vous pourriez refaire son travail si on vous autorisait à tenir des audiences dans toutes les régions du pays pendant de longues semaines.

Il vaudrait peut-être mieux examiner attentivement le rapport, le volume un du rapport de la Commission royale, Un passé, un avenir et votre propre rapport de 2000, intitulé Bâtir de nouveaux liens.

Si, comme je le pense, il y a une certaine constante dans ces trois rapports, vous pourrez alors vous demander quoi faire pour permettre aux Premières nations de se prendre en main. Comment parvenir à tenir la promesse faite aux peuples autochtones du Canada dans l'article 35 de la Constitution?

Le sénateur St. Germain : Merci, monsieur, de l'exposé réfléchi que vous avez présenté au comité ce matin.

Le langage vague que le ministère des Affaires indiennes utilise avec les Premières nations m'inquiète parce que je trouve qu'il nuit au changement. Il y a énormément de confusion dans la population à propos de ce qui se passe entre les Autochtones, le MAINC et le gouvernement. Avez-vous été en mesure d'analyser ce qui est à l'origine de cette confusion?

M. Posluns : Malheureusement, la confusion a toujours existé et caractérise l'histoire de cette relation. Actuellement, il est question du « droit inhérent à l'autonomie gouvernementale ». Contrairement à ce que ce droit inhérent peut signifier ailleurs, il ne veut pas dire qu'il existait un ensemble de lois, comme le juge en chef Dickson l'a dit, avant l'arrivée des autorités britanniques ou françaises au Canada.

Le gouvernement doit définir cette expression. Il attribue aux mots qu'il emploie un sens qu'ils n'avaient pas avant. Il excelle là-dedans. Il a l'habitude de faire valoir ses mesures par des équipes de relations publiques, comme cela s'est sûrement produit dans le cas des projets de loi déposés par Bob Nault.

Le sénateur St. Germain : Estimez-vous que les tribunaux ont reconnu le droit existant? Le juge en chef Dickson a déclaré clairement qu'il y en avait un. Pensez-vous que ce point de vue a été repris dans la plupart des décisions? Je crois que les arrêts Sparrow et Delgamuukw concordent là-dessus, mais est-ce que c'est le cas de toutes les décisions sur le plan légal?

M. Posluns : Il faut être prudent avec des mots comme « tout » et « jamais ». On m'a conseillé de ne pas les employer en public.

L'arrêt Delgamuukw montre bien les intrusions autorisées par la cour. On reconnaît qu'il s'agit de droits ancestraux mais, dans l'arrêt Delgamuukw, on ajoute que certaines intrusions sont justifiées. Selon Kent McNeil, un éminent professeur de droit qui a étudié la liste des intrusions justifiées dans l'arrêt Delgamuukw de la Cour suprême, il y a tellement de raisons qui justifient l'intrusion qu'on peut se demander ce qu'il reste.

Les juges semblent parfois revenir en arrière, pas tellement en changeant d'idée pour appuyer l'arrêt Sparrow, mais en contournant la question. En général, ils essaient d'être logiques.

Le sénateur St. Germain : Pour rédiger le projet de loi S-16, nous avons consulté la Loi sur l'autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte et d'autres lois du genre pour essayer de tenir compte de tous les aspects positifs de l'autonomie gouvernementale qui existent actuellement. Cependant, il ne semble pas que la situation de nos Autochtones progresse.

Comme vous l'avez dit dans votre exposé ce matin, dans les régions, il y a des petites communautés qui ne pourront jamais obtenir l'autonomie gouvernementale à moins de se regrouper.

Ce projet de loi a été déposé pour simplifier et accélérer le processus. Il vise à réduire les coûts et les litiges. Le ministère dit qu'il est prêt à négocier avec tout le monde, mais c'est à peu près comme employer les mots « tout » ou « jamais ». Ces déclarations sont tellement générales qu'elles ne veulent rien dire.

À votre avis, comment réussir à bien transmettre le message? Il n'y a aucune obligation de la part des peuples autochtones. C'est simplement une loi habilitante dont ils pourront se servir.

Pouvez-vous nous proposer des moyens d'approcher le ministère? Quand ses représentants ont comparu devant nous à propos de ce projet de loi, ils ont fait valoir la question de la compétence provinciale, qui n'a pas vraiment de fondement ici.

Pouvez-vous nous donner des conseils et des directives sur la façon d'accélérer les choses?

M. Posluns : C'est peut-être un sacrilège de le dire, mais le rapport Penner proposait de ne pas mêler le ministère à cela. Laissons le ministère continuer de fournir les services courants jusqu'à ce que ces services soient pris en charge par quelqu'un d'autre. En revanche, si le gouvernement voulait vraiment améliorer ses relations, le rapport recommandait de nommer un ministre clé membre du cabinet restreint qui serait chargé de rétablir les rapports. D'ailleurs, vous avez peut-être formulé quelque chose du genre dans votre rapport de 2000.

Comme vous dites, le ministère va négocier avec tout le monde, mais que négocie-t-il exactement? Le projet de loi va permettre à chaque Première nation de rédiger sa constitution, et des groupes de Premières nations pourraient se regrouper et écrire leur propre constitution. Le ministère est seulement représenté par des fonctionnaires qui sont là depuis le début et qui demandent aux Premières nations de venir se justifier.

Dans son dernier livre, Emerging Justice? Essays on Indigenous rights in Canada and Australia, qui est le seul livre de droit à avoir obtenu un prix littéraire, le professeur McNeil traite du fardeau de la preuve dans le cas du titre autochtone.

Pour ce qui est de l'autonomie gouvernementale, il ne devrait y avoir rien à prouver. Le projet de loi S-16 permet à chaque Première nation de rédiger sa propre constitution pourvu qu'elle soit ratifiée et conforme à la Constitution canadienne et à la Charte des droits.

Pourquoi une Première nation devrait-elle aller négocier son autonomie avec des fonctionnaires du bureau régional du ministère à Halifax ou à Toronto? Est-ce que cela a du bon sens?

Votre projet de loi leur propose de rédiger leur constitution, de la faire ratifier par voie de référendum et de s'assurer qu'elle est cohérente. Le vérificateur général peut confirmer qu'ils gèrent bien leurs affaires. Ils peuvent demander que l'éducation soit de leur ressort et revenir, cinq ans plus tard, demander la même chose pour les forêts.

Le sénateur St. Germain : La question de l'appartenance et de la réintégration des femmes est très importante pour moi. Nous avons essayé, dans le projet de loi S-16 d'en tenir compte le mieux possible. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus puisque vous en avez parlé dans votre exposé en faisant référence au projet de loi C-31.

Ce projet de loi a eu différentes formes. Nous avons plus d'expérience maintenant et je pense que notre projet de loi est meilleur en ce sens qu'il traite de tous les aspects de la question, comme les droits matrimoniaux et la réintégration des femmes et des membres vivant à l'extérieur des réserves.

Pensez-vous, après avoir étudié notre projet de loi, que nous traitons du sujet le mieux possible? Y aurait-il des mises au point à faire dans ce domaine? En tant que parrain du projet de loi, je suis prêt à apporter les petits et grands changements qui peuvent s'imposer. On veut offrir aux peuples autochtones un document qui va réduire les échéances. Nous avons négocié des accords, que ce soit sur des revendications territoriales ou l'autonomie gouvernementale, et cela a pris, par exemple, plus de vingt ans dans le cas des Nisga'as. Pour le peuple tlicho, dont l'entente vient d'être ratifiée, les négociations ont duré quinze ans. C'est l'objectif de ceux qui ont travaillé à la rédaction du projet de loi S- 16. Je ne m'en attribue pas le mérite parce que je ne suis pas le seul à avoir travaillé là-dessus. Il se trouve simplement que c'est moi qui parraine le projet de loi. Avez-vous des observations là-dessus, monsieur?

M. Posluns : Pour ce qui est des échéances, c'est long parce que tous ces groupes doivent négocier avec le ministère des Affaires indiennes. Si le processus de négociation devient inutile parce que chaque groupe est libre de rédiger sa constitution, le ministère des Affaires indiennes ne peut plus imposer de limites en prétextant qu'il n'a pas assez d'employés ou qu'il tient à recommencer tout le processus parce qu'il a changé d'avocat.

Cessons de négocier. Laissons les Autochtones qui veulent leur autonomie gouvernementale rédiger leur constitution, dans la mesure où certaines grandes règles sont respectées, c'est-à-dire qu'il y a conformité avec la Charte des droits, et, une fois qu'elle est ratifiée, il suffirait de l'annoncer au ministère.

S'il y a 80 nations au Canada, elles pourraient toutes faire la même chose en même temps, se réunir chacune de leur côté.

Vous avez aussi posé une question sur l'appartenance. Le projet de loi C-31 a réglé beaucoup de problèmes, mais en a laissé beaucoup d'autres en suspens. J'aimerais beaucoup amener un de mes groupes ici à l'automne. J'ai deux ou trois étudiants adultes, des femmes dans la trentaine avec des enfants qui ont bien résumé les répercussions du projet de loi C-31 sur leur famille. Je n'oserais pas exprimer à leur place le ridicule de la situation.

L'une d'elles, qui est dans la jeune trentaine et a trois enfants, a indiqué que, si ses filles épousaient des Autochtones non inscrits, ses petits-enfants ne seraient plus membres de la communauté, mais les enfants de sa sîur le resteraient parce qu'on lui a redonné son statut. Cela n'a pas de sens pour la vie de famille.

Je crois qu'il est important que les Premières nations puissent refaire leur code d'appartenance. J'aurais des réticences à vous conseiller d'intervenir. Oui, c'est injuste, mais il faut se demander qui est le mieux placé pour le faire. D'abord, ces femmes sont bien capables d'exercer de l'influence auprès de leur communauté.

Les règles d'appartenance contraignantes, qui ont fait réduire les effectifs, ont toujours été établies par les gouvernements fédéraux. Depuis 1876, les règles d'appartenance ont entraîné la diminution des populations.

Je pense qu'aucun peuple autochtone aurait conçu un code contraignant ayant tendance à réduire leur nombre et à affaiblir leur influence, alors que les gouvernements fédéraux des régimes coloniaux l'ont fait. Seulement pour cette raison, je vous demande instamment d'accorder à chaque Première nation le pouvoir de définir son appartenance. Si les Autochtones sont assez maladroits pour ne pas se conformer à la Charte, ils iront devant les tribunaux mais, compte tenu des antécédents du gouvernement et du Parlement du Canada, je pense qu'il vaut mieux ne pas aller au-delà de ce qui est prévu dans le projet de loi S-16.

Le sénateur Peterson : Il a été question des conflits qu'il pourrait y avoir entre les lois fédérales, provinciales, autochtones et peut-être même municipales. Comment pensez-vous qu'on peut régler cela?

M. Posluns : J'hésite à parler de conflit entre les lois. Ce serait des lois différentes. Pour respecter différentes cultures dans différentes régions, on ne peut absolument pas s'attendre à ce que le programme d'enseignement soit le même partout, par exemple, comme c'est le cas dans les provinces. Dans les deux provinces que je fréquente le plus dernièrement, les gouvernements ont tendance à enlever aux conseils scolaires le droit de regard sur les programmes pour les centraliser. Je ne veux pas m'étendre là-dessus aujourd'hui. Cependant, pourquoi plusieurs nations différentes de l'Ontario devraient tout à coup se conformer à ce programme décidé par Queen's Park. Je pourrais poser la même question dans le cas du Nouveau-Brunswick.

Les Premières nations ont le droit d'établir leurs propres programmes d'enseignement, comme le recommandait le Comité Watson en 1971. Je ne crois pas que cela entre en conflit avec la province, parce que c'est une compétence distincte. Je ne vois pas pourquoi elles devraient suivre le programme de la province.

Le manque de pertinence des cours sur le plan culturel est une des principales causes de décrochage scolaire. C'est la raison la plus souvent invoquée par ceux qui en connaissent beaucoup plus que moi là-dessus. Pourquoi imposer cette exigence aux gens? Il faut que le programme soit significatif sur le plan culturel.

Le sénateur Peterson : Je comprends, mais est-ce que la province est prête à abandonner ces pouvoirs?

M. Posluns : Les provinces ont fait des efforts de façon périodique. En Ontario, on a intégré un ou deux membres au sein du conseil scolaire, sans que cela n'augmente le contenu autochtone dans les cours d'histoire et autres. Il y a beaucoup d'écrits autochtones qui ne font pas partie des programmes scolaires. Pourquoi essayer de persuader l'Ontario, ou toute autre province, d'en tenir compte?

Le président : Professeur Posluns, il est évident, d'après vos antécédents et vos écrits, que vous êtes dans le domaine depuis longtemps. Vous avez visité toutes les régions du pays. Vous avez quand même dû constater des progrès depuis 20 ou 30 ans.

Dans le Nord, depuis les années 1970, c'est-à-dire depuis que la plupart d'entre nous sommes en politique, les Autochtones participent de plus en plus activement aux prises de décisions qui les concernent. Plus récemment, le peuple tlicho a conclu sa propre entente avec le gouvernement. Ce sont-là des améliorations importantes.

À votre avis, pourquoi les Autochtones ont-ils réussi à faire progresser les choses de cette façon? Est-ce le résultat de l'éducation, ou est-ce parce que la population de notre pays comprend mieux la situation?

Lorsque j'ai étudié à l'école de droit dans les années 1970, la décision rendue dans l'affaire Nisga'a marquait un tournant. Elle reconnaissait que les droits des Autochtones existaient dans ce pays et qu'ils n'avaient pas été abolis. Il y a eu de nombreux cas semblables depuis 1982, lorsque les droits des Autochtones ont été reconnus dans la Constitution. Je crois que beaucoup de progrès ont été réalisés.

À mon avis, il y a une émergence de l'identité autochtone dans toutes les sphères de la société. Dans un sens, les Autochtones sont en train de se prendre en main.

Pourriez-vous nous dire ce qui nous a amenés au point où, aujourd'hui, les Premières nations s'affirment et revendiquent l'autonomie gouvernementale? Le gouvernement fédéral a tenté de réagir en mettant en place les mécanismes qui allaient leur permettre de faire exactement cela.

Il y a quelques semaines, le gouvernement fédéral a signé un accord politique avec l'Assemblée des Premières nations. Les parties se sont engagées à créer un comité directeur mixte afin d'examiner de nouvelles approches pour la reconnaissance et la mise sur pied des gouvernements des Premières nations, y compris les mécanismes nécessaires pour gérer et coordonner les relations intergouvernementales renouvelées et continues et effectuer une évaluation en vue d'une loi éventuelle sur la reconnaissance des gouvernements des Premières nations.

Même dans nos politiques nationales, il semble y avoir cette reconnaissance et ce mouvement parmi les représentants des Premières nations et notre gouvernement afin d'examiner toute la question de l'autonomie gouvernementale.

Pourriez-vous faire des commentaires à ce sujet, je vous prie?

M. Posluns : Monsieur le président, me demandez-vous à quoi j'attribue les progrès réalisés?

Le président : Oui.

M. Posluns : C'est une excellente question, dont la réponse pourrait faire tout un livre, ce que je ne vais pas tenter de rédiger à l'heure actuelle.

Je trouve intéressant, monsieur le président, que vous étiez à l'école de droit dans les années 1970. Entre 1927 et 1952, c'était une infraction criminelle au Canada de recueillir de l'argent pour faire valoir des revendications territoriales.

Si nous voulons dresser le bilan de ce qui a contribué aux progrès, nous devons remonter à 1927, qui est certainement l'année où la conduite du Parlement face aux Premières nations a atteint son plus bas niveau. C'est cette année-là qu'il y a eu la dernière d'une longue série d'incapacités légales imposées par le Parlement, qui ont commencé avec l'interdiction du potlatch. En fait, cette interdiction a été adoptée deux fois puisqu'un juge de la Colombie- Britannique, qui envoyait tout le monde à la potence, l'avait supprimée.

Par conséquent, on a fait un premier pas en retirant les interdictions qui criminalisaient toutes ces choses qui étaient normales pour diverses Premières nations. Par la suite, les gens ont pu grandir dans une atmosphère où il n'y avait pas autant d'agressivité et d'hostilité de la part du Parlement et du gouvernement du Canada envers les membres de nos Premières nations.

Lorsqu'on regarde ce que d'autres groupes de personnes ont vécu pour se remettre de traumatismes semblables, on constate que la période de silence qui suit est bien normale. Dans l'histoire d'autres cultures, on constate qu'une attaque horrible est normalement suivie d'une période de silence. Les générations ultérieures diront : « Pourquoi avez- vous gardé le silence pendant toute cette décennie? » C'est une question normale que des enfants peuvent poser à leurs grands-parents, mais il y a une vraie réponse à cela.

Je crois que cet accord fonctionne bien. Par ailleurs, j'ai lu dans le journal que quelqu'un aurait dit que c'était le premier comité conjoint du Cabinet et de l'APN. Or, l'APN est le successeur de la Fraternité nationale des Indiens. En 1975, un comité conjoint de cette organisation et du Cabinet a été mis sur pied. Sa tâche consistait à remanier la Loi sur les Indiens. Toutefois, Starblanket a mis fin à cette relation en 1976 ou 1977, parce que trop peu de progrès était accompli. Selon lui, il n'y avait pas suffisamment de bonne volonté de la part des ministres, qui devaient y mettre tout leur coeur.

Sans vouloir critiquer le jugement de quiconque, en tant qu'historien, je dirais d'abord que cette occasion n'est pas la première comme les gens aimeraient le croire. Deuxièmement, j'espère que les choses iront beaucoup mieux. Troisièmement, compte tenu de l'interprétation du président de la Fraternité nationale des Indiens de l'époque, il faudra que les ministres et leurs fonctionnaires fassent leur travail.

Le président : J'ai posé la question, parce que j'ai remarqué que vous vous occupiez également de la formation des Autochtones dans le domaine judiciaire. Je remarque dans votre CV que vous avez participé à la conception et à la gestion d'un programme d'un an visant à préparer des Autochtones à occuper des postes au sein des tribunaux autochtones et dans le domaine de la liaison. J'ai aussi travaillé dans cette région du Nord. J'ai aidé des communautés à mettre sur pied leur propre système de justice.

Est-ce seulement une question d'éducation? Vous avez connu des gens comme George Manuel à ses débuts, lorsqu'il prêchait dans le désert dans les années 1960 et 1970. Nous avons fait de tels progrès que toutes sortes de choses se produisent partout au pays dans le domaine du développement économique et des affaires. Les Autochtones sont très actifs dans le développement des ressources, dans les affaires et sur d'autres fronts également. En général, on semble assister à une véritable émergence des Autochtones, grâce à l'éducation.

Est-ce seulement une question d'éducation, ou est-ce que la société canadienne est en train de changer et devient plus ouverte et réceptive aux Autochtones? Quels facteurs ont rendu possibles les changements positifs que nous observons aujourd'hui?

M. Posluns : L'éducation contribue énormément aux changements. Le fondateur du programme de formation en justice autochtone dont vous avez parlé, monsieur le président, est mon ami Cliff Summers, qui est ici aujourd'hui.

La Commission de l'emploi et de l'immigration a été la première à financer ce programme. Par la suite, un intermédiaire a financé un programme d'un an. Quinze Autochtones sans emploi, vivant en milieu urbain, ont été admis au programme à la fois.

Le programme comportait trois sessions, dont la première était un programme de rééducation en lecture qui mettait l'accent sur le type de lecture et d'écriture qu'il faut connaître pour rédiger des rapports à l'intention des commissaires de prison, des commissions des libérations conditionnelles et des tribunaux de première instance. Il fallait dire aux étudiants qu'ils allaient apprendre une toute nouvelle langue, parce que « l'anglais officiel » n'est pas la langue maternelle de tout le monde.

La plupart des autres programmes que nous avons observés dans la communauté autochtone de Toronto ne permettaient pas de consacrer une session complète au rattrapage. On veut produire beaucoup de diplômés, mais on ne prend pas le temps qu'il faut, ce qui est une autre lacune. Nous passions beaucoup de temps non seulement à parfaire la lecture en anglais, mais aussi à demander aux élèves comment ils s'exprimeraient dans leur propre langue. Il s'agit donc d'apprendre deux choses, ce qui, à mon avis, est impossible dans un cours accéléré.

Après une période de trois ans durant laquelle tous nos élèves obtenaient un emploi, sauf ceux qui s'inscrivaient à l'université, à la quatrième année, nous n'avons pas réussi à persuader les nouvelles personnes de l'autre côté de la table que c'était un bon investissement que de consacrer une session à l'amélioration des aptitudes de base. Vous demandez si ce n'est qu'une question d'éducation. Je vous réponds : « Que voulez-vous dire par seulement une question d'éducation? »

Le sénateur St. Germain : Un de nos grands problèmes, c'est que les gens ne comprennent pas vraiment que le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 donne au Parlement le pouvoir exclusif d'adopter des lois qui touchent les Indiens et les terres qui leur sont réservées.

Les Autochtones tiennent compte de l'harmonisation lorsqu'ils traitent avec les provinces et les autres gouvernements. Toutefois, le juge en chef Dickson a parlé des « droits légaux préexistants » dans sa décision. Nous avons omis d'informer la population que les peuples autochtones ont des droits préexistants.

L'Assemblée des Premières nations appuie pleinement ce projet de loi. Toutefois, nous n'avons pas réussi à la convaincre de comparaître devant le comité pour en parler. Je m'inquiète qu'il y ait de la partisanerie lorsque nous abordons une question qui touche aux droits de la personne, ce qui ne devrait exister en aucun cas.

Croyez-vous que mes observations sont justes et que les gens ne comprennent pas ces droits préexistants, qui ont été enchâssés dans le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 et réaffirmés en 1982 dans l'article 35?

M. Posluns : Parmi les gens instruits, on ne comprend pas très bien ces droits, en général. Je crois que c'est l'un des arguments de poids dans la défense de l'autonomie gouvernementale. Je ne sais pas comment nous pouvons informer les gens. Dans le cadre du programme d'études autochtones où j'enseigne, la moitié des élèves ne sont pas des Autochtones. C'est important d'enseigner ces choses, mais les convaincre est au-delà de nos capacités.

Comme vous l'avez dit, ces questions touchent aux droits de la personne, et personne n'a besoin de permission pour avoir ces droits. Nous reculons toujours sur cette question. Lorsque nous parlons des femmes, nous disons que les femmes ont le droit de faire ces choses sans permission. Les termes « incapacité légale » et « incapacité civile » étaient appliqués aux catholiques et aux juifs qui n'avaient pas le droit de voter dans l'Angleterre du XVIIIe siècle. Lorsque nous annulons une incapacité, qui est l'opposé d'un droit de la personne, cela suppose que nous n'avons plus à justifier un droit.

Ceux qui veulent apprendre doivent avoir toutes les chances de le faire, mais les droits ne peuvent être conditionnels à l'approbation de la majorité des deux Chambres du Parlement ou à l'approbation de la majorité des personnes qui écoutent une émission de radio. Ce serait tout à fait contraire aux droits de la personne.

Oui, il faut une éducation, mais ce n'est pas tout.

Le sénateur St. Germain : Merci beaucoup, professeur Posluns. Je ne crois pas qu'il y ait d'autres questions. À titre de promoteur de ce projet de loi, je suis heureux que vous ayez pris le temps de comparaître devant nous et que vous compreniez si bien le projet de loi, ce qui est très important pour notre débat.

Nos peuples autochtones ont un retard de 20 ans en éducation. Tellement de gens disent qu'ils vont s'attaquer au problème, mais ils ne font que reporter les choses au lendemain. La situation est aggravée par AINC. Je ne crois pas que nous ferons des progrès à moins d'éliminer AINC ou de suivre votre recommandation de ce matin. On trouve d'excellentes personnes à AINC, mais l'attitude paternaliste de l'institution dans son ensemble empêche les peuples autochtones de trouver leur place dans la société.

Le président : Merci beaucoup, professeur Posluns. Nous avons l'honneur de recevoir M. Dwight Dorey et M. Patrick Brazeau, du Congrès des peuples autochtones. Bienvenue.

Le projet de loi S-16 n'émane pas du gouvernement; il est parrainé par le sénateur St. Germain.

Les membres du comité ont entendu des témoignages intéressants. Je ne sais pas ce que deviendra le projet de loi et quel sort lui réserveront le Sénat et l'autre endroit. Toutefois, je suis convaincu que tôt ou tard, un projet de loi sur l'autonomie gouvernementale des Autochtones au Canada sera déposé. Nous pourrions penser que le projet de loi S-16 en est le prélude et permet de sensibiliser tout le monde. Monsieur Dorey, nous vous écoutons.

M. Dwight A. Dorey, chef national, Congrès des peuples autochtones : C'est un plaisir pour nous de vous parler aujourd'hui du projet de loi S-16. Comme vous l'avez mentionné, le projet de loi est important à bien des égards et suscite des préoccupations pour certaines personnes.

Depuis 34 ans, le Congrès des peuples autochtones se porte à la défense des Indiens non inscrits, des Métis hors réserve et des Indiens inscrits, en particulier depuis que le projet de loi C-31 est entré en vigueur en 1985.

Le chef adjoint national du CPA, Patrick Brazeau, s'occupe de ce dossier et vous parlera des questions qui intéressent tout particulièrement le CPA et des interventions qu'il a faites concernant le projet de loi.

M. Patrick Brazeau, chef adjoint national, Congrès des peuples autochtones : Bonjour. Monsieur le président, membres du comité permanent, je vous remercie de nous donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui pour vous parler du projet de loi S-16, qui prévoit la reconnaissance par la Couronne de l'autonomie gouvernementale des Premières nations du Canada.

Le Congrès des peuples autochtones, qui s'appelait autrefois Conseil national des Autochtones du Canada, fait partie des cinq organisations autochtones nationales reconnues par le gouvernement fédéral. Depuis 1971, nous représentons les Indiens non inscrits, les Métis et les Indiens inscrits qui vivent hors réserve, dans des régions urbaines, rurales et éloignées, partout au Canada.

Le CPA a participé pleinement à l'initiative de gouvernance des Premières nations de 2001 à 2003. Durant cette période, nous avons tenu environ 160 consultations, auxquelles ont assisté plus de 3 000 Autochtones. Cette initiative a été lancée par le gouvernement fédéral à la suite de l'arrêt Corbiere rendu par la Cour suprême du Canada en 1999, qui a confirmé le droit des membres hors réserve de voter lors des élections de bande. Ces consultations nous ont donné l'occasion de connaître les aspirations d'alors des Autochtones hors réserve et ont permis à ces derniers de présenter leur point de vue et leurs recommandations au gouvernement fédéral.

La quête d'autonomie gouvernementale n'est pas nouvelle. Les Autochtones doivent atteindre ce but pour pouvoir réussir, réconcilier leurs relations avec les gouvernements et contribuer pleinement à la société canadienne. Toutefois, cette quête a échoué à maintes reprises malgré qu'on ait tenté plusieurs fois de changer les politiques fédérales et de modifier la Loi sur les Indiens.

J'aimerais profiter de l'occasion pour clarifier une question qui pourrait être litigieuse; il s'agit de la notion de bandes assujetties à la Loi sur les Indiens et celle de Premières nations. La récente position du gouvernement fédéral a été de substituer l'expression « bandes assujetties à la Loi sur les Indiens » par « Premières nations ». Bien que la terminologie puisse paraître culturellement plus appropriée, elle ouvre la porte à la controverse lorsqu'on parle d'autonomie gouvernementale. Ni la Constitution du Canada ni la Loi sur les Indiens ne définit l'expression « Première nation ». Dans la Constitution, les peuples autochtones du Canada incluent les Indiens, les Inuits et les Métis. De plus, le paragraphe 91(24) de la Constitution précise que le gouvernement fédéral a la principale compétence sur les Indiens et les terres réservées aux Indiens. La Commission royale sur les peuples autochtones a noté qu'il existait plus de 600 bandes assujetties à la Loi sur les Indiens au pays et entre 60 et 80 Premières nations.

Dans un récent rapport, le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme de l'ONU écrit ceci :

De petites communautés séparées les unes des autres ne peuvent pas raisonnablement exercer leur droit à l'autonomie; aussi la Commission royale recommande-t-elle que l'exercice en soit remis à des groupes d'une certaine taille — groupes pouvant revendiquer l'appellation de « nation » et qui devront se restructurer en tant que nations.

Autrement dit, la CRPA et le Rapporteur spécial ont rejeté l'idée voulant que les bandes assujetties à la Loi sur les Indiens soient la manifestation moderne de la gouvernance. Le CPA est du même avis. Nous croyons que l'autonomie gouvernementale doit être impartie aux véritables Premières nations historiques plutôt qu'aux bandes individuelles, sans quoi l'exclusion et la discrimination continueront de prévaloir.

Le projet de loi S-16 est une mesure législative qui pourrait engendrer une plus grande division parmi les Indiens non inscrits et les membres hors réserve, puisqu'il touche les membres qui vivent dans les réserves. Par exemple, le projet de loi S-16 donnerait aux bandes assujetties à la Loi sur les Indiens le pouvoir de créer leur propre constitution, et de déterminer ainsi qui seront leurs membres.

Bien que cela semble acceptable à première vue et qu'il s'agisse d'une importante question en matière de compétence, le projet de loi ne garantit pas que les décisions concernant les membres seront inclusives, justes et non discriminatoires. Le projet de loi dit que les membres comprendraient les personnes qui sont actuellement inscrites sur une liste de membres, que ce soit la liste d'une bande ou la liste conservée par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. La Loi sur les Indiens et les politiques d'AINC ont créé des étiquettes différentes pour les peuples autochtones. Les décisions fondées sur le statut actuel des bandes et d'AINC ont été prises dans le cadre d'un processus discrétionnaire et discriminatoire. C'est pour cette raison que l'on compte plus de 400 000 Indiens non inscrits au pays.

La Cour suprême du Canada a reconnu que les Indiens non inscrits subissent les effets « de l'héritage de stéréotypes et préjugés » du Canada. La Cour a reconnu que les Indiens non inscrits font face à un ensemble unique de circonstances résultant de leur exclusion de la Loi sur les Indiens : la vulnérabilité à l'assimilation culturelle; l'affaiblissement de leur capacité de protéger leurs liens avec leurs territoires traditionnels; le manque d'accès à des programmes en matière de services sociaux, de soins de santé et d'éducation adaptés à leur culture; l'habitude des gouvernements fédéral et provinciaux de ne pas les prendre en compte.

Ces circonstances uniques auxquelles font face les Indiens non inscrits et les Autochtones hors réserve ont aussi été reconnues par la CRPA. Pour ce qui est de la participation à la structure de gouvernance de la bande, rien dans le projet de loi ne garantit que les membres hors réserve pourraient poser leur candidature ou participer effectivement à cette structure, comme le demandait l'arrêt Corbiere. On aurait pu au moins prévoir une disposition qui établirait clairement que les intérêts des membres hors réserve seraient pris en compte. On ne peut parler de modifications à la Loi sur les Indiens sans débattre du projet de loi C-31.

Au Canada, un grand mythe veut qu'il y ait différentes catégories d'Indiens inscrits : les véritables Indiens inscrits et les Indiens visés par le projet de loi C-31. La réalité est que chaque Indien inscrit au Canada est un Indien visé par le projet de loi C-31, parce que chaque personne a été ou sera touchée par cette mesure législative. Depuis que le projet de loi C-31 est entré en vigueur, plus de 100 000 personnes ont retrouvé ce statut. Toutefois, les effets négatifs ont été et seront encore plus grands.

Comme je l'ai déjà dit, les Autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves sont, en général, traités différemment en raison de leur statut et de leur lieu de résidence. Nos gens n'ont pas le même accès aux programmes, aux services et aux possibilités que leurs frères et sîurs vivant dans les réserves. Ce projet de loi envisage une considération limitée pour la majeure partie de la population autochtone au Canada. Si ce projet de loi est adopté sous sa forme actuelle, la plupart des peuples autochtones vivant à l'extérieur des réserves ne profiteraient pas d'un processus qui pourrait mener à l'autonomie gouvernementale. Ce serait plutôt un processus d'autonomie gouvernementale pour une petite partie de la population autochtone qui donnerait peu de chance à la réconciliation entre les peuples, les familles et les collectivités autochtones. Ce serait contraire aux recommandations du rapporteur spécial sur les droits de l'homme des Nations Unies; contraire aux recommandations de la CRPA, mais pire encore contraire aux aspirations des Autochtones vivant à l'extérieur des réserves et qui veulent participer au grand projet d'autonomie gouvernementale des Premières nations du Canada tout à fait historiques et dans lequel la participation serait totale, efficace et égale.

L'idée et l'intention sont louables, car ce sont des aspects vraiment positifs du projet de loi parce que la loi serait habilitante au lieu d'être obligatoire. Il y aurait de vrais pouvoirs d'adoption de lois et de juridictions. Il indiquerait clairement des mesures de reddition de comptes dont un grand nombre étaient prévues dans la Loi sur la gouvernance des Premières nations. Il offrira donc une flexibilité aux bandes régies par la Loi sur les Indiens avec de vrais pouvoirs d'autonomie gouvernementale.

Le CPA croit qu'il faut mener des discussions plus approfondies avec les peuples autochtones. Ces discussions sont nécessaires, car cet exercice exige des consultations appropriées. De récents jugements rendus par des tribunaux indiquent que les peuples autochtones ne vont plus seulement répondre aux politiques et aux lois qui les concernent; ils doivent participer à l'élaboration de ces lois.

Pendant l'initiative sur la gouvernance des Premières nations, la plupart des gens qui vivaient à l'extérieur des réserves et les Indiens non inscrits ont recommandé le remplacement de la Loi sur les Indiens par une mesure législative plus universelle.

Nous avons élaboré un modèle de reconnaissance de la nation où une « Loi sur les peuples autochtones ». Ce modèle a tenu compte des principes de l'ONU sur la reconnaissance et l'autonomie gouvernementale, des recommandations de la CRPA et des résultats des consultations que nous avons eues avec les Autochtones vivant à l'extérieur des réserves.

Le modèle inclut aussi un processus de reconnaissance en tant que nation non seulement des Indiens inscrits vivant dans les réserves, mais de toutes les nations autochtones, que ce soit des Indiens, des Inuits ou des Métis. Ce modèle considère aussi la possibilité de la reconnaissance des collectivités urbaines en tant que nations.

Dans l'affaire Misquadis, la Cour d'appel fédéral a confirmé une conclusion que les Indiens non inscrits qui vivent « dans des collectivités qui étaient des collectivités autochtones actives aussi dignes de reconnaissance que les collectivités constituées dans les réserves. »

Je voudrais souligner le travail fait pour rédiger cet avant-projet car il mérite d'être considéré sérieusement, mais nous ne sommes pas en mesure de l'appuyer tant qu'il est exclusif et discriminatoire. En fait, si nous allons exercer notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, il faudra que la population que nous allons gouverner soit importante. Nous croyons que l'octroi de ce droit à des collectivités individuelles plutôt qu'à des collectivités plus importantes sera un échec, le rêve d'inclusion que nous avons tous ne se réalisera pas et ce serait contraire à l'enseignement de nos anciens. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le sénateur St. Germain : Merci, messieurs, d'être venus ce matin. Il ne fait aucun doute que la question de l'appartenance est vraisemblablement l'aspect le plus controversé de toute mesure législative qui sera adoptée.

Je crois, comme M. Dorey, qu'il y a lieu de s'inquiéter. Il s'agit strictement « d'une loi habilitante », comme l'a déclaré M. Brazeau. Rien n'oblige quelqu'un à l'accepter.

En tant que Métis ayant participé à des discussions en Colombie-Britannique, la province où j'habite actuellement. Je suis né au Manitoba. La question de l'appartenance ou de ce qui qualifie un Métis, est sans aucun doute l'un des plus grands sujets de discussion au pays aujourd'hui.

Avez-vous trouvé une solution à ce problème en tant qu'organisation sous l'égide du CPA?

Vous dites qu'il va à l'encontre de son objectif. De quelle façon allez-vous aborder les questions autochtones auxquelles nous sommes confrontés dans les réserves et à l'extérieur des réserves?

Je comprends le problème qui se pose dans une ferme, quand un fils reste à la maison, travaille 14 heures par jour et ne reçoit que le salaire minimum alors que ses frères vont en ville et deviennent des professionnels. Est-ce que les fils qui ont quitté la ferme ont les mêmes droits à la ferme que le fils qui y est resté?

Est-ce que les Autochtones urbains qui vivent à l'extérieur des réserves font face aux mêmes défis que ceux qui vivent dans les réserves?

À ma connaissance, nous ne limitons aucunement le projet de loi. Quelle que soit la façon dont une bande choisit d'établir son appartenance, ce sera de cette façon qu'elle le fera.

Le professeur qui vous a précédé a dit : « Quelle organisation veut construire une organisation en se fondant sur des valeurs amoindries?» On s'attendrait à ce qu'ils veuillent augmenter le nombre de leurs membres pour continuer à stimuler les aspects de la bande ou de la nation — je crois que « nation » est le mot exact.

Qu'en pensez-vous?

Nous aimerions savoir ce que vous en pensez, tous les deux.

M. Brazeau : En ce qui concerne l'identification des Métis, les dispositions concernant l'appartenance au sein de notre organisation, pas du CPA, mais les associations provinciales et territoriales qui sont composées par les membres, sont conformes aux principes de l'ONU, c'est-à-dire l'auto-identification, la preuve d'ancêtres autochtones et l'acceptation de la collectivité.

En ce qui concerne le projet de loi, vous avez mentionné « loi habilitante ». Je vous l'accorde. Cependant, l'histoire nous montre qu'un grand nombre de nos électeurs n'ont pas été nécessairement rejetés, mais leur appartenance à une collectivité d'une réserve a été refusée. Beaucoup de bandes tenant des listes de membres ont refusé un grand nombre de membres; pourtant beaucoup de ces membres se sont ensuite adressés à l'AINC pour demander le statut et l'obtenir. Un membre peut donc être un Indien inscrit, mais pas nécessairement membre d'une bande à laquelle il ou elle peut appartenir.

Ces décisions sont discrétionnaires et discriminatoires. Je crains que cela ne sera le cas que si l'on comprenait clairement que le processus d'appartenance devrait être inclusif et équitable.

Le sénateur St. Germain : Êtes-vous en train de dire que le gouvernement devrait déterminer qui est un Indien inscrit?

Nous disons que c'est la bande qui devrait déterminer qui devrait être membre. Si je vous comprends, c'est le gouvernement qui devrait déterminer ce statut.

M. Brazeau : Non, je ne dis pas que le gouvernement devrait déterminer le statut, car nous voyons où cela nous a mené jusqu'à présent et j'ai mentionné les 400 000 Indiens non inscrit. Cependant, la Loi sur les Indiens autorise les chefs et les conseils dans tout le pays à entretenir la discrimination.

Il faut avoir des consultations claires, non seulement avec le gouvernement fédéral, mais aussi avec les collectivités et organisations autochtones. Je ne dis pas que le gouvernement devrait décider qui est membre.

Le sénateur St. Germain : Je crois comprendre que les Métis se sont établis depuis la tête des Grands Lacs jusque dans l'Ouest.

Vous êtes en train de dire que quiconque dans le monde déclarerait qu'il a des ancêtres autochtones sera considéré comme un Métis.

M. Dorey : Permettez-moi de répondre, il y a deux écoles de pensée concernant l'identité des Métis. Je suis, pour ma part, originaire de l'Est du pays. Beaucoup de personnes de sang mêlé se reconnaissent comme étant des Métis. Initialement, le terme était peuple qui a mêlé son sang, un croisement d'Autochtones et d'Européens.

Notre groupe comporte des collectivités, différentes du soi-disant Métis historique de la rivière Rouge, qui se reconnaissent comme des Métis. Nous nous opposons vivement à la notion que seuls sont des Métis les descendants des Métis de la rivière Rouge.

Le terme était bien connu dans d'autres régions du pays.

La Loi sur les Indiens est reconnue pour être une mesure législative discriminatoire en dépit de l'amendement de 1985 accordant le statut à la deuxième génération et réintégrant un certain nombre de personnes qui avaient perdu leur statut, surtout des femmes. C'est une erreur d'utiliser la Loi sur les Indiens comme fondement de toute autre mesure législative telle que la loi sur l'autonomie gouvernementale.

Hélas, la Loi sur les Indiens est au cîur de ce projet de loi. Tant que les questions essentielles de citoyenneté, les bénéficiaires de droit, la liberté de circulation et d'établissement, et cetera, ne sont pas réglées de manière appropriée, nous ne pouvons pas appuyer ce projet de loi.

La Cour suprême du Canada a récemment confirmé une décision dans l'affaire Corbiere établissant que les membres de bande vivant loin de leurs collectivités ont le droit de participer totalement à certains éléments de la bande, tels que l'élection du chef et des conseils et la disposition des biens de la bande.

Pourtant, un très grand nombre de bandes ont opté pour les règles issues de la coutume afin de refuser ces droits fondamentaux aux personnes vivant loin de leurs collectivités. Ce n'est pas juste.

Il ne faudrait pas, pour redresser un tort, en causer un autre. Tel est le fond de la question.

Le sénateur St. Germain : Que suggérez-vous? Avez-vous une formule pour déterminer l'appartenance? Il est facile de critiquer et difficile de trouver une solution au problème. Quelle formule propose le CPA pour résoudre cette situation?

M. Brazeau : Le modèle de reconnaissance de la nation que nous avons mis au point il y a quelques années se conformait aux principes d'identification de l'ONU. J'ai déjà cité les critères de ce modèle.

Les politiques fédérales dans la Loi sur les Indiens ont divisé nos peuples et nos collectivités. Nos peuples, collectivités et organisations autochtones doivent concilier leurs divergences et discuter de ces problèmes. Il n'y aura pas un seul modèle pour tous, mais ces discussions doivent se tenir afin que le processus visant à déterminer la citoyenneté d'une nation soit juste et équitable.

Le sénateur St. Germain : Supposons que des gens qui vivent sur des terres indiennes, au nombre de deux ou trois cents ou de deux ou trois mille. Croyez-vous que leur destin devrait être déterminé par des gens qui ne vivent pas là-bas, si la majorité de vit pas dans la reverse ou sur des terres indiennes? De quelle façon conciliez-vous cette différence?

Nous avons visité diverses régions des Premières nations. Le sénateur Sibbeston et moi étions au nord. Comment vont-ils contrôler leur propre destin si leur nombre est inférieur à celui de ceux qui ne vivent pas sur leurs terres, mais qui sont touchés par ce qui se passe sur leurs terres et dans leur collectivité?

M. Dorey : Nous ne sommes pas près d'avoir étudié et réglé de manière appropriée toutes les revendications territoriales. En attendant, notre question fondamentale, c'est que nous sommes sur nos terres. Les terres autochtones ne sont pas celles qui ont été mises de côté par les gouvernements du passé lors de l'établissement de réserves. Il s'agit de nos terres traditionnelles. Il y a beaucoup à faire pour régler ce problème spécifique.

Il nous incombe de régler ces questions. Malheureusement, des différences nettes existent et il n'y a parfois pas de collaboration cohérente entre les divers groupes tels que l'Assemblée des Premières nations, le CPA et le RNM. La division arbitraire issue de ce projet de loi constitue le problème fondamental. La Loi sur les Indiens a divisé notre peuple. Elle a arbitrairement déterminé qui ou qui n'est pas, qui vit à l'intérieur et qui vit à l'extérieur.

Nous devons être conscients des droits des peuples. Il n'est pas juste d'ignorer ou de fouler aux pieds les droits d'une minorité. On pourrait avancer que dans ce cas, il ne s'agit pas d'une minorité. Nous parlons de la majorité de gens vivant loin des réserves.

Vous avez demandé si tout devrait être bloqué dans une réserve ou dans une collectivité des Premières nations à cause de personnes qui vivent à l'extérieur. Beaucoup de ces personnes n'ont pas choisi de vivre à l'extérieur, à cause des circonstances. Elles voudraient revenir vivre dans leurs collectivités.

Utiliser ce genre d'argument serait comparable à dire que tout Canadien vivant à l'étranger ne devrait pas avoir le droit de voter au Canada, il n'aurait rien à dire dans les affaires de sa collectivité. Ce n'est pas le cas. Le Canada ne fonctionne pas ainsi. C'est un pays démocratique. La démocratie est fondée sur le principe que tout individu a le droit de s'exprimer dans ce genre de processus. Tout individu des Premières nations reconnu ou non par la Loi sur les Indiens comme étant une personne des Premières nations a le droit de s'exprimer. Nous parlons des principes établis par les Nations Unies pour déterminer les droits des peuples.

Je suis un Micmac originaire de la côte Est. Nous avons les droits, qui datent d'avant la Confédération, de chasser et de pêcher. Les peuples de sang mêlé, qui s'identifient comme Métis, Micmacs ou sang-mêlé, ont des droits confirmés par la Cour suprême car ils existaient avant la Loi sur les Indiens.

Vous ne pouvez pas dire que ce principe s'applique dans un cas, mais pas dans un autre. Nous vous demandons d'être prudents sur ces questions fondamentales. Le Canada n'a pas l'habitude de nier les droits des peuples. Nous ne pouvons pas continuer ainsi.

Le président : Le sénateur St. Germain et d'autres sénateurs aimeraient poser des questions. Pourriez-vous nous définir le mot « inclusion » en ce qui concerne la qualité de membre? Votre définition de la qualité de membre serait plus large. Pourriez-vous donner au comité la définition qui vous semble bonne? Monsieur le sénateur St. Germain, croyez-vous que cela nous sera utile?

Le sénateur St. Germain : Pouvez-vous répéter, s'il vous plaît.

Le président : Ils soulèvent un point au sujet de la qualité de membre. Ils ont dit qu'ils aimeraient une définition plus large. Ils disent que la définition actuelle s'appuie sur la Loi sur les Indiens. Ils ont quelques propositions en ce qui concerne une définition plus large de la qualité de membre, donc je leur ai demandé de nous donner cette définition.

Le sénateur St. Germain : J'aimerais bien l'entendre, monsieur le président.

Je conviens que l'AINC constitue l'un des problèmes majeurs. Si une Première nation décidait d'accepter ce projet de loi, cela éliminerait la participation de l'AINC dans cette Première nation. Ne croyez-vous que les Premières nations peuvent être justes? Je fais confiance aux gens. Non, vous ne faites pas confiance. Moi si.

Il se trouve que je suis un Métis, mais il n'est aucunement question que j'aie les mêmes droits ou les mêmes libertés de parole dans les collectivités de Métis d'où je suis originaire, de la communauté de la rivière Assiniboine au Manitoba. Je n'y habite plus; je réside en Colombie-Britannique.

D'un point de vue idéaliste, je ne peux pas vous contredire. Les peuples devraient être reconnus. Cependant, tout long voyage commence par un premier pas et il faut commencer quelque part. Nous commençons par les terres indiennes dans les réserves autochtones.

Nous apprécierons tout renseignement supplémentaire que vous pourriez nous envoyer. Une interprétation large et désordonnée ne nous mènera nulle part, car les discussions continueront pendant un siècle.

M. Dorey : Nous avons quelques solutions de rechange ou quelques options qui peuvent être considérées.

Le sénateur Pearson : Cette conversation a été extrêmement intéressante. Je me souviens avoir parlé de ce genre de modèle quand le sénateur Watt et moi avions étudié la gouvernance il y a quelques années. Ça me paraissait logique, car je suis d'accord avec vous et j'aurais préféré, pour être franc, dire que c'était une « bande régie par la Loi sur les Indiens des Premières nations », car c'était une création de la Loi sur les Indiens. Ce n'est pas la même chose que « gouvernance des Premières nations. »

En voyant la façon dont vous vous prenez pour démêler ou promouvoir des aspects de votre identité dans un monde dans lequel vous vivez avec d'autres gens, je me suis souvent dit que la façon dont nous nous sommes pris avec les conseils des écoles publiques et catholiques n'était pas mauvaise. Ils créent une collectivité donnée.

Si vous pouviez établir des conseils des écoles autochtones et leur accorder plus de responsabilités, cela apaisera la crainte du sénateur St. Germain. Il maintient un intérêt pour la culture métisse même s'il ne veut pas intervenir pour savoir si l'on doit ou non construire un trottoir quelque part. Si vous le faîtes selon cet autre genre de d'organisation de chevauchement dans laquelle je m'identifie comme Métis, alors j'aurai le droit de m'exprimer sur le genre de programme d'études qui sera offert à mes enfants.

Ce n'est pas que nous ne pouvons pas avoir un chevauchement d'identités, car nous l'avons tous. Si vous décidez de vous identifier en tant qu'Indien avec ce que vous avez déjà dit, les choix ont à la fois des avantages et des inconvénients. Dans le conseil des écoles catholiques, vous choisissez de payer vos impôts à ce conseil plutôt qu'à un autre. Pensez-vous que ce genre de modèles qui se chevauchent est logique?

M. Brazeau : Nous avons justement analysé la question pour établir des modèles urbains de gouvernance. Si une partie importante de la collectivité autochtone y vit, qu'il s'agisse d'Indiens, d'Inuits ou de Métis, ils se rassembleraient et formeraient ce type de collectivité, où il y aurait un sentiment d'appartenance, une promotion de la culture et tout le reste. Nous pouvons aussi transmettre au comité les travaux que nous avons réalisés à cet égard.

Le sénateur Pearson : J'aimerais bien les voir. Merci.

Le sénateur Peterson : Merci, messieurs, d'être ici aujourd'hui. Quelqu'un a dit que toute la politique se faisait à l'échelle locale. Vous semblez le contester et dire que ce ne devrait pas être ainsi. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous voulez dire et comment vous voyez la chose?

M. Dorey : Oui. L'un des principes de base qui me tient à coeur, c'est que lorsqu'il s'agit des droits des personnes, nous devons pêcher par abus de prudence et donner le choix aux gens.

Le sénateur St. Germain a mentionné qu'il y avait beaucoup de personnes qui vivaient loin de leur collectivité, par choix ou non. Nous demeurons d'avis que bien souvent, ce n'est pas par choix qu'ils déménagent à l'extérieur de leur collectivité. Nous préférerions utiliser le terme « collectivité des Premières nations » plutôt que « réserve ».

Cependant, nous croyons que cette loi aura des incidences sur les droits fondamentaux des gens. Le choix fondamental est ce qui importe le plus, et les gens devraient avoir le droit de faire ce choix. On ne devrait pas les empêcher d'exercer leurs droits de citoyens de base de leur nation, où qu'ils vivent. C'est l'un de nos arguments fondamentaux. Les gens devraient avoir des « droits de mobilité » et ce choix devrait leur revenir.

Le sénateur Peterson : J'aimerais avoir une précision, pourriez-vous mener deux processus de front? La définition des « droits » est une chose et la « gouvernance de la collectivité » en est une autre. Si nous devons attendre toutes vos définitions, l'examen de la gouvernance viendra-t-il un jour? Vous semblez tenir à établir cette définition d'abord avant de passer à la question de la gouvernance.

M. Dorey : Dans le jugement Corbiere, la Cour suprême a statué sur ce point et cet argument. Elle a dit que les gens qui vivaient à l'extérieur des réserves avaient le droit d'avoir voix au chapitre dans les décisions de la collectivité, même s'ils vivent hors de la collectivité. Comme nous l'avons dit, dans la plupart des cas, les gens ne déménagent pas par choix, mais par concours de circonstances. Ils quittent les réserves en raison du manque de logement et d'infrastructure dans leur collectivité d'attache. C'est la division prévue dans la Loi sur les Indiens qui a créé ce problème.

Nous ne proposons pas de créer un monde parfait avant d'aller de l'avant, mais nous recommandons de la prudence afin de veiller à ce que nous ne perpétuions pas certains des problèmes inhérents que nous avons en matière de discrimination. Il y a des possibilités de solutions, et nous avons quelques idées. Nous ne disons pas qu'il s'agit de la solution parfaite, mais il y a d'autres possibilités.

M. Brazeau : Pour ajouter à ce que vous dites, par exemple, je suis un Algonquin de la réserve Kitigan Zibi, mais d'abord et avant tout, je devrais faire partie de la nation algonquine. C'est là où nous voulons en arriver; ce devrait être le concept des vraies Premières nations historiques. Par exemple, le peuple algonquin a neuf réserves algonquines dans les provinces du Québec et de l'Ontario. Nous aspirons à ce qu'il n'y ait qu'une nation algonquine, un chef, une voix, un peuple.

C'est ce qui est recommandé dans le rapport de la Commission royale des peuples autochtones. Plutôt que d'essayer de négocier différentes ententes avec 633 réserves créées en vertu de la Loi sur les Indiens, par exemple, on négocierait avec de 60 à 80 vraies Premières nations. Les réserves de la Loi sur les Indiens fragmentent les terres déterminées dans la Loi sur les Indiens et par le gouvernement fédéral, des terres qui ne correspondent pas à nos véritables territoires traditionnels.

Si je déménageais hors de ma réserve, je serais tout de même intéressé à suivre ses activités. Je devrais avoir mon mot à dire sur ce qui s'y passe, même si je n'y suis plus un résident. Des membres de ma famille y vivent toujours et mes racines culturelles se trouvent dans ce lieu géographique.

Toutes les organisations se battent pour les droits à la mobilité. Si nous acceptons l'argument que les membres et les responsables ne devraient pas avoir leur mot à dire dans les affaires des gouvernements locaux, alors la bataille pour les droits à la mobilité est vouée à l'échec.

Le sénateur Léger : Vous avez répondu en partie à ma question.

Pouvez-vous me faire brièvement l'historique de la loi sur les peuples autochtones? Quand entrerait-elle en vigueur?

Vous venez de parler des Algonquins et de leurs neuf divisions. Comment cela évolue-t-il au sein des collectivités autochtones?

Le projet de loi S-16 nuirait-il à l'avancement du modèle de l'ONU ou contribuerait-il à étendre ce que vous faites déjà? Quelle est la réaction des 600 bandes?

M. Brazeau : Le concept d'une loi sur les peuples autochtones est né en 2001, lorsque nous avons participé à l'initiative concernant le projet de loi sur la gouvernance des Premières nations. Après les consultations avec les Indiens sans statut et ceux vivant à l'extérieur des réserves du Canada, la principale recommandation a été d'abolir la Loi sur les Indiens et de concevoir un modèle plus inclusif, moins discriminatoire et de suivre les recommandations de la CRPA de l976.

Le sénateur St. Germain nous a demandé quelles étaient nos options. C'est une option que nous avons conçue et que nous faisons valoir. Malheureusement, en 2003, comme vous le savez, ce projet de loi est mort au Feuilleton. Il a été difficile pour nous d'essayer de faire valoir le travail que nous avions fait jusqu'à ce moment-là.

Compte tenu de l'événement historique qui a eu lieu la semaine dernière dans la retraite entre le cabinet fédéral et les dirigeants autochtones, où nous avons tous signé des accords séparés et distincts avec le gouvernement fédéral, nous entrevoyons la possibilité d'entreprendre des discussions sur ces questions précises. Je pense en particulier au projet de loi sur la reconnaissance des nations, qu'il faut retravailler. Pour nous, cependant, c'est un début.

Vous nous demandez, madame, si le projet de loi S-16 risque de nuire à l'objectif général que nous tentons d'atteindre. En gros, je dirais que oui. Plutôt que d'examiner le concept de l'esprit de la nation, nous nous pencherions sur les collectivités des réserves fédérales, qui ne comprennent pas toutes les terres traditionnelles occupées par nos ancêtres. D'une certaine façon, cela nuirait à l'exercice.

Le sénateur Léger : En 2005, il y a eu une retraite extraordinaire. Cela nous montre qu'il ne faut pas attendre mille ans pour trouver une solution.

Les mesures prévues dans le projet de loi S-16 mettraient-elles un frein à votre travail, s'il était adopté? Autrement dit, devrions-nous attendre que vous nous présentiez quelque chose de nouveau?

La retraite de 2005 est importante, mais je n'en comprends pas toutes les incidences.

M. Brazeau : S'il était adopté, ce projet de loi ferait augmenter notre charge de travail, parce qu'il ne s'appliquerait pas à la plupart des Autochtones. Notre charge de travail augmenterait, parce que nous essaierions de veiller aux intérêts des populations autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves.

Plutôt que de demander à la population autochtone ce qu'elle pense de ce projet de loi en particulier, il serait temps de tenir des consultations pour déterminer ce que les Autochtones veulent. Nous savons qu'il y a beaucoup de divisions. Il est plus facile de participer à l'élaboration de politiques que d'y réagir. Il serait plus probable que les Autochtones acceptent ce processus s'ils y participent, où qu'ils vivent.

Le sénateur Léger : Puis-je conclure d'après ce que vous dites qu'en raison de ce qui arrive en ce moment, nous devrions y accorder toute notre attention plutôt que de nous pencher sur cela? Je pense que c'est ce que vous nous dites.

M. Brazeau : C'est juste.

Le sénateur St. Germain : Messieurs, votre organisation s'est-elle opposée à tous les projets de loi sur l'autonomie gouvernementale qui ont été déposés jusqu'à maintenant? Je cite en exemple les projets de loi sur les Premières nations Nisga'a et Sechelt. Sinon, pourquoi? Ces deux projets de loi ont provoqué la controverse parmi vos membres.

Le processus d'amalgamation pour rassembler des petites nations fait partie du projet de loi S-16, même si ce n'est pas à aussi grande échelle que ce que vous espérez, monsieur Brazeau.

Tous les projets de loi sur l'autonomie gouvernementale qui ont été déposés contenaient des dispositions sur le mode de détermination des membres, pourtant vous dites ne pas vous y être opposé. Pourquoi ne vous y êtes-vous pas opposé, si les critères proposés ne correspondaient pas à ce que vous souhaitiez?

M. Dorey : Nous ne nous sommes pas opposés à tous ces projets de loi. Il y a eu des circonstances ou des situations variables lorsqu'on les a examinés. Comme vous le savez sans doute, ces ententes d'autonomie gouvernementale sont à l'étude depuis longtemps. Ce ne sont pas des accords conclus du jour au lendemain ni en très peu de temps.

Dans bien des cas, les membres de la collectivité générale sont appelés à dire leur mot. Il s'agit d'un processus inclusif qui englobe des gens de diverses collectivités. Le statut des personnes en vertu de la Loi sur les Indiens n'est pas toujours un facteur déterminant. Il y a d'autres circonstances où ces ententes sont faites isolément. Il s'agit d'un processus exclusif, parce que nos membres ne sont pas invités à y participer. Il y a des négociations à huis clos qui empêchent nos membres de participer au processus de décision.

Le sénateur St. Germain : Je trouve cela surprenant. Je fais partie de bon nombre de ces comités et je n'ai pas peur de dire que vous avez eu l'occasion d'exprimer votre opinion. Il y a un groupe particulier de personnes qui vivent hors réserve qui s'y est opposé. Je trouve surprenant que vous ne leur ayez pas fait part de votre opposition. Le projet de loi S-16 n'est pas différent en soi, parce que c'est un hybride de beaucoup de lois et projets de loi. J'ai hâte d'entendre vos propositions sur la véritable façon de déterminer les membres à l'avenir.

M. Brazeau : J'aimerais ajouter une chose à ce que vous avez dit sur le concept de l'amalgamation dans le projet de loi S-16. Nous sommes des Algonquins du Québec et avons des revendications territoriales à soumettre au gouvernement fédéral. Il y a eu des tentatives pour inclure d'autres collectivités afin de constituer la nation algonquine et de soumettre la revendication territoriale.

La possibilité qu'offre le projet de loi S-16 semble bonne, en théorie, mais dans la pratique, c'est beaucoup plus difficile, parce que la Loi sur les Indiens garantit aux collectivités que des chèques de paie vont arriver chaque année. Par conséquent, les gens se méfient un peu des amalgamations proposées dans le projet de loi et pensent qu'il n'y aura plus d'argent. C'est contraire au concept de l'esprit national dont nous parlons.

Le président : S'il n'y a pas d'autre question, je vais vous remercier tous les deux de vos exposés, monsieur Dorey et monsieur Brazeau.

Vos propos nous éclairent et nous aident dans nos délibérations sur le projet de loi S-16. Nous avons hâte d'entendre la présentation sur le mode de détermination des membres qui pourrait améliorer ce projet de loi.

M. Brazeau : Nous allons nous empresser au plus haut point de soumettre le tout à la greffière du comité.

M. Dorey : Je vous remercie de l'occasion que vous nous avez offerte.

Le président : Honorables sénateurs, j'ai une petite question technique à régler avec vous. Le 13 mai, en résultat des travaux du comité, j'ai écrit une lettre à M. Mark Audcent, légiste et conseiller parlementaire, pour lui demander un avis juridique sur divers éléments concernant les sphères de compétence, le rôle de la vérificatrice générale et le mode de détermination des membres. M. Audcent a répondu par une lettre signée de la main de M. Michael Clegg. Est-ce que je peux recevoir une motion pour accepter cette lettre comme pièce?

La motion est proposée par le sénateur St. Germain et appuyée par le sénateur Peterson.

Êtes-vous tous d'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : La motion est adoptée.

Le sénateur St. Germain : Monsieur le président, j'ai demandé certains renseignements aux fonctionnaires du MAINC et du ministère de la Justice du Canada lorsqu'ils ont comparu devant nous. Avez-vous reçu de la documentation?

Le président : Nous allons demander à la greffière d'obtenir ces renseignements le plus rapidement possible. Sénateur St. Germain, comme vous êtes le parrain de ce projet de loi, j'aimerais savoir ce que vous pensez de la possibilité d'entendre des témoins supplémentaires.

Le sénateur St. Germain : J'aimerais qu'il y ait une autre série de témoins avant la relâche. Je proposerais que nous entendions certains des grands chefs de l'Alberta et des chefs du sud du Manitoba.

Le sénateur Peterson : Allons-nous entendre des témoins de la Saskatchewan?

Le sénateur St. Germain : J'espère entendre des témoins de la Saskatchewan en cours de route, monsieur le sénateur, mais j'ai prévu de commencer par des témoins de l'Alberta et du Manitoba, parce qu'ils ont demandé de témoigner sur le projet de loi S-16. De toute évidence, nous aimerions entendre des représentants de la Saskatchewan, parce que c'est une province clé où vit une grande population autochtone. Nous pouvons y travailler au comité de direction, monsieur le président, si vous y êtes enclin.

Le président : D'accord.

La séance est levée.


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