Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 10 - Témoignages du 14 juin 2005


OTTAWA, le mardi 14 juin 2005

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 9 h 39, sous la présidence de l'honorable Nick G. Sibbeston pour examiner la contribution des collectivités et des entrepreneurs autochtones au développement économique du Canada et dresser un rapport de l'examen.

Le sénateur Nick G. Sibbeston (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à nos témoins. Nous examinons la contribution des collectivités autochtones au développement économique du Canada. Nous avons commencé notre examen par l'audition de spécialistes et de chercheurs, et les représentants de nombreux ministères sont également venus témoigner devant nous. Au cours des prochaines réunions, nous entendrons les dirigeants autochtones. Mercredi soir, nous rencontrerons l'APN et le peuple Métis. Nous essayons de couvrir le sujet d'une manière générale et de recueillir autant d'informations que possible sur le sujet. Nous sommes heureux de vous accueillir aujourd'hui et impatients d'entendre les informations que vous pourrez apporter au comité. Vous avez la parole.

M. Marc Brooks, directeur général, Direction générale du développement économique, Secteur des programmes et des politiques socioéconomiques, Affaires indiennes et du Nord Canada : Honorables sénateurs, je suis honoré de votre invitation. J'aimerais clarifier le point suivant : notre développement économique se situe dans le cadre de ce qui est communément appelé Programme des affaires indiennes et inuites.

J'aimerais vous faire part des efforts déployés par Affaires indiennes et du Nord Canada (AINC) pour intégrer les collectivités inuites et celles des Premières nations à l'économie canadienne. Même si je traiterai des réussites qu'ont connues ces collectivités, il faut quand même souligner que des obstacles importants continuent de freiner leur participation au développement économique.

Puisque mes collègues aborderont les questions relatives au Nord, mes commentaires porteront sur le développement économique des collectivités des Premières nations établies au sud du 60e parallèle.

Les collectivités vivant en réserve sont très peu peuplées pour la plupart. En 2001, 37 p. 100 des réserves des Premières nations abritaient moins de 250 Indiens inscrits, alors que 61 p. 100 en comptaient 500 au plus.

Peu de collectivités inuites ou des Premières nations ont réussi à atteindre leurs objectifs économiques. Toutefois, leurs administrations s'affairent à rechercher des moyens de multiplier les opportunités d'emploi et à attirer et conserver les investissements dans les collectivités.

En raison de ces facteurs, les programmes de développement économique d'Affaires indiennes et du Nord Canada ont connu une expansion importante de 2000 à 2005. De nouveaux programmes ont été lancés, qui portaient sur l'infrastructure économique, l'octroi de capitaux et fonds de démarrage et les négociations sur la mise en valeur des ressources.

En règle générale, les programmes de développement économique du ministère attribuent des fonds aux administrations des collectivités pour leur permettre de fournir des services de développement économique. Parmi ces services, notons entre autres : la recherche d'opportunités économiques, l'aide à la planification des entreprises et des collectivités, un accès plus facile aux capitaux, des services d'expertise technique pertinente, des études de marché et l'octroi de licences et permis, comme ceux des quotas forestiers.

La nouvelle conception des programmes de développement économique de l'AINC tient compte des recommandations issues de deux évaluations importantes et du rapport de novembre 2003 du vérificateur général. Des modifications aux programmes ont également été effectuées en réponse à l'engagement important d'experts en développement économique des Premières nations. Elles sont entrées en vigueur le 1er avril 2005, lors de la reconduction des autorisations de programme du ministère.

Grâce aux modifications apportées aux programmes, il est maintenant plus facile pour les collectivités de financer leurs mesures de politique sociale, comme les programmes d'immobilisations et de logement ou les prestations d'assistance sociale, et d'améliorer ainsi leur développement économique global. À cet égard, nous soutenons la planification de ressources humaines susceptibles de répondre aux besoins actuels et futurs, le renforcement du potentiel de développement économique des collectivités et la fourniture des services techniques et consultatifs à leurs membres.

En ce qui concerne les opportunités accrues pour les collectivités inuites et celles des Premières nations, le politique du présent gouvernement, depuis 1996, est de reconnaître que le financement des entreprises autochtones constitue un objectif national faisant partie intégrante de la promotion du développement industriel et régional. L'AINC a invariablement joué un rôle majeur dans la promotion et le soutien du milieu des affaires autochtone par l'entremise de sa Stratégie d'approvisionnement auprès des entreprises autochtones et de ses politiques sur les avantages sociaux des grands projets de l'État.

Ainsi, en 2003, 8 156 marchés fédéraux d'une valeur de 487 millions de dollars ont été conclus avec des entreprises appartenant à des Autochtones. Il est intéressant de noter que les trois-quarts de ces marchés ont été attribués à la suite d'un appel d'offres ouvert, ce qui veut dire qu'ils n'étaient pas réservés. La capacité commerciale des Autochtones est de plus en plus solide et les entreprises autochtones sont aujourd'hui capables de concurrencer leurs rivales non autochtones sur le compétitif marché canadien.

Dans le cadre de ses nouveaux programmes de développement économique, le Canada a investi, depuis 2000, 254 millions de dollars dans différents projets au sein des collectivités inuites et des Premières nations. Ces fonds, qui serviront à financer d'autres projets encore, ont permis d'aller chercher plus de 1 milliard de dollars auprès d'autres sources que le ministère, dont d'autres ordres de gouvernements et les collectivités autochtones elles-mêmes.

La contribution des Autochtones au développement économique ne peut se faire sans le partenariat. Les obstacles physiques ne résistent pas aux investissements dans l'infrastructure économique. C'est ainsi que le financement conjoint du ministère, des provinces et des Premières nations a débouché sur la réalisation du projet routier de Tuck Inlet, en Colombie-Britannique, lequel permettra à la collectivité de Lax Lw'Alamms de se rendre dans les autres collectivités du Nord-Ouest de la province, hiver comme été. Avec Pêches et Océans, Affaires indiennes et du Nord Canada finance également l'accès aux terres et aux ressources, qui permettra de transférer les permis de pêche en vertu de la Stratégie des pêches autochtones. Il finance aussi et également les permis de coupe de bois pour permettre à des scieries de continuer leurs activités, comme ce fut le cas pour les scieries du Conseil tribal de Meadow Lake et de la nation crie de Little Red River.

En ce qui concerne la voie à suivre, il reste que si certaines collectivités des Premières nations ont élaboré des stratégies pour éliminer les obstacles à leur développement, de nombreux défis, souvent liés à la Loi sur les Indiens ou à ses règlements, continuent d'empêcher la majorité d'entre elles à atteindre leurs objectifs.

À cet égard, vous avez déjà discuté du projet de loi C-20, la Loi sur la gestion financière et statistique des Premières nations. Cette loi crée l'Administration financière des Premières nations, laquelle assurera aux Premières nations un accès plus facile au financement d'infrastructures économiques, infrastructures dont elles ont besoin pour que les collectivités établies dans les réserves puissent profiter des opportunités économiques qui s'offrent à elles.

Il y a également la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, laquelle facilite le développement économique des collectivités en permettant aux Premières nations de créer leur propre régime de gestion des terres et des ressources. Outre ces lois, le ministère est en train de mettre au point une mesure législative visant à clarifier la réglementation entourant les grands projets réalisés à l'intérieur des réserves. Ainsi, les investisseurs seront plus confiants et multiplieront leurs investissements.

En conclusion, honorables sénateurs, Affaires indiennes et du Nord Canada a pris l'engagement de contribuer au développement durable des collectivités des Premières nations. Grâce aux investissements en matière de ressources humaines et d'infrastructure économique, ainsi qu'à des mesures législatives claires et cohérentes, nous nous affairons à donner aux Premières nations les outils dont elles ont besoin pour atteindre leurs objectifs économiques.

Mme Leslie Whitby, directrice générale intérimaire, Direction générale des ressources naturelles et de l'environnement, Programme des affaires du Nord, Affaires indiennes et du Nord Canada : Honorables sénateurs, c'est au nom de ma collègue, Mme Mimi Fortier, directrice générale de la Direction générale du pétrole et du gaz du Nord que je ferai cet exposé. Nous travaillons toutes deux principalement, mais non exclusivement, dans les Territoires du Nord.

En venu de la Loi sur le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien est, dans le Nord du pays, le chef de file des ministres fédéraux. C'est principalement par l'entremise des programmes et services du Programme des affaires du Nord qu'il s'acquitte de ses fonctions, et ces programmes visent deux domaines clés : le soutien au développement politique et économique du Nord par la gestion des intérêts fédéraux et la promotion du développement durable des ressources naturelles et des collectivités du Nord. Cela ressemble beaucoup à ce que vous voyez dans les provinces.

Le Programme des affaires du Nord comporte un certain nombre de programmes et de fonctions qui, bien qu'ils ne soient pas uniquement axés sur le développement d'entreprises autochtones que M. Brooks a évoqué, y concourent de fait. Pour plus de clarté, je présenterai les fonctions de la Direction générale en deux groupes distincts : programmes de dépenses et gestion des ressources. Il existe trois programmes de dépenses : le programme de décontamination de sites, le programme d'action d'AINC sur le changement climatique et le programme de recherche sur les sciences et les contaminants. Parallèlement, d'autres programmes veillent à la gestion des ressources de l'industrie du pétrole et du gaz et de l'industrie minière.

Des trois programmes de dépenses, c'est le Programme des sites contaminés qui possède le plus gros budget, environ 75 millions de dollars en 2004-2005. Depuis le début des années 90, le ministère a injecté plus de 230 millions de dollars dans l'économie du Nord pour la décontamination et la remise en état, dans toutes les régions du Nord, des sites miniers abandonnés et des sites de la ligne DEW (Distant Early Warning — détection lointaine avancée). Le programme a été mis au point pour permettre aux collectivités autochtones et nordiques, généralement voisines des sites, de profiter des retombées socioéconomiques de projets qui devraient leur créer des emplois et utiliser les services de leurs entreprises.

Ainsi, le contrat de décontamination de l'ancien site militaire sur l'Île Résolution a été attribué à une entreprise inuite, Qikiqtaaluk Corporation. En 2003, les 91 p. 100 de ses 78 employés étaient d'origine inuite et avaient reçu 1,7 million de dollars en salaires. De plus, les biens achetés en marge des activités de nettoyage ont rapporté plus de 12 millions de dollars aux entreprises locales.

Le deuxième programme de dépenses concerne le changement climatique, un domaine dans lequel notre collaboration avec les Premières nations ne s'arrête pas aux régions nordiques mais s'étend à tout le pays. Nous lançons des programmes en efficacité énergétique et en énergie renouvelable dans les collectivités autochtones et nous suivons leur développement par les entreprises autochtones concernées. Ainsi, le ministère a injecté 8 millions de dollars dans le Programme d'action pour les collectivités autochtones et nordiques pour y promouvoir les nouvelles technologies énergétiques.

Le projet d'hydroélectricité de la Première nation Hupacasath, en Colombie-Britannique, près de Port Alberni, sur l'île de Vancouver. Ils y construisent une micro centrale hydroélectrique sur leur territoire traditionnel, près de leur réserve. Parmi les retombées économiques, notons 3,6 millions de dollars pour les emplois à durée déterminée (deux ans de construction, 80 années-personnes) et 1,1 million de dollars pour les emplois à long terme qu'exigeront son exploitation et sa maintenance (16 années-personnes).

Le troisième programme de dépenses, le Programme de recherche sur les sciences et les contaminants dans le Nord, est doté d'un budget annuel d'environ 4,4 millions de dollars. Il a pour objectif l'étude des risques à la santé humaine de contaminants atmosphériques qui proviennent de partout ailleurs et viennent s'accumuler dans les écosystèmes naturels nordiques, principales sources alimentaires des Autochtones. Les fonds remis aux organisations autochtones leur permettent de participer à la recherche à titre de partenaires à part entière et d'expliquer à leurs membres les effets de ces contaminants sur leur santé. Les études menées s'étalent sur une longue période d'observation.

Le ministre, dans le cadre de ses responsabilités en gestion des ressources, attribue les droits au pétrole et au gaz naturel des terres de l'État situées dans le Nord, y compris dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut et dans les zones au large des côtes de l'Arctique. En vertu de la Loi sur les opérations pétrolières au Canada, les compagnies qui demandent l'autorisation de mener des activités d'exploration et de mise en valeur doivent présenter un plan de retombées économiques à l'approbation d'Affaires indiennes et du Nord Canada avant de pouvoir entreprendre des activités d'exploration ou de production.

Les plans de retombées économiques de l'exploitant énoncent ses politiques et ses programmes visant à maximiser les opportunités d'emploi et de formation pour les résidents du Nord et les autres Canadiens ainsi qu'à donner aux entreprises du Nord et d'ailleurs au pays la possibilité, pleine et équitable, de fournir à l'exploitant des biens et services par voie concurrentielle. L'exploitant devrait en premier lieu faire appel, dans la mise en œuvre de son plan de retombées économiques, aux personnes et entreprises voisines. Dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut, la plupart des collectivités sont composées essentiellement d'Autochtones et la plupart des entreprises appartiennent à des Autochtones. Les Autochtones et leurs entreprises sont ainsi les principaux bénéficiaires des retombées économiques prévues dans le plan d'un exploitant.

Les ententes sur les répercussions et les avantages et les accords socioéconomiques connexes sont les deux principaux facteurs de l'accroissement des opportunités d'emploi et d'affaires des Autochtones, particulièrement dans le secteur minier. En règle générale, les compagnies qui souhaitent mener des activités sur des terres traditionnelles négocient, sans y être obligées, avec les organisations, les collectivités et les entreprises autochtones locales une entente sur les répercussions et les avantages. La loi actuelle n'exige pas la conclusion d'une entente signée, mais le gouvernement fédéral recommande fortement aux compagnies de parvenir à un accord avec les groupes autochtones concernés avant de commencer ses activités.

Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest exige la conclusion d'accords socioéconomiques qui assurent aux collectivités des Territoires, même lorsqu'elles ne sont pas directement concernées par un projet, la participation aux retombées économiques de la mise en valeur des ressources. Ces accords traitent des mêmes questions que les ententes sur les répercussions et les avantages mais s'appliquent à l'ensemble de la population.

Le ministère accorde des fonds aux peuples autochtones pour établir et développer des entreprises qui fournisses de la marchandise et des services dans le Nord. M. Brooks en a parlé. Dans certaines cas, des efforts conjuqués ont été mis sur pied entre des compagnies autochtones du Nord et des compagnies plus expérimentées du sud du Canada, au bienfait de tous.

Par exemple, les Inuvialuits ont depuis longtemps une coentreprise appelée Akita-Equitak avec Akita Dring, l'un des entrepreneurs en forage les plus importants de l'Ouest du Canada. En 2000, lors de la forte augmentation des activités d'exploration dans la région, les Inuvialuits ont demandé à Affaires Indiennes et du Nord Canada un financement dans le but d'acquérir plusieurs tours de forage de grande puissance spécifiquement construites pour les opérations en milieu arctique de la coentreprise Akita-Equtak.

Ou encore Kete Whii Ltd., dont le financement a permis d'acheter deux camions à minerai et de construire un hangar d'entretien pour sa mine d'Etaki, la première mine diamantaire des Territoires du Nord-Ouest. En vertu de deux contrats, d'une durée de neuf ans, avec BHP Billiton Diamonds Inc, Kete Whii Ltd., qui appartient à 50 p. 100 à Dogrib Trusco, 25 p. 100 à Deton'Cho Corporation et 25 p. 100 à Denesoline Corporation, effectue l'entretien de la route et du terrain ainsi que le transport du minerai de la mine Misery à l'usine de traitement d'Ekati. Le contrat de transport de minerai est de 32 millions de dollars et la société emploie 24 personnes.

Dans tous nos projets nordiques, nous avons tenté d'analyser avec les compagnies et les organisations autochtones les obstacles à une plus grande participation des Autochtones. Pour simplifier la situation, nous dirons qu'ils sont liés à l'insuffisance du niveau d'instruction, de la formation et de l'expérience professionnelle. Ces obstacles préoccupent le gouvernement fédéral comme les compagnies et nous tentons ensemble de les éliminer.

La plupart des entreprises donnent des cours de formation pour adultes en milieu de travail. Pour Resolution Island, par exemple, nous avons fait venir le Collège de l'Arctique du Nunavut sur place pour former et certifier les conducteurs d'équipement lourd lorsqu'il est apparu qu'ils n'auraient pu autrement décontaminer le site. Ils ont ainsi appris à lire, écrire et compter. Dans le cadre des ententes sur les répercussions et les avantages, les compagnies offrent également des bourses d'études supérieures aux étudiants autochtones.

L'expérience a montré que l'industrie pétrolière et l'industrie minière reconnaissent l'importance de faire participer les Autochtones et les autres résidents du Nord aux activités d'embauche, de formation et de passation de marchés. Les Autochtones et les autres résidents du Nord ont montré leur volonté de tirer parti des retombées économiques en tant qu'apprentis, employés, et fournisseurs de biens et services. En définitive, toutes les parties, y compris les gouvernements, reconnaissent qu'elles ont une responsabilité commune en matière de retombées économiques.

Le président : J'ai une question pour les témoins : êtes-vous chacun au sommet de la hiérarchie de votre direction?

M. Brooks : Pour ce qui est du volet développement économique du Programme des affaires indiennes et inuites, j'en suis le directeur général responsable et je relève d'un sous-ministre adjoint principal. Pour mes autres attributions, je relève d'un sous-ministre et d'un sous-ministre adjoint.

Le président : Madame Whitby, occupez-vous votre poste par intérim?

Mme Whitby : Oui. La plupart des programmes d'investissement que nous avons évoqués relèvent de mes attributions. Nous avons également des directeurs généraux dans les régions, et nous relevons tous d'un sous-ministre adjoint.

Le président : J'ai l'impression que vous ne connaissez pas très bien les particularités de votre exposé. Par exemple, vous avez dit que les entreprises dispensaient des formations en entreprise aux adultes pour permettre aux employés de s'éduquer. Les entreprises des régions nordiques dispensent-elles ces formations en entreprise?

Mme Whitby : Je ne sais pas si toutes les entreprises font cela, mais elles sont nombreuses à le faire dans le cadre d'ententes conclues avec le gouvernement. Resolution Island est probablement le premier projet important que nous avons entrepris et dont j'ai eu la responsabilité. Nous y avons fait venir le Collège de l'Arctique du Nunavut pour la formation des employés et un organisme de formation en science et technologie de l'Alberta pour la formation et la certification des conducteurs d'équipement lourd.

Lorsque le temps ne permettait pas de travailler, les gens en profitaient pour s'éduquer. Plusieurs d'entre eux ont obtenu leur certificat. Les grandes mines de diamants actuellement en exploitation dispensent des formations initiale et continue. M. Voutier connaît mieux l'industrie du pétrole et du gaz.

Le président : J'ai l'impression que les seules les grandes entreprises avaient les ressources nécessaires pour offrir de telles formations. La plupart des entreprises du Nord sont de petites ou moyennes entreprises, et elles n'ont pas les ressources nécessaires. Certains membres du comité sont allés à Yellowknife et dans les mines de diamants et ont pu constater les formations mises en place pour les employés; c'est positif. J'ignorais que cette pratique n'était uniquement le fait des compagnies diamantaires et de certaines compagnies de pétrole et de gaz, mais qu'elle s'étendait à d'autres secteurs de l'industrie du Nord.

Mme Whitby : Notre première responsabilité est la gestion des ressources. Au cours des dernières années, il est devenu une norme d'inclure cette pratique dans les contrats. Je sais que certaines entreprises de logistique et certains fournisseurs ont commencé à dispenser des formations à leurs employés, la taille de leur entreprise est beaucoup plus petite.

Les gouvernements territoriaux reconnaissent tous que les employés ont besoin d'améliorer leurs compétences. De nombreuses coentreprises sont mises sur pied par les gouvernements territoriaux et Développement des ressources humaines Canada.

Le président : Dans une autre déclaration, vous avez dit, par ailleurs, que les entreprises offraient de nombreuses bourses d'étude chaque année pour encourager les étudiants autochtones à poursuivre leurs études. J'aimerais que vous nuanciez cela. Votre commentaire fait penser que ce sont toutes les entreprises du Nord qui donnent des bourses d'étude et proposent des opportunités. Pourriez-vous nuancer?

Mme Whitby : Je ne sais pas jusqu'où s'étend cette pratique. Il y a deux ans à peine, 52 étudiants de la région de Dogrib ont obtenu des bourses pour aller étudier hors territoire. Ces bourses leur ont été attribuées en vertu des ententes que les collectivités Tlicho ont conclues avec les deux mines de diamants, Diavik Mines de diamants Inc. et BHP Billiton. Le chef avait peur de ne pouvoir leur trouver du travail à leur retour, une fois diplômés. Je crois que trois ans auparavant, quatre étudiants avaient obtenu des bourses pour poursuivre leurs études à l'université. Nous sommes spécialisés dans les ressources, et il nous faudrait regarder les statistiques nationales pour savoir l'étendue de cette pratique.

Le président : Les commentaires se limitent aux mines de diamants. Nous sommes au courant des bourses de Dogrib parce que nous avons de fréquents contacts avec la collectivité de Dogrib collectivité depuis plusieurs mois à propos d'une revendication territoriale. Leur engagement et leur nouveau statut sont évidents dans les mines de diamants. Plus de 200 étudiants de Dogrib fréquentent des écoles du Sud pour y recevoir une bonne éducation et une bonne formation, lesquelles sont réservées aux mines de diamants.

Dire que les entreprises offrent de nombreuses bourses d'étude, c'est donner l'impression qu'il existe une caractéristique commune aux compagnies installées dans le Nord. Je crois que vous devriez nuancer ce commentaire pour ne pas donner l'impression que ce sont toutes les compagnies qui offrent des bourses et que tous les résidents du Nord peuvent en obtenir. Votre exposé est-il réaliste? La situation dans le Nord est-elle aussi belle?

Mme Whitby : J'ai limité mon exposé aux entreprises qui mettent en valeur les ressources et au programme du ministère. Je ne parle pas de toutes les entreprises du Nord. M. Voutier pourra vous renseigner sur l'industrie du pétrole et du gaz.

M. Keltie Voutier, conseiller principal en matière de politiques, Direction générale du pétrole et du gaz du Nord, Programme des affaires du Nord, Affaires indiennes et du Nord Canada : Je travaille à la Direction générale du pétrole et du gaz d'Affaires indiennes et du Nord Canada. Je relève de la directrice générale, Mme Mimi Fortier.

Notre groupe comprend 14 personnes, et nous avons pour tâche la gestion de l'attribution des droits, le recouvrement des redevances et l'élaboration de politiques pour l'ensemble du secteur du pétrole et du gaz du Nord. Nous intervenons auprès des entreprises et traitons avec elles sur une base quotidienne, comme avec les groupes autochtones et les gouvernements territoriaux.

En ce qui concerne l'activité et la croissance économiques dans les Territoires, il est juste de dire que c'est le secteur minier, et pas uniquement les mines de diamants, qui joue actuellement les catalyseurs. D'autres sociétés d'exploration entreprises du Nord sont en train de jalonner les terres à la recherche de métaux communs et de diamants. Par ailleurs, le secteur du pétrole et du gaz est actuellement extrêmement actif, notamment dans le delta du Mackenzie, en mer de Beaufort et dans le sud de la vallée du Mackenzie. Nous parlons de très grosses compagnies, et je traiterai spécifiquement du secteur du pétrole et du gaz.

Le forage d'un puits de gaz typique dans le bassin sédimentaire occidental du sud de l'Alberta coûte de 1 à 2 millions de dollars. Dans le sud de la vallée du Mackenzie, ce même forage revient à 10-12 millions de dollars, en raison des coûts de transport des fournitures et des équipements vers les régions éloignées. Lorsque vous arrivez dans le delta du Mackenzie, il vous coûte 25 à 30 millions de dollars, et en mer, en mer de Beaufort par exemple, il peut rapidement atteindre 50 ou 60 millions de dollars.

Si le dernier cycle d'activité économique a été principalement financé par les subventions gouvernementales, les entreprises mettent maintenant la main à la poche. Leurs poches sont très grandes en effet, et sont de gros joueurs économiques, qui ont le choix d'investir là où ils le veulent dans le monde. Mais ils sont maintenant dans le Nord parce qu'ils savent que c'est là qu'il faut être en ce moment.

En fait, je ne peux pas dire catégoriquement que ces entreprises offrent des bourses d'étude, mais il en existe des exemples. J'ai avec moi un article de journal selon lequel Paramount Resources donnerait des bourses pour encourager les enfants scolarisés à poursuivre leurs études. J'ai une autre information selon laquelle Esso offre des bourses aux élèves du secondaire de Norman Wells pour qu'ils ne décrochent pas. Les entreprises font cela parce qu'elles ont conscience que cela sert leurs intérêts.

Les compagnies pétrolières se transforment de plus en plus en compagnies énergétiques. Elles ont adopté les méthodes du développement durable, et elles ont compris qu'il n'était pas seulement bien d'investir dans l'environnement et les gens, mais également profitable.

Dans leurs programmes d'avantages, elles incluent formation et opportunités. Elles agissent ainsi, parce que cela revient moins cher à la longue de former un résident du Nord, qu'il soit membre ou non d'une collectivité autochtone. Il est préférable de former des travailleurs issus de la région que d'en faire venir de l'extérieur. C'est la norme dans les affaires.

ConocoPhillips, par exemple, a réalisé une petite brochure dans laquelle la compagnie souligne comment elle essaie de conjuguer les considérations économiques que lui dicte le résultat du bilan et sa contribution aux infrastructures sociales des collectivités au sein desquelles elle exerce ses activités. Dans notre cas, il s'agit du projet de sables bitumineux, mais qui se trouve dans le Nord, là où l'on ne peut ignorer l'importance des collectivités autochtones. Parallèlement, ces entreprises investissent dans l'environnement, et elles constatent, en bout de ligne, que les répercussions sur l'environnement et la société et le résultat de leur bilan comptable sont étroitement liés.

Voilà, très grossièrement, où se situe le volet pétrole et gaz de notre organisation.

Le sénateur Watt : Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada n'a-t-il plus de rôle à jouer dans la délivrance de permis de travail, la location de biens-fonds et autres affaires de ce genre? Dans un sens, vous posez les conditions que les compagnies doivent respecter par rapport aux Autochtones.

M. Voutier : Oui.

Le sénateur Watt : En disant cela, il faudrait peut-être encourager toutes les entreprises à analyser le contexte, non seulement à court terme, mais également à long terme. Je fais référence aux répercussions du changement climatique et à d'autres facteurs.

Il y a aussi la possibilité pour le secteur éducatif de mettre en place un programme d'apprentissage. Il y a trente ans, de telles opportunités existaient au sein du ministère. Je ne suis pas sûr que ces opportunités existent encore. Je sais par contre que ce programme donnait des résultats, parce que j'ai suivi un programme d'apprentissage pour devenir ingénieur en mécanique. Nous avons fait notre pratique dans le Nord et notre théorie dans le Sud. Si les programmes d'apprentissage n'existent plus, je recommande qu'ils fassent partie de mesures à mettre en place.

Vous devriez également poser des conditions dans vos rapports avec les compagnies qui ont un intérêt dans le Nord. Je fais référence aux compagnies qui prospectent le pétrole, le gaz et le diamant. Il faudrait les encourager à investir plutôt à long terme. Cela servirait mieux les Autochtones.

Je devrais peut-être vous laisser répondre aux premiers points que j'ai soulevés avant de passer à la Stratégie pour le Nord. Je suis du Nunavik, pas du Nunavut, et à ce titre, j'aimerais souligner l'importance pour le Nunavik d'être intégré dans cette stratégie. Mais j'y reviendrai plus tard. Vous pourriez peut-être répondre aux points que j'ai évoqués.

Mme Whitby : Monsieur le président, je vous parlerai d'abord de la situation des Territoires.

Nous délivrons actuellement beaucoup de permis en partenariat avec les conseils d'administration de la gouvernance publique. Nous n'enjoignons pas généralement de conditions socioéconomiques au permis d'utilisation des sols, celui pour lequel s'appliquent l'entente sur les répercussions et les avantages.

Il y a aussi ce que nous appelons « ententes environnementales ». Lorsqu'un aspect problématique important a été identifié par l'évaluation environnementale ou l'Office des terres et des eaux, nous l'incluons dans les ententes environnementales. C'est dans le cadre de ces ententes que se négocient la formation et l'approvisionnement par les entreprises locales.

Pour ce qui est des programmes d'apprentissage, vous avez raison, sénateur. C'est pourquoi, aujourd'hui, la plupart des programmes des Territoires sont délivrés avec l'aide du système collégial. Nous avons fait venir le Collège de l'Arctique du Nunavut à Resolution Island pour offrir le programme en entreprise. Nous essayons de faire cela chaque fois que nous le pouvons. Nous avons vu augmenter le nombre de personnes qualifiées et le nombre de certificats de compétence délivrés. Nous les avons beaucoup utilisés. Ils sont très utiles.

M. Brooks : Sénateur Watt, en ce qui concerne l'apprentissage, le développement des compétences relève surtout de Développement des ressources humaines Canada. J'ai une organisation qui, dans le cadre de l'Initiative sur la participation des Autochtones au marché du travail, s'évertue à préparer le milieu de travail avec les entreprises du secteur privé pour mieux attirer et conserver les travailleurs autochtones. Nous y faisons l'inventaire des compétences nécessaires. Nous regardons également du côté des biens et services, parce que tout le monde ne veut pas travailler comme employé. Beaucoup préfèrent avoir leur entreprise. L'entreprenariat chez les Autochtones est une affaire florissante.

Notre but est d'aider les entreprises autochtones à travailler avec le secteur privé. Nous travaillons en étroite collaboration avec les signataires de l'Entente sur les ressources humaines autochtones. Je fais surtout référence aux fonds alloués à l'acquisition de nouvelles compétences par Développement des ressources humaines Canada. Nous collaborons également avec les signataires des ententes et les organismes de développement économique communautaire à la mise en place de plans de formation. Nous faisons cela pour focaliser sur les opportunités qui existent, comme l'apprentissage. Nous collaborons également avec plusieurs provinces. Nous avons signé plusieurs ententes avec l'Alberta, d'une importance capitale quand on parle du secteur des ressources, notamment le secteur du pétrole et du gaz dans la région de Fort McMurray. Ils manquent désespérément de travailleurs qualifiés, et ils seraient très heureux de puiser dans le talent autochtone qu'il y a ici.

Nous essayons d'agir aux abords du développement économique, car nous ne nous en reconnaissons pas la responsabilité première.

Le sénateur Watt : Avant de poursuivre avec la Stratégie pour le Nord, j'aimerais répondre à la question sur l'environnement et la planification de l'utilisation des sols. Vous pouvez prendre de l'avance et y inclure les répercussions sociales, parce que les répercussions sociales et les préoccupations environnementales sont interreliées. Certaines conventions, comme la Convention de la baie James et du Nord québécois, la Convention des Inuvialuits et la Convention du Nunavut ont tendance à les séparer et les enfermer dans leur petite boîte respective. Il faut bien comprendre qu'elles sont inséparables. Je crois que vous êtes bien placé pour au moins recommander à l'industrie d'envisager la possibilité ou même les conditions d'une étroite collaboration avec les planificateurs de l'utilisation des sols. De nombreux comités de planification de l'utilisation des sols ont été créés dans le cadre de conventions modernes.

M. Voutier : En ce qui concerne le secteur du pétrole et du gaz, nous gérons l'attribution des droits sur une base annuelle. Les entreprises sont invitées à enchérir sur les terres de l'État qu'elles désirent explorer, mais avant de mettre les terres aux enchères, nous consultons toutes les parties prenantes — collectivités autochtones, gouvernements territoriaux et autres groupes d'intérêt — pour lever toutes les inquiétudes sociales, économiques, culturelles ou archéologiques éventuelles. Dans de nombreux cas, les terres ne sont pas soumises aux enchères publiques, parce qu'elles servent de réserve de chasse aux collectivités autochtones ou nordiques, qu'elles sont un symbole culturel, et cetera. Nous considérons tout cela sérieusement.

Le sénateur Watt : En ce qui concerne la Stratégie pour le Nord, j'aimerais souligner ce qui a été dit à la table ronde qui s'est tenue il y a deux semaines au Conseil des ministres. L'un de nos représentants, Pita Aatami, le président de Makivik Corporation, a souhaité que Makivik participe aux discussions sur la Stratégie. J'aimerais développer là- dessus, si vous le permettez.

Makivik, comme vous le savez, est en quelque sorte une corporation mère, avec comme toute corporation mère, plusieurs succursales. Nous possédons deux compagnies aériennes. Je suis heureux de pouvoir vous dire que nous n'avons jamais fait appel au gouvernement pour assurer la survie de ces compagnies. Nous dégageons un bénéfice honorable.

First Air sillonne le ciel d'est en ouest et du nord au sud, jusqu'au Yukon. Nous sommes le premier transporteur aérien dans l'Arctique, si l'on ne tient pas compte de Canadian North. Je crois sincèrement que nous transportons plus de passagers et que nous sommes plus actifs que Canadian North. C'est l'une des raisons pour laquelle nous devons faire partie de la Stratégie pour le Nord. Nous avons besoin de savoir ce que le gouvernement a planifié ou entend faire avec certaines industries pour nous préparer à transporter nos passagers là où ils doivent aller. Voilà pour cet aspect.

L'autre aspect qui est également d'un grand intérêt pour le Nunavik, c'est le changement climatique qui nous frappe. Le changement climatique ne disparaîtra pas. Il ne reculera pas et il ne fera qu'empirer. Je crois que nous savons tous cela. Parallèlement, le changement climatique a permis de multiplier les opportunités. Le passage du Nord-Ouest, par exemple, sera très bientôt une route prisée — peut-être plus tôt que prévu. Je ne serais pas surpris de nous voir, nous Canadiens, pris les culottes baissées et forcés de regarder les Américains transporteront leurs marchandises sur l'autre rive. Nous avons grand intérêt à vouloir savoir ce qui se passe. Il faudrait commencer à armer les ports si cette route devait être empruntée immédiatement.

Le changement climatique doit également nous préoccuper parce que le niveau marin ne cesse de s'élever et la banquise de fondre. Pour ces raisons, il est essentiel de rester attentif à ce que l'avenir nous prépare. Les informations scientifiques et les savoirs traditionnels ne seront pas de trop. Nous pouvons y concourir.

Parallèlement, nous voulons nous assurer que nous ne serons pas laissés sur les quais à regarder les bateaux passer par le Nord et les opportunités économiques filer lorsqu'elles se présenteront. C'est pourquoi nous devons absolument faire partie de la Stratégie pour le Nord.

J'aimerais aller encore plus loin. Vous devriez discuter avec vos supérieurs de la possibilité d'amener rapidement un comité à examiner cette question de routes de navigation alternatives, si nous ne voulons pas être pris les culottes baissées.

Il est également important pour nous, résidents du Nunavik et compagnies aériennes, que des compagnies aériennes exploitent déjà l'espace aérien directement au-dessus de l'Arctique, au lieu des traditionnelles lignes. À ce stade, ne manque que la disponibilité de navigation, des satellites, par exemple. Une fois encore, nous avons un intérêt dans cette question et des possibilités d'investir. Makivik est une entreprise qui possède des filiales, et nous avons, par conséquent, un grand intérêt dans cette affaire.

Nous avons déjà entamé des pourparlers avec les Russes pour fonder une compagnie canado-russe qui survolerait l'Arctique entre l'Amérique du Nord et la Sibérie.

Nous avons un grand intérêt dans ces questions et je voulais m'assurer que vous preniez la mesure de mes propos. Nous ne pourrions qu'y trouver un avantage mutuel si nous collaborions dans cette affaire.

Mme Whitby : Puis-je répondre à vos commentaires sur le changement climatique? J'ai mentionné dans mon exposé que nous avions un programme appelé Programme d'action pour les collectivités autochtones et nordiques. Il concerne principalement les mesures d'atténuation, l'efficacité énergétique et les changements technologiques, la consommation de diesel dans les collectivités autochtones et nordiques et leurs émissions et les moyens de changer les habitudes de consommation énergétiques à une époque où les coûts énergétiques ne cessent de grimper. Ce programme national, et il est donc également en vigueur dans le nord du Québec.

Par ailleurs, nous avons commencé à travailler avec les dirigeants autochtones, comme Sheila Watt-Clouthier, sur le besoin de s'adapter aux futurs changements. Malgré les contrôles mis en place, les changements ne cessent de s'accélérer. Les répercussions sont énormes pour ceux qui vivent des produits de la terre. Nous examinons les opportunités d'affaires possibles, mais nous étudions également les moyens de protéger les infrastructures des collectivités contre la fonte du pergélisol et l'élévation du niveau marin et nous examinons les risques associés aux changements des habitudes migratoires des animaux.

Nous avons entrepris ce travail il y a environ deux ans avec l'Évaluation des incidences du climat de l'Arctique, lorsque nous avons remarqué ce que la science disait aux gens. Ce document contient également de nombreux savoirs traditionnels des Autochtones du Nord.

Nous sommes arrivés au point où nous essayons de documenter les besoins et d'élaborer le type de programmes que les Nordistes souhaitent. Le terme « Nordistes » inclut les Inuits du nord du Québec et du Labrador et les Autochtones du reste du pays. Ce travail est en cours d'exécution. Nous espérons aboutir à un avant-projet collectif, qui ne soit pas l'œuvre du gouvernement uniquement mais également des organisations autochtones, des gouvernements territoriaux et des instituts scientifiques du Nord. Nous espérons que d'ici décembre nous aurons en mains un document qui porte sur plusieurs questions. Que faisons-nous du passage du Nord-Ouest? Quand la banquise aura-t-elle disparu et quel sera l'impact de cette disparition?

Le président : Le sénateur Peterson est impatient de poser ses questions. Nous reviendrons à vous, sénateur Watt.

Le sénateur Watt : J'aimerais vous poser quelques questions sur les émissions et d'autres problèmes environnementaux.

Le sénateur Peterson : Dans vos exposés, vous soulignez à juste titre l'importance du développement économique du Nord. Pourtant, je crois savoir qu'après examen, l'AINC a réduit le budget du développement économique d'environ 300 millions de dollars. Est-ce vrai? Si oui, quel sera l'impact de cette réduction sur la réalisation des programmes du ministère?

M. Brooks : L'enveloppe dont j'étais responsable a été réduite. Le chiffre de 300 millions de dollars n'est pas exact, même s'il l'on n'en sera pas loin. Nous allons perdre 29 millions de dollars de cette enveloppe par exercice. Sur cinq ans, cela fait au total 150 millions de dollars. En tenant compte du facteur d'amplification, le montant dépassera 300 millions de dollars. L'examen des dépenses nous a effectivement fait perdre des fonds. Le budget du développement économique de l'AINC est l'une des rares responsabilités discrétionnaires, contrairement à toutes nos autres responsabilités fiduciaires. Comme les honorables sénateurs le savent, tous les ministères fédéraux peuvent réaffecter 5 p. 100 de leurs budgets discrétionnaires de haute priorité. Notre ministère avait très peu d'options et il a décidé de réduire le budget du développement économique de 29 millions de dollars après trois exercices.

Notre ministère était enclin dans le passé à ce que nous appelons l'octroi de fonds de démarrage, des fonds qui aidaient les entrepreneurs autochtones à démarrer leur entreprise ou leur coentreprise. Nous avons changé de politique depuis. Cela dit, il est vrai que Entreprise autochtone Canada soutient les entrepreneurs autochtones plus sur une base panautochtone que sur une base distinctive, qui opposerait donc Premières nations et Inuits.

Le sénateur Peterson : Je ne crois pas que ces compressions budgétaires soient bonnes, parce qu'elles vont nuire à l'entrepreneurship des Autochtones, alors qu'ils essaient d'avancer en signant des alliances stratégiques. Pour moi, ces compressions n'ont aucun sens. Je comprends que votre enveloppe a été réduite, mais il doit bien y avoir d'autres secteurs qui en auraient moins souffert.

On nous a dit dans d'autres exposés que les programmes autochtones recevaient l'appui de 11 ministères fédéraux, lesquels administraient environ 26 programmes. Est-ce le meilleur moyen? Si ces programmes ne visent que le développement économique, cela me semble très gênant.

M. Brooks : Nous administrions au départ huit programmes dans le cadre du budget du développement économique. Nous avons réduit ce nombre à deux, à la suite de l'examen de nos activités par le Vérificateur général. Le Vérificateur général a estimé que nous avions trop de programmes et que cela créait de la confusion chez les participants. Nous l'avons suivi et nous avons nous-mêmes procédé à notre rationalisation.

Vous avez raison de dire que nos activités s'étendent à d'autres ministères, mais pour la plupart, elles sont sectorielles. Par exemple, les activités du ministère des Pêches et des Océans sont très techniques par leur approche, comme celles de Ressources naturelles Canada en foresterie.

Pour la table ronde sur les opportunités économiques organisée par Industrie Canada, nous remodèlerons le cadre de travail des politiques de développement économique autochtone. L'objectif sera de trouver le meilleur moyen de recadrer la pléthore des programmes existants pour en faciliter l'application et l'administration.

Le sénateur Peterson : En prévision du projet de pipeline de la vallée du Mackenzie, avez-vous pris des mesures préparatoires poux vous assurer que les Autochtones pourront y participer pleinement? Comme nous l'avons dit, il faudra une main-d'œuvre qualifiée. Réussirons-nous à négocier le virage et à la préparer?

M. Brooks : Je répondrai à cela en partie et je laisserai la parole à M. Voutier pour plus de détails.

Nous avons beaucoup aidé l'Aboriginal Pipeline Group qui gérait au départ l'ensemble des activités dans les Territoires du Nord-Ouest. Ces activités comprenaient la consultation communautaire et le travail de prépositionnement, c'est-à-dire s'informer des opportunités éventuelles et s'y préparer. Une grande partie du travail préparatoire a déjà été réalisée.

M. Voutier : L'Aboriginal Pipeline Group détient 33 p. 100 dans ce projet, et il en retirera évidemment des avantages économiques au fur et à mesure de son avancement. De plus, le projet continuera à demander l'évaluation régulière de son impact socioéconomique. Une évaluation de 20 000 pages, je crois; elle est très détaillée. Cette évaluation sert également à examiner les incidences du projet sur les opportunités économiques des collectivités autochtones.

Par ailleurs, lorsque nous passerons de l'examen réglementaire à la phase de construction, les entreprises devront soumettre des plans de développement et les programmes d'avantages. Les processus habituels seront appliqués et je suis sûr que les opportunités qu'il faudrait selon vous offrir aux Autochtones et aux collectivités nordiques se présenteront. Je suis d'accord avec vous là-dessus.

Le sénateur Léger : Si j'ai bien compris ce que j'ai entendu, la première priorité est l'économie, puis ensuite viennent les ressources humaines. Nous avons besoin d'argent pour vivre, mais l'aspect humain ne devrait jamais venir en second. Nous n'avons pas tous un don pour la mécanique, ni le même intérêt de devenir mécanicien. Vous avez fait parler de la nécessité de mettre en place des programmes de formation. J'ai été ébahi de voir des Autochtones conduire ces camions miniers géants à Yellowknife. De toute façon, pour devenir technicien comme pour devenir charpentier, il faut beaucoup de temps et d'étude.

Je crois qu'il faudrait tenir compte de l'aspect humain dans les discussions sur les aspects tangibles. Lorsque les entreprises présentent des projets, elles devraient toujours tenir compte de l'aspect humain, parce que leur réussite dépend du bonheur des employés. Il y a une grève actuellement dans le système scolaire. La première compression concernera les activités extrascolaires. Par contre, si les mathématiques et la science n'étaient plus enseignées pendant cinq ou six semaines, les choses changeraient rapidement. Cela en dit long sur l'aspect humain de la situation, et il en est de même en affaires.

La politique du ministère et la Loi sur les Indiens vous empêchent-elles de faire votre travail au sein de l'AINC? Y a- t-il quelque chose que nous puissions faire pour vous aider?

M. Brooks : Merci, sénateur, pour cette intéressante question. Je vais tâcher d'être prudent dans ma réponse, parce que je ne suis pas prêt à prendre ma retraite.

Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, le ministère prépare une loi par le biais d'une autre organisation pour se soustraire à la Loi sur les Indiens. La Loi sur les Indiens exerce actuellement des contraintes sur les collectivités. Jusqu'à ce que ce problème soit résolu, nous aurons besoin de mesures qui encouragent les collectivités à se positionner pour profiter des opportunités économiques. Ce Comité pourrait y contribuer en soutenant le ministère de la même manière qu'il l'a soutenu dans le cadre de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations et de l'Autorité financière des Premières nations.

Nous savons qu'il n'existe pas de panacée aux problèmes de toutes les collectivités. Le ministère sera toujours là en cas de besoin. Les programmes en cours aident pour la plupart au développement de la capacité des collectivités — les ressources humaines —, afin qu'elles puissent créer des coentreprises sans faire appel à de coûteuses ressources extérieures. Le principal objectif est de fournir aux collectivités les ressources dont elles ont besoin pour se doter d'une main-d'œuvre qualifiée capable d'attirer les investissements nécessaires. Ces ressources peuvent être un capital humain, un capital social ou un capital investissement.

Notre rôle est de fournir des ressources nécessaires à l'établissement de préconditions dans les collectivités. Depuis que nous avons cessé d'attribuer des fonds de démarrage, nous essayons de donner aux collectivités les infrastructures physiques et sociales qui pourraient leur permettre d'attirer et de conserver les investisseurs. Nous savons que les gouvernements de tous ordres n'auront jamais assez d'argent à investir dans les différentes opportunités. Par exemple, comment financer un projet dont le tiers de la valeur sera mis sur le marché financier pour accéder au capital investissement? En ce qui concerne le pipeline, nous avons financé l'embauche des experts financiers qui ont préparé le plan d'affaires qui a leur permis d'aller sur les marchés boursiers de Wall Street et Bay Street. Nous aurons toujours besoin d'une quelconque forme de programme d'aide pour faciliter certaines activités et établir les conditions qui permettront aux collectivités de prendre en mains leur propre destin économique.

Mme Whitby : Je travaille dans le Nord canadien depuis 1974 et j'ai vu le cycle économique changer, même depuis mon arrivée au ministère, il y a 11 ans, alors que le développement économique en était à ses balbutiements. Nous avons affaire à une situation différente, c'est pourquoi il serait utile que le comité continue de dire ce qu'il en est pour les gens au niveau communautaire. Le sénateur Peterson s'est demandé comment les habitants de ces collectivités s'en sortaient avec autant de ministères et de programmes gouvernementaux.

Pour ce qui est du changement climatique, nous nous sommes entendus avec les collègues des ministères qui ont mis sur pied des programmes semblables pour ne faire qu'une vitrine pour toutes les collectivités autochtones. Les collectivités savent depuis si elles traitent avec le ministère ou un intermédiaire. Nous avons des stratèges énergétiques qui travaillent à rassembler tous les programmes fédéraux au niveau communautaire. Disons qu'ils travaillent sur le partage des pratiques exemplaires entre collectivités : lorsque les gens nous le demandent, nous les documentons sur ce partage.

Au gouvernement fédéral, nous travaillons à un niveau si étendu et si élevé que nous ne savons même pas comment une collectivité décide, ni comment elle pourrait passer à une approche énergétique qui lui permettrait de lutter efficacement contre le changement climatique et de s'adapter à cette nouvelle approche. Il est important de comprendre ce qu'un gouvernement ou une entreprise doit faire pour réaliser un programme. Cette information serait très utile, et je suis impatient de la lire dans le rapport du comité.

Le sénateur Léger : Vous avez parlé de la communication d'informations. C'est là le plus grand besoin. Vous avez dit qu'il était difficile pour les collectivités de comprendre tous les cloisonnements du gouvernement. Nous ne savons pas exactement comment les collectivités perçoivent le gouvernement. L'éducation des collectivités est nécessaire, mais il faut d'abord communiquer les informations sur les collectivités au gouvernement; ensuite, il faut que les résidents des collectivités comprennent ce que le gouvernement fait.

Le sénateur Watt : Vous avez parlé des programmes de Ressources naturelles Canada et de la Direction générale de l'environnement sur le changement climatique. Existe-t-il un financement spécifique aux seuls objectifs scientifiques de trouver une solution au changement climatique? Existe-t-il des fonds pour l'installation de dispositifs novateurs dans les appareils de chauffage, le remplacement des moteurs essence par des moteurs diesel dans les usines, sur les bateaux, les avions et les motoneiges? Le ministère est-il prêt à mettre en place les nouvelles technologies? La technologie est là, mais elle n'a pas encore été publiquement publicisée.

Mme Whitby : Nous avons les fonds pour cela et nous sommes prêts à le faire. Nous sommes partout au pays, et nous travaillons avec ce que nous avons appelé des stratèges énergétiques, des fournisseurs de services techniques tiers. Il y a des stratèges énergétiques au Québec et au Nunavut.

Le sénateur Watt : Qui sont ces stratèges énergétiques?

Mme Whitby : Ce sont généralement des conseillers techniques qui travaillent avec les collectivités pour le compte du ministère. En règle générale, une collectivité établit un plan énergétique dans lequel elle inclut sur sa relation avec l'énergie, son utilisation de l'énergie, l'emplacement des sources d'énergie, les améliorations apportées par les individus et par collectivité. Nous profitons des financements et des contributions de divers ministères pour faciliter la réalisation de projets d'amélioration éconergétiques dans les collectivités qui désirent améliorer l'efficacité énergétique de ses habitations.

De nombreuses collectivités examinent la possibilité d'installer sur les territoires traditionnels des unités de production d'énergie renouvelable de petite taille qui leur fourniraient de l'électricité et des revenus à la longue. Les éoliennes d'Eskasoni, en Nouvelle-Écosse, ont été financées par des programmes que nous gérons M. Brooks et moi et des capitaux du secteur privé. Ces collectivités font des levées de fonds pour gérer des entreprises au nom de leurs collectivités. Notre programme offre jusqu'à 250 000 dollars aux collectivités pour les aider à développer leurs ressources humaines et élaborer leurs plans d'affaires pour aller sur les marchés boursiers. Le financement que nous accordons ne suffit même pas à installer une éolienne, mais il suffit pour la formation de la main-d'œuvre et l'élaboration d'une analyse de cas. Les collectivités qui font cela ne reçoivent rien de plus que les autres collectivités canadiennes.

Le sénateur Watt : Les fonds du programme pourraient-ils être utilisés pour résoudre les problèmes d'eau auxquels nous faisons face partout dans le Nord? Si des chercheurs réunissaient les instruments de la vérification et prouvaient l'utilité de ces instruments, le ministère serait-il prêt à aller de l'avant avec quelque chose qui n'en est encore qu'au stade expérimental? Ont-ils les fonds pour cela?

Mme Whitby : Il faudrait que je regarde cela.

Le sénateur Watt : Pourriez-vous nous fournir des informations sur certains de ces programmes, afin que nous les étudiions nous-mêmes?

M. Brooks : Nous vous les fournirons. Nous avons une stratégie pour l'eau. Je vais me renseigner auprès d'un collègue et je vous fournirai les informations.

Le sénateur Watt : Croyez-vous que la salle des machines suffira à faire face à la situation? Lorsque je dis « salle des machines », je parle du nombre de personnes nécessaire pour décider du chemin à suivre. Le ministère dispose-t-il actuellement de mécaniciens?

M. Brooks : Je suis l'expert technique en la matière.

Le sénateur Watt : Sheila Watt-Clouthier est ma soeur. Elle est membre du groupe environnemental. Je ne sais pas exactement ce qu'elle y fait.

Y a-t-il des mécaniciens en place pour prendre des décisions, comme celle d'investir 250 000 $ maintenant? En ce qui concerne la question environnementale et le changement climatique, il y a eu jusqu'à présent beaucoup de bavardage mais aucune action. J'ai vécu dans le Nord et c'était comme cela tous les jours.

Mme Whitby : Notre programme n'a que deux ans. Il a été annoncé en août 2003. Nous n'avons pas de mécaniciens dans le personnel. Nous faisons appel aux services techniques d'un tiers autochtone. En Ontario, nous utilisons les services de l'Ontario First Nations Technical Services Corporation. Dans le nord du Québec, nous avons fait appel à Inuit Tapiriit Kanatami. Nous avons financés l'embauche d'experts. Nous avons également fourni des moyens techniques à l'Assemblée des Premières nations. Il s'agit d'un travail très technique. Ce sont toujours les collectivités qui décident.

Le sénateur Watt : Qui sont ces techniciens dont vous parlez? Sont-ils dans le gouvernement, en dehors du gouvernement, ou des tierces parties? Qui sont-ils? Quel pouvoir ont-ils?

Mme Whitby : Je vais devoir me renseigner sur le pouvoir qu'ils ont. Ce sont des entreprises de services techniques extérieures. Par exemple, l'Ontario Firts Nations Technical Services Corporation construit des écoles pour les Premières nations de l'Ontario. Elles fournissent de l'expertise aux collectivités. Je ne sais pas exactement comment elles sont financées. Je pourrais vous trouver les informations.

Le sénateur Watt : Je vous serais reconnaissant de me donner plus d'informations sur ces programmes.

M. Brooks : Nous vous retrouverons ces informations.

Le président : Nous avons entrepris cette étude parce que nous sommes très intéressés par ce qui se passe chez les Autochtones de notre pays. Nous sentons bien à travers nos voyages et notre quotidien qu'il se passe quelque chose chez les Autochtones. Ils se sont engagés dans le développement économique. Dans un sens, ils se sont engagés dans la vie de notre pays.

Je viens d'une région des Territoires du Nord-Ouest où les Autochtones se débrouillent relativement bien. De bien bonnes choses s'y sont produites, et pas seulement sur le plan politique. Les Autochtones se sont vu offrir de nombreuses opportunités. Depuis le règlement des revendications territoriales, les Autochtones contribuent sérieusement à la société nordique. Je ne parle pas uniquement de leur engagement politique comme députés ou sénateurs, mais également de leur participation à toutes les institutions de la société. Les Autochtones sont présents à la SRC dans le Nord. C'est magnifique tout ce qui se passe.

Je ne suis pas au courant de ce qui se passe dans le Sud. Au cours de nos voyages, j'ai vu des Autochtones commencer à prendre une part active dans l'industrie. À compagnies et à Vancouver, par exemple. C'est magnifique.

Il est important de former les gens et de leur donner du travail. Mais il est tout aussi important que ces gens fassent le saut au niveau supérieur, celui de l'entreprenariat et des opportunités économiques. Il faut pour cela plus que des compétences et de l'engagement, mais nous y arrivons. Voilà le but fixé, ce que essayons de réaliser. Nous voulons comprendre les facteurs qui mènent les Autochtones à la réussite. Est-ce l'autonomie? Sont-ce les institutions qui ont été établies? Est-ce un fort sentiment d'identité culturelle? Est-ce le leadership? Est-ce la géographie? Tous ces facteurs ont une influence sur la réussite autochtone.

Il est intéressant de voir que la plupart des Autochtones progressistes que nous avons rencontrés se détachent des effets des Affaires indiennes et du Nord. Cela est positif. Lorsqu'un peuple devient indépendant, lorsqu'il est plus fort et mieux éduqué, il peut poursuivre seul.

Si nous devions analyser tous ces événements, trouverions-nous que le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada a joué un rôle dans leurs progrès? Ou que les gens ont relevé la tête malgré Affaires indiennes et du Nord Canada? Vous n'avez peut-être pas eu l'occasion de réfléchir à cela. Voilà où nous étions. Notre étude se concentre sur le renouveau autochtone. C'est passionnant. Il est visible dans bien des domaines. Je ne sais pas s'il ne fallait pas d'abord toutes ces décennies pour mener les Autochtones à un niveau d'éducation et d'expérience professionnelle qui leur prendre part. C'est ce que les nations Tlicho, Dogrib et Dene ont fait dans les mines de diamants.

Je ne sais pas si ce sont réellement le sens de l'initiative et la ténacité des Autochtones qui leur ont permis d'ouvrir les portes, ou si ce sont les compagnies qui, par bonté, auraient facilité cette participation. Elles subissent des pressions. Elles sont forcées, dans un sens. Si la volonté de participer des Autochtones est essentielle, l'ouverture des grandes compagnies ne l'est pas moins. Elles doivent assumer leur conscience sociale et reconnaître que le besoin des Autochtones de prendre part. Il existe une pénurie de main-d'œuvre, et il de notre intérêt supérieur de former les Autochtones et de leur donner des responsabilités. Je suis conscient de la contribution, à Fort McMurray, de gens comme Dave Tucker et consorts. Quelque part en chemin, les compagnies ont décidé de collaborer avec les Autochtones. La participation des Autochtones et l'ouverture et l'engagement des grandes compagnies à accepter cette participation dans les projets économiques, tout cela est formidable.

C'est ce que dont nous voulons nous assurer et écrire, pour que le gouvernement et l'industrie y trouvent matière. Nous espérons que nous réussirons à décrire les facteurs fondamentaux nécessaires à la réussite des Autochtones : le leadership, une forte identité culturelle et la méthode de tenure. Il est très réconfortant de savoir que l'on possède une terre, que l'on exerce sur elle un contrôle et un pouvoir et que l'on peut utiliser ce pouvoir pour négocier avec les entreprises et le gouvernement. Il y a également la situation géographique. Nous voulons identifier les facteurs qui conduisent à la réussite.

Parallèlement, il y a des domaines et des régions où les Autochtones n'ont pas réussi. Pourquoi avons-nous notre Davis Inlets? Pourquoi les collectivités doivent-elles toujours mener bataille? Elles sont inondées d'alcoolisme et d'apathie, et elles n'ont aucun intérêt à construire l'avenir. Les Autochtones sont fondamentalement un peuple battu. Les gouvernements devraient se dire : « Que pouvons-nous faire pour aider ces gens? Que pouvons-nous faire pour sortir ces gens de ce malaise et les faire réussir? » Il me semble que c'est là le défi des gouvernements. Avant tout, les gens doivent se prendre en charge. Si les dirigeants sont bien payés, c'est pour qu'ils aident; les gouvernements ont donc leur part de responsabilité.

Nous essayons de servir notre pays, c'est-à-dire, dans un sens, le gouvernement, les Premières nations et les Autochtones, et le public en général. Nous avons le devoir d'aider, de fournir des informations et d'apporter le meilleur éclairage possible sur la contribution des Autochtones au développement économique. Avez-vous une réponse à ce que nous sommes en train de dire?

M. Brooks : J'apprécie l'énorme travail que vous avez entrepris. J'attends avec impatience la parution de votre rapport. Il n'existe pas de remède miracle. Nous savons tous cela. Les collectivités sont différentes les unes des autres, et nous avancerons différemment sur la longue route du développement économique.

Dans les collectivités sans méthode de tenure les plus exemplaires avec lesquelles il m'a été donné de travailler, c'est- à-dire ces collectivités pour lesquelles les revendications territoriales n'ont pas encore abouti, le facteur de réussite le plus important, sinon le seul, était la volonté d'aller de l'avant, malgré les revendications, mais grâce au solide leadership de leurs membres, un leadership économique et socioéconomique. De nombreuses collectivités cicatrisent encore leurs blessures.

Nous nous réjouissons bien sûr du progrès de certaines collectivités. Le chef de la bande Osoyoos, Clarence Louie, qui est non seulement un entrepreneur émérite mais également un très bon dirigeant communautaire, m'a répété a maintes reprises : « Je rêve du jour où je pourrai dire aux Affaires indiennes : `` Désolé les gars, je n'ai plus besoin de vous ''». Je peux dire avec lui que je rêve également de ce jour; il sera très agréable.

Le sénateur Watt : Ce jour risque de ne jamais arriver.

M. Brooks : Je prie qu'il arrive. De nombreuses collectivités ne le font. Avec le modèle de ressources humaines que nous utilisons dans le développement économique communautaire, nous essayons de renforcer leur autonomie et de développer leur potentiel pour qu'elles prennent en mains ce que nous appelons l'autonomie économique. Une collectivité qui n'a pas d'autonomie en matière d'ententes ou de revendications territoriales pourra quand même contrôler sa propre gouvernance économique. Voilà l'approche que nous avons choisie.

Nous collaborons étroitement avec les intervenants des Premières nations et des Inuits dans ce domaine. Les pratiques exemplaires et les activités intéressantes ne manquent pas. Malheureusement, les médias ne rapportent que les informations négatives. Il se passe des choses extraordinaires partout dans le monde.

Je citerais la Première nation Membertou de Sydney. Sydney rappelle le cap Breton et les problèmes économiques de la région. Pourtant, la Première nation Membertou a réussi à devenir un employeur net pour les habitants de Sydney et des régions voisines. C'est ce genre de réalisation qui devrait être fêtée et partagée avec les Canadiens.

Le président : Si vous n'avez rien à ajouter, je vous dis un grand merci pour votre témoignage et les informations que vous nous avez données. Nous comptons bien faire un rapport qui vous aidera, nous l'espérons, dans votre travail.

La séance est levée.


Haut de page