Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 14 - Témoignages du 22 novembre 2005
OTTAWA, le mardi 22 novembre 2005
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 9 h 32 pour examiner la contribution des collectivités et des entrepreneurs autochtones au développement économique du Canada et dresser un rapport de l'examen.
Le sénateur Nick G. Sibbeston (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, notre comité poursuit son étude de la contribution des collectivités et des entrepreneurs autochtones au développement économique du Canada. Il est intéressant de se retrouver à Ottawa après notre tournée en Colombie-Britannique et en Alberta.
Nous avons l'honneur d'accueillir des représentants de Tourisme autochtone Canada.
Vous avez la parole, monsieur.
Allan Luby, président, Tourisme autochtone Canada : Merci.
[M. Luby parle en langue autochtone.]
Je viens de donner mon nom autochtone. Je suis membre du clan Caribou. Notre territoire se trouve à 10 milles au nord de Kenora en Ontario. Je désire remercier les membres du comité d'avoir pris le temps d'étudier cette question importante.
Je parlerai aujourd'hui du tourisme autochtone. Je suis chef depuis plusieurs années et je suis membre du conseil depuis 20 ans et je connais très bien les affaires autochtones; je peux facilement passer à d'autres sujets si vous le désirez.
J'aimerais remercier le groupe Aboriginal Tourism British Columbia — ATBC — qui nous a fourni nombre des photos que nous vous présentons aujourd'hui.
Tourisme autochtone Canada s'est donné pour mission d'influer sur l'élaboration des politiques et des programmes en matière de tourisme et d'élaborer de tels politiques et programmes afin de favoriser les peuples autochtones du Canada. Nous voulons mieux faire connaître l'industrie touristique autochtone et démontrer qu'elle peut être un moteur de développement économique des communautés autochtones. Nous voulons également nous assurer que l'industrie touristique autochtone trouve sa juste place parmi les autres moteurs économiques autochtones dans le but d'encourager le gouvernement fédéral à faire des investissements durables à long terme dans le secteur du tourisme autochtone. Les gouvernements provinciaux devraient alors lui emboîter le pas.
Il existe d'importants débouchés dans ce secteur. Plusieurs études ont été effectuées dans ce domaine au cours des dernières années. Actuellement, le tourisme culturel connaît un taux de croissance de 15 p. 100 par année. Le potentiel non exploité est énorme. L'industrie touristique autochtone ne représente que 0,5 p. 100 de l'industrie touristique au Canada. La majorité des Autochtones ont moins de 25 ans, et l'expansion de l'industrie touristique assurerait un nombre accru d'emplois. La population active est très importante et prête à travailler.
Nous représentons un marché unique et varié. Les habitants du Japon et des pays européens s'intéressent vivement aux cultures autochtones du Canada. Le marché est important et il nous faut assurer une présence internationale et nationale. Tout comme le reste du pays, nous avons tourné notre attention vers les Jeux olympiques de 2010.
Nous avons nombre de défis à relever. L'industrie, les communautés et les gouvernements sont peu conscients des avantages économiques que pourrait présenter cette industrie. Nos communautés sont limitées en raison de leur infrastructure. Grâce au ministère des Affaires indiennes, nombre de villages et de municipalités au cours des 20 dernières années ont développé leurs secteurs riverains et veulent améliorer leur infrastructure au cours des 20 dernières années. Les communautés autochtones n'ont pas le droit d'investir dans ces secteurs pour nombre de raisons importantes. Des limites sont imposées quant aux programmes de développement qui ciblent l'infrastructure. Le gouvernement investit des montants limités dans des programmes qui permettraient d'assurer l'expansion de l'industrie touristique autochtone.
Le fait est que le tourisme autochtone accuse 40 ans de retard sur le reste de l'industrie touristique au Canada. Il nous faut agir pour rattraper rapidement le temps perdu. Nos jeunes sont impatients de devenir autonomes. Nous ne demandons pas la charité au gouvernement; nous voulons simplement créer des emplois dans les collectivités.
Il existe des défis au niveau du financement. Nous proposons un programme d'investissement quinquennal du gouvernement fédéral, pour un montant de 23,2 millions de dollars qui seraient répartis comme suit. L'organisation Tourisme autochtone Canada est composée de diverses associations touristiques autochtones régionales dont la marge de manoeuvre dépend du nombre de membres. L'investissement de ces associations régionales doit s'élever à 16,9 millions de dollars sur une période de cinq ans. L'investissement prévu pour l'association nationale s'élève à 1 266 500 de dollars pour 2005-2006 et 1,275 million de dollars pendant les années suivantes.
Les gouvernements provinciaux sont fortement encouragés à offrir un financement de contrepartie; nous avons déjà connu un bon succès dans le Nord de l'Ontario. Je crois que l'année dernière nous avons obtenu un investissement de 250 000 de dollars de la part du gouvernement de l'Ontario, une participation qui a en fait dépassé celle offerte par le gouvernement fédéral.
Nous désirons, à long terme, diminuer notre dépendance sur le financement gouvernemental, mais un appui financier s'impose entre temps. Ces investissements auront un impact économique considérable. Ils entraîneront une diminution de nos coûts sociaux, une augmentation des débouchés en matière d'emploi, de développement de nouvelles entreprises et une augmentation des revenus provenant des touristes étrangers. Dans le secteur touristique, lorsque des revenus proviennent de visiteurs au Canada, on parle d'un marché d'exportation. Il y aura donc également une augmentation des recettes fiscales.
L'impact social de ces investissements ne saurait être ignoré. Nous pourrons conserver les compétences linguistiques et traditionnelles qui représentent un volet important de notre culture. Nous pourrons également mettre en contact les jeunes et les anciens. Les anciens sont les gardiens des traditions de notre culture, et seront appelés à jouer un rôle très important dans l'industrie touristique culturelle.
J'aimerais maintenant passer aux divers secteurs d'activité. Je suis propriétaire d'un paquebot de croisière de 200 places à Kenora qui navigue sur le lac des Bois. Virginia Mackenzie exploite un village de tipis sans électricité qui est très populaire auprès des universitaires. Nous avons donc toutes sortes de secteurs d'activité possibles.
Nous offrirons une expérience canadienne variée. Pratiquement toute la publicité que l'on voit sur le Canada représente des Autochtones. Nous pourrons ainsi maintenir le caractère authentique des expériences culturelles.
Nous aimerions, et c'est une requête de taille, qu'on rétablisse le financement accordé au développement économique que le gouvernement fédéral a annulé. Il y a plusieurs années, nous avions accès à un investissement de 179 millions de dollars par année par l'entremise du ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord, mais le gouvernement a annulé son financement et Industrie Canada n'a pas remplacé ou augmenté ces montants. Ces investissements donnent un coup de fouet important aux économies des Premières nations. Encore une fois, ces investissements auraient un impact sur les investissements provinciaux qui n'ont pas encore été déterminés.
Notre message est le suivant : le tourisme autochtone est un moteur économique encore non exploité qui pourrait connaître une grande expansion. Tourisme autochtone Canada est la seule organisation au Canada qui appuie vraiment cet objectif.
La structure de base du tourisme économique autochtone existe déjà. Si on appuie cette infrastructure, l'industrie pourra prendre de l'expansion. Une industrie touristique autochtone dynamique peut contribuer de façon marquée au développement économique accru des Premières nations.
Nous avons apporté des documents. Nous avons également le texte de plusieurs études et des renseignements que nous pourrons fournir au comité s'il le désire. Nous serons très heureux de vous fournir tous ces renseignements. Nous ne voulions pas apporter des piles de documents aujourd'hui. Ils sont cependant disponibles. En fait presque tous ces renseignements se trouvent à notre site Internet. Nous avons un plan stratégique, un plan de communication, et nous sommes en train d'élaborer une stratégie d'information ciblant le gouvernement afin de mieux sensibiliser tous les intéressés à l'importance du tourisme autochtone.
Nous devons maintenant accroître notre part du marché du tourisme international. Nous devons mieux faire connaître TAC au gouvernement fédéral et au grand public.
Bref, et je m'écarte un peu de mon texte, comme je l'ai dit plus tôt, je m'intéresse vivement aux affaires communautaires et politiques depuis déjà 20 ans. J'ai noté pendant ces périodes que le nombre de jeunes au sein de nos communautés devient de plus en plus important. Lorsque je regarde nos jeunes aujourd'hui, je vois la passion qui les anime. Ils veulent aller de l'avant, mais ils deviennent également très impatients. Ils veulent que ces moteurs économiques et sociaux existent, ils veulent que le niveau de vie des communautés rattrape celui des autres collectivités canadiennes. Nous avons été très heureux des engagements qu'ont pris les gouvernements fédéral et provinciaux dans le programme de 10 ans, et nous avons hâte de voir les résultats de ces engagements.
Le président : Merci beaucoup, chef Luby. Je désire signaler que je viens des Territoires du Nord-Ouest. Avant que je devienne sénateur, ma femme et moi avions un gîte touristique. Nous avons accueilli nombre de touristes des quatre coins du pays et de toutes les régions du monde qui venaient visiter le Parc national Nahanni. J'ai constaté que ces gens qui venaient visiter une région différente du pays, le Nord, voulaient voir quelque chose de différent. Ils voulaient voir le territoire et les habitants. J'ai entendu des gens dire qu'ils voulaient venir visiter notre région du pays pour voir quelque chose de différent. Nombre d'entre eux viennent de grandes villes ou de milieux urbains, et ils étaient très heureux de voir des choses locales, tout particulièrement celles qui illustraient les peuples et la culture autochtones. Les touristes ont soif de voir des choses autochtones. Vous avez dit qu'il existe un marché et un intérêt pour le tourisme autochtone. Je suis heureux de vous l'entendre dire, et je suis heureux d'apprendre qu'il y a des gens comme vous qui cherchent à faire la promotion du tourisme autochtone.
J'aimerais signaler qu'un nouveau sénateur vient de se joindre à notre comité. Bienvenue au comité, sénateur Champagne. J'espère que vous ferez longtemps partie de notre comité. J'espère que nos travaux sauront vous intéresser.
Le sénateur Champagne : Je dois avouer qu'il s'agit d'un sujet que je connais peu. Je ferai de mon mieux pour rattraper le temps perdu et jouer un rôle utile au sein du comité. Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir accueillie si gentiment.
Le sénateur St. Germain : Je suis moi aussi très heureux d'accueillir le sénateur Champagne ce matin. De nouveaux sénateurs font partie du comité comme le sénateur Zimmer, le sénateur Peterson et le sénateur Lovelace Nicholas, qui ont déjà joué un rôle important dans nos travaux. Travailler avec un groupe de gens, comme mon collègue de la côte est, le sénateur Buchanan, est chose très agréable.
Merci, chef Luby, et madame Webber, d'être venus nous rencontrer ce matin. Comme le président l'a signalé, le comité s'est déjà déplacé. Nous essayons de découvrir pourquoi certaines collectivités autochtones réussissent alors que d'autres semblent avoir beaucoup plus de problèmes.
Chef Luby, j'ai eu le privilège cet été de visiter le territoire de la nation Crow au Montana. À mon avis, il n'y a pas de frontière qui sépare les peuples autochtones. Nos nations autochtones nord-américaines existent des deux côtés de la frontière. J'ai été tout particulièrement intéressé par la façon dont les gens réagissaient à ce dont vous nous parlez ce matin. J'ai participé à une importante réunion de la nation Crow et d'autres nations de la région aux États-Unis. Je crois que c'est le plus important rassemblement de tipis au monde, et cet événement a lieu juste à l'extérieur de l'endroit où a eu lieu la bataille de Little Bighorn. Pourquoi n'avons-nous pas pu profiter de cet intérêt touristique, comme l'ont fait nos collègues du Sud? Ils ont d'extraordinaires installations où les visiteurs peuvent vivre les traditions et la culture des Autochtones de la région. Je ne pense pas que nous ayons vraiment bien exploité cet atout. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, puisque vous êtes le président de l'association? Cette culture saura certainement intéresser les touristes.
J'étais en Angleterre pour jouer au golf il y a trois ou quatre ans. Je suis allé également à St. Andrews en Écosse. On m'a demandé à plusieurs reprises lors de ce séjour où on pouvait se rendre au Canada pour vivre l'expérience autochtone, pour voir des Autochtones qui portent leurs costumes traditionnels, pour voir des tipis, pour voir tout ce qui est autochtone quoi. Pourquoi n'avons-nous pas exploité cet intérêt?
M. Luby : J'occupe deux postes en fait, je suis le chef, mais je suis également le chef responsable au titre du Traité 3 des terres et des ressources. Je travaille également très étroitement avec le chef national sur divers dossiers. Je vous répondrai donc en termes plus généraux parce que cette question ne touche pas exclusivement le tourisme.
Je pense que l'une des réponses à votre question se trouve dans l'étude de Harvard sur les peuples autochtones, une étude qui a indiqué que l'autodétermination est d'une importance primordiale. L'autodétermination est essentielle pour les peuples autochtones.
Un autre aspect important pour nous est l'obligation de rendre des comptes. L'obligation de rendre des comptes ne peut pas passer par la Loi sur les Indiens. Cette loi ne permet pas la reddition de comptes au niveau des Premières nations. Nous devons apporter certaines modifications à cet égard pour permettre aux membres de la collectivité, et non plus au ministère des Affaires indiennes, d'assumer l'obligation de rendre des comptes. Les chefs de nos organisations pourront alors rendre des comptes directement aux membres de notre collectivité, ce qui nous permettra de progresser et d'assurer une stabilité à plus long terme pour ce qui est du gouvernement et des projets.
Le sénateur St. Germain : Nos jeunes Autochtones au Canada comprennent-ils la culture et les traditions comme ils le devraient, afin de pouvoir transmettre aux générations futures l'histoire romanesque et glorieuse de nos peuples autochtones? Cette culture et ces traditions sont-elles transmises d'une façon qui permettra de continuer à présenter l'histoire des peuples autochtones de cette façon-là? Vous avez parlé d'authenticité, ce qui revêt une énorme importance dans la vente d'objets artisanaux fabriqués à la main par nos peuples autochtones. Est-on conscient de l'importance de pouvoir continuer à transmettre cette culture et ces traditions et est-ce que l'on fait des efforts en ce sens?
M. Luby : Oui et non. Oui, ces connaissances sont transmises dans beaucoup de grandes tribus. Par exemple, la langue des Ojibwas n'est aucunement menacée dans un avenir prochain, mais il existe un certain nombre de langues dans ces cultures qui risquent de disparaître d'ici une ou deux générations. Étant donné qu'une grande partie de la culture repose sur la langue, la langue et l'éducation sont extrêmement importantes. Pour ce qui est de la culture, ce n'est pas simplement ce que l'on peut voir à la télévision; c'est un mode de vie, des valeurs et des principes qui sont enseignés et transmis. Ces aspects demeurent intacts. Ils ne disparaîtront pas. Ils vont au-delà des obstacles linguistiques. Ces aspects sont présents.
Pour ce qui est de la culture, du système de valeurs, il y a 150 ans nous n'avions pas de société économique. Les personnes les plus estimées étaient les chasseurs, les meilleurs pêcheurs, les guérisseurs, les artistes. La valeur d'une personne provenait de sa contribution à la collectivité. Dans le monde d'aujourd'hui, ce sont les possessions qui semblent importantes; il y a 150 ans, si j'avais quelques canots, une tonne de riz, quelques caribous et trois ou quatre tipis, au moment où je serais arrivé là où se trouvent les bleuets, les lacs auraient été gelés. Donc, cela n'était d'aucune valeur. C'est le système de valeurs qui est primordial.
Grâce au tourisme culturel autochtone, les aînés sont les gardiens des traditions culturelles, qui enseigneront et conserveront ces valeurs grâce au tourisme, parce qu'on ne peut pas monnayer la transmission de ces valeurs. Il faut que cela fasse partie du monde dans lequel vous vivez.
Le sénateur St. Germain : L'étude de Harvard sur les peuples autochtones, la notion d'autodétermination, est vraiment un message qui revient sans cesse. Monsieur le président, nous l'entendons d'un bout à l'autre du pays. Je trouve encourageant que dans le cadre de votre rôle de leadership, vous reconnaissiez et acceptiez les conclusions que Stephen Cornell et d'autres ont tirées dans le cadre de leurs études à Harvard. La reddition de comptes est le facteur qui, à mon avis, préoccupe le plus l'ensemble des Canadiens. Vous l'avez très bien dit, la reddition de comptes ne peut pas provenir du MAINC. Il faut qu'elle provienne du cœur et de l'âme de notre peuple autochtone.
Le sénateur Zimmer : Je tiens à vous remercier de votre présentation, qui met particulièrement l'accent sur le tourisme et les jeunes Autochtones. C'est l'une des causes qui me tient à cœur. Monsieur le président, c'est toujours avec plaisir et humilité que je prends la parole après mon estimé collègue, le sénateur St. Germain, qui m'ouvre toujours la voie. Par ailleurs, je suis heureux de constater la présence du sénateur Champagne, une personne qui a une solide expérience des arts et de la culture. Je suis heureux de travailler avec elle sur cette question. J'ai moi aussi une certaine expérience dans ce domaine.
Ma question porte sur les jeunes Autochtones et les Olympiques. J'ai participé aux Jeux panaméricains à titre de vice-président des festivals pour la Pan Am Games Society Inc. Par ailleurs, j'ai coprésidé la collecte de fonds pour les Olympiques à Vancouver à l'intention des athlètes. En ce qui concerne les jeunes Autochtones et les Olympiques, cela offre une incroyable possibilité de mettre en valeur votre culture, votre art, votre mode de vie, vos valeurs, vos jeunes et vos aînés.
Avez-vous communiqué avec le Comité olympique pour que vos jeunes Autochtones et vos aînés participent aux Olympiques de 2010, particulièrement aux cérémonies d'ouverture et de clôture et aux festivals?
M. Luby : Nous avons travaillé dans deux domaines. Il existe un Comité national du tourisme et du sport axé sur les Olympiques. Par ailleurs, en travaillant directement avec le Comité olympique, nous avons d'importants représentants de la Colombie-Britannique qui font partie du comité. Le chef Gibby Jacobs fait partie du comité général. Nous espérons par son intermédiaire avoir un lien direct avec le comité afin de prendre un grand nombre d'initiatives dont vous parlez.
Le sénateur Zimmer : Je peux vous donner le nom d'un type qui a travaillé aux Jeux panaméricains à Winnipeg; il est le principal organisateur des jeux à Vancouver, et son nom est Terry Wright. Il dirigera le côté administratif des Olympiques. S'il peut vous être d'une aide quelconque, je peux vous donner ses coordonnées.
Lors des Jeux du Commonwealth de 1997 qui se sont déroulés à Vancouver, les Autochtones n'y ont pas participé comme ils auraient dû le faire, en partie à cause de certains différends entre les jeunes et les aînés, et la participation du comité n'a pas été vraiment importante. En 1999, à Winnipeg, nous avons accru notre participation et nous nous sommes assurés qu'elle comporte un volet autochtone.
Comme je l'ai dit, si je puis vous être utile et vous mettre directement en rapport avec la personne à contacter, je me ferais un plaisir de le faire.
M. Luby : Cela serait très utile. Je vous remercie.
Le sénateur Peterson : Je suppose que Tourisme autochtone Canada est le groupe cadre national. À ce titre, établissez-vous une certaine norme quant au développement du tourisme? Si nous parlons de centres culturels et d'initiatives de ce genre, est-ce que chaque région fait tout simplement ce qu'elle veut? Avez-vous établi des paramètres quelconques en matière de développement? Comment cela fonctionne-t-il?
M. Luby : Je crois qu'il existe plus de 600 Premières nations au Canada. Si vous essayez de comparer cela à l'existence des dix provinces, cela vous donne peut-être une idée de la réponse que je vous donnerai. Cependant, nous examinons la situation sous l'angle du tourisme autochtone. Chaque région a une culture et une diversité qui lui sont propres. En tant qu'organisme national, nous ne pouvons pas dicter ce qui est acceptable dans une région et inacceptable dans une autre. Au niveau national, nous adoptons une perspective autochtone en matière de commercialisation axée sur le tourisme — une perspective de promotion et de développement. Chaque région doit se baser sur ces éléments fondamentaux et peut ensuite les étoffer et les élargir. Certains agissent à titre de bureau de développement économique. Nous ne pouvons pas leur dicter ce qu'ils doivent faire, et dans la région, ils ne peuvent pas dicter ce qu'il faut faire.
En Ontario, qui est une vaste région qui compte un certain nombre de zones visées par un traité, les interprétations et les idées diffèrent. Cela se résume à la région particulière, aux gens qui doivent participer à l'entreprise, en collaboration avec les aînés.
C'est une bonne façon d'administrer les choses sur le plan national parce qu'il est impossible que nous puissions dicter ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas. Il appartient aux gardiens des traditions de déterminer ce qui est sacré et ce qui ne l'est pas.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Chef Luby, croyez-vous que la réussite de chaque collectivité dépend de l'emplacement des collectivités des Premières nations. Je viens d'une petite collectivité. Je ne suis pas sûre de l'endroit où vous vivez.
M. Luby : Je vis à environ trois heures de route de Winnipeg, où se trouve l'aéroport international le plus proche. J'habite près de Kenora en Ontario, pas très loin au nord du lac des Bois.
Je répondrais oui et non à votre question à propos de l'emplacement. Dans les études faites par les organismes du tourisme, on met souvent l'accent sur le nombre d'heures de route des aéroports internationaux. Ce sont les facteurs les plus importants. Les transports sont une question incontournable. J'ai reçu un appel téléphonique d'une personne au nord de Yellowknife qui a désespérément besoin de gens dans le Nord parce que le nombre de touristes japonais qui visitent son site touristique, Aurora Village, a passé de 3 000 à 5 000. C'est un exemple d'une personne qui connaît beaucoup de succès à Moose Factory dans le Grand Nord. Le chef m'a indiqué que son village cri a récemment reçu un prix pour son centre de villégiature dans une collectivité accessible par avion. Il faut 36 heures par train pour atteindre la collectivité. Pour qu'une telle entreprise ait du succès et attire les milliers de touristes dont elle a besoin, il faut être proche des centres. Il existe un vaste marché à créneaux en matière de tourisme. Dans le cas de mon entreprise, j'ai fait des démarches pour trouver un marché à créneau outre-mer. On m'a dit qu'il me faudrait trois à cinq ans avant que ces efforts portent fruit. J'en suis à ma troisième année et j'ai été retenu par un grossiste en Europe. J'ai assisté à une foire commerciale de grossistes cette semaine où j'ai commercialisé mon programme, qui correspond à un maximum de 25. Il existe toute une foule de possibilités dans ce domaine.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Quel est le ratio hommes-femmes propriétaires d'entreprises dans votre collectivité?
M. Luby : Au conseil d'administration national, je crois que nous avons plus de femmes que d'hommes propriétaires d'entreprises. Elles sont très productives et connaissent beaucoup de succès. Au niveau local, en ce qui concerne les terres visées par le Traité no 3, nous éprouvons des difficultés. Il existe de nombreux problèmes et il est difficile d'inciter les gens à s'intéresser à l'industrie du tourisme. Il y a de nombreuses préoccupations et de nombreuses questions.
Je n'ai pas l'intention d'entamer un long débat, mais nous ressentons encore les graves séquelles laissées par les pensionnats, même si je crois comprendre que nous sommes sur le point de tourner la page, ce qui sera pour nous un grand pas en avant. J'aimerais remercier le gouvernement du Canada de l'initiative qu'il a prise à cet égard. Elle sera extrêmement utile.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Je suis heureuse d'apprendre qu'il y a plus de femmes que d'hommes qui exploitent des entreprises.
Le président : Ma question s'adresse à Mme Webber : Quelle est la taille de votre organisation? Où se trouve votre bureau national?
Linda Webber, directrice administrative intérimaire, Tourisme autochtone Canada : Le bureau de TAC est situé sur la rue Slater à Ottawa. À l'heure actuelle, je suis la seule employée à temps plein, mais j'ai deux employés à temps partiel. Nous représentons un conseil d'administration national qui se compose de bénévoles.
Le sénateur Buchanan : Monsieur Luby, quelle est la participation de votre organisation dans les provinces de l'Atlantique?
M. Luby : Charlie Sark est notre représentant du conseil là-bas et Joel Denny est notre aîné.
Le président : Je tiens à remercier les témoins de Tourisme autochtone Canada d'avoir comparu devant nous aujourd'hui, les renseignements que vous nous avez fournis seront utiles pour l'étude du comité.
M. Luby : Je tiens à vous remercier de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant vous. J'ai travaillé toute ma vie dans le secteur du tourisme. Au tout début, lorsque le Canada voulait développer l'industrie touristique, les gouvernements fédéral et provinciaux ont investi de façon considérable dans des études de faisabilité, de mise en marché et dans l'infrastructure physique traditionnelle. Si nous voulons développer le secteur autochtone de l'industrie touristique, il faudra jeter un nouveau regard sur la façon de faire. Jusqu'à présent, le gouvernement ne s'est occupé que de questions de marketing et de partenariat, ce qui est très bien pour une industrie en pleine maturité puisqu'elle a fait ses preuves. Lorsqu'une industrie n'a pas fait ses preuves parce qu'elle n'a pas reçu le genre d'investissement qui lui permettrait d'arriver à maturité, il n'y a alors rien dans quoi investir.
Mais, comprenez-moi bien. Il existe un peu partout au Canada de nombreuses entreprises autochtones florissantes. Lorsque l'on regarde la situation dans son ensemble, on peut constater que l'industrie ne s'est pas développée selon les possibilités indiquées dans des études qui prévoyaient un chiffre d'affaires de 2,7 milliards de dollars en l'an 2010, comparativement à 400 millions de dollars en 2002. Les possibilités sont énormes.
Il faudra des mesures directes et la collaboration de beaucoup de gens pour pouvoir réaliser de telles possibilités.
Le président : Nous accueillons maintenant les représentants de l'Association nationale des sociétés autochtones de financement. Nous avons avec nous ce matin Robert Ballantyne et Dan Brant. Nous vous souhaitons la bienvenue au comité. Vous pouvez commencer votre présentation.
Robert Ballantyne, président du conseil d'administration, Association nationale des sociétés autochtones de financement : Bonjour, mesdames et messieurs, membres distingués du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, et monsieur le président Sibbeston. J'habite à l'heure actuelle à The Pas, et je suis heureux d'être ici aujourd'hui.
Au nom de l'Association nationale des sociétés autochtones de financement, ou ANSAF, je suis honoré d'avoir été invité à prendre la parole devant vous aujourd'hui et à participer à votre étude des facteurs qui contribuent à la réussite économique des entreprises et des collectivités autochtones. Je profiterai de cette occasion pour déposer le document — et je crois que vous en avec un exemplaire devant vous — que l'ANSAF a rédigé précisément sur cette question dans l'espoir d'éclairer davantage le débat.
Le réseau de l'ANSAF a beaucoup à dire sur cette question et a formulé des recommandations bien particulières sur les moyens de surmonter les obstacles au développement économique dans nos collectivités. Nous sommes bien placés pour formuler de telles recommandations. En tant que réseau de prêts communautaires qui existe et qui fait ses preuves depuis près de 20 ans maintenant, notre réseau d'institutions financières autochtones, ou IFA, a débuté de façon modeste à la fin des années 80 et au début des années 90. Son objectif était de fournir des capitaux aux entrepreneurs autochtones potentiels qui n'avaient pas d'autres options de financement. Les défis étaient énormes — une clientèle présentant des risques élevés, de vastes territoires géographiques à couvrir et les difficultés de travailler dans des endroits éloignés, sans parler des innombrables programmes de prêts qui n'avaient pas répondu à nos attentes auparavant.
Quoi qu'il en soit, vous avez ici devant vous aujourd'hui le président d'un réseau de 60 institutions financières autochtones qui ont prêté plus de un milliard de dollars au cours des 20 dernières années. Nous avons appuyé la création de plus de 25 000 entreprises et plus de 30 000 emplois. Les entreprises que nous soutenons ont un taux de réussite pratiquement deux fois supérieur à la moyenne canadienne.
Les IFA appartiennent aux collectivités et sont régies par les collectivités qu'elles servent. La plupart du personnel local provient également de ces collectivités. Présent dans chaque province et territoire, le réseau appartient aux Autochtones et a une vocation communautaire. Je peux dire sans me tromper que le personnel des IFA connaît à fond les conditions de vie dans nos collectivités. Nous savons tous que la pauvreté généralisée et la dégradation sociale sont une réalité pour une bonne partie de notre population. Des tragédies récentes qui ont fait les manchettes telles celle de Kaschchewan sont davantage la règle que l'exception dans certaines collectivités et témoignent de la gravité de la situation. L'espérance de vie des membres des Premières nations est de cinq à dix fois moindre que celle du reste de la population, les taux de mortalité infantile sont deux à trois fois plus élevés, et le taux de suicide chez les jeunes des Premières nations est au moins cinq fois plus élevé que celui qui existe dans le reste du pays.
Le personnel des IFA sait également qu'il y a un décalage entre l'économie du Canada et l'économie autochtone. Les taux de chômage oscillent entre la moyenne canadienne d'environ 7 p. 100 jusqu'à un taux stupéfiant de 90 p. 100, ce qui est trois à quatre fois supérieur à la moyenne nationale. Le revenu autochtone par habitant représente en moyenne à peine 54 p. 100 de la moyenne canadienne. La dépendance et la privation sont omniprésentes.
Le développement et l'essor des entreprises représentent un moyen de se sortir de ces difficultés socio-économiques. L'ANSAF n'est pas la seule à le croire. De plus en plus, les dirigeants autochtones comprennent et conviennent que les entreprises commerciales, qu'elles soient privées ou communautaires, permettent aux collectivités de sortir de la pauvreté en améliorant les possibilités d'emploi, en produisant un revenu, en accroissant la richesse et en réalisant des investissements et en établissant des fonds propres dans nos collectivités. Le Truro Power Centre en est un bon exemple. Il appartient à la Première nation Millbrook Mi'kmaq de Nouvelle-Écosse et est exploité par elle. Un autre exemple est la St. Eugene Mission Resort des bandes Ktunaxa en Colombie-Britannique, ou la collectivité de la nation des Cris de Opaskwayak au Manitoba, où je travaille, où on célèbre le 30e anniversaire du Otineka Mall. On peut y constater les conséquences positives des entreprises commerciales pour notre collectivité.
Lorsque vous adoptez une approche axée sur les affaires en matière de développement et qui se fonde sur des principes économiques, le rendement des investissements pour l'ensemble de la collectivité peut être remarquable, tant sur le plan économique que social, et pas simplement pour les actionnaires et les investisseurs. L'ANSAF souscrit sans réserve à une approche en matière de développement économique qui se fonde sur des principes économiques. Notre structure de gouvernance et notre activité de prêt démontrent qu'il est possible d'exploiter les forces du marché sans compromettre la culture et les valeurs locales.
En ce qui concerne la gouvernance, les sociétés membres d'ANSAF appartiennent aux collectivités qu'elles servent et sont régies par elles, et leur effectif se compose en majeure partie de personnes provenant de ces collectivités. Les associations membres entretiennent des relations avec les dirigeants politiques et communautaires, relations qui ont été tissées au fil des ans dans un esprit de collaboration. Sur le plan commercial, les sociétés membres de l'ANSAF visent à être rentables et solvables tout en gardant toujours à l'esprit le fait que nous assurons un service communautaire.
Malheureusement, notre réseau ANSAF n'arrive pas à réaliser des économies d'échelle. Nous n'atteignons pas d'économies d'échelle à un niveau microéconomique individuel. L'ensemble des actifs à court terme d'un grand nombre de nos membres ne leur permettent pas de soutenir leurs énormes coûts de fonctionnement. Nous cherchons à être autonomes, mais nous étions sous-capitalisés dès le départ et nous continuons de l'être. De plus, malgré notre succès sans précédent, nous n'arrivons pas non plus à réaliser des économies à une échelle macroéconomique. Selon des calculs approximatifs, nous réunirons moins de 10 p. 100 des capitaux nécessaires pour répondre aux besoins des Autochtones. De façon plus générale, le réseau en tant qu'outil de développement et de croissance n'arrive pas à atteindre son plein potentiel. Nous avons une infrastructure nationale remarquable et nous avons prouvé que notre modèle fonctionne. Nous sommes prêts à assumer un rôle plus important dans le développement économique autochtone.
En ce qui concerne les prêts au logement et les crédits hypothécaires en particulier, nous sommes prêts pour une importante initiative qui permettra aux Autochtones d'être propriétaires de leur propre maison, de bâtir leur richesse, d'accroître la valeur nette de la collectivité et de commencer à développer un marché de l'habitation.
L'annonce qui sera faite à la réunion des premiers ministres de cette semaine, si elle a lieu, pourra nous donner un coup de pouce à cet égard. Nous espérons poursuivre cette initiative malgré tout, jusqu'à sa conclusion logique. Cependant, nous avons effectivement besoin d'aide. Nous avons besoin de capitaux supplémentaires et nous avons besoin de renforcement de nos capacités pour assumer et accroître notre rôle. Nous comptons sur le secteur privé pour nous aider à répondre à certains de nos besoins, et nous envisageons également des partenariats avec le gouvernement. Nous fonctionnons peut-être selon des principes économiques, mais un économiste reconnaîtra que les économies en difficulté ont besoin d'aide de temps à autre.
Je me permets de faire remarquer que le grand économiste Keynes a apporté de l'eau à notre moulin lorsqu'il a prononcé ces sages paroles à l'intention des gouvernements partout dans le monde : dépensez en période de récession, économisez en période d'expansion. C'est une idée qui a plu à Franklin Roosevelt à l'époque de la grande dépression, et je crois que c'est une idée qui nous convient. L'économie autochtone connaît une récession depuis trop longtemps et le moment est venu de la relancer.
Au nom des institutions financières autochtones de l'ANSAF, je tiens à vous remercier votre considération.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Ballantyne. En ce qui concerne toute cette question des Autochtones qui se lancent en affaires, je reconnais effectivement l'importance de vos organismes provinciaux — et je suis au courant des organismes d'investissement qui existent dans l'ensemble du pays. Il en existe un certain nombre dans les Territoires du Nord-Ouest et en Alberta. De toute évidence, ils jouent un rôle très important pour les Autochtones qui se lancent en affaires.
Quelle a été votre expérience pour ce qui est de financer des entreprises autochtones? La plupart des gens s'adresseraient habituellement à une banque. En affaires, il importe peu en fait que ce soit pour une personne autochtone ou non autochtone. Vous avez simplement besoin d'argent donc vous vous adressez à l'établissement le plus proche de qui vous pouvez emprunter de l'argent. C'est probablement encore la règle générale.
Quelle est votre expérience pour ce qui est d'aider ou de mettre l'accent sur les entreprises autochtones? Est-ce que vous jouez un rôle important, ou votre rôle demeure-t-il mineur dans notre pays?
M. Ballantyne : En ce qui concerne l'importance de notre rôle, notre réseau s'était doté de capitaux permanents représentant environ 200 millions de dollars, et ce montant a été quintuplé depuis notre création. L'année dernière, les prêts à la collectivité ont atteint un milliard de dollars, ce que je considère une réussite.
Lorsque notre organisme a été créé, on nous considérait comme des sociétés de capital autochtone et des organisations de développement de collectivités. Nous devions jouer le rôle d'institution de prêts au développement. L'idée au départ était que les clients qui n'étaient pas solvables et qui avaient besoin d'une aide supplémentaire s'adresseraient à nous. Notre rôle aurait consisté à leur prêter de l'argent et au fur et à mesure qu'ils bâtiraient leur réputation, ils s'adresseraient alors automatiquement à une institution financière.
Nous constatons que ce n'est pas ainsi que les choses se déroulent. Plutôt que d'être considérées comme des institutions de prêts au développement, je crois qu'il conviendrait davantage de nous considérer comme des prêteurs communautaires. Nous constatons que nos clients reviennent à nos diverses organisations à maintes reprises.
Nous savons tous qu'il est utile d'établir une réputation de solvabilité auprès d'une organisation. Ce même genre de rapport n'existe peut-être pas avec une autre institution financière. Ce n'est pas un problème propre aux Autochtones, bien que cela représente assurément une difficulté pour nous.
Enfin, je parlerai au nom de l'institution financière autochtone au Manitoba où je siège au conseil d'administration. Nous avons à l'heure actuelle un portefeuille de prêts d'environ 7 millions de dollars. Quatre-vingt-dix à 95 p. 100 de ces prêts sont fournis dans la réserve. Comme je l'ai déjà dit, il existe des dispositions de la Loi sur les Indiens qui nous interdisent de le faire, mais c'est ce que nous sommes en train de faire à l'heure actuelle. J'espère que cela répond à votre question.
Le président : Oui.
Le sénateur St. Germain : L'un des aspects concernant le développement économique de nos collectivités autochtones et de nos Premières nations, c'est la taille de certaines d'entre elles — ou elles ne sont tout simplement pas viables. Prenez une nation de 80 membres. La moitié d'entre eux sont des jeunes — c'est simplement une approximation — et l'autre moitié compte 50 p. 100 d'aînés, donc votre capacité se trouve vraiment restreinte. A-t-on songé à mettre sur pied des programmes qui regrouperaient certaines de ces collectivités pour leur donner la force du nombre?
Il ne faut pas négliger la force du nombre — et c'est l'une des questions qui a été soulevées au cours de nos délibérations. Je crois que c'était dans le nord de la Colombie-Britannique où nous avons entendu parler d'une petite bande qui connaissait un certain succès mais dont la capacité de poursuivre ses activités était restreinte à cause du nombre de ses membres. Elle n'avait tout simplement pas la possibilité de renforcer ses capacités en raison du petit nombre de ses membres. Votre organisation a-t-elle réfléchi à la façon dont on pourrait remédier à ce problème? Auriez-vous une recommandation à formuler, car s'agit-il d'un aspect qu'il conviendrait que nous abordions lorsque nous préparerons notre rapport?
M. Ballantyne : Je dois avouer que c'est un problème. Cependant, je vous dirai d'abord et avant tout que nous devons respecter l'administration locale et l'autonomie de chaque Première nation ou collectivité autochtone.
Il existe des mécanismes. Si vous me le permettez, je vous répondrai non pas en tant que président de l'ANSAF mais en tant que directeur exécutif du Swampy Cree Tribal Council au Manitoba, qui est mon travail quotidien. Les conseils tribaux sont une façon de se regrouper. Pour nous, il s'agit d'un groupement de huit Premières nations du nord-est du Manitoba et nous avons pris des mesures en matière de développement économique.
Au Manitoba, il y a également des groupes comme le Tribal Councils Investment Group of Manitoba Ltd., qui sont allés plus loin dans cette démarche. Non seulement on fait des affaires au niveau de la tribu, mais les sept conseils tribaux au Manitoba se sont regroupés pour pouvoir progresser. Donc il existe certains modèles à cet égard.
Cependant, notre peuple vit dans ces collectivités et ces territoires depuis le début des temps. Pour nous, songer à déplacer les gens ou à leur demander d'aller ailleurs — cela n'a pas fonctionné par le passé et je suis sûr que cela ne fonctionnera pas à l'avenir.
Je pense qu'un grand nombre des débouchés, et là où les institutions financières autochtones dans l'ensemble du Canada peuvent jouer un rôle important, c'est dans le secteur primaire. Permettez-moi de définir pour vous ce que nous entendons par secteur primaire. Il s'agit des dépanneurs, des épiceries, des stations d'essence, toutes ces choses que chacun d'entre nous prend pour acquis mais dont les Autochtones n'ont pas eu la chance d'être propriétaire par le passé. La création de ce secteur primaire ne remonte qu'aux dix dernières années — ou dans le cas de la nation des Cris Opaskawayak, à 30 ans. Même s'il s'agit de 80 personnes, ces 80 personnes doivent manger quelque part; ces 80 personnes doivent aller quelque part pour faire le plein d'essence. Je continue de penser qu'elles peuvent avoir cette industrie primaire, et ensuite, comme vous l'avez dit, pour des projets de développement plus poussés, elles pourraient envisager de se regrouper avec d'autres collectivités. Il existe des modèles qui ont fait leurs preuves.
Le sénateur St. Germain : Ne nous méprenons pas. Je ne suis pas en train de promouvoir... je pose la question.
M. Ballantyne : Je comprends.
Le sénateur St. Germain : En fait, l'assimilation n'a pas fonctionné. On en a fait l'essai, tout comme on a mis à l'essai diverses autres initiatives. Cependant, je crois qu'il y a des nations qui aimeraient agir.
Si notre comité a l'intention de formuler des recommandations, il ne sert à rien de s'inquiéter de Clarence Louis à Osoyoos ou de Robert Louis à Westbank ou du groupe de Squamish. Ces personnes ont réussi. Ce que nous tâchons de déterminer dans notre étude, c'est la façon d'aider les collectivités — et j'utiliserai un exemple extrême — comme celle de Davis Inlet à se remettre sur pied. Elles n'ont peut-être pas l'occasion comme la bande de Squamish d'avoir un important centre commercial comme Park Royal à Vancouver Ouest, mais au moins un semblant de développement économique.
Que l'on soit chasseur ou pêcheur, l'un de mes anciens patrons avait l'habitude de dire que le meilleur programme d'aide sociale au monde, c'est un emploi parce qu'il vous garde occupé. Je ne veux pas que vous pensiez que nous sommes en train de faire la promotion du regroupement. Cependant, si le regroupement est nécessaire, comment pouvons-nous en définir le mécanisme ou comment recommandons-nous que l'on prévoie un moyen de le faire?
Il s'agit d'un point de vue personnel de ma part. Le président et moi-même en avons discuté et je crois que nous sommes d'accord sur cette question.
M. Ballantyne : Ne vous méprenez pas. Je suis tout à fait d'accord avec les principes économiques et la notion du regroupement; c'est une notion valable. Je vous ai donné des exemples qui existent dans les collectivités des Premières nations et qui existent certainement au sein du réseau de l'ANSAF.
Les collectivités qui appartiennent aux 60 institutions financières autochtones agissent précisément de cette façon-là. Elles se regroupent; elles fournissent des membres au conseil d'administration. Ces organisations ne représentent pas une seule collectivité, donc on peut constater qu'il y a déjà regroupement. Le message que nous voulons transmettre aujourd'hui, c'est que nous avons un réseau qui existe pour encourager le développement économique et nous nous attendons à ce que l'on fasse appel à nous davantage pour aider le comité à mener à bien sa tâche.
Le sénateur St. Germain : Quelle est votre position concernant le partenariat avec des organisations non autochtones?
C'est une question que je me pose parce que j'ai un document devant moi qui indique que l'une des collectivités de la nation Haida essaie de faire quelque chose. Avez-vous une position sur cette question, à titre d'organisation?
M. Ballantyne : À titre d'organisation, je n'oserais pas me prononcer. Je pourrais en parler à titre personnel — et c'est ce que je préférerais faire aujourd'hui. Je considère que l'établissement de partenariats avec des entreprises non autochtones est approprié. Il va sans dire que nous devons savoir comment diriger des entreprises. C'est précisément ce qu'ont fait un grand nombre de modèles de réussite qui existent dans nos collectivités; ils ont fait appel au savoir-faire d'autres entreprises afin qu'elles nous montrent ce qu'il faut faire.
Nos collectivités comptent un grand nombre de personnes douées et intelligentes. Cependant, elles ne sont pas spécialisées dans des domaines particuliers. À l'ANSAF, nous avons signé des protocoles d'entente avec d'importantes institutions financières comme la Banque canadienne impériale de commerce. Nous avons reconnu que l'apport du savoir-faire de cette banque nous a permis d'améliorer nos activités. Nous sommes fermement convaincus de l'utilité de ce genre d'échanges.
Le sénateur Buchanan : Pendant que je vous écoutais, je songeais à la période de la fin des années 70, des années 80 et des débuts des années 90, c'est-à-dire la période de mon mandat de 13 ans comme premier ministre de la plus formidable province du Canada, la Nouvelle-Écosse. Au cours de cette période, les entreprises autochtones dans notre région se limitaient surtout à la pêche, à l'ostréiculture, à la trutticulture et aux activités de ce genre. Certaines avaient du succès, d'autres moins. L'ostréiculture avait beaucoup de succès au lac Bras D'Or de temps à autre. Nous avons commencé la trutticulture au Cap-Breton, mais cela n'a pas fonctionné.
Je suis très content de vous entendre parler de la réussite de Lawrence Paul et du centre commercial de Millbrook. Je recommande à tous ceux qui ont l'intention d'aller en Nouvelle-Écosse de prendre la route à partir de Truro jusqu'à Halifax et du côté droit de la route juste à l'extérieur de Truro, vous verrez probablement l'une des entreprises commerciales les plus florissantes au Canada à l'heure actuelle compte tenu de sa taille. Son expansion n'est pas annuelle mais mensuelle. Chaque fois que l'on passe devant en voiture, on voit de nouveaux édifices. Chaque mois, de nouveaux édifices sont en train d'être construits, grâce à Lawrence Paul et d'autres entrepreneurs de Millbrook. Vous avez parlé de partenariat avec les entreprises non autochtones. C'en est un bon exemple. Je pense que vous le savez. Lawrence Paul et son groupe ont réussi à établir des partenariats avec des entreprises dans toute cette région, ce qui a donné de très bons résultats. Le nombre de nouveaux emplois dans ce secteur commercial est tout simplement phénoménal chez les jeunes Autochtones.
Je vous mentionnerai un autre cas de réussite. Nous avons un jeune homme en Nouvelle-Écosse qui est diplômé de l'École de droit de Dalhousie, la meilleure école de droit au Canada en passant. J'en suis moi-même un diplômé. M. Christmas a obtenu son diplôme de l'École de droit et est venu à Toronto. En très peu de temps, il est devenu un avocat réputé à Bay Street. Il a renoncé à sa carrière et est venu au Cap- Breton pour y créer, avec d'autres partenaires, la Membertou Development Corporation. C'est un projet qui commence à prendre de l'essor, pas aussi rapidement que le secteur commercial de Millbrook, mais c'est un projet qui prend un certain essor.
Si vous êtes au Cap-Breton, dans la région de Sydney, allez au Centre des congrès de Membertou, qui a été terminé il y a deux ans et où se trouve probablement l'un des meilleurs restaurants de la région atlantique du Canada, restaurant qui est administré par le groupe Membertou. Le PDG est Bernd Christmas.
Ce sont deux exemples de la nouvelle orientation adoptée par des groupes autochtones de notre petite province qui décident de se lancer dans des secteurs commerciaux autres que la pêche, l'élevage de la truite ou du saumon, ce genre de choses. Nous sommes très satisfaits des initiatives qu'ils ont prises et nous sommes très satisfaits de constater votre participation à certaines de ces entreprises.
Le président : S'agissait-il d'une question ou d'un commentaire?
Le sénateur Buchanan : C'est mon discours.
M. Ballantyne : À force de parler d'huîtres et de restaurants, le sénateur nous a donné faim. Je pense que je devrai m'excuser et pour aller au petit-déjeuner.
Le sénateur Watt : J'ai remarqué en regardant cette carte que la Nunavik Investment Corporation fait partie de votre réseau national, si j'ai bien compris; est-ce exact?
M. Ballantyne : Oui.
Le sénateur Watt : Ce qui m'intéresse surtout c'est de savoir si vous avez suffisamment de fonds, c'est-à-dire le capital que vous obtenez du gouvernement, j'imagine.
M. Ballantyne : Oui.
Le sénateur Watt : Votre capital provient du gouvernement. J'imagine qu'il existe certaines restrictions sur la façon dont vous pouvez utiliser et investir ces fonds, n'est-ce pas?
M. Ballantyne : C'est exact.
Le sénateur Watt : Avez-vous la liberté de laisser ce capital croître avant de le prêter? Avez-vous une gestion de portefeuille au sein de la société qui peut s'occuper d'actions, d'obligations et de valeurs mobilières pour faire croître le capital de façon à ce que vous soyez plus indépendants et n'ayez pas à dépendre de l'aide financière du gouvernement? Pouvez-vous nous expliquer comment cela fonctionne et comment vous aimeriez que cela fonctionne, si vous avez suffisamment de fonds pour consentir des prêts et assurer l'efficacité de ces entreprises commerciales?
M. Ballantyne : Comme je l'ai dit, nous avons 60 institutions financières autochtones différentes d'un bout à l'autre du pays. Ce qui vaut pour l'une ne vaut pas forcément pour l'autre. En règle générale, il y a deux facteurs qui influent sur notre capacité à investir. Tout d'abord, il y a les critères qui énoncent ce que l'on peut faire. Il ne peut s'agir que d'instruments d'investissement garanti. Il ne peut pas s'agir de fonds spéculatifs. L'entente de financement ou de contribution que nous avons conclue avec Industrie Canada prévoit des limites. Deuxièmement, il y a le besoin exprimé. Lorsque des clients frappent à votre porte en vous disant qu'ils ont besoin d'argent, vous devez fournir cet argent. Si cet argent est immobilisé dans un fonds, cela vous prive de la marge de manœuvre dont vous avez besoin.
Au moment de la capitalisation des institutions financières autochtones, le groupe de sociétés appelé Sociétés de financement des Autochtones n'a pas obtenu de fonds d'exploitation. Ces sociétés devaient financer leurs opérations à même l'intérêt gagné sur leur portefeuille d'actions. Les clients remboursaient l'intérêt ainsi que tout intérêt potentiel perçu par l'entremise de placements sûrs.
Pour ce qui est de nos préférences, comme tout autre établissement financier, nous voudrions pouvoir tirer parti de toutes les occasions possibles pour étirer l'argent dont nous disposons. Notre succès s'accompagne de certains défis. Lorsque nous prêtons de l'argent à nos clients, c'est autant d'argent dont nous ne disposons plus pour prêter à un autre client. Dans notre réseau, le succès constitue un défi. Voilà qui explique qu'il soit nécessaire de recapitaliser le réseau.
Le sénateur Peterson : Je constate que vos 60 établissements financiers sont chargés de fournir des prêts aux entreprises comportant des risques élevés.
M. Ballantyne : C'est juste.
Le sénateur Peterson : Compte tenu de ce facteur et de la petite région géographique dans laquelle vous offrez vos services, faites-vous face à des difficultés en matière de liquidité?
M. Ballantyne : Les jougs d'opération dont j'ai parlé plus tôt créent des difficultés en matière de liquidité. Les prêts que nous consentons aux clients aggravent ces difficultés. Je voulais aussi vous parler des provisions pour perte sur prêts de notre réseau. Nous prêtons à des entreprises qui présentent des risques. Les statistiques que nous avons établies récemment montrent que les provisions pour perte sur prêts représentent environ 15 p. 100 de notre portefeuille. Ce taux est donc plus élevé que la moyenne. Je crois que ce taux est encore gérable.
Le défi pour nous consiste évidemment à obtenir les ressources nécessaires. Industrie Canada nous a récemment accordé des fonds pour recruter des agents de soutien opérationnels. Nous n'avons malheureusement pu en recruter que quelques-uns et non pas pour l'ensemble du réseau. Nous devons cependant pouvoir offrir ce genre de soutien opérationnel à nos clients pour les aider à rembourser leurs prêts et pour nous permettre d'aider la prochaine génération d'emprunteurs.
Le sénateur Peterson : Devez-vous vous autoréglementer dans ce domaine? Lorsque vous atteignez un certain niveau, devez-vous cesser d'accorder des prêts ou devez-vous renouveler vos actifs? Ces 60 établissements sont-ils réglementés par un organisme national?
M. Ballantyne : Chaque établissement financier autochtone conclut d'abord un accord de financement avec Industrie Canada qui comporte certains critères à respecter. L'ANSAF s'autoréglemente-t-elle? Pas pour l'instant. Nous établissons des statistiques en ce qui touche les meilleures pratiques. Nous voulons faire part à tous les membres du réseau des meilleures pratiques et nous avons recruté une équipe de spécialistes qui est chargée de recueillir ces données dans tout le réseau et de diffuser ces meilleures pratiques.
Ce que nous avons dit au sujet des Premières nations vaut aussi pour le réseau. Les 60 établissements financiers autochtones du réseau sont autonomes. Le principal objectif du réseau est de faire du lobbying pour le réseau, de comparaître devant des groupes comme le vôtre et de diffuser l'information voulue au sein du réseau.
Le sénateur Peterson : Ce réseau fonctionne-t-il d'après vous?
M. Ballantyne : Il pourrait être amélioré. Il va sans dire que nous cherchons toujours à nous améliorer.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Le succès des entreprises auxquelles vous prêtez est-il fonction de leur emplacement géographique?
M. Ballantyne : L'emplacement géographique est un facteur primordial pour ce qui est de la réussite économique ou commerciale. Le réseau des institutions financières autochtones est cependant vaste. Il connaît du succès dans tout le Canada et ce succès ne se limite pas aux grands centres urbains. Si vous jetez un coup d'œil à la carte — et je m'excuse du fait que tous nos membres n'y sont pas pour l'instant représentés parce que nous la mettons à jour —, vous verrez que ces établissements ne se trouvent pas seulement dans les grands centres urbains. Comme je l'ai dit, l'établissement financier autochtone au Manitoba connaît du succès et de 90 à 95 p. 100 de ses activités ont lieu sur réserve. Bon nombre de ces collectivités sont situées dans des milieux ruraux et dans des localités éloignées.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Si j'étais une femme autochtone recevant de l'aide sociale, me serait-il presque impossible d'obtenir un prêt?
M. Ballantyne : C'est toujours un défi auquel nous faisons face. Les entrepreneurs que nous appuyons sont des hommes, des femmes et des jeunes appartenant aux collectivités autochtones. Nous appuyons aussi certaines initiatives individuelles par l'entremise de réseaux de soutien. Nous demandons davantage de soutien. Les statistiques et les indicateurs sociaux nous obligent à faire mieux, mais je crois que nous pouvons dire que nos réalisations des 20 dernières années sont impressionnantes. Nous devons certainement exploiter à fond le potentiel du réseau.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Je le comprends. Je suis heureuse de voir qu'il existe un tel réseau dans l'Atlantique. J'ai essayé de communiquer avec ces responsables et lorsque je l'aurai fait, je vous en parlerai.
Le sénateur Zimmer : Je vous remercie de votre exposé. Il était très instructif. Le sénateur Buchanan a dit que votre réseau connaît du succès dans sa province. Il connaît aussi du succès au Manitoba. Comme vous le savez, je viens du Manitoba. On peut donner en exemple de réussite au Manitoba le centre commercial Otineka à The Pas. Avez-vous essayé de reprendre ce modèle ailleurs vu son lien avec les réserves urbaines? Que pensez-vous de cette idée? C'est un modèle qui a connu beaucoup de succès. C'est un modèle qui pourrait être repris avec succès à d'autres endroits et qu'on pourrait aussi lier à la question des réserves urbaines.
M. Ballantyne : Il est vrai que le succès de la nation crie Opaskwayak et du centre commercial Otineka mérite qu'on s'y attarde. Ce modèle pourrait effectivement être repris. J'appartiens au conseil tribal de la nation crie Opaskwayak.
Oui, nous avons déjà utilisé ce modèle. L'ANSAF elle-même l'a-t-elle utilisé? Peut-être. L'association compte un conseil d'administration. Je viens du Manitoba, mais le conseil compte des représentants de tout le pays. Je crois que la clé du succès du centre commercial Otineka est la vision sur laquelle reposait le projet. Le chef de cette communauté, feu Gordon Lathlin, voulait qu'on construise un centre commercial pour répondre aux besoins des Autochtones locaux. Les Autochtones constituent leur propre marché. Ils doivent en tirer parti. Il y a 31 ans, il n'y avait aucune activité au sein de l'OCN. Bien des gens pensaient que cette collectivité ne survivrait pas. Ses habitants étaient des assistés sociaux. On y trouvait des logements et un bureau de bande, mais c'était tout.
Le chef Lathlin et ses collaborateurs ont dit qu'il fallait construire un centre commercial. Au milieu des années 70, cette idée était tout à fait nouvelle, mais le chef Lathlin et ses collaborateurs ont tenu bon en raison de la vision qu'ils avaient, considérant leur collectivité comme un marché valable. Il y a toujours eu une économie autochtone, mais nous ne pensions pas en faire partie. C'était une économie qui appartenait à d'autres.
Ce projet mérite certainement d'être repris et nous y tenons beaucoup au Manitoba. Je suis toujours heureux de pouvoir en parler à mes collègues à l'ANSAF ou à un auditoire distingué comme le vôtre. Je crois qu'il faut faire connaître ce projet. Le centre commercial est un exemple de succès. Le magasin IGA local a un chiffre d'affaires d'un million de dollars et emploie de nombreux Autochtones. La station-service Shell est celle qui vend le plus d'essence dans tout l'Ouest canadien. Je pourrais vous donner beaucoup d'autres exemples semblables.
Je suis un partisan du développement des réserves urbaines. Nous devons permettre tant aux Autochtones qu'aux non-Autochtones de profiter de ce développement. Soyons honnêtes. Le développement économique des Autochtones et le succès des Autochtones profitent à tous. Ma famille et moi-même en profitons mais également mes voisins. Pour nous, c'est un développement qui est dans l'intérêt de tous. Prenons le cas de la centrale électrique Truro, de la nation crie Opaskwayak et du centre commercial Otineka. Il est vrai que de nombreux membres des Premières nations et des peuples autochtones travaillent dans ces endroits, mais ce ne sont pas les seules personnes à y travailler. Ces projets profitent à tous les habitants de la région. Je suis très favorable à ce genre de développement.
Le sénateur Watt : Je vais revenir au point que j'ai soulevé, pour aller un peu plus loin. L'entrepreneur qui recherche des capitaux vient vous voir d'abord, j'imagine, pour ensuite aller ou se faire diriger vers les institutions financières habituelles afin de négocier un emprunt pour compléter ses besoins. En ce qui concerne le risque de crédit, qui en sera responsable? Pourriez-vous me dire cela?
Faisons-nous affaire suffisamment avec les institutions financières telles les banques? Est-ce que nos gens sont traités équitablement? Est-ce qu'ils se débrouillent bien, ou devez-vous les aider afin d'assurer qu'ils obtiennent l'argent nécessaire afin que leurs entreprises puissent prendre de l'expansion?
M. Ballantyne : Vous voulez soir s'ils sont traités équitablement par les grandes institutions financières?
Le sénateur Watt : Quand quelqu'un reçoit de l'argent de votre part, quels sont vos rapports avec lui quand il s'adresse aux institutions financières pour obtenir les fonds supplémentaires dont il a besoin? À qui incombe le risque de crédit dans ce cas-là? Quel est votre rôle là-dedans.
M. Ballantyne : Il va sans dire que les 60 membres de notre réseau ont des rapports avec les banques. En effet, ils doivent pouvoir faire la compensation de chèques, investir et emprunter de l'argent, et les rapports avec les banques sont donc importants. Ces rapports peuvent être bons, mauvais ou indifférents.
Nous avons déjà conclu des ententes de prêts où nous partageons le risque dans le cas de certaines opérations de grande envergure pour pouvoir tirer profit de nos capitaux et de l'effet multiplicateur des capitaux prêtés par les institutions financières.
Je crois que les rapports devront être renforcés. Il existe d'autres possibilités pour permettre au réseau de l'ANSAF et à ses membres d'exploiter le rapport avec les grandes institutions financières. J'ai déjà mentionné le protocole d'entente que nous avons signé avec la CIBC. Il faut multiplier ce genre d'initiative.
Je dois avouer quelque chose. J'aimerais que cette information reste ici dans la salle — même si je sais que la séance est enregistrée. J'ai travaillé comme banquier pendant six ans — j'ai travaillé six ans à la CIBC. Quand je suis parti, j'étais gérant régional des opérations bancaires autochtones. Il faut sensibiliser beaucoup plus les institutions financières concernant les besoins des Autochtones. Les efforts que nous avons commencé à déployer à la fin des années 90 en tant que banquiers autochtones doivent se poursuivre. La société doit être amenée à nous comprendre en tant que collectivité et mieux connaître les possibilités qui se présentent à nous et les défis auxquels nous faisons face. Je suis content de voir que les médias en parlent davantage maintenant comme étant une responsabilité partagée et non seulement une responsabilité qui incombe à moi ou à mon chef; on la présente comme étant une responsabilité du Canada. Il faut relever ces défis conjointement.
Le sénateur St. Germain : Pour ce qui est des banques, les six grandes banques ont tendance à traiter tout le monde de la même manière — injustement. Elles vous donnent un parapluie seulement quand il fait soleil. Les mauvais jours, vous n'aurez rien du tout. Elles ne prennent aucun risque, et les coopératives d'épargne et de crédit ont d'habitude comblé la brèche. Quel est le rôle de ces coopératives? D'un point de vue historique, c'était grâce aux coopératives que bon nombre d'entre nous ont pu réussir, parce qu'elles nous ont aidés au stade où les grandes banques nous disaient de revenir après un an ou deux quand le bilan était positif. Avez-vous déjà travaillé avec les coopératives? J'ai eu moi- même des réactions tellement négatives de la part des grandes banques situées à Toronto que cela me rend vraiment triste. Elles sont censées aider des collectivités particulières. Elles ont établi des unités à l'intention des Autochtones mais elles n'ont pas vraiment fait quoi que ce soit pour les aider.
Pourriez-vous me donner vos observations sur cela, s'il vous plaît?
M. Ballantyne : Pour commencer, je ne vais pas faire intervenir mon expérience dans le domaine bancaire. Je ne suis plus banquier.
Quant aux coopératives d'épargne et de crédit, elles représentent certainement un modèle très intéressant pour nous. Le fait que le financement offert par les coopératives est axé sur les besoins des collectivités est important pour les 60 institutions financières autochtones qui forment le réseau de l'ANSAF. Je ne suis pas au courant de tout ce qui se fait avec les coopératives, mais je sais qu'il y a eu des discussions et que le modèle communautaire que représentent les coopératives, comme je l'ai déjà dit, ressemble beaucoup à l'approche que nous préconisons dans le réseau.
Le président : Sur cela, j'aimerais vous remercier, monsieur Ballantyne et monsieur Brant, d'avoir comparu ici aujourd'hui. Vous représentez des organismes qui sont très importants dans tout ce processus d'établissement en affaires par des Autochtones. Je vois ici la liste de certains de vos membres. Ces sociétés de placement, de fiducie et de développement dans toutes les régions du Canada sont des institutions qui aident et soutiennent vraiment les Autochtones qui veulent se lancer en affaires.
Notre comité sénatorial est en train d'étudier ce phénomène d'Autochtones qui se lancent en affaires. C'est évidemment une tendance stimulante et un phénomène qui se produit partout au pays. Pour les fins de notre étude, nous avons entendu des témoignages d'universitaires, des représentants du gouvernement, et plus récemment nous sommes allés en Colombie-Britannique et en Alberta. Nous prévoyons visiter les autres régions du pays, la Saskatchewan et le Manitoba d'abord, suivies du Québec et de l'Ontario, et enfin la région du sénateur Buchanan, les Maritimes. Je suis sûr que vous y serez pour nous montrer certaines des initiatives dont vous avez parlé.
La situation politique, malheureusement, nous empêche de poursuivre notre étude au cours des prochaines semaines et des prochains mois, mais nous allons finir par visiter toutes les régions du Canada. Nous allons rédiger un rapport qui sera utile à tout le pays, au gouvernement et aux peuples autochtones, qui soulignera les réussites et signalera certains des obstacles au succès autochtone dans ce domaine.
Merci beaucoup de votre exposé. Vos témoignages nous seront utiles pour notre étude.
M. Ballantyne : Merci beaucoup. Si nous pouvons vous être utiles en vous aidant à organiser des réunions, vous avez nos coordonnées pour communiquer avec nous.
La séance est levée.