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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 14 - Témoignages du 23 novembre 2005


OTTAWA, le mercredi 23 novembre 2005

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, auquel a été envoyé le projet de loi C-54, Loi visant à donner aux Premières nations la possibilité de gérer et de réglementer l'exploration et l'exploitation du pétrole et du gaz ainsi que de recevoir les fonds que le Canada détient pour elles, se réunit aujourd'hui à 18 h 23 pour étudier le projet de loi; et pour étudier afin d'en faire rapport la participation des collectivités des entreprises autochtones aux activités de développement économique au Canada.

Le sénateur Nick G. Sibbeston (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, je tiens à vous souhaiter à tous la bienvenue au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Ce soir, nous avons beaucoup de travail. Nous allons d'abord débattre du projet de loi C-54, qui traite du pétrole et du gaz des Premières nations et pour commencer, nous entendrons l'honorable Susan Barnes.

L'honorable Susan Barnes, secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord et interlocutrice fédérale pour les Métis et les Indiens non inscrits : Honorables sénateurs, j'apprécie énormément l'occasion de m'adresser aux membres du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones à l'occasion de l'étude du projet de loi C-54, qui est le projet de loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds des Premières nations et je suis ravie d'être ici en compagnie du chef Crowfoot, de M. Standingready, de M. Manyfingers et de leurs collègues. Je sais que vous êtes impatients d'entendre leurs exposés si bien que je serai brève.

Ce projet de loi comporte deux éléments. Tout d'abord, la gestion par les Premières nations des ressources pétrolières et gazières enfouies dans les terres qui leur appartiennent. Ce projet de loi va permettre aux Premières nations d'assumer totalement la gestion et le contrôle de tous les revenus tirés d'activités se déroulant sur leurs terres, revenus qui autrement seraient perçus et détenus par Sa Majesté selon la Loi sur les Indiens.

Ce projet de loi peut même servir les intérêts de Premières nations qui ne participent pas à la mise en valeur du pétrole et du gaz. Les collectivités pourront avoir accès aux fonds que le Canada détient pour elles et s'en servir dans d'autres secteurs de gouvernance et pour le développement économique de façon générale.

[Français]

Le projet de loi C-54 survient à un moment opportun, alors que votre comité vient d'étudier la question de la participation des collectivités et des entreprises autochtones aux activités de développement économique.

Au cours des audiences qui ont eu lieu le mois dernier dans la Première nation Tsuu T'ina en Alberta, les membres du comité ont eu l'occasion d'entreprendre témoigner des représentants des trois Premières nations qui ont pris part au projet pilote issu du projet de loi C-54.

Ces témoignages ont mis l'accent sur l'objectif plus large visé par cette nouvelle législation, soit de permettre aux Premières nations de favoriser le développement économique de leurs propres collectivités.

[Traduction]

La tribu des Gens-du-sang, les Premières nations Siksika et White Bear ont connu une croissance exponentielle grâce à la mise en valeur des réserves de pétrole et de gaz qui se trouvent sur leurs terres. Les emplois se sont multipliés et les redevances tirées de ces ressources ont contribué à l'amélioration de l'infrastructure physique.

Le projet de loi permettrait de faciliter la participation des Premières nations à la gestion et à l'administration des ressources en pétrole et en gaz. Les membres des Premières nations vont participer à chaque étape de la mise en valeur, de la prospection au forage, de l'extraction au raffinement, de la livraison du produit à l'assainissement des sites. L'expérience acquise grâce à la mise en valeur des ressources permettra aux Premières nations de tirer parti d'autres débouchés pour créer des emplois et garantir un avenir plus prospère à la jeune génération.

En plus de promouvoir le renforcement des capacités des Premières nations, le projet de loi équilibre efficacement pouvoirs et responsabilités. Toute Première nation qui choisit de se prévaloir des pouvoirs supplémentaires conférés par le projet de loi doit d'abord faire la preuve qu'elle peut gérer et administrer de façon responsable les ressources pétrolières et gazières et les revenus qui en sont tirés.

Une Première nation doit d'abord élaborer et ratifier des procédures quant à la perception et à la dépense des recettes, par exemple, et mettre en place des régimes pour gérer et réglementer la prospection et l'exploitation du gaz et du pétrole. Tous les processus et toute la réglementation doivent être conformes aux lois provinciales et fédérales, comme par exemple les exigences d'évaluation environnementale. En outre, un conseil de bande doit se soumettre à des règles de reddition de comptes et de transparence afin de ne pas susciter de conflits d'intérêts.

Je voudrais redire que le projet de loi C-54 est l'aboutissement d'une initiative défendue par les Premières nations mêmes. En effet, les Premières nations ont entrepris et mené à bien tout le travail préparatoire en vue de la rédaction du projet de loi. De plus, elles ont consulté leurs membres et obtenu leur appui lors de projets et de partenariats avec des groupes du secteur privé.

Le projet de loi C-54 offre beaucoup de latitude. Il donne des pouvoirs et des responsabilités seulement aux Premières nations qui le souhaitent. Je suis convaincue que les avantages potentiels du projet de loi C-54 inciteront plus de Premières nations à se doter de la capacité nécessaire pour se prévaloir des pouvoirs conférés par la loi.

[Français]

Honorables sénateurs, le projet de loi C-54 permettra aux Premières nations d'assurer la prospérité et la viabilité de leurs collectivités. Cette législation leur donnera les outils nécessaires pour réaliser leur plein potentiel économique et générera des avantages considérables pour tous les Canadiens.

[Traduction]

Je tiens à remercier les honorables membres de ce comité d'avoir accepté d'accélérer l'étude de ce projet de loi important.

Strater Crowfoot, chef, Première nation Siksika : Honorables sénateurs, je suis le vice-président de la Commission consultative de la fiscalité indienne. Je m'occupe du secteur du pétrole et du gaz depuis plus de 20 ans et pendant sept ans j'ai été le directeur exécutif et le chef de la direction de Pétrole et gaz des Indiens du Canada.

Cette loi vise à donner aux Premières nations les compétences et les outils leur permettant d'atteindre une plus grande autonomie économique. Le gouvernement du Canada appuie cette orientation.

Le projet pilote des Premières nations en matière de pétrole et de gaz représente une étape importante dans le cheminement vers la gouvernance. Il a fallu plus de dix ans pour réaliser ce projet qui accédait à une demande de la part de trois Premières nations. En effet, elles ont demandé en 1994 que le Canada prévoie un processus nous permettant de tirer parti de la valeur ajoutée à nos ressources en pétrole et en gaz.

Il est important que les membres du comité comprennent qu'en vertu du régime actuel, les Premières nations sont grandement limitées quant à l'utilisation qu'elles peuvent faire des recettes tirées du pétrole et du gaz. Nous ne pouvons pas les investir pour mettre encore davantage en valeur notre propre secteur pétrolier et gazier. Ce projet de loi va modifier les choses. Nous aurons la responsabilité de gérer nos propres affaires. Nous sommes prêts à assumer cette tâche. Nos Premières nations ont élaboré un code financier strict pour la gestion des revenus tirés du pétrole et du gaz et/ou celle des fonds détenus pour nous par le Canada.

Les chefs des Premières nations sont ici aujourd'hui pour parler du projet de loi et de l'incidence qu'il aura sur nos collectivités. Toutefois, le projet de loi aura des incidences positives pour le reste du Canada également. Le Canada a de plus en plus besoin de combustibles fossiles et les Premières nations pourront contribuer à en garantir l'approvisionnement crucial à l'avenir.

Actuellement, 250 Premières nations possèdent des ressources potentielles pétrolières et gazières et environ 55 d'entre elles disposent de baux ou de permis. Au fur et à mesure que cette industrie prendra de l'expansion, elle constituera un moteur puissant pour générer des débouchés économiques dans les réserves car elle constituera un fondement durable et solide pour d'autres industries majeures ou d'autres entreprises commerciales.

Grâce à ce projet de loi, nous disposerons de la compétence et du pouvoir législatif pour prendre toutes les décisions concernant la gestion des ressources pétrolières et gazières situées sur nos terres et les recettes qui en seront tirées. Ce projet de loi reconnaît notre droit inhérent d'édicter des lois en ce qui concerne les ressources situées sur nos terres. Autrement dit, nous pourrons compter sur une autonomie gouvernementale sectorielle en ce qui concerne cette ressource.

Nous aurons également la responsabilité de garantir que les normes écologiques prévues dans les règlements fédéraux et provinciaux sont respectées ou dépassées. Le projet de loi établira un régime général pour les Premières nations en ce qui concerne la réglementation des ressources pétrolières et gazières et il donnera également aux Premières nations la possibilité de choisir d'exercer tous les pouvoirs de gestion des sommes versées au Trésor public du Canada au nom de chaque Première nation.

Notre participation à ce processus avec le ministère des Affaires indiennes et Pétrole et gaz des Indiens du Canada a été capitale. Nous avons nous-mêmes établi l'épave du projet de loi, lequel sera soumis à nos membres sous peu pour ratification grâce à un référendum dans chaque collectivité.

Il est important de signaler que l'adhésion aux dispositions du projet de loi est facultative. Rien n'empêche d'autres Premières nations d'utiliser ce modèle ou de négocier un accord différent avec le Canada et le projet de loi n'a aucune incidence sur les accords existants.

Lors de l'élaboration du projet de loi, nous avons été guidés par le souci de ne pas en faire une loi générique et à tout usage. Toutes les Premières nations qui en ont exprimé le souhait pourront se prévaloir de ces dispositions. Nous sommes convaincus d'avoir réussi dans notre entreprise.

Au nom de nos collectivités, nous vous demandons d'appuyer ce projet de loi. Pour l'autonomie et l'indépendance économique des Premières nations, c'est un pas dans la bonne direction, ce qui est encore plus important.

Kirby Manyfingers, conseiller, tribu des Gens-du-sang : Je suis ravi d'être ici aujourd'hui avec vous. Je suis un membre du conseil de la tribu des Gens-du-sang.

La présentation de cette loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds des Premières nations nous satisfait énormément et plus particulièrement, parce que la démarche aboutissant à ce projet de loi est le fait des Premières nations si bien qu'elles peuvent réclamer en grande partie la paternité des dispositions et de l'orientation qui y figurent. C'est un élément important.

Il a fallu dix ans pour que le projet se concrétise et constitue la réponse même à notre requête de 1994 demandant que le Canada instaure un processus qui nous permettrait de tirer parti de la valeur ajoutée découlant de l'exploitation du pétrole et du gaz.

Les résultats obtenus au cours des dix dernières années sont impressionnants. On a pu constater une grande intensification des activités pétrolières et gazières sur nos terres. Les recettes supplémentaires se chiffrent en millions de dollars et nous avons pu constater que notre peuple a pu obtenir les compétences qu'exigent le contrôle et la gestion de nos ressources. Qui plus est, la qualité de vie de notre peuple s'est améliorée grâce à une activité économique plus intense et à la création d'emplois dans nos collectivités.

Quelques mots à propos des conséquences de cette activité plus intense dans le domaine du pétrole et du gaz pour ma tribu et notre collectivité. Depuis le lancement du projet pilote en 1995, nous avons constaté les développements suivants : avant 1995, il n'y avait que cinq puits de gaz dans la réserve. Grâce au projet pilote des Premières nations et à la promotion qu'en a faite la tribu des Gens-du-sang, nous pouvons désormais compter sur 137 puits de gaz et de pétrole actifs aujourd'hui.

Il y a dix ans la tribu recevait annuellement environ un million de dollars en revenus pétroliers et gaziers. Cette année, nous escomptons en recevoir dix millions.

Ces redevances, associées aux autres revenus, sont actuellement versées en fiducie au Trésor public. Les dispositions financières qui figurent dans le projet de loi C54 vont nous permettre de faire profiter les membres de notre collectivité de véritables bienfaits économiques et sociaux. Ce sont là des statistiques impressionnantes mais ce qui est encore plus impressionnant, ce sont les conséquences que cette prospérité économique a eues dans notre collectivité.

L'intensification de l'activité a permis à la tribu d'investir afin de sensibiliser la population aux nombreux débouchés que représentent l'activité pétrolière et gazière et les recettes qui en découlent.

La tribu a encouragé les jeunes à tirer parti des nombreuses carrières qu'offre le secteur. Ainsi, dès l'école primaire, nous organisons des foires scientifiques, nous offrons des incitatifs financiers pour les bons résultats scolaires à l'école secondaire et des bourses pour des études postsecondaires scientifiques.

Le projet pilote a été pour la tribu des Gens-du-sang un franc succès. Toutefois, la poursuite de ce succès n'est pas garantie. Elle dépend de l'adoption de ce projet de loi. Sans ce projet de loi, nous devrons continuer de compter sur des sources externes d'investissements dans le secteur pétrolier et gazier. La Loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds par les Premières nations nous permettra d'investir dans le secteur même et de tirer parti des bénéfices de ces investissements.

Enfin, si vous souhaitez que les Premières nations atteignent l'autonomie économique, vous devez appuyer ce projet de loi.

Bruce Standingready, Premières nations White Bear : Honorables sénateurs, bonsoir. Je suis un ancien conseiller des Premières nations White Bear. Je vous présente les excuses de notre chef qui n'a pas pu venir ce soir. Il y a des incendies chez nous et il doit s'en occuper. Il a besoin également de l'aide des conseillers.

Le projet pilote dure depuis dix ans maintenant. Dès le départ, j'y ai contribué en tant que technicien et je tiens à dire que je suis entièrement d'accord avec le chef Strater Crowfoot et le conseiller Kirby Manyfingers. Je pourrais vous parler longuement de ce projet mais tous ils ont tous les deux bien résumé les choses.

Nous avons connu une augmentation spectaculaire de la prospection et de la mise en valeur pétrolière dans la réserve White Bear depuis le lancement du projet pilote. Les chiffres satisfaisants depuis dix ans en témoignent. Nous sommes passés de quatre vieux puits qui s'appauvrissaient à 107 nouveaux puits creusés. Actuellement, plus de la moitié de ces puits produisent du pétrole.

Il faut que je vous dise que le chef Allan Maxie espère pour nous tous que ce projet de loi sera adopté rapidement.

Enfin, en mon nom et au nom de mes collègues, j'espère que les sénateurs se rendront compte de l'importance de ce projet de loi pour les Premières nations. C'est un premier pas vers une plus grande autonomie économique et il viendra en aide à nos nations soucieuses de concevoir et d'appliquer des stimulants en vue de la croissance économique de nos collectivités.

Le sénateur St. Germain : Ma question s'adresse à M. Beynon. Le sénateur Watt est ici et il est probablement mieux placé que moi pour approfondir cette question.

Il s'agit en effet de la clause de non-dérogation qui figure dans ce projet de loi et qui fait l'objet de controverse. Pouvez-vous nous dire en deux mots ce que vous en pensez.

Andrew Beynon, avocat général/gestionnaire, ministère de la Justice : La clause de dérogation se trouve au paragraphe 3(2) du projet de loi. Ce paragraphe dispose que rien ne portera atteinte à la protection des droits existants — ancestraux ou issus des traités — des peuples autochtones, découlant de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Ce libellé en particulier pour la clause de non-dérogation a été utilisé dans d'autres lois.

Une des difficultés en ce qui concerne les clauses de non-dérogation est le fait que plusieurs libellés ont été utilisés au fil des ans dans diverses lois. En l'occurrence, le libellé précise que rien ne portera atteinte à la protection conférée à ces droits dans la Loi constitutionnelle de 1982. Cela ne modifiera pas les règles usuelles d'interprétation de la Constitution ou de la législation fédérale en matière de droits ancestraux et issus des traités.

M. Crowfoot : Nous avons discuté à plusieurs reprises de cette clause de non-dérogation et nous en avons conclu que le libellé est à la satisfaction de nos trois Premières nations. Il protège nos intérêts. Ce libellé nous convient et nous voulons un aboutissement rapide du processus.

Le sénateur Peterson : Je suis nouveau au comité et je voudrais une précision. Chef Crowfoot, vous dites qu'il y a des limites importantes sur la façon dont vous pouvez disposer des recettes tirées du pétrole et du gaz. Qu'est-ce que cela signifie?

M. Crowfoot : Actuellement, les revenus tirés de nos ressources pétrolières et gazières sont versés à Pétrole et Gaz des Indiens du Canada et sont virés à nos comptes de gestion des immobilisations ici à Ottawa. Pour avoir accès à ces fonds, les Premières nations doivent faire une longue démarche. Selon la Loi sur les Indiens, ces fonds ne peuvent servir qu'à certaines fins. Nous n'avons pas la possibilité d'investir une partie de ces fonds dans nos propres activités. Notre réserve compte environ 500 puits et notre accès au capital étant limité, nous ne pouvons pas les mettre davantage en valeur et conclure des partenariats dans le secteur du pétrole et du gaz. Le référendum prévu dans ce projet de loi pavera la voie, nous l'espérons, à l'utilisation d'une partie de ces fonds dans le secteur du pétrole et du gaz.

Le sénateur Peterson : Il s'agit de votre argent, n'est-ce pas?

Le chef Crowfoot : Oui, c'est notre argent.

Le sénateur Peterson : Vous dites qu'il est versé dans un compte en fiducie. Quel intérêt ce compte porte-t-il?

M. Crowfoot : L'intérêt représente la moyenne du taux que portent les obligations de dix ans du gouvernement du Canada.

Le sénateur Christensen : L'article 4 du projet de loi exclut les terres de réserve situées au Yukon. Pouvez-vous développer cela. Je suppose que c'est en raison de l'accord-cadre définitif mais il y a encore trois Premières nations qui ne sont pas signataires à cet accord et qui n'ont pas ratifié leurs revendications.

M. Beynon : Vous supposiez juste. C'est bien la cause des accords sur les revendications territoriales et sur l'autonomie gouvernementale au Yukon et en raison de développement éventuel de ces derniers. La disposition limite l'application du projet de loi dans le cas du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut. En outre, à part ces arrangements particuliers qui s'appliquent au nord du 60e parallèle, il existe des dispositions législatives fédérales particulières en ce qui concerne les ressources pétrolières et gazières au nord du 60e parallèle et on prévoit que leur mise en valeur se fera selon ces dispositions plutôt qu'en vertu du régime décrit ici.

Le sénateur Christensen : Mais les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut ne figurent pas dans la loi.

M. Beynon : C'est juste, mais l'article 4 cite le Yukon et les terres éloignées selon la définition qui figure dans la Loi fédérale sur les hydrocarbures de sorte qu'elles sont couvertes.

Le sénateur Christensen : Et cela même si ces trois Premières nations n'ont pas ratifié et ne ratifieront peut-être pas l'accord-cadre définitif qu'elles contestent actuellement devant les tribunaux, n'est-ce pas?

M. Beynon : Je ne suis pas sûr qu'il y ait contestation devant les tribunaux.

Le sénateur Christensen : C'est de récente date.

M. Beynon : Ce projet de loi ne s'appliquerait pas. Les arguments devraient reposer sur l'autonomie gouvernementale ou invoquer d'autres mesures législatives fédérales qui s'appliquent au nord du 60e parallèle.

Le sénateur Christensen : La réponse à ma question maintenant est sans doute évidente mais je voudrais une précision. Je connais l'accord-cadre définitif. Quand tous les membres d'une bande inscrits sur la liste votent, il faut au préalable, selon la loi, qu'ils aient reçu un avis écrit. Je constate qu'il faut que 25 p. 100 de tous les électeurs admissibles participent au scrutin si bien que je présume qu'ils auront été d'abord avisés, n'est-ce pas?

M. Beynon : On prendra des règlements en vertu du projet de loi qui décriront en partie la procédure de scrutin. Je vais vérifier ces dispositions, mais je pense que les règlements exigeront un avis.

M. Crowfoot : Les dispositions législatives précisent un minimum pour nous, les Premières nations. Nous comptons sur une grande participation de nos membres, pour garantir qu'ils sont au courant de ce que nous avons fait au fil des ans mais quant au scrutin, la norme de ratification sera très élevée.

Le sénateur Christensen : Il est exigé que la majorité des électeurs doivent se prononcer en faveur et que le scrutin n'a pas de valeur à moins que 25 p. 100 des membres ayant droit de vote exercent ce droit.

Je vais vous poser maintenant une question qui porte davantage sur votre étude et je vous demanderais d'ajouter des détails. Vous dites que le projet pilote a duré dix ans. Au fil des ans, qu'avez-vous pu constater quant au nombre de jeunes ayant obtenu un diplôme d'école secondaire, poursuivi des études postsecondaires, acquis un métier, etc.? Y a-t- il eu une augmentation et un avantage pour vos bandes?

M. Manyfingers : Je crois que nous avons pu constater de nouveaux débouchés pour les jeunes. Jusqu'à récemment, la plupart des étudiants postsecondaires faisaient des études en sciences sociales. Nous avons sept avocats. Nous sommes pour ainsi dire autonomes pour ce qui est des enseignants, des travailleurs sociaux etc. Toutefois, nous manquions d'étudiants en sciences pures. Grâce au processus, nous pouvons compter désormais sur des étudiants qui travaillent directement avec les compagnies pétrolières dans la réserve. Certains de nos membres travaillent avec Pétrole et gaz des Indiens du Canada et à Calgary, et ils commencent à s'intéresser aux sciences pures comme la géologie et le génie. Nous avons fait la promotion de ces domaines. Nous sommes plutôt fiers de nos succès auprès des jeunes car nos étudiants qui ne songeaient même pas à ces domaines il y a dix ans y sont désormais ouverts.

Le sénateur Christensen : Savez-vous quel pourcentage de membres des Premières nations travaillent actuellement dans des compagnies pétrolières et gazières sur vos terres?

M. Crowfoot : Dans le cas des Siksika, tous ceux qui travaillent dans notre bureau sont membres de notre Première nation. Ils sont huit.

Le sénateur Christensen : Vous voulez dire dans l'industrie du pétrole et du gaz?

M. Crowfoot : Effectivement, dans notre bureau, ils s'occupent de ce projet en particulier. D'autres travaillent dans le secteur du pétrole et du gaz, sur les chantiers, à l'entretien, etc.

M. Standingready : C'est avec fierté que je dis que la totalité de notre personnel à notre bureau sont des diplômés du complexe éducatif White Bear. Sur le terrain, c'est également le cas.

Quant à la construction plus concrète, et au reste, c'est environ 50 p. 100, mais certains ne sont peut-être pas diplômés. Il semble qu'ils s'occupent davantage des métiers, de la manutention des machines. Nous avons un bon taux de 50 p. 100 dans les métiers et la prospection sismique. Dans notre bureau, la totalité du personnel est constituée de diplômés qui sortent de nos écoles.

Le sénateur Christensen : Avez-vous constaté une augmentation de la participation des membres de la bande après le début du projet?

M. Standingready : Auparavant, il n'y avait pas de travail sur les terres de la bande.

M. Manyfingers : Nous commençons à constater une grande activité hors réserve. Dans notre cas, ce sont les appareils de forage qui nous intéressent et ils se trouvent essentiellement dans le Nord.

Comme je vous le disais, certains de nos membres travaillent à Calgary dans de grandes compagnies. Tout cela est une retombée de l'initiative. Nous vous avons parlé des entités pétrolières et gazières qui sont totalement entre les mains de nos membres. Il y a également des entrepreneurs qui ont des contrats directs avec des compagnies pétrolières et gazières. Certains de nos membres s'occupent des systèmes d'adduction, etc.

Il est difficile de préciser un pourcentage car dans tout cela il y a des emplois directs et indirects.

Mme Barnes : Je voudrais ajouter un complément d'information à propos des règlements en réponse à la question du sénateur. C'est seulement une précision.

M. Beynon : J'attire votre attention sur l'alinéa 62a) du projet de loi où il est question de la réglementation du scrutin. Il s'agit d'une disposition qui établit le pouvoir de réglementer, en vertu du projet de loi, et il précise les modalités du scrutin. À cet égard, le sous-alinéa 62a)(ii) précise notamment les renseignements qui doivent être fournis aux membres des Premières nations et à d'autres avant la tenue du scrutin et il fixe également les délais.

Le sénateur St. Germain : J'espère que nous réussirons à adopter ce projet de loi car je crois qu'il est important pour les trois nations représentées ici. Sur ce, il faut que je vous quitte.

Le sénateur Zimmer : Avant que le sénateur St. Germain ne parte, je voudrais dire quelque chose. J'ai apprécié l'appui qu'il a donné au projet de loi hier. C'était très important et je lui en suis reconnaissant. Bon voyage.

Cet après-midi les représentants de ces trois nations sont venus à mon bureau et j'avais eu l'occasion de m'entretenir avec eux au cours des derniers jours. Les fonctionnaires du ministère ont répondu à toutes mes questions.

Toutefois, je tiens à ajouter que c'est avec un sentiment d'honneur mêlé de modestie que j'ai présenté ce projet de loi hier et je suis impatient d'en voir l'adoption. Je tiens à remercier Mme Susan Barnes, députée, qui m'a été extrêmement utile. Elle a passé des heures avec moi pour me mettre au courant, répondre à toutes mes questions et elle défend cette cause depuis fort longtemps. Je la félicite pour son travail efficace en vue de garantir l'adoption de ce projet de loi.

Le président : Je remercie les témoins. Nous avons eu la possibilité de discuter des enjeux. Il ne faudrait pas que le public ait l'impression que notre comité sénatorial n'a pas examiné cette question en profondeur. Nous avons eu la possibilité de rencontrer les fonctionnaires et les chefs concernés au cours des semaines et des mois passés. Ce printemps, j'ai rencontré les intéressés à Calgary et j'ai pu lire toute la documentation connexe et me familiariser avec tous les détails au cours des dernières semaines et des derniers mois. Par conséquent, je suis convaincu que notre comité a examiné le projet de loi en profondeur.

Le comité est-il prêt à étudier ce projet de loi, article par article?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Watt : Simplement pour apporter certains éclaircissements, la question de la disposition de non- dérogation existe depuis un certain temps, comme la plupart des gens le savent, surtout ceux qui travaillent au ministère de la Justice, aux Affaires indiennes et ainsi de suite.

Je suis heureux de vous entendre dire haut et clair que vous aimeriez que ce projet de loi soit adopté et que vous tenez à ce que personne n'y mette d'obstacles. Vous aimeriez que cela se fasse sans anicroche et qu'il n'y ait rien qui puisse susciter des doutes, que la loi soit adoptée ou non.

Ce n'est pas la raison pour laquelle je suis ici. J'appuie de tout coeur les personnes qui bénéficieront de ce projet de loi, mais j'ai des réserves en ce qui concerne la disposition de non-dérogation qui remonte je crois à 1996. Il existe environ six dispositions concernant la loi qui a été adoptée qui ont fait l'objet d'une interprétation, et qui doivent être revues à un certain moment. La meilleure façon de procéder pour l'instant consiste peut-être à adopter ce projet de loi parce que j'ai vraiment l'impression d'être suffisamment proche de vous — surtout que j'ai un ami proche qui profitera de ce projet de loi — pour ne pas essayer de faire autre chose que de l'appuyer.

J'aimerais dire que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a reçu du Sénat le mandat d'examiner l'argument particulier que j'ai présenté chaque fois que j'ai pu. Cela fait partie de mon travail. Je suis ici pour protéger les Autochtones, si je le peux. Mon travail consiste à dire certaines choses que divers ministères ou les Autochtones n'aimeront pas forcément.

Laissez-moi vous expliquer ce qui m'inquiète. J'avais un projet d'amendement qui aurait éliminé la protection prévue parce que les termes qui étaient ajoutés étaient tout à fait nouveaux. Cela ne rend pas compte des dispositions de l'article 25 de la Constitution. C'est tout ce que je suis en train de faire. Il ne s'agit pas de se priver de quoi que ce soit. Parallèlement, je répéterai que ce n'est pas l'endroit indiqué pour tâcher d'apporter les amendements si vous convenez avec moi qu'il s'agit d'une question que nous devrons revoir à un moment donné. Cela n'aura pas d'incidences sur vous en tant que bénéficiaires, mais nous devons éclaircir cette question parce qu'elle ne doit pas continuer à faire l'objet d'interprétation. Autrement, vous pourriez constater un jour que certains de vos droits ne sont plus des droits absolus. Que feront les tribunaux dans une telle situation? C'est ce qui me préoccupe.

Cela ne me préoccupe pas aujourd'hui parce que vous serez les bénéficiaires. Mais il est possible qu'au moment où on commencera à interpréter certains droits, ils pourraient se trouver affaiblis. C'est l'aspect qui me préoccupe. Comprenez bien que je n'essaie pas d'altérer ce qui a été proposé. Si vous êtes d'accord avec cela en tant que bénéficiaires, pourrions-nous ajouter aux observations qu'il faut que l'on examine la question? Nous avons besoin de certains éclaircissements de la part du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles à ce sujet.

Si les ministères n'y voient pas d'inconvénients, je suis prêt à en rester là.

Le président : Quelqu'un veut-il répondre à cela?

Mme Barnes : Je tiens simplement à dire que je comprends le sénateur. Nous avons discuté de cette question avant que soit présenté le projet de loi, et je pense que ce serait utile. Nous comprenons que le comité sénatorial a pour mandat d'étudier cette question et à participer activement à des études sur le développement économique. Je me ferai un plaisir d'en discuter et je vous suis reconnaissante de vos commentaires.

Parfois je pense qu'il est préférable de ne pas avoir de dispositions de non-dérogation, mais je connais un grand nombre de Premières nations qui aimeraient que l'on apporte cet ajout. Nous avons l'arrêt Sparrow, et nous savons également qu'en réalité, nous n'avons pas d'interprétation juridique claire de la part des tribunaux. Je pense que le sénateur a raison lorsqu'il dit que nous devrions en discuter à un autre moment. Entre-temps, je sais que vous devez consacrer votre attention à d'autres projets de loi qui ont été renvoyés au Sénat, donc je suis reconnaissante au comité de s'occuper de cette question d'une grande importance d'une façon très professionnelle.

Le sénateur Christensen : J'aimerais simplement ajouter que c'est une question à laquelle nos sénateurs des Premières nations travaillent depuis deux ans. Il y a quelques années on avait promis que l'on remédierait à cette question, et que l'on élaborerait une disposition de non dérogation acceptable qui pourrait faire partie de toutes les lois. Cela remonte à deux ans et nous attendons toujours.

Je pense qu'une observation serait tout à fait indiquée afin que cette question reste à l'avant-plan de nos préoccupations et que les gens comprennent qu'il faut s'en occuper.

Sénateur Watt : Il aurait été préférable, à mon avis, de n'avoir aucune disposition de non dérogation. Quoiqu'il en soit, elle existe et nous devrons nous en occuper. Les bénéficiaires de ce projet de loi l'acceptent, par conséquent abordons cette question par le biais d'une observation.

Le président : Sur ce, chers collègues, êtes-vous prêt à étudier ce projet de loi, article par article?

Si c'est le cas, j'indiquerai simplement que la procédure habituelle consiste à reporter l'étude du titre au long, du préambule et du titre court que renferme l'article 1. Le comité procédera-t-il de la façon habituelle?

Des voix : D'accord.

Le président : Les articles 2 à 5 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : Les articles 6 à 9 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : Les articles 10 à 16 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : Les articles 17 à 21 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : Les articles 22 à 33 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : Les articles 34 à 53 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : Les articles 54 à 61 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : Les articles 62 à 64 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : L'annexe 1 est-elle adoptée?

Des voix : D'accord.

Le président : L'annexe 2 est-elle adoptée?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 1, qui renferme le titre court, est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Le préambule est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Le titre est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Êtes-vous d'accord, chers collègues, pour que le projet de loi soit adopté sans amendements?

Des voix : D'accord.

Le président : Puis-je faire rapport de ce projet de loi au Sénat?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Watt : Avec des observations.

Le président : Sur ce point, sénateur Watt, vous êtes celui qui propose l'observation. Pouvez-vous nous la fournir maintenant?

Le sénateur Watt : Pas pour l'instant.

Le président : Par conséquent, sommes-nous en mesure de nous occuper de ces observations demain, lorsque l'on fera rapport du projet de loi?

Le sénateur Christensen : Il faudrait que le comité fasse rapport du projet de loi au Sénat, accompagné des observations.

Le président : Les observations écrites ne sont pas préparées. Pouvons-nous simplement, à ce stade, convenir de faire rapport du projet de loi et, sénateur Watt, vous pourriez peut-être vous occuper des observations ou des commentaires à l'étape de la troisième lecture?

Sinon, êtes-vous en mesure de préparer rapidement ces observations au cours des prochaines minutes afin que nous puissions en prendre connaissance?

Le sénateur Christensen : Est-ce que cela pourrait être fait avant que nous ajournions ce soir?

Le président : Êtes-vous en mesure de préparer ces observations rapidement et de nous les communiquer plus tard ce soir?

Le sénateur Watt : Je ne suis pas en mesure d'obtenir un avis juridique pour l'instant, mais je peux certainement faire de mon mieux.

Le président : Sur ce, par conséquent, nous...

Le sénateur Watt : Je pense qu'il faut aussi qu'il y ait une annulation.

Le président : Le projet de loi a donc été adopté, il ne reste plus qu'à y joindre les observations. Madame Barnes?

Mme Barnes : Je tenais simplement à apporter un éclaircissement. Je croyais comprendre que le Sénat avait déjà le mandat de faire cette étude. Je ne connais pas suffisamment bien vos procédures pour savoir si l'ajout d'une observation peut d'une façon quelconque influer sur l'adoption du projet de loi. Cela relève de votre responsabilité et non de la nôtre. Je tenais simplement à dire que nous serions heureux de participer à votre étude, mais cette décision ne relève pas de nous mais de vous.

Le président : Je vous remercie. Nous laisserons cette question de côté pour l'instant et nous attendrons que les observations soient rédigées, traduites et remises aux membres du comité. Avant la fin de la soirée, nous y reviendrons. Ce sera la dernière question dont nous devons nous occuper en ce qui concerne ce projet de loi.

Je tiens à remercier chacun d'entre vous pour vos présentations ici ce soir.

Le comité suspend la séance.

Le comité reprend la séance.

Le président : Chers collègues, nous avons le libellé de l'observation qui préoccupait le sénateur Watt : c'est un libellé avec lequel le sénateur Watt est d'accord, l'observation se lirait comme suit :

Ces dernières années, diverses dispositions non dérogatoires ont été ajoutées aux lois fédérales. Cela a créé de l'incertitude et des préoccupations pour les Autochtones, et il faut y remédier. En ce qui concerne la non-dérogation, le comité recommande fermement qu'une étude approfondie des dispositions non dérogatoires soit faite par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, dans les plus brefs délais, au plus tard le 30 juin 2006.

Convient-il que je fasse rapport du projet de loi au Sénat, accompagné de l'observation que je viens de lire?

Des voix : D'accord.

Le président : Nous avons donc terminé l'étude du projet de loi, j'en ferai rapport au Sénat demain.

Je vous remercie de votre assiduité et du travail que vous avez consacré à cette question.

Nous allons maintenant passer à notre étude concernant la participation des peuples et entreprises autochtones aux activités de développement économique au Canada. C'est une étude que nous avions débutée l'automne dernier. Nous avons visité le pays d'un bout à l'autre.

Il y a quelques semaines, nous étions en Colombie-Britannique et en Alberta. Cette étude en cours examine le phénomène de la participation autochtone dans le milieu des affaires. Le comité préparera un rapport de ses constatations. Ce soir, nous avons la chance d'accueillir des représentants de l'Arctique. Lorsque je vois Bill Lyall ici à Ottawa, cela me rappelle que l'Arctique n'est pas si loin que cela. Je souhaite la bienvenue à nos témoins du Nord : Mary Nirlungayuk, Carol Hunter, Lou Hammond Ketilson et Bill Lyall.

Carol Hunter, directrice exécutive, Canadian Co-operative Association : Merci et bonsoir. Honorables sénateurs, nous sommes heureux de vous présenter de l'information sur les coopératives qui sont l'un des modèles d'entreprise qui peuvent aider les collectivités autochtones à développer leurs économies. Nous espérons que notre présentation vous sera utile dans le cadre de votre étude sur le développement économique des Autochtones. Nous consacrerons notre temps ce soir à vous parler des coopératives dans les collectivités autochtones et des avantages qu'elles présentent. Nous vous raconterons la réussite de Arctic Co-ops Limited et du réseau de coopératives des Territoires du Nord- Ouest et du Nunavut. Nous mettrons l'accent sur certains aspects de votre étude, les principaux facteurs qui contribuent à la réussite des coopératives autochtones de même que les obstacles auxquels elles font face et nous vous indiquerons les éléments nécessaires pour permettre à un plus grand nombre de collectivités d'utiliser le modèle de coopérative.

Nous avons cinq recommandations portant sur la promotion accrue des coopératives, un meilleur accès aux ressources en développement, des ressources en capital affectées à des fins particulières, le renforcement des capacités grâce à l'éducation et à la formation et la nécessité, de la part des réseaux de coopératives, d'assurer un soutien permanent et la mise en commun des ressources. Mais avant d'aller plus loin, j'aimerais décrire brièvement ce qu'est une coopérative.

Une coopérative est une organisation qui appartient aux membres qui en utilisent les services. Les coopératives sont motivées par des préoccupations économiques et sociales. Ce sont des organisations communautaires qui se soucient non seulement des résultats financiers de leurs entreprises, mais aussi des besoins de leurs membres et de la qualité de vie de leur collectivité. Les coopératives diffèrent d'autres entreprises de trois façons distinctes : tout d'abord, les coopératives visent un but différent. L'objectif principal des coopératives est de répondre aux besoins communs de leurs membres, alors que la raison d'être principale d'une entreprise qui est la propriété d'investisseurs est de maximiser les profits pour ses actionnaires. Deuxièmement, les coopératives ont une structure de contrôle différente. Les coopératives utilisent la formule d'un vote par membre, plutôt que celle d'un vote par action qui prévaut dans la plupart des entreprises. Cela permet aux coopératives de répondre aux besoins communs plutôt qu'aux besoins individuels et cela représente une façon de s'assurer que ce sont les gens plutôt que le capital qui contrôlent l'organisation. Troisièmement, elles se distinguent par la répartition des profits. Les coopératives répartissent les profits parmi les propriétaires membres en fonction de leur utilisation des services, plutôt que du nombre d'actions détenues. Les coopératives ont aussi tendance à investir leurs profits dans l'amélioration des services aux membres et la promotion du bien-être de leur collectivité. Les coopératives reconnaissent l'importance des personnes et des collectivités qui définissent leurs propres besoins et travaillent en collaboration pour y répondre. Les coopératives favorisent l'entrepreneuriat collectif. Elles représentent un moyen puissant et démocratique de confier la prise de décisions à la population et constituent un moyen efficace d'accroître l'influence des Autochtones et de leurs collectivités là où ils vivent. Le Canada compte plus de 9 200 coopératives et caisses de crédit qui fournissent des produits et services à plus de 10 millions de Canadiens.

Permettez-moi de vous présenter les experts en coopératives autochtones qui m'accompagnent. Mme Mary Nirlungayuk siège au conseil d'administration de la Canadian Co-operative Association. Elle est secrétaire de direction de l'Association Arctic Co-operatives et travaille à partir de Winnipeg. Avant de s'établir à Winnipeg, Mary a travaillé pour la coopérative locale de la collectivité de Kugaaruk, au Nunavut. M. Bill Lyall est président de l'Association Arctic Co-operatives Limited et du Fonds de développement des coopératives de l'Arctique, le Arctic Co-operatives Development Fund. Il a parcouru les nombreux kilomètres qui séparent Cambridge Bay d'Ottawa pour vous rencontrer ce soir. C'est Bill qui était directeur de la coopérative local Ikaluktutiak à Cambridge Bay, et c'est grâce à son leadership qu'elle se place aujourd'hui parmi les plus grandes coopératives du Nord. C'est en août 2003 qu'il a reçu l'Ordre du Canada en reconnaissance de sa participation à l'expansion du développement économique dans les collectivités nordiques.

Enfin, Mme Lou Hammond Ketilson est directrice du Centre d'étude des coopératives de l'Université de la Saskatchewan. Elle est co-auteure d'une étude portant sur les coopératives autochtones au Canada dont elle vous dévoilera certains éléments aujourd'hui. Il s'agit d'une étude qui a été effectuée en collaboration avec le gouvernement fédéral, l'Assemblée des Premières nations et la Canadian Co-operatives Association. J'ai maintenant le privilège de céder la parole à Mary.

Mary Nirlungayuk, membre du conseil d'administration, Canadian Co-operatives Association : Merci, Carol. Bonsoir, honorables sénateurs. Ce soir, je vais vous expliquer dans quelles mesures les coopératives ont été bénéfiques pour les collectivités autochtones de l'ensemble du Canada. Il en existe environ 133 dont les membres sont majoritairement Autochtones. C'est dans le Nord, dans l'Arctique, qu'on en retrouve le plus, surtout dans les collectivités inuites, dénées et métisses. Dans quelques instants, M. Lyall vous expliquera brièvement le fonctionnement du système de coopératives dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut.

Dans le Nord québécois, la FCNQ, la Fédération des coopératives du Nouveau-Québec permet de répondre à une vaste gamme de besoins des collectivités isolées en denrées alimentaires et autres biens. Les coopératives agissent à titre de distributeurs, puisqu'on y vend objets décoratifs, riz sauvage, produits forestiers et poisson. Les coopératives, par leur structure opérationnelle, ont beaucoup contribué au développement socio-économique des peuples autochtones. En effet, on en voit les effets bénéfiques dans les collectivités éloignées, les réserves et les grands centres urbains. Le mouvement coopératif est axé sur la force à titre de fondement de l'épanouissement de notre peuple. Grâce aux coopératives, qui contribuent aux économies de diverses collectivités, des débouchés ont été créés dans des régions où il y en avait peu. Les coopératives, qui respectent les valeurs et traditions autochtones, ont un impact réel et répondent à de véritables besoins. Il est clair que le modèle coopératif convient aux peuples autochtones.

Il existe beaucoup d'exemples de réussite chez les Autochtones propriétaires de coopératives. Dans ma collectivité natale de Kugaaruk, le système coopératif comprend un magasin de détail, un hôtel, un réseau de câblodiffusion et des immeubles locatifs. Je pourrais vous donner d'autres exemples, mais me contenterai de vous citer les plus importants. Il existe également un régime de retraite pour les gens de plus de 55 ans. Grâce à ces entreprises, les membres de nos collectivités peuvent se trouver du travail, se former et suivre des études. C'est parce qu'elles sont soutenues par les collectivités et qu'elles s'intéressent à leur bien-être que les coopératives fonctionnent si bien. Par exemple, au centre- ville de Winnipeg, il existe depuis 1990 un supermarché qui s'appelle Neechi Foods Co-operative. En dépit de la concurrence féroce du secteur urbain, la coopérative a pris de l'expansion. Dans ce supermarché, on a toujours donné une chance à ceux qui en avaient besoin en offrant des salaires acceptables et en formant les employés. Par conséquent, ceux qui y travaillent s'investissent entièrement dans le bon fonctionnement de l'entreprise. De plus, les dirigeants de Neechi Foods ont démontré leur engagement envers le développement social positif en créant un programme d'aliments sains, des écoles, des centres pour les jeunes ainsi que des cliniques. Les décisions y sont prises démocratiquement.

Au Québec, les coopératives existent depuis longtemps et prennent la forme des caisses populaires. La Caisse populaire Kahnawake, créée en 1987, a joué un rôle important dans le développement de la réserve Kahnawake à une époque où la nation Mohawk tentait de revigorer sa culture et d'assainir son économie. La Caisse populaire et le supermarché Neechi Foods sont deux exemples qui démontrent à quel point l'esprit des coopératives est conforme aux valeurs autochtones. Un grand nombre de coopératives offrent des services dans différents domaines, comme le logement coopératif, la pêche, la forêt, la vente d'objets d'art et l'hôtellerie, et j'en passe. Nous sommes d'avis que le modèle coopératif est idéal pour les collectivités autochtones visant la réussite économique et le développement social positif. Je vais maintenant céder la parole à M. Lyall.

Bill Lyall, président du conseil, Arctic Co-operatives Limited : Bonsoir, honorables sénateurs. Merci de m'avoir invité à comparaître devant le comité. Je vais vous donner un bref aperçu du mouvement coopératif dans les Territoires du Nord-Ouest, au Nunavut et dans certaines régions de l'Arctique canadien. La coopérative est l'une des toutes premières entreprises exploitées au niveau local créée dans le Nord par des personnes ordinaires pour des personnes ordinaires. La première coopérative communautaire dans l'Arctique a été incorporée en 1959. Par la suite, dans les années 60 et 70, beaucoup d'autres communautés ont emboîté le pas en créant leurs propres coopératives locales. Le modèle coopératif axé sur la collaboration a été bien reçu dans notre collectivité parce qu'il correspondait à notre mode de vie traditionnel. Très tôt, les pionniers du mouvement coopératif ont tenté de tirer profit de cette nouvelle puissance économique. En effet, on se disait que si on pouvait générer une puissance économique en regroupant nos ressources et en travaillant ensemble au niveau local, tout était envisageable si on faisait la même chose au niveau régional ou encore territorial.

C'est en 1965 que des coopératives de l'Est de l'Arctique, en collaboration avec le gouvernement fédéral, ont incorporé une organisation dans le but de vendre des objets d'art. Quelques années plus tard, les coopératives de la région qu'on appelle aujourd'hui les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut ont créé une fédération de services coopératifs permettant de regrouper les pouvoirs d'achat et d'offrir une vaste gamme de services techniques, de gestion et d'entreprises.

Avec le temps, ces organisations ont été restructurées et sont connues aujourd'hui sous le nom de Arctic Co- operatives Limited. Notre réseau coopératif comporte aujourd'hui trois volets : les coopératives locales, la fédération de services et l'Association Arctic Co-operatives Limited, et notre volet financier, à savoir le Fonds de développement des coopératives arctiques, en anglais Arctic Co-op Development Fund.

Notre réseau comprend 33 coopératives générales exploitées au niveau local. Ces coopératives offrent toute une panoplie de services : vente au détail, hôtellerie, réseau de câblodistribution, distribution de carburant, vente d'objets d'art et immeubles locatifs commerciaux et résidentiels.

Ces 33 coopératives sont exploitées par plus de 19 000 personnes qui habitent dans la même collectivité que la coopérative.

L'année dernière, les coopératives ont brassé un chiffre d'affaires total de 128 millions de dollars. Elles détiennent des actifs communautaires d'une valeur totale de 112 millions de dollars. De plus, les intérêts détenus par les membres se chiffrent à 40 millions de dollars. Plus de 800 personnes sont à l'emploi des coopératives, qui ont contribué plus de 19 millions de dollars à l'économie du Nord par le biais de salaires et d'avantages sociaux.

Ce sont les coopératives locales qui détiennent et qui exploitent notre coopérative centrale de services, l'Association Arctic Co-operatives Limited. Les services qui sont offerts aux coopératives relèvent de différents domaines : comptabilité, scolarisation et formation, technologie de l'information, gestion, marketing ainsi que l'achat et le transport de marchandises pour les magasins de détail coopératifs.

En 2004, la Arctic Co-operatives a brassé un chiffre d'affaires de 93 millions de dollars. Notre base financière est solide, constituée d'actifs d'une valeur de 31 millions de dollars dont 22 millions de dollars reviennent aux membres des coopératives.

Notre volet financier, le Fonds de développement des coopératives arctiques, a été créé en 1986, à l'époque du partenariat avec les gouvernements fédéral et des Territoires du Nord-Ouest établi en vertu du Programme de développement économique des Autochtones, qu'on appelait à l'époque PDEA.

Aujourd'hui, on appelle toutes les organisations qui ont été créées en vertu de cet ancien programme Société de financement des Autochtones. Le Fonds de développement aide financièrement les membres à exploiter, moderniser ou agrandir leur entreprise locale.

Le Fonds de développement est un très bon exemple d'un programme gouvernemental qui aide les entrepreneurs autochtones sans ingérence dans les activités quotidiennes de l'entreprise. Les coopératives locales ont pu bénéficier d'un financement de plus de 300 millions de dollars, ce qui aide non seulement les entreprises elles-mêmes mais également les collectivités.

Honorables sénateurs, sachez que des personnes ordinaires dans nos collectivités arctiques ont accompli des choses extraordinaires. Nous vivons dans un des environnements les plus rudes de la planète. Nous sommes isolés du reste du Canada. Nous avons dû, en très peu de temps, nous adapter à de grands changements sociaux. Et pourtant, en dépit de ces obstacles naturels, nous avons travaillé ensemble pour bâtir un réseau impressionnant d'entreprises communautaires et économiques et sociales qui servent de modèle de développement autochtone au Canada.

Grâce à nos coopératives, nous avons jeté les bases d'une participation active des générations inuites, dénées et métisses aux affaires économiques et sociales de nos collectivités, de nos territoires et de notre pays.

Lou Hammond Ketilson, directrice, Centre for the Study of Co-opratives, Université de la Saskatchewan : Merci. Je vais terminer cet exposé en vous donnant un aperçu des facteurs qui contribuent au succès des coopératives autochtones aujourd'hui, en vous signalant les défis qui ralentissent la multiplication de ces coopératives et je vous ferai une recommandation sur les mesures à prendre pour donner de l'ampleur au mouvement coopératif autochtone.

D'après l'expérience acquise, on sait qu'il faut réunir certains facteurs pour que les coopératives autochtones démarrent et prospèrent. Tout d'abord, il faut un besoin. Les coopératives naissent d'un besoin au sein de la collectivité. On constate la plus grande efficacité et la plus grande longévité quand elles sont ancrées au sein de la collectivité et qu'elles ne découlent pas d'une stratégie imposée.

Deuxièmement, pour créer une coopérative viable, il faut d'abord une promotion active de la part de divers agents, soit des spécialistes en coopérative ou d'autres défenseurs du modèle coopératif, et il faut des programmes d'appui et des encouragements.

Les coopératives prospèrent quand les leaders au sein de la collectivité sont convaincus de la valeur du modèle, en connaissent le potentiel et ont accès aux ressources nécessaires pour leur établissement.

Les coopératives sont promises au succès quand la politique du gouvernement vient les appuyer grâce à des cadres qui en rendent la réalisation possible. En outre, il faut mettre à la disposition des coopératives autochtones qui démarrent des capitaux permanents qui leur sont spécifiques et veiller à leurs besoins en matière d'expansion et de fonds de roulement. Enfin, il faut des défenseurs du modèle, soit des agents externes, des fédérations ou des promoteurs engagés au sein du gouvernement ou du secteur coopératif.

Tous ces facteurs réunis contribuent au succès de la création des coopératives autochtones. On vous a parlé brièvement de certaines de nos expériences réussies.

Voici quelques défis que l'on doit surmonter si l'on veut que les coopératives autochtones se développent. Celui qui saute aux yeux est le manque de sensibilisation et le manque de compréhension en général qui entoure le modèle coopératif. Qu'est-ce qu'une coopérative? Comment fonctionne-t-elle? Comment une coopérative se démarque-t-elle d'un autre type d'entreprise et quel genre d'engagement signifie-t-elle?

La mise sur pied de coopératives autochtones joue un rôle central dans la prise de décisions qui influent sur le développement communautaire autochtone. On a appuyé ces entités comme mécanisme premier pour distribuer et gérer les fonds transférés par le gouvernement fédéral et pour mener à bien les négociations sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale.

Puisqu'il s'agit d'organismes de développement sans but lucratif, ces entités appuient activement les nouvelles entreprises autochtones et autres initiatives économiques. Il leur appartient de choisir le genre d'investissement et de modèle d'entreprise qui convient et elles ont tendance à préférer une approche collective plutôt qu'individuelle. Pourtant, le modèle coopératif n'est pas préconisé.

Ces entités jouent un rôle crucial dans le développement potentiel d'entreprises coopératives mais on ne connaît pas bien leurs opinions quant au modèle préconisé.

De façon générale, le modèle coopératif ne représente pas un choix possible pour le développement économique autochtone ou les initiatives dans les réserves. À preuve, les services gouvernementaux qui se consacrent aux coopératives ne traitent pas directement avec les collectivités autochtones et le modèle coopératif est mal connu au sein des services qui tracent l'orientation en ce qui concerne les Autochtones.

Enfin, les responsables du développement économique et des entrepreneurs au sein des collectivités autochtones ne connaissent pas non plus les coopératives comme type d'entreprise.

Il y a un autre défi. Il s'agit d'une entrave générale au développement économique et communautaire dans toutes les provinces en raison de complications politiques et doctrinales même si cela se traduit différemment suivant le contexte provincial ou territorial.

Il faut peut-être attribuer à ces entraves le succès mitigé et le peu d'enthousiasme pour le modèle coopératif au cours des dernières années. L'accès aux capitaux et aux programmes est inégal d'un bout à l'autre du pays à cause des différences d'orientation et de programmation. Les promoteurs qui misent sur les coopératives subissent souvent des frustrations par ce qui semble être une fragmentation des programmes, aucun d'entre eux n'offrant assez de financement pour le démarrage et le fonctionnement d'une coopérative.

Le double but de ces coopératives, soit économique et social, signifie qu'on dirige souvent les promoteurs d'un programme à l'autre, parce que les programmes existants ne servent que l'un ou l'autre.

Sur les réserves, le développement est à la fois aidé et restreint par les exigences de la Loi sur les Indiens. Les coopératives autochtones ont besoin d'autres sources de financement, car elles ont un accès limité aux sources traditionnelles de capital.

Les programmes de financement du développement des coopératives imposent parfois au monde très différent de la réserve des modèles traditionnels de coopérative. Parfois on ne sait pas si la société doit être constituée au niveau fédéral ou provincial ou quel type de coopérative devrait être sélectionné. Ces frustrations peuvent amener même les promoteurs de coopérative autochtones les plus engagés à chercher des modèles différents.

Alors, de quoi avons-nous besoin pour faire avancer le développement du modèle coopératif, un modèle qui, comme vous l'avez entendu, a prouvé sa durabilité culturelle à long terme et qui représente une réussite importante des entreprises dans les collectivités du Nord?

Nous avons quelques recommandations à vous proposer. Nous avons besoin de ressources du gouvernement dans les domaines suivants afin de permettre aux collectivités autochtones d'utiliser le modèle coopératif : nous avons besoin d'une plus grande promotion du modèle coopératif. Les Autochtones ont besoin d'information sur la façon dont les autres coopératives ont pu se développer dans d'autres collectivités autochtones et ce dont ils ont besoin pour démarrer une nouvelle société coopérative. Cette information peut provenir des agents de développement économique, des organismes de développement économique communautaire, des fonctionnaires ainsi que du secteur des coopératives. Cependant, des programmes de sensibilisation et une promotion active du modèle sont nécessaires.

Deuxième chose, nous avons besoin d'accès à des ressources de développement des coopératives qui sont adaptées au milieu culturel distinct. Tous les nouveaux groupes de coopérative ont besoin d'aide pour la planification et leur développement. Les groupes autochtones ont également besoin d'avoir accès à des promoteurs d'entreprises et de coopératives expérimentés qui peuvent les accompagner dans tous les stades de développement de la coopérative. Les coopératives autochtones ont besoin d'avoir accès à des programmes gouvernementaux fédéraux et ont besoin également de fonds qui leur sont consacrés, au sein des services consultatifs de l'initiative de développement des coopératives fédérale et du nouveau programme d'économie sociale.

Troisièmement, nous avons besoin d'un capital réservé à cette fin. Les fonds d'emprunt existants qui appartiennent aux Autochtones, tel que le Fonds de développement des coopératives de l'Arctique, et les institutions financières basées dans les collectivités montrent la façon dont les modèles financiers de coopérative peuvent s'orienter vers le développement économique axé sur les collectivités. Les coopératives autochtones dans d'autres parties du Canada ont besoin de capital réservé à cette fin, afin d'emprunter pour partir de jeunes entreprises, pour avoir un fonds de roulement et pour se développer. Ce capital devrait être contrôlé par le secteur des coopératives en partenariat avec des organisations autochtones.

La quatrième recommandation concerne la création de capacités par l'intermédiaire de l'éducation et de la formation. Les employés et les membres du conseil d'administration ont besoin d'une formation qui, elle, doit être financée. Les coopératives, comme n'importe quel autre type d'entreprise, ont besoin de chefs et de décideurs qui ont un sens aigu des affaires. De plus, ces coopératives ont besoin de chefs et de décideurs qui sont bien formés et qui savent ce qui est nécessaire pour travailler dans une organisation démocratique régie par ses membres.

Mon dernier point se rapporte au financement des réseaux coopératifs. L'un des principes de la coopérative est de travailler avec d'autres coopératives. Les coopératives autochtones ont besoin de se regrouper avec d'autres coopératives de leur secteur ou de leur région pour élaborer des services de soutien nécessaires, par exemple, la commercialisation conjointe, les services de gestion ou l'expertise financière. Les fédérations de coopératives peuvent jouer un rôle important en fournissant le suivi essentiel pour s'assurer de la durabilité de l'entreprise et du succès de la coopérative.

Nous vous remercions d'avoir écouté notre exposé ce soir. Nous sommes heureux d'avoir eu la possibilité de vous parler des coopératives autochtones, comme une partie essentielle du développement économique général des Autochtones.

Le président : Merci. Je sais que la compagnie de la Baie d'Hudson a ouvert les premiers magasins dans de nombreuses collectivités de l'Arctique. Plus tard, la coopérative a fait son apparition. Je sais que M. Lyall a travaillé pendant des décennies à développer ce mouvement coopératif dans l'Arctique et dans le Nord.

J'aimerais demander à M. Lyall de nous dire ce qu'il pense de l'avenir des coopératives dans le Nord chez les Inuits. Est-ce un avenir prometteur? Sentez-vous qu'elles sont menacées d'une façon ou d'une autre?

M. Lyall : Je pense que l'avenir du mouvement coopératif dans l'Arctique est très fort, ce qui est l'une des raisons principales pour lesquelles ces coopératives sont une réussite. Il y a une histoire à raconter sur la création de la fédération en 1972 : sur les 22 coopératives du début, il en reste 20 aujourd'hui. Le taux de réussite des jeunes entreprises dans le Nord est de 80 p. 100. Dans le Sud du Canada, c'est exactement l'inverse, le taux de réussite y est de 20 p. 100 seulement.

L'une des principales raisons de leur réussite, c'est qu'elles appartiennent aux gens du milieu. Ces personnes s'en servent comme elles avaient l'habitude de se servir des terres dans notre pays, pour subvenir aux besoins de chacune des petites collectivités. À l'époque, nous étions considérés des nomades. Nous ne restions pas à un seul endroit; nous nous déplacions toujours là où se trouvaient les ressources.

Lorsque nous avons été obligés de nous installer dans une collectivité, il était tout à fait logique que nous essayions de déterminer ce que nous pourrions faire de nos vies une fois que nous serions tous ensembles. Pour cette simple raison, on a commencé à s'interroger sur la façon dont on pourrait s'entraider dans une situation de ce genre et on a tâché d'y parvenir.

Quant à savoir si les coopératives continueront de connaître du succès, c'est ce que nous espérons. Au cours des 20 dernières années, un grand nombre de personnes ont appuyé leur coopérative locale.

L'une des raisons pour laquelle elles continuent de connaître du succès, comme vous l'a dit Mme Hammond Ketilson, c'est que les profits sont répartis entre leurs membres.

Il y a deux semaines, nous avons tenu notre assemblée annuelle à Cambridge Bay. Les personnes qui étaient présentes ont reçu près de 309 000 $ supplémentaires à dépenser pour la période de Noël.

J'espère que cela répond à votre question.

Même si la compagnie de la Baie d'Hudson a été la première organisation là-bas, elle envoyait nos fourrures ailleurs et l'argent ne restait pas dans les collectivités. Avec le système de coopératives, l'argent reste. Chaque dollar est réinvesti dans la collectivité. La compagnie de la Baie d'Hudson réinvestissait tout ailleurs que ce soit en Angleterre, à Détroit ou à Toronto. Dans notre cas, l'argent reste dans la collectivité.

Le président : J'ai beaucoup de respect pour le mouvement coopératif. Je sais en quoi il consiste. Je peux comprendre qu'il convienne sur le plan culturel aux Inuits, aux Dénés du Nord où on met en commun les efforts, les ressources et les profits, comme vous venez de le dire.

Dans bien des cas, ce mouvement représente l'arrivée des Autochtones dans ce monde tout à fait inconnu des affaires. Ce mouvement a-t-il incité des entrepreneurs à mettre sur pied leurs propres entreprises? Est-ce que le mouvement coopératif encourage ce genre d'initiatives?

M. Lyall : Lorsque le mouvement coopératif a débuté dans le Nord, il a créé un grand nombre des dirigeants de nos collectivités d'aujourd'hui. Certains se trouvent dans le reste du Canada, au Nunavut ou dans les Territoires du Nord- Ouest. La plupart de nos dirigeants aujourd'hui ont débuté en fréquentant le collège coopératif à titre de gestionnaires adjoints ou même de concierges ou de préposés à l'inventaire dans des magasins de détail ou comme chauffeurs de camions-citernes. À cet égard, je pourrais nommer John Ningark, James Eetoolook et Jack Anawak. Je pourrais nommer un grand nombre de gens qui ont commencé grâce au mouvement coopératif. Ce sont nos dirigeants autochtones d'aujourd'hui.

Je sais que notre propre magasin à Cambridge Bay est le meilleur. Après 16 heures, lorsque les enfants sortes de l'école, il y a un changement complet de personnel. Nos enfants d'âge scolaire viennent remplacer les adultes. Ils travaillent jusqu'à la fermeture du magasin.

Vous avez demandé si nous avons constaté qu'un grand nombre de gens lancent leur propre entreprise. Oui, nous l'avons constaté. Un grand nombre de personnes qui travaillaient auparavant pour la coopérative, qui ont commencé par balayer le plancher, puis sont devenus directeur-adjoint ou directeur, et qui ont gravi les échelons pour arriver là où elles le voulaient, ont alors lancé leur propre entreprise.

Le président : Mis à part le mouvement coopératif, il y a d'autres initiatives importantes qui ont été prises dans le Nord au cours des quelques dernières décennies, y compris la création du Nunavut et le règlement des revendications de la population du Nunavut, les Inuvialuits, etc. Quelle a été la relation entre les coopératives, le gouvernement et les instances de revendications territoriales? Les coopératives ont-elles été soutenues par ces nouveaux gouvernements et les organisations de revendications territoriales qui ont vu le jour au cours des dernières décennies?

M. Lyall : Lorsque les négociations sur les revendications territoriales ont commencé au début des années 70, nous faisions partie du comité négociateur avec les autres organisations autochtones qui existaient à l'époque. Avec le temps, on a considéré que le mouvement coopératif n'appartenait pas à des Autochtones à cause de sa composition et, par conséquent, on a rejeté notre participation et finalement nous n'avons eu aucune représentation à la table de négociation.

Je ne dirais pas que les organismes qui s'occupent de nos revendications territoriales ne nous appuient pas aujourd'hui, mais nous n'obtenons aucune aide financière de leur part bien que nous desservions la même clientèle. Tous les bénéficiaires sont membres de l'organisme chargé des revendications territoriales, NTI, mais nous sommes exclus d'une partie du processus. Nous comptons sur nous-mêmes et nous menons nos propres activités.

Nous voudrions que notre organisme chargé des revendications territoriales soit reconnu comme un organisme autochtone. N'importe qui peut en devenir membre, mais personne ne peut avoir la maîtrise exclusive de l'organisme. De cette façon, ce que nous possédons dans le Nord appartiendra aux résidants du Nord qui, espérons-le, vivront dans cette partie du pays pendant encore longtemps.

Le sénateur Christensen : Il semble que les coopératives connaissent plus de succès dans le Nord où les Dénés, les Inuits et les Métis constituent la majorité. Est-ce juste?

M. Lyall : Oui.

Le sénateur Christensen : Est-il vrai que dans les parties nordiques des provinces où les personnes des Premières nations constituent la majorité, les coopératives connaissent plus de succès que sur les réserves et les terres régies par les traités?

Mme Hammond Ketilson : C'est vrai de façon générale. Le plus grand pourcentage de coopératives se trouve dans le Grand Nord. Le reste des coopératives sont réparties dans tout le Canada. On en trouve dans le Nord, dans le Sud, dans des collectivités urbaines et des collectivités rurales, sur les réserves et hors de celles-ci. On les trouve partout.

Il est vrai qu'on trouve moins de coopératives sur les réserves. La création de coopératives dans ces collectivités est entravée par toutes sortes d'obstacles ainsi que par le fait qu'on comprend mal ce qu'est une coopérative de façon générale. C'est peut-être parce que les résidants de ces collectivités connaissent mal ce concept.

Le sénateur Christensen : Est-ce que l'absence de fonds de démarrage est l'un des principaux obstacles auxquels les coopératives sont confrontées?

Mme Hammond Ketilson : C'est un important aspect de la question.

Le sénateur Christensen : Vous avez aussi dit qu'il est important qu'un groupe donne des orientations et de l'aide. Quel est le rôle de la Canadian Co-operative Association? Ne seriez-vous pas le groupe tout indiqué?

Mme Hunter : Nous avons joué un rôle dans le lancement en 2002 d'une campagne échelonnée sur plusieurs années en vue de trouver des ressources pour mettre en œuvre le premier programme de création de coopératives au Canada. C'est l'initiative de développement coopératif. Dans le cadre de cette initiative, il y a une enveloppe connue sous le nom de services consultatifs. La Canadian Co-operative Association et le Conseil canadien de la Coopération gèrent conjointement les fonds prévus pour la mise en œuvre de cette initiative dans le cadre de laquelle de petites sommes d'argent sont accordées à des associations provinciales comme la Ontario Co-operative Association et l'Arctic Co- operatives Limited dans le but de créer des coopératives dans diverses localités.

La bonne nouvelle, c'est qu'il s'agit du premier fonds général mis sur pied pour favoriser la création de coopératives; mais ce fonds de 5 millions de dollars échelonnés sur cinq ans équivaut à un million de dollars par année répartis entre 17 organismes; 60 000 $ pour créer des coopératives dans le Nord n'est pas suffisant. Dans le mémoire que nous avons soumis au ministère des Finances, nous avons réclamé des fonds additionnels pour cette initiative. Puisque nous sommes un organisme national, nous n'aidons pas les coopératives sur le terrain. Nous essayons d'aider nos partenaires au pays, comme Arctic Co-ops, à le faire.

Le sénateur Christensen : Vous n'êtes pas en mesure d'aider ces organismes à créer des coopératives?

Mme Hunter : Non. Nous faisons le travail de promotion et nous cherchons à obtenir les ressources voulues pour leur permettre de le faire.

Le sénateur Christensen : Je vous ai demandé comment vous faisiez participer les jeunes aux activités des coopératives. M. Lyall m'a dit qu'après l'école, les jeunes à qui l'on donne une certaine formation, s'occupent des magasins. Est-ce le cas dans de nombreuses coopératives ou est-ce le cas dans une région en particulier?

M. Lyall : C'est le cas dans au moins 90 p. 100 des coopératives du Nunavut. Je ne suis pas sûr que la collectivité Déné fasse la même chose. Nous essayons de trouver les ressources voulues pour nous permettre de mener nous-mêmes des activités de sensibilisation et de formation, mais c'est difficile, en particulier en raison de la situation démographique dans le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest.

Vous avez demandé comment on s'y prenait dans le Sud. On connaît davantage les coopératives dans le Sud parce que nous avons fait du travail de promotion. Les entreprises du Sud ne sont pas les seules qui mènent des activités dans le Nord. Nous y sommes présents et nous avons des organismes multiservices. C'est la façon dont fonctionnent les coopératives. Dans une localité qui compte peu de résidants, un magasin seul ne survivrait pas. Nous devons aussi se lancer dans le domaine pétrolier ou dans le domaine hôtelier pour compléter le reste.

Nous recevons de nombreuses demandes de petites localités autochtones dans le nord des provinces. Nous espérons que le mouvement suscitera plus d'intérêt et qu'il pourra aider les gens pendant de nombreuses années.

Le sénateur Christensen : Ce serait un lieu de formation excellent pour les jeunes sur les réserves. Ils pourraient ainsi acquérir des compétences qui leur serviraient ensuite lorsqu'ils quittent les réserves pour aller dans des grands centres; ils trouveraient de l'emploi beaucoup plus facilement.

Les coopératives s'intègrent bien à la culture des Premières nations parce que c'est la façon dont fonctionnent notamment vos gouvernements.

Le sénateur Peterson : Je pense que c'est Mme Hammond Ketilson qui a dit que vous aviez besoin de fonds d'immobilisation pour vos projets de développement. Comment pouvez-vous obtenir ces fonds? Pouvez-vous le faire en hypothéquant certains actifs, des bâtiments ou des terres, ou faudrait-il créer une sorte de fonds pour le développement du Nord?

Mme Hammond Ketilson : Tout dépend où le développement a lieu. On ne peut pas hypothéquer quoi que ce soit sur les réserves, mais ceux qui vivent hors des réserves peuvent avoir des actifs qu'ils peuvent donner en garantie pour obtenir un prêt.

Ce serait un bon point de départ si nous disposions de ressources pour créer des coopératives ou pour aider les personnes qui souhaitent en créer dans leur collectivité. Les coopératives ont des besoins en capitaux qui diffèrent. À titre d'exemple, je travaille actuellement sur un projet de création de coopératives de vente au détail sur des réserves. Ces coopératives peuvent avoir accès à diverses sources de fonds. Elles ne peuvent cependant pas obtenir de fonds pour constituer un inventaire. Elles doivent faire preuve de créativité pour être en mesure d'approvisionner leurs magasins. Un fonds comme l'Arctic Co-op Loan Fund favoriserait la création de coopératives.

Le sénateur Watt : [Le sénateur Watt parle en langue autochtone.]

Je vous remercie de comparaître devant le comité. Le Sénat aime toujours entendre ce qu'ont à dire les résidants du Grand Nord.

Ma question porte sur le coût élevé des transports et le coût élevé de la vie. Que faites-vous pour en tenir compte? Pourriez-vous nous donner des précisions à cet égard? Comment tenez-vous compte du fait que les Inuits peuvent avoir besoin d'un produit et que des taxes sont imposées sur ce produit? On impose aussi des taxes sur les frais de transport. On ajoute d'autres taxes lorsque le produit est mis sur les rayons dans le Nord. Comment tenez-vous compte du coût élevé de la vie et du coût élevé des transports?

M. Lyall : On nous pose cette question chaque fois que nous présentons un exposé comme celui-ci. Dans le monde du commerce, il faut bien que quelqu'un paie ces taxes. Comme partout ailleurs, c'est l'acheteur qui paie. Tous les coûts, qu'il s'agisse du transport aérien, du carburant, de l'électricité fournie par les services publics, se répercutent en bout de ligne sur l'acheteur.

Le sénateur Watt : Sur le consommateur?

M. Lyall : Oui.

Si l'on a augmenté quelque peu la subvention sur les produits alimentaires livrés par la poste, le gouvernement a augmenté le prix du carburant, ce qui, à son tour, a fait augmenter le prix de l'électricité. Tout cela annule en partie l'effet des subventions.

Je ne suis pas en mesure de l'expliquer comme pourrait le faire un universitaire qui a l'habitude de ce genre de choses, mais quel que soit le montant que nous ayons reçu à titre de subvention, cet argent se trouve réduit par l'accroissement, par exemple, du prix du diesel, avec lequel nous alimentons nos génératrices. On nous donne quelque chose d'une main, mais on nous le reprend aussitôt de l'autre parce qu'il nous en coûte plus cher pour faire fonctionner nos congélateurs et tous les autres appareils nécessaires pour préserver les aliments qui se trouvent sur les rayons.

Le sénateur Watt : Au fil des ans, il y a eu des discussions entre les deux fédérations coopératives, celle du Nunavik et celle du Nunavut. On a parfois eu l'impression que les deux groupes se dirigeaient, peut-être pas vers une fusion, mais vers une relation plus étroite. Que se passe-t-il à cet égard? Cherche-t-on toujours à accroître la collaboration entre ces deux groupes du mouvement coopératif, ou les efforts en ce sens ont-ils plus ou moins cessé?

M. Lyall : Nous discutons toujours de ce genre de collaboration. Nous nous sommes même lancés un moment donné dans une coentreprise. Même si nous sommes très proches, nous sommes très différents. Peut-être allons-nous poursuivre les discussions, mais de toute manière l'avenir est incertain, parce que les choses sont en train de changer, que nous le voulions ou non, parce que tout coûte plus cher. Les choses sont en train de changer pour le mieux, à mon avis. Nous espérons qu'à l'avenir il ne sera pas nécessaire de poursuivre les discussions à cet égard, mais nous allons quand même pouvoir nous rencontrer pour échanger sur notre façon respective de faire les choses. Je ne suis pas vraiment au courant de ce qui se passe à l'heure actuelle.

Le sénateur Zimmer : Je siège à ce comité depuis peu de temps, mais je ne cesse d'être épaté par les histoires de réussites. Nous en avons ici un bon exemple.

Plus de 100 coopératives sont exploitées par des peuples autochtones. Combien d'employés ont-elles environ? Pourriez-vous faire la ventilation et nous dire combien de ces employés seraient des femmes autochtones? Vous pourriez peut-être aussi nous dire quelle est la proportion de jeunes, de femmes et d'anciens.

Mme Nirlungayuk : Je ne peux que vous parler de la région où j'ai grandi, une des régions qui réussit à employer un plus grand nombre de femmes. Je ne sais pas pourquoi, mais nous comptons plus de femmes dans notre main-d'œuvre. Il y a une espèce d'équilibre. Pour ce qui est du conseil d'administration, nous cherchons à améliorer la situation. Dans notre collectivité, quelque 98 p. 100 des Autochtones travaillent dans le mouvement coopératif. La direction, par contre, est surtout composée de non-Autochtones.

Le sénateur Zimmer : Y a-t-il des multinationales qui seraient susceptibles de venir vous faire concurrence? Avez- vous de la concurrence dans la région?

M. Lyall : Vous avez demandé combien de personnes nous employons. Dans mon exposé, j'ai indiqué que nous avions 800 employés pour l'ensemble des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut. Notre main-d'œuvre est composée d'environ 40 p. 100 de jeunes qui sont toujours aux études.

Il y a plus de femmes que d'hommes qui travaillent dans le mouvement coopératif. Pour ce qui est de notre coopérative de Cambridge Bay, notre conseil d'administration comprend neuf personnes qui sont toutes des bénévoles, trois hommes et six femmes.

Le sénateur Zimmer : C'est pas mal. Plus on monte dans la hiérarchie, les pourcentages changent-ils au niveau de la direction et du conseil d'administration?

Mme Nirlungayuk : Pourriez-vous, s'il vous plaît, répéter la question?

Le sénateur Zimmer : Quand on passe des simples employés aux gestionnaires et aux cadres supérieurs, les pourcentages restent-ils à peu près les mêmes ou commencent-ils à changer en faveur des hommes?

Mme Nirlungayuk : Ils changent effectivement, mais nous essayons de maintenir l'équilibre en ce sens que nous ne faisons pas de différence entre les hommes et les femmes, que je sache; ces postes sont ouverts aussi bien aux femmes qu'aux hommes : nous avons donc un équilibre.

M. Lyall : À Cambridge Bay, la directrice générale est une femme, la directrice adjointe est aussi une femme, tandis que le responsable de l'épicerie est un jeune homme.

Le sénateur Zimmer : Y a-t-il une tendance importante de la part des grandes sociétés à venir vous faire concurrence?

Mme Nirlungayuk : Dans les petites localités isolées, nous avons de la concurrence de la part de Northern Store. Dans les plus grands centres, nos concurrents sont les Wal-Mart, Sears et Canadian Tire.

Le président : S'il n'y a pas d'autres questions, je tiens à vous remercier tous et chacun d'être venus de si loin.

Sur une note un peu plus légère, ici, dans le Sud, tout donne à penser que le gouvernement vit ses derniers jours. Nous aurons des élections très bientôt, si bien que beaucoup d'hommes et de femmes politiques vont faire campagne pendant le temps des Fêtes. M. Lyall, vous qui vivez à Cambridge Bay, qui se trouve assez près du pôle nord, là où vit le Père Noël, avez-vous quelque chose à nous dire au sujet de ce qu'il est en train de faire ces jours-ci? Il devra peut-être venir dans le Sud pendant l'hiver puisqu'il n'y aura peut-être pas beaucoup de place pour lui avec tous ces politiciens qui vont aller faire du porte à porte.

M. Lyall : Ce que je souhaite pour Noël, c'est que le nouveau gouvernement, quel qu'il soit, prenne vraiment le temps d'examiner attentivement notre situation dans le Nord. Nous faisons partie du Canada, et j'ai notamment essayé d'amener le gouvernement à nous aider du côté des services bancaires. Il n'y a pas de services bancaires dans la plupart des localités du Nord. J'ai travaillé d'arrache-pied pour qu'une institution bancaire semblable aux coopératives de crédit que vous avez ici vienne offrir ce genre de services dans le Nord, parce que les banques ne fonctionnent pas comme les coopératives de crédit. J'aimerais bien que le gouvernement comprenne que nous avons effectivement besoin de services bancaires dans le Nord.

Je pourrais vous raconter des histoires au sujet de la façon dont nous faisons nos opérations bancaires à Cambridge Bay. Je viens tout juste de raconter à quelqu'un qui est des nôtres aujourd'hui ce que nous faisions pour déposer notre argent quand nous avions trop de liquidités. Nous remplissions nos bordereaux de dépôt comme tout le monde, et nous mettions l'argent dans un sac bien marqué au nom de la co-op, puis nous nous rendions à l'aéroport pour demander s'il n'y avait pas quelqu'un qui s'en allait à Yellowknife. Si nous trouvions quelqu'un, nous lui demandions de bien vouloir déposer l'argent à la CIBC. Voilà comment nous faisions nos opérations bancaires jusqu'à tout récemment.

J'aimerais que le gouvernement se penche sur cette question. Nous avons un plan d'action pour l'établissement d'un système bancaire qui fonctionnerait à peu près de la même façon que celui des coopératives de crédit; voilà peut-être ce que je demanderais pour Noël.

Le président : Je sais qu'il y a ceux, surtout des enfants, qui aimeraient bien savoir que le Père Noël et son épouse sont très occupés à fabriquer des jouets qui pourront être distribués, peut-être par les coopératives ou de quelque autre façon.

Merci pour votre témoignage et merci d'être venus de si loin.

Nous accueillons maintenant les représentants de l'Association nationale des agents du bâtiment des Premières nations, MM. Bud Jobin, Keith Maracle et John Kiedrowski. Soyez les bienvenus.

Keith Maracle, coprésident, Association nationale des agents du bâtiment des Premières nations : Merci de nous donner ainsi l'occasion de présenter un exposé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

Nous savons que nous ne disposons que de dix minutes pour notre exposé, et nous avons déjà envoyé un mémoire au comité. Nous allons vous présenter un bref aperçu de nos principales réussites, des obstacles à surmonter ainsi que de nos recommandations. Mon collègue, Bud Jobin, va s'attarder à l'organisation et aux réussites, tandis que je vous parlerai des obstacles et des recommandations.

Bud Jobin, coprésident, Association nationale des agents du bâtiment des Premières nations : Depuis sa création, l'Association nationale des agents du bâtiment des Premières nations a réalisé beaucoup de projets, tous axés à la fois sur l'accroissement des occasions d'affaires pour les inspecteurs et sur les conditions de logements.

Parmi nos grandes réalisations, nous comptons la mise sur pied d'un site Web qui fournit de l'information sur le secteur, l'élaboration d'une norme professionnelle nationale relativement aux connaissances et aux compétences exigées des inspecteurs et la création d'un conseil d'accréditation indépendant qui est chargé d'accréditer les inspecteurs des Premières nations.

Nous avons également mis au point des méthodes normalisées et un code de déontologie pour guider les inspecteurs dans l'exercice de leur profession. Nous avons jeté des bases solides qui contribueront à faire la promotion de notre activité en tant que profession.

Notre association, qui représente les inspecteurs des Premières nations, a reconnu plusieurs réussites clé qui ont donné lieu à d'excellentes occasions d'affaires.

Pour commencer dans nos réussites et nos éléments essentiels, sachez que notre organisation est un excellent exemple de la capacité à se développer. Avant notre création, les agents du bâtiment des Premières nations d'un peu partout au Canada avaient très peu l'occasion de communiquer les uns avec les autres, de réseauter et de se consulter sur des questions techniques, de constructions domiciliaires, d'occasions d'affaires, de développement des compétences et de formation. Autrement dit, ce secteur n'avait aucune voix à l'échelle nationale pouvant se prononcer sur les conditions de logement et les autres enjeux communautaires.

En deuxième lieu, nous avons voulu développer des partenariats importants pour aider à l'avancement des occasions d'affaires de nos membres. Nous avons donc créé des partenariats avec la Société canadienne d'hypothèques et de logement, avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord, avec Ressources naturelles Canada, avec le Conseil national de recherche du Canada qui est responsable du Code national du bâtiment, et avec Santé Canada, qui traite principalement des problèmes de moisissures et de salubrité des logements.

Tout récemment, notre association a formé un partenariat avec l'Alberta Safety Codes Council et le ministère ontarien des Affaires municipales et du Logement. Notre association œuvre également en partenariat avec d'autres groupes tels que le Conseil sectoriel de la construction, l'Alliance des agents municipaux du bâtiment et l'Association canadienne des inspecteurs en bâtiment et en biens, en vue d'assurer la reconnaissance des compétences et des qualifications, dans le but de fournir des occasions d'affaires supplémentaires.

Je vais maintenant céder la parole à mon partenaire, Keith Maracle, qui vous fera part de certains des défis que nous devons relever.

M. Maracle : Je vais m'attarder à certains des obstacles auxquels notre groupe est confronté en matière d'occasions d'affaires.

L'un des obstacles principaux que doit surmonter notre groupe pour offrir des débouchés à ses membres, c'est l'absence de reconnaissance officielle des niveaux de compétence normalisés par le biais d'une accréditation.

Notre accréditation est actuellement volontaire. Toutefois, pour encourager les agents du bâtiment des Premières nations à se faire accréditer et pour accroître la crédibilité des agents du bâtiment déjà accrédités dans les Premières nations, cette accréditation doit être officiellement reconnue par des instances gouvernementales telles que la SCHL et les Affaires indiennes et du Nord Canada, qui sont chargés du logements chez les Premières nations, de même que par nos propres conseils de bande et conseils tribaux.

La SCHL et le ministère des Affaires indiennes exigent que toutes les maisons localisées dans des collectivités des Premières nations soient inspectées par un agent du bâtiment accrédité.

Nos conseils de bande et conseils tribaux doivent également adopter des règlements qui exigent que la construction des maisons respecte le Code national du bâtiment et qu'une inspection soit faite par des agents accrédités. Non seulement cela donnera plus de débouchés à nos membres, mais cela répondra aux suggestions faites par la vérificatrice générale dans son rapport de 2003 sur la façon d'améliorer les conditions dans les collectivités des Premières nations.

Le deuxième obstacle à surmonter, c'est celui de l'accès à des fonds de formation pour notre secteur. Nos inspecteurs doivent être formés et suivre des cours de formation continue pour maintenir leurs compétences professionnelles. Surtout dans un contexte où l'on injecte de l'argent additionnel dans le logement des Premières nations et où la demande de maisons construites conformément au Code national du bâtiment augmente, qui s'assurera que ces maisons sont bel et bien construites conformément aux normes de construction si nos inspecteurs ne sont pas formés adéquatement?

Malheureusement, nos membres auront beaucoup de difficulté à obtenir des fonds destinés à la formation de la part des organisations des Premières nations qui ont signé des ententes de développement des ressources humaines pour les Autochtones. Nous croyons savoir que de l'argent sera distribué aux entrepreneurs afin qu'ils puissent construire des maisons et nous devons, nous aussi, avoir accès à ces fonds.

Notre temps est limité, et vous trouverez dans notre mémoire huit recommandations qu'il vaut la peine d'énumérer : en premier lieu, les agences gouvernementales doivent reconnaître officiellement le modèle d'accréditation mis au point par l'Association nationale des agents du bâtiment des Premières nations.

Tout financement visant à promouvoir les métiers de la construction dans les collectivités des Premières nations doit s'adresser également aux agents du bâtiment et travailleurs de l'entretien des biens immobiliers des Premières nations. En effet, même si les travailleurs de l'entretien des biens immobiliers ne font pas actuellement partie de notre organisation, il est plus que probable qu'ils adhéreront à notre association dès l'an prochain. Ainsi, notre association représenterait quelque 2 000 personnes desservant nos collectivités.

Cela conclut notre brève présentation, et nous répondrons avec plaisir à toutes les questions que les sénateurs pourront avoir sur notre exposé ou sur notre mémoire.

Le sénateur Christensen : Avez-vous aussi des accords de réciprocité avec les provinces en vue d'effectuer les inspections à l'extérieur des réserves? Votre formation correspond-elle à la formation offerte aux inspecteurs provinciaux du bâtiment?

M. Maracle : Pour l'instant, nous avons conclu un accord avec l'Alberta Safety Codes Council et le ministère ontarien des Affaires municipales et du Logement.

Nous espérons pouvoir offrir à nos gens de la formation qui soit transférable et qui leur permette de faire des inspections dans les réserves et à l'extérieur de celles-ci.

M. Maracle : Nous espérons y arriver et nous travaillons sur ces ententes. Comme je l'ai expliqué, nous avons déjà conclu deux ententes et nous espérons en conclure d'autres, ce qui devrait permettre à nos agents de se déplace aisément.

Le sénateur Christensen : La Société canadienne d'hypothèques et de logement participe-t-elle d'une quelconque façon à la formation. Vous aide-t-elle à former vos gens?

John Kiedrowski, gérant de projet, Association nationale des agents du bâtiment des Premières nations : Bien sûr. La SCHL nous a aidés merveilleusement en nous offrant des fonds pour développer nos capacités et en nous guidant dans la formation. Elle a même joué un rôle clé en aidant à lancer notre association, car elle répond aussi à ses besoins. De plus, grâce à l'Initiative des services d'inspection autochtones, l'ISIA, de la SCHL, ce sont des inspecteurs autochtones qui inspectent les maisons de la SCHL. C'est encore une fois la société qui a fourni les fonds en vue de développer cette capacité chez nous. Toutefois, il faut que cela s'inscrive dans le mandat de la SCHL. Le ministère des Affaires indiennes doit également fournir un financement plus important. Les besoins en matière de formation sont grands pour permettre à nos inspecteurs d'avoir accès à plus d'occasions de travail. Les fonds sont limités, mais la SCHL a fait du travail magnifique.

Le sénateur Christensen : Combien d'inspecteurs auriez-vous au Canada? Êtes-vous répartis un peu partout au pays ou êtes-vous plutôt concentrés dans certaines régions?

M. Kiedrowski : Bonne question. Je crois que nous en avons entre 250 et 300 un peu partout au pays. Actuellement, nous comptons environ 120 membres, mais nous croyons qu'il y a entre 180 et 200 agents qui travaillent à temps plein dans 650 localités. Un agent comme M. Jobin peut être obligé de desservir plusieurs localités en Alberta et en Saskatchewan, par exemple. Vous voyez que nous vivons une pénurie réelle.

Le sénateur Christensen : Comment cela fonctionne-t-il? Concluez-vous un contrat avec une localité ou limitez-vous votre travail à l'endroit où vous vivez? Devez-vous rester en disponibilité? Quelles sont vos conditions de travail? Travaillez-vous à temps plein ou à temps partiel?

M. Jobin : La majorité des inspecteurs de l'ISIA fonctionnent dans le cadre de contrats d'agences pour le programme d'aide à la remise en état des logements, le PAREL, qui relève de la SCHL. Ces contrats d'agence avec la SCHL prennent plusieurs formes : ils peuvent être conclus avec le conseil tribal ou être le résultat d'une entente autonome. Ainsi, je travaille moi-même à titre d'agent indépendant pour le programme PAREL, mais d'autres agents travaillent de façon ponctuelle, c'est-à-dire qu'ils travaillent sur une base de rémunération par service, alors ils peuvent faire du travail à contrat. Lorsqu'il est nécessaire d'inspecter des logements, c'est le détenteur du contrat d'agence qui fait appel à leurs services.

Le sénateur Christensen : S'il y avait un projet de construction domiciliaire, pour la construction de deux ou trois nouvelles maisons, par exemple, et que l'on faisait appel à vous pour inspecter ces maisons, seriez-vous seul à faire l'inspection ou feriez-vous celle-ci avec d'autres inspecteurs?

M. Jobin : On ferait appel à plusieurs inspecteurs. C'est une question sur laquelle nous devons nous pencher. Actuellement, les inspecteurs de l'ISIA ne s'occupent que des questions liées à la partie 9 du Code du bâtiment. J'ai discuté à plusieurs reprises avec nos homologues du groupe d'inspection de prévention des incendies et c'est à eux qu'il revient d'effectuer l'inspection de prévention des incendies dans des endroits comme les garderies, les immeubles publics et le reste.

Le sénateur Christensen : Les inspections se font-elles de façon continue?

M. Jobin : De façon continue.

Le sénateur Christensen : Donc, il ne s'agit pas uniquement des nouvelles constructions. Faites-vous le tour des différents bâtiments pour vous assurer qu'ils sont conformes aux règlements, aux codes, et à d'autres dispositions?

M. Jobin : Dans le cadre de notre contrat, nous devons effectuer des examens des conditions matérielles ou inspecter les maisons déjà existantes. Les inspections font également partie des ententes que concluent les collectivités des Premières nations dans le cadre de projets de construction de logements abordables, principalement au titre des programmes de la SCHL relevant de l'article 95.

Le sénateur Christensen : Vous occupez-vous de problèmes de ventilation dans les immeubles situés dans les réserves?

M. Jobin : C'est en partie pour cette raison que nous voulons que les travailleurs de l'entretien des biens immobiliers fassent partie de notre secteur. Car il s'agit là d'une question d'entretien. En général, les inspecteurs des Premières nations ne s'intéressent qu'à la qualité de l'air à l'intérieur. Par conséquent, nous ne réparerions pas le climatiseur défectueux, mais nous nous assurerions que la qualité de l'air à l'intérieur est acceptable.

Le sénateur Christensen : Votre organisation existe depuis combien de temps?

M. Maracle : Depuis 2003.

Le sénateur Christensen : Donc, c'est relativement nouveau; vous n'en êtes qu'à vos débuts.

M. Maracle : Nous sommes membres de l'association CHIBO, la Canadian Home Inspectors and Building Officials. Quand nous avons rencontré les représentants de cette association pour discuter de nos tâches, nous nous sommes rendu compte que les inspecteurs municipaux devaient procéder à sept ou huit vérifications, les inspecteurs de maisons privées, à huit ou neuf, et nous, à 15 ou 20. En comparant nos activités, nous nous sommes rendu compte que nous en faisions beaucoup plus. En effet, on nous demande d'en faire beaucoup plus. C'est pourquoi nous demandons davantage de financement pour la formation. Après tout, nous nous occupons des fosses septiques, de l'eau, de la plomberie et des systèmes de chauffage et de ventilation. Nous devons donc nous assurer que nos gens sont bien formés dans ces domaines. Nous demandons une formation véritable et attestée pour que nos gens ne soient pas obligés de procéder par tâtonnement. Voilà ce que nous demandons. Et voilà pourquoi nous essayons d'avoir plus d'argent pour la formation.

Comme vous l'avez tout juste dit, les gens nous appellent quand ils ont un problème de ventilation, ou tel autre problème. Pour revenir à une question à laquelle M. Jobin a répondu, je voulais préciser que certains d'entre nous travaillent pour des conseils tribaux alors que d'autres sont indépendants. Moi, je joue sur les deux tableaux, c'est-à- dire que je travaille et pour les conseils tribaux et de façon indépendante. Par contre, nous traitons actuellement exclusivement avec les Premières nations.

Le conseil tribal pour lequel je travaille a une entente qui lui permet de travailler à l'extérieur des réserves dans le sud-ouest de l'Ontario en vertu du PAREL, mais il n'existe qu'une seule entente de ce genre au Canada.

Le sénateur Christensen : Lorsque vous travaillez pour un conseil tribal, c'est un peu comme si vous travailliez pour une municipalité, en ce sens qu'il existe un inspecteur en bâtiment municipal. Si la bande en question fait construire un immeuble, ou en rénove un, vous agiriez à titre d'inspecteur en bâtiment pour vous assurer du respect des règlements et, au final, certifier la conformité de l'immeuble fini?

M. Maracle : Oui.

Ce qui est problématique à cet égard, c'est que le financement donné par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien aux conseils tribaux ne peut servir qu'à l'inspection des bâtiments en vertu du programme de logements du ministère. Par conséquent, il n'existe aucun financement pour inspecter les rénovations, réparer un problème de ventilation, etc. Voilà pourquoi les conseils tribaux demandent en général aux inspecteurs d'évaluer six ou sept choses différentes. On leur en demande trop.

Le sénateur Christensen : Vous êtes donc obligés d'accepter les tâches des inspecteurs du bâtiment si vous voulez travailler à temps plein.

M. Maracle : C'est tout à fait exact.

M. Kiedrowski : Le financement du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien varie également en fonction des régions. À titre d'exemple, le ministère ne finance pas les inspections dans la région de l'Atlantique, mais le fait dans une certaine mesure dans l'Ouest. Du point de vue des occasions d'affaires, s'il n'y a pas de fonds pour payer les inspections, il n'y en aura tout simplement pas. Nous avons constaté que le nombre d'inspecteurs dans la région de l'Atlantique a très peu augmenté, car il est impossible de se faire payer pour les services rendus.

Le sénateur Peterson : Vous avez dit que vous avez créé un conseil indépendant d'accréditation au sein de votre groupe. Avez-vous un manuel d'accréditation?

Avez-vous établi des normes telles que lorsqu'une personne est accréditée, elle peut répondre aux exigences de la SCHL?

M. Maracle : Nous avons établi des normes professionnelles ainsi qu'un code de déontologie pour le secteur. Nous avons établi un conseil de certification qui passe en revue toutes les informations qui lui sont envoyées pour déterminer dans quelle mesure il y conformité avec les normes établies. Ce sont les membres du conseil qui nous indiquent où se situent les lacunes et dans quel domaine il faut suivre des cours pour atteindre les niveaux 1, 2 ou 3, conformément à notre régime de certification.

M. Kiedrowski : Le conseil est indépendant. Il compte deux ingénieurs et des techniciens agréés en ingénierie. Ils n'appartiennent pas à l'association et travaillent avec nous depuis deux ans comme bénévoles. C'est le premier conseil de ce genre au Canada. Les inspecteurs d'habitation du privé ou des municipalités n'en ont pas. Notre conseil est à la fine pointe. Nous en sommes très fiers et il bénéficie du soutien de la SCHL et d'AINC et d'autres qui connaissent bien le secteur.

Le sénateur Peterson : Combien de temps faut-il à quelqu'un pour se faire agréer?

M. Jobin : Des années. Quand nous avons commencé à définir les normes professionnelles, il est apparu que l'inspection des bâtiments n'était qu'une toute petite partie de ce que nous faisons. Nous agissons comme conseillers auprès des peuplements de Premières nations et nous faisons aussi beaucoup de formation pour améliorer les normes dans ces communautés. Habituellement, l'inspecteur autochtone a 20 ans d'expérience dans le bâtiment. Il doit aussi bien connaître la partie 9 du Code national du bâtiment, la construction ainsi que les maisons conçues comme système. Je veux dire qu'il doit savoir comment fonctionne une habitation pour être capable de régler les problèmes.

Nous sommes des technologues et nous devons avoir des notions des systèmes d'électricité, de chauffage et de ventilation. Nous devons connaître les exigences légales, la situation politique des Premières nations, comment s'appliquent les résolutions du conseil de bande ainsi que les divers mécanismes de financement des programmes locaux puisque beaucoup d'entre nous aidons les Premières nations à monter des projets de logement.

Le sénateur Peterson : Y a-t-il des possibilités pour un jeune d'entrer dans cette filière? Est-ce très difficile?

M. Kiedrowski : Nous prenons des apprentis. Ce ne sont pas de véritables apprentis mais plutôt des stagiaires. Nous avons aussi un programme de mentorat. Un débutant qui suit la formation et fait des inspections devra sans doute y consacrer deux ans. Il faut à la fois des compétences et de l'expérience. Cela variera s'il habite dans une localité éloignée. Il n'est pas possible de faire autant d'inspections que dans le sud du pays, par exemple. C'est un des problèmes que l'on essaie de corriger, l'éloignement de certaines communautés autochtones.

Le sénateur Watt : Bienvenue. Vous avez commencé par expliquer ce que vous faisiez et ce que vous aimeriez faire et l'effet bénéfique que cela peut avoir sur les habitants des réserves. Nous entendons quantité d'histoires d'horreur sur ce qui se passe en réserve, qu'il s'agisse de l'eau potable, du logement et de l'hygiène, et tout ce qui vient avec. Nous savons un peu quelle est la situation dans certaines de ces réserves. Cela varie d'un endroit à l'autre au pays mais elles sont mal en point, vous en conviendrez.

Je vais un peu plus loin dans le sens de ce que vous disiez : vous devez vous y connaître en politique régionale, la source des problèmes et je ne sais quoi. Peut-on dire que vous êtes une association nationale, la première du genre à avoir ces ambitions?

M. Maracle : Oui.

M. Kiedrowski : Tout à fait.

Le sénateur Watt : Le ministère des Affaires indiennes, par exemple, est censé s'occuper des régions. Pourquoi ne vous servez-vous pas de vos instruments pour faire une évaluation complète, faire des enquêtes dans toutes les localités et présenter un rapport au ministère des Affaires indiennes aux termes d'un marché? Pourriez-vous travailler en ce sens et étoffer l'information dont les politiques ont besoin aujourd'hui?

M. Jobin : Je vous assure que nous avons déjà fait cette proposition. De fait, certains de nos partenaires du Canada atlantique ont senti le besoin d'aller sur le terrain et de faire un bilan de la situation. Il est certain que la moisissure est un des gros problèmes sur les deux côtes, plus que dans les Prairies, par exemple. Ils ont proposé de faire un inventaire de ces habitations. En Saskatchewan, une base de données existe depuis 1996. C'est sans doute un exemple dont les autres localités canadiennes pourraient s'inspirer. Ils se sont servis de ces données — des inspections pour obtenir des fonds supplémentaires destinés à combler les besoins. Par exemple, ils ont reçu des fonds pour éliminer les égouts d'évacuation ouverts et faire entrer ces localités dans le XXe siècle. Nous sommes tout à fait pour. Nous estimons que l'inspecteur autochtone a les qualifications nécessaires pour effectuer ces inspections et se prononcer en connaissance de cause.

M. Maracle : J'ajouterais ceci. Avec l'aide de la SCHL, nous avons conçu trois nouveaux cours et réalisé quelques projets pilotes. Chacun sait qu'il est bien différent de bâtir une maison et d'en inspecter une qui existe déjà. Actuellement, nous donnons des cours de rénovation; nous avons fait des projets pilotes à Val d'Or, au Québec, à Edmonton et en Saskatchewan. Une partie est consacrée au PAREL et l'autre à ÉnerGuide. Nous essayons de les former à un niveau qui leur permettra de disposer des connaissances dont vous parlez et non de se contenter d'approximation. Nous procéderons à l'essai du moteur souffleur et inspecterons la maison de fond en comble. C'est le but du cours et cela marche très bien.

M. Kiedrowski : Il y a une question plus grande qui concerne ce que vous demandiez et la réponse de M. Jobin. En effet, la SCHL et AINC financent le programme de logements d'une Première nation, mais la responsabilité revient aux collectivités par le biais de règlements, qui n'existent pas. Nous encourageons les bandes à en adopter pour régulariser les conditions de logement en fonction du code national du bâtiment. Il y a environ 650 communautés et à peine trois ou quatre ont adopté les normes du code du bâtiment. Nous faisons un gros effort d'encouragement. La bataille est loin d'être gagnée tant pour nous que pour ces communautés.

Le sénateur Watt : Avez-vous songé à vous doter du savoir-faire qui vous permettrait d'aller chez elles et d'évaluer quelles seraient les sommes nécessaires pour corriger les problèmes? Travaillez-vous en ce sens?

M. Jobin : On le fait déjà. Quand nous inspections une habitation, nous disons ce qu'il faut faire pour la rendre conforme aux normes minimales de sécurité et d'hygiène. Nous calculons également le prix des réparations à faire à l'intention du chef et du conseil pour qu'ils les prévoient aux budgets des années suivantes.

M. Maracle : Par la même occasion, nous recommandons des mesures d'efficacité énergétique. En Ontario, à Akwesasne, dans le Sud, nous recommandons des mûrs R-20 et du revêtement 2 sur 6. C'est la même chose à Sudbury, Sault Ste. Marie, Thunder Bay et Fort Severn. Cela va de 4 200 degrés-jours à 7 900 degrés-jours mais ils bâtissent tous la même maison. C'est absurde. On essaie de leur faire comprendre les indices d'isolation thermique de chaque matériau au lieu de toujours utiliser le même matériau.

Le sénateur Watt : Si le ministère des Affaires indiennes et du Nord vous demandait de rassembler cette information en vous rendant sur toutes les réserves du pays, combien de temps vous faudrait-il? Combien d'années faudrait-il pour la compiler? Combien le gouvernement devrait-il dépenser pour mettre en oeuvre vos recommandations?

M. Maracle : J'en ai justement parlé avec un chef d'Akwesasne en Ontario. Nous avons siégé à un comité qui a estimé qu'il faudrait deux ans pour s'occuper d'Akwesasne. Chaque maison, chaque élément, un devis et tous les préparatifs prendraient jusqu'à deux ans rien que pour cette localité.

Le sénateur Watt : Combien y en a-t-il?

M. Kiedrowski : Il y en 651, je crois.

M. Maracle : Il s'agit d'une des plus grandes Premières nations de l'Ontario, avec 7 000 ou 8 000 habitants. Pour celles qui en comptent entre 400 et 500, il faut sans doute un mois.

Le sénateur Christensen : Vous disiez que certaines des réserves n'ont pas de code du bâtiment; pourtant, tout ce qui est bâti par AINC ou la SCHL doit se conformer au code du bâtiment même si c'est en réserve; n'est-ce pas?

M. Maracle : Oui, c'est juste.

Le sénateur Christensen : J'imagine que vous travaillez aussi dans le Nord, au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest?

M. Maracle : Nous avons un représentant dans la région.

Le sénateur Christensen : Les collectivités et les municipalités ont habituellement différents inspecteurs : pour le chauffage, la ventilation, le câblage électrique, la charpente, les fondations et la plomberie. Plutôt que d'utiliser ces gens de métier, envisagez-vous de former vos gens de sorte qu'une personne puisse faire tout cela?

M. Maracle : Oui. À l'heure actuelle, Santé Canada vérifie les fosses sceptiques à l'extérieur, et en Ontario, Ontario Hydro vérifie les installations électriques. Ce sont les deux seules choses que nous ne touchons pas. Nous devons former nos gens pour qu'ils fassent les inspections des installations de plomberie, de chauffage et de ventilation.

Le sénateur Christensen : Et ailleurs qu'en Ontario?

M. Jobin : On retrouve à peu près les mêmes obstacles partout au Canada. En Alberta, par exemple, il faut obtenir un permis avant de pouvoir brancher les services publics dans les maisons des Premières nations. Il faut présenter une demande à un organisme de réglementation, une société de distribution du gaz, qui émet ensuite un permis pour installer le gaz dans une collectivité. Nous avons pensé que c'était là un rôle que nous pourrions jouer au sein des collectivités des Premières nations, particulièrement en raison de la lenteur avec laquelle ces permis sont émis. Je connais une collectivité où les maisons étaient prêtes à accueillir les gens, mais elles sont restées vacantes pendant trois mois parce que la société de service public n'avait pas émis le permis d'installation d'électricité. Nous avons pensé que c'était là une chose dont nous pourrions nous occuper éventuellement.

Le sénateur Christensen : La société de service public ferait-elle aussi l'inspection de la maison? Qui ferait l'inspection du câblage électrique?

M. Jobin : Cela est une lacune à l'heure actuelle, et c'est pour cette raison que nous voulons former nos membres afin qu'ils puissent le faire. Je ne peux parler que de la situation en Alberta. La responsabilité de la société qui vient brancher l'électricité s'arrête au panneau de distribution électrique et ne comprend pas les installations dans la maison. Lorsque les inspecteurs des Premières nations arrivent, ils le savent. Ils s'assurent qu'il y a un commutateur au bout des corridors, un commutateur en haut et en bas de l'escalier et qu'il y a des disjoncteurs de fuite de la terre dans les salles de bain et dans les buanderies. Nous vérifions également qu'il y a un éclairage adéquat dans les corridors et dans les puits d'escaliers.

M. Kiedrowski : Le principal objectif est d'avoir un inspecteur formé dans un certain nombre de domaines, mais nous nous heurtons maintenant à un obstacle majeur. L'inspecteur des Premières nations est un agent du bâtiment municipal. Lorsqu'il s'agit d'une nouvelle maison, il vérifie les installations électriques, de plomberie et le système d'égout. Lorsqu'on l'envoie dans une collectivité éloignée, on veut qu'il soit bien formé. Comment obtenir une assurance contre les erreurs et les omissions afin de nous assurer d'être bien protégés? Notre problème à l'heure actuelle consiste à obtenir une assurance pour nos inspecteurs d'un point de vue commercial, et un certain nombre de sociétés d'assurance ont refusé de nous assurer. Elles nous disent que nous ne pouvons faire certaines choses, et nous sommes en quelque sorte devant un dilemme en tant qu'agents de service qui travaillent dans les collectivités éloignées et qui essaient d'obtenir une assurance erreurs et omissions pour effectuer ces tâches multiples.

Cela soulève de gros problèmes pour ce qui est de savoir qui est responsable. Rien n'est encore arrivé, mais nous voulons tout simplement déterminer qui serait responsable en cas d'erreur ou d'omission. Nous avons travaillé à partir de ce principe et nous avons communiqué avec des sociétés d'assurance. Il est tout simplement impossible pour nos membres ou quiconque travaille dans le domaine de l'inspection ou de l'observation, d'obtenir une assurance erreurs et omissions, contrairement aux inspecteurs résidentiels et aux agents municipaux qui peuvent obtenir leur propre assurance. C'est un gros problème pour nous.

Le sénateur Christensen : Votre association est-elle davantage comme une société?

M. Kiedrowski : Non, c'est une association sans but lucratif, enregistrée auprès du gouvernement fédéral et qui représente des inspecteurs indépendants ou qui travaillent avec des conseils tribaux — quiconque s'occupe d'inspecter des maisons. Nous aimerions bien être une société.

Le président : S'il n'y a pas d'autres questions, je voudrais vous remercier d'être venus nous rencontrer et de nous avoir donné de l'information. Jusqu'à présent, notre étude a porté sur la participation autochtone dans les entreprises, mais le travail que fait votre association est certainement intéressant et montre bien les progrès accomplis par les Autochtones dans le secteur de la construction. Merci beaucoup de votre exposé et bonne chance.

M. Maracle : Monsieur le président, messieurs et mesdames les sénateurs, je tiens à vous remercier de nous avoir donné l'occasion de vous faire cet exposé.

La séance est levée.


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