Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 1 - Témoignages du 28 octobre 2004
OTTAWA, le jeudi 28 octobre 2004
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 5, en vue d'étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture et des forêts au Canada.
Le sénateur Leonard J. Gustafson (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Chers collègues, notre premier point à l'ordre du jour est de transmettre des souhaits de prompt rétablissement au sénateur Fairbairn, présidente du comité, qui a été malade et qui, si j'ai bien compris, se rétablit à la maison.
Plaît-il aux membres du comité d'envoyer leurs meilleurs voeux?
Des voix : D'accord.
Le vice-président : Ce matin, nous accueillons, de la Fédération canadienne de l'agriculture, son président, M. Bob Friesen, et des représentants d'un peu partout au pays. Monsieur Friesen, pourriez-vous commencer par nous présenter vos collègues?
M. Bob Friesen, président, Fédération canadienne de l'agriculture : Venir témoigner devant votre comité est toujours un plaisir. Nous savons, quand nous venons ici, que nous sommes en présence d'amis de l'agriculture. C'est donc un très grand plaisir pour nous de venir vous entretenir de nos préoccupations en la matière.
Nous connaissons bon nombre d'entre vous. En fait, sénateur Gustafson, je vous connais depuis que vous étiez secrétaire parlementaire du premier ministre Mulroney.
Permettez-moi de vous présenter les membres de la FCA qui m'accompagnent. M. Robert MacDonald, producteur horticole, est président de la PEI Federation of Agriculture. M. Terry Hildebrandt, président de l'Agricultural Producers Association of Saskatchewan, est producteur de céréales et d'oléagineux. M. Bruce Webster est le directeur général de l'Association canadienne des producteurs de betterave à sucre. Je signale aussi la présence, à l'arrière, de M. Thad Trefiak, vice-président du Saskatchewan Wheat Pool.
Je vais m'efforcer d'être le plus bref possible parce que je sais que mes collègues aimeraient faire des observations eux aussi, et nous aimerions laisser le plus de temps possible pour répondre à vos questions. Par contre, il est impératif que nous vous entretenions de certaines questions.
Nous vous avons soumis un document que vous pourrez lire quand vous en aurez le temps. Je ne vous en ferai pas la lecture et je ne parlerai même pas de tous les points qui s'y trouvent, mais certains dossiers qui sont mentionnés sont d'une grande importance pour l'agriculture.
Comme vous le savez, l'examen du Cadre stratégique pour l'agriculture, l'EBS, l'environnement, le bien-être des animaux et la salubrité des aliments nous tiennent en haleine actuellement. Par ailleurs, nous étions à Genève à la fin de juillet, quand les pays membres de l'OMC se sont entendus sur un libellé cadre qui suscite certaines préoccupations dont j'aimerais vous parler brièvement. Bien que le texte représente une amélioration, je tiens à souligner certains points au sujet desquels il faudra négocier ferme.
Naturellement, je n'ai pas besoin de vous dire que le problème du revenu agricole net persiste en agriculture. Inutile également de vous décrire certaines crises qu'a vécues l'agriculture au cours des cinq dernières années. On semble constamment passer d'une crise à l'autre. Quand ce n'est pas une chose, c'en est une autre. Toutefois, nous résistons bien aux vents qui nous secouent, de sorte que nous nous présentons à vous ce matin le sourire aux lèvres, dans l'espoir que nous pourrons trouver des solutions.
Commençons par l'EBS. Vous vous rappelez tous l'annonce faite par le gouvernement fédéral d'une stratégie relative à l'EBS. Un des points forts de cette stratégie était qu'au lieu de simplement couvrir l'industrie de fonds, elle examinait de près les moyens d'avoir une approche stratégique en vue de rétablir la fonctionnalité du marché. Je ne veux pas passer en revue avec vous toutes les composantes de la stratégie, mais je vais mettre en valeur certaines de nos préoccupations.
Nous avons communiqué avec le ministre pour lui demander que le ministère suive de très près les retraits, tant de bovins gras que de veaux de naissage, pour voir s'il mène à un raffermissement et à une augmentation des prix. Nous savons qu'on a hésité quelque peu à fixer un prix plancher simplement parce qu'on craignait ainsi que la plupart des fonds n'aillent simplement à l'industrie en aval. Cependant, nous aimerions qu'on suive de près l'évolution de la situation afin de savoir si la stratégie est un moyen efficace de raffermir les prix et, dans l'affirmative, de savoir si ces meilleurs prix valent partout au Canada et donnent de bons résultats dans toutes les provinces et régions du pays.
Nous aimerions que le programme visant les vaches de réforme prenne de l'expansion. Parce que nous effectuons des retraits au sein tant des bovins de court engraissement que des bovins gras, nous estimons que, pour que le programme soit efficace, il faut aussi faire en sorte de maintenir le troupeau d'élevage aux niveaux qui ont précédé la crise de l'EBS. Actuellement, nous avons une surpopulation de vaches reproductrices parce que l'an dernier, naturellement, il n'y a pas eu autant de mises à la réforme qu'habituellement. Par conséquent, il faut examiner des mesures plus importantes d'indemnisation pour les vaches de réforme. Il faut faire en sorte de créer des incitatifs qui persuaderont les producteurs de mettre à la réforme un nombre convenable d'animaux et de faire en sorte également qu'ils reçoivent une indemnisation adéquate en retour.
J'étais en train de parler à un membre de la FCA ce matin. Il m'a montré une facture qu'il avait reçue lorsqu'il a vendu une vache de réforme. Il a aussi vendu un veau et son rendement net, au bas de la facture, après déduction du transport, était de 150 $ pour les deux bêtes. Or, je crois que la vache pesait 1 400 livres environ. Il faut vraiment agir. Nous appuyons toute initiative qui vise à accroître le nombre d'abattoirs.
Même avec la stratégie en place, il va falloir faire de nets efforts afin de faire rouvrir la frontière. Cependant, nos chances de parvenir à nos fins semblent bien meilleures en ce qui concerne le bétail de moins de 30 mois. C'est une autre raison pour laquelle nous avons besoin d'une stratégie adéquate à long terme à l'égard des vaches de réforme.
Nous aimerions aussi que certaines composantes soient peaufinées. Des agriculteurs m'ont dit qu'ils aimeraient pouvoir reporter de l'impôt. Des agriculteurs m'ont dit : « Bob, j'ai perdu tant d'avoirs au cours des dernières années qu'il faut que je puisse au moins conserver le petit peu qu'il me reste. » L'agriculteur est peut-être à l'âge où il est incapable de se sortir de l'abîme et où il veut pouvoir dépeupler son troupeau. Or, quand on réduit la population d'un troupeau d'élevage constitué sur de nombreuses années, on s'expose à devoir payer d'énormes impôts. L'argent qu'on reçoit pour l'abattage du troupeau est ce que nous qualifions de revenu artificiel parce qu'on épuise ainsi son actif. Nous aimerions simplement pouvoir reporter cet impôt.
L'idée de l'avance en espèces était elle aussi bonne. Cependant, ce qui est préoccupant, ce n'est pas tant qu'elle existe, mais qu'elle réponde à un besoin. Elle est soutenue par le programme PCSRA. Par conséquent, si vous recevez une avance en espèces calculée en fonction de la valeur par animal, puis que vous remplissez une demande du PCSRA, un programme axé sur la marge, il se pourrait fort bien que vous n'ayez droit à aucun paiement. Si l'agriculteur n'a droit à rien en vertu du programme PCSRA et qu'il est incapable de rembourser l'avance en espèces — le cours n'a pas augmenté ou la demande est encore trop faible sur le marché —, alors l'avance sera récupérée de tout paiement futur du PCSRA. Quand la baisse de la marge de l'agriculteur lui donne droit à des paiements du PCSRA, c'est cette année- là qu'il en a vraiment besoin, mais c'est peut-être aussi cette année-là qu'on récupérera l'argent qu'il a touché auparavant.
Je vais m'arrêter là et laisser mes collègues donner des précisions.
Je ne vais certes pas passer en revue avec vous tout le Cadre stratégique pour l'agriculture. Je ne vous parlerai aujourd'hui que d'un des enjeux qui en découle. Nous allons entamer le premier examen annuel qui nous avait été promis simplement pour voir si le programme est efficace. Dès que nous aurons les données finales pour 2003, nous serons en mesure d'évaluer et d'analyser le programme pour voir s'il est aussi efficace qu'il le faut, étant donné la crise que vivent certaines parties de l'industrie.
Le seul point au sujet duquel nous avons vraiment besoin de votre aide, tout comme le ministre Mitchell puisqu'il nous appuie dans cette initiative, est d'éliminer le dépôt exigé. Bien que les agriculteurs se plient volontiers à l'exigence de remplir une demande au début de chaque année, le dépôt exigé est de trop. Ce que fait l'agriculteur, c'est qu'il se rend à la banque et retire le montant dont il a besoin de sa marge de crédit d'exploitation. La plupart des agriculteurs sont presque à la limite de leur marge de crédit d'exploitation. Soit qu'ils y prennent le montant nécessaire pour ouvrir le compte de dépôt ou, s'ils n'ont plus de fonds disponibles dans leur marge de crédit, ils empruntent de la banque, déposent l'argent et, quand ils touchent un paiement du programme, retirent le dépôt.
Comprenez bien qu'à ce moment-là, soit que l'agriculteur prend l'argent pour rembourser le prêt ou le redépose pour l'année suivante. Cet argent-là n'aide absolument pas à stabiliser son revenu.
Si vous tenez compte du fait qu'un écart de 4 p. 100 sépare l'intérêt sur le prêt de l'intérêt sur le dépôt, cela signifie que l'on paie à la banque entre 40 et 50 millions de dollars environ par année partout au Canada pour avoir un dépôt qui n'ajoute absolument rien au programme. Même si le dépôt exigé était réduit d'un tiers, cela fait tout de même un milliard de dollars qui dort inutilement dans des comptes bancaires partout au Canada, ce qui ne rajoute strictement rien au programme. De plus, le ministère nous a déjà avisés que le dépôt exigé pour s'inscrire au programme PCSRA lui coûte 14 millions de dollars par année en coûts administratifs.
J'implore les honorables sénateurs d'en parler avec toutes les personnes qu'ils rencontrent de manière à obtenir qu'il soit aboli. Cela ne coûte rien au gouvernement. On élimine simplement une exigence superflue. Les agriculteurs continuent d'être disposés à soumettre des données, à agir de manière responsable et à remplir leurs demandes chaque année, mais ce serait un beau cadeau à leur faire que de cesser de les contraindre à trouver l'argent à verser dans ce compte.
Le dépôt exigé est aussi restrictif. Les agriculteurs constatent qu'il y a un coût administratif associé à cette exigence. En effet, les frais comptables de la ferme augmentent, ce qui impose une restriction. Malheureusement, certains affirment que si tous ne participent pas au programme, nous pouvons épargner. Cependant, il faut que les honorables sénateurs sachent que s'il y a une crise et que 20 p. 100 des agriculteurs ne sont pas inscrits au PCSRA, cela aura pour seul résultat de multiplier les demandes d'aide ponctuelles. Nous faisons appel à votre aide pour rétablir la situation.
J'aimerais aussi parler du bien-être des animaux. L'industrie de l'agriculture a été déçue de voir que le projet de loi relatif à la cruauté envers les animaux n'avait pas été adopté durant la dernière législature. Il n'était peut-être pas parfait, du point de vue des agriculteurs, mais c'était bien mieux que ce qui aurait pu être. Nous avions espéré que le projet de loi serait adopté. Je vous demanderais de faire tout ce que vous pouvez pour éviter que tout le débat sur la cruauté à l'égard des animaux ne soit rouvert parce que, pour l'agriculture, la situation pourrait être bien pire que ce qui était envisagé. Nous vous serions reconnaissants de faire de votre mieux pour faire adopter un projet de loi similaire à celui qui est mort au Feuilleton, durant la dernière législature.
Enfin, j'aimerais vous donner un exemple du libellé-cadre. Le Canada jouit d'une très bonne position de négociation à l'OMC. Nous avons vraiment la possibilité, si nous négocions ferme et que nous continuons de nous concerter avec d'autres pays, comme l'a déjà fait la FCA — et comme, je le sais, notre négociateur l'a déjà fait — de nouer des alliances. Bon nombre des idées que nous avançons sont efficaces pour d'autres pays également. La possibilité s'offre à nous de créer une situation gagnante pour l'intérêt collectif de l'agriculture.
Notre industrie continue d'affronter la concurrence livrée par les subventions aux industries nationales. Rien ne laisse présager d'une aide de ce côté-là. D'après le libellé-cadre actuel, même si les pays, ceux qui subventionnent beaucoup, étaient tenus de réduire de 20 p. 100 leur soutien à leur industrie nationale par rapport aux données établies au début des réductions, puis qu'ils réduisaient leur aide de 60 p. 100 de plus durant la période de mise en œuvre, aux États-Unis par exemple, le soutien de l'industrie nationale ne baisserait que de 10 p. 100 par rapport aux dépenses de 2001. Si l'on fait le calcul en fonction d'une période de mise en œuvre de 10 ans, par le temps que les négociations aboutissent, il faudrait peut-être attendre jusqu'à 12 ans avant de voir l'aide nationale baisser de 10 p. 100 aux États- Unis.
Une tâche énorme nous attend si nous voulons faire en sorte que notre industrie des céréales et des oléagineux surtout — et bien sûr, nous savons qu'il se fait beaucoup de subventions croisées aux États-Unis — ne continue pas d'assumer le coût de 1,3 milliard de dollars attribué aux subventions gouvernementales élevées consenties aux producteurs ailleurs dans le monde.
Vous me connaissez suffisamment bien pour savoir que je pourrais continuer à parler pendant des heures, mais je vais m'arrêter là. J'invite les honorables sénateurs à poser leurs questions à propos de ces points ou de toute autre question qui les intéresse.
Le vice-président : Monsieur Friesen, je vous remercie. J'aurais une petite question à vous poser au sujet de l'EBS.
Je m'intéresse à ce qui est survenu entre les États-Unis et le Japon et entre le Japon et le Canada. Je vois ces discussions comme un signe très favorable. Qu'en pensez-vous? Un document a-t-il été signé? Y a-t-il eu progression? Le Canada obtient-il le même marché avec le Japon que les États-Unis et ainsi de suite?
M. Friesen : Voilà une question intéressante. Notre conseil d'administration s'est réuni à Ottawa cette semaine, et le communiqué que nous avons vu a suscité pas mal de débats. Vous êtes au courant qu'ils tentent encore de décider quel moyen d'établissement de l'âge sera acceptable aux deux parties. Les opinions varient, allant du cynisme — ce n'est que de la poudre aux yeux en prévision des élections aux États-Unis — à ceux qui affirment qu'il s'agit d'un véritable progrès.
S'il s'agit de progrès et qu'ils parviennent effectivement à s'entendre sur la façon d'établir l'âge de l'animal, on nous a certes affirmé que nous recevrons le même traitement des Japonais que celui qu'ils accordent aux États-Unis.
Le vice-président : Bien sûr, on tiendrait compte du fait que la frontière est ouverte ou pas, mais il me semble que les nombres aux États-Unis ont baissé de façon marquée. S'ils tenaient à répondre à la demande sur le marché d'exportation, il faudrait presque qu'ils aient recours au bétail canadien. Est-ce votre raisonnement?
M. Terry Hildebrandt, président, Agricultural Producers Association of Saskatchewan : Honorables sénateurs, s'ils ont besoin de bovins nourris au grain pour répondre à ces exigences, les nôtres sont la seule autre option. Vous avez raison de croire que leur approvisionnement en bœuf a baissé. S'ils veulent se lancer dans des marchés d'exportation et que cette demande vise des animaux nourris au grain de bonne qualité, le Canada serait la seule alternative.
Le vice-président : Avant de passer aux questions, désirez-vous faire chacun une déclaration?
M. Friesen : Si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
Je vais demander à M. Hildebrandt de prendre la parole.
M. Hildebrandt : Merci et bonjour, honorables sénateurs. J'aimerais remercier le sénateur Gustafson de nous avoir invités à vous parler de la situation dans les Prairies. Je vais me concentrer plus particulièrement sur le cas de la Saskatchewan. Cependant, durant mes entretiens avec des collègues au cours des derniers jours, j'ai constaté que la situation était pas mal identique du nord de l'Alberta jusqu'au Manitoba.
Après trois ans de sécheresse, d'épidémies de sauterelles et d'EBS, crise qui dure encore, on aurait vraiment dit que mère Nature était revenue à de meilleurs sentiments dans les Prairies. La saison semblait prometteuse. La situation relative aux céréales fourragères était certes changée partout dans la province. Puis, le 20 août, presque toute la Saskatchewan et certaines parties du Manitoba ont été frappées par le gel. Si l'on en croit le bilan actuel, bien que nous ayons de bonnes quantités de céréales en stock, leur qualité a vraiment souffert.
La situation est unique. En règle générale, les périodes d'abondance des céréales fourragères profitent à l'industrie des productions animales. Toutefois, comme vous pourrez vous en rendre compte, étant donné la situation de l'EBS qui domine, les rentrées de fonds et les ventes ne sont pas au rendez-vous. Donc, après trois ans de pénurie d'aliments pour animaux, période durant laquelle il a fallu aller à l'étranger pour en acheter, nous vivons le problème inverse, soit que nous en avons trop, trop de blé fourrager.
Nous avons surtout du blé fourrager. Je ne risque pas de me tromper en disant que nous avons surtout des céréales et du blé durs pour l'alimentation animale. Au sein même de cette catégorie, il existe trois catégories différentes de céréales fourragères, allant du boisseau habituel de 60 livres de blé jusqu'au boisseau de 40 livres composé de graines qu'il est difficile d'identifier comme étant du blé. Les volumes sont donc trop forts et la qualité, piètre. Il n'y a pas d'équilibre. La capacité de mouture de ce genre de produits est très limitée. Par conséquent, nous voilà avec du blé fourrager qui a une valeur moyenne d'un dollar et demi le boisseau.
Pour mettre les choses en perspective, même pour une récolte acceptable, voire bonne, de 40 à 50 boisseaux l'acre, le rendement tourne autour de 60 à 75 $ l'acre, si le produit est commercialisé. Honorables sénateurs, le coût moyen des intrants directs pour la culture du blé oscille entre 80 et 100 $ au minimum de nos jours. La situation s'apparente à celle des années 60 au chapitre des revenus. Ajoutez à cela que le coût des intrants a atteint des niveaux jamais vus le printemps dernier en raison des prix élevés du pétrole, ce qui trouve un écho dans la production d'engrais et tout le reste. Par conséquent, il est très compliqué en ce moment de respecter les obligations financières.
Il n'y a même pas de marché pour ce blé en ce moment, parce que personne n'agit. Les producteurs ont besoin de savoir quoi en faire et ce qu'ils recevront en bout de ligne. Nous avons des statistiques qui indiquent que plus de 80 p. 100 de la production est récoltée (je parle encore de la Saskatchewan). Nous n'en sommes pas si sûrs. Si c'est le cas, on n'en récolte certainement pas une once de plus. Je serais plutôt porter à croire qu'il reste 25 p. 100 des plants dans bien des régions. Il est vrai qu'une bonne partie de ces plants n'a que peu ou pas de valeur, mais il faut tout de même les récolter pour mener le cycle à terme.
Dans une situation comme celle-ci, il y a des assurances récolte pour les céréales et les oléagineux et une assurance production fondée sur le volume. Elle se fonde sur le niveau de production. C'est un facteur de qualité. On s'attendait à une bonne récolte, jusqu'à ce que le gel vienne en compromettre la qualité. Aucun régime d'assurance récolte ne s'appliquera efficacement. Ils ne tiennent pas compte de la perte de valeur, parce qu'il y a des boisseaux récoltés. De plus, la couverture d'assurance récolte des deux tiers des cultivateurs de la province qui ont connu trois années de sécheresse est particulièrement basse parce qu'ils ont déjà trois réclamations à leur actif. Par conséquent, bien sûr, leurs primes ont augmenté, parce que vous savez bien comment fonctionne l'assurance si vous l'utilisez. Cela ajoute encore à la difficulté financière.
Je ne peux vous dire à quel point la situation est unique. Si vous connaissez et vous comprenez l'agriculture, vous savez qu'il y a des cycles. Lorsqu'un produit acquiert de la valeur, un autre en perd, ce qui crée une certaine autoassurance. Dans l'état actuel des choses, tous les produits canadiens sont dans le pétrin. M. Friesen a expliqué de nombreuses raisons à cela. Le commerce est entravé par des droits, des mesures antidumping et une fermeture à la frontière.
Nous sommes à l'ère de la mondialisation des marchés. Les États-Unis ont une production record de soya et de maïs, ce qui a des incidences sur nos prix. Nous devons mettre l'accent sur notre canola et nos cultures commerciales pour remplir nos engagements financiers. Cela a fait chuter leurs prix au niveau d'il y a 30 ans : leurs prix sont les mêmes qu'il y a 30 ans! C'est donc là où le bât blesse.
Le PCSRA a été conçu et mis en place pour faire contrepoids aux pertes de revenu ou à tout le moins pour mettre un frein à la diminution de marge — je n'ai jamais été capable de saisir comment tout cela est lié au revenu. Cependant, nous avons la possibilité de demander un paiement provisoire en 2004 par ce programme. Mais si l'on connaît et qu'on comprend ce programme ou le PCRA des années 80, qui ressemblait beaucoup au PCSRA, on voit qu'il y a énormément d'incertitude. Les comptables doivent faire des pieds et des mains pour voir s'il y a même une chance de s'en sortir. Tout au mieux, les agriculteurs sont à la veille de recevoir ce paiement provisoire, mais il y a toujours des éléments non assurés, même si on fait une réclamation.
Pour le PCSRA, on a isolé une période de cinq ans afin d'établir une marge de référence dans les limites de laquelle l'exploitation agricole devrait se stabiliser. Il n'aurait pas pu y avoir pire cinq ans dans l'histoire de l'agriculture, particulièrement dans les régions qui ont connu trois années de sécheresse. C'est une moyenne de cinq ans olympique, on élimine donc la meilleure année de production et deux années de sécheresse et il reste une année de sécheresse et une autre année médiocre pour déterminer où commencera le programme.
Les marges de production sont terriblement basses—elles doivent d'ailleurs être prises en considération dans cet examen. Cependant, même s'il y avait un paiement provisoire pour cela, même si vous le permettiez, ce ne serait loin de suffire pour compenser la perte de revenu réelle.
Pour revenir rapidement à ce que M. Friesen disait sur l'ESB, je tiens à vous rappeler que ce qui a changé dans le secteur de l'élévage-naissage depuis 20 ou 30 ans, c'est la valeur résiduelle des vaches de réforme et des bovins de reproduction. Ainsi, après une production normale de cinq ou six veaux, ces vaches ont conservé une valeur sur le marché, une valeur qui a de toute évidence permis à chaque maillon de la chaîne de faire de l'argent. Avant l'apparition de l'ESB, cette valeur oscillait entre 600 et 700 $ pour le producteur de la vache de réforme.
Depuis que la frontière est fermée en raison de l'ESB, la valeur de la même vache a chuté pour passer entre 100 $ et 200 $. Cela représente une perte financière annuelle de 20 p. 100 pour le producteur, alors que c'est ce qui rendait l'industrie de l'élevage-naissage viable depuis au moins 20 ans. Cela a aussi signé la fin de l'équité financière, parce que cela empêche beaucoup les producteurs d'emprunter de l'argent pour prendre de l'expansion, comme le préconisent les deux ordres de gouvernement depuis 10 ou 20 ans, et à juste titre.
Je ne peux dire à quel point nous voyons du mérite dans les programmes qui ont été mis en place. Nous constatons qu'il y a toujours environ 12 p. 100 des animaux de réforme qui sont éliminés et pour lesquels les producteurs reçoivent une indemnité, et cela devrait se poursuivre jusqu'à ce que nous ayons développé notre capacité d'abattage et nos marchés pour mieux gérer le tout.
Je vais m'arrêter là. Je vous remercie beaucoup de votre attention ce matin.
M. Robert MacDonald, président, Prince Edward Island Federation of Agriculture : Bonjour et merci beaucoup. Je vais essayer de vous donner un aperçu de la situation au Canada atlantique et des difficultés auxquelles nous sommes confrontés ces jours-ci.
Bon nombre des questions qu'ont mentionnées M. Friesen et M. Hildebrandt touchent le Canada atlantique aussi, quoique peut-être dans une moindre mesure. À l'Île-du-Prince-Édouard, comme dans les autres provinces, l'agriculture est l'une des principales sources de revenu pour l'économie. En effet, l'Î.-P.-É. dépend de l'agriculture plus que toute autre province du Canada. Selon les dernières statistiques que j'ai vues, environ 3 p. 100 de la population vit de l'agriculture dans le reste du Canada. À l'Île-du-Prince-Édouard, cette proportion est d'environ 5 p. 100. Cela montre à quel point nous dépendons de l'agriculture pour être prospères et avoir une économie durable.
Comme on l'a déjà dit, les dernières années ont été difficiles. À notre dernière assemblée générale, en janvier dernier, notre ministre de l'Agriculture a parlé d'une « immense tempête en agriculture », ce qui s'explique par l'ESB, la galle verruqueuse de la pomme de terre et la sécheresse. La production porcine est un véritable yo-yo, et elle était plutôt basse à ce moment-là. Elle a augmenté un peu depuis. Il y a aussi toutes sortes de difficultés commerciales. C'est la situation actuelle.
Si vous vous demandez de quoi nous avons besoin pour nous sortir de ce pétrin et continuer d'être partenaires dans l'économie globale, les problèmes sont les mêmes chez nous qu'ailleurs. Nous avons des problèmes de commerce et de ressources humaines. Le nouveau PCSRA doit être examiné et révisé.
J'aimerais vous donner quelques chiffres concrets sur l'agriculture, comme je le fais la plupart du temps lorsque je m'exprime devant des gens.
À l'Île-du-Prince-Édouard, comme M. Friesen en a parlé lui aussi, je dois faire un dépôt de 22 000 $ à 23 000 $ pour chaque portion de 100 acres pour avoir accès au PCSRA. Pour notre ferme cette année, nous n'étions pas obligés de déposer le plein montant requis, donc c'était un tiers cette année et ce sera un tiers l'an prochain. Je devais personnellement déposer 45 000 $ pour avoir accès aux fonds du programme.
Comme M. Friesen l'a mentionné, tout cela est redondant. J'ai dû emprunter de l'argent, le déposer dans un compte, puis je n'ai pas harcelé qui que ce soit, parce que je ne pensais pas que c'était nécessaire. Je voulais voir comment le système fonctionnerait cette année. Il s'est passé quatre mois avant que je ne voie la couleur de l'argent. J'ai payé des intérêts entre-temps. C'est ce qu'il m'en a coûté pour ce programme. Pour rien. L'argent est dans le système. Comme M. Friesen l'a dit, il en coûte 14 millions de dollars à l'échelle nationale juste pour administrer le PCSRA. Les agriculteurs comme moi font le meilleur usage possible des ressources qu'ils ont, et ce n'est pas un bon usage des ressources du tout.
Si ce comité ou votre groupe peut faire quoi que ce soit pour convaincre le gouvernement d'éliminer cette obligation de dépôt, cela nous aiderait beaucoup.
Nous avons un problème grandissant au Canada, et particulièrement au Canada atlantique, pour attirer de la main- d'œuvre vers notre industrie. Notre population vieillit. L'âge moyen des agriculteurs à l'Î.-P.-É est de 48 ans. Je suis plus vieux que cela. Bientôt, ce sera la crise. Dans dix ans, où trouverons-nous les agriculteurs?
À l'Île-du-Prince-Édouard, et je sais que c'est à peu près la même chose ailleurs au pays, nous devons trouver des moyens de travailler avec le système que nous avons. Il y a des améliorations qui doivent être apportées à l'AE et au RPC, afin de permettre aux personnes qui veulent travailler de travailler. Dans la plupart des cas, notre travail est saisonnier. L'horticulture est le plus grand secteur de production à l'Île-du-Prince-Édouard, et la pomme de terre est la culture prédominante, comme les sénateurs Hubley et Callbeck le savent. Nous semons au printemps. Nous avons alors énormément besoin de ressources humaines. Puis à l'automne, lorsque vient la saison de la récolte, les travailleurs me disent : « Non, je ne peux pas travailler, parce que je reçois de l'AE et que vous ne pouvez pas me garantir un emploi à temps plein, 50 heures par semaine, toutes les semaines. » Je dois composer avec la météo. Il y a deux personnes qui ont pris leur retraite pour qui il était désavantageux de travailler pour moi comme conducteurs de tracteurs deux ou trois jours par semaine, lorsque j'avais besoin de quelqu'un. Nous devons trouver des moyens de modifier le système pour permettre à ces personnes de travailler si elles le veulent. Ces deux retraités étaient capables de travailler et ils étaient prêts à le faire; ils avaient attendu ce moment depuis des années. Avant, ils travaillaient à la ferme quatre semaines par année. Cela faisait partie de leur bien-être. Ils étaient contents d'être utiles et de participer aux activités dans une certaine mesure.
Si on peut faire quelque chose pour corriger ces problèmes, cela nous aiderait à trouver des ressources humaines. Nous n'avons pas assez de monde au Canada pour faire le travail de bras, comme on dit parfois, le travail difficile. Il y en aura toujours, pourtant. Nous avons besoin de travailleurs dans les entrepôts, par exemple, pour soulever des sacs de 50 livres de pommes de terre et les placer sur une palette. Nous n'avons pas assez de monde pour faire ce genre de choses.
Je sais qu'en Ontario, le secteur de l'horticulture et de l'agriculture est différent et que la seule façon d'avoir accès à suffisamment de ressources humaines, c'est de participer à des programmes comme le Programme des travailleurs étrangers, qui permet aux producteurs d'embaucher un certain nombre de travailleurs chaque année pour faire le travail.
Le commerce touche le Canada atlantique autant qu'il touche le reste du Canada. Je n'ai pas besoin de vous expliquer en long et en large qui sont nos concurrents et quelle est leur situation financière. Je vais vous donner un exemple quand même. Dans l'industrie de la pomme de terre, l'Idaho est notre principal concurrent en Amérique du Nord pour la pomme de terre de consommation. Une annoncé a été faite avant-hier que cet État va recevoir 40 millions de dollars en aide de son gouvernement fédéral afin de compenser pour les sécheresses et autres difficultés des dernières années.
Ce serait bien que notre gouvernement puisse faire la même chose pour nous, mais c'est impossible. Cependant, nous devons prendre conscience de ces réalités lorsque nous négocions des ententes commerciales. Nous faisons affaire avec des gens qui ont beaucoup plus de moyens que nous, et nous devons être incisifs à la table commerciale de l'OMC, comme M.Friesen le sait, pour négocier des mesures qui nous aideront à atténuer les problèmes.
L'environnement est un enjeu important à l'Île-du-Prince-Édouard. Je le répète, les deux sénateurs ici présents connaissent bien les défis environnementaux qui se posent à l'Île-du-Prince-Édouard. Comme nous dépendons beaucoup de l'agriculture et que notre province est la plus densément peuplée de tout le Canada — il y a chez nous plus de personnes par kilomètre carré que dans toute autre province —, on commence à nous demander de préserver des terres pour des raisons environnementales, comme pour créer des zones tampons autour de cours d'eaux. Cela a commencé il y a trois ans. Il est maintenant obligatoire de laisser 10 mètres ou 30 pieds autour de chaque cours d'eau à l'Île-du-Prince-Édouard.
Les agriculteurs conviennent que ces mesures sont nécessaires, mais nous ne pouvons pas continuer de tout payer nous-mêmes. Je ne le souhaite à personne, mais ce sera éventuellement la même chose partout au Canada. Les mêmes difficultés vont se présenter ailleurs, et les gens vont devoir s'y attaquer. S'il y avait un système en place pour nous aider à payer pour ces mesures, les agriculteurs seraient très coopératifs. Ils sont contents de faire de bonnes choses, mais compte tenu des difficultés auxquelles nous sommes confrontés depuis quelques années, ces choses deviennent impossibles financièrement.
Je vous remercie de votre temps. Si vous avez des questions, je suis tout disposé à y répondre.
M. Bruce Webster, directeur général, Association canadienne des producteurs de betterave à sucre : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Nul n'est plus surpris que moi d'être ici ce matin. Nous avions demandé une simple réunion avec le sénateur Fairbairn, mais vous la connaissez. Tout ce qui concerne la région de Lethbridge et la betterave à sucre est une question nationale, donc je me retrouve devant ce comité.
Ma fille Danielle m'a conduit à l'aéroport de Lethbridge. Elle m'a demandé ce que j'allais faire à Ottawa, et je lui ai dit que je venais rencontrer des politiciens. Vous devrez comprendre que ma fille n'a jamais voté, parce qu'elle ne fait pas confiance aux politiciens. Je lui ai dit que ceux que je venais rencontrer étaient de bonnes personnes. Elle m'a demandé si je pouvais leur demander de parler aux autres.
Je devais donc trouver de quoi j'allais vous parler aujourd'hui. Je suis arrivé à Ottawa, et il semble que la Fédération canadienne de l'agriculture, la FCA, a préparé des notes, mais je ne les ai pas vues. Je vais essayer de faire la fierté du sénateur Fairbairn et de vous parler des grandes difficultés que vivent les producteurs de betterave à sucre, des difficultés qui ont déjà été mentionnées aujourd'hui, et de ce que nous avons fait pour les surmonter.
Je veux mettre l'accent sur deux choses : l'accord de l'OMC et la position équilibrée du Canada, puis la Commission mixte internationale et son examen de l'ordonnance de 1921 sur le partage des eaux des rivières St. Mary et Milk entre les États-Unis et le Canada.
En ce qui concerne l'OMC, l'Association canadienne des producteurs de betterave à sucre appuie la position équilibrée du Canada et la pétition de la FCA sur la politique commerciale. Je vais vous donner un peu de contexte.
Nous avons connu beaucoup des problèmes que vit l'industrie du bœuf actuellement. Dans les années 80, le Canada était en mesure d'exporter environ 120 000 tonnes métriques de sucre raffiné. Au fur et à mesure que se sont multipliés les accords de libre-échange, notre accès a été réduit à néant. Nous avons réussi à nous battre de sorte que 9 700 tonnes de sucre sont exportées exclusivement vers les États-Unis.
Je sais que ces problèmes peuvent durer longtemps. Je parlais à des représentants des producteurs de bœuf de l'Alberta l'année dernière qui savaient que nous avions des problèmes commerciaux liés à l'accès aux États-Unis. Ils m'ont demandé combien de temps ces problèmes pouvaient durer, et je leur ai dit que cela faisait maintenant neuf ans. Même si ces crises peuvent être à la fois longues et difficiles, comme le sénateur Fairbairn l'a toujours dit, nous sommes résistants et persévérants, et nous avons remonté la pente.
En 2002, après avoir connu bien des difficultés dans notre notre usine agrandie et affronté une sécheresse qui a même perturbé l'irrigation, nous ne cultivions plus qu'environ 28 000 acres de betteraves à sucre; nous n'avons livré qu'environ 425 000 tonnes à Rogers Sugar. Cette année, la récolte se poursuit toujours. Nous exploitons 35 000 acres et nous nous attendons à en tirer environ 700 000 tonnes de betteraves à sucre.
Au cours de la campagne de 1995, nos cultivateurs ont demandé à l'unanimité aux gouvernements fédéral et albertain d'interrompre le soutien spécifique par produit dont nous bénéficiions. Nous leur avons dit que pour continuer à exister à long terme, il nous faudrait aller chercher notre argent sur le marché. Nous avons renégocié de fond en comble notre arrangement avec le conditionneur sur une base contractuelle. Et maintenant, nous tirons nos revenus du marché. Nous avons fait des pieds et des mains, nous avons tenté d'être novateurs pour dénicher de nouveaux marchés d'exportation.
Pour ce qui est de notre commerce de sucre avec les États-Unis, malheureusement, nous sommes assujettis à un arrangement fondé sur la hausse progressive du tarif. Nous pouvons envoyer un produit brut et non fini aux États- Unis, mais de sévères restrictions s'appliquent au sucre raffiné. Nous avons toutefois trouvé un marché pour le produit non fini. Et déjà, l'American Sugar Alliance, à Washington, exerce des pressions auprès du Capitol pour éliminer aussi cet arrangement.
Voilà où intervient la position équilibrée du Canada. L'accord commercial le plus facile à conclure reposerait sur l'élimination de tous les tarifs et l'ouverture des marchés. Cependant, avec l'entente-cadre intervenue à Genève, nous savons que cela n'est pas possible. Les marchés ne vont tout simplement pas s'ouvrir d'eux-mêmes. Voilà pourquoi nous estimons que la position équilibrée du Canada est des plus importantes. Nous devons lutter contre les subventions à l'exportation parce qu'elles ont une incidence terriblement néfaste sur le marché mondial du sucre. Grâce à certaines décisions faisant suite à des appels logés auprès de l'OMC, nous verrons certains changements dans ce domaine.
J'ai mentionné que nous avions demandé aux gouvernements fédéral et provincial de nous retirer leur soutien. Nous aurions pu en bénéficier une autre année, mais nous avons préféré régler le problème au niveau du marché. D'ailleurs, nous sommes fiers des efforts de négociation de Steve Verheul à cet égard. Il me faut aussi mentionner des problèmes d'administration du contingent tarifaire. Déjà que nous avons beaucoup souffert, nous savons que nos concurrents veulent rendre cette tâche encore plus compliquée.
À notre avis, le Sénat devrait encourager le gouvernement du Canada à maintenir le cap, c'est-à-dire à viser une position équilibrée en vue de résoudre tous ces problèmes. Le fait d'avoir accès à un marché unique n'est pas toujours une bonne chose. Toutes nos exportations de sucre raffiné, qui provenaient tant des raffineries de canne à sucre que de betterave à sucre, étaient dirigées vers les États-Unis. Il n'a fallu qu'un seul document pour nous interdire ce marché. C'était à l'époque de la mise en oeuvre de l'OMC, en 1995, mais nous sommes toujours là et nous avons retrouvé le chemin de la croissance.
Nous avons pu survivre parce que le tarif maximal du Canada s'applique uniquement au sucre entièrement raffiné — à hauteur d'environ 30 $ la tonne. Au cours des cinq dernières années, le tarif s'est élevé à environ 8 p. 100 seulement. Près de 90 p. 100 de l'approvisionnement de sucre du Canada entre au pays en franchise. Si nous avons survécu en cultivant la betterave à sucre, c'est que nous avons réussi à nous tailler une place sur les marchés mondiaux.
Les membres de la Fédération canadienne de l'agriculture n'ont pas peur d'affronter leurs concurrents étrangers, mais nous avons droit à notre propre régime à l'échelle nationale. D'autres pays ont aussi leurs propres régimes. Nous pensons que le gouvernement du Canada est sur la bonne voie. Les temps sont difficiles et de nombreux cultivateurs de betterave élèvent parallèlement de veaux de naissance et se livrent à d'autres activités. Nous savons que nous avons surmonté les problèmes et la culture du sucre est de nouveau en pleine croissance. Nous pensons que le Canada progresse dans la bonne direction à l'OMC.
Je veux aussi vous parler de la Commission mixte internationale. Comme les sénateurs le savent sans doute, l'État du Montana a demandé à la CMI de réviser l'ordonnance de 1921 qui préside au partage de l'eau entre nos deux pays. La CMI devrait faire connaître sa recommandation à cet égard sous peu, et nous espérons que l'ordonnance demeurera inchangée. Grâce à la grande certitude qu'elle générait, on a pu faire dans le sud de l'Alberta des investissements considérables dans la culture de la betterave à sucre et de la pomme de terre ainsi que dans la transformation de produits végétaux et de mil-luzerne. Nous avons obtenu notre part de l'eau équitablement. Selon le gouvernement du Montana, les négociations menées en 1921 ont été injustes et c'est la raison pour laquelle l'ordonnance devrait être changée. En 1921, nous n'avons pas acheté de représentants américains, nous n'avons pas fait de menaces; et nous n'avons pris personne en otage. Dans sa plus récente soumission à la CMI, l'État du Montana l'a admis. Or, ces représentants estiment l'ordonnance injuste parce que le Canada a mieux négocié.
Nous ne pensons pas qu'il soit injuste que le Canada dame occasionnellement le pion aux États-Unis. Nos voisins américains sont nos principaux partenaires commerciaux, et nous accordons beaucoup d'importance à nos relations et à notre capacité d'exporter chez eux. Les États-Unis sont un grand pays.
Récemment, j'ai dîné à Montréal avec un autre parent, un petit-cousin. C'est un homme âgé. Au cours de sa carrière d'homme d'affaires, il a maintes fois traité avec les États-Unis. Il m'a raconté une anecdote. En 1948, il assistait à une réunion de l'Institut canadien des mines et de la métallurgie au Château Frontenac. Son bon ami, le premier ministre Duplessis, prononçait un mot de bienvenue à l'intention du président de la société Hannah Mining. Il a dit ceci : « Ce que votre compagnie fait ici, au Québec, est très bon pour notre économie, et nous sommes très heureux des relations harmonieuses et équitables que nous entretenons avec les États-Unis. Cependant, à l'occasion, nous avons un problème. Lorsque vous êtes ici ou lorsque nous faisons des affaires au sud de la frontière, si le sigle USA signifie « United States of America », nous sommes fiers d'être votre partenaire et très heureux de travailler avec vous. Par contre, lorsque USA veut dire « us always », nos rapports ne sont pas toujours aussi bons. »
Voilà les messages que j'ai réunis. J'espère que si ma fille regarde cette émission, elle a été en mesure de constater à quel point certains politiciens sont bien élevés. Nous sommes des membres de longue date de la Fédération canadienne de l'agriculture et nous sommes très heureux d'avoir eu l'occasion de comparaître devant vous.
Le vice-président : Merci, monsieur Webster. J'ai une question au sujet des subventions. Comme vous l'avez dit, monsieur Webster, vous souhaitez le retrait des subventions.
Compte tenu du prix des denrées, et je songe en particulier au prix des céréales et des produits de base, comment un producteur céréalier peut-il espérer concurrencer les agriculteurs étrangers subventionnés? En effet, en 1972, un boisseau de blé se vendait 2 $. Un baril de pétrole, aussi. Nous savons qu'un baril de pétrole se vend aujourd'hui autour de 50,00 $.
Vous n'allez pas réussir à convaincre les Américains d'abandonner leurs subventions. Dès que nous avons supprimé le tarif du corbeau au Canada, les États-Unis ont accordé à leurs producteurs une subvention additionnelle de 93 milliards de dollars étalée sur 10 ans. Les Européens non plus n'emboîteront pas le pas. Le Canada ne peut pas faire cavalier seul et nier la configuration de l'économie mondiale.
Je siège ici depuis suffisamment longtemps pour savoir qu'il y a environ 10 ans, les producteurs de betteraves à sucre nous racontaient une histoire plutôt triste.
C'est une tâche pratiquement impossible. Je siège ici depuis 26 ans. Nous nous sommes accrochés à cette conviction erronée que nous allions obtenir des Européens et de Américains qu'ils abandonnent leurs subventions.
J'habite tout près de la frontière américaine. Je connais les agriculteurs de l'autre côté. Je sais ce qu'ils obtiennent. Un agriculteur américain ne vendra pas sa terre parce qu'il reçoit des subventions considérables de la part du gouvernement fédéral. Vous pouvez comparer le prix des terres entre Crosbie, au Dakota du Nord, et Esteva, en Saskatchewan. Vous constaterez que là-bas, les terres se vendent environ trois fois plus cher que les terres canadiennes simplement à cause des subventions.
M. Webster : C'est très juste. Nous ne préconisons pas un désarmement unilatéral de la part du Canada.
Le vice-président : Je suis heureux d'entendre cela.
M. Webster : M. Friesen peut parler avec plus d'autorité au sujet des transactions avec les États-Unis.
Il est vrai que nous avions l'habitude de nous présenter ici tous les ans pour obtenir un chèque du gouvernement.
Le vice-président : Je m'en souviens.
M. Webster : Cependant, après avoir tenté pendant 70 ans d'obtenir une politique du sucre, nous nous sommes dits que nos efforts seraient sans doute vains. Nous avons décidé que la meilleure solution pour assurer notre avenir était de s'en remettre au marché.
En modifiant nos rapports avec notre conditionneur et en changeant notre contrat, nous avons prouvé que nous étions capables de survivre. Nous offrons un produit de qualité et nous pouvons livrer concurrence au Brésil et à d'autres pays. Ce n'est pas chose facile.
Nous ne préconisons pas un désarmement de la part du Canada. Nous l'avons fait, mais nous avons effectué nos propres recherches pour déterminer si nous pouvions survivre. Je vais laisser M. Friesen répondre.
M. Friesen : Votre question appelle plusieurs points importants. Premièrement, l'industrie de la betterave à sucre au Canada est essentiellement concentrée en Alberta. Les agriculteurs traitent avec un acheteur unique, ce qui leur confère un certain pouvoir. Ils sont mieux placés pour négocier un prix que ne le sont les producteurs de céréales et d'oléagineux disséminés partout au Canada.
Un autre facteur important concerne ce que M. Webster a appelé le soutien spécifique par produit. Évidemment, le secteur de la betterave à sucre peut se prévaloir de toute une gamme de programmes agricoles au Canada.
La question du soutien spécifique par produit est très importante parce que le texte de l'accord cadre conclu aux négociations de la fin de juillet prévoit des mesures oranges applicables au soutien spécifique par produit. Autrement dit, on envisage d'appliquer des plafonds aux subventions spécifiques par produit qui faussent les échanges commerciaux.
Cependant, le hic, c'est que les États-Unis exercent d'intenses pressions pour que ces plafonds soient basés sur les dépenses historiques. Dans le cas qui intéresse M. Webster, les betteraves à sucre, ces dépenses sont au niveau zéro. Aux États-Unis, l'industrie du sucre a reçu un soutien orange par produit spécifique qui a atteint 70 p. 100 de la valeur de la production à la ferme à certains moments. Les États-Unis seraient plafonnés en haut de l'échelle et nous serions plafonnés à zéro. Notre industrie de la betterave à sucre serait impuissante en cas de crise spécifique par produit. C'est là un aspect extrêmement important.
M. Hildebrandt : Vous avez tout à fait raison, sénateur. Ces subventions ne disparaîtront pas.
Toutefois, je veux que le comité comprenne qu'il ne s'agit pas là uniquement de coûts pour le gouvernement et la population américains. Ce sont des investissements. Tout cela fait partie d'une stratégie. Les céréales et les oléagineux, par exemple, sont les matières premières qui alimentent la production bovine, la production d'éthanol, la production porcine. En maintenant à bas prix les matières premières, vous attirez des activités de valeur ajoutée dans votre pays, ce qui crée des emplois. Au bout du compte, vous obtenez un produit très économique que vous pouvez exporter sur les marchés mondiaux. C'est une stratégie.
M. MacDonald a évoqué une autre voie vers laquelle les Européens se tournent incontestablement. Nos dirigeants doivent commencer à faire la promotion d'incitatifs écologiques. En tant que producteurs et propriétaires fonciers, nous avons davantage à offrir que la production alimentaire et forestière. Si nous multiplions les biens et les services écologiques grâce à un aménagement intelligent du territoire agricole — que nous augmentons d'ailleurs grâce à des zones tampons, — il faut reconnaître que cela est avantageux pour notre pays. Je n'ai pas l'intention de discuter du pour ou du contre de Kyoto. Cependant, si c'est la tendance lourde, il faut avoir la volonté politique d'amener les Canadiens â reconnaître ce que nous faisons, ce que nous pouvons faire et ce que nous pouvons améliorer à cet égard.
La Saskatchewan est composée à 47 p. 100 de terres arables. Savez-vous quelle quantité de dioxyde de carbone nous pourrions entreposer grâce à cela — si tant est que ce soit rentable — pour répondre aux exigences liées à l'assainissement de l'air? Il faudrait entièrement repenser l'importance de nos moyens d'action.
Les Américains et surtout, les Européens sont en train de changer tout cela. Ils font preuve de plus de créativité avec leurs subventions. Ils ne se bornent plus à accorder une subvention à la culture du blé. Ils sont novateurs. Il faut que le gouvernement et les Canadiens concentrent leurs énergies pour ne pas rater le coche, et ce, dans l'intérêt de tous.
Le vice-président : Merci, monsieur Hildebrandt. Il est évident que les Européens combinent désormais l'environnement, le développement rural et l'agriculture sous une même rubrique. Les Américains pour leur part prennent très rapidement le même tournant.
Le sénateur Calbeck : Merci, messieurs. Nous sommes ravis de vous avoir ici. J'ai plusieurs questions, mais je n'aurai peut-être pas le temps de les poser toutes. Je commencerai donc par interroger M. MacDonald, qui vient de ma province.
Vous avez mentionné qu'il faudrait revoir le PCSRA. Ensuite, vous avez parlé de la prime en citant, si je ne m'abuse, le chiffre de 22 000 $.
Est-ce la prime totale? Le gouvernement ne l'a-t-il pas réduite du tiers?
M. MacDonald : Oui, il s'agit du tiers. Cela représente 22 000 $ pour 100 acres consacrés à la culture des pommes de terre. En se fondant sur la marge que je pourrais assurer pour 100 acres de pommes de terre en production, j'aurais 22 000 $. C'est le dépôt total. Cette année et l'année prochaine, il a été convenu que je devrais uniquement déposer le tiers de cette somme, soit environ 7000$ à 8 000 $ pour 100 acres cette année. Je viens tout juste de faire le calcul — 800 acres de pommes de terre, c'est ce qu'il me faut cultiver cette année pour avoir accès au programme.
Le sénateur Calbeck : On a parlé d'une ligne de crédit qui serait une solution également. Est-ce que vous proposez?
M. MacDonald : Non, nous en avons parlé lorsqu'on a commencé à élaborer le programme. Les gens pensaient que ce serait une option viable. Depuis, les agriculteurs et les autorités gouvernementales en ont discuté et ont conclu qu'elle n'est pas viable. Au bout du compte, cela coûte aussi cher que maintenant. Vous savez sans doute comment fonctionnent les lignes de crédit. Elles ne sont pas gratuites. Les banques imposent des frais à ceux qui veulent en bénéficier.
Des représentants de notre organisation et du gouvernement fédéral ont calculé les coûts du programme proprement dit en fonction des objectifs visés. Or, le programme n'encourage absolument pas la participation des agriculteurs. Sous sa forme actuelle, les premiers 15 ou 30 p. 100 sont une perte de la marge. Je ne peux obtenir 100 p. 100. — Si je perds la totalité de ma marge, je dois absorber une perte correspondant à 15 p. 100. Je n'obtiens pas une couverture totale équivalant à 100 p. 100. Voilà ma participation réelle au programme. Je n'obtiens jamais 100 p. 100. Si je perds tout, je ne peux être remboursé en totalité grâce au programme.
Voilà comment nous voyons notre participation. Si l'on veut la preuve de notre engagement, nous nous engageons tous les jours où nous investissons dans nos terres ou dans notre troupeau, ou quoi que ce soit. Voilà notre engagement envers le programme. Le fait que je sois tenu de faire un dépôt est très redondant.
Le sénateur Calbeck : Y a-t-il d'autres changements d'envergure que vous souhaiteriez que l'on apporte à ce programme?
M. MacDonald : Dans le contexte d'une révision, l'un des plus gros problèmes est la façon dont on évalue les inventaires, particulièrement dans le secteur bovin. Je connais certains cas à Île-du-Prince-Édouard. Nos exploitations ne sont pas aussi grandes que celles de certains producteurs de l'Ouest, mais tout est relatif. L'évaluation en question touche autant le producteur qui a 5 000 animaux d'embouche dans son parc d'engraissement qu'un agriculteur de l'Île- du-Prince-Édouard qui n'engraisse que 100 bêtes par année. Il y a eu des cas où des agriculteurs ont perdu plus de 100 000 $.Ce sont des éleveurs bovins, des propriétaires d'exploitations de veaux de naissage, des engraisseurs. Ils ont perdu plus de 100 000 $ et ils n'ont pas tiré un sou du programme. Tout cela à cause de la façon dont les inventaires sont évalués. C'est un aspect du programme qu'il faudra rajuster pour le secteur bovin si l'on veut permettre aux éleveurs d'avoir accès à des sommes importantes à l'avenir.
Le sénateur Callbeck : Monsieur Hildebrandt, en parlant du programme, vous avez déclaré que c'était un problème qu'ils avaient depuis cinq ans. Je me demande ce que vous proposerez.
M. Hildebrandt : Nous avons fait une proposition. Dans les accords de l'OMC ou de l'ALENA, vous pouvez aussi utiliser trois des cinq ans, ce qui pourrait aider. Il faut seulement un amendement — un pourcentage de ce qui serait la normale, une production normale sans trois années de sécheresse. Avec un peu de créativité, on pourrait faire un ajustement au lieu de changer la formule.
Je proposerais de prendre cinq ans dans la décennie 70 et de créer nous-mêmes des marges productives. Elles seraient plus élevées car l'économie était plus forte. Je pense qu'il faut seulement un rajustement.
J'ai parlé à un producteur, de l'ouest de la province, qui cultive exactement trois fois plus moi. Je cultive dans l'est de la Saskatchewan où nous avons eu la chance de ne pas avoir de sécheresse. Ses terres sont trois fois plus grandes et il n'y a pas de changement de structure. Il se trouvait là-bas durant ces cinq années et moi j'étais ici. Sa marge de production est inférieure à la mienne. La situation est bien sûr injuste car il a eu trois sécheresses dans une moyenne olympique.
Le sénateur Callbeck : Monsieur MacDonald, vous avez parlé de l'environnement. Je sais que la fédération de l'agriculture de l'Île-du-Prince-Édouard a travaillé fort pour présenter une proposition visant à payer les propriétaires pour des services environnementaux. Quel soutien avez-vous eu des gouvernements d'autres provinces à cet égard?
M. MacDonald : Les gouvernements nous apportent un grand soutien moral. Malheureusement, cela ne paye pas les factures. Notre gouvernement provincial nous a toujours soutenu. Le nouveau CSA a des fonds à disposition pour les problèmes environnementaux. Le problème, c'est que les programmes ont été conçus pour l'Ouest du Canada — c'est- à-dire que le coût de l'acre dans l'ouest du Canada est bien sûr beaucoup moins élevé que celui dans l'Île-du-Prince- Édouard.
En tant que fédération, nous avons rencontré nos homologues provinciaux et fédéraux et nous leur avons demandé si, par exemple, nous pouvions utiliser cet argent attribué à l'échelle provinciale pour l'Île-du-Prince-Édouard — même s'il est supposé être dépensé d'une certaine façon, il ne répond pas à nos besoins. Nous avons demandé si nous pouvions utiliser cet argent pour faire un essai pilote dans l'Île-du-Prince-Édouard en vue de déterminer nos besoins au plan de l'environnement dans l'Île-du-Prince-Édouard et utiliser cet argent pour financer ce projet.
Je crois comprendre que le ministère fédéral de l'Agriculture étudie notre demande. Nous attendons patiemment pour voir s'ils vont nous autoriser à le faire ou non. Il faut de l'argent pour financer ce genre de chose et les temps sont difficiles pour tout le monde, au provincial comme au fédéral. En ce qui nous concerne, de l'argent devait être mis à la disposition de l'Île-du-Prince-Édouard. Au niveau fédéral, la province ne doit rien payer pour recevoir cet argent; donc, ne serait-il pas possible de s'arranger un peu afin de nous permettre de faire cela dans l'Île-du-Prince-Édouard?
Le sénateur Mercer : Messieurs, c'est un plaisir de vous avoir ici. J'estime que nous avons devant nous des gens qui comptent parmi les meilleurs entrepreneurs canadiens, des gens qui savent opérer des petites et des grandes entreprises mieux que la plupart des gens de Bay Street. Vous êtes vraiment au courant de ce qui se passe et vous ressentez les effets des changements dans le monde plus vite que n'importe qui.
Je suis un peu préoccupé. M. Webster pense que nous sommes très bien élevés; bien sûr nous devrons lui envoyer quelques bandes sonores des comités précédents. Je ne tiens pas à décevoir sa fille, mais de toute façon je l'encourage à voter.
L'équilibre, bien sûr, c'est qu'il y a cinq sénateurs de la région de l'Atlantique dans ce comité et le sénateur Fairbairn est originaire de Lethbridge, donc, je pense que c'est plus ou moins égal.
Dans un communiqué commun émis le 10 octobre de cette année, les ministres de l'Agriculture de l'Île-du-Prince- Édouard, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick ont annoncé que la récente stratégie du gouvernement fédéral visant à repositionner l'industrie canadienne des productions animales était conçue pour répondre aux besoins des producteurs de bovins de l'ouest du Canada et ne traite pas adéquatement des problèmes des producteurs de bovins des Maritimes. On se préoccupe, premièrement que la stratégie ne traite pas suffisamment des problèmes de transformation et de capacité à l'échelle régionale, deuxièmement, on n'a pas fait grand-chose pour avantager le secteur de l'élevage et de remplacement des bovins, que ce soit les bovins de boucherie ou les bovins laitiers; et, troisièmement, certains éléments de la stratégie, tels que les programmes de réserve proposés sont moins pertinents dans la région de l'Atlantique.
J'ai deux petites questions à ce sujet. Êtes-vous d'accord avec les positions des trois ministres de l'Agriculture? Est-ce qu'il y a une flexibilité dans la stratégie récemment annoncée par message d'intérêt public pour répondre à leurs besoins?
M. MacDonald : Je suppose que c'est à moi que vous posez cette question.
Le sénateur Mercer : Eh bien! À quelqu'un qui peut répondre.
M. MacDonald : Nous sommes d'accord avec eux. Pour ceux d'entre vous qui ne sont pas de la région, l'industrie bovine a perdu l'année dernière sa seule usine de transformation de bœuf dans les Maritimes. Il aurait fallu que nous transportions nos bovins dans d'autres provinces pour les abattre avant de les commercialiser. Cela était très coûteux, en termes de transport et de perte de freinte pendant l'expédition vers les marchés
Les éleveurs de bétail de la région atlantique se sont réunis et ont proposé de contribuer financièrement pour essayer d'obtenir des fonds provinciaux et fédéraux et de construire une usine de transformation du bœuf. Cela est en train d'aboutir plutôt rapidement. Selon les dernières nouvelles que j'ai reçues, ils sont supposés démarrer le mois prochain.
L'une des choses que l'industrie bovine des Maritimes recherchait était une aide fédérale pour installer des systèmes de traçabilité dans cette nouvelle usine de transformation du bœuf. Il nous est vite apparu après l'année dernière ce que nous devions faire pour retrouver notre place dans le marché et prouver au monde que nous avions un produit sûr Nous savons qu'il est sûr mais nous devons le prouver.
Au cours de l'été, nous étions un peu inquiets car nous ne savions pas d'où proviendrait ce financement. Il existe des programmes au niveau fédéral, mais ils ne répondaient pas à leurs questions. Depuis, je n'ai pas eu l'occasion de parler à notre ministre au sujet de ce communiqué de presse, mais je crois que c'était le communiqué qui a suscité certaines inquiétudes. Je crois que cela est en train d'être résolu à ce moment même. Des mesures ont été prises depuis pour permettre le versement des fonds du gouvernement fédéral visant à installer ces systèmes de traçabilité.
La somme de 100 $ par vache pouvant être empruntée à la suite d'une demande du PCSRA ne représente pas beaucoup d'argent. Nous ne voulons pas paraître ingrats — toute aide est bienvenue — mais, un animal coûte 1,75 $ par jour et les 100 $ constituent un prêt et doivent être remboursés. Les fermiers n'aiment pas emprunter de l'argent s'ils n'ont pas à le faire.
Si nous ne corrigeons pas les rajustements des stocks, certains fermiers ne prendront pas la peine d'emprunter ces 100 $, car ils se préoccupent beaucoup, étant donné ce qu'ils ont enduré pour leur demande en 2003, qu'ils ne pourront pas recevoir de l'argent provenant des fonds du PCSRA. Ils devront cet argent avec des intérêts. Je crois que c'est ce dont ils parlaient.
M. Friesen : C'est pour cette raison que j'ai mentionné tout à l'heure que nous avions imploré le ministre pour qu'il s'assure de contrôler étroitement la stratégie.
J'ai une anecdote à vous raconter. En prévision de cette annonce, le prix des veaux, certainement dans l'ouest de la Saskatchewan et en Alberta, a augmenté considérablement, car on a cru à l'éventualité d'un programme de réserve, etc. Étant donné que l'industrie d'engraissement des bovins de boucherie se situe principalement en Alberta, nous pensons que cette stratégie pourrait être plus efficace dans cette région, mais pourrait ne pas être efficace dans le reste du pays.
La dernière fois que j'ai parlé au président de l'UPA, il a déclaré que leurs prix n'avaient pas encore augmenté du tout. Cela se passait peut-être trois ou quatre semaines après l'annonce.
Le sénateur Mercer : Mes collègues vous diront que l'une de mes principales préoccupations au sujet de tout l'argent versé dans le programme de redressement relatif à l'ESB et qui s'élève à environ quatre milliards de dollars pour l'ensemble des divers programmes, cet argent n'est pas allé où le prévoyait le gouvernement.
Tout le monde avait de bonnes intentions, mais nous avons une crise grave. Le secteur agricole a demandé de l'aide. Le gouvernement a accepté d'aider et a mis à exécution plusieurs programmes. Le consommateur veut que cet argent aille aux fermiers. Les consommateurs ont augmenté leur consommation de viande de bœuf, etc.
J'aimerais connaître votre avis. Je suis frustré du fait que l'argent n'ait pas été versé aux fermiers, pas la totalité, surtout dans le premier programme. Depuis notre dernière rencontre en ces lieux, j'ai appris que la marge de profit de trois grandes usines de conditionnement des viandes a atteint le chiffre incroyable de 281 p. 100 au cours des derniers mois de 2003. Leur situation était bonne avant cela. Je suis vraiment choqué. C'est une parodie.
Je voudrais que vous fassiez un commentaire à ce sujet. Je cherche aussi vraiment des conseils pour les gouvernements. Ce n'était pas seulement le gouvernement fédéral, mais aussi les gouvernements de l'Alberta, de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan qui participaient d'une façon ou d'une autre aux divers programmes. Comment éviter l'exécution de programmes qui mettront de l'argent dans les bénéfices nets des usines de conditionnement de viande au lieu d'en faire profiter les agriculteurs — même si je sais qu'il n'y a probablement pas de bénéfices nets, que vous avez trop de fractures à payer?
M. Hildebrandt : Vous avez tout à fait raison — du moins avec les premiers paiements qui n'étaient administrés — les plus récents l'ont été quelque peu.
Bien que l'objectif, comme l'a mentionné M. Friesen, était de lancer le marché, les fonds mis de réserve ne font rien pour renflouer les pertes d'il y a 18 mois. Si vous allez fixer un plafond de 200,00 $ par an, il vous en coûtera cela et plus pour le faire.
Il s'agit, au fond, de garder cela hors du marché pour essayer d'ouvrir des abattoirs et créer une situation d'offre et demande. Nous avons trop de capacité d'abattage et pas nécessairement trop de demandes. La théorie est là.
M. Friesen et moi-même avons parlé du besoin de vaches de réforme, nous en parlons encore, il s'agissait de financer directement les producteurs primaires et peut-être aider à corriger ce problème Est-Ouest. Il y a un pourcentage plus élevé de naissage dans l'Est, surtout pour les bovins laitiers. Comme M. Friesen l'a mentionné, les parcs d'engraissement se trouvent là-bas.
De nouveau, la théorie du programme de réservation et de l'éleveur canadien de bétail, c'est que vous réservez ici et qu'il y a un effet de retombée afin d'aider le marché pour toutes les catégories de veaux, mais il n'y aura pas d'effet de retombée pour cette situation de naissage, cette situation de troupeau d'élevage. Ces 20 p. 100 ont été éliminés pour les bovins de boucherie et quelque part aussi pour les bovins laitiers.
Premièrement, le programme de réforme vise naturellement le producteur de naissage, que ce soit des bovins laitiers ou de boucherie. Il viserait probablement autant l'Est sinon plus. Il servirait à régler aussi ce problème.
C'est l'élément qui manquait depuis le début de notre raisonnement. Nous avons essayé de l'imposer par l'intermédiaire de la FCA. Nous avons proposé certaines mesures concernant ce programme de réforme. Je l'ai présenté ici il y a un an au nom de la FCA. C'est un domaine qui n'a pas encore été abordé.
M. Friesen : Nous croyons que le premier argent versé à l'industrie bovine, l'été dernier, constituait l'une des sommes d'argent les plus facilement gagnées par les usines de conditionnement de viande.
Au sujet de votre remarque concernant nos dépenses de presque quatre milliards de dollars dans l'industrie bovine, n'oublions pas une chose : pour chaque dollar versé à un producteur de bovin, si ce producteur de bovin déclenche aussi le PCSRA, cela représente des économies pour le PCSRA. Je ne sais pas ce que serait le pourcentage, mais une grande partie de cet argent constitue simplement une compensation aux paiements éventuels du PCSRA versés à ces agriculteurs.
Le sénateur Mercer : Comprenez-moi bien. Je ne dénonce pas les dépenses d'argent. Je dénonce le fait que l'argent aille dans les bénéfices des usines de conditionnement de viande. Si l'argent était versé aux agriculteurs, je serais satisfait.
Le vice-président : J'ai téléphoné à Whitewood Auction Mart la semaine dernière à ce sujet. Les vaches de réforme rapportaient entre 8 et 12 cents la livre. Ça fait beaucoup de hamburgers. Quelqu'un gagne beaucoup d'argent avec une vache de 8 cents. Une vache bien charnue rapportait entre 12 et 20 cents. En général, les bovins rapportaient environ 25 cents la livre. Quelqu'un, quelque part, gagne beaucoup d'argent avec ces bovins peu coûteux.
Le sénateur Mercer : Pas l'agriculteur.
Le vice-président : Ce n'est pas l'agriculteur, nous le savons.
M. Hildebrandt : Ces bovins bien charnus avant l'ESB, étaient autour 64, 65 cents.
Le sénateur Ringuette : La livre, pas le kilo.
Le sénateur Oliver : J'ai trois questions. Elles s'adressent toute à M. Friesen. La première se rapporte à l'ESB.
Le comité a publié un rapport l'année dernière sur l'ESB. Le rapport faisait deux recommandations. Je veux savoir si vous avez reçu une copie de ce rapport. Si vous avez pu l'étudier, que pensez-vous des deux recommandations?
Deuxièmement, vous avez fait des commentaires sur le bien-être des animaux. Vous avez parlé d'un projet de loi présenté devant le Sénat l'année dernière. Je crois que c'était le projet de loi C-10 dont vous avez parlé. Vous avez dit que vous espériez que ce projet de loi soi adopté et que vous vouliez que la loi future soit adoptée dans le même format que le projet de loi C-10.
En ce qui me concerne, j'ai reçu plusieurs lettres provenant d'agriculteurs se plaignant du projet de loi et qui les inquiétait beaucoup. Je veux savoir si vous avez eu l'occasion de lire l'un des débats du Sénat concernant ce projet de loi, surtout les arguments présentés par les Autochtones dénonçant la façon dans le projet de loi empiétait sur certains de leurs droits traditionnels. Si vous avez lu cela, pouvez-vous faire un commentaire à ce sujet en tenant compte du fait que vous avez déclaré que vous espériez que le projet de loi soit adopté dans sa forme originale?
Ma troisième question concerne l'OMC. Vous avez déclaré que vous étiez à Genève, une nouvelle fois. Je sais qu'ils ont présenté un nouveau cadre de négociations futures. Pouvez-vous nous dire s'il y a eu une discussion claire à la Commission canadienne du blé et ce qui a été dit au sujet de notre gestion d'approvisionnement à ces réunions? Quel sera l'effet sur les deux?
M. Friesen : J'ai lu votre rapport, mais il faudrait que l'on me rappelle ce que ces deux recommandations spécifiques étaient. Je vais répondre à vos deux autres questions.
Quand j'ai dit que nous espérions que le projet de loi soit adopté dans sa forme originale, c'était à la fin de la journée quand les agriculteurs pensaient que nous avions réussi à avoir les amendements dont nous avions besoin afin que le projet de loi ressemble le plus possible à un format dont on pourrait s'accommoder. Nous ne voulions certainement pas le faire adopter dans son format original, absolument pas. Nous étions très préoccupés. Nous sommes encore préoccupés même dans son format le plus récent.
Nous avons pensé que ce serait mieux si celui-ci était adopté plutôt que de recommencer à zéro. Nous savons que certaines ONG aimeraient rédiger ce projet de loi sous une forme qui le rendrait beaucoup plus sérieux.
Le sénateur Oliver : Cela pourrait causer des dommages irréparables aux agriculteurs.
M. Friesen : Absolument. C'est la raison pour laquelle nous avons pensé qu'au moins il était assez proche et que, par conséquent, nous devrions le faire adopter.
Oui, nous étions au courant des recommandations que vous avez faites sur les exemptions concernant les Autochtones. Nous n'avons aucun problème avec les autres groupes d'intérêt, nous nous sommes assurés que le projet de loi ne causait aucun dommage irréparable à leurs intérêts. Une suggestion pour l'agriculture était aussi une exemption large. Votre recommandation en faveur des Autochtones ne nous a certainement causé aucun problème, mais nous avons estimé que la façon selon laquelle elle était recommandée risquait de paralyser l'étude du projet de loi. Nous espérions arriver à un accord par lequel le libellé de l'exemption assurerait qu'il serait adopté. Ce n'est certainement pas parce que nous pensions que l'agriculture était le seul groupe important concerné par ce projet de loi.
En ce qui concerne le texte du cadre de travail, oui, la Commission canadienne du blé est menacée; il n'y a aucun doute à ce sujet. Ils ajoutent l'insulte à l'injure pour l'attaquer. Premièrement, la Commission canadienne du blé est garantie par le gouvernement, nous avons, je crois, un manque à gagner de 80 millions de dollars pour 2002 ou pour 2003, à cause du prix payé aux agriculteurs au début puis à la fin de l'année. Notre gouvernement qualifie cela de mesure orange. Cela n'est pas différent d'une multinationale américaine qui peut acheter des céréales moins chères chez les agriculteurs américains grâce à leur programme de prêt de complément puis demander au gouvernement de combler le déficit et de qualifier le prêt de complément de mesure orange. C'est la même chose. Donc, il n'y a aucune raison pour eux d'attaquer. S'il s'agit d'une question liée au soutien interne, nous devrions donc l'aborder dans le cadre du soutien interne, mais ce n'est certainement pas une subvention à l'exportation.
Nous avons à maintes reprises prouvé qu'un monopole par lui-même n'est pas une subvention à l'exportation. Nous sommes tout à fait prêts à respecter les mêmes règlements qui régissent tous les autres exportateurs internationaux. Voilà la question : Pourquoi est-ce seulement les monopoles des agriculteurs qui sont visés à l'OMC? Aucun autre monopole n'est visé. J'ai parlé à l'OCDE, la semaine dernière en Europe, et je leur ai posé la question. Nous savons pourquoi les États-Unis veulent éliminer la Commission canadienne du blé — parce que les intérêts de leurs multinationales sont menacés car nos agriculteurs fonctionnent comme une collectivité pour commercialiser le blé dans le monde et leur font de la concurrence dans les marchés internationaux.
Je répète que nous sommes tout à fait prêts à respecter les mêmes règles. Imaginons ce scénario : les Américains essaient de démanteler la Commission canadienne du blé qui permet aux agriculteurs de l'ouest du Canada de vendre leur blé — le jury étudie cette question. La dernière fois que je me trouvais aux Philippines, j'ai vu un silo de Cargill, nous savons que les États-Unis essaient de forcer des pays comme les Philippines à réduire leurs tarifs douaniers. Si les États-Unis réussissent à démanteler la Commission canadienne du blé, est-ce que Cargill paiera plus pour le blé produit par nos agriculteurs de l'Ouest? Je ne le crois pas. Est-ce qu'ils vendront moins cher le blé aux Philippines, même s'ils écrasent les paysans philippins? Je ne le crois pas.
Vous entendrez souvent dire qu'avec la mondialisation et l'ouverture de toutes les frontières, il y aurait une augmentation de 300 millions de dollars de revenu. Où irait ce revenu? Ils factureront toujours selon la demande du marché au niveau du détail. Le plus vous consolidez les activités en aval, le plus le secteur d'aval sera simplement en mesure de donner aux agriculteurs ce qu'ils veulent donner aux agriculteurs.
Je suis assez passionné par ce sujet. En ce qui concerne la gestion de l'approvisionnement, nous pensons que nous avons l'occasion de négocier de façon à pouvoir maintenir notre gestion de l'approvisionnement.
Le sénateur Oliver : Cela n'est pas remis en question à ce point, alors.
M. Friesen : C'était remis en question dans le texte original du cadre, où il était écrit qu'il y aurait une diminution obligatoire des droits hors contingent. Les pays qui appuyaient cette mesure étaient des pays protectionnistes ayant la liberté de diminuer leurs droits hors contingent sans mettre en péril les produits qui allaient au-delà de la barrière douanière.
De plus, il y a trois façons d'améliorer l'accès au marché. La première consiste à diminuer les droits; l'autre consiste à offrir des engagements au niveau des contingents tarifaires; et la dernière consiste à diminuer les droits applicables dans la limite du contingent. Ce que nous essayons de faire, c'est de montrer que les pays qui mettent de l'avant une formule de diminution des droits sont ceux qui ne veulent pas améliorer l'accès au marché.
L'Inde détient 100 p. 100 des droits sur la fève de soya. Si l'on diminue ces droits de 50 p. 100, certains diront que l'accès au marché a été amélioré de 50 p. 100; mais il reste encore des droits de 50 p. 100. Avec les marges d'aujourd'hui dans le secteur des grains et des oléagineux, il n'y aurait pas de marché d'exportation rentable. Même une diminution de 50 p. 100 des droits n'améliorerait pas l'accès des marchés. Ce que nous disons, particulièrement au sujet des produits sensibles, c'est que nous voulons une diminution importante des droits. Cela ne fait aucun doute. Nous exportons plus de 70 p. 100 de notre production agroalimentaire. En ce qui concerne les produits sensibles, dans le texte cadre, par rapport à d'autres pays, il y a trois façons d'améliorer l'accès au marché, que je viens de mentionner.
Cela va peut-être vous surprendre de savoir que lorsque nous avons rencontré la dernière fois l'ambassadeur mexicain pour les négociations commerciales, nous avons dit que nous ne voulons pas de diminution obligatoire des droits hors contingents. Il a dit qu'une diminution obligatoire de ces droits était nécessaire. Nous avons dit que nous ne voulions pas d'augmentation obligatoire des contingents tarifaires. Il a dit qu'il fallait le faire. Nous avons alors dit que nous aimerions que les taux de droits applicables dans la limite du contingent deviennent nuls et il a répondu que non, que nous avions besoin de ces taux pour contrôler les produits importés au Mexique. Vous voyez donc que des pays différents utilisent différentes méthodes.
Selon nous, lorsque la gestion des approvisionnements au Canada a offert un accès au marché minimum de 5 p. 100, ils ont tout de suite offert un accès au marché supérieur que bien d'autres pays qui offrent ce que nous pouvons considérer comme étant des biens issus de la libéralisation du commerce.
Je suis producteur de dinde et de porc. À la dernière ronde de discussion, en tant que producteur de dinde, j'ai dû abandonner 5 p. 100 de mon marché intérieur. En tant que producteur de porc, j'ai obtenu 0,5 p. 100 de marché aux États-Unis. Notre argument, c'est que nous devons examiner plus attentivement ce qui améliore réellement l'accès au marché et donner aux pays la possibilité d'améliorer leur accès du marché tout en s'assurant que ces options produisent des résultats similaires. Ensuite, nous pouvons offrir un accès au marché avec les contingents tarifaires, un autre pays peut offrir un accès au marché avec diminution des taux de droits applicables dans la limite du contingent, ou si un pays désire offrir son accès au marché en diminuant ces droits à un niveau qui permet un accès considérable au marché, il peut le faire de cette manière. Cela devrait donner des résultats équitables à la fin.
Pour répondre à votre question, si vous réussissez à convaincre d'autres pays de cela, le Canada pourrait avoir une réelle possibilité de négocier quelque chose qui pourrait aider à maintenir la gestion des approvisionnements. Cela permettrait au fermier de conserver leur emprise à la Commission canadienne du blé et nous permettrait d'avoir de bons accès à des marchés en réduisant les droits.
Si vous parlez au Conseil canadien du porc, vous apprendriez que le problème n'est pas les droits élevés. Il s'agit plutôt des contingents tarifaires. En Europe, s'ils veulent tenir les engagements qu'ils ont pris lors de l'Uruguay Round, nous aurions un accès pour 750 000 tonnes de porc au lieu de 75 000. C'est alors l'administration des contingents tarifaires.
Il y a beaucoup d'aspects différents à examiner avant de déterminer si l'accès au marché a été amélioré. Une fois de plus, si nous négocions avec vigueur, il est toujours possible que cela se produise.
M. Friesen : Je m'excuse, sénateur Gustafson, j'ai une autre réunion, mais je suis prêt à ce que mes collègues restent ici. J'ai deux autres questions à soulever. La première porte sur la production de l'ambre dont M. Webster a parlé plus tôt. Tous les biens au Canada qui dépendent beaucoup des marchés de l'exportation essaient de se tenir loin des appuis sur des produits en particulier qui sont trop élevés parce que cela nous a toujours rendu vulnérable. Nous essayons de trouver de meilleures façons d'améliorer l'appui intérieur.
L'autre point, c'est que de la FCA tient un symposium national sur les revenus agricoles les 15 et 16 novembre ici à Ottawa. Un bon nombre d'intéressés s'inscrivent à cette rencontre. Le symposium n'est pas conçu pour faire du lobby. L'objectif pour le secteur de la production primaire est de s'asseoir avec l'industrie et les premiers ministres, et avec toute personne intéressée à écouter ces conférenciers et à avoir une bonne discussion, afin de voir si nous pouvons amorcer quelque chose pour trouver des solutions à notre problème de revenus agricoles.
Le vice-président : Merci, monsieur Friesen, de votre témoignage.
J'espère que les autres témoins pourront répondre à quelques questions à l'intérieur des 15 prochaines minutes, ou à peu près.
Le sénateur Hubley : Bienvenue au comité. S'il me revient de poser la dernière question de la journée — et je ne vais probablement pas le faire — j'aimerais savoir, au sujet de votre expérience avec l'ESB et l'horrible impact qu'elle a eu sur l'économie canadienne, quels changements prévoyons-nous apporter dans cette industrie? Y a-t-il eu de nouveaux développements au sein de l'industrie, une valeur ajoutée, ou de nouveaux marchés qui ont été explorés?
En répondant à cela, pouvez-vous également faire un commentaire sur les chances d'ouverture des frontières américaines et nous dire quand, selon-vous, cela se produira?
M. Friesen : Tout d'abord, en ce qui concerne ce que nous avons pu apprendre de la situation avec l'ESB, il nous faut un plus grand contrôle de notre destinée dans cette industrie. En raison du taux de change du dollar et de la présence d'un marché de grande taille et prospère dans notre cours, nous sommes devenus dépendants de nos amis américains dans ce secteur, et d'une manière assez considérable.
Il y a des mouvements pour mettre sur pied plus d'abattoirs, et les trois principaux abattoirs du pays sont agrandis, en ce moment même. Cela ne nous donne pas nécessairement plus de contrôle et nous ne sommes pas plus concurrentiels, mais nous détenons maintenant des abattoirs. On m'a dit que si nous pouvons abattre encore plus de bœuf en caisses carton, nous pourrions passer plus d'animaux. Nous devons avoir plus d'abattoirs, surtout pour les animaux plus vieux. Certains croient qu'il faudra encore du temps avant que l'on puisse envoyer des bovins vivants aux États-Unis, plus de 30 mois.
Et ce qui est tout aussi important que l'établissement d'une capacité d'abattage, c'est le marché. Bien qu'il y ait eu de bonnes initiatives et de petites niches, la situation dans chaque province dépend de certains marchés constitués en niches. Je ne pense pas que nous avons fait de la recherche sur le marché pour en arriver à une capacité d'abattage importante. Il est important de développer ce marché, mais il est faut aussi développer un marché rentable.
Il est possible, par exemple avec un système de mérite, que le gouvernement injecte de l'argent dans un grand abattoir de vaches dans l'ouest du Canada; les producteurs auraient accès à cela grâce à un système où il faut cocher lorsqu'ils livrent leurs animaux. C'est un incitatif intéressant, mais à la fin, il faut aussi un marché avantageux financièrement. Nous mettons les deux choses ensemble, et nous devons les pousser plus loin; y a-t-il moyen d'être rentable, à l'échelle du producteur de vaches?
À mesure que nous mettons sur pied des abattoirs, nous devons développer des marchés rentables. Nous n'avons pas tenu compte de cela. Oui, des efforts ont été faits pour rouvrir le marché américain, ce qui pourrait être la solution la plus rapide aux problèmes, mais nous devons en faire plus, acquérir plus de contrôle et développer des marchés.
Cependant, l'élément clé sera toujours le profit. Rien ne sert d'encourager la mise sur pied de nouveaux abattoirs, de les faire fonctionner, même dans un marché quelconque, si la frontière s'ouvre dans trois ans et si les gros compétiteurs offrent 20 cents de plus parce qu'ils envoient leurs marchandises juste à côté.
Je suis très prudent. Mais il faut développer une plus grande capacité d'abattage et accroître la propriété canadienne, et préférablement auprès des producteurs. Cependant, nous devons nous assurer que nous avons une utilisation finale.
Le sénateur Hubley : Monsieur MacDonald, en ce qui concerne la galle verruqueuse, un protocole a été mis en place — avec deux découvertes. Ce protocole permettrait le transport des pommes de terre. Avec la découverte de la galle verruqueuse, est-il possible que le protocole ne soit pas suivi par d'autres pays? Les États-Unis ont-ils mis des restrictions à ce sujet? L'ont-ils déjà fait?
M. MacDonald : Il n'y a aucune garantie que d'autres pays... C'est-à-dire les États-Unis, notre principal marché étranger pour les pommes de terre. Nous avons découvert beaucoup d'inégalités dans le système. À l'Île-du-Prince- Édouard, nous avons encaissé le coup pour le reste de l'industrie. Il ne s'agit pas de dire : « Nous voici; nous avons fait un bon travail pour vous. » Mais les réalités d'aujourd'hui étant ce qu'elles sont, si nous n'avions pas eu de protocole en place pour maîtriser notre situation, nous n'aurions jamais eu accès au marché des pommes de terre des États-Unis, ni en tant que province ni en tant que pays.
Cela étant dit, pour répondre à votre question, rien ne nous garanti que si l'on trouve encore la galle verruqueuse, d'autres pays — surtout les États-Unis — vont faire le même type de chose. La seule chose que nous pouvons faire est de maintenir notre protocole. Il a fonctionné, et il fonctionne toujours aujourd'hui. Nous avons accédé à des marchés à l'intérieur d'un laps de temps très court. Ce n'est pas un secret, aucun autre cas n'a été trouvé. Aux États-Unis, rien n'est venu fermer la frontière encore, simplement parce que nous le protocole que nous avons mis en place fonctionne. Le produit a été isolé et n'a pas pu accéder au marché. Il n'y a jamais eu de menaces, grâce à notre protocole. Nous sommes contents d'avoir mis ce système en place. Beaucoup de personnes se plaignent au sujet des coûts et de l'entretien de ce système — il est difficile à appliquer, tant pour les producteurs que pour les organismes gouvernementaux — mais il fonctionne.
Le sénateur Hubley : Il faut féliciter l'industrie à l'Île-du-Prince-Édouard pour avoir pris des mesures très difficiles à l'époque; il est certain que vous avez pris les bonnes décisions en ce qui concerne la traçabilité et la chaîne alimentaire saine. Vous pouvez être très fiers de cela. Cette industrie est importante pour notre province.
Le sénateur Ringuette : Je viens du Nouveau-Brunswick, de la région où l'on cultive la pomme de terre, alors je connais bien les questions qui touchent la pomme de terre à l'Île-du-Prince-Édouard. Vous avez parlé de vos collègues dans l'industrie du bœuf et de leur nouveau projet de coopérative, la Coopérative des producteurs de bœuf de l'Atlantique. Ces gens-là ont témoigné devant le comité au printemps dernier, et nous étions fortement en faveur de leur initiative. Le caucus libéral de l'Atlantique de même; Wayne Easter a défendu cette question. Nous avons réalisé qu'un des principaux problèmes des producteurs de bœuf était la capacité d'abattage. C'était également la principale question pour la nouvelle coopérative à l'Île-du-Prince-Édouard, mais les producteurs de l'Atlantique ont la totalité du marché pour leurs produits dans la région de l'Atlantique. Ils ont déjà un canal de distribution pour cela.
Je pense à cela et je pense à ce que M. Webster a dit au sujet de l'industrie de la betterave à sucre — une valeur ajoutée pour le Canada. Il a dit qu'il n'y avait pas de marché aux États-Unis pour le sucre raffiné en raison de la valeur ajoutée du produit. Ils veulent transformer le sucre là-bas. Nous sommes dans la même situation avec une partie de la production du bœuf dans l'Ouest.
Quel est le juste milieu? Comment pouvons-nous à la fois avoir une plus grande capacité de transformation dans l'industrie du bœuf et être certains que le marché de la côte ouest ne soit pas complètement fermé pour tous ces produits à valeur ajoutée, afin d'éviter que ne se reproduise ce qui s'est produit dans l'industrie de la betterave à sucre?
M. MacDonald : C'est une très bonne question. Nous ne sommes pas contentes d'être obligés de trouver un nouveau marché pour des produits non finis. Il sera très difficile d'améliorer l'accès pour le sucre raffiné. Selon l'accord-cadre de l'OMC, un bon nombre de pays désignent le sucre comme un étant un produit sensible ou spécial. Au Canada, au cours des cinq dernières années, l'industrie de la production du sucre provenant de la betterave à sucre a pris un peu d'expansion. Assez, même. Mais malgré le fait que la population s'accroît aux États-Unis, la consommation de sucre diminue. Et ce n'est pas parce que l'on consomme moins de sucre là-bas. C'est seulement qu'il provient de produits transformés en provenance du Canada et du Mexique. Vous verrez que le Québec, l'Ontario et la Colombie- Britannique ont des industries de produits contenant du sucre depuis quelques années. Nous essayons d'obtenir une valeur ajoutée de cette manière. Il n'y a pas eu de nouvelles industries de produits contenant du sucre à Lethbridge, mais nous essayons d'en mettre sur pied.
De plus, le développement économique à Lethbridge travaille sur une proposition des producteurs de bœuf. C'est une situation très triste lorsque vous recherchez de nouveaux marchés pour les produits non transformés. Les raffineurs de sucre et d'autres entreprises ont repositionné leur gamme de produits contenant du sucre au Canada. La consommation de sucre a augmenté d'environ 4 ou 5 p. 100 par année au Canada au cours des dernières années, et cela s'explique par le fait que le sucre est exporté dans des produits qui contiennent du sucre.
Le sénateur Ringuette : Je voudrais parler d'un des commentaires que vous avez émis, monsieur MacDonald, au sujet des ressources humaines dans l'industrie.
Je fais partie du groupe de travail du premier ministre sur les emplois saisonniers et je vois à quel point les ressources humaines sont un facteur qui touche l'industrie. Il y a des facteurs décourageant dans nos programmes de main- d'œuvre. Nous devons reconnaître que l'industrie et les travailleurs saisonniers ne touchent pas uniquement l'est du Canada. Il s'agit d'une question qui touche tout le pays. Nous en avons discuté avec une bonne quantité de nos collègues à travers le pays. Il s'agit d'un facteur majeur. S'il n'y a pas cet élément, vos gars sont tout seuls. Cela ne fait aucun doute.
Nous avons entendu dire, à Kelowna, il y a deux semaines, que nous devrions tenir compte, dans les données démographiques qui nous examinons, non seulement des jeunes des milieux ruraux qui quittent leur région, mais aussi du retour des retraités. Cela pourrait être l'une des solutions pour l'embauche saisonnière. Soyez assuré que cela fera partie de nos recommandations, c'est-à-dire d'examiner les données démographiques et d'aider à régler cette question.
M. MacDonald : Je suis heureux d'entendre cela. Je pense que pour notre industrie, il est tout à fait à notre avantage de pouvoir ajuster les règles et règlements de l'assurance-emploi ou des pensions du Canada pour permettre aux personnes de travailler. Il s'agit d'une question de santé.
Si je peux vivre aussi longtemps que mes parents et que mes grands-parents, et être autant actifs qu'eux, je serai une personne très chanceuse. Il est clairement établi que si vous prenez votre retraite et que vous ne faites rien, vous n'aurez pas une vie de qualité ou vous ne vivrez pas longtemps. Nous devons permettre aux personnes qui le veulent de travailler. Cela nous aidera grandement.
Nous avons une ressource importante que nous ne pouvons utiliser, en raison du système. Si le gouvernement peut trouver une manière de le modifier, cela nous permettrait grandement de régler la question des ressources humaines.
M. Hildebrandt : Cette question particulièrement important à Horton, où le travail dans une ferme de grains est plus contraignant. Si vous avez une exploitation de 20 000 acres et que vous avez besoin de six moissonneuses-batteuses, il est difficile de trouver six personnes qui peuvent utiliser ces machines qui coûtent 300 000 $ la pièce.
Si seulement c'était rentable, pas lucratif mais simplement rentable; il y a de la place sur la plupart de ces fermes pour accueillir de jeunes familles, qu'elles viennent ou non de l'étranger, et leur offrir de la formation. Ce type de raisonnement est absent du PCSRA — essayer de nous tenir à flot. Qu'en est-il de l'économie qui croît et stimule? Mais, il faut un peu de rentabilité, et les revenus négatifs des fermes montrent que ce n'est pas le cas.
Pour être plus prévoyants et investir dans ce secteur qui peut stimuler l'économie au lieu d'investir dans ces programmes très coûteux sur le plan administratif et qui servent à combler à moitié le fossé que nous avons creusé, éliminons le fossé.
Je presse instamment le Sénat de lancer le volet environnement, par l'investissement dans des carburants propres et à valeur ajoutée. Je le répète, si nous produisons davantage que des aliments, nous pouvons produire de l'énergie, des carburants biodiesel. Nous rendrons aussi un grand service à l'environnement et, par conséquent, à nous tous. C'est là qu'il faut concentrer nos efforts.
Nous ne pouvons peut-être pas égaler les prix de nos concurrents, mais nous pouvons être créatifs. Cette industrie doit être considérée comme un secteur rentable plutôt que coûteux. Il a toujours été coûteux et cela ne mène nulle part. Le PCSRA ne donnera pas les résultats souhaités, ni le PCRA. Nous devons instaurer un climat d'investissement, et qui dit investissement dit rendement. Je vous le dis, il y a des possibilités de rendement si nous nous montrons créatifs et appliquons une stratégie.
Le sénateur Mahovlich : Monsieur Hildebrandt, vous avez parlé du gel qui est survenu en août. Cela veut-il dire que cette fin de semaine, quand j'irai acheter ma citrouille, je vais la payer plus cher?
M. Hildebrandt : Tout dépend de l'endroit où elle a poussé. Les épiciers locaux en avaient à 34 cents la livre parce qu'ils n'avaient pas pu en obtenir davantage, mais la semaine suivante, elles se vendaient 19 cents. Allez donc savoir.
Le sénateur Mahovlich : Monsieur MacDonald, vous avez dit que vous aviez de la difficulté à recruter de jeunes travailleurs. Quand il y a eu pénurie en Ontario, environ 10 000 travailleurs ont été recrutés au Mexique. Pour la récolte des poires, l'Ontario fait venir des Mexicains. L'Île-du-Prince-Édouard a-t-elle jamais songé à faire venir des travailleurs saisonniers de l'étranger?
M. MacDonald : Oui, il y a dans la partie ouest un petit groupe qui vient du Mexique. Il y a un producteur de fraises et de plants de fraises qui fait venir des étrangers.
Comme nous le savons tous, une partie de la complexité de notre industrie à l'Île-du-Prince-Édouard vient du fait que nous cultivons surtout des pommes de terre. Il y a un creux entre le début de juin et septembre; il y a deux ou trois mois où il ne se passe pas grand-chose. Les gens qui font venir ces étrangers doivent leur garantir du travail à partir du jour où ils arrivent jusqu'à leur départ, ce qui veut généralement dire du mois de mai jusqu'à la fin de septembre ou en octobre. Dans l'industrie de la pomme de terre, c'est assez difficile, parce que j'ai besoin de 18 personnes pour planter les pommes au printemps, mais pendant l'été, je n'ai besoin que de quatre employés. Par conséquent, je ne peux pas faire venir ces gens et les reprendre à l'automne. Ça ne fonctionne pas très bien. Nous avons donc besoin de diverses formes de soutien pour ce programme agricole qui fonctionne très bien dans certains secteurs, davantage dans d'autres provinces que dans la nôtre.
Au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, je crois comprendre qu'on fait font aussi venir des étrangers, pour le même motif. Il y a des types de cultures et de productions qui nécessitent de la main-d'œuvre pendant six mois par année, pas seulement pendant deux mois au printemps ou à l'automne.
Le sénateur Mahovlich : C'est un problème d'échelonnement.
M. MacDonald : Tout à fait.
Le sénateur Mahovlich : J'ai beaucoup voyagé. La France subventionne beaucoup ses fermiers. Les fermes ressemblent à des jardins. Il y a peut-être quelque chose à en apprendre. Les fermes sont magnifiques.
La France existe depuis plus longtemps que le Canada. Nous devrions peut-être examiner ses programmes. C'est la voie que nous devrons suivre, car je crois que c'est celle que les Américains ont retenue. Nous devons attacher de la valeur à nos fermes.
M. MacDonald : Je suis d'accord avec les remarques de M. Hildebrandt concernant l'investissement. Notre société doit changer sa perspective concernant les fermes et l'agriculture, et tout ce que ça comporte.
Il y a environ deux ans, j'ai été critiqué pour avoir publiquement fait des commentaires sur les connaissances des consommateurs en matière d'agriculture. J'ai dit qu'à notre époque, le consommateur moyen n'avait pas eu de contact avec la ferme depuis deux ou trois générations. Il ne comprend pas de quoi il s'agit.
Nous sommes forcés de prendre des mesures pour garantir la salubrité des aliments et d'autres choses du genre. Les fermiers sont disposés à le faire, mais ils doivent être payés pour cela. Ce n'est pas le marché qui les paie.
Il en va de même pour l'environnement. Nous l'avons constaté dans d'autres pays.
Dans notre province, nous avons tenu deux grandes tables rondes sur les rapports à propos des terres. Ce sont des documents très épais.
Je vais donner un exemple facile à comprendre de ce que les autres pays font. Des gens sont allés en Angleterre et y ont examiné ce qui se passait. En Angleterre, ils accordent beaucoup de valeur à leurs murets de pierre. Ils trouvent que ces murets donnent de l'attrait au paysage. Les fermiers voulaient les démolir pour agrandir leurs champs. Ils ont trouvé un compromis. Maintenant, il existe un programme par lequel le fermier reçoit de l'argent pour conserver ses murets, par souci d'esthétisme.
Comme l'a dit M. Hildebrandt, nous voulons investir dans notre environnement. C'est le même genre de chose, mais pourquoi ne pouvons-nous pas nous y mettre? C'est là que nous devons commencer. Nous avons besoin des gouvernements et de gens comme vous pour être créatifs. Que pourrons-nous réaliser si nous disons que ce n'est pas seulement une question de coût d'exploitation, mais aussi un investissement?
M. Hildebrandt : On vous l'a probablement déjà dit, mais c'est un privilège pour moi de m'adresser à un héros de mon enfance, bien que vous n'ayez pas l'air beaucoup plus vieux que moi.
Le sénateur Mahovlich : C'est le Sénat qui me garde jeune.
M. Hildebrandt : Compte tenu des très brèves périodes d'activité intense pour la main-d'œuvre, ce qui retient l'attention, ce sont les différences entre les travailleurs migrants et les travailleurs immigrants. Les immigrants viennent au pays et nous les formons, puis ils deviennent des citoyens et contribuent à l'économie de la province, plutôt que de prendre un mois de salaire et de retourner au Mexique ou ailleurs. Nous accueillons ces gens originaires de toutes les parties du monde et, je le répète, avec un peu de rentabilité et de créativité, ce sont d'autres contribuables que nous accueillons.
Le sénateur Mahovlich : Cela encourage les jeunes Canadiens à se lancer en agriculture. S'ils pouvaient envisager la rentabilité, ce serait encourageant pour eux.
M. Hildebrandt : Nous pourrions poursuivre pendant longtemps. Très peu d'entre nous ont un conjoint qui ne travaille pas à l'extérieur de la ferme. Certaines femmes le font par choix, mais d'autres préféreraient rester à la maison, et quelqu'un d'autre aurait cet emploi. Nous pourrions continuer longtemps — si c'était rentable.
Comme vous le voyez, j'ai besoin de mes trois repas par jour. Ce devrait être une grande priorité pour n'importe quel pays.
Nous avons perdu la maîtrise de la transformation de notre bœuf et de nos céréales. C'est maintenant le fief de cinq multinationales. Nous devons nous demander si nous voulons perdre la maîtrise de la production primaire, ou que les hommes et les femmes du Canada, venus de toutes les parties du monde, gèrent la terre et en tirent de la fierté.
Le sénateur Mahovlich : Cela part d'en haut.
Le vice-président : Comment pouvons-nous instaurer cela au Canada? De New York à Los Angeles, les Américains appuient l'agriculture. Ils veulent qu'elle reste vigoureuse. Au Canada, nous n'avons pas cette mentalité. Nous attendons que les fermiers crient à l'aide. Nous n'avons pas de vue d'ensemble des retombées pour le pays.
M. Hildebrandt : Comme M. Friesen l'a dit, le symposium qui est imminent — et je réitère l'invitation. Non seulement les producteurs primaires y seront, mais aussi toutes les chaînes. Que je sache, les producteurs primaires sont les seuls à présenter un revenu négatif. C'est le producteur primaire qui est à la source de toute l'activité, depuis le début. Tout ce que nous demandons, c'est une petite part du gâteau pour pouvoir garder nos fermes. M. MacDonald a dit qu'à l'Île-du-Prince-Édouard, l'âge moyen est de 48 ans. Je pense que c'est 59 ans en Saskatchewan. De toute évidence, il y a beaucoup de terres qui changeront de mains. Passeront-elles à la prochaine génération de jeunes Canadiens ou iront-elles aux multinationales? Où iront-elles?
Les participants au symposium examineront comment, pendant la prochaine décennie, nous pouvons développer un marché dont chaque intervenant obtiendra sa juste part. « Oui, je crée tout cette activité, mais j'ai besoin du détaillant, du grossiste et du transformateur. » Nous avons besoin les uns les autres.
Le sénateur Mahovlich : M. Friesen a parlé de sa visite au Mexique et de ses tentatives pour rallier les Mexicains à notre point de vue. Va-t-il souvent en Europe pour discuter avec d'autres groupes de l'Organisation mondiale du commerce? Voient-ils les choses comme nous, ou est-ce impossible? Il me semble que nous ramons constamment à contre-courant, et je trouve cela très fatiguant.
La situation est-elle sans issue? Nous devons trouver un terrain d'entente.
M. Hildebrandt : Les discussions avec les Mexicains dont il parlait étaient associées aux négociations de l'OMC, auxquelles tout le monde participe. Le Mexique, les États-Unis et le Canada, comme vous le savez, nous avons l'ALENA et l'accord nord-américain. Ce n'est pas impossible, mais c'est difficile.
Tout le monde va là-bas pour réclamer un meilleur accès aux marchés. Tout le monde veut obtenir quelque chose sans avoir à donner.
La réalité dont parle le sénateur Gustafson, c'est-à-dire que s'il n'y avait pas de subventions, nous pourrions survivre et faire concurrence, n'est pas une réalité. Il y a différents niveaux de soutien destinés à atteindre un compromis.
Ce n'est pas impossible, mais c'est difficile. C'est un défi très difficile à relever.
Le sénateur Callbeck : J'ai une question concernant la capacité des abattoirs au Canada. Je crois comprendre que cette capacité est maintenant de 79 000 têtes par semaine. L'objectif est de 98 000 têtes. À la fin de l'année 2005, nous en serons à 93 000.
Est-il réaliste de croire que nous en serons à 93 000 têtes à la fin de l'an prochain? Si nous atteignons notre objectif de 98 000, quelle proportion de l'ensemble de l'industrie du bétail ce taux représentera-t-il?
M. Hildebrandt : C'est réaliste, mais il faut bien comprendre que la majeure partie de cette augmentation concerne les trois grands protagonistes. Du côté des bovins finis, nous ne sommes pas très loin de ce nombre. Il y a un retard du côté des animaux plus âgés.
À mesure que nous augmentons la capacité d'abattage, il nous faut un marché. Pour ce qui est des vaches de réforme, 95 p. 100 de cette viande pourrait être consommée au pays. Il nous faut régler la question des tarifs supplémentaires à l'étranger, et ainsi de suite. Certaines de nos chaînes d'alimentation se sont engagées à vendre du bœuf canadien. Une bonne part de cette viande pourrait être vendue au pays.
Vous dites que nous devrions faire plus de transformation. Du point de vue de la concurrence, la transformation n'améliore pas les choses sur le marché mondial. Elle créée des emplois et peut éliminer des maladies. Est-il moins concurrentiel de mettre sur le marché un produit transformé? Non, qu'il s'agisse d'éthanol, de bœuf ou de quoi que ce soit d'autre. Avant la crise de l'ESB, nous expédiions des animaux vivants aux États-Unis, où des gens étaient payés pour en faire de la viande, qui était réexpédiée au Canada. Nous avons des leçons à tirer du point de vue de la création d'emplois et de la valeur ajoutée. C'est difficile à faire parce que la matière première, les céréales, est très peu dispendieuse là-bas.
Le sénateur Ringuette : Dans ce cas, la matière première est notre bœuf.
M. Hildebrandt : C'est exact. C'est difficile de garder les animaux finis au Canada. Nous devons faire concurrence à ce maïs bon marché. Je ne peux pas produire de l'orge à un dollar pour le vendre au parc d'engraissement, et espérer survivre.
Le sénateur Mercer : La fille de M. Webster ne sera peut-être pas surprise d'apprendre que parfois, nous sommes portés à exagérer; j'ai peut-être gonflé le montant relatif à l'ESB. Ce ne sont pas les quatre milliards de dollars que j'ai mentionnés plus tôt, mais c'est une somme importante. J'aimerais poser deux questions à M. Webster. Premièrement, en ce qui concerne le problème de main-d'œuvre, qui est-ce qui exploitera les fermes quand vous prendrez votre retraite, surtout à l'Île-du-Prince-Édouard? Là-bas, il y a des restrictions quant à l'utlisation des sols et à la propriété de la terre. Il me semble que nous devons envisager comment nous garantirons que ce sont des gens qui reprennent les fermes, pas seulement de grandes exploitations agricoles. Les villes sont en expansion et grugent les terres agricoles. Heureusement, nous ne manquons pas de terres au Canada. La question est de savoir comment elles sont utilisées. Le gouvernement devrait-il prendre des mesures pour aider à gérer l'utilisation des terres?
Ma deuxième question est la suivante : devrions-nous nous adresser à la Commission mixte internationale au sujet des rivières? Pensez-vous qu'il vaut la peine pour ce comité de les inviter à comparaître pour aider à résoudre le problème qui sévit dans l'Ouest.
M. Webster : Pour ce qui est de votre première question, dans beaucoup de districts d'irrigation du sud de l'Alberta, nous avons acquis la capacité de puiser l'eau des rivières tout en préservant les systèmes riverains. Les gouvernements peuvent jouer un rôle sur les plans de la réglementation et de la consultation, pour garantir que nous utilisons judicieusement les ressources. Nous devons certainement protéger la terre et l'eau, si nous voulons transmettre quelque chose aux prochaines générations de fermiers.
Pour ce qui est de la décision de la Commission mixte internationale. Nous croyons que les choses demeureront telles quelles, mais que les mécanismes administratifs subiront d'importants changements. Il serait avisé de discuter avec la CMI pour garantir que les intérêts du Canada sont toujours bien protégés. Dans certains effets de correspondance soumis par l'État du Montana, il est question de tenter de résilier l'un des accords administratifs. Il y a une allusion voilée à des procédures du même genre que celles intentées par des fermiers du Texas contre le Mexique en vertu de l'ALENA. Le Canada a beaucoup de choses à protéger dans ces négociations. Nous devrions probablement attendre ce rapport et l'examiner attentivement.
M. MacDonald : Les restrictions relatives à l'utilisation des terres de l'Île-du-Prince-Édouard sont entrées en vigueur il y a quelques années. L'Île-du-Prince-Édouard a déjà eu un régime féodal; les terres appartenaient à quelques propriétaires de l'étranger. À l'époque, les fermiers étaient des paysans. Cette préoccupation a toujours existé à l'Île- du-Prince-Édouard, parce que les terres y sont limitées. Si la ferme comprend un million d'acres, il est impossible d'en obtenir plus. Un point c'est tout. Quand les restrictions ont été adoptées, on craignait que des grandes sociétés à intégration verticale achètent les terres et dictent la conduite des fermiers, comme dans le régime féodal d'autrefois. C'est pourquoi les restrictions ont été adoptées.
À l'Île-du-Prince-Édouard, notre industrie a examiné cette question dans le contexte actuel, compte tenu des caractéristiques démographiques du milieu agricole. Qu'adviendra-t-il de ma ferme quand mes frères et moi atteindrons l'âge de la retraite? Nous avons perdu une génération d'individus qui auraient pu s'intégrer au système, surtout à cause de la rentabilité.
Je ne peux que rire en pensant à certains des commentaires entendus ces dernières années à propos des moyens d'aider les fermiers. Les gens se demandent comment ils transmettront leur ferme, et elles sont beaucoup faciles à transmettre si elles sont rentables. Il est facile de convaincre la prochaine génération que c'est un bon mode de vie. Les jeunes savent que c'est un bon mode de vie, mais, pour l'instant, il n'est pas rentable.
Ma situation n'est pas différente de celle de beaucoup d'autres à l'Île-du-Prince-Édouard et au Canada. Mes enfants ont choisi leur mode de vie et nous avons perdu cette génération. Nous devons être créatifs. Comment pouvons-nous investir dans les fermes pour ne pas perdre la prochaine génération de fermiers? Il n'y a pas de solution facile à ce problème. Je pense que nous avons une marge de manœuvre de 10 ans. Nous devons changer nos raisonnements et nos politiques pour réinvestir dans l'agriculture et rendre les fermes rentables. Quand les fermes seront rentables, les fermiers pourront faire de l'agriculture et transmettre leur terre à leurs enfants.
Le vice-président : Malheureusement, il y a loin de la coupe aux lèvres. J'ai des petits-fils, et l'un d'eux travaille à New York tandis que deux autres étudient en génie. Ils ne sont pas du tout intéressés à la ferme dans l'état où elle se trouve. C'est une généralisation, mais nos fermiers n'encouragent pas la prochaine génération à faire de l'agriculture. Comme vous le dites, à moins que les fermes deviennent rentables, les enfants sont bien mieux de trouver des postes de col blanc à Ottawa. Au Canada, nous n'avons pas fait de l'agriculture une industrie importante et nous n'avons pas de vue d'ensemble.
Nous éprouvons de graves difficultés en agriculture, cela ne fait aucun doute. Nos témoins de ce matin nous l'ont clairement dit. Merci de votre présence.
La séance est levée.