Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 3 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 2 décembre 2004
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 heures afin d'examiner l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture et des forêts du Canada.
Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs et distingués invités. Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Aujourd'hui, nous allons nous pencher sur l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture et des forêts du Canada. Plus précisément, et cela ne surprendra personne, nous nous intéressons à la stratégie conçue pour faire face à l'ESB, qu'on appelle également la maladie de la vache folle, et à l'augmentation de la capacité d'abattage des ruminants au Canada.
Nous accueillons ce matin M. Gilles Lavoie, directeur général principal des opérations à Agriculture et Agroalimentaire Canada, Mme Krista Mountjoy, directrice exécutive, Coordination des opérations, et M. Cameron Prince, directeur exécutif, Direction des produits animaux, tous deux de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
M. Gilles Lavoie, directeur général principal, Opérations, Agriculture et Agroalimentaire Canada : C'est avec plaisir que j'ai accepté votre invitation car j'estime que la stratégie annoncée par le gouvernement le 10 septembre 2004 est une composante importante de la solution purement canadienne qui nous permettra de nous sortir de la crise qui nous frappe actuellement.
Le gouvernement a débloqué 488 millions de dollars en fonds fédéraux pour une série de mesures qui aideront à assurer la rentabilité de l'industrie, que la frontière des États-Unis soit ouverte à nouveau ou non. Cette stratégie comprend diverses mesures qui permettront de soulager le secteur : la poursuite des travaux en vue de la réouverture de la frontière des États-Unis et des marchés étrangers à tous les ruminants ainsi qu'aux produits et sous-produits de ruminants, l'accroissement de la capacité d'abattage et l'intensification des travaux en vue du développement des marchés.
À l'heure actuelle, il y a plus d'animaux que les abattoirs peuvent en recevoir. Parallèlement, on constate une demande supplémentaire de bœuf transformé pour absorber l'offre actuelle. Le manque de capacité d'abattage a créé un goulot d'étranglement et même si cette capacité est sur le point d'augmenter, l'intervention du gouvernement s'imposait pour faire face au déséquilibre entre l'offre d'animaux prêts pour l'abattage et la capacité d'abattage, aux réserves accumulées dans l'industrie et au nombre record de veaux cette année.
De plus, il importe de s'attaquer au cas des animaux plus âgés dont le nombre a augmenté en raison du manque de capacité d'abattage au pays, des restrictions imposées par les États-Unis sur les bovins plus âgés et sur la viande et des restrictions touchant l'abattage des animaux jeunes et âgés dans les mêmes installations.
Diverses mesures visant à augmenter la capacité d'abattage ont été proposées dans notre stratégie de repositionnement de l'industrie : le programme de réserve pour pertes sur prêts, les dispositions touchant la main- d'œuvre supplémentaire et la révision du processus d'approbation de l'ACIA. Le programme de réserve pour pertes sur prêts visant l'abattage des ruminants facilite l'augmentation de la capacité d'abattage. Grâce à ce programme, les prêts se feront sur une base commerciale, les décisions étant prises par les institutions financières et fondées sur de saines pratiques de gestion. De plus, les risques encourus par les prêteurs du secteur privé sont amoindris tandis que l'obtention de financement dans le cas de projets d'affaires viables est facilitée.
J'aimerais maintenant passer à la capacité des abattoirs fédéraux.
[Français]
À l'heure actuelle, la capacité d'abattage sous inspection fédérale au Canada est d'environ 81 000 têtes par semaine. Les animaux de réforme représentent environ 10 500 têtes. La capacité d'abattage des bovins gras se chiffre donc à environ 70 500 têtes par semaine.
Les chiffres actuels sur l'abattage révèlent que les usines fonctionnent de 90 à 97 p. 100 de leur capacité pour les bovins gras et à 98 p. 100 pour les animaux de réforme. Il demeure nécessaire toutefois de s'attaquer au déséquilibre entre la capacité d'abattage et l'offre.
Les abattoirs sous inspection provinciale représentent une capacité d'abattage supplémentaire d'environ 4 500 têtes par semaine. Ils fonctionnent eux aussi à plein régime et il est peu probable que la capacité d'abattage puisse être augmentée par cette voie. La capacité d'abattage des installations inspectées par le gouvernement fédéral et par le gouvernement provincial représente en tout 85 500 têtes par semaine, soit 4,3 millions de têtes sur une base annuelle. L'accroissement de capacité d'abattage en 2004 s'est fait surtout grâce à l'expansion des installations déjà en place et à l'ajout de quarts de travail d'abattage le samedi et en heures supplémentaires.
De plus, Gencor Foods Inc. en Ontario et Rangeland Beef Processors Inc. de Colombie-Britannique ont rouvert leurs usines d'abattage. Il est prévu que la nouvelle usine Atlantic Beef Products Inc. de l'Île-du-Prince-Édouard entre en exploitation à la fin de 2004, d'ici quelques semaines.
[Traduction]
La capacité d'abattage continuera d'augmenter durant le premier semestre de 2005 puisque des usines ouvertes récemment termineront leur phase de démarrage et l'abattage augmentera en conséquence. D'ici le milieu de 2005, on estime que la capacité totale d'abattage atteindra 88 900 têtes par semaine, soit 4,4 millions de têtes par année.
De plus, Tyson Foods et Cargill Limited ont annoncé une expansion importante. La capacité des abattoirs inspectés par le gouvernement fédéral sera, d'ici la fin de 2005, de 92 790 têtes de bétail par semaine, soit 4,9 millions de têtes par année.
Nombre de propositions sont actuellement à l'étude pour 2006. Mentionnons notamment les initiatives de Ranchers Beef et Ranchers Own de l'Alberta ainsi que de Rancher's Choice du Manitoba. Ces projets représentent à eux seuls une capacité de plus de 10 000 têtes de bétail par semaine d'ici 2006, ce qui nous rapprocherait des 5 millions d'animaux par année. L'abattage de 5 millions de têtes de bétail représente une augmentation de plus de 40 p. 100 par rapport à 2002.
Mme Krista Mountjoy, directrice exécutive, Coordination des opérations, Agence canadienne d'inspection des aliments : Je suis également heureuse de représenter l'Agence canadienne d'inspection des aliments dans le cadre de la discussion portant sur l'augmentation de la capacité d'abattage.
Comme l'a mentionné mon collègue, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a annoncé le 10 septembre la mise en œuvre d'une stratégie pour aider l'industrie canadienne des animaux d'élevage à se repositionner. L'un des volets de cette stratégie vise une augmentation de la capacité d'abattage au Canada. Le ministre s'est engagé à simplifier le processus réglementaire d'inspection des établissements et d'approbation des nouveaux abattoirs.
L'objectif du gouvernement fédéral consiste à augmenter la capacité d'abattage jusqu'à un niveau suffisant pour offrir une autonomie accrue et une dépendance moindre envers les exportations transfrontalières de bovins d'abattage. En ce qui concerne les bovins, il existe actuellement 29 abattoirs agréés par le gouvernement fédéral au Canada.
[Français]
Au cours des derniers mois, nous avons reçu plusieurs demandes, officielles et officieuses, pour que le gouvernement fédéral donne son aval à l'approbation d'un nombre accru d'établissements d'abattage. Depuis le 10 septembre, l'ACIA a reçu deux demandes d'agrément de nouveaux établissements d'abattage de bovins de boucherie, l'un en Colombie-Britannique et l'autre à l'Île-du-Prince-Édouard. L'établissement de la Colombie-Britannique a été agréé et a ouvert ses portes il y a déjà plusieurs semaines. Le processus d'approbation de l'autre établissement progresse rapidement.
L'établissement a été agréé le 18 novembre et on prévoit qu'il sera opérationnel sous peu.
[Traduction]
Depuis l'annonce de cette stratégie, on a soulevé des inquiétudes quant au temps que prendra l'agrément des nouveaux abattoirs. La position du gouvernement est très claire : nous prenons les mesures nécessaires pour accélérer le processus, mais il est hors de question d'abaisser les normes. Nous n'affaiblirons pas non plus les systèmes de réglementation canadiens encadrant la salubrité des aliments et la santé des animaux au Canada.
Je crois qu'en général, l'industrie comprend notre position à cet égard et y est sensible. Nos partenaires commerciaux étrangers inspectent nos abattoirs pour s'assurer qu'ils répondent aux normes en vigueur dans leur pays. Un seul abattoir ne répondant pas aux normes suffit pour jeter le discrédit sur l'industrie entière. Il est impératif que nous établissions et appliquions des normes très élevées. L'industrie apprécie le fait qu'une approbation réglementaire signée par l'ACIA signifie qu'un établissement répond à des normes très élevées.
Dans un effort visant à accroître la capacité d'abattage, certains établissements ayant fermé leurs portes pourraient reprendre du service. Toutefois, les exigences de base ont été modifiées depuis la fermeture de ces installations. Par exemple, le retrait des matières à risque spécifiées, ou MRS, est une exigence récente à laquelle doivent maintenant se conformer tous les abattoirs. Outre cette exigence, les abattoirs doivent également être conçus de façon à assurer un traitement sans cruauté des animaux et à offrir un milieu de travail sécuritaire aux employés et aux inspecteurs du gouvernement.
Cela dit, certaines exigences sont souvent fondées sur celles de nos partenaires commerciaux. Il faut adhérer à ces normes si nous voulons exporter dans ces pays.
[Français]
L'ACIA travaille en étroite collaboration avec l'industrie tout au long du processus d'approbation des usines d'abattage. Cette collaboration se poursuivra et les représentants de l'ACIA se feront un plaisir d'accompagner l'industrie dans ses efforts d'approbation.
L'agence entreprend l'examen du processus d'approbation des usines d'abattage dans le but de le moderniser et de le simplifier. Nos exigences continueront de prendre appui sur des solides assises scientifiques. Nous sommes en faveur de l'augmentation de la capacité d'abattage tant qu'elle ne se fait pas aux dépens de la salubrité des aliments.
[Traduction]
Nous n'entendons pas assouplir la réglementation et nous sommes en train de trouver des façons d'éliminer la paperasserie et de répondre plus rapidement. Nous avons affecté une équipe d'experts à l'examen des demandes d'agrément des abattoirs. Ils seront en mesure de répondre rapidement à toutes les questions relatives à la nouvelle capacité d'abattage.
Auparavant, les approbations des nouveaux abattoirs devaient être vérifiées par les autorités régionales de l'ACIA et par l'administration centrale à Ottawa. Nous disposons désormais d'un système selon lequel Ottawa établit les normes et les autorités régionales de l'ACIA approuvent ou non les établissements qui en font la demande.
Nous ouvrons également de nouveaux postes d'experts-conseils afin de consolider nos rapports avec les autorités responsables de la réglementation des pays avec lesquels nous commerçons. Nous procéderons à un examen complet et accéléré de la politique d'importation soucieuse de l'ESB afin de nous assurer qu'elle est bien en harmonie avec l'approche fondée sur le risque que préconise le gouvernement du Canada.
Quand l'ESB a été détectée au Canada en 2003, nous avons reconnu qu'il existait un faible risque de présence de la maladie en Amérique du Nord. Nous avons pris les mesures nécessaires pour que la maladie ne pénètre pas dans la chaîne alimentaire humaine. Nous avons mis en œuvre nos mesures de surveillance pour éradiquer la maladie chez les bovins et nous imposons une interdiction visant le retrait des MRS de la nourriture de tous les animaux. Entre temps, nous contribuons à simplifier le processus pour offrir une autonomie accrue et une dépendance moindre envers les exportations transfrontalières de bovins d'abattage.
Nous serons ravis de répondre aux questions des députés.
La présidente : Merci de ces exposés.
Chers sénateurs, il faudra que notre discussion avec les témoins se limite à une heure. Je vous demanderais donc, comme d'habitude, d'être aussi concis et précis que possible et j'encourage les témoins à faire de même pour que chacun ait l'occasion de prendre la parole.
Le sénateur Gustafson : Merci de votre témoignage portant sur la crise à laquelle fait face l'industrie du bœuf canadienne.
Le président Bush a soulevé la question des jeunes bovins. On commence à se demander combien de vaches de réforme et de vaches âgées le Canada va pouvoir absorber avant d'être complètement saturé, même si nous augmentons notre capacité d'abattage.
La viande provenant de bovins âgés est-elle exportée? Pas à destination des États-Unis, en tout cas, mais exportons- nous ailleurs?
M. Lavoie : À ma connaissance, nous n'exportons pas de viande provenant de bovins de plus de 30 mois.
Le sénateur Gustafson : Même si nous pouvons abattre plus de têtes de bétail, pendant combien de temps allons-nous pouvoir entreposer cette viande?
M. Lavoie : Pour le moment, il est toujours question de bovins sur pied parce que nous n'en abattons qu'environ 10 500 par semaine. De plus, nos importations ont baissé de façon marquée. En effet, à l'exception de près de 500 kilogrammes, aucun permis d'importation supplémentaire n'a été émis depuis juillet 2003. Nos importations, à l'exception des produits américains, se limitent au contingent tarifaire. Au Canada, on est limité parce qu'il s'agit de viande de bonne qualité qui entre dans la composition de viande hachée, de steaks et de sauce à spaghetti.
Nous souffrons tous du même handicap, c'est-à-dire que personne ne connaît les règles. Personne au Canada n'a pu se procurer les règles pour savoir ce qui s'annonce.
Par contre, les règles seront connues au plus tard le 17 février. Nous saurons donc s'il est possible d'abattre les animaux de plus de 30 mois et de moins de 30 mois dans le même abattoir, ce qui est actuellement impossible.
La reprise des exportations de bétail sur pied améliorera grandement la situation. Il est également possible que des dispositions conditionnelles régissant la viande d'autres ruminants ainsi que les produits bovins aient un impact très positif sur le marché. Par exemple, Tyson Foods n'abat actuellement que les animaux de moins de 30 mois parce que les règles américaines interdisent l'abattage dans le même abattoir des animaux de moins et de plus de 30 mois. Si la règle américaine est modifiée, on s'attend à ce que Tyson reprenne un deuxième quart de travail pour abattre les animaux de plus de 30 mois. Tyson a connu une époque où elle abattait 4 000 têtes de bétail par semaine. Évidemment, cela permettrait de régler en partie l'excédent d'animaux de plus de 30 mois.
La situation est grave, madame la présidente. Nous estimons qu'il y a un excédent d'environ 300 000 têtes de bétail âgées de plus de 30 mois, qui auraient en temps normal été abattues. Mais ces bêtes ne sont pas restées oisives. Certaines se sont reproduites, ce qui explique l'accroissement du cheptel reproducteur dont a fait état Statistique Canada.
Le sénateur Gustafson : Dans les diverses exploitations agricoles, du moins celles qui sont situées dans la région que je connais, les cheptels des éleveurs et des naisseurs-éleveurs se sont agrandis car les vaches se sont reproduites mais n'ont pas pu être vendues. Ça veut dire que le cheptel national a augmenté, ce qui se traduira par des difficultés au moment de l'abattage.
Je m'inquiète du fait que nous encourageons l'accroissement de la capacité d'abattage sans savoir si les intervenants seront en mesure de concurrencer les grands transformateurs. D'après les attachés de recherche, l'Alberta n'a pas voulu participer à certains des programmes. Ce manque d'intérêt s'explique-t-il par la crainte qu'une fois que les nouveaux abattoirs auront ouvert leurs portes, ils ne seront pas rentables ou n'auront pas de débouchés?
M. Lavoie : Je ne pourrais pas vous expliquer les motivations des éleveurs de bovins albertains. Nous avons expliqué clairement à divers gouvernements que la concurrence, qui est déjà féroce, le deviendra encore plus dans l'avenir. Dans une certaine mesure, c'est ce que nous recherchons car c'est justement le rétablissement d'un marché concurrentiel pour les animaux sur pied qui fera augmenter les prix que touchent les agriculteurs.
C'est d'ailleurs pourquoi, dans le cadre de notre programme de réserve pour pertes sur prêts, nous insistons pour que tous les prêteurs du secteur privé s'assurent que le projet financé est bien pensé et viable dans le contexte de la réouverture de la frontière. Nous ne voudrions pas créer une surcapacité ou encourager des projets qui ne pourront être viables. La concurrence sera féroce, c'est vrai, mais nous estimons que les nouveaux venus pourront se tailler une place. On ne pourra pas continuer éternellement à tourner à 95 ou 98 p. 100 de notre capacité. Les abattoirs ont besoin d'une certaine marge de manœuvre; à 85 ou 90 p. 100, on parle d'une meilleure utilisation de l'équipement. Étant donné que notre cheptel national s'est agrandi, comme l'a mentionné le sénateur, il faudra qu'on atteigne plus de 100 000 têtes de bétail par semaine si on veut que l'ensemble de notre troupeau soit abattu au Canada.
Le sénateur Gustafson : Si on continue à entreposer la viande provenant d'animaux de plus de 30 mois, on ne pourra jamais s'en sortir. Les Canadiens à eux seuls ne pourront pas consommer toute cette viande, il faudra qu'elle soit exportée. Le marché est monopolisé par les grandes sociétés comme Tyson, Ohio Beef Producers, et cetera. On peut faire un parallèle avec le secteur céréalier. Sachant que les grands ont le monopole de toute la région, il faut se demander si les autres peuvent être concurrentiels.
M. Lavoie : Effectivement.
Le sénateur Hubley : Bonjour à tous. Ma question s'adresse à Mme Krista Mountjoy. On a accordé une partie du financement débloqué pour assurer l'accroissement de la capacité d'abattage à l'ACIA pour que l'agrément et l'inspection des nouveaux abattoirs soient facilités. Dans le cadre de la stratégie de repositionnement, on prévoit l'examen des processus de réglementation dans le but de les simplifier.
L'augmentation de la capacité d'abattage est-elle freinée par les ressources limitées de l'ACIA en matière d'inspection? De plus, jusqu'à quel point peut-on simplifier les processus de réglementation sans que nos partenaires commerciaux commencent à douter de la qualité du bétail canadien?
Mme Mountjoy : Très bonne question. Permettez-moi de répondre à la première partie, qui porte sur les ressources en matière d'inspection. Je demanderai ensuite à mon collègue, M. Cameron Prince, qui est responsable des programmes de réglementation, de répondre à la deuxième.
J'entends, par ressources en matière d'inspection, la capacité d'envoyer des vétérinaires et des inspecteurs dans l'ensemble des abattoirs canadiens. Une fois sur place, ils doivent inspecter la chaîne d'abattage et s'assurer que les activités se font en conformité avec la loi, notamment pour ce qui a trait à la salubrité des aliments. C'est à l'Agence canadienne d'inspection des aliments que revient la responsabilité de garantir un nombre suffisant de vétérinaires et d'inspecteurs pour que les abattoirs puissent poursuivre leurs activités. Nous savons que l'augmentation de la capacité d'abattage s'accompagnera d'un besoin accru de vétérinaires et d'inspecteurs. Au sein du gouvernement, nous avons déjà bien entamé les discussions qui nous permettront d'obtenir ces ressources supplémentaires.
Les ressources doivent être disponibles au bon endroit et au bon moment. Mais il faut également qu'elles soient bien formées et compétentes. Nous en avons tenu compte. Maintenant, j'aimerais donner la parole à mon collègue.
M. Cameron Prince, directeur exécutif, Direction des produits animaux, Agence canadienne d'inspection des aliments : Merci d'avoir posé la question. Je voudrais tout d'abord vous assurer que nous n'avons aucunement l'intention de relâcher nos normes en matière de salubrité des aliments. C'est clair. Ce n'est pas notre but. Les exigences resteront aussi strictes.
Par contre, il est clair que le programme d'inspection de la viande, qui a vu le jour il y a plus de 100 ans déjà, pourrait être modernisé.
Il est également vrai que l'actuel programme repose sur des exigences de nature normative. Nous aimerions nous écarter de cet aspect normatif pour adopter des dispositions axées sur les résultats. Ainsi, au lieu d'avoir des mesures normatives spécifiant les dimensions exactes des canalisations ou le type de matériaux à utiliser pour la construction des murs, on adopterait des normes précisant que les murs doivent pouvoir être lavés et stérilisés et que les canalisations doivent permettre le bon nettoyage des planchers. Nous voulons changer notre approche sans porter atteinte aux normes. Nous pensons en fait que les normes en seront rehaussées.
Le sénateur Hubley : J'aimerais maintenant que vous nous parliez des nouveaux abattoirs, surtout de celui de l'Île- du-Prince-Édouard qui m'intéresse particulièrement. Ces abattoirs seront-ils dotés de nouvelles installations innovatrices? Seront-ils plus efficaces? Les petits abattoirs produisent en général suffisamment de viande pour répondre à la demande provinciale. Certains d'entre eux envisagent-ils un agrandissement? Songent-ils à obtenir l'agrément de l'ACIA?
Mme Mountjoy : Comme vous le savez, nous ne pouvons parler de la situation particulière d'un abattoir précis. Par contre, je peux répondre de façon générale à votre question.
Nous avons déjà dit que certains abattoirs qui sont déjà reconnus par le gouvernement fédéral ont l'intention de s'agrandir. Nous avons également reçu une série de demandes provenant de divers abattoirs, dont certains sont déjà reconnus par le gouvernement fédéral et d'autres sont dans le cas de figure que vous avez mentionné. Il est possible qu'il y ait des abattoirs provinciaux qui aient fait des demandes d'agrément au palier fédéral.
Le processus d'agrément comprend une série de discussions menant à l'approbation des plans de l'abattoir en question. C'est à ce stade que se trouvent beaucoup des abattoirs ayant manifesté un intérêt quelconque. Une fois que les plans ont été acceptés, on peut passer au processus d'agrément à proprement parler puis à l'octroi de permis d'exploitation.
Pour répondre à votre question, un certain nombre d'abattoirs en sont au stade de la demande officielle d'approbation des plans.
M. Prince : Mme Mountjoy a bien répondu à la question. Pour ce qui est des nouveaux développements, c'est le retrait des matières à risque spécifiées, ou MRS, qui représente le changement le plus important. En effet, l'ensemble des tissus nerveux doivent être retirés de la carcasse avant la vente. C'est une nouvelle exigence qui existe depuis dix- huit mois. Pour s'adapter, les abattoirs ont dû modifier le cycle d'abattage. De plus, il existe maintenant de nouvelles méthodes de désinfection et de stérilisation; on vaporise les carcasses d'un produit désinfectant. Grâce à diverses technologies, on peut diminuer la charge microbiologique des carcasses.
Le sénateur Hubley : Tous les abattoirs ont-ils des mesures de traçabilité?
M. Lavoie : À ma connaissance, pas tous. Mais c'est quelque chose qu'on verra de plus en plus parce que nos clients, qu'ils soient canadiens ou étrangers, exigent qu'on puisse retracer l'origine des aliments, de l'exploitation agricole aux détaillants ou aux consommateurs.
Il est probable que certains secteurs comme le secteur porcin soient plus avancés que le secteur bovin pour ce qui est de la traçabilité. Parmi les nouveaux développements dans notre secteur, on compte l'initiative qui permet d'identifier tous les intervenants de la chaîne, comme les détaillants ou les grossistes. Dix-huit organisations d'agriculteurs se sont regroupées pour s'intéresser à cette question de traçabilité. On a récemment créé l'Agence canadienne d'indentification des animaux d'élevage, qui s'inspire de la Canadian Cattle Identification Agency. Le mandat de cette agence est de s'assurer que les systèmes sont adaptés à tous les animaux d'élevage, et que les bases de données sont interreliées pour qu'en cas de maladie, par exemple la fièvre aphteuse qui ne frappe pas seulement les bovins, il soit possible d'identifier les animaux atteints, qu'il s'agisse de porc, de bovin, de bison, et cetera. Comme ça, on pourra identifier rapidement l'exploitation agricole touchée et le nombre d'animaux atteints. Ainsi, le travail d'éradication et de maîtrise des maladies effectué par le secteur et l'ACIA serait facilité.
[Français]
Le sénateur Gill : Vous suivez sans doute la situation au Québec. Pour les profanes et pour les consommateurs là- bas, il semblerait que les éleveurs sont maltraités, ceux qui font des animaux de réforme, et cetera, à cause des monopoles. Pouvez-vous nous parler de la situation afin qu'un profane comprenne? Il y a aussi des problèmes d'exportation, c'est certain, mais quel est le problème au Québec?
M. Lavoie : Le problème au Québec comporte des aspects différents, mais c'est essentiellement un problème canadien. Les prix payés au Québec pour les animaux de réforme ne sont pas plus bas que les prix payés en Ontario ou dans l'Ouest canadien pour des animaux de qualité comparable.
En n'abattant que 10 500 bêtes par semaine, traditionnellement nous exportions un volume important, jusqu'à 40 p. 100 de vaches de réforme vivante qui étaient abattues aux États-Unis, de sorte que, dans les encans dans l'Ouest, en Ontario et au Québec, les acheteurs américains participaient. Ils ne peuvent plus participer parce qu'ils ne peuvent plus transporter chez eux ces animaux. De sorte, il y a seulement de gros acheteurs qui se présentent aux encans et plusieurs petits acheteurs, mais en termes de volume cela ne fait pas beaucoup.
Dans le cas du Québec, il y a deux gros abatteurs de vaches de réforme actuellement, Excell, qui abattait à partir de Moose Jaw et qui maintenant opère à partir de Calgary et Viandes Levinoff, située à Saint-Cyrille, près de Drummondville. Ces deux compagnies abattent 80 p. 100 des vaches de réforme au Canada. Donc, on a deux gros joueurs mais, comme je le disais tantôt, les prix à travers le pays sont relativement comparables d'une région à l'autre.
Les gens du Québec font plus de bruit face à cette situation. Les producteurs laitiers sont dans une situation particulière parce que, contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure, les éleveurs de bovins d'abattage peuvent plus facilement utiliser et produire un veau additionnel à leur vache, de sorte que, même si la vache est relativement âgée, elle peut demeurer productive. Ce n'est pas le cas dans le secteur laitier; une vache qui a terminé sa carrière comme productrice de lait doit être écoulée.
Cela crée une situation particulière pour les producteurs laitiers. Depuis, la fluctuation des revenus engendrée par la baisse des prix, qui représente environ 20 p. 100 de leurs revenus, est quelque chose de relativement inconnue pour eux. Ils sont habitués à un revenu très stable, étant dans un système de gestion de l'offre, de sorte que leur structure financière d'entreprise tient compte de cette stabilité de revenus.
Lorsqu'ils sont soudainement frappés par une baisse importante de leur revenu, en raison d'une situation comme celle des animaux de réforme, cela leur fait plus mal. Si je peux utiliser une expression populaire, ils se sont attelés jusqu'au cou, en termes financiers, de sorte qu'ils ne sont pas capables d'absorber cette situation. Évidemment, les jeunes producteurs sont plus en difficulté que les personnes bien établies qui ont déjà remboursé une bonne partie de leurs dettes.
Je ne sais pas si cela répond à votre question.
Le sénateur Gill : Si je comprends bien, vous dites que ce n'est pas une question de prix mais une question de volume.
M. Lavoie : Les bas prix ont un impact. Mais en termes de prix il n'y a pas de différence significative entre le Québec, l'Ontario et l'Ouest.
Le sénateur Gill : Dans l'Ouest, est-ce qu'il y a des problèmes à peu près semblables à ceux du Québec? Ils sont affectés exactement de la même façon pour ce qui est du volume et de l'exportation. Est-ce que la situation est semblable?
M. Lavoie : La situation en termes de prix est semblable. Les prix, à toutes fins pratiques, jouent de 15 à 20 cents pour les bonnes vaches, que l'on soit à Calgary, Guelph, Toronto ou que l'on soit à Montréal, Québec ou en Atlantique. Ce sont les mêmes prix qui sont payés aux encans. La différence principale est la capacité de continuer à utiliser la vache de manière productive ou non, qui fait une différence importante dans ce cas.
En termes d'abattage en 2004, jusqu'ici, dans l'Ouest, les vieilles vaches représentent environ 25 p. 100 de la moyenne, alors que dans l'Est cela représente autour de 50 à 52 p. 100 de la moyenne. Il y a proportionnellement un abattage plus élevé dans l'Est actuellement.
Donc il faut mettre la situation en perspective. Oui, elle est très sérieuse mais ce n'est pas unique au Québec. Cela fait plus mal pour un certain nombre de producteurs au Québec mais ce n'est pas une situation unique au Québec.
Le sénateur Gill : Concernant les prix à l'abattoir, est-ce qu'il y a un contrôle gouvernemental ou est-ce que ce sont les deux gros joueurs qui les établissent?
M. Lavoie : La majorité des animaux de réforme sont vendus à l'encan. Évidemment, lorsqu'il n'y a qu'un seul gros acheteur à l'encan, il y a compétition mais c'est relatif. Si l'un offre d'acheter 1 000 têtes alors que l'autre ne peut acheter que deux ou trois têtes, la situation est particulière.
Il y a un surplus de l'offre, comme on le disait précédemment, et si vous établissez un prix plancher, qui va décider que tel producteur envoie telle vache à l'abattoir? Et quand? Dans un libre marché, le prix agit comme facteur d'arbitrage. Si on enlève cette capacité d'arbitrer au prix, qui va le faire?
Il y a un certain nombre de questions à se poser, le Québec et les producteurs y réfléchissent beaucoup en ce moment. Il n'y a pas eu de vente au Québec cette semaine d'animaux de réforme. On nous dit qu'ils sont en discussion sérieuse, si on se fie à Radio-Canada, à l'UPA, au gouvernement du Québec et à l'abattoir concerné.
Donc nous sommes comme vous, nous attendons les résultats de ces négociations. Mais il semble que les parties négocient actuellement.
[Traduction]
Le sénateur Mahovlich : Les États-Unis préfèrent importer des animaux sur pied. Est-ce que cette tendance est généralisée? Est-il possible d'abattre les bovins au Canada et d'exporter les carcasses? Quelles sont les préférences de nos partenaires commerciaux?
M. Lavoie : Nos bovins d'abattage et d'engraissement sont presque exclusivement exportés aux États-Unis. En effet, le marché pour ce type de bête est un marché nord-américian. En Amérique du Nord, surtout depuis l'ALENA, l'Alberta est le troisième producteur de bovins. Il y a du bétail américain qui est engraissé en Saskatchewan et en Alberta, et vice versa. Le marché est intégré, ce qui explique ce mouvement transfrontalier. Pour ce qui est des marchés étrangers, on note une préférence pour la viande de bœuf, et non pour les animaux sur pied.
En 2002, nous avons exporté 1,7 million de têtes de bétail, mais ce chiffre exceptionnel s'explique par la sécheresse. La moyenne est plutôt de quelque 1,2 million de têtes de bétail. Comme les éleveurs de l'Ouest n'avaient pas de quoi nourrir leur bétail, ils ont été obligés d'envoyer leurs bêtes aux États-Unis. Un million de têtes de bétail, ça représente entre 30 et 40 p. 100 des exportations totales de bœuf et de bovin. Si on convertit l'ensemble des exportations en équivalents carcasses, on constate qu'on exporte plus de viande que d'animaux sur pied aux États-Unis. Par contre, le bétail sur pied a son importance pour les producteurs car cela engendre la concurrence, dont on a parlé précédemment. Concrètement, ça veut dire que les acheteurs canadiens comme Cargill, Hill, Tyson et les autres sont obligés d'offrir aux agriculteurs un prix comparable à celui consenti aux acheteurs américains. Le fait de pouvoir commercialiser les animaux sur pied aux États-Unis n'est pas négligeable pour les agriculteurs.
Mais cette tendance a mené à un déséquilibre et c'est pourquoi nous estimons qu'il est important d'accroître notre capacité d'abattage au pays pour réduire cette dépendance. En effet, le secteur considère qu'on compte trop sur les États-Unis pour nos exportations d'animaux sur pied. C'est ce qui explique leur appui de la stratégie de repositionnement annoncée en septembre.
Le sénateur Mahovlich : Il y a environ 30 ans, nous avions, à Toronto, nos propres abattoirs, dans la zone ouest de la ville. Pourquoi ont-ils fermé leurs portes? Que s'est-il passé? Les abattoirs ont-ils fermé leurs portes parce qu'il y avait trop de congestion au centre-ville? Toronto accueillera-t-elle de nouveaux abattoirs?
M. Lavoie : Je ne pourrais pas vous dire pourquoi un abattoir précis a fermé ses portes, ne connaissant pas sa situation financière. En ville, il est plus rentable d'utiliser le territoire à d'autres fins. L'installation d'un abattoir dans une grande ville ne suscite l'enthousiasme de personne. Il faut dire aussi que le secteur est maintenant très concentré. Un petit nombre de joueurs se partagent le marché. Ce qui leur permet d'être plus concurrentiels au niveau international et de répondre aux grosses commandes. Après tout, une commande de 10 chargements par semaine, ça demande une capacité de traitement importante. L'insatisfaction du client est également importante. C'est comme ça que fonctionne le secteur en Amérique du Nord; les nouveaux remplacent les anciens, tout ça fait partie du cycle normal.
Le sénateur Downe : Tout d'abord, une précision. Dans l'exposé de l'ACIA, il a été question du retrait systématique des MRS des aliments pour bétail. Qu'entend-on par MRS?
Mme Mountjoy : Les MRS, ce sont les matières à risque spécifiées, c'est-à-dire les tissus bovins où se concentreraient les prions si la vache en question était porteuse de l'ESB. En général, il s'agit de la cervelle, de la moelle épinière, des ganglions de la racine dorsale, des yeux et de l'intestin grêle. Les abattoirs canadiens doivent maintenant obligatoirement retirer ces MRS.
Le sénateur Downe : Vous essayez de mettre en place cette mesure de retrait des MRS de la chaîne alimentaire. Pourquoi est-ce que ça prend aussi longtemps?
Mme Mountjoy : Le règlement imposant le retrait des matières à risque spécifiées est entré en vigueur l'été dernier, après la découverte du cas d'ESB en mai 2003. Les systèmes fédéral et provinciaux ont dû se conformer immédiatement à cette nouvelle norme. L'ACIA, de concert avec ses homologues provinciaux, travaille d'arrache-pied pour s'assurer que tous les abattoirs au Canada retirent les matières à risque spécifiées de la chaîne alimentaire.
Nous avons lancé une autre initiative qui permettra de renforcer les mesures de contrôle visant l'ESB. En effet, nous avons créé une nouvelle exigence rendant obligatoires le retrait et le réacheminement des MRS des aliments pour bétail. L'amendement en ce sens sera présenté et fera l'objet d'une publication préalable dans la partie 1 de la Gazette du Canada, prochainement.
La présidente : Ce n'est pas une mesure propre au Canada, je crois. L'organe international responsable des normes en matière de salubrité a également indiqué que cette exigence devait être respectée.
Mme Mountjoy : Effectivement, vous avez raison. Après la découverte du cas d'ESB en mai 2003, un groupe d'experts internationaux a été mis en place pour déterminer si le Canada avait bien réagi à la découverte de la maladie. Dans leurs recommandations visant les mesures à court et à moyen terme, on trouve le retrait des MRS de la chaîne alimentaire, ce que l'ACIA et le ministère de la Santé avaient l'intention de faire. C'est en juillet 2003 que nous avons pu agir concrètement. Des mesures semblables ont été mises en place aux États-Unis.
Le sénateur Downe Le Royaume-Uni a été frappé par l'ESB bien avant nous et le retrait des MRS des aliments pour bétail et de la chaîne alimentaire s'est fait en même temps. Depuis quand retirent-ils les MRS?
Mme Mountjoy : Je ne pourrais pas vous donner la date exacte, mais je sais que ça fait un bon nombre d'années qu'au Royaume-Uni il est obligatoire de retirer les MRS de la chaîne alimentaire et des aliments pour bétail.
Le sénateur Downe : Si eux ont commencé déjà il y a un certain nombre d'années, pourquoi n'avons-nous pas, de notre côté, réagi plus tôt? Pourquoi avons-nous attendu d'être frappés par l'ESB avant de procéder au retrait des MRS?
Mme Mountjoy : Dans le contexte canadien, notre première défense contre l'introduction potentielle de l'ESB au Canada, c'était les restrictions frappant les importations de bétail provenant de pays touchés par la maladie. À la même époque, puis en 1997, nous avons également renforcé les interdictions frappant les aliments pour bétail. C'est à la fin de 1997 que l'interdiction frappant les aliments pour bétail a été mise en place. C'était une mesure de précaution supplémentaire.
Nous savons à présent que des matières infectées ont été introduites dans le système canadien à cette époque. Il faut se rappeler que la période d'incubation de cette maladie est très longue, ce qui veut dire que les symptômes de la maladie ne se manifestent que longtemps après que l'animal ait contracté la maladie.
Nous savons maintenant également que le Canada a ce que nous croyons être une faible incidence d'ESB. Deux cas se sont déclarés. Nous avons réagi à la découverte de mai. Concrètement, nous avons mis en place les exigences de retrait des MRS des aliments pour bétail et avons renforcé nos activités de surveillance. Nous espérons que d'ici décembre 2005, 38 000 échantillons auront été testés. Nous avons amélioré notre système d'identification du bétail partout au Canada, pas seulement pour ce qui est de l'identification mais aussi pour assurer l'exactitude des informations. Nous sommes également en train de renforcer les interdictions frappant les aliments pour bétail en exigeant le retrait des MRS.
Grâce à cette panoplie de mesures et à l'atteinte de nos objectifs en matière de surveillance, nous estimons que nous serons en mesure de démontrer que l'ensemble des mesures prises permettra de réduire, sinon d'atténuer en bonne partie, l'incidence de l'ESB au Canada dans l'avenir.
Le sénateur Downe : Merci pour cette réponse. Nous faisons manifestement des progrès, mais n'est-il pas vrai qu'actuellement, il y a des MRS dans notre chaîne alimentaire alors qu'elles ont été éliminées il y a des années déjà au Royaume-Uni?
Mme Mountjoy : Effectivement, les matières à risque spécifiées sont retirées au Royaume-Uni, au Canada et aux États-Unis, ainsi que dans d'autres pays. Il s'agit en l'occurrence de la plus importante des mesures prises pour assurer la salubrité des aliments.
Il y a déjà quelques années que le Royaume-Uni a exigé le retrait des MRS. Nous allons pour notre part au Canada exiger le retrait des MRS bovines dans la chaîne alimentaire — nous espérons pouvoir le faire — en modifiant les règlements correspondants d'ici les prochains mois. Depuis quelque temps déjà, depuis 1997 pour être précis, nous interdisons la présence de MRS bovines dans les aliments pour bétail.
Le sénateur Oliver : J'aurais une question simple et un peu naïve à la fois. Tout ce que vous nous avez dit aujourd'hui porte sur deux choses. En premier lieu, la capacité d'abattage au Canada, c'est-à-dire combien d'animaux sur pied nous pouvons abattre. La seconde concerne les bovins de plus de 30 mois.
Avec l'entrée en service de nouveaux abattoirs, est-ce concevable que le gouvernement puisse dire : « Nous allons désormais réglementer les nouveaux abattoirs et leur délivrer des permis, mais à condition que ces abattoirs abattent un certain nombre de têtes de bétail de plus de 30 mois. » Vaut-il la peine d'essayer de faire quelque chose de ce genre pour apporter une solution à ce problème d'abattage des bêtes de réforme? Vous comprenez ce que je veux dire?
Mme Mountjoy : Oui.
M. Lavoie : Moi aussi. Je pense que cela ferait précédent si on imposait quelque chose de ce genre au secteur privé.
Je ne sais pas d'ailleurs si la loi nous donne le pouvoir de faire cela. Nous pourrions demander à notre conseiller juridique de se renseigner pour voir si cela serait possible.
Mais vous devez bien comprendre que le marché est en train de réagir. Ainsi, d'ici la fin de 2005, on a calculé que les nouvelles installations d'abattage qui seront entrées en service suffiront pour éliminer l'excédent de bovins gras qui s'est accumulé. Au rythme actuel des choses, il faudra attendre jusqu'en 2007 afin de pouvoir nous débarrasser également des autres bovins en surplus, c'est-à-dire des vaches de réforme.
Par contre, comme je l'ai déjà dit, les vieilles vaches, exception faite des vaches laitières, peuvent être gardées pendant une année de plus. C'est du bétail excédentaire, mais cela ne signifie pas nécessairement qu'on ne puisse pas l'utiliser. Il y a d'autres options. C'est la raison pour laquelle il faut faire preuve de prudence.
D'ici deux ans à deux ans et demi, tout ira bien. Nous aurons réglé le problème des bovins gras d'ici la fin de 2005 si l'augmentation de la capacité d'abattage qui a été annoncée se concrétise.
Le sénateur Oliver : Le gouvernement fédéral a donné 387 millions de dollars pour aider l'industrie jusqu'à ce que la capacité d'abattage devienne suffisante. Vous nous avez parlé de 2007.
M. Lavoie : Pour les bovins autres que les bovins gras, pour les vaches de réforme.
Le sénateur Oliver : Cela suffira-t-il? Et si cette somme ne suffit pas, y aura-t-il une nouvelle crise?
M. Lavoie : Nous pensons que ce montant suffira. L'essentiel de l'augmentation de la capacité d'abattage dont j'ai parlé au début, pour 2004 et 2005, commence à se concrétiser. Cela avait été annoncé avant l'annonce du programme. Le programme lui-même sera tout à fait utile parce qu'il permettra de lancer de nouveaux projets, d'accroître la concurrence et d'assurer un meilleur équilibre régional, parce que même avec l'expansion telle que nous la connaissons actuellement, il y aura bientôt certaines régions qui n'auront pas de gros abattoirs industriels locaux. Ainsi, le Manitoba et le Québec prétendent qu'il leur faut plus qu'un seul abattoir qui représente 90 p. 100 de la capacité totale. L'Atlantique pour sa part a réagi avec Atlantic Co-op.
L'industrie et le marché bougent donc tous deux dans ce sens. Je crois que nous allons pouvoir atteindre l'objectif visé sans devoir imposer des conditions comme celles que vous avez mentionnées.
La présidente : Vous savez tous, je pense, que je suis de Lethbridge en Alberta, ville située dans le coin sud-ouest de la province, au cœur même de la région en crise. Nous avons des éleveurs, nous avons des parcs d'engraissement et nous avons des camionneurs. Nous avons deux gros abattoirs, dont nous avons déjà parlé, qui appartiennent à Cargill et à Tyson.
Le printemps dernier, le comité a présenté un rapport qui concernait expressément le problème de l'ESB car il y avait à ce moment-là urgence. Nous n'avions formulé que deux recommandations. La première concernait l'augmentation de la capacité d'abattage au Canada en faisant intervenir d'autres compagnies que celles qui sont actuellement actives dans la province.
Cette proposition avait donné lieu à un nombre considérable de propositions nouvelles, comme vous le savez sans doute, et cela partout au Canada. Cela a été vrai aussi en Alberta, depuis le moment où le problème a surgi au Canada.
On se pose là-bas une question importante : quelles leçons avons-nous tirées de la crise? Avons-vous écouté tous ces gens ingénieux qui veulent faire quelque chose pour augmenter cette capacité dont nous avons besoin, peu importe qu'il y ait déjà d'autres abattoirs? Nous devons augmenter notre capacité d'abattage au Canada pour nous prémunir contre d'autres crises comme celle à laquelle nous avons dû faire face et qui va d'ailleurs continuer à nous poser problème pendant un certain temps.
Il semblerait que les programmes du gouvernement partent du même principe, en ce sens qu'ils intègrent une réserve pour pertes sur prêts. Si j'ai bien compris, il s'agit en l'occurrence d'aider précisément ces gens fort ingénieux qui veulent construire de petits abattoirs pour occuper un petit créneau et devenir ainsi concurrentiels à leur manière sans pour autant devoir se battre contre les grosses compagnies qui veulent elles aussi prendre de l'expansion.
Pourriez-vous donc nous dire combien au juste sur ces 66,2 millions de dollars de fonds fédéraux va être versé à cette réserve pour pertes sur prêts?
Cette réserve a été constituée pour aider les prêteurs privés en les encourageant à prêter aux gens qui veulent construire ces nouveaux abattoirs.
Dans ma région, on a la conviction d'abord que cela ne suffira pas, et que le gouvernement fédéral ne semble pas projeter une vision canadienne suffisamment forte à cause de cela, mais également que les prêteurs du secteur privé ne semblent déjà guère enthousiastes à l'idée de se prévaloir de cette réserve. Pourtant, c'est essentiel si l'on veut que ces nouveaux abattoirs puissent être construits. Votre décision a une importance énorme, parce que du moment où la frontière sera rouverte, il est certain que les grosses compagnies seront déjà prêtes à entrer en jeu. Le gouvernement a laissé entendre, je crois, qu'à son avis il est devenu non seulement bon mais nécessaire pour l'industrie d'avoir le courage de réunir les ressources financières nécessaires pour créer ces nouvelles installations canadiennes.
Pourriez-vous nous expliquer un peu comment fonctionne cette réserve parce que jusqu'à présent, elle demeure un gros point d'interrogation, et pas seulement pour les gens qui veulent construire ces abattoirs, mais pour nous également puisqu'ils nous disent que les prêteurs du secteur privé n'ont pas vraiment sauté sur l'occasion avec beaucoup d'enthousiasme?
M. Lavoie : Le montant qui est prévu pour la constitution d'une réserve pour pertes sur prêts est de 37,5 millions de dollars. Ce programme fonctionne un peu de la même façon qu'un programme antérieur de l'Agence de diversification de l'économie de l'Ouest : Une banque ou une institution similaire, caisse populaire, coopérative de crédit ou autre agence de prêt qui souhaite garantir ces prêts peut demander au gouvernement, au ministère, de créer une réserve égale à 40 p. 100 du prêt consenti à un groupe, une entreprise ou une coopérative qui souhaite investir pour construire un nouvel abattoir ou agrandir un abattoir existant. Cela bien sûr vaut pour les installations assujetties à une inspection fédérale.
Les organismes prêteurs auraient bien sûr préféré une garantie à 100 p. 100, mais ce n'est pas cela qu'on leur offre. Nous offrons de partager les risques, mais le projet doit avoir de bonnes chances de réussite à long terme, comme nous vous l'avons déjà dit. Il doit s'agir d'un projet dans un secteur non essentiel qui est évalué par le secteur privé, par exemple au cas où la frontière viendrait à être rouverte. En tout état de cause, le projet doit avoir une viabilité à long terme.
Il n'y a pas eu beaucoup de manifestation d'intérêt. Nous n'avons pas reçu beaucoup de demandes jusqu'à présent. On continue à nous demander comment cela va fonctionner. Et l'incertitude sur le marché n'aide guère non plus. Beaucoup de gens adoptent une attitude attentiste parce qu'ils ne savent pas ce que les États-Unis vont imposer comme nouvelles règles. Vont-elles influencer la rentabilité future d'un investissement? Faut-il encore attendre quelques mois? Il y a toutes sortes de considérations comme celles-là qui entrent en jeu dans la décision.
Je pense qu'à l'heure actuelle, il y a déjà 38 ou 39 projets dont les promoteurs sont en pourparlers avec leurs organismes de crédit afin de circonscrire le genre de besoins en fonction desquels ils voudraient pouvoir travailler. Je suis relativement convaincu que d'ici quelques mois, les demandes vont se multiplier. De nouvelles idées ont surgi grâce à cela, parce que depuis deux mois, le nombre de projets a plus que doublé.
La présidente : Je comprends votre réponse et je pense qu'il y a déjà ce sentiment que les gens sont maintenant prêts à passer à l'action. La plupart d'entre eux ont leur propre programme de financement qu'ils ont eux-mêmes composé, mais il reste néanmoins quelques inquiétudes au niveau du soutien financier possible qui serait nécessaire pour mettre les choses en route. En revanche, il ne fait aucun doute dans l'esprit de certains de ceux qui font une demande qu'il ne s'agit pas là d'une stratégie à court terme. Pour le Canada, il s'agit d'une question à long terme, parce que si la frontière venait à être fermée une nouvelle fois, nous ne voulons pas être impuissants à répondre sur notre propre marché.
Le sénateur Sparrow : Madame Mountjoy, vous nous avez dit il y a quelques instants qu'il ne pouvait pas y avoir de MRS dans les aliments pour bétail. Mais les MRS n'ont-elles pas été interdites dans tous les aliments pour animaux, la volaille par exemple? Moi, je pensais que c'était totalement interdit.
Mme Mountjoy : En 1997, lorsque nous avons décrété cette interdiction, nous voulions en fait limiter l'utilisation des MRS bovines dans les aliments pour le bétail. Maintenant, le gouvernement a laissé entendre qu'il voulait interdire les MRS bovines dans tous les aliments pour animaux. Cette initiative nous permettrait de faire précisément ce que vous dites.
Le sénateur Sparrow : Mais ce n'est pas encore fait.
Mme Mountjoy : Non.
Le sénateur Sparrow : Pourquoi cela prend-il tant de temps? Il semblerait qu'une de nos vaches ait été nourrie avec quelque chose qui contenait des matières provenant d'une autre espèce. Est-ce exact? Ce que je crains, c'est que si nous continuons à vendre ce genre de produit pour d'autres utilisations, il y a toujours un risque de contact avec des bovins.
Mme Mountjoy : Pour revenir à ce cas qui a été signalé en mai, le rapport du groupe de travail international mentionnait effectivement que le Canada devrait envisager de mettre en oeuvre aussi rapidement que possible un train de mesures. Il y avait notamment l'interdiction des MRS dans les aliments, le renforcement de la surveillance et l'identification des bovins, de même que le renforcement de l'interdiction déjà prononcée en exigeant le retrait et le réacheminement des MRS bovines. Ce train de mesures a été suggéré au Canada en partant du principe que cela permettrait de réduire encore plus le risque de l'ESB pour le cheptel bovin canadien.
Nous savons déjà qu'après le cas signalé en mai 2003 et aussi le cas signalé aux États-Unis et dont l'origine était canadienne, la prévalence de l'ESB est très faible dans le cheptel bovin canadien. Nous faisons diligence pour mettre en oeuvre la dernière série de recommandations qui exige le retrait des MRS d'origine bovine dans toute la chaîne alimentaire animale, ainsi que leur réacheminement.
Le sénateur Sparrow : Le fait que nous n'avons pas donné suite, que nous n'avons pas complètement interdit l'utilisation des MRS risque-t-il de nous poser problème sur les marchés étrangers?
Mme Mountjoy : Je parle ici de sommités mondiales en matière d'ESB, dont certains experts faisaient partie du groupe de travail convoqué après la découverte du cas en question en mai. Ces experts escomptent que le Canada mette en oeuvre cette dernière mesure le plus rapidement possible.
Ils reconnaissent comme nous que ce n'est pas là un problème facile à résoudre. Exiger le retrait et le réacheminement des MRS d'origine bovine dans toute la chaîne alimentaire animale crée pour les parties intéressées un gros problème de destruction de ces matières. On y travaille actuellement, mais c'est une question complexe. Nous progressons et nous avons d'ailleurs l'intention de procéder très bientôt à la publication préalable dans la Gazette du Canada d'une modification au règlement.
Le sénateur Sparrow : Je ne veux pas dire quoi que ce soit d'erroné, mais je crains beaucoup que cela ne retarde encore l'ouverture des marchés étrangers à nos coupes de boeuf.
À l'heure actuelle, comment l'industrie procède-t-elle pour détruire les abats en question? Rien ne peut nous garantir qu'ils ne se retrouveront pas dans la chaîne alimentaire. Au contraire. Comment l'industrie procède-t-elle pour détruire les abats de ce genre?
Les marchés étrangers vont-ils bientôt être rouverts à ces abats qui représentent quand même une partie importante de la viande des vaches de réforme? La peau, les sabots et tout ce qui, normalement, pouvait être exporté, tout cela est bloqué à la frontière. Pourtant, c'est une composante importante de la valeur ajoutée, surtout pour les vaches de réforme. Et les élevages québécois de vaches laitières sont donc touchés.
Est-il possible que les marchés étrangers restent à tout jamais — c'est bien long cela — fermés aux abats provenant du Canada?
Mme Mountjoy : Madame la présidente, j'aimerais que ce soit plutôt mon collègue Bill Anderson, le directeur du Programme des aliments d'origine animale de l'ACIA, qui réponde à cette question. En effet, il s'occupe de la question des règles qui concernent l'exportation de produits canadiens comme ceux dont vous venez de parler.
M. Bill Anderson, directeur, Programme des aliments d'origine animale, Agence canadienne d'inspection des aliments : Lorsque le Canada a été désigné comme pays touché par l'ESB, nous avons commencé par examiner les normes de l'OIE, qui est l'Office international des épizooties. C'est cet organisme qui établit, pour les pays du monde entier, les normes qui doivent régir le commerce des produits d'origine animale et des animaux sur pied.
Selon le code de l'OIE, dès lors qu'il y a un cas d'ESB, toute exportation de viande et de farine d'os provenant de ruminants est interdite. Lorsque nous avons découvert le cas en question, nous avons interdit toute exportation partout dans le monde.
Nous espérons qu'avec la modification qu'on se propose d'apporter au règlement pour renforcer l'interdiction que nous avions décrétée pour l'alimentation des animaux et exiger le retrait des MRS d'origine bovine, l'OIE va nous permettre à nouveau d'exporter la viande et la farine d'os de ruminants exemptes de MRS. Il faudra pour cela apporter certaines modifications au code de l'OIE, et nous devrons pour notre part modifier notre règlement pour éliminer complètement les MRS de la chaîne alimentaire animale.
Le sénateur Sparrow : Combien de temps cela prendra-t-il?
M. Anderson : Nous allons très bientôt procéder à la publication préalable dans la Gazette du Canada. Après cela, il y aura une période de consultation. Bien entendu, nous devrons étudier les commentaires que nous allons recevoir.
Comme l'a dit Mme Mountjoy, la destruction de ces matières est un problème logistique. Qu'en fait-on actuellement? Les MRS peuvent-elles servir dans d'autres produits qui ne sont pas destinés à la consommation humaine ou animale? Existe-t-il des façons sûres de neutraliser ces matières sans contaminer l'environnement? Nous nous penchons actuellement sur tout cela dans le cadre de ce processus.
Mme Mountjoy : Si vous me permettez de compléter la réponse de M. Anderson, nous serions absolument ravis que cela puisse être mis en place pour le printemps. J'entends par là non seulement la modification au règlement, mais également la mise en oeuvre, appuyée par une vérification effectuée par les inspecteurs de l'ACIA dans l'ensemble du système.
J'aurais peut-être pu répondre de façon plus claire à votre question concernant ce qu'il advient actuellement des MRS d'origine bovine. Lorsque nous avons décrété l'interdiction de ces matières dans les aliments pour animaux en 1997, nous avions dit alors qu'on ne pouvait pas nourrir du bétail avec des aliments d'origine animale. Or, les sous- produits de l'abattage des bovins qui passent dans la chaîne d'équarrissage continuent à être utilisés pour faire des aliments qu'on donne à des non-ruminants, volaille, porcs et ainsi de suite.
Nous craignons donc les risques de contamination incidente dans le système de production d'aliments pour animaux, pendant le transport ou encore si jamais, dans un élevage, on donne par erreur à une espèce des aliments destinés à une autre. Par conséquent, nous nous employons à renforcer encore davantage cette interdiction en ordonnant le retrait complet de toutes les MRS d'origine bovine de la chaîne d'alimentation animale.
Le sénateur Gustafson : Pour les petits abattoirs, la réglementation varie d'une province à l'autre. Par exemple, l'abattoir de Gainsborough, en Saskatchewan, ne peut pas vendre de carcasses au Manitoba parce que la réglementation concernant les abattoirs n'est pas la même dans les deux provinces. Dans l'une des deux, l'abattoir doit être construit en brique ou en parpaings, alors que la seconde exige une structure en colombes recouvertes d'acier.
Ces règlements sont-ils toujours aussi ridicules?
M. Prince : Je vais tenter de vous expliquer rapidement comment fonctionne le système d'inspection de la viande au Canada. Ce que vous dites est parfaitement exact. Un abattoir sous réglementation provinciale ne peut pas exporter dans une autre province parce que la Loi fédérale sur l'inspection des viandes exige que l'abattoir soit enregistré à l'ACIA pour qu'il puisse exporter soit dans une autre province, soit à l'étranger.
Pour tout commerce interprovincial ou international, la norme fédérale doit s'appliquer.
Les provinces ont également leurs propres lois en ce qui concerne l'inspection des viandes, et ce sont elles qui édictent les normes concernant l'abattage et l'équarrissage dans la province.
Le sénateur Gustafson : Si nous ne parvenons pas à régler ce petit problème interprovincial, comment au nom du ciel pourrons-nous arriver à régler le problème qui existe sur le continent nord-américain entre le Mexique, les États-Unis et le Canada? Où en sommes-nous actuellement dans les négociations, parce que rien ne se fera tant que la réglementation ne sera pas considérée favorablement par les États-Unis, le Canada et le Mexique? Si nous ne parvenons pas à avoir une vision commune de la réglementation pour toute l'Amérique du Nord, le problème ne sera jamais réglé.
M. Prince : L'harmonisation des normes entre le Canada et les États-Unis n'est pas vraiment un gros contentieux. Nos critères en matière d'inspection des viandes sont semblables et il y a énormément d'échanges entre les deux pays qui, chacun, acceptent le système de l'autre.
La bonne nouvelle, c'est qu'on s'emploie actuellement, dans les relations fédérale-provinciales, à arriver à un code national pour les viandes. Ce code établirait une seule norme pour l'ensemble du Canada, et les provinces devraient alors adapter leurs propres systèmes en fonction de cela. Lorsque nous serons parvenus à un accord à ce sujet, nous pourrons alors adopter un système comme celui dont vous parlez.
Le sénateur Gustafson : Le problème, c'est que nous avons contraint beaucoup de petits abattoirs à fermer leurs portes à cause précisément de la réglementation, notamment provinciale. Il y avait énormément de petits abattoirs qui abattaient une douzaine de têtes par semaine pour le marché local et qui n'existent plus. Certains de ces exploitants songent maintenant à recommencer. Il est certain que nous devons assumer une partie de la responsabilité pour ces règlements qui ont été imposés aux petits abattoirs. Et maintenant, nous réintroduisons ces mêmes règlements.
Mais en même temps, les grosses compagnies ont fait des bénéfices de 280 p. 100, à en croire leurs bilans trimestriels. J'ai un peu l'impression que ce sont les éleveurs qui en pâtissent. J'ai téléphoné à Whitewood Auction Mart, et j'ai appris que les vaches de réforme partaient pour 8 à 12 cents la livre, et que les vaches un peu plus grasses se vendaient de 20 à 12 cents la livre, mais à ces prix-là, aucun éleveur ne peut survivre.
Mais en même temps, ce sont les gros abattoirs qui touchent les grosses sommes que le gouvernement fédéral donne pour apporter une solution au problème.
La présidente : Je vous remercie. Il s'agit là manifestement d'un problème crucial et persistant. Ne soyez donc pas étonnés si le comité vous demande de comparaître encore une fois.
Nos témoins suivants sont les représentants de l'Association canadienne des éleveurs de bétail qui travaillent jour et nuit depuis plusieurs mois sur ces dossiers difficiles. Il s'agit de M. Stan Eby, président, Mme Ann Dunford, analyste du marché, et M. Jim Caldwell, directeur exécutif. Bienvenue au comité.
M. Stan Eby, président, Association canadienne des éleveurs de bétail : Merci, madame la présidente. Nous préférerions dire quelques mots rapidement en guise d'introduction pour répondre ensuite à vos questions. À notre avis, ce serait là la meilleure façon de vous renseigner adéquatement.
C'est une nouvelle fois un plaisir pour nous de comparaître devant vous.
Notre industrie aurait espéré davantage de progrès dans le contentieux frontalier depuis notre dernière comparution en mars dernier. Cela dit, il y a néanmoins eu quelques améliorations. L'industrie est toujours chancelante, certes, et il y a encore des producteurs en proie à de graves problèmes financiers, mais nous commençons à entrevoir la lumière au bout du tunnel. Nous l'avons d'ailleurs constaté il y a quelques jours seulement, lors de la visite du président Bush. Il y a donc là de l'espoir.
Les prix se sont améliorés par rapport aux faibles niveaux du début de l'année, et nos exportations ainsi que nos abattages sont en hausse constante. Notre principal souhait demeure la réouverture de la frontière américaine au bétail sur pied et l'élargissement de la liste des produits du bœuf. Nous sommes confortés par ce que le président Bush a dit au début de la semaine, en l'occurrence qu'il accordera la priorité à l'accélération du processus.
L'ACEB a exploré toutes les pistes pour essayer de faire rouvrir la frontière. Nous avons travaillé avec l'ACIA, avec le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, ainsi qu'avec le Conseil des viandes du Canada. Nous avons un conseil juridique qui travaille à plein temps pour nous à Washington, et nous avons également travaillé avec nos homologues américains, notamment avec la National Cattlemen's Beef Association, l'American Meat Institute et la National Meat Association. Nous avons fait pression auprès des secrétariats américains à l'Agriculture et au Commerce. Nous nous sommes rendus plusieurs fois aux États-Unis où nous avons travaillé de concert avec l'ambassade du Canada qui a d'ailleurs été notre muscle à Washington.
Nous savons que le premier ministre et le président ont discuté des dossiers à plusieurs reprises. Nous sommes convaincus que nous avons fait porter nos interventions aussi haut que nous le pouvions, quoique nous soyons un peu déçus de ne pas avoir fait davantage de progrès jusqu'à présent.
Nous avons également parlé aux établissements de crédit canadiens pour leur demander de faire le maximum pour aider leurs clients à passer cette période difficile. Nous savons que le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a travaillé en étroite concertation avec l'Association des banquiers canadiens, et que le ministre des Finances lui a également rendu visite, et nous en sommes assurément reconnaissants. Nous avons travaillé avec les fonctionnaires fédéraux et provinciaux pour élaborer des programmes susceptibles d'offrir une aide financière aux producteurs, et notamment des avances en liquide. L'actuel programme de retrait semble produire de bons résultats dans la majorité des cas un peu partout au Canada.
Nous savons également qu'il existe encore des problèmes dans l'industrie. Il y a les problèmes des animaux adultes ou des vaches et des taureaux de réforme qui continuent à s'accumuler et qui inquiètent à la fois les producteurs de viande bovine et les producteurs laitiers. Les prix de vente de ces animaux demeurent faibles. La crise de l'ESB est pénible depuis mai 2003, mais nous sommes convaincus que l'industrie en sortira plus forte. Nous savons maintenant que nous ne pouvons pas dépendre des États-Unis et qu'il ne faut pas s'attendre d'eux qu'ils soient notre plus important débouché pour la viande de bœuf et le bétail. Nous avons également appris que nous pouvions vendre davantage de produits sur le marché intérieur, mais aussi que nous devons trouver de nouveaux marchés ailleurs dans le monde pour absorber la production des nouvelles installations que nous sommes en train de construire.
La Fédération canadienne pour l'exportation du boeuf continue à chercher de nouveaux marchés étrangers, alors que le Centre d'information sur le bœuf ouvre pour sa part de nouveaux marchés intérieurs. Il a fait un travail tout à fait digne de foi pour favoriser l'utilisation commerciale de la viande de bœuf de manière à ce que cette viande de bœuf destinée à la transformation revienne sur le marché canadien. Cette activité se poursuit sans discontinuer. Nous abattons actuellement plus de bêtes qu'auparavant, et nous vendons tout ce que nous pouvons mettre sur le marché.
Nous sommes en train d'élaborer une stratégie à long terme qui permettra à notre industrie de devancer ses concurrents. Nous avons déjà un système de suivi très avancé, et nous allons encore le perfectionner. Dans les années à venir, la vérification de l'âge de la bête et son suivi génétique deviendront des capacités de la plus haute importante, et nous devons continuer à devancer nos concurrents.
Hier soir, j'ai entendu le premier ministre dire que le Canada était le pays de demain. Nous avons le sentiment d'avoir fait beaucoup pour notre industrie dans cette perspective. Mais il est extrêmement ardu pour nous de nous préparer à l'avenir.
Notre Beef Value Chain Round Table continue à réunir tous les secteurs de l'industrie du bœuf, depuis les équarisseurs et les producteurs jusqu'aux détaillants. La CCA a la conviction que si tout le monde travaille en concertation, notre industrie est promise à un brillant avenir malgré nos reculs actuels.
Je vais maintenant demander à Mme Dunford, notre analyste, de vous faire un survol de la situation dans sa perspective à elle.
La présidente : Avant de donner la parole à Mme Dunford, j'aimerais ajouter à vos propos que je ne pense pas que nous serions ici, dans la situation actuelle, malgré toutes les difficultés éprouvées, sans l'extraordinaire collaboration entre les éleveurs et tous les gouvernements. Sans cette collaboration, sans la participation à la prise de décision et à l'élaboration de politiques dans des moments très difficiles, la situation ne serait pas aussi positive qu'elle l'est maintenant. Le comité voudrait vous remercier pour votre contribution.
Mme Ann Dunford, analyste de marché (CANFAX), Association canadienne des éleveurs de bétail : Je vous ai remis un ensemble de diagrammes avec lequel je commencerai mon exposé. Parfois, un outil visuel permet de mieux comprendre où en est notre capacité et ce que nous entrevoyons pour l'avenir. Nous répondrons ensuite aux questions.
Regardons d'abord le premier diagramme sur l'abattage hebdomadaire canadien avec inspection fédérale. En 2004, il devrait être supérieur de 25 p. 100 à ce qu'il était en 2003. Même comparé aux chiffres de 2002, la hausse est de 13 p. 100 et de 15 p. 100 par rapport à 2001. Comme le disait M. Eby, ces chiffres sont des sommets par rapport à nombre d'années passées. Une bonne part de cette augmentation de capacité tient au fait qu'il y a davantage de jours d'abattage par semaine, des quarts de travail plus longs et donc une augmentation de la capacité qui s'est faite surtout dans le cadre des exploitations existantes.
Le tableau à côté, qui compare la commercialisation du bœuf canadien par rapport à l'abattage, permet un retour historique jusqu'en 1960. Comme vous pouvez le voir, au début des années 80, notre capacité d'abattage et notre mise en marché allaient de pair. Nous pouvions transformer au Canada ce que nous produisions. À partir des années 80, l'écart s'est creusé, à mesure que les usines de transformation canadiennes vieillissaient, devenaient désuètes et n'étaient pas remplacées. Au même moment, soit à la fin des années 80 et au début des années 90, notre secteur a connu une bonne croissance. Nos mises en marché ont atteint près de 4,5 millions de têtes de bétail. Avant 2003, nous en transformions 3,3 millions. Cette différence, c'était le bétail sur pied envoyé sur le marché américain.
Cette année, nous prévoyons 3,9 millions de têtes d'ici la fin de l'année, par rapport à 3,3 millions précédemment. C'était près de 3 millions l'an dernier. L'augmentation est importante. Je parlerai un peu plus de l'augmentation prévue après 2004.
Le diagramme de gauche sur l'abattage de vaches d'inspection fédérale au Canada montre que nous prévoyons que l'abattage de vaches de réforme d'ici la fin de l'année sera supérieur de 14 p. 100 aux niveaux de 2003. C'est tout de même inférieur de 12 p. 100 au chiffre de 2002 et de 15 p. 100 par rapport au chiffre de 2001. Nous nous efforçons encore de retrouver le rythme d'abattage des vaches de réforme qu'on avait avant.
Dans les séances précédentes du comité, on vous a parlé de l'augmentation à laquelle nous assistons. En ce moment, pour le régime d'inspection fédérale, on est à un peu plus de 81 000 têtes. Chaque semaine, le nombre augmente. Tout récemment, l'abattage a atteint 83 000 têtes, mais la moyenne est grosso modo de 81 000. À la fin de cette année ou au début de la prochaine, nous nous attendons à une augmentation importante à Moose Jaw. Jusqu'à maintenant, cette usine ne pouvait doubler ses quarts, faute de capacité d'entreposage frigorifique. Il y aura là une hausse importante et tout fonctionnera dès le début de la nouvelle année. Par ailleurs, les augmentations se sont stabilisées au cours de l'automne. Dans les Maritimes, c'est l'usine Atlantic Beef qui s'est mise en marche ce mois-ci. En Colombie- Britannique, l'usine Rangeland a été rouverte et a commencé à transformer du bétail en novembre. Ces nouvelles usines feront monter la capacité à près de 85 000 têtes.
Par la suite, au début de l'année prochaine, l'ouverture d'usines et la formation des travailleurs feront augmenter encore la capacité d'abattage, pour nous rapprocher des 90 000 têtes de bétail.
La prochaine étape importante aura lieu vers la fin de 2005, à l'été et à l'automne, avec l'expansion à l'usine Tyson de Brooks, et la capacité devrait alors atteindre 95 000 têtes par semaine. Voilà les capacités prévues, qui montrent ce que peut faire chaque usine. Les conditions du marché détermineront si toute la capacité servira. Pour abattre plus de 95 000 têtes, il faudrait créer plus de capacité.
À la deuxième page du mémoire, je précise davantage ces chiffres de capacité. Après 2004, elle passera à 3,9 millions en 2004, à 4,6 millions en 2005 puis à environ 5 millions de dollars en 2006. Cela présume que nous aurons alors une usine supplémentaire.
Le tableau suivant compare la production de bétail à la capacité d'abattage. Ces chiffres comprennent les vaches de réforme et les jeunes bovins. Le chiffre de mise en marché englobe tout cela. Sans aucun doute, quand on voit les surplus de 2004-2005, on voit qu'il s'agit d'années de surproduction, si l'on peut dire, où la capacité d'abattage ne suffisait pas. L'écart se réduit en 2006-2007, comme l'a dit le témoin précédent.
Je ne vous décrirai pas le tableau du bas, qui donne de l'information sur les prévisions de production et de capacité pour le Canada. Je répondrai volontiers à vos questions.
Le sénateur Gustafson : Cet exposé était assez optimiste. Ce n'est pas du tout ce que me disent les agriculteurs. D'ailleurs, nous avions ici hier un agriculteur albertain qui, si j'ai bien compris, a comparu devant le caucus de l'ouest et qui affirmait que la banque l'avait forcée à la forclusion. C'était une exploitation de 15 ou 16 millions de dollars et la situation là-bas est grave. Le bétail âgé ne ramène pas d'argent des encans. Vous devez bien le savoir.
Mme Dunford : Oui. Je vous ai parlé de capacité, comme on me l'a demandé. Désolée.
Le sénateur Gustafson : Le problème, côté capacité, c'est de savoir pendant combien de temps on peut continuer comme ça, si les Américains ne rouvrent pas la frontière aux bovins de plus de 30 mois? Pendant combien de temps peut-on continuer à accumuler? On nous a dit plus tôt que l'entreposage pourrait durer jusqu'en 2007. Personne ne voudra alors en manger, à cause des brûlures de congélation.
Je pense qu'il faut voir la réalité en face. Comme j'ai dit aux autres témoins, chez Whitewood Auction Mart, on m'a dit par téléphone il y a une semaine que le prix des vaches de réforme allait de 8 à 12 cents et celui des vaches grasses, de 20 à 12 cents. Il y a toutes sortes d'anecdotes au sujet des chèques rapportés par les agriculteurs. D'ailleurs, à ce marché, un collectionneur a payé 10 $ pour le chèque d'un agriculteur, qui n'avait reçu que 2,50 $ pour un animal.
La situation est très grave. Si nous ne pouvons exporter du bétail de plus de 30 mois, combien de temps faudra-t-il attendre avant d'avoir à réduire nos troupeaux?
On m'a dit que les Canadiens consommaient environ la moitié de ce que nous produisons. Au Canada, on mangera beaucoup de veilles carnes, parce que les Américains prendront nos jeunes bovins, d'une façon ou d'une autre. Les propos du président étaient clairs. Il a parlé de jeunes bovins. Cela ne m'a pas plu du tout.
Mme Dunford : J'ai un commentaire à formuler. Vous avez raison. Avant 2003, nous consommions environ la moitié de la production canadienne de bœuf. Les choses ont changé radicalement en 2004. Cette année, c'est environ 70 p. 100. Les Canadiens ont voulu soutenir les producteurs et la consommation nationale est montée à près de 70 p. 100. Vos arguments sont très valables.
M. Eby : Nous avons aussi réduit considérablement nos importations. D'après nos informations, nous pouvons consommer des animaux de réforme de plus de 30 mois ici au Canada parce que nous importons une grande quantité de ce bœuf.
Il ne fait aucun doute que les animaux de réforme et leur valeur constituent un problème important. Nous ne savons trop où devrait se situer la valeur des animaux de réforme pour toutes sortes de raisons.
Nous n'étions pas au courant de l'entreposage d'animaux jusqu'en 2007. Nous ne savions pas qu'on en congelait actuellement. Nos transformateurs nous affirment qu'il y a un marché pour tout ce qu'ils peuvent transformer. Madame Dunford, avez-vous entendu parler de l'entreposage des plus de 30 mois?
Mme Dunford : Non.
M. Eby : Pour ce qui est de la remarque du président sur les jeunes bovins, oui, nous croyons savoir que la règle qu'on était en train d'élaborer s'appliquerait aux bovins sur pied de moins de 30 mois et à une liste plus longue de produits du bœuf pour commencer. Il y aura ensuite un deuxième projet de loi qui porterait sur les reproducteurs et autres ruminants de plus de 30 mois. C'est ainsi que nous croyons que l'on procéderait.
À nos yeux, la première étape est l'ouverture de la frontière aux bovins de moins de 30 mois; la deuxième étape serait d'en faire autant pour les autres produits. Dès que nous pourrons exporter des animaux de moins de 30 mois, les usines de transformation pourront recevoir davantage d'animaux de réforme. Il faut plus de concurrence sur le marché pour les animaux de réforme pour que les prix augmentent au niveau que vous avez indiqué. La situation qui prévaut en Ontario concernant le prix des animaux de réforme est la même qu'en Saskatchewan. Il faut de la concurrence.
Le sénateur Downe : Votre association s'inquiète-t-elle de la confiance des consommateurs et de la confiance des marchés étrangers dans l'approvisionnement alimentaire? Nous avons appris ce matin que l'Agence canadienne d'inspection des aliments n'avait toujours supprimé tous les matériels à risque spécifié, les MRS, de la nourriture de tous les animaux. Est-ce que cela inquiète votre association?
M. Eby : Oui. Nous en discutons non seulement avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments, mais aussi avec nos homologues américains, car nous savons que le marché est intégré et très compétitif. Comment pouvons-nous rester concurrentiels autant comme producteurs que comme transformateurs? Au chapitre de la confiance des consommateurs, nous estimons offrir un produit sain. Nous savons comment limiter l'ESB en supprimant les MRS de l'alimentation des ruminants.
Mme Dunford : Pourrai-je ajouter une chose sur la confiance des consommateurs? En 2003, comme vous le savez, il y a eu une augmentation de 5 p. 100 de la consommation apparente de bœuf canadien et un taux élevé de soutien de la part des consommateurs. Nous n'avons pas maintenu la cadence en 2004, mais, à la fin de septembre, il y avait tout de même eu une augmentation de 2 p. 100 de la consommation par rapport à 2002. Les données actuelles sur la consommation apparente de bœuf nous portent à croire que nous n'avons pas perdu la confiance des consommateurs.
Le sénateur Hubley : Soyez les bienvenus. J'aimerais avoir une précision. Votre exposé comportait de nombreux éléments positifs. Toutefois, il faut faire face à la réalité. Quand vous parlez de la collaboration que vous avez pu créer avec vos homologues américains, j'en conclus que tout le monde semble s'entendre pour dire que la frontière devrait rouvrir. Je présume que ce n'est plus maintenant qu'une décision strictement politique.
Vous avez parlé de consommation. Importons-nous encore des produits du bœuf des États-Unis?
Mme Dunford : Oui, mais très peu. Ces importations ne représentent plus que 70 p. 100 de ce qu'elles étaient en 2003 et 2002. Il y a encore des petites quantités de bœuf qui entrent au Canada, mais elles servent surtout aux établissements de restauration faisant partie d'un programme américain. Ces importations ont diminué de façon radicale. Dans l'ensemble, les importations de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande, de l'Uruguay et des États-Unis ont baissé de près de 65 p. 100.
Le sénateur Hubley : Il y a donc moins d'importations des autres pays. Cela veut-il dire que, pour compenser, nous consommons davantage de produits canadiens?
Mme Dunford : Tout à fait. Cela nous ramène à ce que je disais il y a un moment sur la consommation apparente de boeuf canadien : le boeuf canadien représente plus de 70 p. 100 de tout le boeuf consommé au Canada, ce qui est une augmentation radicale par rapport à 2002, année où il représentait 50 p. 100 de tout le boeuf consommé au Canada.
M. Jim Caldwell, directeur exécutif, Association canadienne des éleveurs de bétail : La diminution des importations est en grande partie attribuable au prix du produit, ce dont parlait le sénateur Gustafson. Nous importons moins de ces produits que nous faisions venir d'Australie et de Nouvelle-Zélande et qui étaient transformés en boeuf haché. À l'heure actuelle, ces deux pays ne peuvent rivaliser avec nous au niveau du prix. L'Uruguay exporte davantage aux États-Unis. Nous, nous tentons de faire en sorte que les usines de transformation initiale et ultérieure s'approvisionnent au Canada plutôt qu'en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Uruguay. C'est ce que nous tentons de faire en augmentant la transformation des vaches plus âgées. Le problème, c'est que cela ne se fait pas du jour au lendemain, mais nous avons réalisé des progrès.
Avant 2003, nous importions jusqu'à 120 000 tonnes de produits de l'étranger, en excluant les États-Unis. Nous importons maintenant de 60 000 à 65 000 tonnes. Notre contingent est de 76 000 tonnes.
Le sénateur Hubley : Pourriez-vous m'expliquer ce contingent?
M. Caldwell : Je laisserai au président le soin de vous l'expliquer, mais je peux vous dire qu'il a été négocié pendant l'une des rondes de négociation du GATT, ou de l'OMC. C'est le contingent que nous avons reçu. On a aussi accordé un contingent aux Américains en fonction des quantités qu'on y produit. Toute proportion gardée, notre contingent est plus élevé. Tout ce qui excède 76 000 tonnes est censé faire l'objet de droits. Vous avez peut-être appris qu'il existait un contingent supplémentaire avant cette période et que le gouvernement n'imposait donc aucun droit sur ce produit. On importait 120 000 tonnes au Canada sans droit. Voilà comment cela marchait.
M. Eby : L'association canadienne des éleveurs de bétail a exercé de vigoureuses pressions pour que les permis d'importation supplémentaires disparaissent. Comme l'a indiqué M. Caldwell, 130 000 tonnes réduisent d'autant les quantités de vaches de réforme que nous pouvons fournir. C'est ce que nous appelons le commerce manufacturier. Nous avons connu un certain succès jusqu'à présent. Le règlement n'a pas été adopté, mais rien n'a été importé au Canada en 2004 grâce à un permis d'importation supplémentaire.
Le sénateur Oliver : Mes questions s'adressent à Mme Dunford. Vous nous avez montré un tableau. Vous nous avez donné des chiffres qui, selon deux personnes, décrivent une situation qui ne saurait être meilleure. Toutefois, j'aimerais vous poser des questions sur votre tableau et vos projections afin de voir si cela correspond à ce que prévoit le gouvernement.
L'ACEB a élaboré une stratégie de reprise pour l'industrie des productions animales; le gouvernement fédéral l'a consultée quand il a élaboré sa propre stratégie de repositionnement de cette industrie. Le premier tableau que vous nous avez montré indiquait que près de 80 000 têtes de bétail avaient été abattues. Vous notez aussi que la capacité actuelle de 79 000 têtes par semaine pourrait augmenter de 3 000 têtes d'ici novembre 2004 et atteindre 86 000 têtes par semaine au début de 2005 et 93 000 d'ici la fin de 2005. L'objectif est de faire abattre 98 000 têtes de bétail par semaine en 2006.
À votre avis, en tenant compte de la réglementation, des facteurs limitatifs inhérents à la loi et de la disponibilité d'une main-d'oeuvre qualifiée, ces objectifs sont-ils réalistes? Pourrez-vous doter en personnel tous ces abattoirs pour en arriver aux résultats escomptés?
Deuxièmement, le gouvernement fédéral a-t-il les mêmes objectifs d'abattage que ceux que vous nous avez montrés dans ce tableau?
Troisièmement, les chiffres que vous nous avez présentés sont controversés. Ces données comprennent-elles les animaux de plus de 30 mois ou seulement ceux de 30 mois ou moins?
Mme Dunford : Pour répondre à vos deux premières questions, ces chiffres proviennent essentiellement des exploitations qui envisagent d'agrandir. Si vous passez la liste en revue, vous constaterez que la plupart d'entre elles ont déjà commencé à agrandir. Les abattoirs inspectés par le gouvernement fédéral représentent 94 p. 100 ou 95 p. 100 du total. Les abattoirs provinciaux représentent 5 ou 6 p. 100 et ne sont pas inclus dans les données qui figurent sur ces tableaux; c'est la mention « F5 ». Ces chiffres sont en sus de ceux qui figurent dans ces tableaux.
La semaine dernière, je me suis entretenu avec un des directeurs des opérations de l'abattoir de Moose Jaw. On y connaîtra une des plus importantes augmentations à court terme. On y abattra 4 000 têtes par semaine. Cet abattoir jouit d'un excellent soutien de la part du gouvernement de la Saskatchewan. Déjà, des travailleurs sont en formation à l'usine. Dès le 1er janvier, il y aura deux quarts de travail. On se prépare déjà à l'accroissement de la capacité.
Il ne fait aucun doute qu'on atteindra le premier objectif de 85 000 à 90 000 têtes. Dans une certaine mesure, cela dépend de l'espace qu'on pourra trouver pour la chambre froide, mais il ne faut pas d'ouvriers en plus pour s'occuper de la chambre froide. En gros, cela est déjà en place.
Pour que Tyson atteigne l'objectif en 2005, il lui faudra engager de nouveaux employés dans la région de Brooks. Je présume que si Tyson vise ce genre d'augmentation, on a déjà pris des mesures en ce qui concerne la main-d'œuvre.
Les données qu'utilisent l'industrie et le gouvernement fédéral sont presque identiques. Nous avons travaillé ensemble pour trouver ces données. Pour ce qui est des prévisions de mise en marché, nous tenons compte du troupeau et du site, du nombre de génisses par vache, du nombre de bouvillons par vache qui arrivent sur le marché, ce genre de choses.
C'est ainsi que nous avons établi nos données de mise en marché dans le passé et c'est ce que nous avons utilisé dans notre équation. Ces chiffres ont été transmis au gouvernement fédéral, qui les a utilisés.
Les données que vous avez sous les yeux se fondent sur un taux de réforme d'environ 10 p. cent pour le bétail plus âgé. Ces données incluent aussi les bovins de plus de 30 mois.
Le sénateur Oliver : Qu'en est-il des autres 70 p. cent, des plus de 30 mois?
Mme Dunford : Le taux des réformes normales serait de 10 à 11 p. cent pour le bœuf et de 25 à 30 p. cent pour les vaches laitières. On a en tenu compte dans ces données.
[Français]
Le sénateur Gill : J'imagine que votre association est composée de membres provenant de toutes les provinces canadiennes et que vous avez des statistiques. Étant donné la période difficile que nous vivons actuellement, pouvez- vous nous dire combien d'éleveurs ou de producteurs sont encore en affaires ou sont sortis d'affaires par rapport aux années passées, période où le commerce était plus facile et où une exportation convenable existait aux États-Unis?
[Traduction]
M. Eby : Pour répondre à votre première question, toutes les provinces ne sont pas membres de l'Association canadienne des éleveurs de bétail. Le Québec n'en est pas membre.
Le sénateur Gill : Pourquoi?
M. Eby : C'est M. Caldwell notre historien, mais je peux vous dire que le Québec a été un de nos membres mais qu'il a décidé de quitter l'association dans les années 1980. Nous tentons de travailler en étroite collaboration avec les producteurs québécois. J'ai travaillé avec Michel Dessurault et Gib Drury. Nous les avons consultés régulièrement pendant l'année. Les producteurs de bœuf québécois ne sont pas membres de l'Association canadienne des éleveurs de bétail.
En ce qui a trait au nombre de producteurs, nous comptons environ 90 000 producteurs de bœuf. Avons-nous perdu des producteurs? Oui, mais je ne pourrais vous dire combien exactement. Je dois aussi signaler que, même pendant les bonnes années, dans le secteur du bœuf, nous perdons les membres qui font la mise en marché au mauvais moment.
Je suis dans ce secteur depuis plus de 35 ans et je sais que le moment qu'on choisit est crucial. Un système de marché libre comme pour le bétail peut être cruel, comme le sait pertinemment le sénateur Gustafson. Le bon moment et les conditions du marché varient d'année en année.
Madame Dunford, savez-vous combien de producteurs nous avons perdus? C'est une question difficile.
Mme Dunford : Non, je ne sais pas exactement combien de producteurs nous avons perdus l'an dernier.
[Français]
Le sénateur Gill : Peut-on dire que si les producteurs diminuent, c'est aussi à cause des ventes des plus petits aux plus gros producteurs? Ces phénomènes qui se produisent, ce ne sont pas toujours des faillites.
[Traduction]
M. Eby : Je vais tenter de répondre à cette question. Nous savons qu'il y a concentration de la propriété, surtout en matière d'engraissement. Cela a commencé il y a déjà bien des années dans notre industrie. La vente aux enchères de bétail a attiré des investissements étrangers. Nous savons que la propriété a changé dans ce secteur.
Dans le domaine de l'élevage-naissage, cela n'a pas beaucoup changé. C'est un secteur qui attire moins d'investissement parce que c'est un genre d'entreprise qui nécessite plus d'intervention directe.
M. Caldwell : Je pourrais peut-être répondre brièvement à votre question. L'Association québécoise a été membre de l'Association canadienne des éleveurs de bétail jusqu'à ce que l'association adopte une politique de libre-échange au moment de l'entrée en vigueur de l'accord de libre-échange. Je tiens à dire, aux fins du compte rendu, que nous entretenons d'excellentes relations avec les producteurs québécois et leur association. Ils ont d'ailleurs contribué à notre fonds qui sert à nos efforts de lobbying.
Au Québec, comme vous le savez fort probablement, la situation est relativement différente, en ce sens qu'on leur garantit un coût de production sur tous les animaux sauf les vaches de réforme. C'est la raison pour laquelle ils ont un problème à l'heure actuelle, parce que c'est le seul système où ils n'arrivent pas à récupérer le coût de la production. C'est pourquoi vous les entendez en parler. Ils ne parlent pas de leurs bovins gras, ou de leurs bovins d'engraissement, mais ils parlent des vaches de réforme. Comme l'a indiqué le sénateur Gustafson, ce sont les vaches de réforme qui présentent un problème dans l'ensemble du pays.
Il faut remettre les pendules à l'heure. Malheureusement, trop souvent les producteurs interviewés pour la télé disent qu'ils obtiennent 2,50 $ pour leurs animaux. Il s'agit des vaches de réforme. Cela est injuste, parce que les consommateurs ignorent quel est le problème lorsqu'ils vont à Loblaws ou à Loeb et paient beaucoup plus pour le produit. Les produits qu'ils achètent proviennent d'animaux plus jeunes de catégorie A ou d'une catégorie plus élevée, pour lequel l'éleveur de bétail de l'Ouest canadien se voit payer 80 cents à 85 cents la livre. Nous ne sommes pas justes lorsque nous présentons ces personnes à la télévision qui disent recevoir 15 cents pour leurs animaux, parce que ce n'est pas le genre de bœuf qui est acheté au supermarché.
Le sénateur Sparrow : Sauf le hamburger.
M. Caldwell : Sauf le hamburger. Le prix du hamburger s'est maintenu à un niveau abordable.
Le sénateur Mahovlich : J'ai participé à un encan il y a des années. Le prix du bétail était extrêmement élevé. Il était de 80 000 $ la bête ou un prix tout aussi ridicule. Ce sont les Sud-Américains qui achetaient ces vaches.
Qui est devenu notre principal concurrent lorsque notre frontière a été fermée? Les États-Unis se sont-ils tournés vers l'Amérique du Sud?
Devons-nous faire concurrence à l'Amérique du Sud pour ce marché?
M. Caldwell : Sénateur, il s'agissait probablement de vaches Holstein qu'ils achetaient à l'époque. Il ne fait aucun doute que certains prix étaient très élevés mais la situation à l'époque était différente. Auparavant, nous obtenions des prix élevés pour des bovins de race aussi.
Sénateur, les Américains n'ont pas besoin de marchés. Le Japon leur a fermé son marché, pas tout à fait au même moment, mais comme les ÉtatsUnis étaient autosuffisants, ils n'ont pas été obligés d'en importer davantage. Leurs uniques exportations de produits de la viande étaient principalement destinées à l'Asie, qu'ils avaient l'habitude d'expédier au Canada, mais nous avons perdu ce marché. Ils s'en sont assez bien tirés. Comme ils n'étaient ni des importateurs ni des exportateurs, ils n'ont pas eu de problème.
Le sénateur Mahovlich : Ils ont simplement subvenu à leurs propres besoins.
M. Caldwell : Ils n'avaient pas besoin d'importer ni d'exporter de bétail supplémentaire donc tout s'est bien déroulé pour eux; 25 p. 100 de leur production est exportée tandis que plus de 50 p. 100 de notre production était exportée.
Mme Dunford : Je préciserais que ce pourcentage n'était pas aussi élevé. Leurs exportations représentaient environ 10 p. 100 et leurs importations, environ 8 p. 100. C'est un faible ratio, et c'est une question importante. Le problème résidait dans la différence de produits. Historiquement, ils exportaient des produits de grande qualité au Japon et importaient des produits de faible qualité. Il s'agissait donc davantage de la qualité du produit importé et exporté. En ce qui concerne le tonnage, comme M. Caldwell l'a dit, ils n'ont pas connu de problème.
M. Caldwell : Nous voulons pouvoir demander à nouveau des prix élevés pour le bétail.
Le sénateur Sparrow : Vous pourriez peut-être m'apporter un peu plus de précision sur l'abattage des vaches plus âgées. Si notre marché était fermé pour l'importation des produits de hamburger provenant de l'Australie, par exemple, pourrions-nous consommer tous nos animaux plus âgés? Aurions-nous un marché autosuffisant qui nous permettrait de répondre à la demande en hamburger? On parle d'importation de 70 000 tonnes de bœuf de l'étranger provenant d'autres pays que des ÉtatsUnis, c'est-à-dire de la viande de hamburger.
Est-ce que nous parviendrions à le faire nous-mêmes? Pourquoi ne pouvons-nous pas le faire? L'organisation internationale du commerce est-elle si forte qu'elle nous oblige à importer ce produit?
M. Eby : M. Caldwell a expliqué la situation d'importation qui a été négociée. Pour remettre les pendules à l'heure, l'industrie des vaches de réforme ne sert pas simplement à la production de bœuf haché. Les vaches de réforme servent à produire des filets et un certain nombre d'autres produits qui sont ensuite acheminés vers divers secteurs. La transformation ultérieure représente une énorme industrie. Ils étaient en mesure d'acheter le produit à l'étranger à un prix avantageux et sans droits de douanes, et c'est ce qu'ils ont fait. Les ÉtatsUnis n'ont jamais autorisé de permis d'importation supplémentaire. Leur contingent tarifaire est environ 10 fois plus élevé que celui du Canada, sans exception. Le nôtre a été établi à 76 409 tonnes, et si les gens n'arrivent pas à obtenir ce qu'ils veulent, nous leur accordons alors un permis d'importation sans qu'ils aient à payer de frais supplémentaires. Cela a décimé notre capacité de transformation des vaches de réforme ici au Canada parce que les ÉtatsUnis avaient un marché et qu'il était facile pour nous d'expédier ces vaches sur le marché américain. Nous tâchons de rétablir une installation de transformation pour l'ensemble de notre industrie. Jusqu'à présent, nous avons été intégrés, mais nous constatons que nous devons être davantage autosuffisants pour être plus viables et moins vulnérables à long terme. Nous pouvons consommer le bœuf de catégorie commerciale que nous transformons ici au pays.
Mme Dunford : J'aimerais apporter un éclaircissement en ce qui concerne les chiffres généraux. Pour ce qui est de l'ensemble des bovins, de plus et de moins de 30 mois, les éleveurs canadiens ont produit 3,6 milliards de livres de bœuf en 2002. Les consommateurs canadiens en ont mangé environ 2,2 milliards de livres. Notre capacité de consommation ne fait aucun doute. La plupart du bœuf qui est exporté est du jeune bœuf. En ce qui concerne la possibilité d'être autosuffisant en ce qui concerne la production totale, nous savons qu'un pays de la taille du Canada aura besoin de marchés d'exportation, mais je crois que notre dépendance envers d'autres marchés est critique.
Le sénateur Sparrow : Je parlais des animaux plus vieux et de la capacité de production. Vous nous avez dit qu'il n'existe pas de capacité de production suffisante pour servir les marchés intérieurs ou d'exportation, même s'ils fonctionnent à pleine capacité. On n'a encore répondu à ma question. Est-ce que notre taux de consommation nous permettrait de régler le problème du bétail de plus de 30 mois si nous n'avions pas à faire face à l'importation de 76 000 tonnes par année? Cela m'amène à ma prochaine question : pourrions-nous mieux utiliser la capacité d'abattage provincial que nous ne le faisons à l'heure actuelle? Ce produit ne peut pas traverser les frontières provinciales. En fait, la Saskatchewan pourrait produire si elle utilisait ses usines d'abattage et s'il était possible d'exporter ce produit vers l'Ontario — le marché le plus important — notre taux de consommation nous permettrait-il de consommer cet excédent de vaches de 30 mois ou plus? Le Canada pourrait-il trouver un moyen novateur d'utiliser ce produit plutôt que de le faire abattre et de l'enterrer à 0,15 $ la livre? Existe-il un moyen de créer un tel marché?
M. Eby : La réponse est oui. Nous mangeons du bœuf canadien parce qu'il s'agit d'une industrie nationale. Le Centre d'information sur le bœuf, grâce à une aide importante du gouvernement fédéral, travaille à une stratégie commerciale d'utilisation du bœuf. C'est une initiative qui progresse et qui répond à votre préoccupation, sénateur — notre taux de consommation nous permettra-t-il de régler ce problème du bétail âgé de plus de 30 mois? D'après ce que je crois savoir, la réponse est oui.
Le sénateur Sparrow : Pourquoi ne nous en occupons-nous pas?
M. Eby : Nous le faisons. La disparition de notre capacité de transformation s'est faite sur un certain nombre d'années et il faut du temps pour la remettre sur pied. Vous avez posé une question à propos de l'inspection au niveau provincial et je pense que nous devrions nous pencher sur ce secteur. On a tâché par le passé de coordonner l'inspection provinciale et fédérale pour que cela puisse se faire, mais j'ignore ce qui s'est passé.
Le 10 septembre dernier, le ministre fédéral a fait une annonce à propos de l'accroissement de la capacité et de l'établissement de fonds de réserve uniquement à l'intention des usines inspectées par des instances fédérales afin qu'elles puissent expédier ce produit dans l'ensemble du pays, d'une province à l'autre.
Le sénateur Sparrow : Notre étude devrait étudier attentivement la possibilité d'utiliser ces établissements provinciaux.
Le sénateur Oliver : Il y a une chose qui me préoccupe. Si dans six mois, comme le président l'a indiqué hier et le jour d'avant, il est possible qu'il y ait une réouverture du marché pour l'exportation de bovins vivants du Canada aux États- Unis, et si nous avons consacré beaucoup d'argent, de temps et d'efforts à l'établissement d'une nouvelle capacité d'abattage de la côte Ouest à la côte Est et qu'ensuite, un grand nombre de bovins vivants traversent la frontière, ne craignons-nous pas que certaines des ces nouvelles usines n'aient pas suffisamment d'animaux à abattre pour demeurer profitables? Sommes-nous plutôt en train de créer un problème commercial?
M. Eby : Il s'agit en fait de l'une des questions que l'on nous pose le plus souvent lorsque nous présentons notre stratégie. Pouvons-nous conserver le bétail au Canada? Je tâcherai d'y répondre.
Nous avons constaté une solide participation de la part des producteurs à certaines initiatives de création d'usines, sous la forme d'un engagement à approvisionner l'usine. Nous constatons que les plus importants intervenants font des investissements considérables qui seront suffisamment concurrentiels pour conserver le bétail ici. Effectivement, il existe un risque. Un producteur sait, comme le sait d'ailleurs le sénateur Gustafson, que si ces vaches valent 0,25 $ la livre de plus sur un marché d'exportation, alors ils les exporteront.
Le sénateur Oliver : Le taux de change à lui seul pourrait provoquer une énorme différence.
M. Eby : J'aimerais revenir à certaines des initiatives auxquelles l'Association canadienne des éleveurs de bétail ainsi que le gouvernement fédéral ont participé. Cela fait partie de nos efforts en vue d'accroître la capacité des abattoirs et d'assurer leur viabilité à long terme. Pour ce faire, le plan d'affaires est crucial. Il y a des joueurs très importants. Comment faire face à la concurrence? Comment partager le marché? Ce sont là des questions que les propriétaires de ces nouveaux abattoirs doivent se poser au moment de dresser leur plan d'affaires. Nous suivons cela de près. Le programme de garanti contre les pertes sur prêt du ministre fédéral visait à faire en sorte qu'il incombe aux institutions financières de s'assurer que le plan d'affaires était viable à long terme. Nous croyons avoir prévu le plus de mesures de protection possible pour que le bétail reste au Canada et que le secteur des abattoirs reste solide.
Le sénateur Oliver : Comment le marché peut-il soutenir la concurrence des grands abattoirs si nous ne permettons pas au gouvernement d'intervenir sur le marché?
M. Eby : C'est une autre question qu'on pose fréquemment. Il y a des marchés que les grands abattoirs ne veulent pas desservir en raison du coût supplémentaire. Tout marché à créneau a son prix. Il a un certain rendement, mais il faut y mettre le prix. Certains de ces petits abattoirs desservent ces marchés. C'est un aspect de la mise en marché. Notre plan stratégique se fonde aussi sur la mise en marché nationale et internationale en guise de soutien dans ce genre de situation précise. Comment faire en sorte que les abattoirs desservent le bon marché et sont viables à long terme?
Le sénateur Oliver : Vous pourriez peut-être penser à une marque canadienne ou concevoir un produit typiquement canadien à valeur ajoutée.
M. Eby : Voilà le genre de choses qu'on examine dans le cadre de l'initiative de commercialisation du boeuf.
Le sénateur Oliver : Notre comité a fait une étude sur la valeur ajoutée.
M. Eby : Nous serions ravis de collaborer avec vous pour faire progresser les travaux en cours dans l'industrie.
Le sénateur Gustafson : Pouvons-nous, au Canada, rivaliser avec les Américains? Les Américains on vendu notre boeuf sur le marché asiatique depuis des années. Nos veaux vont au Kansas. J'ai vu ces parcs d'engraissement. Un pourcentage élevé de tout le boeuf de l'Amérique du Nord est engraissé et transformé au Kansas. Les veaux proviennent du Mexique et du Canada.
Les Américains ont très bien su mettre en marché notre boeuf sur le marché international grâce à leurs relations commerciales avec l'Asie et d'autres régions du monde. Pouvons-nous rivaliser avec les Américains? Si nous ne le pouvons pas, nous aurions peut-être avantage à vendre notre boeuf par l'entremise des Américains plutôt que de tenter de le faire nous-mêmes.
Mme Dunford : La Fédération canadienne pour l'exportation de boeuf serait mieux en mesure de répondre à cette question. L'expérience passée nous montre sans le moindre doute que les Japonais aiment le boeuf canadien. Le boeuf canadien se vend bien au Japon et y est exporté directement. Je ne sais pas quoi d'autre ajouter.
Le sénateur Gustafson : Comment se compare ces quantités de boeuf à celles qui ont été exportées vers les États- Unis? J'habite près de Sault Ste. Marie et je vois beaucoup de camions remplis de bétail qui traversent la frontière quand la situation est normale. D'ailleurs, dans le Dakota du Nord, on se plaint de tous ces camions qui se déplacent parfois en groupes de sept ou huit. Cela me prouve que le bétail est expédié aux États-Unis.
M. Eby : Justement, pour répondre à cette question, Mme Dunford a fait des recherches et a recueilli des faits sur le bétail et sur les taux d'alimentation concurrentiels aux États-Unis. En mars ou en avril dernier, le taux était d'environ 0,17 $ canadien par livre. Il en coûte moins cher ici de donner de l'orge que du maïs au bétail. La situation change en fonction de la proportion d'orge et de maïs dans les rations, comme vous le savez. Cela montre à quel point notre marché est intégré.
Pouvons-nous soutenir la concurrence? Oui. Le nom USDA Choice est devenu une marque alors que, en réalité, c'est une catégorie. Maintenant, c'est une marque qui se vend à prix d'or dans le monde entier. La Fédération canadienne pour l'exportation de bœuf tente d'en obtenir autant pour notre catégorie supérieure.
Dans le secteur du porc, c'est le porc canadien qui est recherché dans le monde. Alors, je peux vous dire que oui, nous pouvons rivaliser avec les Américains. Nous savons que nous pouvons soutenir la concurrence. Avec les coûts que les grands abattoirs demandent, ils sont concurrentiels sur les marchés d'exportation.
Mme Dunford : Je suis d'accord. Comme vous l'avez fait remarquer, nos coûts d'engraissement sont concurrentiels, sauf quand il y a une sécheresse comme en 2002, année où nos coûts d'engraissement ne rivalisaient pas avec ceux des États-Unis. J'estime aussi que les abattoirs à la fine pointe de la technologie que nous avons maintenant et les connaissances d'experts en matière de mise en marché nous rendent aussi concurrentiels.
Le sénateur Gustafson : Quel pourcentage de nos parcs d'engraissement appartiennent à des intérêts américains? Lakeside Feeders, à Calgary, a été achetée par Iowa Beef Producers puis vendue à Tyson. Ce sont 80 000 têtes de bétail qui sont engraissées par une entreprise américaine. Ce n'est qu'une entreprise. Quand je suis allé au Kansas, Iowa Beef Producers cherchait un endroit dans le nord de la Saskatchewan où ouvrir un parc d'engraissement, car il en coûte moins cher d'amener le bétail là où se trouve la nourriture que le contraire. Les représentants de cette société m'ont dit qu'ils avaient donné au bétail tout le maïs qu'on pouvait faire pousser dans la région environnante du Kansas, qu'ils pouvaient transporter ce maïs jusqu'en Saskatchewan à un taux raisonnable et qu'ils seraient concurrentiels.
À mon avis, nous faisons face à un grave problème. Quand vous engraissez une telle quantité de bétail, vous avez un grand contrôle, surtout si vous êtes propriétaires de l'usine de transformation.
M. Eby : C'est très vrai. J'ai parlé un peu plus tôt de la concentration de la propriété. On le voit au niveau de la transformation pour la vente au détail et de plus en plus au niveau de la production. Comment trouver l'équilibre? Je crois que c'est là essentiellement la question que vous soulevez.
Le sénateur Gustafson : Et quels sont les chiffres?
M. Eby : Comment garantir une concurrence active dans une telle situation? Je n'ai pas la réponse à cette question. Nous en sommes témoins. Nous constatons que des intérêts étrangers investissent dans le secteur du bétail, lequel nécessite beaucoup de capital.
Le sénateur Gustafson : Toujours sur ce sujet, vous avez dit plus tôt — et je crois que vous avez absolument raison — qu'ils ne s'intéressent pas à l'exploitation de naissage, car c'est du travail très ardu, très difficile, qui nécessite des interventions directes. Ils laissent cela aux petits agriculteurs et aux naisseurs.
En revanche, c'est un secteur très rentable, surtout en temps de prospérité.
M. Eby : J'aimerais revenir à la première question du sénateur Gustafson. L'Association canadienne des éleveurs de bétail travaille actuellement à un plan; en juillet, nous estimions pouvoir obtenir 80 cents pour les bovins gras et 1 $ pour le veau. Comme vous le savez, la géographie du Canada ne nous facilite pas la tâche. Il y a des disparités entre les régions, et nous en sommes conscients. Dans les régions les plus populeuses, les bovins gras pouvaient se vendre à un prix allant jusqu'à 85 cents la semaine dernière. Or, nous savons que le dollar canadien s'est apprécié considérablement par rapport au dollar américain entre juillet et décembre. Le prix des bovins gras a augmenté. Le prix du bovin de renouvellement a dépassé nos attentes.
En ce qui concerne les vaches de réforme, nous avons compris qu'il nous fallait accroître notre capacité de transformation et voilà pourquoi nous réclamons la réouverture de la frontière. Si quelques-unes de ces usines pouvaient abattre des vaches deux jours par semaine, notre problème de vaches de réforme disparaîtrait et tout ce secteur retrouverait son équilibre beaucoup plus rapidement. Je le répète, il y a des disparités régionales et nous devons en tenir compte.
Mais nous estimons que, en tant qu'association nationale, nous avons su concevoir un programme assez bien adapté.
Le président : J'ai parcouru votre texte, monsieur Eby, et j'ai souligné plusieurs phrases que nous retiendrons, je crois. Vous dites que vous avez compris que vous ne pouvez et devez dépendre du marché américain pour la quasi totalité des exportations de bœuf et de bétail et que vous avez appris que vous pouvez vendre plus de produits au Canada et que vous devez trouver de nouveaux marchés ailleurs dans le monde. C'est tout à fait conforme à ce que nous a dit le gouvernement.
Compte tenu de ces constatations, je présume que vous seriez prêt à encourager un accroissement de la capacité des exploitants canadiens au pays, à condition qu'ils soient bien financés et qu'ils aient une bonne planification.
M. Eby : Oui, nous encourageons certainement l'investissement canadien dans la transformation. Nous, les producteurs, pensons souvent que la transformation ultérieure est un secteur important qui n'est pas visible. Je vous suggère de consulter les représentants des hacheurs de viande et des autres groupes de la transformation ultérieure du secteur des hôtels, de la restauration et des établissements. Nous avons pu leur vendre une partie du bœuf commercial et le bœuf gras de moindre valeur.
Comme nous sommes des producteurs primaires, nous nous tournons surtout vers les entreprises de transformation initiale. Il y a toutefois un groupe entre ces transformateurs et le niveau de gros et de détail qui est très important pour la viabilité à long terme de notre industrie.
Le président : Nous solliciterons les vues de ce groupe. Nous vous remercions d'être venu et d'avoir contribué à notre étude. Nous vous souhaitons bonne chance.
M. Eby : Nous vous remercions de nous avoir invité à contribuer à vos travaux. Nous serons heureux de vous aider de quelques façons que nous le pourrons. Avec votre collaboration, nous espérons faire progresser notre industrie.
Le comité poursuit ses travaux à huis clos.