Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 6 - Témoignages du 3 février 2005
OTTAWA, le jeudi 3 février 2005
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit à 8 h 5 aujourd'hui pour discuter de l'état actuel et des perspectives d'avenir de l'agriculture et des forêts au Canada.
Le sénateur Catherine S. Callbeck (présidente suppléante) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente suppléante : La séance est ouverte. Bonjour tout le monde et bienvenue à nos témoins. Le mandat du comité est l'étude de l'état actuel et des perspectives d'avenir de l'agriculture et des forêts au Canada. Le sujet d'aujourd'hui est une mise à jour de la question de l'encéphalopathie spongiforme bovine, ESB. Les témoins qui vont comparaître ce matin proviennent de l'Agence canadienne d'inspection des aliments : M. Peter Brackenridge, premier vice-président par intérim, Bureau du Président; Mme Krista Mountjoy, vice-présidente par intérim, Opérations; M. Cameron Prince, directeur exécutif, Direction des produits animaux; et M. Gary Little, agent de programme vétérinaire, Direction des produits animaux.
Je crois comprendre, monsieur Brackenridge, que vous avez une déclaration liminaire. Je suis certaine que les sénateurs auront de nombreuses questions à vous poser. Vous avez la parole.
M. Peter Brackenridge, premier vice-président par intérim, Bureau du président, Agence canadienne d'inspection des aliments : Nous sommes heureux de comparaître devant vous aujourd'hui pour faire une mise à jour de la situation actuelle de l'ESB au Canada. Nous mettrons principalement l'accent sur les aspects du plan en six points adopté en réponse au dépistage de l'ESB qui relèvent directement de la responsabilité de l'ACIA, à savoir les deux enquêtes les plus récentes sur l'ESB, l'examen actuel par le gouvernement des mesures de contrôle des aliments du bétail, et les initiatives récemment annoncées en matière de réglementation.
Après la détection du troisième cas d'ESB au Canada, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a réagi par la présentation d'un plan en six points.
La première étape est l'enquête menée par l'ACIA pour déterminer avec quoi la dernière vache infectée a été nourrie durant les premières années de sa vie et pour cerner la source d'approvisionnement.
La deuxième étape fait intervenir l'examen par l'Agence des mesures de contrôle des aliments du bétail pour démontrer clairement aux Canadiens et au monde la rigueur de l'interdiction et le travail qu'elle est censée faire.
Dans le cadre de la troisième étape, le gouvernement du Canada continuera de travailler étroitement avec les provinces, les territoires et l'industrie pour cerner les ressources et aller de l'avant avec les règlements proposés visant à retirer les matières à risque spécifiées de la production des aliments pour animaux afin d'écarter toute possibilité de contamination croisée.
La quatrième étape comporte le lancement d'un programme d'information internationale pour faire connaître à nos partenaires commerciaux l'efficacité des mesures mises en place par le Canada pour atténuer le risque d'ESB.
Cinquièmement, le gouvernement du Canada continuera de bâtir en s'appuyant sur la forte collaboration de l'industrie et des provinces.
Et enfin, le Canada continuera d'épauler les secteurs de l'industrie touchés et continuera d'appuyer la stratégie de repositionnement qui a été annoncée par le ministre le 10 septembre 2004.
J'aimerais maintenant vous donner une mise à jour de nos enquêtes sur l'ESB.
Comme vous le savez, un cas d'ESB a été détecté le 2 janvier 2005 par le biais de nos programmes de surveillance. Il s'agissait du second cas d'ESB chez un animal né au Canada détecté par l'intermédiaire de notre programme de surveillance. Le 21 janvier, nous avons annoncé que l'enquête touchant ce second cas d'ESB était terminée. Nous avons pu cerner entièrement les trois pistes d'enquête, à savoir la cohorte des naissances de la vache infectée, sa progéniture récente et les aliments du bétail qui auraient pu être utilisés pour nourrir l'animal infecté durant les premières années de sa vie.
La vache infectée à l'origine de cette enquête est née le 5 octobre 1996. En ce qui concerne le volet de cette enquête portant sur la cohorte des naissances, nous avons retracé 135 bêtes qui sont nées sur la ferme d'origine dans un délai d'un an avant et après la naissance de la vache infectée. De ce groupe, il a été déterminé que 126 bêtes étaient déjà mortes ou avaient déjà été abattues. Les neuf bêtes qui ont été confirmées comme étant encore vivants ont été récupérés et soumises à des tests de dépistage. Nous sommes heureux de signaler que les résultats du dépistage de l'ESB chez tous ces animaux se sont révélés négatifs.
Le volet de cette enquête portant sur la progéniture a révélé qu'il y avait deux veaux d'intérêt. Il a été déterminé que les deux étaient morts de causes non liées à l'ESB au cours des deux années qui précèdent.
Quant au volet de l'enquête portant sur l'alimentation de l'animal infecté, nous avons confirmé à partir de l'information accessible que l'animal avait été exposé à des aliments contenant de la farine de viande et d'os. Ces aliments du bétail avaient été produits à une époque où la loi permettait l'utilisation de tels ingrédients dans les aliments destinés aux ruminants en Amérique du Nord. En d'autres mots, ces aliments avaient été produits avant l'entrée en vigueur de l'interdiction visant les aliments du bétail en 1997.
La rigueur et la rapidité de cette enquête illustrent l'engagement continu face à la protection de la santé du public et des animaux pour laquelle le Canada est reconnu par la communauté internationale. Cette enquête témoigne également de l'engagement face à la salubrité et à la traçabilité des aliments qui commencent chez le producteur et qui doivent se poursuivre tout le long de la chaîne de production des aliments pour permettre une gestion efficace de l'ESB.
Je vais maintenant parler de notre enquête concernant le cas numéro trois qui a été confirmé le 11 janvier 2005. Cette enquête est sur le point de se terminer. L'animal est né le 21 mars 1998 soit peu de temps après l'entrée en vigueur de l'interdiction visant les aliments du bétail. Tout comme dans le cas numéro deux, nous avons suivi les pistes d'enquête portant sur la progéniture et sur la cohorte des naissances, mais étant donné les circonstances particulières de ce cas, nous avons accordé, dans le cadre de cette enquête, plus d'importance à la piste portant sur les aliments du bétail.
L'information actuelle indique que la cohorte des naissances pour le cas numéro trois était constituée de 349 animaux. De ce groupe, 41 bêtes ont été confirmées comme étant encore vivantes; elles ont maintenant été récupérées, échantillonnées et testées, et tous les résultats sont négatifs. Il a été confirmé qu'un total de 300 animaux avaient été abattus ou étaient morts de causes non liées à l'ESB. L'enquête se poursuit dans le cas des huit animaux restants.
En ce qui concerne la progéniture de la vache infectée, notre enquête a révélé que l'animal avait donné naissance à deux veaux dans les deux années précédentes. Il a été confirmé que l'un d'entre eux a été abattu. L'autre a été euthanasié et incinéré au laboratoire de l'ACIA de Lethbridge. L'animal n'a pas fait l'objet d'un test de dépistage de l'EBS puisqu'il était âgé de moins d'un an.
Nous avons déterminé que l'animal infecté a pu avoir été exposé à plusieurs sources différentes d'aliments du bétail au début de sa vie, soit à une période où les animaux sont plus susceptibles de contracter l'ESB. Il est possible que les aliments du bétail utilisés, qui ont exposé cet animal à l'agent de l'ESB, aient été fabriqués peu de temps après l'entrée en vigueur de l'interdiction visant les aliments du bétail, à un moment où les nouvelles méthodes de production n'avaient pas encore été uniformément adoptées. Il s'agit de l'information la plus récente concernant l'enquête à l'heure actuelle.
[Français]
En ce qui a trait à l'examen des aliments pour animaux, le 11 janvier, en réaction au troisième cas de ESB, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire annonçait un examen de l'interdiction canadienne frappant les aliments de bétail. L'examen porte sur le contexte entourant la mise en œuvre d'une interdiction frappant les aliments de bétail en 1997. Il vise à étudier la portée des mesures mises en place, y compris l'adoption de la nouvelle réglementation. L'examen a également pour but d'évaluer la conformité du programme d'inspection de l'ACIA à cette réglementation. Enfin, l'examen permettra de souligner les résultats atteints par les industries de fabrication d'aliments pour animaux et les établissements d'équarrissage du Canada lors de la mise en œuvre de cette réglementation. L'équipe devrait présenter son rapport final d'ici la fin février.
Nous avons invité des responsables d'autres pays à participer au processus d'examen. À ce jour, certains pays ont fait part de leur intérêt à examiner les résultats. Les responsables du département de l'Agriculture de la Food and Drug Administration des États-Unis sont également au Canada pour effectuer un examen indépendant des mesures de contrôle visant les aliments pour animaux du Canada. Ce travail se fera dans la mesure du possible de concert avec l'examen canadien, mais les deux exercices ne sont pas liés explicitement.
[Traduction]
Avant de conclure, j'aimerais vous donner un bref aperçu des mesures de réglementation proposées annoncées récemment pour lever les restrictions à l'importation touchant une variété de denrées américaines actuellement interdites. Les restrictions actuelles ont été imposées après la détection de l'ESB dans l'État de Washington le 23 décembre 2003.
Les nouveaux règlements permettraient l'importation d'animaux nés après le 1er janvier 1998. De plus, l'importation de chèvres et de moutons vivants ne serait plus interdite. La viande des animaux de tous âges serait autorisée pourvu que les matières à risque spécifiées, MRS, aient été retirées. Les nouveaux règlements interdiraient également l'importation d'engrais et d'aliments pour animaux qui contiennent des ingrédients en provenance de quelque ruminant que ce soit. Les règlements proposés sont en accord avec les recommandations de l'OIE, l'Organisation mondiale de la santé animale, et ont été publiés dans la Gazette du Canada, partie I. Une période de commentaires de 30 jours, se terminant le 1er mars 2005, a été prévue pour permettre aux parties intéressées de faire des observations. Dans l'intervalle, les restrictions à l'importation actuelles continuent de s'appliquer.
De plus, le 10 décembre 2004, nous avons annoncé des modifications proposées aux règlements fédéraux qui viendront renforcer les mesures de contrôle existantes visant les aliments destinés aux animaux. Ces modifications exigeront le retrait des matières à risque spécifiées de tous les aliments pour animaux, ce qui accélèrera l'éradication de l'ESB dans le cheptel de bovins national. Les MRS qui, chez les animaux infectés, contiennent l'agent de l'EBS sont déjà retirées de tous les animaux abattus destinés à la consommation humaine.
En conclusion, le Canada a adopté une approche à facettes multiples face à l'ESB. Nous avons adopté des mesures de contrôle des importations touchant à la fois les animaux vivants et les aliments pour animaux. L'ESB est devenue une maladie à déclaration obligatoire en 1990 et nous avons mis en œuvre un programme de formation et de surveillance pour les importations en provenance du Royaume-Uni. Nous avons depuis 1992 un programme de surveillance dont les normes dépassent celles de l'OIE, l'Organisation mondiale de la santé animale. Nous avons testé tous les animaux en provenance du Royaume-Uni qui étaient vivants en 1994 et tous ont donné des résultats négatifs à l'égard de l'ESB. Nous avons mis en œuvre une interdiction visant les aliments du bétail en 1997 pour enrayer la propagation de l'ESB dans le bétail. Les politiques d'importation en Amérique du Nord ont été harmonisées en 1998. Des évaluations du risque ont été réalisées en 2000 et en 2002, et un programme d'identification obligatoire du bétail a été mis en œuvre en 2001.
Après la détection initiale de l'ESB, le gouvernement du Canada a agi rapidement pour mettre en œuvre les mesures de santé publique les plus efficaces qu'un pays touché par l'ESB puisse adopter, en exigeant le retrait des MRS de tous les bovins abattus au Canada.
À notre avis, le plan en six points progresse bien. L'ACIA travaille sur les questions dont elle est directement responsable et donne son appui à d'autres ministères, comme Agriculture et Agroalimentaire Canada et Commerce international Canada, concernant des questions comme l'information internationale et la stratégie de repositionnement dont ils sont les maîtres d'œuvre.
Comme toujours, nous demeurons engagés à partager ouvertement et en temps opportun toute l'information pertinente concernant la situation de l'ESB au Canada.
Nous serons maintenant heureux de répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir.
Le sénateur Oliver : Vous avez réussi à donner une connotation assez positive à un problème qui coûte des milliards de dollars aux agriculteurs canadiens. Si je ne posais pas certaines questions difficiles concernant ce que vous avez dit, je pourrais probablement sortir de cette salle en pensant que le bœuf canadien n'aura pas de problème et que dans quelques mois, les agriculteurs auront retrouvé le chemin de la rentabilité. Il me semble que l'on a beaucoup tardé pour faire de nombreuses choses qui auraient dû avoir été faites il y a des années. Par exemple, les Canadiens savent depuis des années que les matières à risque spécifiées, ces parties de l'animal qui peuvent causer l'ESB, ont été données en nourriture, pendant un certain temps, non seulement aux bovins à viande et aux bovins laitiers, mais également à d'autres animaux. Si certains des aliments que nous utilisons pour nos animaux familiers se retrouvaient chez les bovins, cela pourrait causer l'ESB.
Ma première question est la suivante : lorsque les matières à risque spécifiées sont retirées des bovins âgés de plus de 30 mois, que fait-on avec ces matières et comment en dispose-t-on de manière sûre pour s'assurer qu'elles ne viendront pas contaminer les aliments destinés à d'autres animaux?
Ma deuxième question est la suivante : puisque nous savons, depuis plusieurs années maintenant, que nous ne devrions pas donner ces matières à manger aux autres animaux, comme les animaux familiers, les chiens, les porcs, et cetera, pourquoi le Canada a-t-il attendu si longtemps avant d'interdire que l'on donne des parties animales en nourriture à d'autres animaux? Pourquoi n'avons-nous pas cessé de le faire il y a des années? Peut-être n'aurions-nous pas eu à déplorer les trois cas au sujet desquels vous avez dû nous faire un compte rendu aujourd'hui.
M. Brackenridge : C'est une bonne question et je la comprends très bien. Je n'aimerais pas être perçu comme quelqu'un qui ne prend pas au sérieux la situation de l'industrie et les difficultés économiques qu'elle éprouve.
Ce que j'essayais de démontrer, ce sont les activités entreprises par l'Agence canadienne d'inspection des aliments en réponse à ces problèmes, dans le but d'essayer de prévenir la répétition de ce problème. Je vais demander à mes collègues de répondre plus directement à ces questions. Je vais commencer par Mme Mountjoy, pour qu'elle réponde à la question du retrait des MRS et de l'élimination de ces parties et comment nous faisons face à cette question dans le cadre du processus d'équarrissage et l'élimination sans danger de ces parties. Par après, je demanderai à M. Little qu'il nous explique les fondements scientifiques de l'ESB et les restrictions touchant les types d'animaux, les monogastriques par rapport aux ruminants, et qu'il nous disent où la science nous amène-t-elle et dans quelle direction elle évolue au niveau international. Je vais demander à Mme Mountjoy de nous parler de la question de l'élimination des MRS.
Mme Krista Mountjoy, vice-présidente (par intérim), Coordination des opérations, Agence canadienne d'inspection des aliments : En réponse à votre question, sénateur, vous savez qu'il est actuellement interdit de donner les matières interdites en nourriture au bétail. À l'heure actuelle, les matières à risque spécifiées, MRS, qui proviennent des abattoirs de bovin partout au pays peuvent servir à la fabrication d'aliments pour d'autres espèces animales comme la volaille et les porcs qui ne sont pas susceptibles de contracter l'ESB et l'encéphalite spongiforme transmissible, EST.
Le sénateur Oliver : Et les chiens et les chats?
Mme Mountjoy : Oui. Nous avons une proposition concernant une modification de la réglementation destinée à renforcer l'interdiction visant les aliments du bétail et qui interdirait l'utilisation des matières à risque spécifiées dans toute forme d'aliments pour animaux. Cela éliminerait tous les problèmes potentiels de contamination croisée dans les provenderies, d'erreurs d'étiquetage qui pourraient survenir dans les secteurs de la vente au détail et de la distribution et toute possibilité d'alimentation croisée non intentionnelle à la ferme. Nous croyons que les modifications proposées à la réglementation renforceront l'interdiction visant les aliments du bétail à ces égards et qu'elles permettront d'atténuer plus rapidement l'effet de l'ESB au Canada.
Nous croyons que nous avons à l'heure actuelle une fréquence faible et décroissante d'ESB au Canada. Même s'il semble y avoir eu certaines difficultés concernant sa conception et sa mise en application, l'interdiction visant les aliments du bétail qui est entrée en vigueur en 1997 a fait son travail dans le sens qu'elle a permis d'empêcher qu'un très petit nombre de cas d'ESB se multiplient.
Le sénateur Oliver : Quand pensez-vous qu'on cessera d'utiliser les MRS dans tous les types d'aliments pour animaux au Canada? Nous sommes en 2005. Quand croyez-vous que cela sera fini pour de bon et que ce sera illégal et qu'on ne pourra plus le faire?
Mme Mountjoy : Nous avons publié notre proposition dans la Gazette du Canada, partie I, en décembre 2004. Nous sommes actuellement dans un période de commentaires dans laquelle nous encourageons tous les intervenants à faire des observations, les gouvernements, les industries, etc., de manière que nous puissions comprendre les points de vue concernant cette question. Nous nous proposons d'aller de l'avant à la fin de cette période de commentaire et de publier nos règlements dans la Gazette du Canada, partie II. Nous faisons également le nécessaire pour être en mesure de mettre en œuvre ces règlements, à savoir de vérifier si les MRS sont détournées de la chaîne de fabrication des aliments pour animaux, une fois que ces règlements entreront en vigueur.
Le sénateur Oliver : Ce qui serait à quel moment?
Mme Mountjoy : Nous espérons que ce sera à l'automne ou au début de l'été de 2005, à la fin de la période de commentaire et après la publication des règlements dans la Gazette du Canada, partie II.
Le sénateur Oliver : Jusque-là, il y a toujours la possibilité de contamination croisée avec certaines de ces MRS, est- ce exact?
Mme Mountjoy : Cette possibilité existe. L'ACIA a consacré des efforts, depuis 1997, pour atténuer les effets possibles de la contamination croisée au moyen de son programme d'inspection et de ses initiatives de sensibilisation auprès des producteurs et de l'industrie des aliments du bétail en général. Par cela, je veux dire, depuis ce temps nous sensibilisons les producteurs ainsi que les fabricants et les détaillants d'aliments pour animaux à l'importance d'observer les exigences liées à l'interdiction visant les aliments du bétail. Ces exigences visent à s'assurer que les matières interdites ne soient pas incorporées dans les aliments du bétail, que l'étiquetage soit fait de manière appropriée et, dans le cas des exploitations agricoles mixtes, particulièrement dans les cas où les agriculteurs élèvent côte à côte des bovins et de la volaille ou des porcs, que les bovins reçoivent les aliments appropriés exempts des matières interdites.
Nous avons également un programme d'inspection qui s'adresse principalement aux provenderies et aux détaillants d'aliments du bétail pour renforcer davantage cette politique et pour s'assurer que ces exigences sont respectées.
Le sénateur Oliver : J'aimerais savoir ce que vous recommandez aux agriculteurs et aux gens de la chaîne de production de faire pour éliminer les matières à risque spécifiées. Vous ne pouvez pas simplement les enterrer. Que faites-vous pour vous assurer que ces matières ne continuent pas de contaminer? Quels sont vos règlements sur la façon d'en disposer? Je parle du cerveau et de la moelle épinière.
Mme Mountjoy : Vous avez tout à fait raison de soulever une question très importante liée aux modifications de la réglementation qui sont proposées, à savoir que lorsque vous exigez que les MRS soient entièrement détournées de la chaîne de production des aliments pour animaux, il se pose alors la question d'éliminer ces matières. Nos collègues d'Agriculture et Agroalimentaire Canada ont des discussions et des consultations avec tous les intervenants, y compris les provinces qui ont principalement compétence en matière d'élimination environnementale. Si vous voulez de l'information à ce sujet, peut-être faudra-t-il inviter un collègue d'AAC à se joindre à nous autour de cette table.
La présidente suppléante : Très bien.
Le sénateur Oliver : C'est très important, parce que si les matières retirées ne sont pas éliminées correctement, la contamination peut se poursuivre. Des pays comme le Japon et les États-Unis, qui nous observent, voudront certainement obtenir une certaine garantie que le problème ne perdurera pas. C'est pourquoi c'est si important pour moi.
Mme Mountjoy : C'est une question très importante.
M. Gilles Lavoie, directeur général principal, chef d'équipe, Salubrité et qualité des aliments, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Nous avons entrepris une série de consultations, en collaboration avec les provinces. Ces consultations sont terminées en Nouvelle-Écosse, à l'Île-du-Prince-Édouard et en Colombie-Britannique. Elles auront lieu dans quelques semaines au Québec et en Ontario. En Alberta, elles étaient prévues pour la fin de janvier, mais elles ont dû être reportées.
Toutes les parties concernées participent à ces rencontres — agriculteurs, exploitants d'usines d'équarrissage, universités, collèges vétérinaires, etc. ainsi que les gouvernements provinciaux — si bien que nous avons l'apport de chacun. Nous tentons de trouver les meilleures options pour l'élimination des matières dans chaque province, car la nature du sol et les conditions environnementales peuvent varier d'une province à l'autre, voire à l'intérieur d'une même province; c'est vrai en particulier dans les grandes provinces comme l'Alberta et la Saskatchewan.
Un rapport, dont vous pourriez obtenir copie, a été publié à l'issue de chacune de ces rencontres, où les différentes options ont été identifiées. Le transport de ces matières constitue évidemment le plus grand défi puisque, dans la plupart des cas, la population animale n'est pas très dense. Certains groupes ont déjà commencé à présenter des propositions sur la façon dont ils peuvent contribuer à la collecte et à l'élimination de ces matières.
La méthode généralement admise consiste évidemment à procéder à l'équarrissage, à retirer le suif et à le traiter de nouveau en vue de différents usages. Les protéines peuvent être enterrées ou incinérées après cette opération. C'est ce qui est le plus préconisé jusqu'à présent, mais d'autres méthodes seront acceptables.
Le sénateur Mercer : Je suis un peu frustré du fait que nous parlions encore de l'ESB. Je croyais que nous en avions fini. Je suis frustré; je crois que les agriculteurs, que l'ensemble des Canadiens sont frustrés et, si je peux interpréter les commentaires du sénateur Oliver, je crois que notre comité est frustré également.
Je suis très frustré non seulement parce que nous avons un autre cas de vache folle, mais aussi parce que le système nous a laissés tomber. Les témoins nous disent que nous attendons une période de commentaires. Je ne crois que ce soit indiqué. Nous devrions arrêter maintenant d'utiliser les MRS et nous pourrons décider si ça vaut la peine de les réutiliser plus tard.
Nous rendons un mauvais service à la collectivité agricole et je déplore que l'Agence canadienne d'inspection des aliments nous ait laissés tomber. Je crois que le ministre nous a laissés tomber et je crois que le système a laissé tomber la collectivité agricole, et donc l'ensemble des Canadiens.
À l'émission de télévision W5, on pose les cinq grandes questions : qui, quoi, quand, où et pourquoi. Je suis rendu au pourquoi. Je sais qui, quoi, quand et où. Je veux savoir pourquoi c'est arrivé et pourquoi nous servons des produits animaux à des bêtes qui ne sont pas naturellement carnivores. Je sais que c'est pour le profit, mais tout cela m'exaspère.
Le dernier cas d'ESB est probablement le plus frustrant pour nous tous, parce que le public a l'impression que cet animal a consommé des aliments qui ont été achetés ou qui existaient dans le système avant l'interdiction.
Ce sont les agriculteurs qui m'exaspèrent ici. À quoi pensiez-vous? Avons-nous pris des mesures pour faire en sorte que les aliments qui étaient stockés au fond de l'étable avant l'interdiction n'allaient pas être servis maintenant aux animaux, pour éviter ainsi de causer d'autres problèmes et de créer encore plus de pression sur nos partenaires commerciaux, qui ont fait beaucoup de chemin dans ce dossier? Je vous fais remarquer qu'ils sont, eux aussi, dans le même bateau.
Ma deuxième question porte sur la maladie de la chèvre folle par rapport à la maladie de la vache folle. On rapporte que la maladie de la vache folle a été dépistée chez une chèvre en France. Cette nouvelle est déconcertante puisque nous avons servi des matières à risque spécifiées, ou MRS, à d'autres animaux que des bovins. Aurons-nous le même problème avec notre industrie caprine? En tant que Néo-Écossais, je m'inquiète davantage pour l'industrie porcine. Qu'y aura-t-il encore? Nous avons déjà la grippe aviaire qui touche les poulets. J'aurai une autre question après que vous aurez répondu à celles-ci.
M. Brackenridge : Merci, sénateur Mercer. Nous comprenons votre frustration et celle de toutes les personnes qui s'occupent de ces dossiers. Le système a été élaboré et a évolué. Nous avons la certitude d'avoir pris quelques longueurs d'avance dans les développements dont j'ai parlé. Quand on tient compte de la complexité du système, c'est-à-dire des différents ingrédients qui entrent dans la fabrication des aliments pour animaux et des différents procédés utilisés au Canada pour traiter ces aliments en vue de leur distribution et de leur vente au détail auprès des agriculteurs, faire avancer ce dossier constitue un défi évident. Des règlements ont été établis en 1997, alors que nous n'avions pas les preuves que nous avons maintenant. Il faut faire une distinction entre la situation d'alors et celle d'aujourd'hui.
Toutefois, nous avons fait des progrès. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec divers groupes, comme l'Association de nutrition animale du Canada, qui représente les fabricants d'aliments pour animaux, l'Association canadienne des éleveurs de bétail et un certain nombre d'autres organisations, pour faire valoir l'importance de séparer les aliments des ruminants des aliments des non-ruminants. Une partie du défi, que vous comprenez sans doute, en particulier lorsque la discussion se fait à la ferme, vient des quantités qui sont en jeu. Il y a des dizaines de milliers de fermes au Canada, et il est impossible de toutes les visiter pour valider chaque situation. Nous avons essayé de travailler du mieux que nous le pouvons avec du matériel de communication, avec les diverses associations de producteurs, les gouvernements provinciaux, le personnel sur le terrain et notre propre personnel afin de renforcer le message.
Toutefois, des accidents surviendront. Chaque cas que nous avons examiné jusqu'à présent s'est produit de façon non intentionnelle. Vous avez parlé du dernier cas et j'aimerais préciser que nous n'avons aucune information à l'heure actuelle. C'est un des problèmes qui se posent lorsque l'animal a six ou sept ans. Nous n'avons pas de dossier précis pour rendre compte de ces animaux. Toutefois, dans ce troisième cas, l'agriculteur n'en est pas directement responsable. Ce dernier a fourni tous les renseignements, y compris les dossiers de l'animal et les types d'aliments qu'il a pu consommer à différents moments au début de sa vie. Nous avons examiné les dossiers détaillés de l'alimentation. Nous ne saurons peut-être jamais avec certitude ce qui s'est produit pour pouvoir cibler la cause exacte de ce cas particulier, mais nous avons rétréci notre champ de recherche. Malheureusement, nous n'aurons peut-être jamais une réponse explicite dans ce cas. Nous essayons de faire de notre mieux et nous continuons de communiquer. Sénateur, nous partageons votre frustration.
Je vais demander à M. Little de répondre à votre question au sujet de la chèvre, parce que nous avons certains renseignements à ce sujet.
M. Gary Little, agent de programme vétérinaire, Direction des produits animaux, Agence canadienne d'inspection des aliments : Comme vous l'avez dit, nous avons la confirmation qu'une chèvre en France était atteinte de l'ESB. Il est important de tenir compte d'un certain contexte historique et de faire la distinction entre la situation en Europe et la situation en Amérique du Nord, et en particulier au Canada.
Contrairement à l'Europe, où des changements de réglementation et des mesures préventives ont été mises en place à la suite de l'épidémie qui a frappé de plein fouet le Royaume-Uni au début des années 90, le Canada, en particulier, et l'Amérique du Nord, de façon plus générale, ont adopté un certain nombre de mesures dès 1989-1990 pour limiter notre exposition à l'ESB. Nous avons mis en place des mesures de surveillance, non seulement chez les bovins, mais aussi chez d'autres espèces. Vous êtes sans doute au courant que nous avons la tremblante du mouton, qui peut également affecter les chèvres. En 1997, nous avons interdit de nourrir les ruminants de substances d'origine mammalienne, et cette interdiction s'appliquait aux bovins aussi bien qu'aux autres petits ruminants comme les chèvres et les moutons.
Grâce à ces mesures, et nos plus récentes activités de surveillance le confirment, tout indique que le niveau d'exposition à l'ESB au Canada est très faible, ce qui n'est pas le cas en France, dans l'Union européenne et au Royaume-Uni, en particulier. Tout laisse croire que la confirmation de l'ESB chez des chèvres est malvenue, mais ce n'était pas nécessairement imprévu puisque les chèvres sont des ruminants. Nous avions compris qu'elles pouvaient être infectées à l'ESB et qu'il fallait s'en prémunir. Ces petits ruminants sont également visés par l'interdiction de nourrir les ruminants de substances issues d'autres ruminants, qui est en vigueur. L'exposition à l'agent responsable de l'ESB sera très faible.
J'aimerais parler de l'interdiction en matière d'alimentation, parce qu'elle doit être soulignée. Partout dans le monde où il a été interdit de nourrir des ruminants de substances d'origine mammalienne, cette interdiction a eu un effet important sur le niveau de propagation de l'infectiosité chez la population animale. Nous en avons eu la preuve au Royaume-Uni, où le nombre de cas est passé de 32 000 par année à 5 000. Comme cette interdiction est en vigueur au Canada, nous sommes convaincus qu'elle a contribué à réduire le niveau d'infectiosité chez les populations animales et à prévenir les possibilités de recirculation. En soi, l'interdiction aurait réussi à éradiquer l'ESB au Canada et en Amérique du Nord dans un certain délai
En décembre 2004, nous avons proposé de modifier l'interdiction afin d'accélérer l'éradication de l'ESB, mais ces changements ne sont pas absolument nécessaires. L'interdiction actuelle aurait suffi, mais nous voulons accélérer le processus. C'est pourquoi nous proposons des changements.
Le sénateur Mercer : Le marché intégré de l'Union européenne ressemble beaucoup au marché intégré que l'on trouve en Amérique du Nord, entre le Mexique, le Canada et les États-Unis. Je m'éloigne un peu du sujet, mais j'aimerais poser une question sur les accidents qui surviendront.
Je ne comprends pas que le Canada soit aux prises avec certains cas d'ESB alors que nos voisins du Sud prétendent être pratiquement exempts de cette maladie. Je les soupçonne d'avoir écouté le premier ministre Ralph Klein lorsqu'il a dit qu'il valait mieux se taire, et je crois que c'est ce qu'ils ont fait. Vous ne voudrez peut-être pas répondre à cette question, mais croyez-vous que le bétail américain est exempt d'ESB?
Mon autre question découle de l'exposé présenté et de la question du sénateur Oliver sur l'élimination des MRS et le défi qu'elle pose. Je me souviens de l'époque où nous n'utilisions pas les MRS. Que faisions-nous alors? Je ne me rappelle pas comment nous les éliminions auparavant et, pour autant que je me souvienne, ce n'était pas un problème écologique. Avons-nous inventé un nouveau problème à partir d'une situation qui, pendant de nombreuses années, n'en présentait aucun?
M. Brackenridge : Je ne veux pas répondre à votre première question, mais je peux dire que nous avons mis en place un système qui nous permet de voir quelle est la situation au Canada. Encore une fois, je ne veux pas qu'on m'accuse de faire l'éloge de l'ACIA; ce n'est qu'une caractéristique du système global que nous avons au Canada. Nous avons adopté une approche très proactive pour tenter de définir l'état de santé du cheptel canadien grâce aux divers programmes de surveillance que nous avons mis en place.
Au cours de la dernière année, notre objectif était d'environ 8 000 échantillons. Or, plus de 22 000 échantillons ont été analysés, en grande partie grâce à l'attitude responsable de la collectivité agricole canadienne, des provinces et de tous les intervenants du système. Ils ont assumé leur responsabilité et ils ont dit qu'ils ne se cacheraient pas derrière cette situation. Nous avons identifié quatre catégories d'animaux : ceux qui étaient morts à la ferme, ceux qui étaient malades, ceux qui étaient incapables de se lever et ceux qui présentaient une déficience.
Nous avons mis de l'avant un programme qui prévoit un remboursement et les provinces travaillent avec nous à cet effet. Le programme encourage les producteurs qui possèdent des animaux qui entrent dans ces catégories à appeler leur vétérinaire pour déterminer s'il y a des signes cliniques d'infection possible à l'ESB, à envoyer des échantillons à notre laboratoire et à effectuer des tests.
Au risque d'embellir la situation, je dirai que le fait d'avoir analysé plus de 22 000 échantillons montre bien la force de notre système. Nous avons dépisté quelques cas positifs, ce qui est malheureux pour nous tous, mais nous faisons la bonne chose. La communauté internationale nous respecte pour cette raison et nos portes lui sont ouvertes.
Concernant les usages traditionnels des MRS, il y avait des marchés d'exportation et des débouchés de cette nature. Je ne pense pas qu'il y ait quelqu'un autour de cette table qui puisse parler des MRS en général, comment cette définition a été élaborée et comment nous composons avec cela.
M. Little : Nous pouvons bien sûr parler des MRS. Le Canada a adopté un règlement sur les MRS très vite après la découverte du premier cas d'ESB en mai 2003.
Les MRS ont été définis en consultation avec Santé Canada et à la lumière des plus récents ouvrages scientifiques dont nous disposions. C'est dans ce contexte que la liste des matières à risque spécifiées a été dressée et que les catégories d'animaux auxquels elle s'appliquerait ont été établies. Avant le retrait des MRS, ces matières circulaient normalement dans notre système d'équarrissage et, après ce traitement, étaient utilisées comme une source protéique.
Il est important de comprendre que le processus d'équarrissage en soi se fait dans des conditions extrêmes; des chaleurs excessives sont appliquées pendant des périodes prolongées. Ce traitement contribue à réduire toute infectiosité présente dans les tissus.
Nous savons que le processus ne suffit pas pour rendre le produit complètement exempt d'ESB, mais il réduit sensiblement le niveau d'infectiosité de toutes les matières qui sont ainsi traitées. Par conséquent, nous réduisons davantage l'infectiosité ainsi que la quantité de matières qui pourraient circuler dans notre système à un moment donné.
Le sénateur Hubley : J'aimerais revenir à l'interdiction en matière d'alimentation. L'interdiction de servir des produits animaux à des ruminants est entrée en vigueur en août 1997. Cette interdiction ne s'appliquait pas aux producteurs qui avaient déjà de tels aliments en stock. J'aimerais que vous nous disiez si c'est le cas.
Le troisième cas d'ESB est apparu le 28 mars 1998, soit sept mois après cette interdiction. Qu'en pensez-vous? Est-ce possible que des aliments soient stockés dans une étable pendant sept mois ou est-ce que le roulement est plus important que cela?
M. Brackenridge : Je demanderais à M. Prince de parler de l'interdiction, de sa mise en oeuvre et de son évolution au cours des dernières années.
M. Cameron Prince, directeur exécutif, Direction des produits animaux, Agence canadienne d'inspection des aliments : Lorsque l'interdiction a été imposée en août 1997, elle visait surtout les fabricants d'aliments pour animaux, les provenderies. Certains avaient déjà adopté cette mesure volontairement, mais il est devenu illégal, à partir de ce moment-là, d'utiliser ces matières dans la fabrication des aliments pour animaux, au niveau des provenderies.
Il est important de se souvenir que le contexte était totalement différent à cette époque. Nous n'avions aucune raison de croire que l'ESB était présente au Canada à ce moment-là. Il a été décidé de ne pas rappeler les aliments des fermes et de tolérer pendant un certain nombre de mois que ces aliments soient servis aux animaux. À cette époque, les risques liés à cette décision semblaient limités, et il n'y a donc pas eu de rappel.
Comme l'a indiqué ma collègue, Mme Mountjoy, les agriculteurs ont été informés et ont reçu à ce moment-là du matériel didactique. Nous n'avions aucune raison de croire que ce genre d'aliments allaient rester encore longtemps dans les exploitations agricoles.
Je tiens à souligner que rien ne prouve pour l'instant que le troisième cas soit survenu à cause d'aliments pour animaux produits avant ou après l'interdiction. Aucune conclusion de ce genre n'a été tirée. Pour répondre à votre question, je dirais qu'il est possible que certains aliments soient restés dans certaines exploitations agricoles pendant quelques mois, mais au bout du compte tous ces aliments ont été utilisés dans un laps de temps assez court.
Le sénateur Hubley : Si vous n'êtes pas sûr que l'ESB s'explique par le régime alimentaire, voyez-vous d'autres façons de contracter cette maladie?
M. Prince : Je vais demander à M. Little de répondre à cette question. Il est vrai cependant que selon la théorie la plus plausible, l'ESB est reliée à l'alimentation. C'est ce que toutes les preuves, qu'elles proviennent de l'Europe ou du Canada, semblent indiquer. Pour ce qui est des autres possibilités, je vais demander à M. Little d'intervenir.
M. Little : Pour répondre à cette question, il faut comprendre un peu plus ce que sont les maladies en général. Comme vous le savez sans aucun doute, l'ESB fait partie d'un groupe de maladies causées par des protéines anormales. Nous connaissons peut-être la tremblante du mouton, nous avons tous entendu parler de la maladie cachectique chronique des wapitis et des chevreuils et nous connaissons certainement la maladie de Creutzfeldt-Jakob chez l'homme. Bien que toutes ces maladies soient semblables en ce qui concerne l'agent qui leur est associé et les genres de problèmes qu'elles provoquent, on remarque des différences importantes sur la façon dont elles se manifestent dans les espèces qui leur sont propres, ainsi qu'en ce qui a trait à leur capacité de passer d'une espèce à l'autre.
Nous connaissons bien sûr la maladie de Creutzfeldt-Jakob sporadique chez l'homme. Nous savons que dans la population en général, on peut arriver à un cas par million. Nous ne savons pas bien d'où provient cette maladie ni comment elle se produit.
Ce n'est pas le cas de l'ESB jusqu'à présent. Il a été prouvé que l'infectivité ESB s'explique par les aliments contaminés, tout comme la transmission de la maladie s'explique par la consommation de ces aliments. Toutefois, compte tenu de ce qui se passe chez l'homme, on a tendance à supposer que l'ESB qui frappe les bovins va se manifester de la même façon que la maladie Creutzfeldt-Jakob chez l'homme. C'est ce qui explique l'inquiétude des gens relativement au potentiel de maladie spontanée dans d'autres espèces, y compris la maladie de l'ESB.
Je tiens à souligner que jusqu'à présent rien ne prouve que cela se soit produit chez les bovins dans leur ensemble. Nous surveillons constamment pareille éventualité, mais ne prouve que cela en soit la cause. Nous restons convaincus que les aliments contaminés, aliments qui contiennent l'agent de l'ESB, sont certainement la source la plus importante, sinon la seule, de la transmission de cet agent.
Je le répète, il est important de comprendre et d'admettre que ce que nous savons au sujet de la maladie dans d'autres espèces n'est pas nécessairement applicable. Il faut être prudent et ne pas extrapoler cette information plus loin.
Le sénateur Hubley : Le Canada est qualifié de pays « à risque minime ». Les États-Unis se fondent sur ce critère pour ouvrir les frontières le mois prochain. Font-ils un lien entre le nombre de cas et cette désignation de risque minime, ou est-ce arbitraire?
M. Little : Ce n'est pas arbitraire. La définition de pays à risque minime se fonde sur des critères fixés par l'Organisation mondiale de la santé animale, aussi appelée l'OIE. Cette organisation donne des conseils aux pays en vue de faciliter les échanges dans le contexte de lutte contre les maladies ou de maladies.
L'OIE a fixé des critères permettant de déterminer les risques reliés à l'ESB. Selon la désignation de risque minime, l'incidence de l'ESB peut aller jusqu'à deux cas par million de bovins adultes. Au Canada, nous avons près de 6 millions de bovins adultes. Conformément aux lignes directrices et recommandations de l'OIE, moins de 12 cas environ sur une période de 12 mois pourraient être détectés sans que cela n'influe sur les lignes directrices OIE relatives au risque minime, telles qu'elles sont publiées.
Le sénateur Kelleher : Peu de temps après que ce cas ait été détecté, je me souviens qu'on pouvait lire dans les journaux que les Américains allaient envoyer une équipe pour examiner la situation de leur point de vue. L'ont-ils fait?
M. Brackenridge : Oui.
Le sénateur Kelleher : Qu'ont-ils trouvé, qu'ont-ils dit et que pouvez-vous dire à ce sujet?
M. Brackenridge : Je ne sais pas ce qu'ils ont trouvé jusqu'à présent. Nous n'avons pas encore eu de rétroaction de leur part. Ils sont effectivement venus au Canada et il s'agissait d'un groupe de près de 12 représentants du Department of Agriculture, Animal and Plant Health Inspection Service. Ils étaient chargés de cette initiative au nom des États- Unis mais étaient accompagnés par des représentants de la Food and Drug Administration. Aux États-Unis, le travail d'inspection des aliments est effectué par la Food and Drug Administration, mais l'équipe d'enquête qui est venue au Canada était dirigée par l'USDA.
Ils se sont divisés en deux équipes. La première, l'équipe d'épidémiologique s'est intéressée aux trois cas, en mettant davantage l'accent sur les deux derniers. Ils ont essayé de déterminer comment notre enquête s'était faite et de valider l'information fournie. Notre épidémiologiste leur a expliqué comment il avait dépisté les animaux et traité des cohortes et comment nous avions mené notre enquête sur les aliments, etc.
Ce groupe est resté avec nous pendant quatre ou cinq jours seulement. Ils sont ensuite rentrés aux États-Unis pour examiner l'information qu'ils avaient recueillie. Ils vont nous transmettre une ébauche de rapport avant de déposer un rapport final, ce qui est une approche normale dans tout scénario de vérification.
L'autre groupe a fait un travail d'enquête sur les aliments. Cette équipe va sans doute partir dès aujourd'hui ou demain. Ils vont rentrer aux États-Unis et faire une ébauche de rapport que nous examinerons avec eux. Ils ont fait quelques visites sur le terrain et nous ont accompagnés dans plusieurs fabriques d'aliments en Alberta, en Saskatchewan et en Ontario. Ils ont également examiné nos programmes liés à l'alimentation et essayé de comprendre la logique de l'approche.
Il ne faut pas oublier que les États-Unis ont un système et des approches fort semblables aux nôtres, si bien que le système canadien ne leur était pas étranger. Ils voulaient examiner le système canadien afin de fournir une information objective aux décisionnaires américains au sujet de la décision finale du 7 mars qui est proposée. Nous espérons ainsi que l'administration américaine sera convaincue de rester sur la bonne voie.
Nous menons notre propre enquête au Canada. Bien que les deux activités n'aient pas été directement reliées, nous avons essayé de faire en sorte que s'ils voulaient visiter une fabrique d'aliments, ce à quoi nous étions complètement ouverts, nous leur demandions de nous accompagner pour que la fabrique n'ait pas à consulter deux fois de suite les mêmes dossiers et ce genre de chose.
Le sénateur Kelleher : Quand pensez-vous qu'ils vont vous transmettre ces rapports?
M. Brackenridge : J'imagine que cela va se faire d'ici une ou deux semaines, puisqu'ils veulent déposer le rapport à la mi-février. Je suis sûr qu'ils voudront avoir quelques précisions sur certains points et cela va probablement se faire d'ici une ou deux semaines.
Le sénateur Kelleher : Je connais un peu les lois commerciales. Les groupes de contestation jouissent d'une marge de manoeuvre beaucoup plus grande aux États-Unis que ce n'est le cas au Canada. Si je comprends bien, les Américains ont le droit de protester officiellement et de s'opposer de diverses façons, indépendamment de ce que l'administration peut penser.
Pouvez-vous essayer d'évaluer pour moi le risque que représentent les contestations formulées par de tels groupes aux États-Unis? Les producteurs américains ont bien sûr tendance à vouloir protéger leur propre industrie.
M. Brackenridge : Peut-être Andrew Marsland, d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, pourrait-il venir à la table. Son ministère s'occupe de très près de la situation américaine. Il ne fait aucun doute que des actions judiciaires sont envisagées aux États-Unis. Toutefois, ce n'est pas uniquement le fait de ceux qui s'opposent à la décision. Certains présentent des documents appuyant ce qui se passe et souhaitent que l'on aille encore plus loin.
M. Andrew Marsland, sous-ministre adjoint, Services du marché et de l'industrie, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Pour répondre à votre question, je dirais que deux mesures sont prises en ce moment aux États-Unis. La première, c'est une action judiciaire déposée par l'American Meat Institute relativement à la décision proposée qui doit entrer en vigueur le 7 mars.
L'American Meat Institute est certainement d'accord avec cette décision, mais pense qu'elle devrait aller plus loin. Cet institut considère en particulier qu'elle devrait englober l'importation d'animaux sur pied de plus de 30 mois, lesquels ne sont pas visés par la décision actuellement.
La deuxième action judiciaire en cours aux États-Unis a été déposée par le Ranchers-Cattlemen Action Legal Fund. Elle vise à empêcher que la décision finale ne permette l'importation d'animaux sur pied ainsi qu'un vaste éventail de produits, et aussi à faire marche arrière en ce qui concerne l'importation des produits actuellement autorisés à destination des États-Unis. Cette action n'a certainement pas créé de surprise. Cet organisme a déposé une action en avril 2004 et a réussi à limiter les importations autorisées aux États-Unis.
Je ne peux pas émettre d'hypothèses quant à l'issue de cette affaire, mais je peux dire que le gouvernement du Canada a retenu les services d'un avocat-conseil à Washington afin de tout faire pour protéger nos intérêts à cet égard. L'argument retenu dans le cas de cette affaire, c'est que l'approche réglementaire adoptée par le Department of Agriculture des États-Unis ne respecte pas les modalités applicables.
Sans vouloir émettre d'hypothèses sur le résultat de ces poursuites, chose que je ne peux pas faire, il m'apparaît clairement si j'en crois le détail de la décision — elle compte près de 400 pages — ainsi que les évaluations du risque effectuées par rapport à cette décision, que tout effort a été fait pour respecter les impératifs de procédure et pour s'appuyer sur la meilleure évaluation scientifique possible.
Le sénateur Kelleher : Je vais vous demander d'émettre des hypothèses. Comme vous avez retenu les services d'un cabinet juridique, je suis sûr que les avocats-conseils vous ont déjà donné une évaluation préliminaire de la gravité de ces récusations. J'aimerais savoir ce qui va se passer, d'après vous. Est-ce que ce sera positif ou négatif? Quelles sont les chances? Dans ces affaires commerciales, je sais bien que l'avocat-conseil donne une évaluation.
M. Marsland : La motion initiale a été déposée le lundi 31 janvier et les documents appuyant cette motion ont été rendus disponibles le mercredi 2 février. Nous les passons en revue avec nos collègues de l'ACIA pour comprendre les déclarations faites au sujet du système canadien et pour nous assurer de donner l'information voulue pour réfuter ces déclarations. Je tiens à préciser qu'il ne s'agit pas d'une question commerciale. Il s'agit d'une action judiciaire interne entre une organisation américaine et le Department of Agriculture des États-Unis à propos d'une question de procédure qui se pose aux États-Unis. Il ne s'agit pas d'une question commerciale en soi, même si elle comporte d'éventuelles répercussions commerciales importantes.
Nous suivons le cas au jour le jour, mais il m'est difficile d'émettre des hypothèses sur ce qui risque de se produire, vu que rien n'est réglé. Je ne veux certainement pas préjuger ces discussions de quelque façon que ce soit. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir, avec l'aide de l'avocat-conseil américain, afin de protéger les intérêts du Canada le plus possible.
M. Brackenridge : Je ne pourrais pas émettre d'hypothèses non plus, mais depuis l'apparition des cas les plus récents, l'administration américaine et les fonctionnaires du Animal and Plant Health Inspection Services nous ont beaucoup appuyés officiellement et ont étroitement travaillé avec nous. Nos organisations ainsi que nos chefs vétérinaires officiels entretiennent des rapports de travail directs et étroits. Ils comprennent bien comment fonctionnent nos systèmes ainsi que l'intégration de ceux-ci et je me dois de leur reconnaître un certain mérite à cet égard. M. Ron DeHaven, administrateur du Animal and Plant Health Inspection Services, a fait des déclarations publiques. Ils nous ont appuyés pour ces deux cas et je ne pense pas que quiconque parmi nous aurait pu imaginer pire scénario que celui survenu au cours des premiers jours de janvier. Selon moi, je le répète, s'ils avaient voulu fermer la porte à ce moment- là, peut-être l'auraient-ils fait; or, ils ne l'ont pas fait. Je n'ai pas la moindre idée de ce que cela augure pour l'avenir, mais jusqu'à présent, ils ont été coopératifs et continuent de demander de l'information tout en restant objectifs quant à leur évaluation de la situation. Nous allons attendre de voir où cela va aboutir.
D'autres groupes américains, comme la National Cattlemen's Beef Association, la NCBA, tiennent actuellement des assemblées annuelles sur les politiques à San Antonio, au Texas. Agriculture et Agroalimentaire Canada, ainsi que l'Agence canadienne d'inspection des aliments, ont chacun un représentant qui participe à ces séances au cas où des réponses devraient être apportées aux questions posées. L'Association canadienne des éleveurs de bétail adopte une approche résolue de défense des droits auprès de ces groupes, qui sont également très influents. Toutes les parties s'unissent donc pour essayer de faire avancer les choses.
Le sénateur Kelleher : Ma question suivante est orientée sur le plan politique. Pensez-vous qu'un élément politique est intervenu dans le processus? Par exemple, je sais que plusieurs sénateurs américains se sont exprimés avec force, notamment en prévision des élections. Pensez-vous qu'un élément politique intervienne ici?
M. Brackenridge : En ce qui me concerne, c'est comme n'importe quel régime politique : la force du régime s'explique par le fait que tout un chacun a la possibilité d'aborder ses élus pour que ceux-ci fassent du lobbying en son nom. Il ne fait aucun doute que les groupes dont a parlé M. Marsland, notamment le Ranchers-Cattlemen Action Legal Fund, le R-CALF USA, ont de l'influence. Il ne fait aucun doute que dans n'importe quel régime politique démocratique, les gens utilisent ces systèmes à leur avantage comme ils le peuvent.
Le sénateur Kelleher : Cela semble-t-il être le cas?
M. Brackenridge : Certainement. Ils s'adressent à leur sénateur et leur représentant au Congrès pour essayer d'influer sur la décision à cet égard. On ne peut pas s'attendre à autre chose.
Le sénateur Oliver : Pour continuer dans le même sens que le sénateur Kelleher, la frontière entre le Canada et les États-Unis est censée s'ouvrir au bétail sur pied de moins de 30 mois d'ici un mois. En fonction de ce que vous venez de dire, disposez-vous de quelque information que ce soit, en réponse à la question du sénateur Kelleher, qui vous permettrait d'indiquer qu'il est possible que la frontière canado-américaine ne s'ouvre pas en mars pour les bovins sur pied de moins de 30 mois?
M. Marsland : Rien ne m'indique que cela ne va pas se produire. Au contraire, l'administration américaine semble continuer d' indiquer que la décision prise s'appuiera sur les données scientifiques, tout comme la décision finale proposée qui doit entrer en vigueur le 7 mars 2005.
Les actions judiciaires n'étaient pas inattendues, si l'on se reporte à avril 2004. La décision finale a été formulée dans ce contexte et, comme je l'ai dit, elle s'appuie sur des évaluations approfondies du risque en fonction des meilleures données scientifiques disponibles. À notre avis, elle n'est pas allée suffisamment loin, les données scientifiques appuieraient une approche plus globale. Il n'en reste pas moins que cette décision a été prise en fonction d'évaluations approfondies du risque et d'une approche de procédure globale et approfondie qui a permis d'examiner toutes les observations reçues. Au bout du compte, nous avons une décision de 400 pages, ce qui témoigne du soin apporté tant dans les approches scientifiques que dans celles relatives à la procédure. Nous sommes donc sûrs que la décision est fondée sur de bonnes données scientifiques et que, par conséquent, elle devrait résister à l'analyse scientifique ou de procédure.
En ce qui concerne l'administration, les indications sont claires. Les États-Unis ont déclaré qu'ils iraient de l'avant avec cette décision et ils continuent de fonder leur approche sur les données scientifiques. Il est toujours difficile d'émettre des hypothèses sur l'issue des actions judiciaires et il n'est probablement pas très utile que j'en émette ouvertement au-delà de ce qui a été dit.
La présidente suppléante : Nous avons beaucoup parlé de nos échanges avec les États-Unis depuis que les deux nouveaux cas d'ESB se sont déclarés. Ces deux nouveaux cas ont-ils eu un effet sur nos discussions avec le Japon, relativement à la réouverture du marché de ce pays au bétail canadien?
M. Marsland : Nous continuons d'informer nos partenaires commerciaux de façon opportune. En fait, une mission technique canadienne à laquelle participait M. Baker se trouvait au Japon au moment où le troisième cas a été découvert. Il ressort clairement de l'approche adoptée par le Japon, notamment avec les États-Unis, que plusieurs autres cas pourraient survenir et qu'ils seraient toujours considérés comme restant dans les limites d'un faible taux de prévalence.
L'approche adoptée par l'ACIA — et ils souhaiteraient peut-être faire des observations là-dessus — n'est pas fondée sur un cas unique, mais sur un statut de risque, statut qui découle des mesures mises en place par le Canada au fil des ans. Pour revenir à votre question, nous ne croyons pas que cela va avoir un impact sur nos pourparlers avec nos partenaires commerciaux.
M. Little : Nous avons un groupe de travail technique, le groupe Canada-Japon, qui se réunit depuis près d'un an. En plus d'avoir des discussions suivies avec les Japonais à un niveau technique, le groupe partage des renseignements sur l'ESB en général, et sur les cas d'ESB décelés dans chacun des deux pays.
Comme l'a indiqué M. Marsland, ces discussions ont porté fruit, car les parties savent que de nouveaux cas au Canada — et, d'ailleurs, au Japon — sont susceptibles d'être décelés, suite au resserrement des mesures de surveillance. Le Japon, en décidant de reprendre ses échanges avec le Canada, est pleinement conscient du fait que des cas additionnels seront découverts à l'intérieur du grand continent nord-américain.
Le sénateur Mercer : Je voudrais aborder un autre sujet qui me tient à cœur, soit la santé de mon chien. Je crois comprendre que les matériels provenant de ruminants continuent d'être utilisés, légalement, dans les aliments pour animaux de compagnie. Que faisons-nous pour protéger nos animaux de compagnie, nous assurer que les aliments que nous donnons à nos chiens et nos chats sont sécuritaires, qu'ils ne contiennent pas de matériels provenant de ruminants? Voilà pour ma première question, qui est sans doute plus simple que la deuxième, puisque je compte revenir à nos amis américains, un sujet que vous continuez d'éluder.
Les Américains sont en train d'examiner notre système d'inspection, d'en vérifier la fiabilité et l'efficacité. Or, fait intéressant, une vérification interne du programme de surveillance de la maladie de la vache folle de l'USDA, vérification effectuée par l'inspecteur de l'agence l'automne dernier, a permis de dévoiler que les animaux les plus à risque ne faisaient pas l'objet de tests, qu'il régnait une certaine confusion chez les inspecteurs et les responsables des abattoirs, et que les règlements n'étaient pas appliqués.
Le bétail va traverser la frontière comme il le faisait dans le passé, une fois celle-ci rouverte. Les Américains veulent s'assurer que notre bétail est sûr. Je veux m'assurer que leur bétail l'est également. Est-ce que nous vérifions leurs systèmes pour voir s'ils respectent les normes élevées que nous avons établies à la suite de la découverte de cas d'ESB? À mon avis, ce qui est bon pour l'un est bon pour l'autre.
M. Brackenridge : Je vais demander à M. Little de vous parler des aliments pour animaux de compagnie et de ce qui se fait dans ce domaine. Je ferai ensuite quelques commentaires sur la situation aux États-Unis et les constatations du General Accounting Office, le GAO. M. Prince vous expliquera brièvement le fonctionnement des systèmes de vérification en vigueur au Canada.
M. Little : Concernant les aliments pour animaux de compagnie, à la fin des années 80 et au début des années 90, des études approfondies ont été entreprises au Royaume-Uni, notamment, mais aussi en Europe, dans le but d'établir quelles espèces étaient susceptibles de contracter l'ESB dans diverses circonstances. On a mis l'accent sur les animaux de compagnie, surtout les chiens. Or, les recherches effectuées jusqu'ici montrent que les espèces canines, pour une raison ou pour une autre, ne sont pas à risque. Aucun cas de l'ESB n'a été décelé chez ces espèces. Néanmoins, nous comptons resserrer les règlements relatifs à l'interdiction touchant l'alimentation des ruminants pour qu'elle englobe les aliments pour animaux de compagnie. Les matières à risques spécifiés ne pourront plus être utilisées dans ces aliments.
Le sénateur Mercer : Un cas de la maladie de la vache folle a été détecté sur une chèvre, qui n'est pas un animal de compagnie. Il s'agit toutefois d'un animal de petite taille, ce qui veut dire que de nouvelles espèces sont visées.
M. Little : D'autres espèces sont visées, mais elles font partie de la même famille. Il est toujours question ici de ruminants. Nous établissons une distinction entre les chèvres, les moutons et les bovins, mais ils appartiennent au groupe d'animaux de taille plus grande, soit les ruminants. Les races canines et les félins, par exemple, en tant que carnassiers, sont des espèces monogastriques, tout comme les porcs, et sont donc moins susceptibles d'être exposées à la maladie.
M. Brackenridge : Nous pourrions peut-être parler des Américains.
J'ai fait allusion, ce matin, au Animal and Plant Health Inspection Service du USDA, un organisme avec lequel nous collaborons dans le dossier de la santé animale. En ce qui a trait aux abattoirs, ils relèvent du Food Safety and Inspection Service du USDA, un groupe avec lequel nous travaillons de près.
À cet égard, notre système est fondé depuis plusieurs années sur un processus d'équivalence, un processus en vertu duquel nous reconnaissons le système qu'ils ont en place dans leurs abattoirs, et vice-versa. Cela dit, nous procédons à l'occasion à une évaluation de nos systèmes respectifs pour nous assurer que tout se fait selon les règles. Nous avons beaucoup insisté sur la reconnaissance de l'équivalence des deux systèmes, parce qu'ils ne sont pas identiques. Ils ne sont pas entièrement harmonisés, mais les processus établis nous permettent d'arriver au même résultat.
Je vais demander à M. Prince de vous parler brièvement de la dernière évaluation dont a fait l'objet le système canadien, par les États-Unis. Votre question comporte toutefois un autre volet, puisque vous voulez surtout savoir ce que nous faisons aux États-Unis. M. Prince pourrait vous parler de la façon dont nous procédons lorsque nous vérifions le système américain.
M. Prince : Comme M. Brackenridge l'a mentionné, l'ACIS et le USDA collaborent de près dans les domaines de l'inspection des viandes et de la santé animale. Nous effectuons des vérifications de nos systèmes respectifs. Le USDA a procédé, récemment, à une évaluation du secteur canadien de la transformation de la viande. En fait, les représentants du département américain viennent régulièrement au Canada, presque une fois l'an depuis plusieurs années. À part quelques exceptions, notre bilan est positif.
Nous envoyons nous aussi des équipes aux États-Unis. Au cours de la dernière année, nous avons examiné le système de transformation de la viande aux États-Unis. Nous avons constaté que, dans l'ensemble, l'industrie respecte les normes canadiennes de même que les exigences américaines.
Je ne veux toutefois pas vous donner l'impression que tout est parfait. Il y a parfois des problèmes qui surgissent, mais ceux-ci n'affectent en rien l'innocuité des aliments.
Pour ce qui est des animaux vivants qui seront importés au Canada depuis les États-Unis lorsque la frontière rouvrira dans quelques mois, les vétérinaires en poste des deux côtés de la frontière reprendront leur collaboration de longue date. Les animaux vivants qui sont exportés seront inspectés et certifiés par des vétérinaires — des vétérinaires du gouvernement et des vétérinaires agréées du secteur privé. Les chargements de bovins sont évalués et certifiés dès leur entrée au Canada. Le système dans son ensemble fournit des garanties appropriées.
Le sénateur Oliver : Mais savez-vous quels aliments ont été donnés à ces animaux?
M. Prince : Dans le cas des animaux qui proviennent des États-Unis, l'interdiction mise en place par les Américains est pratiquement identique à la nôtre. Leur système d'inspection des aliments pour animaux est similaire au nôtre. Nous l'avons examiné. Il est administré par le USFDA, un organisme un peu différent, et ses représentants faisaient partie de l'équipe qui est venue ici. À notre connaissance, ils ont reçu le même type d'aliments que ceux qu'ils auraient reçus au Canada, l'interdiction étant la même. C'est ce qui nous sert de garantie.
Le sénateur Mercier : Malgré l'interdiction, un autre cas d'ESB a été décelé. Vous avez dit qu'ils respectent, « dans l'ensemble », nos normes. Je trouve cela inquiétant.
Est-ce que les Américains, toujours prompts à nous imposer toutes sortes d'exigences, respectent les normes élevées que nous avons établies? Est-ce que leurs normes sont aussi élevées que les nôtres? Est-ce que leurs inspections sont aussi rigoureuses que les nôtres? Est-ce que le pourcentage d'animaux testés aux États-Unis est aussi élevé qu'au Canada? Est-ce que le bœuf que nous importons des États-Unis est aussi sûr que le bœuf que nous produisons au Canada?
M. Prince : J'ai dit qu'ils respectent nos normes « dans l'ensemble » parce que, comme l'a indiqué M. Brackenridge , nos systèmes sont équivalents. Les établissements de transformation de la viande en Amérique du Nord comptent tous, parmi leurs effectifs, des vétérinaires et des inspecteurs à temps plein, de sorte qu'ils font l'objet d'une surveillance constante des deux côtés de la frontière. Nous avons une excellente idée de ce qui se fait dans ces établissements.
Comme je l'ai mentionné, en ce qui concerne la nourriture qui est donnée aux animaux, nous avons mis en place, en même temps, une interdiction qui est pratiquement identique. Nous utilisons un cadre d'inspection similaire sur le terrain. Grâce à des vérifications effectuées des deux côtés de la frontière, nous sommes en mesure de vérifier que nos systèmes sont équivalents et qu'ils protègent la santé des animaux.
M. Little : J'aimerais ajouter une précision. Nous avons interdit l'utilisation des matières à risques spécifiés dans le cas des animaux abattus au Canada après la découverte, sur notre territoire, du premier cas d'ESB en mai 2003. Les États-Unis, qui ont collaboré avec nous après la découverte d'un autre cas d'ESB, le 23 décembre, dans l'État de Washington, ont apporté des modifications similaires aux règlements qui régissent leurs processus d'inspection des viandes. Le Canada et les États-Unis exigent maintenant que les matières à risques spécifiés soient retirées des bovins qui sont abattus dans les deux pays. Pour ce qui est des produits qui sortent de nos abattoirs, leur niveau d'innocuité est le même.
Le sénateur Oliver : Nous sommes en février. En janvier 2005, certains journaux canadiens ont signalé que les aliments donnés au bétail avaient fait l'objet de tests au Canada. Les résultats ont démontré que certaines marques d'aliments destinés aux ruminants contenaient des protéines animales, en violation de l'interdiction de 1997.
Comment expliquer une situation pareille? Pouvez-vous commenter?
M. Brackenridge : Nous avons diffusé, hier, les résultats de l'étude microscopique qui a été effectuée. Cette étude avait pour but d'évaluer l'efficacité d'une méthode d'essai, d'un test microscopique qui permettrait de déceler la présence de produits interdits dans les aliments pour ruminants. Encore une fois, M. Prince vous en expliquera les modalités.
Les renseignements qui ont été communiqués découlaient d'une demande d'accès à l'information. À l'époque, nous n'avions pas encore évalué toutes les données. D'après certaines hypothèses qui avaient été émises, des protéines animales se trouvaient dans des produits végétaux, d'après l'expression utilisée. Notre rapport est maintenant terminé et se trouve sur le site Web.
M. Prince : La méthode d'essai pour les aliments demeure, pour l'instant, une science inexacte.
Le sénateur Oliver : Une science inexacte?
M. Prince : Oui. C'est étonnant, compte tenu de l'époque où nous vivons, mais il n'existe pas de test qui permet de déceler la présence de produits interdits dans les aliments. Il n'existe, pour l'instant, aucun test chimique qui nous permet de le faire, en partie parce que certaines matières provenant de ruminants sont toujours autorisées. Le sang, par exemple, même s'il ne présente aucun risque d'infection pour ce qui est de l'ESB, est une matière provenant de ruminants. Or, il est difficile de le tester.
Nous avons été obligés, à l'interne, de trouver un moyen de déterminer si des matières provenant de ruminants ou des matières interdites ont été mélangées, par inadvertance, aux aliments. D'où le test microscopique. Comme vous le savez, la microscopie nous permet d'examiner de petits fragments et de déterminer s'il s'agit de cheveux, d'os, de plumes ou d'autres matières provenant d'animaux.
Le sénateur Oliver : Mais il se peut que ce ne soit pas une matière à risque spécifié.
M. Prince : C'est exact. Et c'est cette question qui était au centre du débat. On a laissé entendre, à l'époque, que des matières animales se trouvaient dans la nourriture. Ce qui est sans doute vrai dans presque tous les cas, car lorsque les moissonneuses-batteuses récoltent le grain, elles ramassent par inadvertance des matières animales provenant des souris qui se trouvent dans les champs. Les usines d'aliments attirent les pigeons, les rats, les souris, ainsi de suite. Il y a donc une faible quantité de contamination qui se produit à l'état naturel à l'intérieur de l'ensemble du système de production.
Dans ce cas-ci, nous avons examiné 110 échantillons au moyen d'un microscope et nous avons été en mesure de trouver des plumes, par exemple. D'après les données recueillies, il y avait des matières animales dans plusieurs des échantillons, sauf qu'il n'existait aucun moyen de déterminer, de façon définitive, si ces matières provenaient de ruminants. Nous avons trouvé, par exemple, des os qui auraient pu être des os de poule ou encore une matière qui ne présentait aucun risque.
Cette étude interne effectuée par l'ACIA avait pour but de nous aider à établir s'il y avait des problèmes à l'intérieur du système de production d'aliments. Nous avons constaté que ce procédé était peu efficace, puisqu'il ne nous permettait pas de déterminer si l'interdiction était respectée. Nous avons donc cessé de l'utiliser, et c'est là la principale conclusion de l'étude, bien qu'il nous ait permis de mener des vérifications plus poussées dans plusieurs usines, d'effectuer un suivi et de nous assurer que les mesures correctives qui s'imposaient avaient été prises.
J'espère que j'ai répondu votre question concernant l'étude.
La présidente suppléante : Y a-t-il d'autres questions au sujet de l'ESB?
Comme il n'y en a pas, j'aimerais aborder une question qui n'a rien à voir avec le sujet, mais qui concerne l'Agence. Il s'agit des frais d'inspection.
C'est quelque chose qui préoccupe les producteurs de ma province et, je présume, ceux des autres régions du Canada. Ils considèrent ces frais comme un fardeau indu. Comme vous le savez, l'Île-du-Prince-Édouard produit beaucoup de pommes de terre. On pouvait, dans le passé, faire inspecter un chargement pour 5 dollars; cette inspection coûte aujourd'hui 150 dollars. On avait l'habitude de procéder à des inspections gratuites dans les champs, ce qui veut dire qu'ils étaient presque tous inspectés. Comme ces inspections coûtent maintenant 50 dollars l'acre, environ 20 p. 100 seulement des champs sont inspectés, ce qui augmente les risques de maladie.
Est-ce que l'Agence compte revoir ces frais dans le but de les réduire? Les producteurs estiment qu'il s'agit là d'une responsabilité publique et qu'ils n'ont pas à assumer la totalité des frais. Est-ce que l'Agence a examiné la question?
M. Brackenridge : À la fin des années 80 ou au début des années 90, soit avant que l'Agence canadienne d'inspection des aliments ne soit créée, nous avions l'habitude de négocier, de concert avec les divers secteurs producteurs de biens, les frais de service qu'ils auraient à payer. Dans certains cas, des frais progressifs étaient imposés, des frais instaurés par étapes.
Lorsque l'Agence a été créé, il a été décidé que les rentrées disponibles compteraient pour environ 15 p. 100 de son budget. On a jugé à l'époque qu'il s'agissait-là d'un pourcentage approprié. Un moratoire a donc été décrété à ce moment-là sur l'augmentation des frais d'inspection.
Si des frais progressifs avaient été imposés à l'égard de certains biens, ceux-ci existeraient toujours et les règlements auraient été maintenus. Il n'y a eu aucune augmentation des frais au cours des dernières années, mises à part celles négociées avant 1996-1997.
Cela dit, l'Agence se penche sur la question.
Nous devons composer avec plusieurs éléments nouveaux. Mentionnons, par exemple, la Loi sur les frais d'utilisation, qui est maintenant en vigueur. En vertu de cette loi, les agences, comme l'ACIA, et les ministères doivent examiner les frais qu'ils imposent et les normes mises en place pour la prestation de services.
Ajoutons à cela le fait que plusieurs groupes souhaitent avoir accès à nos services, qu'ils peuvent peut-être utiliser à des fins de commercialisation. On nous considère, dans une certaine mesure, comme un tiers impartial qui fournit des services. Or, si le plan d'activités du groupe ne comporte pas, par exemple, un volet santé et sécurité qui lui permettrait de négocier un contrat avec l'Agence, nous ne pouvons considérer la demande.
Nous sommes en train d'examiner les structures tarifaires. Aucune décision n'a été prise quant à l'orientation que nous allons prendre, mais nous sommes en train d'examiner tous les frais parce qu'il en existe un grand nombre pour l'ensemble des différents groupements de producteurs spécialisés. Les frais sont fondés sur divers éléments. Dans certains cas, ils sont fondés sur les quintaux ou sur la charge, et dans d'autres cas, il s'agit d'un tarif horaire. Il existe aussi des frais de temps supplémentaire. Certains d'entre eux sont recouvrables, mais d'autres ne le sont pas. Il s'agit d'une situation très complexe. À l'heure actuelle, tout ce que je puis dire, c'est que nous sommes en processus d'examen, mais qu'aucune décision n'a encore été prise pour l'avenir.
La présidente suppléante : Je suis ravie d'entendre qu'un examen est en cours, mais pourriez-vous me donner une échéance?
M. Brackenridge : Je ne suis pas en mesure de vous en donner une, car je ne sais pas combien de temps durera l'examen. Diverses propositions doivent être étudiées, non seulement par les agences elles-mêmes, mais aussi par les parties avec lesquelles nous traitons. Nous devons nous pencher également sur les nouvelles exigences que comporte la Loi sur les frais d'utilisation et sur la façon dont nous allons les respecter. Malheureusement, je ne suis pas en mesure de vous donner une échéance précise. Je ne me suis pas préparé à répondre à cette question, alors je ne peux vraiment pas vous donner de réponse.
La présidente suppléante : Il s'agit-là d'une grande préoccupation pour les agriculteurs. Comme vous le savez, un grand nombre d'entre eux connaissaient actuellement des difficultés financières. J'aimerais vraiment que l'accent soit mis sur cette question.
M. Brackenridge : Nous prenons note de ce commentaire.
Le sénateur Hubley : Je veux revenir à l'ESB pour un instant. J'aimerais savoir où sont effectués au Canada les tests sur les matières à risque spécifiées? Avez-vous accru le nombre de scientifiques affectés à ces tests, et, si tel est le cas, où sont-ils menés — dans quels laboratoires?
M. Little : Je tiens à clarifier un élément concernant ces tests. Nous testons en fait des échantillons de cervelle d'animaux qui, selon nous, devraient être testés dans le cadre de notre programme de surveillance. Il existe au Canada un réseau de laboratoires formé non seulement d'installations fédérales mais aussi provinciales.
Si je ne m'abuse, il existe probablement huit ou neuf laboratoires au Canadaqui sont autorisés à procéder à des évaluations à l'aide de tests de dépistage rapide de l'ESB. Cependant, il est important de savoir que ces laboratoires sont des laboratoires de dépistage. Les résultats obtenus par ces laboratoires sont acheminés au laboratoire canadien de référence pour l'ESB, situé à Winnipeg, pour que le diagnostic y soit confirmé. Tous les diagnostics d'ESB sont posés par ce laboratoire, bien que nous disposions d'un certain nombre de laboratoires destinés à faire du dépistage préalable.
Le sénateur Hubley : Y en a-t-il un peu partout au Canada?
M. Little : Oui. Il existe un de ces laboratoires dans presque chaque province du pays. Tous ces laboratoires sont très bien répartis sur notre territoire.
La présidente suppléante : J'aimerais remercier les témoins de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Vous nous avez donné des renseignements très utiles et vous avez bien répondu aux questions des membres du comité. Je vous remercie beaucoup.
La séance est levée.