Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 7 - Témoignages du 10 février 2005
OTTAWA, le jeudi 10 février 2005
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit à 8 heures aujourd'hui pour discuter de l'état actuel et des perspectives d'avenir de l'agriculture et des forêts au Canada.
Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonjour chers collègues. Comme nous avons le quorum, nous pouvons commencer nos audiences. Nous avons le grand plaisir d'accueillir M. David Reykdal, président de Rancher's Choice Beef Co-op Ltd et M. Robert Kuziw, de B.C. Blue Mountain Packers. Depuis de nombreux mois, notre comité s'est penché sur la question très regrettable, mais néanmoins importante, de la fermeture de la frontière canado-américaine suite à la découverte de l'ESB chez quelques bovins canadiens. Cela a eu d'énormes répercussions pour nos producteurs et la façon dont notre pays traite la viande et la commercialise. Depuis que la frontière est fermée, quelques personnes déterminées et imaginatives se sont réunies pour construire des abattoirs au Canada. Au cours des années, nous avions renoncé à cette possibilité et la plupart de nos bovins étaient transformés par deux très grandes entreprises situées dans ma province, l'Alberta. L'industrie du boeuf a maintenant pris des mesures pour desservir notre propre marché, non seulement en temps de crise, mais longtemps après que cette crise sera terminée.
Nos témoins d'aujourd'hui sont des pionniers et des chefs de file de ce genre d'entreprises. Nous les en félicitons. Les efforts comme ceux qu'ils ont déployés faisaient partie des recommandations contenues dans le rapport de notre étude sur la crise de l'ESB, qui a été publié le printemps dernier.
Veuillez nous faire vos exposés, messieurs.
M. David Reykdal, président, Rancher's Choice Beef Co-op Ltd. : Honorables sénateurs, nous avons formé au Manitoba une coopérative appelée Rancher's Choice Beef Co-op Ltd. Un grand nombre de producteurs se sont joints à nous.
Vous avez dit que vous aviez débuté votre étude le printemps dernier. Je me suis lancé dans cette entreprise longtemps avant cela, le 20 mai 2003. Nous n'avions aucun abattoir au Manitoba pour nos vaches et nos taureaux alors que le besoin se faisait sentir. Jusque-là, j'envoyais les vaches au marché en vif. À partir de là, elles étaient envoyées vers des abattoirs des États-Unis et nous achetions notre viande de boucherie à d'autres pays.
En général, nous ne faisions pas la transformation au Manitoba, pas plus qu'au Canada. Par le passé, nous avions à Winnipeg un des plus grands abattoirs du pays vers lequel tout le bétail était dirigé. Néanmoins, tout cela a pris fin il y a 15 ou 20 ans.
Le 20 mai 2003, j'ai lancé mon projet, mais pour réaliser une entreprise de ce genre, il faut un certain temps pour obtenir la coopération de tout le monde. Je ne m'étais pas rendu compte de l'ampleur de la tâche, mais comme j'avais commencé, je n'allais pas m'arrêter, car ce n'est pas mon habitude.
Jusqu'ici, plus de 3 000 personnes ont acheté des parts dans notre entreprise pour financer la construction d'un abattoir au Manitoba. Nous avons étudié de nombreuses options dont la possibilité de rénover un vieil établissement de Winnipeg. Cette solution aurait accéléré les choses, mais cela n'a pas marché. Le coût d'achat d'une usine de cet âge dépassait notre budget. Nous avons envisagé d'acheter un autre établissement dans le district d'Interlake, au nord de Winnipeg, mais il posait également des problèmes. La solution restante consistait à construire une nouvelle usine à Dauphin, au nord-ouest de Winnipeg et c'est ce que nous cherchons à faire actuellement. La ville de Dauphin nous a ouvert ses portes. Elle nous a donné un terrain et d'autres incitatifs pour que nous nous installions là.
Nous sommes en train de demander des permis environnementaux. Notre ingénieur vient de mettre la dernière main à une proposition qu'il est prêt à présenter aux autorités compétentes à Winnipeg. Quand ce sera fait, nous nous attaquerons à la construction de l'établissement.
Nous avons établi un barème de participation pour les producteurs. Pour chaque part de 100 $ qu'ils achètent, ils peuvent livrer une vache par année à l'abattoir. S'ils achètent dix parts pour 1 000 $, ils pourront faire abattre 10 vaches par année. Ils resteront propriétaires de ces parts jusqu'à ce qu'ils décèdent ou les vendent.
À l'heure actuelle, de nombreux agriculteurs sont arrivés à un âge où ils n'auront pas à conserver ces parts très longtemps. L'âge moyen des agriculteurs du Manitoba et du Canada augmente chaque année. Les jeunes sont moins nombreux à racheter les exploitations agricoles à cause de l'incertitude qui règne dans cette industrie.
Nous avons trouvé, dans l'État de Washington, un abattoir qui a été construit en 1998. Après les tristes événements du 20 mai 2003, il a dû fermer ses portes parce qu'il recevait son bétail de la Colombie-Britannique et de l'Alberta. Il n'a pas rouvert ses portes à cause de l'incertitude à l'égard de la réouverture de la frontière. L'équipement a été mis en vente. Nous avons fait une offre d'achat, avant l'audience de faillite qui a lieu aujourd'hui. Comme personne d'autre n'a fait d'offre, nous avons bon espoir de pouvoir acheter cet équipement. Dès que ce sera fait, nous ferons les plans d'une usine où nous installerons l'équipement.
Pour pouvoir réaliser tout cela, nous avons fait une demande à Financement agricole Canada. Par le passé, nous avons parlé au ministre, M. Speller, pour essayer d'établir un abattoir au Manitoba. Nous nous sommes heurtés à un mur. Nous n'avons reçu aucune aide du ministère fédéral. Le Programme de réserve pour pertes sur prêts ne s'applique pas aux coopératives, car il faut posséder 20 p. 100 de capitaux propres. Il est difficile de tirer ces 20 p. 100 de capitaux propres des agriculteurs quand ils reçoivent entre zéro et 200 $ pour leurs vaches. Par le passé, nous pouvions vendre une vache 600 $ ou 700 $. Le prix des bovins d'embouche s'est effondré depuis le 20 mai. Il est très difficile de maintenir son exploitation et de trouver de l'argent à investir dans notre avenir.
Avant le 20 mai, les agriculteurs du Manitoba comptaient beaucoup sur les abattoirs américains pour acheter leurs vaches et leurs taureaux. Toutes les bêtes traversaient la frontière. D'après les statistiques, avant 2002, 26 000 taureaux et plus de 100 000 vaches traversaient la frontière. Ces bêtes ne venaient probablement pas toutes du Manitoba, mais elles traversaient la frontière pour être abattues ailleurs plutôt que dans nos abattoirs. La transformation de cette viande devrait se faire au Canada ou, en ce qui nous concerne, au Manitoba. Ce faisant, nous créons des emplois, une industrie et une assiette fiscale. Quand vous créez une assiette fiscale, tout le monde est content, car cela augmente les recettes de l'impôt.
Lorsqu'un éleveur bovin ou un agriculteur a de l'argent, il le dépense. Il achète un nouveau tracteur, une automobile, un Skidoo ou autre chose. Il s'achète un nouveau tracteur avant de s'acheter une voiture, car c'est plus important pour lui. C'est sur son tracteur qu'il passe une bonne partie de son temps. Ce faisant, il contribue à l'économie du pays. L'agriculteur dépense son argent pour acheter des intrants agricoles, ce qui injecte beaucoup d'argent dans l'économie. Le gouvernement fédéral doit s'en rendre compte. Il en est probablement conscient, mais il ne fait rien pour autant.
Que peut faire le gouvernement fédéral? Le premier Programme de réserve pour pertes sur prêts qu'il a annoncé l'automne dernier se chiffrait à 67 millions de dollars. Nous savons maintenant que la moitié de ce programme devait servir à former du personnel de l'Agence canadienne d'inspection des aliments pour tester le bétail que nous abattrons dans nos établissements. Cela prendra un certain temps, car il n'y a aucune aide à cet égard. Le Programme de réserve pour pertes sur prêts n'aide pas beaucoup de producteurs. Je n'en connais pas beaucoup dont la demande a été acceptée. Il y en a peut-être en Ontario. Mais je n'en suis pas certain.
Une chose qui nous aiderait serait que le gouvernement accorde des garanties de prêt. Les banquiers ont de l'argent, mais ils ne le prêtent pas. Attendent-ils que le gouvernement fédéral accorde des garanties de prêt ou fasse quelque chose? Ils veulent pas investir à l'aveuglette. Nous avons actuellement le problème de l'ESB. Il y a de nombreuses inconnues. Ils veulent savoir ce qui se passera si la frontière est rouverte, et si nous pourrons soutenir la concurrence. Nous leur répondons que oui. Nous vendrons notre bœuf aux mêmes consommateurs si nous sommes efficaces et l'usine que nous construirons sera très efficace.
Nous allons demander à utiliser une méthode de désossage à chaud qui était employée dans l'usine de Washington. Le désossage à chaud réduit de 1,5 à 2 p. 100 la perte de poids. Vous êtes plus efficaces. Vous pouvez commercialiser votre boeuf 24 heures avant tout le monde.
Qu'est-ce que le gouvernement fédéral peut faire d'autre?
Le sénateur Tkachuk : Pouvez-vous expliquer ce qu'est le « désossage à chaud » afin que nous sachions de quoi vous parlez? Si vous continuez, nous ne comprendrons pas.
M. Reykdal : L'animal est abattu et passe par la chaîne de transformation. Sa peau est enlevée et il va directement au désossage. La viande est séparée des os avant d'être refroidie. Les os sont enlevés quand la chair est encore chaude. Je ne l'ai jamais fait. C'est plus efficace. Il est plus facile de séparer la viande des os.
La façon habituelle de procéder consiste à placer la viande dans une chambre froide ou plutôt ce qu'on appelle une « chambre chaude ». J'ai toujours appelé cela une chambre froide, mais c'est une chambre chaude. La viande y entre chaude et en ressort froide. Elle est refroidie pendant la nuit et ressort à 40 degrés le lendemain. Nous sauterons cette étape. Nous passerons directement au désossage. L'ACIA n'a pas approuvé cette méthode. Elle ne l'a encore jamais approuvée au Canada, mais nous lui en avons demandé la raison. Cette méthode est utilisée aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande. Une bonne partie du boeuf que nous mangions avant le 20 mai provenait de Nouvelle-Zélande et était désossée à chaud. L'Agence a dit qu'il n'y avait aucune raison pour que cette méthode ne puisse pas être utilisée. Voilà donc ce qu'est le désossage.
C'est à peu près tout. Où en sommes-nous? Comme je l'ai dit, nous attendons l'équipement qui sera sans doute à nous aujourd'hui ou demain. Nous ferons ensuite les plans du bâtiment qui entourera cet équipement. Nous le construirons au printemps. J'ai bon espoir que l'abattoir sera opérationnel d'ici la fin de l'automne.
M. Robert Kuziw, président, Rangeland Beef Processors Inc., B.C. Blue Mountain Packers : Ma situation est un peu différente de celle de M. Reykdal au Manitoba. Je viens de l'Alberta. J'ai été éleveur bovin toute ma vie. Nous avons cédé notre élevage à notre fils cadet qui a beaucoup de difficultés. Il a connu trois années de sécheresse et deux années d'invasion de sauterelles.
La présidente : Où êtes-vous en Alberta?
M. Kuziw : L'élevage est dans la région de Stettler-Coronation. Je pense que mon fils est sur le point de nous poursuivre pour mauvais traitements infligés à un enfant.
Le sénateur Mercer : Il a sans doute une cause solide.
M. Kuziw : Je crois qu'il gagnera.
Comme vous le savez, je suis dans une situation différente, parce que nous avons acheté un abattoir à Salmon Arm, en Colombie-Britannique. Cet établissement avait été racheté par Fletcher's Fine Foods Ltd., qui faisait l'abattage des porcs et des bovins dans cette usine assez moderne. Quand Fletcher's a racheté l'entreprise de la famille Grimms, elle a déménagé l'abattage des porcs à Langley. En même temps, elle a repris l'abattoir de porcs de Red Deer et elle l'a également déménagé à Langley. Tous ces animaux sont maintenant transportés là-bas également.
Nous avons constaté que dans l'industrie du bœuf de l'Alberta, nous avons de nombreux éleveurs de taureaux pur sang. Ils ne pouvaient pas vendre leurs gros taureaux, parce que personne ne voulait les acheter. La plupart des taureaux pèsent plus de 1 850 livres et XL ne voulait donc pas les acheter. Si elle vous les achetait ou vous les volait, elle les regroupait à deux endroits, chez Prescott's, à Strathmore, ainsi qu'à Ponoka et les expédiait vers Montréal. La plupart des gros taureaux ont suivi cet itinéraire. Il n'y avait aucune installation en Alberta pour abattre ces taureaux.
Nous nous sommes mis à six pour acheter cette usine. Comme l'a dit M. Reykdal, il a été très difficile de s'entendre avec les banques, parce que la première chose qu'elles nous ont dit c'est : « Quand la frontière ouvrira, que ferez-vous? Vous ne nous intéressez pas. » Nous avons obtenu l'aide de Financement agricole Canada pour la première hypothèque. Ce n'est pas une bonne solution, car le taux d'intérêt est très élevé. Cet organisme a considéré que c'était une toute nouvelle entreprise étant donné qu'il n'y a pas d'autres abattoirs, dans l'ouest du pays, qui puissent faire cette transformation. Nous ne sommes pas dans cette branche depuis de nombreuses années. Comme l'a dit M. Reykdal, cela fait des années que nous n'avons pas d'abattoirs. Nous étions sans doute si satisfaits d'envoyer nos animaux nos bêtes aux États-Unis que Burns et Swiss et tous les autres petits abattoirs fédéraux ont tout simplement disparu. Ils ne reprendront pas leurs activités étant donné les deux méga-abattoirs que nous avons : Cargill et Tyson Foods.
Depuis l'ESB, ces abattoirs sont les seuls à pouvoir recevoir les bovins de moins de 30 mois. Les bovins de plus de 30 mois sont destinés à XL, qui se trouvait avant à Calgary. Depuis la première semaine de janvier, XL a déménagé son abattoir pour le gros bétail à Moose Jaw, en Saskatchewan. Elle a réinstallé son abattoir pour les bovins de moins de 30 mois à Calgary. Elle y traite environ 1 000 têtes de bétail. Avec les bovins de moins de 30 moins et de plus de 30 mois et ceux de plus de 30 mois qui sont abattus en Saskatchewan, elle va essayer de traiter environ 1 400 têtes par jour.
Lorsqu'il s'agit des gros animaux, tout ce qui pèse plus de 1850 livres exige un refroidissement beaucoup plus intense. Il est probable que cet abattoir refroidit rapidement les carcasses, comme l'a mentionné M. Reykdal. La seule différence est qu'il ne fait pas le désossage à chaud et qu'il le fait probablement à froid, comme c'était le cas à Calgary.
C'est la seule usine qui fonctionne. Dans notre abattoir de Salmon Arm, nous traitons jusqu'à 60 têtes de bétail par jour. Nous avons commencé avec deux vaches et nous en sommes maintenant à 60 et plus, car nous travaillons plus vite et nous avons augmenté nos ventes dans le sud de la province.
Vous n'avez sans doute pas la moindre idée des difficultés que j'ai eues à obtenir un permis de l'ACIA. Certains d'entre vous le savent peut-être, mais nous avons passé quatre mois et neuf jours à convaincre l'ACIA et je vais sans doute devoir continuer à prendre des pilules pour le coeur jusqu'à la fin de mes jours. Cela dit, l'obtention d'un permis de cette Agence a été une aventure épouvantable pour quelqu'un qui n'était pas habitué à la bureaucratie.
Cet abattoir possédait déjà un permis de l'ACIA en 2001. Il était en attente d'un permis d'exportation vers l'Union européenne quand la société qui le gérait, Hi-Bred, a abandonné le marché. Nous avons soumis tous les plans que possédait l'entreprise. Ils étaient restés dans l'abattoir. Nous avions le même directeur d'usine, qui est encore là aujourd'hui. Heureusement, l'abattoir fonctionne depuis le 9 novembre.
Si vous voulez des précisions sur les difficultés que nous avons eues avec l'ACIA, je pourrais vous les fournir quand vous nous poserez des questions. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de le faire maintenant.
Pour ce qui est de l'aide que le gouvernement fédéral pourrait nous accorder, il faudrait certainement qu'il envoie sur le terrain des coordonnateurs de l'ACIA et du HACCP qui est le Système d'analyse et de maîtrise des points critiques. Il n'en a envoyé aucun sur place parce que ce n'est peut-être pas le protocole qui a été adopté. Tout le fardeau repose actuellement sur les établissements de transformation. Le HACCP vient seulement d'être mis en place, mais l'Agence impose des délais alors que son propre personnel n'arrive même pas à appliquer ce protocole.
Si vous voulez obtenir le protocole de l'ACIA et aller à certaines réunions, vous devez vous inscrire à l'avance et attendre que les renseignements vous soient transmis par l'USDA, ce qui n'est pas normal, mais c'est ce qui se passe actuellement.
La présidente : Pourriez-vous nous répéter cela et nous l'expliquer?
M. Kuziw : Si vous voulez obtenir la certification HACCP et suivre le cours — j'ai une liste des endroits où il est donné en Alberta ou en Colombie-Britannique, mais je n'en sais pas ce qu'il en est pour la Saskatchewan — vous devez faire une demande et vous recevez ensuite la documentation de l'USDA. Je pourrais fournir au comité les documents que nous a fait parvenir Debbie Hellbach, qui est le superviseur de la viande rouge pour la province de la Colombie- Britannique. Elle essaie de coordonner tout ce qui est réglementé dans le cadre du HACCP et de l'ACIA étant donné le délai très court qui nous a été accordé. Il faut que tout soit prêt pour le 29 novembre 2005. D'après les secrétaires, il est impossible de remplir les formalités requises pour obtenir la certification HACCP avant l'échéance. L'administration n'a pas le personnel voulu et ne peut pas le faire.
La présidente : Pour la gouverne de notre auditoire, monsieur Kuziw, pourriez-vous expliquer ce que signifie le sigle « HACCP »?
M. Kuziw : Le HACCP est le Système d'analyse des risques et de maîtrise des points critiques mis en place pour assurer la salubrité des aliments et qui s'applique surtout à l'industrie alimentaire, mais maintenant, peu importe de quelle industrie il s'agit. Je veux parler au nom de l'industrie du boeuf. Ce système commence au moment ou des gens font monter les animaux dans la bétaillère. Il y a quelques différences d'une province à l'autre, mais les règles sont toutes les mêmes.
Pendant tout le chemin jusqu'à l'abattoir, chaque pas que fait l'animal fait l'objet d'un protocole. Une fois que la peau a été enlevée dans ce que nous appelons la zone « propre » et que la carcasse arrive sur la chaîne de découpe le système de contrôle doit être en place pour chaque animal et chaque livre de viande que nous expédions. C'est une bonne chose et nous ne voyons rien de mal à cela.
La salubrité des aliments est ma première priorité à l'abattoir. J'apprécie la mise en oeuvre du programme HACCP, car j'ai des enfants et des petits-enfants. Il y a des gens merveilleux au Canada et nous voulons que notre viande soit la meilleure possible pour leur santé. C'est notre priorité lorsque nous traitons avec le HACCP et l'ACIA.
Le gouvernement fédéral ne nous apporte absolument aucune aide à cet égard. Pour l'application du HACCP, je ne pense pas qu'il y ait un seul endroit, dans l'Ouest, où nous puissions embaucher quelqu'un à moins de 25 $ de l'heure.
Au cours des 18 prochains mois, nous allons rédiger la procédure suivie à chaque étape dans notre abattoir. Mais nous n'y parviendrons pas d'ici le 29 novembre, car c'est impossible. Il faut beaucoup trop de pages et de mots pour expliquer tout cela.
Nous devions appliquer le HACCP pour satisfaire les marchés auxquels nous livrons notre viande et qui sont surtout le sud de la province et les transformateurs secondaires. Nous ne congelons pas notre viande. Nous la livrons dans un délai de 72 heures. Entre le moment de l'abattage et le moment de la livraison, il ne doit pas s'écouler plus de 72 heures. Notre viande n'est pas congelée ou entreposée. Nos livraisons sont presque quotidiennes. Pour le moment, elles ont lieu un jour sur deux, mais le rythme s'accélère. Comme je l'ai dit, nous ne recevons absolument aucune aide du gouvernement fédéral pour ces programmes. Ce sont des programmes d'une importance cruciale pour notre industrie.
Je crois que vous vouliez que je parle de la capacité d'abattage, mais nous pourrions sans doute aborder ce sujet quand nous passerons aux questions.
La présidente : Certainement. Vous nous dites des choses que nous n'avons encore jamais entendues. C'est très important. S'il y a d'autres choses que vous voudriez dire maintenant, faites-le. Sinon, nous vous poserons des questions.
M. Kuziw : M. Reykdal a mentionné le prix du boeuf. Une chose dont je pourrais parler à propos du marché des bovins de moins de 30 mois est que, dans l'Ouest, comme nous avons un grand nombre de parcs d'engraissement en Alberta, nous devons remercier le gouvernement pour les 480 millions de dollars qu'il a distribués. Si les trois plus grands parcs d'engraissement n'avaient pas obtenu la majeure partie de cet argent, les ventes de veau seraient tombées au point d'acculer à la faillite un nombre encore plus grand d'éleveurs et d'engraisseurs. Les trois grands abattoirs continuent d'exercer le plein contrôle sur nos parcs d'engraissement. Quelle que soit sa taille, un parc d'engraissement a du bétail de ces trois grands abattoirs. La majeure partie de ce bétail, 300 000 à 400 000 têtes, est venu en Alberta à cause de la sécheresse aux États-Unis et se trouve actuellement dans nos parcs d'engraissement.
Un jour, la frontière ouvrira, que ce soit le 7 ou le 20 mars ou à une autre date, mais elle ouvrira, car Tyson et Cargill ont dans notre pays des centaines de milliers de bovins qu'ils veulent renvoyer aux États-Unis afin de les abattre dans leurs propres usines. Cargill n'en est pas encore arrivée là, mais Tyson Foods a quelques usines, de l'autre côté de la frontière, qui tournent à très faible capacité. Ces bêtes rempliraient ces abattoirs et cela lui rapporterait autant d'argent, car il y a encore une demande à combler aux États-Unis pour le bon boeuf de l'Alberta — désolé, le bon boeuf canadien.
La présidente : C'est bien. Nous sommes fiers de notre boeuf.
M. Kuziw : Oui, moi aussi, je suis fier de ma province et j'exploite un établissement de transformation primaire en Colombie-Britannique.
Bien entendu, ces abattoirs ont le plein contrôle sur la majorité du bétail qui se trouve actuellement dans les parcs d'engraissement. Le prix du bétail a grimpé, parce qu'ils ont commencé l'abattage d'une première série de bêtes et ils doivent maintenant les remplacer et remplir les parcs.
En Alberta l'année dernière, certains prix pour le boeuf engraissé sont tombés jusqu'à 46 cents la livre. Cela fait du tort aux parcs d'embouche, non pas à ceux qui engraissent les bovins pour ces trois grands abattoirs, mais pour le petit engraisseur qui n'a que 3 000 à 12 000 têtes et qui essaie de se débrouiller tout seul. S'il avait des animaux à vendre à ce moment-là, il a vraiment subi un dur coup, car si vous engraissez vos animaux trop longtemps, vous vous faites encore avoir. Vous n'avez pas vraiment le choix. Vous avez un délai de six semaines pour livrer les animaux. Ils ont la haute main sur ce marché.
À ce moment-là, les trois grands abattoirs peuvent faire venir leur propre bétail, car le nombre de bovins que peut posséder un grand abattoir n'est pas réglementé comme c'est le cas aux États-Unis. Dans la plupart des États — mais ce n'est pas partout pareil — un abattoir comme Tyson peut seulement traiter 7 p. 100 des bovins dont il est propriétaire au cours d'une journée. Ce genre de règlement n'existe pas au Canada. Si cette réglementation avait existé quand la crise de l'ESB nous a frappés, je ne sais pas si cela aurait été une bonne chose.
Ces trois abattoirs dictent les prix. Si vous vous adressez à CanFax pour obtenir les prix, vous les obtenez indirectement de ces sociétés. Voilà ce qu'il en est pour ce bétail. À l'heure actuelle, une seule de ces grandes entreprises, XL Beef, fait l'abattage des bovins de plus de 30 mois, en plus de Blue Mountain Packers.
Notre situation financière est difficile. Nous n'avons rien pu obtenir de la banque. Nous avons dû trouver une autre solution, car la frontière ouvrira. Elle ouvrira un jour quand les Américains le voudront bien et c'est eux qui nous diront quand et à quelles conditions. Telle est leur attitude et cela ne changera pas. Beaucoup d'efforts ont été déployés et des millions de dollars ont été dépensés pour ouvrir cette frontière et récupérer le marché japonais, mais vous savez où nous en sommes aujourd'hui. Je n'ai pas à vous l'expliquer.
Il y a neuf mois, il y avait près de 32 projets d'abattoirs pour l'Alberta. Il en reste maintenant entre 14 et 18. Des articles ont été publiés dans Canadian Cattlemen quant au nombre d'usines de transformation que l'on voudrait mettre sur pied. Si elles ouvraient toutes leurs portes, nous n'aurions sans doute pas suffisamment de bovins pour les alimenter, surtout pour ce qui est des bovins de plus de 30 mois. M. Reykdal et moi-même avons sans doute un petit avantage sur les autres. Comme nous sommes loin du Manitoba, les frais de transport empêcheront d'acheter du bétail d'une province à l'autre. Ce serait trop coûteux dans le cas des animaux plus âgés, car les prix ne sont pas assez élevés.
Je voudrais mentionner le boeuf étranger. Nous savons que nous en importons 76 000 tonnes métriques par année à cause du commerce mondial. Si nous vivions aux États-Unis, ces importations auraient sans doute cessé le jour où le premier cas d'encéphalopathie spongiforme bovine a été découvert. Nous ne les avons pas arrêtées, mais je crois que nous les avons ralenties. Je ne pense pas qu'un seul permis ait été délivré pour des importations supplémentaires de viande étrangère, sauf peut-être au cours des huit ou 15 derniers jours. Si le Canada peut développer sa propre industrie des bovins de plus de 30 mois, je crois que ce serait la voie à suivre et que le gouvernement devrait nous y aider en mettant un terme à toutes les importations de viande de l'étranger jusqu'à ce que notre propre économie soit stabilisée.
Si nous consommions uniquement notre propre boeuf au Canada, nous en aurions beaucoup moins à envoyer vers les États-Unis ou ailleurs. Tant que nous continuerons d'acheter du boeuf étranger, nous aurons ce problème. Une bonne partie du problème pourrait être résolue en arrêtant totalement les importations étrangères et en consommant notre propre boeuf.
Je suis conscient de la différence de prix. À l'heure actuelle, vous pouvez acheter de la viande de l'Australie et de l'Uruguay à 1,09 $ la livre. Elle est en majeure partie de très mauvaise qualité, mais elle peut servir pour la transformation secondaire. Toutefois, le boeuf séché et le pepperoni n'ont rien de bon marché. C'est très cher et c'est la viande étrangère qui sert à fabriquer la majeure partie de cette viande séchée qui ressemble à du cuir. Les transformateurs du sud de la province mélangent cette viande avec la leur et comme cela donne une belle couleur, ils n'ont pas à ajouter beaucoup de colorant pendant la fabrication.
Nous pouvons tous travailler ensemble, mais j'aimerais que nous n'importions pas autant de boeuf étranger que c'est le cas actuellement.
La présidente : C'était extrêmement intéressant. Soyez certains que vos observations iront plus loin que cette salle. Les fonctionnaires du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire qui suivent les travaux de nos comités en prendront bonne note. Vos propos ne resteront pas inaperçus.
Nous allons maintenant passer aux questions.
Le sénateur Mercer : Je ne sais pas par où commencer, car je suis en état de choc. Cela fait à peu près un an que j'écoute des gens nous parler des problèmes causés par l'ESB : la fermeture de la frontière, les problèmes dus au manque de capacité d'abattage et les mesures que le gouvernement doit prendre pour aider les agriculteurs.
Monsieur Kuziw, j'apprécie les remerciements que vous avez adressés au gouvernement pour l'argent versé. C'est important, mais je suis absolument scandalisé que le gouvernement n'aille pas plus loin en aidant à construire la capacité que notre comité, les agriculteurs, l'industrie et diverses associations croient nécessaire pour l'abattage des bovins au Canada.
Avez-vous, l'un ou l'autre, demandé une aide financière par l'entremise du Programme de diversification de l'économie de l'Ouest? Si c'est le cas, quelle a été la réponse? Je crois le savoir.
Comme je l'ai dit, je suis en état de choc. Je ne partage pas la confiance de la présidente qui pense que le ministère est attentif à tout ce qui nous a été dit et que je croyais avoir été communiqué au gouvernement. Je ne pense pas, comme elle, que le gouvernement ait prêté attention à la complexité de ce problème ou peut-être, devrais-je, à sa simplicité. Cela n'a rien de sorcier. Il ne semble pas que ce soit si difficile à régler si le gouvernement est déterminé à le faire et comprend que cette crise ne touche pas seulement quelques agriculteurs de la Saskatchewan, du Manitoba, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, mais nous tous. Cela me touche en tant que consommateur.
L'un de vous deux a-t-il demandé une aide financière dans le cadre du Programme de diversification de l'économie de l'Ouest? Dans l'affirmative, quelle a été la réponse?
M. Reykdal : Nous avons demandé un financement au Programme de diversification de l'économie de l'Ouest. Comme c'était il y a longtemps, je ne me souviens plus très bien des détails. Ce programme ne porte pas bien son nom. À mon avis, si nous construisons un abattoir, nous diversifions l'économie. Toutefois, l'argent qui provient de ce fonds sert à des choses comme le tourisme. Vous n'êtes pas admissibles au financement. Le Programme de diversification de l'économie de l'Ouest n'a pas d'argent pour la construction d'abattoirs où que ce soit au Canada. Le gouvernement fédéral nous a opposé un refus.
M. Kuziw : Je dois vous donner la même réponse. Nous avons demandé une garantie de prêt dans le cadre de ce programme. Étant donné le temps qu'il a fallu pour obtenir des fonds de l'ACIA, nous n'avons pas pu suivre cette voie. Nous nous sommes adressés à Financement agricole Canada parce que c'était beaucoup plus rapide et que nous avions travaillé avec eux depuis un an et demi.
En ce qui concerne les 37,5 millions de dollars annoncés par le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire Canada, Andy Mitchell, on nous a dit, tout comme à M. Reykdal, que c'était une manoeuvre électorale et que nous aurions pu aussi bien épargner notre temps et nos efforts étant donné que nous n'obtiendrons rien. Ces paroles viennent de la bouche de deux membres de Financement agricole Canada, en Alberta.
Je signale en passant que je n'avais jamais rencontré M. Reykdal avant hier soir, et que nous ne nous sommes donc pas entendus entre nous.
Nous n'avons pas suivi cette voie, parce que c'était inutile. Notre abattoir a été financé par des particuliers. Nous sommes maintenant sept au lieu de six, car nous avons seulement 120 détenteurs de parts au lieu des 300 que nous espérions, à cause du manque d'argent dans le secteur agricole. De nombreuses personnes se sont mises à pleurer au cours des entretiens téléphoniques que nous avons eus avec elles, parce qu'elles ne pouvaient pas tenir la promesse qu'elles nous avaient faite. Elles n'avaient pas les 5 000 $.
De nombreux agriculteurs aimeraient pouvoir amener, en échange, du bétail à notre abattoir, mais en raison de la révision des pages 4 à 32 de la Loi sur les valeurs mobilières, elles ne peuvent même pas obtenir des conseils juridiques au sujet de tous les risques que cela comporte. Jusqu'ici, nous avons seulement 120 détenteurs de parts, si bien que les sept membres ont dû trouver des fonds supplémentaires pour financer notre abattoir.
Nous aurions aimé que quelqu'un nous guide au sujet du financement ou nous accorde un taux d'intérêt raisonnable.
Le sénateur Mercer : J'ai l'impression qu'il serait beaucoup plus facile d'investir dans une industrie existante qui a besoin d'un peu d'aide, comme celle du bétail plutôt que l'industrie touristique qui n'est pas vraiment en crise. Je n'ai pas entendu dire que la frontière était fermée aux touristes américains qui viennent visiter La Fourche, à Winnipeg.
Vous avez parlé tous les deux des approbations. Vous avez dit que le désossage à chaud n'était pas autorisé au Canada. Je voudrais savoir quelle en est la raison et si des démarches ont été entamées pour le faire approuver, car si c'est plus efficace, c'est quelque chose qui nous intéresse.
Ma question s'adresse à M. Kuziw. Vous avez dit que B.C. Blue Mountain avait mis longtemps à obtenir l'approbation de l'ACIA alors que l'exploitation de cet abattoir avait déjà été approuvée par le passé. Je trouve cela frustrant, choquant et honteux de la part du ministère. Je voudrais que vous m'expliquiez davantage comment c'est arrivé, quelle a été la réponse du ministère, quels étaient les problèmes qu'il voyait de votre côté ou plus probablement de son côté.
M. Reykdal : Pour ce qui est du désossage à chaud, j'en ai parlé avec l'Agence. Personne n'a jamais demandé à faire le désossage à chaud au Canada et c'est pourquoi cette méthode n'a jamais été autorisée. Elle a été approuvée pour le poulet. C'est ce que l'ACIA nous a dit. Elle a dit que personne n'en ayant fait la demande, elle n'avait jamais approuvé cette méthode, mais que cela ne veut pas dire qu'elle ne peut pas être approuvée. Il y a un processus à suivre. Vous devez prouver qu'il y a peu de bactéries, qu'il n'y a pas d'E coli et que c'est une méthode sûre. C'est le processus que nous devrons suivre pour démontrer à l'Agence que cela peut être fait. Comme je l'ai dit, si cette méthode est utilisée en Nouvelle-Zélande et que le Canada importe de ce pays du boeuf qui est mangé par les Canadiens, c'est que cette méthode est sûre.
M. Kuziw : Pour ce qui est des autorisations, nous avons commencé le 1er juillet en envoyant les plans originaux de l'usine à l'un des membres de l'ACIA de notre région. Il était, et est toujours, notre inspecteur de l'ACIA à l'usine. Nous avons examiné les plans ensemble, avec le directeur de l'usine. L'inspecteur a confirmé que ces documents étaient bien ceux dont nous avions besoin et qu'il fallait envoyer notre demande accompagnée des plans orignaux. Le lendemain, il a pris l'avion pour Ottawa avec les plans. Nous avions de bonnes relations avec les trois inspecteurs de la région de Kelowna-Vernon. L'inspecteur a livré nos plans. Une semaine plus tard, ils nous ont été renvoyés accompagnés d'une note nous disant qu'ils n'étaient pas suffisamment clairs. J'ai dit que cela faisait plus de 40 ans que j'avais l'habitude de lire des plans dans le cadre des travaux de construction que nous avions faits et que je ne partageais pas cet avis. Nous leur avons envoyé une autre série de plans qui portaient l'estampille de l'ACIA au verso de chaque page. Nous les avons envoyés par courrier recommandé parce que nous ne voulions pas les perdre; c'était nos originaux. Nous les avons envoyés, mais une semaine plus tard ils nous sont revenus avec la même excuse, à savoir qu'ils n'étaient pas lisibles, qu'ils n'étaient pas suffisamment clairs. Nous avons fait refaire ces plans par une entreprise du nom de Mailboxes. Après avoir été photocopiés, ils n'étaient plus aussi clairs que les originaux. L'inspecteur à Ottawa nous a dit alors qu'il partait en vacances et qu'il avait confié cette tâche à un autre membre de l'ACIA. Il devait s'absenter un mois et son remplaçant pourrait estampiller les plans. Très bien. Nous avons fait refaire les plans et nous les avons envoyés. Bien entendu, comme ils n'étaient pas suffisamment clairs, il nous fallait les refaire. Nous avons fait venir un architecte qui a refait les plans et nous les avons envoyés une nouvelle fois. Tout cela nous a pris trois mois et demi et nous a coûté environ 12 000 $.
Nous étions sur le point d'obtenir l'approbation du deuxième inspecteur et nous étions censés pouvoir afficher le certificat sur le mur vendredi. J'avais déjà commandé deux chargements de bovins; ils étaient en route et nous allions procéder à l'abattage. Nous pensions que tout était prêt. Vendredi matin, nous avons reçu un courriel qui, en fait, est arrivé au bureau jeudi, en fin de soirée, disant que l'inspecteur ne signerait pas parce que celui qu'il remplaçait reviendrait de vacances dans une semaine et s'en occuperait lui-même. Nous voilà avec deux chargements de bovins en route vers l'usine. Le premier chargement a atterri dans un parc d'engraissement pas trop loin de l'abattoir, mais nous avions aussi un chargement de taureaux. Je ne sais pas si vous avez la moindre idée de ce que représente un chargement taureaux qui proviennent de 10 ou 12 endroits différents. Voilà où nous en étions. Nous avons conduit ces taureaux au marché en vif de Kamloops. Dans la bagarre, nous avons perdu cinq taureaux. Nous ne pouvions plus les garder. Nous avons dû les vendre. Nous en avons finalement obtenu 13 cents la livre. Ils ont été rachetés par un fermier de Kelowna qui nous avait aidés. Il a un parc d'engraissement; autrement, nous les aurions tous perdus.
Au cours des deux semaines qui ont suivi, le premier inspecteur de l'ACIA est revenu. Nous avons examiné la première série de plans et, bien entendu, ils n'étaient pas assez bons. Il y avait là nos postes pneumatiques. Comme c'est un abattoir déjà construit, on ne peut pas changer grand-chose. Il y a la chaîne d'abattage des bovins, mais aussi une chaîne pour les porcs, que nous n'utilisons pas. Du côté des bovins, tout l'équipement est pneumatique. L'employé se tient là et se sert d'une commande au pied pour monter et descendre à chaque station. Le seul poste qui n'est pas pneumatique est celui de l'écorchage. C'est là qu'on commence par enlever la peau à partir des deux pattes arrière et que les pattes sont coupées. Nous avons un schéma de la personne qui se tient à ce poste. Si vous mesurez cette personne avec une règle d'architecte, elle mesurera trois pieds sur cinq. On nous a dit que l'employé était beaucoup trop gros et qu'il ne pouvait pas prendre place sur ces élévateurs pneumatiques. Nous les avons redessinés plus petits.
Nous avons essayé de faire tout ce qu'on nous avait demandé de faire lors de chacun de ces appels conférences. Nous avions déjà un coordonnateur HACCP à l'usine. Nous avons commencé dès le premier jour parce que nous savions qu'à compter du 1er janvier il faudrait que nous appliquions le système et nous avons donc commencé en août. Nous avions alors une vingtaine d'employés. Nous avons retroussé nos manches et nous avons travaillé aux plans.
Et il y a eu le problème du carrelage. Aux yeux de l'ACIA et du vétérinaire, les salles de bain n'étaient pas entièrement carrelées. Nous avons donc posé du carrelage en l'espace d'environ un jour et demi. Trois fois de suite, on nous a dit que ces salles de bains n'étaient pas carrelées. L'Agence a continué à répéter la même chose. À ce moment-là, j'ai perdu patience et nous avons commencé à parler à nos députés.
En quelques mots, 11 députés ont travaillé à l'obtention de notre certificat. Ils ont finalement accordé trois jours aux membres de l'ACIA pour nous délivrer nos certificats et trois jours plus tard, c'était fait. Mais il a fallu pour cela l'intervention d'au moins 11 députés. Nous avions rencontré le ministre, Andy Mitchell, à Red Deer. Trois de ses adjoints nous ont rencontrés en l'espace de deux jours, mais ce sont les 11 députés qui nous ont aidés à obtenir notre certificat.
Voilà pourquoi je dois prendre des pilules pour le coeur.
M. Reykdal : Depuis que M. Kuziw a eu toutes ces difficultés, j'ai contacté l'ACIA en décembre. Quand j'ai téléphoné, l'inspecteur m'a dit qu'il n'était pas à son bureau, mais qu'il m'y rencontrerait. Lorsque je suis allé au bureau de Winnipeg, il m'a dit : « Nous avons reçu l'ordre de tout laisser tomber pour nous occuper de vous si vous appeliez ». Je suis content que ce soit M. Kuziw qui doit prendre des pilules pour le coeur plutôt que moi.
Le sénateur Callbeck : Je viens de l'Île-du-Prince-Édouard. Comme vous le savez, un nouvel abattoir vient d'ouvrir ses portes dans ma propre province. Une des caractéristiques de cette usine est l'utilisation de la technologie de traçabilité. Je crois que le slogan est « de la ferme à votre assiette ». C'est notre premier abattoir qui utilise cette technologie. Je crois qu'il l'a adoptée dans le but d'élargir ses marchés.
Envisagez-vous d'utiliser cette technologie ou une technologie similaire dans votre établissement?
M. Reykdal : Oui. L'entreprise qui a installé ce système à l'Île-du-Prince-Édouard m'a contacté. Elle m'a envoyé des brochures et des disques à ce sujet. Son représentant m'a téléphoné il y a quelques jours pour essayer de me vendre cette technologie. Notre abattoir n'est même pas encore ouvert que les représentants de commerce arrivent déjà. Ai-je raison de penser que le gouvernement fédéral a investi beaucoup d'argent dans cet établissement de l'Île-du-Prince-Édouard?
Le sénateur Callbeck : Je sais que le gouvernement fédéral y a investi un peu d'argent.
M. Reykdal : L'usine que nous voulons racheter, à Washington, a un système de traçabilité qui est le système Triton. L'animal reçoit un code-barres à son arrivée. Il est suivi d'un bout à l'autre du système. Il est suivi jusqu'aux chambres froides. Cela ne va pas plus loin. Ces codes-barres pourraient également permettre de le retracer jusqu'au consommateur. La technologie de cette entreprise n'est pas nouvelle, mais c'est une bonne technologie. Si vous achetez un hamburger, vous pouvez le retracer jusqu'à ma vache numéro J-57 qui se trouve dans ma ferme, ce qui est une bonne chose. Nous ne voulons pas avoir à suivre un long processus pour déterminer d'où vient l'animal. S'il peut être retracé, c'est quelque chose dont nous avons besoin. Si nous vendons notre viande à un client et que la traçabilité va jusqu'au consommateur, ce dernier peut avoir confiance dans notre produit, car il saura qu'il est de bonne qualité.
M. Kuziw : Nous avons un système de traçabilité. Cela fait partie du programme HACCP. Cela faisait partie du programme mis en place par l'ACIA, mais tous les abattoirs comme ceux de Cargill, Tyson et XL ont déjà un système de traçabilité, parce qu'ils font seulement l'abattage des bovins de moins de 30 mois. Tant que les trois systèmes différents ne seront pas réunis en un seul, nous devrons suivre le mouvement. En ce qui nous concerne, nous avons seulement vu le système de code-barres qui retrace l'animal jusqu'au lieu d'origine. Dans bien des cas, c'est insuffisant, mais disons que cela marche pour le moment. Il y a encore un grand nombre d'étiquettes qui sont enlevées. L'étiquette doit être remise avant que les animaux ne soient chargés dans le camion, mais cela ne veut pas dire qu'ils resteront sur l'animal pendant le transport.
Notre abattoir est un lieu d'étiquetage agréé. Si un animal ne porte pas d'étiquette, nous devons remplacer cette étiquette. L'animal n'est pas né chez nous, mais le dernier point d'origine avant qu'il ne soit abattu peut-être retracé jusqu'à notre abattoir.
Le système d'étiquetage que je peux utiliser pour les bovins de moins de 30 mois s'applique aussi à la viande envoyée aux transformateurs secondaires. Tous ces renseignements doivent être écrits sur le container. Nous nous servons du calendrier julien pour les dates de traitement et les dates de livraison. L'ACIA et la CCA estiment que ce programme n'est pas vraiment efficace à cause des étiquettes qui se perdent. Elles sont en train de mettre en place des étiquettes électroniques. Un des modèles est une petite étiquette ronde qui est placée dans l'oreille tandis que l'autre sera implantée sous la peau. Si vous implantez une puce électronique sur un veau, au bout de trois ans ou plus, l'implant a pu se déplacer. Certains s'enfoncent dans les chairs où il n'est plus possible de les lire.
Ces trois systèmes sont en place. Le système électronique coûte environ 30 000 $. Le programme que M. Reykdal a mentionné coûte entre 20 000 $ et 30 000 $ pour assurer la traçabilité dont vous avez parlé. Ce n'est pas nouveau pour les bovins de moins de 30 mois, mais c'est tout à fait nouveau pour ceux qui ont plus de 30 mois, car nous n'avions jamais eu à le faire avant l'ESB.
Le sénateur Callbeck : Je voudrais vous poser une question au sujet de la façon d'établir l'âge de l'animal. Je sais que certains producteurs ne sont pas satisfaits de la méthode utilisée qui consiste à regarder ou à inspecter les dents. Ils ont l'impression que leur bétail a été jugé plus âgé qu'il ne l'était vraiment et qu'ils en ont donc obtenu un prix plus bas. Y a-t-il un autre moyen de déterminer l'âge? Comment procédez-vous dans votre abattoir?
M. Kuziw : Le système d'étiquetage électronique indiquera sans aucun doute la date de naissance, l'endroit où l'animal est né et beaucoup plus de renseignements que le code-barres. Je viens de vous dire ce qui se passait si l'animal perdait son code-barres. Je ne pense pas que les étiquettes électroniques se perdront aussi facilement. Elles indiqueront la date de naissance de l'animal. Quel que soit l'abattoir, il sera possible d'avoir ce renseignement. Pour le moment, vous avez raison de dire qu'on inspecte les dents.
M. Reykdal : On a demandé s'il existait une meilleure méthode. L'ossification est un meilleur indice. Quand l'animal vieillit, lorsque vous coupez en deux son épine dorsale, vous voyez du sang dans les os. Ce n'est pas le cas si l'animal est jeune. Au fur et à mesure que l'animal vieillit, il y a de plus en plus de sang dans ses os. C'est une façon plus exacte d'établir l'âge. M. Kuziw disait hier soir que l'inspecteur qui faisait le test ne se trompait jamais sur l'âge de l'animal. L'ossification est une meilleure méthode pour établir l'âge.
En ce qui concerne l'inspection des dents, certains animaux peuvent avoir leurs dents à 22 mois. Je ne l'ai jamais fait moi-même. Ce n'est pas une bonne méthode, car de nombreux animaux âgés de moins de 30 mois sont alors considérés comme des bovins de plus de 30 mois.
Le sénateur Hubley : Je crois que nous sommes tous un peu surpris ce matin. Nous pensions avoir une bonne idée des répercussions de l'ESB sur notre industrie. Cela démontre combien il est important d'obtenir l'opinion de toutes les parties prenantes.
En ce qui concerne votre nouvel abattoir de Dauphin, vous avez bien dit que le montant investi par les membres de la coopérative détermine le nombre de bovins qu'ils sont autorisés à faire abattre dans cet établissement chaque année?
M. Reykdal : Oui.
Le sénateur Hubley : Pourriez-vous m'expliquer cela encore une fois?
M. Reykdal : Nous avons constitué une coopérative, ce qui nous a permis d'obtenir de la Commission des valeurs mobilières une exemption nous permettant de vendre ces parts aux producteurs. Pour être membre de la coopérative, vous devez acheter une part sociale de 100 $. Pour pouvoir faire abattre des animaux, vous devez acheter une part par animal et ces parts coûtent également 100 $. Si vous voulez vendre 10 vaches par an, vous achèterez 10 parts, ce qui vous coûtera 1 000 $. Vous pouvez livrer jusqu'à 10 vaches par année sans avoir à payer plus. Un investissement de 1 000 $ vous permet de livrer 10 vaches chaque année.
Le sénateur Hubley : Dix vaches, ce n'est pas beaucoup. Quel investissement un agriculteur doit-il faire pour pouvoir faire abattre ses bêtes dans votre établissement? Je voudrais des éclaircissements au sujet des bovins de plus de 30 mois et de moins de 30 mois. Je crois que nous allons maintenant envisager d'augmenter la capacité d'abattage au Canada pour les bovins de plus de 30 mois.
M. Reykdal : Notre établissement de Dauphin fera l'abattage des bovins de plus de 30 mois. Les expressions « bovins de plus de 30 mois » et « bovins de moins de 30 mois » sont nouvelles dans notre milieu.
Le sénateur Hubley : Nous apprenons vite.
Je viens également de l'Île-du-Prince-Édouard, si bien que les établissements sont de taille différente. Combien de bovins de plus de 30 mois un agriculteur a-t-il à abattre chaque année?
M. Reykdal : Le « taux de réforme » correspond au nombre d'animaux que nous enlevons du troupeau pour les remplacer par des animaux plus jeunes. Au Manitoba, notre taux de réforme moyen se situe entre 10 et 11 p. 100 pour le boeuf et 22 p. 100 pour les vaches laitières. La moyenne est de 12 p. 100. Au Manitoba, notre troupeau de vaches, qui était de 600 000 têtes, en compte maintenant près de 700 000. À raison de 12 p. 100, cela donne 72 000 têtes de bétail que nous vendons chaque année.
J'en avais vendu quelques-unes avant le 20 mai, mais depuis je n'ai pas vendu un seul animal âgé. Le nombre de ces animaux ne cesse d'augmenter bien que certains soient morts. Je suis toutefois trop têtu pour en faire cadeau à 5 ou 10 cents la livre.
Selon notre système, un producteur qui possède 100 vaches achète 10 parts, ce qui lui coûte 1 000 $. Un producteur qui a 500 vaches achète 50 parts qui lui coûtent 5 000 $. Toutefois, de nombreux agriculteurs du Manitoba n'ont pas 1 000 $ ou 5 000 $. Dans certains cas, des chèques de 200 $ ont été renvoyés pour insuffisance de fonds. Les agriculteurs n'ont pas d'argent.
Le sénateur Hubley : Que vont-ils faire?
M. Reykdal : Le gouvernement provincial du Manitoba a investi des capitaux supplémentaires de 2 millions de dollars dans notre projet et nous l'en remercions. Grâce à ce financement, les agriculteurs doivent seulement verser 100 $. L'entente qu'ils ont signée prévoit que s'ils ont 100 vaches, ils en livreront 10 et nous déduirons du produit de la vente 100 $ par vache.
Les agriculteurs l'ont demandé. Nous avons finalement convaincu le gouvernement provincial que c'était une bonne idée et il nous a accordé de l'aide. Tout est en place. Nous devons maintenant obtenir l'engagement des agriculteurs. C'est une solution de plus pour eux. Le gouvernement provincial nous aide. Comme je l'ai dit, nous n'avons reçu aucune aide du gouvernement fédéral si ce n'est que, lorsque j'ai téléphoné à l'ACIA, on m'a dit qu'on était censé s'occuper de nous en priorité.
Le sénateur Hubley : Vous avez dit que vous achetiez de l'équipement à un abattoir américain pour ouvrir votre établissement au Canada et c'est le premier renseignement concret qui nous confirme que les agriculteurs américains souffrent également de cette situation, même si de nombreux témoins nous l'ont déjà dit.
Quand la frontière rouvrira, aurons-nous au Canada la capacité d'abattage voulue pour les vaches de réforme ou est-ce que tous les bovins de moins de 30 mois seront de nouveau abattus aux États-Unis? Nos abattoirs pourront-ils tout absorber? Qu'a-t-on prévu si ce n'est pas le cas?
M. Reykdal : Vous voulez parler des bovins de plus de 30 mois?
Le sénateur Hubley : Non, des bovins de moins de 30 mois.
M. Reykdal : Nous construisons un abattoir pour les bovins de plus de 30 mois. Si ces animaux sont en nombre insuffisant, nous nous tournerons vers les bovins de moins de 30 mois, mais nous visons les vaches et les taureaux.
Si la frontière est ouverte le 7 mars aux bovins de moins de 30 mois, cela n'augmentera pas beaucoup mes revenus à cause de toute la bureaucratie et de la paperasserie. On s'attend à ce qu'il en coûtera 9 cents la livre de transporter les animaux de l'autre côté de la frontière et c'est beaucoup d'argent. Je ne m'attends donc pas à voir beaucoup de bovins partir vers le Sud. Cela prendra également du temps.
Le sénateur Tkachuk : Si votre histoire au sujet de l'Agence canadienne d'inspection des aliments nous a fait sourire, c'est uniquement parce qu'elle n'a surpris personne ici.
Vous avez mentionné le taux d'intérêt exigé par Financement agricole Canada en disant qu'il était trop élevé. Quel taux a-t-on exigé quand vous avez fait votre demande?
M. Kuziw : Quand le Groupe Neilson a acheté Heartland Co-op Saskatchewan Pool et les marchés en vif du nord de l'Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba, je crois qu'il a obtenu de l'argent du gouvernement à moins de 2 p. 100 d'intérêt. Nous avons entendu dire que c'était encore moins et des gens qui étaient très proches d'eux ont obtenu entre 4 et 5 p. 100. Je sais que pour commencer, ils ont obtenu de l'argent à un taux de 1,5 p. 100. Je ne sais pas si le gouvernement peut prêter à un tel taux, mais étant donné la situation désastreuse du marché, j'estime qu'il aurait dû accorder de l'aide d'une façon ou d'une autre.
Je ne dis pas que nous devons faire pareil, car il s'agit maintenant d'une société multinationale. Elle ne se contente pas des deux abattoirs et rachète pratiquement tous les marchés en vif étant donné que certains d'entre eux ont fait faillite.
J'ai entendu parler, depuis les Fêtes, qu'un autre marché à Ponoka a des difficultés, surtout à cause du parc d'engraissement Bennett qui a fait faillite. Il y avait investi beaucoup d'argent.
Espérons que ce sont de simples rumeurs, car le marché en vif de Ponoka a été très actif dans le centre de l'Alberta. C'étaient des braves gens très solides qui se sont fait prendre parce qu'ils avaient beaucoup de vaches de plus de 30 mois dont ils ne pouvaient plus se débarrasser du jour au lendemain.
Le gouvernement devrait offrir une aide, surtout pour ce genre d'établissements. M. Reykdal apprécierait sans doute un peu d'aide, je le sais. Il va falloir que nous obtenions quelque chose de quelqu'un ou de quelque part, car l'industrie des bovins de plus de 30 mois n'a pas grand-chose à nous offrir si nous devons concurrencer les prix étrangers.
Le sénateur Tkachuk : Vous avez dû être agréés par l'Agence canadienne d'inspection des aliments, même si vous êtes un producteur primaire de Colombie-Britannique. Vous avez dit que vous expédiez votre viande vers le sud de la province. Est-ce parce que vous l'expédiez aussi à l'extérieur de la Colombie-Britannique que vous avez besoin des services d'inspection fédéraux? Un certificat provincial vous suffit-il si vous vendez seulement dans la province? Comment cela fonctionne-t-il?
M. Kuziw : En ce qui nous concerne, si nous voulons vendre à une usine inspectée par le fédéral qui vend ses produits aux États-Unis ou ailleurs, nous vendons à des transformateurs secondaires, c'est-à-dire aux usines Fletcher's et Grimms. Ces établissements vendent un peu partout. Pour cela, nous avons absolument besoin d'être agréés par l'ACIA et d'avoir la certification HACCP. Le client veut voir notre programme HACCP. Il veut s'assurer que nous avons un système de traçabilité en place avant de nous acheter une seule once de viande. Depuis que nous avons commencé nos activités, Fletcher's a été achetée par Quality Meats dont les exigences sont encore plus rigoureuses.
Le sénateur Tkachuk : Quand vous avez dit que vous vouliez de l'aide — ou peut-être avez-vous dit qu'on ne vous aidait pas et que vous vouliez de l'aide, je n'en suis pas certain — du programme HACCP et de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, parlez-vous de l'aide que le personnel pourrait vous accorder pour remplir tous les formulaires et suivre la procédure ou parlez-vous d'argent? Espériez-vous que la réponse de l'Agence serait plus orientée vers le client que vers la bureaucratie?
M. Kuziw : Je vais vous dire ce que je pense sur ces deux plans. Nous n'avons certainement pas eu accès à de l'aide pour le HACCP. Vous ne pouvez pas obtenir par Internet un programme adapté à l'industrie du boeuf. Nous avons dû partir à zéro. Nous avons trouvé une personne qui travaillait dans l'industrie laitière et sans elle, notre établissement n'aurait pas pu ouvrir ses portes. L'industrie laitière a la certification HACCP depuis de nombreuses années.
Comme je vous l'ai mentionné, c'est là une dépense qui dépasse tout ce que nous avions pu imaginer au départ. Le délai se rapproche. L'ACIA demande maintenant à tous les établissements de la province de suivre la même réglementation que nous.
Le sénateur Tkachuk : Les mêmes règlements HACCP?
M. Kuziw : Oui. Les gens ne savent pas par où commencer. Ils ne savent pas où trouver le personnel compétent. Il n'y en a pas. Cela va créer davantage de problèmes en cours de route, mais on a certainement besoin d'une aide pour mettre ce système en place. Pour ce qui est de l'usine de M. Reykdal, de la nôtre, de XL et des autres abattoirs inspectés par le fédéral, je crois qu'il faudrait qu'une organisation ou le gouvernement fédéral coordonne ce genre de choses et établisse les règles à respecter.
Le sénateur Tkachuk : Si l'inspecteur qui se trouve en Alberta autorise un producteur primaire de l'Alberta à vendre uniquement dans la province et que les inspecteurs provinciaux approuvent également un programme HACCP comme celui que veut l'Agence fédérale, si le producteur en question décide de vendre aussi en Saskatchewan et en Colombie- Britannique, il va devoir s'adresser à l'Agence fédérale et recommencer toutes les formalités.
M. Kuziw : C'est ce qui se passe actuellement.
Le sénateur Tkachuk : Si les consommateurs de l'Alberta se portent bien, le producteur devrait pouvoir vendre sa viande en Alberta, en Colombie-Britannique, au Manitoba ou en Saskatchewan sans avoir à passer par le programme fédéral, ce qui serait plus simple. Je ne comprends pas pourquoi il faut faire cela deux fois.
M. Kuziw : Je crois qu'à l'heure actuelle un bon nombre de petits abattoirs — je vais en mentionner quelques-uns. Par exemple, prenons Trochu, Strathmore ou High River. High River a un petit abattoir provincial. Il est installé en ville. S'il veut prendre de l'expansion et obtenir l'agrément de l'ACIA, il lui sera alors presque impossible de soutenir la concurrence. Prenez le petit abattoir de Mere, par exemple. Il n'est pas joli à voir. S'il devait satisfaire aux mêmes normes que nous, il faudrait commencer par le démolir, car tout laisse à désirer. Je crois qu'il faudrait sans doute imposer des normes rapidement. Cela ne fait aucun doute.
Il y a un abattoir, à Forestburg, qui est entièrement reconstruit. Il y en a un, à Wainwright, que l'on a agrandi. Ces abattoirs n'ont plus des murs intérieurs en contreplaqué. Ils ont été modernisés pour répondre aux normes. Tous les abattoirs devraient être nettoyés et inspectés.
Le sénateur Tkachuk : Voulez-vous dire qu'en Alberta ou en Colombie-Britannique, les normes d'inspection et d'approbation provinciales sont beaucoup moins rigoureuses?
M. Kuziw : C'est exact.
Le sénateur Tkachuk : Au point que ce pourrait être même dangereux?
M. Kuziw : Je dirais que les conditions sanitaires ne sont pas idéales. Je ne sais pas exactement ce qu'il en est en Alberta, mais à l'heure actuelle, nous sommes très près des normes en Colombie-Britannique. Notre abattoir Blue Mountain Packers est situé à un quart de mille d'un abattoir provincial. L'autre jour, le patron de l'abattoir est venu me demander ce qu'il pouvait faire avec le sang. Si vous êtes agréé par l'ACIA, vous devez vous débarrasser de ce sang. Vous ne pouvez pas le jeter sur le sol. Il m'a dit qu'il n'avait pas les moyens de s'offrir le même système que nous pour s'en débarrasser. Notre système a coûté aux gens de Greenway, en Colombie-Britannique, 250 000 $, simplement pour équiper notre usine des moyens de se débarrasser des déchets. Cette personne ne sait pas quoi faire.
À l'heure actuelle, si vous tuez un mouton dans un abattoir provincial, vous pouvez jeter les déchets, la tête, la cervelle et le reste dans une fosse ouverte où les autres animaux peuvent venir se servir. Vous ne pourriez jamais faire cela dans un abattoir inspecté par l'Agence fédérale. Tout doit être emballé, scellé et réfrigéré. Voilà la différence. Par exemple, les murs de son usine sont couverts de contreplaqué. Ils sont peints, mais c'est toujours du contreplaqué. Ce n'est pas le seul abattoir dans cette situation. Il y a de nombreux abattoirs provinciaux qui en sont exactement au même point.
Le sénateur Tkachuk : Vous avez mentionné les restrictions américaines sur l'intégration verticale partielle qui empêche les producteurs primaires de certains États d'abattre plus de 7 à 9 p. 100 du bétail qu'ils possèdent. Ces mesures de prévention de l'intégration verticale existent-elles dans tous les États américains?
M. Kuziw : Je peux seulement parler de Washington et des États près de la frontière nord. Je ne sais pas si c'est la même chose partout, mais à ma connaissance cela va de 7 à 9 ou 10 p. 100. Ce n'est pas beaucoup et dans certaines régions ce n'est pas du tout autorisé.
Le sénateur Tkachuk : C'est pour préserver la concurrence et les empêcher d'exercer un monopole sur les prix..
M. Kuziw : En effet.
Le sénateur Tkachuk : Vous avez parlé de limitation des importations de bovins ou de viande de l'étranger. À la suite de cette tragédie, les gens ont redécouvert le boeuf canadien. Avant l'ESB, quand j'allais acheter de la viande chez Safeway ou IGA, je croyais toujours acheter du boeuf canadien, mais en réalité j'achetais du boeuf américain ou australien et, si j'avais de la chance, du boeuf canadien. Je crois que les gens veulent acheter du boeuf canadien et que l'offre et la demande réglera une bonne partie de ces problèmes. Je ne pense pas que nous ayons besoin d'interdire les importations étrangères. Elles diminueront sans interdiction quand les gens sauront ce qu'ils achètent. Je remarque que Safeway a maintenant des panneaux indiquant « boeuf de l'Alberta », ce qu'elle ne faisait jamais avant. C'est une commercialisation canadienne.
M. Kuziw : En grande partie pour cela. Nous n'avons que trois distributeurs actuellement dans l'ouest du pays et tous les trois appartiennent à des intérêts étrangers. Les gens pensaient que le petit distributeur qui vendait clandestinement de la viande dans son garage, la semaine dernière, à Calgary, était également agréé. Il était sans doute tout ce qu'il y a de plus propre, mais il n'était pas agréé et ce n'est pas ainsi que cela doit marcher. Nous devons protéger notre industrie à tous les égards.
M. Reykdal : Quand nous aurons une plus grande capacité d'abattage au Manitoba, nous pourrons pousser les ventes de boeuf du Manitoba, mais nous n'avons pas encore la capacité voulue.
La présidente : Il est tout à l'honneur de nos consommateurs et de nos producteurs que la consommation de notre boeuf ait largement augmenté pendant la crise de l'ESB. C'est le seul pays où ce soit arrivé. Cela a étonné les gens au départ, mais cette tendance s'est poursuivie, ce qui est un signe positif.
M. Reykdal : Cela montre que le consommateur a confiance dans la salubrité du boeuf canadien et nous nous efforçons de travailler dans les conditions les plus hygiéniques possibles et d'offrir un produit le meilleur possible.
La présidente : Juste avant Noël, nous avons publié un rapport sur la valeur ajoutée auquel nous avions travaillé depuis un certain temps. Dans ce rapport, nous avons recommandé que le gouvernement fédéral débloque des ressources supplémentaires pour aider les petits abattoirs à atteindre les normes HACCP. Ce que vous nous dites aujourd'hui nous donne des raisons supplémentaires d'insister sur ces recommandations.
Le sénateur Oliver : Je voudrais vous souhaiter la bienvenue à tous les deux. J'ai beaucoup apprécié vos exposés très intéressants.
Vous avez décrit certains des problèmes que les agriculteurs continuent d'éprouver avec la bureaucratie lorsqu'ils essaient d'établir un nouveau créneau pour favoriser la mise en marché du boeuf. Ce combat continue.
Le sénateur Tkachuk vous a questionnés au sujet des difficultés que vous éprouvez avec Financement agricole Canada. Néanmoins, avant même de mentionner cet organisme, vous avez dit que les banques ne vous aident pas du tout. Si vous voulez construire un nouvel abattoir, de nouvelles installations, pourquoi une banque n'est-elle pas prête à prendre des garanties sous la forme d'une première hypothèque? Quel problème avez-vous éprouvé avec les banques pour le financement de ces projets?
M. Reykdal : Nous avons eu des discussions préliminaires avec certaines banques. Elles trouvaient que c'était trop risqué à cause de l'incertitude à l'égard de l'ouverture de la frontière ou du risque que Cargill et Tyson nous obligent à fermer nos portes. Elles n'étaient pas prêtes à courir ce risque.
En tant que producteur primaire, j'élève un veau pour la boucherie, mais ce n'est pas moi qui en tire de l'argent. Ce sont les multinationales. Nous voudrions que le gouvernement fédéral nous aide, peut-être en garantissant les prêts que nous accordent les banques. Les banques seraient peut-être disposées à nous prêter de l'argent si le gouvernement fédéral voulait garantir les prêts.
Lorsque je vais à la banque emprunter de l'argent en tant qu'éleveur bovin, je n'ai pas de difficulté à obtenir un prêt, car mes terres et mon cheptel représentent mes capitaux propres. Le bétail n'a pas grande valeur, mais les terres valent encore quelque chose. Je crois que c'est là le problème que voient les prêteurs.
Financement agricole Canada s'est servi de statistiques, des prix et des profits antérieurs à 2003, et pas de ceux d'aujourd'hui. Avant 2003, il y avait un léger bénéfice à réaliser dans l'industrie de l'abattage. C'est dans la transformation que se trouvent les profits.
Le sénateur Oliver : C'est ce que nous appelons la « valeur ajoutée ».
M. Reykdal : Oui, et nous essayons de mettre cette valeur ajoutée dans la poche de l'éleveur bovin et non pas des multinationales. Nous voulons que cet argent aille à l'éleveur bovin, car comme je l'ai déjà dit, si vous donnez un dollar à l'éleveur, il le dépensera.
Le sénateur Oliver : Le comité a fait une étude sur la valeur ajoutée et nous sommes entièrement d'accord avec vous.
Deux entreprises se partagent 60 p. 100 de la capacité d'abattage hebdomadaire au Canada et vous commencez vous-même à faire un peu d'abattage pour retourner sur le marché. Il y a des chances que la frontière américaine soit rouverte le 7 mars et qu'un bon nombre de nos bovins seront transportés vers les abattoirs des États-Unis. Vous nous avez dit qu'une trentaine de groupes songeaient à établir leur propre abattoir, mais que depuis, ce chiffre est réduit à 14 ou 15.
Quel est le chiffre optimal? La quantité de bovins âgés de plus de 30 mois va bientôt diminuer. Quel est le nombre optimal de nouveaux abattoirs que nous pouvons avoir au Canada de façon à ce qu'ils puissent tous continuer à réaliser des profits et qu'il y ait suffisamment de bovins pour tenir ces abattoirs occupés de façon rentable?
M. Reykdal : Pour ce qui est du Manitoba : un seulement.
Le sénateur Oliver : Vous ne voulez aucune concurrence?
M. Reykdal : Ce n'est pas une question de concurrence. Si nous abattons 60 000 à 70 000 bêtes par jour, cela correspond à l'approvisionnement en bovins au Manitoba. Nous avons besoin d'autres abattoirs pour les animaux âgés de moins de 30 mois. Des projets d'abattoirs sont à l'étude pour ces bovins, mais nous sommes les seuls, pour le moment, à proposer un abattoir pour l'abattage des bêtes âgées de plus de 30 mois. Ce n'est pas que nous ne voulons pas de concurrence. Comme nous sommes une coopérative, les profits retournent au producteur primaire. Tout retourne dans les poches du producteur primaire.
Le sénateur Oliver : Même si vous êtes au Manitoba, quel effet l'ouverture de la frontière aura-t-elle sur la quantité de bovins âgés de plus de 30 mois dont vous avez besoin?
M. Reykdal : Cela n'aura aucun effet, car le 7 mars, la frontière ne sera pas ouverte pour les bovins de plus de 30 mois. Elle ouvrira seulement pour les animaux âgés de moins de 30 mois. Avant le 20 mai, tous les bovins du Manitoba, qu'ils aient plus ou moins de 30 mois, allaient dans les abattoirs au sud de la frontière ou encore vers l'Alberta ou Montréal.
Le sénateur Oliver : Quand la frontière américaine sera ouverte pour les bovins âgés de moins de 30 mois, cela veut-il dire qu'il n'y aura plus autant de bovins qui dépasseront l'âge de 30 mois? Seront-ils abattus plus tôt?
M. Reykdal : Cela ne fera aucune différence.
Le sénateur Oliver : Cela ne fera aucune différence; il y aura toujours le même nombre de bovins âgés de plus de 30 mois pour l'abattage?
M. Reykdal : Oui. Pour le moment, il y a un excédent de bovins âgés de plus de 30 mois. J'irais jusqu'à dire que nous en avons 120 000. Je n'ai pas vendu un seul animal de plus de 30 mois depuis le 20 mai. Cela fait un an et demi. Ces bêtes restent à la ferme.
Le sénateur Oliver : Monsieur Kuziw, sur les 14 abattoirs que l'on se prépare à construire, combien devrions-nous avoir au Canada pour que ces établissements demeurent rentables?
M. Kuziw : Pour le moment, nous avons entre 860 000 et 900 000 bêtes, rien que dans les trois provinces de l'Ouest. Pour ce qui est des bovins âgés de moins de 30 mois dont vous avez parlé, Cargill en abattra 1,2 million par année; Tyson Foods, 1.2 million par année, XL, à Calgary — si elle ouvre ses portes et je crois qu'elle le fera — en abattra environ 300 000 par année. Cela donne 2,7 millions d'animaux de moins de 30 mois. Je ne suis pas sûr que nous puissions en fournir autant pour le moment.
Le sénateur Oliver : Que dites-vous des 14 usines que l'on se prépare à construire?
M. Kuziw : Sur les 14 usines que l'on se prépare à construire, il y a les trois que j'ai mentionnées. Désolé, XL abat à peu près 300 000 bêtes par année actuellement à Calgary. Ce sont les trois établissements qui font l'abattage des bovins âgés de moins de 30 mois.
Sur ces 14 abattoirs, Canada Direct espérait obtenir le même système que l'Australie. Je ne sais pas si ce projet se matérialisera. Certains abattoirs vont certainement avoir des problèmes de main-d'oeuvre. Ce n'est pas tout le monde qui est prêt à travailler dans ces usines.
Le sénateur Oliver : Ce n'est pas pour tout le monde.
M. Kuziw : En effet. Je ne peux pas vous dire ce qu'il en est à l'est de la frontière de la Saskatchewan, car j'ai suffisamment à faire dans l'Ouest. Il y a l'abattoir d'Innisfail. Je vais maintenant passer aux bovins âgés de plus de 30 mois. Je crois que nous aurons les abattoirs voulus pour les bovins âgés de moins de 30 mois. Naturellement, certains petits abattoirs locaux se chargeront de l'abattage des bovins plus âgés pour les éleveurs ou quiconque veut acheter de la viande emballée, et il y aura au moins 100 000 têtes de bétail de ce type qui seront mises à la disposition des consommateurs locaux des trois provinces.
Pour ce qui est des bovins de plus de 30 mois, nous avons un abattoir à Pincher Creek. Il a besoin de 50 millions de dollars. C'est une petite ville au pied des montagnes, Cet abattoir n'a ni la main-d'oeuvre ni l'argent nécessaires.
Le sénateur Oliver : S'il obtient les 50 millions de dollars, quelle sera sa capacité d'abattage?
M. Kuziw : Il voudrait pouvoir abattre 200 bêtes par jour. Lethbridge va avoir un nouvel abattoir qui est tourné vers les États-Unis. Il veut se limiter à la qualité triple A et aux morceaux de choix. Nous lui souhaitons bonne chance, car on ne reçoit pas les bovins sous cette forme. Il faut d'abord commencer par les écorcher. Cela va coûter 160 millions de dollars.
Désolé, mais j'étais en vacances et j'ai laissé toutes mes notes à High River.
Le sénateur Oliver : Permettez-moi de vous poser une dernière question. Comment faire alors? Si les gens ne dépensent pas 50 millions de dollars pour s'apercevoir ensuite que la capacité n'est pas là, quelle est la meilleure solution compte tenu de l'ouverture du marché des États-Unis?
M. Kuziw : Je crois que le gouvernement fédéral devrait mettre sur pied un conseil d'administration ou une initiative quelconque pour diriger ces gens-là. Comme je l'ai dit, il y avait 32 projets d'abattoirs; il n'y en a maintenant plus que 14 ou 16, mais je sais que d'autres projets sont en préparation. Trois abattoirs différents m'ont demandé d'être leur coordonnateur ou de travailler pour eux. Il faut d'abord que je me remette des efforts que nous avons déjà déployés. J'espère ne pas avoir besoin tout de suite d'un stimulateur cardiaque.
Le sénateur Oliver : Pensez-vous que notre comité pourrait formuler des propositions pour améliorer une situation qui est presque critique?
M. Kuziw : Pour le moment, il faudrait sans doute aider tout le monde dans l'industrie agricole étant donné qu'elle a été dévastée. C'est tout ce que je sais. Nous avons d'autres activités, sur le côté, mais je suis dans l'agriculture depuis ma naissance. Quand cette crise est survenue, quand il y a eu ce désastre sur le plan des aliments fourragers et tout le reste, il aurait sans doute fallu aider à peu près tout le monde. Le seul problème que je puisse voir c'est que nous nous retrouvions avec un trop grand nombre d'abattoirs en Alberta, ce qui poserait un problème. Bien entendu, l'Alberta est une province riche qui dispose de toutes sortes de ressources et pourrait sans doute aider certains établissements. Toutefois, à ma connaissance, le gouvernement n'a pas encore donné un seul sou. Nous avons maintenant un nouveau ministre et les choses pourraient changer. Toutefois, nous ne pouvons pas nous attendre à survivre avec 14 abattoirs en Alberta. C'est impossible.
Le sénateur Tkachuk : Certains survivront.
M. Kuziw : Certains pourraient survivre. Cela va certainement réduire le nombre d'animaux. Nous avons de notre côté la B.C. Livestock Co-op qui est membre de notre abattoir. Elle avait essayé d'acheter cet établissement avant nous, mais elle n'avait trouvé personne. D'autre part, à part les jeunes qui sont là, voilà le genre de têtes que vous pouvez voir à toutes les réunions de producteurs. Il n'y a plus que des gens de cet âge pour faire marcher l'industrie du boeuf et de l'agriculture.
Nous avons déjà eu trois suicides chez les jeunes. C'est épouvantable. C'était déjà arrivé avant, il y a environ cinq ans, quand l'industrie céréalière et l'agriculture ont fait faillite dans le nord. Les gens du sud veulent toujours plus d'argent pour leurs terres si bien que ces jeunes sont allés s'établir dans le nord. Ils ont doublé la taille de leur production et de leur dette ou l'ont même triplée, mais le prix des céréales s'est effondré. Nous avons connu un terrible désastre dans le nord de l'Alberta.
M. Kuziw : C'est exact, sénateur Gustafson. C'est une situation difficile. Voilà pourquoi je me suis lancé dans ce projet. Pour le moment, pour ce qui est des abattoirs pour les bovins âgés de plus de 30 mois, nous avons celui de Moose Jaw, qui a sans doute maintenant une capacité de 420 000 têtes avec sa nouvelle chaîne d'abattage, ses nouvelles chambres froides et ses nouvelles installations. Il finira par recevoir les animaux de plus de 1 850 livres. Nous avons Blue Mountain Packers qui va sans doute abattre 30 000 têtes par an. Nous avons Innisfail qui voudrait faire la même chose que nous, mais qui n'a pas encore démarré. Je ne sais pas où en est cet abattoir avec l'ACIA et le HACCP, mais s'il est prêt, il fera sans doute la même chose que nous, c'est-à-dire 30 000 bêtes. Les abattoirs provinciaux abattent environ 100 000 bêtes par année. Les entreprises d'éleveurs font leur propre abattage pour la consommation locale et les petits abattoirs ont une capacité de près de 50 000 têtes, ce qui donne 645 000 têtes. Nous n'avons pas besoin d'un grand nombre d'abattoirs supplémentaires qui compromettront les profits des établissements qui existent déjà. N'oubliez pas que la marge bénéficiaire pour les bovins âgés de plus de 30 mois est beaucoup plus faible que pour les bovins âgés de moins de 30 mois.
Le sénateur Gustafson : Je ne sais pas quoi dire. Cela fait 26 ans que je siège dans ces comités et je me sens découragé. On nous a constamment parlé de « valeur ajoutée » et de « diversification ». Ce sont des expressions que le gouvernement répète sur tous les tons. J'en ai assez de les entendre, car cela ne marche pas.
Le sénateur Tkachuk : Ce n'est pas de ma faute.
Le sénateur Gustafson : J'essaie de vous faire comprendre notre problème. Par exemple, à Weyburn en Saskatchewan, pour augmenter la valeur ajoutée, les producteurs de blé dur ont essayé de se lancer dans la production de pâtes, mais ce projet n'a pas abouti. Ils n'ont pas réussi à surmonter les obstacles dressés par la Commission du blé et les autres règlements gouvernementaux. Cela pose un problème.
À Weyburn, nous avions une distillerie qui a essayé au moins trois choses différentes. Elle a fermé ses portes et, bien entendu, Molson a maintenant déménagé aux États-Unis. La distillerie a été remplacée par une fabrique de tracteurs australienne qui a fait faillite. Elle a fermé ses portes et pendant tout ce temps nous entendons parler de « valeur ajoutée ». C'en est également un autre exemple.
Pourquoi cette idée dont on nous a rebattu les oreilles ne marche-t-elle pas? Même si mon collègue a fait hier un merveilleux discours dans lequel il a analysé tout ce que nous avons entendu au comité, cela ne marche pas. Je crois qu'il faut en revenir à notre point de départ. J'aimerais que vous répondiez à cette question : avant l'ESB, l'industrie bovine était très prospère, n'est-ce pas?
M. Kuziw : Oui.
Le sénateur Gustafson : Les éleveurs gagnaient de l'argent.
M. Kuziw : Oui, certaines années, en effet.
Le sénateur Gustafson : Vous gagniez de l'argent parce que les Américains pouvaient vendre votre boeuf sur le marché international, n'est-ce pas?
M. Kuziw : Et nous le revendre ensuite.
M. Reykdal : Nous n'avons pas gagné tellement d'argent avant le 20 mai. Cela aurait pu aller mieux. Nous avons perdu de l'argent certaines années et nous en avons gagné certaines autres, mais la situation n'était pas si rose étant donné qu'un grand nombre de jeunes agriculteurs ont abandonné ce secteur. Comme l'a dit M. Kuziw, les jeunes agriculteurs sont allés dans les champs pétrolifères. Des gens de l'Alberta ont acheté des parts dans ma coopérative ainsi que des agriculteurs du Manitoba. Je leur ai demandé ce qu'ils faisaient en Alberta. Ils m'ont répondu que leurs fermes ne leur permettaient pas de vivre et qu'ils travaillaient donc dans les gisements de pétrole, mais qu'ils avaient toujours leur exploitation au Manitoba.
Le sénateur Gustafson : Il y a également d'autres raisons à cela. En Alberta, le prix des terres a grimpé énormément tandis qu'il a baissé en Saskatchewan. Il a diminué d'au moins 30 à 40 p. 100. En Alberta, le prix des terres a grimpé, mais c'est grâce à l'argent du pétrole. Cela n'a malheureusement pas grand-chose à voir avec l'agriculture.
Ce que je veux dire — et je voudrais votre avis — c'est que nous avons cédé nos intérêts aux États-Unis, que nous en soyons conscients ou non; et je suis plutôt pro-américain. Si vous prenez l'industrie céréalière, vous avez des sociétés comme Archer Daniels Midland; Cargill; ConAgra et United Grain Growers, qui appartient à 49 p. 100 à ADM. Elles construisent toutes de nouvelles usines et ont un marché captif.
Le prix de nos céréales est plus bas qu'il ne l'a été depuis des années. J'ai téléphoné au terminal de Weyburn Inland, l'autre jour et j'ai appris que le blé de bonne qualité se vendait à 2 $ le boisseau. Vous ne pouvez pas survivre avec des prix pareils alors que le prix des engrais augmente. Vous ne pouvez pas récupérer le coût de vos intrants. Tout cela est contrôlé par l'industrie américaine. Voilà ce qui se passe. La Commission du blé a perdu son influence sur le marché canadien.
Nous avons procédé à une diversification. Nous nous sommes lancés dans d'autres types de cultures. C'est ce que nous avons fait dans notre exploitation et tous les autres producteurs en ont fait autant. Que faisons-nous maintenant pour la transformation? Quand j'étais jeune, tout notre bétail allait chez Canada Packers, à Winnipeg. Grâce à l'argent de son pétrole, l'Alberta a acheté l'industrie en donnant des subventions. Quand j'ai engraissé du bétail en Alberta, j'obtenais une subvention de 70 $ par tête. Vous ne pouviez pas nourrir vos vaches en Saskatchewan ou au Manitoba et concurrencer l'Alberta. L'Alberta a acheté l'industrie. Comment allez-vous empêcher que cela se reproduise? Vous avez les grosses entreprises Tyson et Cargill. Un grand nombre des principaux parcs d'engraissement appartiennent maintenant aux Américains. Je dirais qu'une bonne partie du bétail américain sera engraissé au Canada parce que le fourrage y est bon marché. Vous pouvez acheter du blé à 75 cents le boisseau, ce qui n'est pas possible aux États-Unis. Les Américains vont expédier leurs veaux au Canada pour les engraisser. Je voudrais savoir ce que vous en pensez.
M. Reykdal : Je pourrais en parler longtemps. Comment l'empêcher? Une solution serait de limiter le nombre de bovins que peuvent posséder les parcs d'engraissement. Aux États-Unis, ils sont seulement autorisés à en posséder 7 p. 100. Au Canada, il n'y a aucune limite. Nous n'avons pas au Canada le Combines Act pour nous protéger.
Quand j'ai perdu le fil de mes pensées, tout à l'heure, j'allais dire que lorsque nos bovins engraissés traversaient la frontière, avant le 20 mai, les Américains les expédiaient vers le Japon et c'est donc eux qui réalisaient un profit. Pourquoi n'avons-nous pas simplement expédié nous-mêmes ces bovins vers le Japon? Ce marché n'était pas à nous, mais aux Américains. Comment le récupérer? Comment faire plus de transformation chez-nous? Nous devons commencer par faire fonctionner nos abattoirs, nous charger de la transformation et vendre le boeuf au Canada. Au lieu d'importer du boeuf des États-Unis ou d'autres pays, le consommateur canadien mangera du boeuf canadien, comme l'a dit le sénateur Tkachuk. Quand le consommateur se rend compte qu'il s'agit de boeuf canadien, c'est ce qu'il réclame. Nous n'avons pas à convaincre le consommateur canadien que notre boeuf est de bonne qualité. Les Canadiens aiment notre boeuf et vont le consommer.
Voilà ce que nous devons faire. Nous devons faire fonctionner nos abattoirs afin de pouvoir sortir notre produit.
Le sénateur Gustafson : D'après ce que je peux voir, cela pose un sérieux défi. Pouvons-nous réparer toutes les erreurs que nous avons commises jusqu'ici? Quand la Commission canadienne du blé a comparu devant le comité, je lui ai demandé à qui elle vendait le grain. La majeure partie de nos céréales est vendue à Cargill et ADM. Ces sociétés contrôlent notre industrie, que nous voulions l'admettre ou non. Cela ne fait aucun doute.
Je crois à votre idée de marché mixte pour le Manitoba. Il y en a déjà un en Colombie-Britannique. Pour l'amour du ciel, ne le faites pas disparaître. La situation de l'agriculture n'est pas rose.
M. Reykdal : Elle ne l'a jamais été.
Le sénateur Gustafson : Voulons-nous concurrencer les Américains comme nous l'avons fait dans l'industrie du bois d'oeuvre en nous livrant une guerre des prix? Les Américains ont bien réussi à vendre le boeuf canadien au Japon. Je vois M. Kuziw hocher la tête, car un vieil éleveur comme lui ne l'ignore pas.
Je peux comprendre pourquoi le gouvernement hésite un peu à accorder des sommes importantes pour la construction de nouveaux abattoirs. Je sais qu'il y a un vide à combler au Manitoba. En Saskatchewan, l'abattoir de Moose Jaw fonctionne de nouveau, mais il y a eu des hauts et des bas. Il va falloir analyser la situation attentivement pour décider de la voie à suivre.
M. Reykdal : Vous vous demandez pourquoi ils y investiraient de l'argent. Nous pourrions laisser tout simplement les Américains gérer notre pays.
Le sénateur Gustafson : C'est ce qui se passe. Voilà ce que je veux faire comprendre.
M. Reykdal : Si nous laissons faire, c'est ce qui arrivera. Si le gouvernement dit : « Pourquoi devrions-nous intervenir? Nous allons laisser Cargill et Tyson gérer notre industrie du boeuf pour nous », ce n'est pas ce que veulent les producteurs bovins.
Le sénateur Gustafson : Je suis tout à fait d'accord avec vous.
M. Reykdal : Nous ne pouvons pas adopter ce genre d'attitude. Nous ne pouvons pas accepter cela. Nous devons nous montrer proactifs, offrir des produits à valeur ajoutée et amener nos consommateurs à dire : « Nous voulons du boeuf canadien. Nous voulons du boeuf canadien, produit par les agriculteurs canadiens et dans des abattoirs canadiens ». Voilà quel doit être notre but.
Le sénateur Gustafson : Ne pensez-vous pas que les représentants du gouvernement se demandent si ça va marcher?
M. Reykdal : Au Manitoba, cela marchera.
Le sénateur Gustafson : À la condition que l'argent du pétrole de l'Alberta ne serve pas à verser des subventions pour le bétail et à racheter tous les bovins pour l'Alberta.
M. Reykdal : C'est une attitude négative.
Le sénateur Gustafson : J'ai engraissé des bovins pendant 10 ans. Si je l'ai fait en Alberta, c'est uniquement parce que les subventions de la Saskatchewan ne pouvaient pas égaler celles de l'Alberta. À un moment donné, ces subventions atteignaient 70 $ par tête. L'Alberta a acheté l'industrie avec l'argent du pétrole, ce qui a été une bonne opération commerciale pour l'Alberta, sans aucun doute. L'Alberta a pris tout le bétail du Manitoba et de la Saskatchewan.
M. Reykdal : J'ai abandonné l'engraissement quand c'est arrivé.
Le sénateur Gustafson : Qu'arrivera-t-il si la même histoire recommence?
M. Reykdal : Nous verrons à ce moment-là.
Le sénateur Gustafson : Je vous souhaite bonne chance, mais je crois qu'il est temps d'examiner les faits. J'ai entendu parler de valeur ajoutée et de diversification. Pour ce qui est du financement de l'agriculture, les banques ont toujours soutenu les producteurs à la condition que le gouvernement garantisse les prêts. Tant qu'elles n'ont pas à assumer de risques, elles prêtent de l'argent avec la garantie du gouvernement.
M. Reykdal : Les seuls qui sont censés courir des risques sont les producteurs. C'est ce que vous voulez dire?
Le sénateur Gustafson : C'est ce qui se passe.
M. Reykdal : Nous sommes les parieurs et le gouvernement fédéral n'est pas prêt à parier sur nous.
Le sénateur Mercer : Il ne dit pas que ce soit une bonne chose. Je crois que le sénateur Gustafson fait seulement une observation.
Le sénateur Kelleher : J'ai seulement une question à poser. L'idée de créer une valeur ajoutée me paraît bonne, car cela veut dire que nous commencerons à transformer le produit au Canada, ce qui nous rapportera plus d'argent. D'après moi, c'est très bien, mais à un détail près. Les Américains ne se sont pas taillé la place qu'ils occupent dans le monde en restant les bras croisés pendant que le Canada leur volait leur marché. Je connais suffisamment la question pour savoir que les États-Unis ont besoin de nos bovins. Si nous commençons la transformation chez nous, les États- Unis ne seront pas très contents et ils vont réagir. Cela pourrait même donner le même genre de situation que pour le bois d'oeuvre. Que vont faire les Américains si nous nous lançons dans ce genre de choses? Ils ne vont pas rester les bras croisés. Ils vont réagir. Cela aura un effet sur les abattoirs du Canada. Que feront les Américains? Ils s'inquiètent déjà de voir le Canada se diriger vers la production à valeur ajoutée et construire des abattoirs pour y parvenir. Que se passera-t-il?
Le sénateur Gustafson : Je pense devoir signaler que ce monsieur est l'ancien ministre du Commerce extérieur.
M. Reykdal : Peut-être que si nous avons des abattoirs au Manitoba, en Colombie-Britannique, en Alberta et en Saskatchewan et qu'il y en a également aux États-Unis qui se concurrent pour le bétail, les producteurs bovins obtiendront plus d'argent leurs animaux.
Le sénateur Oliver : Les prix augmenteront.
M. Reykdal : Comme les prix augmenteront, nous en sortirons gagnants de toute façon. Si nous n'avons pas d'usines de transformation au Manitoba ou ailleurs au Canada, il n'y aura pas de concurrence et nous devrons accepter les prix qu'on nous donnera. On dira : « Nous vous donnons tant la livre, c'est à prendre ou à laisser ». C'est ce qui se passe actuellement dans l'industrie.
Le sénateur Kelleher : Que feront les Américains lorsque ces abattoirs commenceront à fonctionner?
M. Reykdal : Pour le moment, ils se plaignent. Il y a aussi les pressions de nos producteurs de veau et de gens qui ont de gros appuis financiers. Ils demandent aux tribunaux de ne pas rouvrir la frontière aux bovins canadiens. On a annoncé à Washington, hier, que la viande de boeuf provenant d'animaux âgés de plus de 30 mois ne serait pas autorisée à traverser la frontière le 7 mars comme on l'avait annoncé précédemment. C'est une bonne nouvelle pour nous, car cela veut dire que le bétail sur pied ne franchira pas non plus la frontière de sitôt.
Le sénateur Kelleher : Je comprends, mais les mesures que vont prendre les Américains seront seulement temporaires. Que feront les Américains à long terme? Ils ne vont pas rester les bras croisés. Comment vont-ils réagir et quelles conséquences cela aura-t-il pour nous?
M. Reykdal : Je répéterais la même chose que ce que j'ai dit au sénateur Gustafson. Si nous attendons que les Américains nous disent quoi faire, nous serons toujours à leur merci. Si nous décidons de nous débrouiller tous seuls, au moins il se passera quelque chose. Nous pourrions les laisser nous piétiner, mais je ne pense pas que cela arrivera. Je sais que vous vous êtes occupé du commerce extérieur et que vous avez sans doute beaucoup plus d'expérience que moi. J'ai l'habitude de me battre et je ne vais pas abandonner.
Le sénateur Kelleher : Je me permettrais de vous faire remarquer que vous n'avez pas vraiment répondu à ma question. Monsieur Kuziw, avez-vous également une opinion?
M. Kuziw : Avant d'ouvrir l'abattoir Blue Mountain Packers ou de le relancer, nous avons établi le prix de toute notre viande, des bovins que nous achetons au prix exact du marché du jour. À ce moment-là, les vaches se vendaient en moyenne 60 cents la livre et les taureaux 70 cents la livre dans tout l'ouest du pays. C'est à ce prix que nous les vendions et que les Américains les achetaient. C'était le prix de nos intrants.
Comme vous l'avez mentionné, nous exploitons un créneau dans le marché de la viande fraîche désossée. Nous ne congelons pas notre viande. Les transformateurs secondaires avec qui nous sommes associés de très près peuvent continuer à utiliser notre produit. Costco a repris le marché du boeuf séché, qui est fabriqué à partir de la viande fraîche. Grimms le fabrique dans le sud de la Colombie-Britannique. Elle peut seulement utiliser de la viande fraîche à cause de la quantité de pression utilisée pour comprimer la viande. Elle utilise une pression d'environ 2 500 livres au pouce carré. Si elle se servait de viande congelée, qui contient des particules de glace, la viande s'effriterait lors de l'emballage. Nous espérons que ce produit restera très important pour cette entreprise comme pour nous.
Il y a de nombreux transformateurs secondaires sur la côte Ouest pour qui la viande fraîche permet d'ajouter de la couleur et de la saveur à la viande étrangère.
Cela vous éclaire-t-il un peu?
Le sénateur Kelleher : Pas vraiment, car je sais que les Américains ne resteront pas les bras croisés. Ils vont certainement réagir. Que feront-ils? Vont-ils déranger nos plans en ce qui concerne la valeur ajoutée? Vont-ils réussir? Ce sont d'énormes sociétés qui disposent de beaucoup d'argent et qui pourront supporter le ralentissement des affaires pendant plusieurs années.
M. Kuziw : Ils disposent également d'équipement de transformation secondaire que nous n'avons plus. Nous avons renoncé à tout cela.
Le sénateur Kelleher : Cela m'inquiète un peu. Ne vous méprenez pas. J'apprécie ce que vous faites. J'admire le courage des Canadiens.
Comme l'a dit le sénateur Gustafson, nous devons voir les choses du point de vue économique et je m'inquiète de ce l'avenir nous réserve.
M. Reykdal : Lorsque notre abattoir fonctionnera au Manitoba, il appartiendra aux producteurs, car ce sont les producteurs qui y ont investi. Quand vous faites un investissement, vous ne voulez pas le perdre. Si les producteurs n'amènent pas leurs animaux à notre abattoir, ils perdront leur investissement. Nous aurons donc un approvisionnement captif en bovins. Une fois que nous aurons cet approvisionnement captif, les autres devront payer très cher pour obtenir les bêtes. Cela va nous conférer un avantage.
Pour ce qui est de vendre notre produit, le désossage à chaud, qui a fait ses preuves dans d'autres pays, nous apportera un avantage par rapport à la concurrence américaine.
Ce sont là quelques exemples des avantages que nous aurons de notre côté.
Le sénateur Callbeck : Ce matin, on a parlé un peu du commerce interprovincial. Si j'ai bien compris, pour vendre dans d'autres provinces, vous devez être agréés par l'ACIA, ce qui veut dire que vous devez respecter la réglementation fédérale, c'est-à-dire les mêmes règles ou normes que celles à respecter pour vendre à un pays étranger. C'est bien cela?
M. Kuziw : Ce sera le cas. Ce n'est pas encore vrai pour le moment.
Le sénateur Callbeck : Je crois que la réglementation qui doit entrer en vigueur prévoit certaines conditions qui sont là parce que les pays étrangers les ont réclamées, mais qui n'ont, en fait, rien à voir avec la salubrité des aliments ou du produit.
Êtes-vous d'accord avec les normes que prévoit la nouvelle réglementation? Devrions-nous avoir un niveau de normes différent pour le commerce interprovincial et le commerce international?
M. Kuziw : La salubrité des aliments demeure le premier objectif des normes. Nous devons toujours en tenir compte. Je ne veux pas dire que les aliments produits par les petits abattoirs ne sont pas salubres, car je n'ai pas entendu parler de gens qui seraient morts après en avoir consommé. Le seul problème qu'il y a eu est la contamination de la viande hachée, mais nous ne savons pas si elle est attribuable à ce que le consommateur en a fait une fois que la viande a quitté l'établissement de transformation secondaire ou le magasin. Le problème le plus récent était lié à la consommation de viande hachée crue, ce qui n'est pas une bonne chose à faire de toute façon. Comment cette viande a-t-elle été préparée? Dans la plupart des cas, la viande hachée est sûre à 100 p. 100. La seule différence est qu'elle subit beaucoup plus de manipulation qu'une pièce de viande entière.
Je crois que certaines normes provinciales devraient être resserrées, mais cela étoufferait-il l'industrie? Je ne sais pas si les petits abattoirs peuvent suivre le programme HACCP. Un grand nombre d'entre eux n'auront pas les moyens de le faire, surtout si le gouvernement ne les aide pas en leur offrant au moins un système générique. Quelqu'un pourrait peut-être compiler tous ces documents dans un ordinateur. Pour le moment, cela remplit quatre gros classeurs et nous n'en sommes sans doute qu'à la moitié. C'est seulement pour le programme HACCP, car tout doit être écrit. J'espère que nous ne tuerons pas les petits abattoirs.
Le sénateur Callbeck : Quels sont les nouveaux règlements ou nouvelles normes qui seront les mêmes pour le commerce international et le commerce interprovincial?
M. Kuziw : Ce qui nous a causé un sérieux problème lorsque nous avons essayé d'obtenir l'approbation de l'ACIA, c'était le poste d'inspection. Nous avions respecté la règle de 244 centimètres carrés qui figurait dans la brochure de l'Agence. Une fois rénové, notre élévateur répondait à cette norme. La semaine suivante nous avons appris que la norme de l'USDA prévoyait une station d'inspection de 4 pieds sur 8. Nous ne pouvions pas l'installer sans démolir un mur extérieur ou, comme on nous l'a suggéré, sans modifier un rail. Vous ne pouvez pas installer un coude dans un rail automatique si vous avez un animal qui arrive toute les deux minutes. Où pourriez-vous installer un poste de 4 pieds sur 8 pour l'inspection des carcasses dans certains de ces abattoirs? De nombreux établissements n'ont pas cette installation et ne font pas de lavage à l'acide citrique pour protéger la viande contre l'E coli et la salmonelle. Ils ne font pas les prélèvements, car cela coûte 20 $ par test. Si nous le faisons, cela fera grimper les coûts. C'est très bien si vous abattez des milliers de têtes par jour, comme Cargill qui abat quotidiennement 5 200 têtes de bétail. Nous ne pouvons pas le faire, M. Reykdal ne le fera pas, pas plus qu'un grand nombre de ces petits abattoirs. Néanmoins, il y a de bonnes idées à suivre pour le traitement des animaux comme les programmes pour les races Black Angus et Hereford. Les États-Unis ne feront pas la même chose de l'autre côté de la frontière. Je ne l'ai pas mentionné au sénateur Kelleher, mais je ne pense pas qu'ils participeront à ce programme, parce qu'il sera plus ou moins local.
Le sénateur Callbeck : À l'heure actuelle, les normes pour le commerce interprovincial ne sont pas les mêmes que pour le commerce international, mais elles le deviendront.
M. Kuziw : C'est exact, et elles sont différentes de celles de l'Union européenne.
Le sénateur Callbeck : Cela va rendre les choses beaucoup plus difficiles pour le petit producteur.
M. Kuziw : Sans aucun doute.
Le sénateur Callbeck : Quand ces normes vont-elles entrer en vigueur?
M. Kuziw : Nous sommes censés recevoir une lettre de l'ACIA avant la fin de février pour nous dire que nous devons obtenir l'agrément HACCP ou présenter notre demande d'ici le 29 novembre.
Le sénateur Callbeck : Merci.
Le sénateur Gustafson : J'étais député depuis plusieurs années lorsqu'il y a eu un problème entre le Manitoba et la Saskatchewan. Quelqu'un essayait de vendre du boeuf entre Gainsborough et Brandon, mais ne pouvait pas le faire parce qu'une des deux provinces exigeait une construction en briques et en blocs de ciment tandis que l'autre prévoyait des deux par quatre recouverts de tôle d'acier. Cette personne ne pouvait donc pas vendre dans l'autre province. Au Canada, nous fonctionnons comme 10 États séparés. Nous parlons du libre-échange au niveau international, mais nous n'avons même pas le libre-échange entre les provinces du pays. C'est là notre principal problème.
M. Kuziw : Absolument.
Le sénateur Gustafson : Monsieur Kuziw, ce même problème existe sans doute partout. Hachez-vous de la viande ou qui le fait?
M. Reykdal : C'est une transformation secondaire et nous envisageons de le faire un peu plus tard.
Le sénateur Gustafson : Je suppose que McDonald's représenterait la meilleure façon de se débarrasser de la majeure partie du boeuf plus coriace s'il rapporte 12 cents la livre.
M. Reykdal : Je ne dirais pas que c'est du « boeuf coriace ». Il n'est pas vraiment coriace. La viande dure n'est pas destinée aux hamburgers, mais à la transformation secondaire. Le hamburger que vous mangez est sans doute fait à partir de la viande de meilleure qualité, car c'est ce que je ferais moi-même.
Le sénateur Gustafson : J'ai l'impression que votre usine de transformation aurait un marché captif dans le sud de la province, monsieur Kuziw.
M. Kuziw : En effet, sénateur Gustafson. Avec les membres de la coopérative de notre côté, notre clientèle s'étend de Vanderhoof jusqu'à la frontière de la Colombie-Britannique. Cela a sans doute été une de nos meilleures décisions. Si nous les avons ralliés à nous, c'était surtout parce que nous ne pouvions pas lever les fonds nécessaires en vendant suffisamment de parts.
Je vais répondre à votre question concernant la viande hachée et la valeur ajoutée. Notre abattoir fonctionne depuis le 10 novembre. Au cours des deux dernières semaines, nous n'avons pas réussi à répondre à la demande des gens du sud de la province qui voulaient acheter notre viande. On nous a demandé de la viande en Alberta, mais nous n'avons pas pu la fournir parce que notre production était insuffisante. Voilà pourquoi nous avons besoin d'aide pour augmenter la capacité d'abattage dans la région de Salmon Arm pour les bovins âgés de plus 30 mois, dans l'intérêt des éleveurs. Cela a permis d'augmenter le prix du bétail dans cette région.
Le sénateur Gustafson : Vous avez un marché captif de 4 millions de consommateurs.
M. Kuziw : C'est exact.
La présidente : Honorables sénateurs, monsieur Reykdal et monsieur Kuziw, c'était une séance très animée. Merci.
M. Reykdal : Au nom de tous les producteurs du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Ontario, je vous remercie de nous avoir permis de comparaître devant le comité pour faire valoir notre point de vue.
M. Kuziw : Je vous remercie au nom de l'Alberta, de la Colombie-Britannique, et un peu aussi de la Saskatchewan.
La séance est levée.