Aller au contenu

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 9 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 22 mars 2005

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 18 heures, pour examiner l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture et des forêts du Canada.

Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Je déclare la séance ouverte. Ce soir, nous accueillons deux témoins qui viennent nous parler d'une question d'une grande actualité partout au Canada, soit la crise provoquée dans notre industrie du bœuf par la fermeture de la frontière américaine.

Ainsi, du Conseil des viandes du Canada, nous entendrons Arie Nuys, son président, et Jim Laws, son directeur exécutif.

Messieurs, je vous remercie beaucoup d'être venus ici aujourd'hui. Si vous voulez bien faire votre exposé, nous vous écoutons, après quoi nous passerons aux questions.

M. Arie Nuys, président, Conseil des viandes du Canada : Merci, madame la présidente.

Notre déclaration comportera quatre volets, le premier étant un aperçu du Conseil des viandes du Canada et de ses membres, le deuxième portant sur les questions défavorables qui affectent notre industrie, le troisième, sur les faits nouveaux favorables survenus dans l'industrie et le dernier, les programmes et politiques que le gouvernement pourrait mettre en place pour favoriser notre croissance. En effet, quand nous grandissons, le producteur en profite également.

Le Conseil des viandes du Canada est l'association commerciale nationale qui regroupe les conditionneurs et transformateurs de viande rouge sous régime d'inspection fédéral. Les activités du conseil sont centrées sur des questions intéressant le gouvernement fédéral et la liaison avec d'autres associations commerciales nationales comme les éleveurs d'animaux de ferme, les détaillants de viande, les consommateurs et les professionnels de la santé.

Nos membres ont un chiffre d'affaires total de 11 milliards de dollars approximativement et ils emploient quelque 34 000 personnes. Ils transforment 89 p. 100 de tout le bœuf abattu et 94 p. 100 de tout le porc abattu sous un régime d'inspection fédéral. Nous représentons la quatrième industrie manufacturière en importance du Canada.

Nos membres se composent d'entreprises de diverses tailles. Les plus importantes sont Maple Leaf Foods, Olymel, IBP et Cargill, alors que les entreprises moyennes incluent Better Beef, XL Foods et Delft Blue.

Il est intéressant de noter que les membres à la fois ordinaires et associés comprennent des entreprises canadiennes comme américaines. C'est pourquoi notre industrie tient tant à l'harmonisation avec le régime des États-Unis.

Nous avons inclus dans notre exposé la composition du conseil de 1980 et celle de 2005. Parmi les membres de 1980, huit sont encore membres. Tous les autres ont fait l'objet d'une prise de contrôle ou ont été consolidés. L'industrie, en constante évolution, a des problèmes qui lui sont propres. Nous avons également inclus une liste de nos membres actuels.

Récemment, dans notre industrie, les entreprises, Maple Leaf et Schneiders ont fusionné. Une autre fusion est actuellement projetée entre Olymel, Lafleur et Brochu. Nous estimons que l'intégration est avantageuse pour notre industrie. Elle nous permet de rivaliser sur la scène internationale en tant que producteurs plus efficaces à faibles coûts.

Nous estimons également que les regroupements dans l'industrie avec des joueurs plus importants ouvrent des marchés aux plus petits conditionneurs, y compris à ma propre entreprise. Ils créent des niches qui suppléent aux marchés des grands conditionneurs.

Tous nos membres sont inspectés sous un régime fédéral par l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Nous travaillons de concert avec l'ACIA quotidiennement et comptons des employés de l'agence en permanence dans nos établissements. Nous entretenons d'excellentes relations avec cet organisme.

La présidente : À titre indicatif pour nos téléspectateurs, je signale que l'Agence canadienne d'inspection des aliments est un très important joueur en cette période difficile que vivent l'industrie et les usines de conditionnement.

M. Nuys : C'est vrai, et j'aimerais réaffirmer que nos relations avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments sont très bonnes.

En ce qui concerne les conséquences de l'ESB, beaucoup d'incertitude flotte actuellement sur le marché, depuis l'injonction accordée à R-CALF pour retarder l'ouverture de la frontière américaine aux bovins sur pied du Canada. Il ne sera vraiment pas facile de regagner nos marchés du bœuf, du veau et de l'agneau dans des pays comme le Japon et la Corée étant donné que d'autres fournisseurs nous ont remplacés, comme les producteurs australiens, néo-zélandais et brésiliens.

Les procédés sont en place pour retirer toutes les matières à risque spécifiées (MRS) des animaux. Le problème, c'est que la matière envoyée à la fonte ne vaut plus rien et que c'est l'industrie qui doit assumer le coût du retrait des MRS.

En ce qui concerne le veau, un de nos meilleurs clients, l'Arabie saoudite, a fermé ses frontières aux importations canadiennes il y a deux semaines. Des conteneurs étaient déjà en route, et nous ignorons si l'Arabie saoudite les laissera entrer.

Dans notre industrie, il faut tenir compte du taux de change. Au cours des deux dernières années, le dollar canadien s'est apprécié de 30 p. 100 par rapport au dollar américain, ce qui affecte nos échanges avec les États-Unis. Si la frontière américaine n'avait jamais été fermée aux bovins sur pied du Canada, notre revenu aurait tout de même baissé en raison du taux de change.

Durant la crise de l'ESB, la question des autres bétails comme le mouton et le veau a été occultée. L'industrie du veau de lait, par exemple, est un marché presque entièrement intégré. Le conditionneur est soit propriétaire de la ferme d'élevage ou emploie à contrat un agriculteur qui loge et nourrit les animaux. Cela signifie que le transformateur a absorbé les pertes qui se sont produites dans le secteur du veau à la suite de la crise de la vache folle. Le secteur du veau a été tout aussi touché que celui du bœuf par la crise de l'ESB.

Passons à d'autres questions. L'Organisation mondiale de la santé a déclaré que la maladie de la vache folle n'est qu'une des nombreuses nouvelles maladies à se manifester au cours des dernières années. Durant les dernières décennies du XXe siècle, plus de 30 nouvelles maladies, y compris le VIH/sida et la fièvre hémorragique Ébola, se sont manifestées pour la première fois, et l'avenir pourrait bien nous réserver d'autres surprises. Les risques sont de plus en plus élevés. Un seul incident suffit. Avec la maladie de la vache folle, un seul cas repéré en Alberta a mis K.-O. toute l'industrie. Ce fut identique lorsqu'on a repéré la présence d'E. coli 0157-H7 dans l'eau potable de la Ville de Walkerton. La grippe aviaire a causé la mise en quarantaine d'énormes exploitations de volailles en Colombie-Britannique. Une usine de conditionnement d'Aylmer, en Ontario, a été accusée d'avoir vendu de la viande provenant de cadavres d'animaux.

Un autre problème est le droit antidumping imposé par les États-Unis sur le porc. Ils n'ont pas imposé de droit compensateur, mais un droit antidumping d'environ 10 p. 100. Une poursuite antidumping est également en instance pour le veau.

Une autre question qui nous préoccupe vivement est l'étiquetage du pays d'origine que les États-Unis s'apprêtent à exiger en 2006. Cet étiquetage pourrait avoir de graves conséquences sur nos ventes sur le marché américain. Il s'agit-là d'une énorme barrière commerciale pour notre industrie.

M. Laws, notre directeur exécutif, va maintenant vous parler de certains faits nouveaux favorables à l'industrie.

M. Jim Laws, directeur exécutif, Conseil des viandes du Canada : Il y a eu de nombreuses bonnes nouvelles au cours des dernières années dans l'industrie de la viande du Canada.

La diapositive que vous voyez actuellement montre comment des animaux vivants aboutissent parfois dans notre usine. La diapositive suivante illustre un important investissement fait dans une usine de l'ouest du Canada qui s'est dotée de la laveuse de carcasse que voici. Elle fonctionne essentiellement comme un énorme lave-auto. Elle a exigé l'investissement de plusieurs millions de dollars et un agrandissement de l'usine. Sa seule raison d'être est de tuer la bactérie E. coli naturellement présente sur le cuir des animaux. Nous avons tous entendu parler d'intoxications alimentaires causées par la « maladie du hamburger », lorsque la viande est contaminée par la bactérie E. coli 0157:H7. Tous les conditionneurs, préoccupés par cette question, ont investi beaucoup d'argent pour mettre en place les systèmes qui s'imposaient.

D'ici novembre 2005, toutes les usines soumises à une réglementation fédérale doivent se conformer au Programme d'amélioration de la salubrité des aliments, un fait nouveau très favorable dans l'industrie. Le processus d'inspection de l'Agence canadienne d'inspection des aliments est en constante évolution. Elle nous envoie constamment de nouvelles lignes directrices de manière à ce que nous puissions suivre les nouveaux développements et avoir des processus à jour.

La technologie de traçabilité et d'identification des bêtes est impressionnante. Les étiquettes d'identification par radio-fréquence qui sont uniques à chaque animal coûtent maintenant moins de 3 $ et peuvent être lues par un lecteur de 5 $. Cette technologie nous permet de faire bien des choses.

Autre exploit, la capacité de transformation s'est accrue sensiblement au Canada depuis que les frontières ont été fermées. En 2003, nous avons transformé 70 000 têtes par semaine et, dès juin de cette année, cette capacité pourrait bien passer à plus de 90 000 bêtes par semaine. C'est là une croissance de 20 000 par semaine ou plus d'un million par année. Le problème de capacité est donc bel et bien réglé. Au cours des dernières semaines, certains abattoirs de bœuf ou encore de vache n'arrivaient pas à trouver suffisamment de bêtes pour répondre aux besoins de leurs usines de conditionnement. C'est peut-être attribuable à la période de l'année, mais même en offrant de bons prix pour cette période de l'année, ils n'arrivaient pas à obtenir suffisamment de bêtes pour répondre à leurs besoins.

La présidente : Dans quelle région y avait-il un problème?

M. Laws : Dans un abattoir particulier du Québec et dans certains abattoirs de l'Ouest du Canada, on n'arrivait pas à obtenir suffisamment d'animaux adultes.

Simultanément, nous avons vécu de nombreuses réussites. Beaucoup d'usines de transformation et d'importantes exploitations de porc ont pris de l'expansion. Maple Leaf a une belle usine à Brandon, au Manitoba, et elle envisage d'y ajouter un deuxième poste de travail, doublant ainsi sa capacité. De plus, l'usine d'Olymel à Red Deer a annoncé des plans d'expansion, et je crois que les travaux de construction ont déjà commencé. Ce sont-là toutes de bonnes nouvelles.

La diapositive que nous vous montrons actuellement est tirée d'un tableau produit chaque semaine par Agriculture Canada qui permet de se faire une idée de l'offre de bœuf d'un simple coup d'œil. La ligne solide représente la moyenne quinquennale. La ligne du haut représente les bovins engraissés qui ont été abattus, soit les jeunes animaux. Les barres représentent 2004 et les carrés, 2005. Vous pouvez donc voir que nous nous situons bien au-delà de la moyenne quinquennale et que notre évolution se fait dans la bonne voie.

La diapositive suivante représente Freybe Gourmet Foods, située dans le bas de la vallée du Fraser, en Colombie-Britannique. Il s'agit d'une entreprise familiale, comme le sont de nombreuses entreprises de transformation des aliments et de conditionnement au Canada. Ce bâtiment a mérité récemment un prix d'architecture. Il ne date que de quelques années.

Sur la prochaine diapositive, vous allez voir le magnifique aménagement respectueux de l'environnement, y compris d'un cours d'eau où fraie le saumon. À l'intérieur de l'usine, vous pouvez voir comme c'est propre, comme l'équipement et le design sont modernes, de même que le soin qu'ils ont pris de leurs employés. C'est là un autre exemple de réussite au Canada.

La technologie est en train de révolutionner le commerce partout dans le monde. Nous avons tous à notre disposition des machines dont nous n'aurions jamais rêvé, il y a quelques années. La technologie utilisée dans les usines de conditionnement est impressionnante. J'en veux pour exemple entre autres la traçabilité. Maple Leaf a mis au point un système de traçage de l'empreinte génétique et Brochu, au Québec, a développé un système de code à barres. De nombreuses usines peuvent suivre leurs produits au moyen de tatouages sur les porcs et de code à barres sur les bovins.

On déploie des efforts actuellement en vue de pouvoir localiser chaque ferme au Canada, ce qui peut facilement se faire avec le système mondial de localisation. Quand ces systèmes ont vu le jour pour la première fois, il y a quelques années, ils coûtaient 900 $ chacun environ, alors que leur coût actuel est moins de 100 $. C'est très impressionnant comme technologie.

Ces usines ont aussi du matériel de conditionnement impressionnant. Tout est très hygiénique, haute vitesse et moderne. Le marketing sur l'Internet et la rapidité de communication sont en train de changer la façon dont le monde brasse des affaires. Comme exemple, je crois savoir que vos délibérations d'aujourd'hui sont diffusées sur le Web au moment même où je parle. C'est stupéfiant.

Les diapositives qui suivent viennent de collègues du Canada Beef Export Federation et de Canada Porc International. La première diapositive illustre les exportations de bœuf depuis 1990. Vous pouvez constater qu'en 1990, les exportations étaient de moins de 100 000 tonnes par année et qu'en une décennie, elles ont quintuplé. Naturellement, elles ont baissé en 2003 mais la bonne nouvelle, c'est qu'en 2004, elles ont renoué avec le niveau de l'an 2000. Voilà de quoi se réjouir.

Dans la prochaine diapositive, vous allez voir les exportations de porc canadien qui sont environ le double des exportations de bœuf un peu partout dans le monde. L'industrie du porc est très importante au Canada et a connu une croissance phénoménale au cours des 15 dernières années. La demande de bacon est très robuste et le prix, excellent. Naturellement, le prix du porc vivant est également élevé. Il ne faut pas sous-estimer l'effet du régime Atkins. Nous avons tous vu les données statistiques. Les Américains et les Canadiens ont un poids trop élevé, et le régime Atkins a sensiblement contribué à accroître notre chiffre d'affaires.

De nombreux supermarchés passent maintenant des contrats pour obtenir de la viande prête à découper en caisse d'usines comme Delf Blue, où notre président, M. Nuys, travaille. Voilà un changement fondamental à survenir dans notre industrie. De cette manière, les boucheries assument moins de risques. C'est une méthode beaucoup plus propre et la salubrité des aliments est plus grande si tout se fait en un seul endroit centralisé. L'usine appose le logo du magasin qu'elle approvisionne et le prix. Le magasin n'a ensuite qu'à transporter la viande et à la mettre sur les tablettes; la viande est prête à consommer. Voilà un changement d'importance par rapport aux dernières années dans l'industrie de la viande canadienne.

Que faudrait-il que le gouvernement fasse? Nous avons entamé le cycle de négociation de Doha à l'Organisation mondiale du commerce et des pourparlers d'importance se tiennent au sujet de l'agriculture. Il faut que les choses changent. Nous devons arracher d'importantes réductions des subventions à l'exportation, un accès minimal amélioré au marché et une baisse des subventions. Nous savons à quel point les ventes à l'exportation ont de l'importance pour l'industrie de la viande canadienne et nous tenons à ce que le Canada participe à cette table de négociations. Nous sommes des libre-échangistes dans le secteur de la viande et, bien qu'il y ait des points sensibles dans le régime canadien, nous devons reconnaître que l'industrie de la viande est le quatrième secteur manufacturier en importance du Canada. Elle est extrêmement importante, et il ne faudrait pas sous-estimer l'importance de négociations réussies à son sujet dans le cycle de Doha.

Nous continuons de travailler à de nombreuses priorités réglementaires. Par exemple, nous essayons encore de faire approuver la présence de lactate de sodium dans les viandes non cuites. Les États-Unis s'en servent pour contrôler les bactéries. Autre exemple : l'irradiation du bœuf haché frais et congelé. Les Américains sont autorisés à utiliser cette technologie qui, ironiquement, est canadienne. Au Canada, son utilisation n'est pas approuvée, mais nous aimerions pouvoir nous en servir.

Nous sommes de chauds partisans de la recherche et sommes reconnaissants au gouvernement de tout soutien qu'il peut donner en la matière. Nous aimerions que soit effectuée de la recherche sur, par exemple, le mucilage de l'équipement; le Listeria monocytogenes; un test rapide de dépistage de l'ESB pour les animaux vivants; une réduction de E. coli 0157:H7, un problème constant pour nous; et les attributs qualitatifs du porc.

En ce qui concerne les questions touchant la santé des animaux, vous avez probablement entendu parler de l'idée de scinder le Canada en deux zones distinctes à partir de West Hawk Lake, sur la frontière entre l'Ontario et le Manitoba. Nous sommes certes en faveur de cette idée.

Nous estimons qu'il faut travailler davantage au plan national de mesures d'urgence à l'intention de toute l'industrie animale. Nous ne sommes peut-être pas prêts à faire face à des urgences. Certaines grandes usines de conditionnement ont de bons plans en place mais, comme nous l'avons vu, il n'a fallu qu'un seul animal pour que les frontières se ferment aux exportations canadiennes. Il faut faire en sorte que chacun soit préparé.

En ce qui concerne l'identification des animaux, leur traçage et leur traçabilité, vous avez probablement entendu dire que le Canada devance les États-Unis pour ce qui est de retracer, d'identifier et de dater le bétail. Nous aimerions que soit accéléré le processus grâce auquel tous les agriculteurs adopteraient les étiquettes d'identification par radio-fréquence. Ce serait avantageux pour tous.

Un autre problème qui affecte constamment nos membres est la disponibilité d'une main-d'œuvre qualifiée dans nos usines. Le travail est difficile et répétitif. Il s'accomplit dans le froid, et il faut donc une certaine compétence pour travailler dans ces usines. Même avec la technologie actuelle, il reste beaucoup de travail manuel à faire, bien que les robots se chargent de couper les carcasses dans certaines usines d'abattage du porc. Le secteur pétrolier de l'Alberta nous livre une vive concurrence pour la main-d'œuvre qualifiée. De la même façon, en Ontario, une grande partie de l'activité économique est à la recherche de travailleurs.

Nous sommes allés de nombreuses fois à Washington pour rencontrer nos homologues de l'Americain Meat Institute au cours des dernières années. Nous ne pouvons nous permettre d'oublier que les Américains sont notre principal client. Heureusement, nous pouvons encore expédier aux États-Unis beaucoup de boeuf désossé provenant de jeunes animaux. La situation aurait pu être bien pire.

L'Agence canadienne d'inspection des aliments et l'USDA ont une entente d'équivalence depuis de nombreuses années. Elles font une vérification des processus l'une de l'autre tous les deux ans. Il s'agit d'un dossier permanent, et nous ne pouvons faire comme si nos clients américains n'existaient pas. Ils sont si proches et si importants.

Nous appuyons le projet de loi C-27, actuellement à l'étude au Parlement. Nous n'y voyons pas beaucoup de nouveauté par rapport à l'industrie de la viande. Nous avons déjà fait l'objet d'une application rigoureuse de la loi, au niveau fédéral, et nous nous conformons aux règles. Le projet de loi à l'étude ne fait que regrouper sous un même titre les pouvoirs d'application de la loi. Elle confère le pouvoir de voir un peu plus rapidement aux infractions, et elle appuie la sécurité nord-américaine et la Loi sur l'Agence des services frontaliers du Canada. Le fait qu'elle permette la délivrance de certificats d'exportation électroniques est très excitant. Actuellement, tout se fait à la mitaine, en sept exemplaires, ce qui n'est pas très rapide. La Nouvelle-Zélande et l'Australie se servent des certificats électroniques, et nous estimons important de les adopter chez nous.

Enfin, parlons de l'ESB. Si le gouvernement envisage un nouveau programme en matière d'ESB pour les éleveurs, nous le prions de ne pas en faire une mesure qui crée de la distorsion sur le marché. Les conditionneurs ont assumé une grosse part des conséquences de l'ESB au cours des 20 derniers mois. Or, ce ne sont pas eux qui ont conçu les programmes, et ce ne sont pas eux qui ont fermé les frontières. Nous avons parlé à beaucoup de gens des effets de ce seul programme qui a été mis en place par le gouvernement.

Nous estimons également qu'il faudrait avoir en place un programme ciblant les animaux plus âgés nés avant 1999, en grande partie les bovins et les bovins laitiers de race qui sont les plus susceptibles de contracter la maladie de la vache folle. Nous ne souhaitons pas qu'on découvre de nouveaux cas. Alors, sortons ces animaux de la filière. Nous ne croyons pas qu'il faudrait procéder à une réforme massive de ces animaux et nous estimons qu'ils ont encore une valeur commerciale. Comme je l'ai dit, nous n'arrivons pas à répondre à la capacité de nos usines actuellement.

Nous avons entendu dire qu'on devrait assouplir les règles pour permettre à certaines usines sous réglementation provinciale de faire des livraisons d'une province à l'autre. Cette suggestion nous inquiète vivement, et nous sommes contre. Le régime d'inspection fédéral est bon. Il est déjà en place partout au pays. Il est inutile de trouver une formule quelconque de compromis. Les neuf dixièmes de toute la viande passent par des usines sous réglementation fédérale. Il serait plus simple de placer toutes les usines sous un même régime. Nous employons à temps plein des gestionnaires de contrôle de la qualité et un vétérinaire est sur place, dans nos usines, pendant toutes les opérations d'abattage. Ce n'est pas le cas dans d'autres provinces, et il faudrait l'exiger partout au pays.

La présidente : Monsieur Laws, le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts tient des audiences à ce sujet depuis quelque temps déjà. Votre exposé d'aujourd'hui est, me semble-t-il, le bilan le plus positif qu'il nous ait été donné d'entendre sous des cieux autrement très sombres. Je ne souhaite pas par ces propos enlever quoi que ce soit à l'exposé de M. Nuys, qui a fait état des préoccupations et des difficultés de l'industrie, mais vous nous avez montré que tout n'est pas noir et qu'il existe des éléments positifs.

Le sénateur Tkachuk : À la fin de votre exposé, vous avez parlé de distorsions du marché créées par le programme du gouvernement fédéral. Quelles en étaient les lacunes et quels problèmes a-t-il engendrés exactement?

M. Laws : Un des problèmes, c'est qu'il comportait une échéance. Tout le monde s'est rué pour en profiter, de sorte qu'il y a eu une offre massive de bétail, ce qui a fait baisser le prix. Nos acheteurs se faisaient offrir du bétail pour moins que ce que nous offrions. C'est l'échéance qui a fait baisser le prix.

M. Nuys : En 2003, le bénéfice moyen réalisé par le producteur d'un bouvillon était de 39,32 $, subvention gouvernementale incluse. En 2004, subvention toujours incluse, le bénéfice était de 7,61 $. Le producteur a perdu, en moyenne, 16,71 $ de 1991 à 2004.

Le sénateur Tkachuk : Le producteur a perdu tant que cela?

M. Nuys : Oui. Par conséquent, les producteurs s'en sont mieux sortis en 2003 et en 2004 qu'au cours des douze années précédentes, en moyenne.

Le sénateur Tkachuk : Quelles ont été les mauvaises années?

M. Nuys : La pire a été 1997, quand le producteur a perdu 82 $ et la deuxième, en termes de gravité, a été 1995, quand il a perdu 65 $.

Le sénateur Tkachuk : En d'autres mots, nous avons absorbé des pertes plus grandes que celles qui ont été causées par l'ESB?

M. Nuys : Non, les pertes étaient moins le résultat de la subvention de 2003-2004.

Le sénateur Tkachuk : Je vais laisser le sénateur Mercer poursuivre dans cette veine, parce que le programme le préoccupait.

Vous avez dit que le programme d'étiquetage du pays d'origine aurait un effet défavorable. Cet effet vient-il du conditionnement comme tel qui serait exigé ou du fait que le produit serait identifié comme étant canadien?

M. Nuys : Le problème réside dans la difficulté de faire le traçage. Dans le cadre de ce programme, il faudrait que les transformateurs retracent le produit à partir du pays d'origine jusqu'au consommateur, ce qui est très lourd. Pour éviter d'avoir à le faire, les transformateurs américains éviteront vraisemblablement les produits canadiens et n'achèteront que des produits américains.

Le sénateur Tkachuk : Les transformateurs américains n'auront pas à identifier les produits américains?

M. Nuys : Il leur suffira d'identifier le produit comme étant américain. S'il est fabriqué de viande d'origines diverses, il faudrait qu'il déclare sur l'étiquette où l'animal est né, où il a été élevé et où le produit a été transformé. Vous pouvez vous imaginer de quoi aurait l'air l'étiquette du produit provenant d'une usine de production de viande hachée qui achète de la viande de trois ou quatre pays.

Le sénateur Tkachuk : De toute évidence, on pourrait y voir un obstacle au commerce. Y a-t-il quoi que ce soit que peut faire le Canada pour essayer d'empêcher cela? Pouvons-nous soumettre le dossier à l'OMC?

M. Nuys : Ce n'est pas un problème relevant de la compétence de l'OMC. L'American Meat Institute et les détaillants américains y sont opposés. La question relève du gouvernement et, bien sûr, R-CALF et les associations d'éleveurs de bovins appuient cette initiative.

Le sénateur Mercer : Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation. Je vous suis reconnaissant d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer. Le comité en apprend de plus en plus sur le problème. Nous revenons tout juste de Washington où, durant une réunion du Comité de l'agriculture du Congrès, nous avons été étonnés d'entendre des personnes que je critiquais depuis longtemps bien défendre la cause des Canadiens. J'ai dû faire amende honorable, ce que j'étais tout disposé à faire.

Toutefois, elles ont affirmé une chose à la réunion qui, sans être trop loin de la vérité, concernait l'accroissement de notre capacité de transformation au Canada. C'est la bonne nouvelle dans tout ce fiasco.

Quand la frontière sera rouverte, serons-nous capables de soutenir cette expansion ou serons-nous victimes des grands prédateurs américains qui nous replaceront dans la situation où nous étions avant la crise de la maladie de la vache folle?

M. Laws : Nous avons soutenu tout au long que nous espérions que les agriculteurs canadiens n'oublient pas de sitôt, car ils auront le choix soit de faire transporter leurs bêtes par camion jusqu'aux abattoirs des États-Unis, comme bon nombre avaient l'habitude de le faire auparavant, soit de vendre leur bétail au Canada. Le marché sera entièrement libre. Tout dépendra de celui qui offre le meilleur prix pour le bétail.

De ce point de vue-là, il est bon que le dollar canadien se soit tant apprécié au cours des dernières années. Par contre, le marché global en a été affecté. Grâce à ces coopératives de nouvelle génération, les agriculteurs signeront des contrats d'approvisionnement avec les éventuelles nouvelles usines, ce qui aidera aussi à en assurer le succès.

Le sénateur Mercer : Votre message est intéressant. Durant mes rencontres avec des membres du milieu agricole au cours des dernières années, j'ai pu observé que l'on est à la fois optimiste et pessimiste. La nature du commerce agricole fait qu'il faut être pessimiste au sujet de ce qui cloche et optimiste au sujet de l'avenir, et je salue les membres de l'industrie pour cette attitude.

Vous avez parlé de l'établissement de zones au Canada, de la possibilité de tirer une ligne à la frontière séparant l'Ontario du Manitoba. Le concept est intéressant, mais il me met mal à l'aise. Je viens de la Nouvelle-Écosse. Cette idée devrait peut-être nous réjouir dans l'Est parce que l'ESB est limitée à l'Ouest. Cependant, je suis nationaliste et je me sens aussi bien chez moi à Calgary qu'à Halifax.

Je crains que cette ligne ne crée une industrie agricole à deux vitesses — à l'Ouest, l'ESB et à l'Est, l'absence d'ESB.

Y voyez-vous un problème?

M. Laws : Cela s'applique davantage aux maladies contagieuses. Comme l'ESB n'est pas contagieuse, cela ne fonctionnerait pas de toute façon. Par contre, dans le cas de la grippe aviaire, les Rocheuses ont servi de barrière naturelle, et nous avons pu convaincre le reste de la planète que la maladie était circonscrite dans cette zone, de sorte que le Canada a pu continuer de vendre ses poulets. C'était là une bonne chose.

Je crois savoir qu'il n'existe qu'une grande route franchissant la frontière entre le Manitoba et l'Ontario, de sorte qu'on pourrait facilement exercer un contrôle en obligeant tous les transporteurs d'animaux vivants de s'y arrêter et de faire rapport.

Le sénateur Mercer : Vous devriez emprunter cette route. Vous verriez comme elle est isolée.

Mes collègues de l'opposition réclament constamment que le gouvernement déréglemente. En tant que libéral, j'ai plutôt tendance à favoriser la réglementation. Cependant, dans ce cas-ci, la façon dont les ministères s'y prennent me rend un peu nerveux. J'ai rencontré des représentants des organismes de commercialisation des oeufs ce matin et un producteur laitier du Nouveau-Brunswick. Le producteur laitier m'a raconté comment un fonctionnaire de l'Agence des services frontaliers du Canada avait décidé qu'il n'était pas nécessaire de frapper d'un tarif élevé le lait en poudre. Tout à coup, le lait en poudre s'est mis à entrer au Canada et on s'en sert maintenant pour produire le fromage fondu, particulièrement dans l'est du Canada. Les producteurs ont tenté de faire invalider cette décision par les tribunaux. Ils ont perdu leur cause, et le lait en poudre continue d'être importé.

Bien qu'il n'y ait pas de lien direct avec le bétail qui n'est pas du bovin laitier, voyez-vous les organismes gouvernementaux commettre ce genre d'erreur? Il ne s'agit pas forcément du ministère de l'Agriculture, mais des organismes connexes peuvent prendre des décisions qui ont d'incroyables conséquences sur la production laitière, particulièrement au Québec qui a une énorme industrie laitière et dans la région atlantique où l'économie en dépend lourdement.

M. Laws : Je ne m'inquiète pas trop à ce sujet. La sécurité à la frontière est importante. Si quelqu'un pêche par excès de prudence dans un dossier particulier, ce n'est pas inquiétant.

Nous travaillons de concert avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments et constatons que les fonctionnaires de cet organisme sont très compétents. De nombreux vétérinaires très instruits y travaillent et quiconque affirme que l'agence ne fait pas bien son travail devrait peut-être jeter un coup d'oeil sur son propre organisme, parce que, moi, je trouve que l'Agence fait de l'excellent travail.

Le sénateur Mercer : Vous avez mentionné le manque de main-d'oeuvre qualifiée. Cela me fascine parce que, dans mon coin de pays, pendant des années, nous avons été aux prises avec un fort taux de chômage. La situation s'est beaucoup améliorée depuis lors, merci.

Je m'intéresse à la façon dont vous recrutez à l'extérieur de l'ouest du Canada des personnes pour faire ce travail à forte concentration en main-d'oeuvre. Avez-vous discuté avec des fonctionnaires du ministère de l'Immigration du genre d'immigrants que nous attirons au Canada? Sont-ils du genre qui pourrait exécuter ce travail pour vous? Si nous attirons des Néo-Canadiens qui peuvent se trouver des emplois de qualité dans l'industrie de transformation de la viande, nous sommes tous gagnants.

M. Nuys : La situation est difficile. Même en Europe, il existe une forte pénurie de main-d'oeuvre qualifiée dans l'industrie de la viande. C'est pourquoi la viande prête en caisse nous a presque été imposée. Les détaillants avaient de la difficulté à trouver de la main-d'oeuvre qualifiée pour travailler dans leurs magasins. Nous avons pris l'initiative de faire le travail pour eux, mais cela crée une pénurie de bouchers dans nos usines également. La solution n'est pas d'en trouver à l'étranger, mais plutôt de les former dans nos usines ou à l'école.

Le sénateur Mercer : Vous ne croyez pas qu'il est nécessaire que nous recrutions à l'étranger si la main-d'oeuvre existe ailleurs?

M. Nuys : Il est difficile de recruter à l'étranger quand il y a pénurie là-bas également.

Le sénateur Mercer : Cela ne nous arrête pas quand vient le temps de recruter des professionnels.

M. Laws : Je crois savoir qu'à un moment donné, il y avait pas mal de Terre-Neuviens à Brooks, en Alberta, et qu'il y a maintenant plusieurs Soudanais. Cela a certes changé le paysage de cette ville.

De nombreux projets sont en cours. Je sais que ces usines de conditionnement ont d'énormes services des ressources humaines qui tentent d'attirer de nouveaux travailleurs. Certains organismes travaillent activement à recruter dans d'autres régions du monde.

Le sénateur Mercer : Je suis conscient de ce que vous dites. Un collègue m'a dit cet après-midi que Fort McMurray est la troisième ville en importance à Terre-Neuve.

Le sénateur Trenholme Counsell : Votre exposé était spécial.

Je connais très bien certains éleveurs de bovins dans mon coin du sud-est du Nouveau-Brunswick. Ce sont de grands amis, de sorte que je comprends leurs angoisses et les défis qu'ils doivent relever.

J'ai examiné vos données sur l'expansion des usines de boeuf et j'ai été étonnée de constater que la capacité avait augmenté depuis que la crise a frappé au Canada, en 2003. En une seule année, la capacité a progressé de 16 p. 100, et certains espèrent que la progression sera de 40 p. 100 cette année.

Comment cela cadre-t-il avec les difficultés qu'ont vécues les éleveurs de bovins? Je suis sûre qu'on n'exagère pas.

M. Laws : Ce sont de bonnes nouvelles, parce que nous avons réussi à transformer plus d'animaux et à vendre beaucoup de viande de valeur aux États-Unis et que nous continuerons de le faire. Les Canadiens ont consommé beaucoup de boeuf, et nous avons sensiblement accru la capacité. Dès juin prochain, nous aurons la capacité d'abattre un million d'animaux par année, ce qui est considérable. C'est une bonne nouvelle pour tout le monde. Les marchés se sont en grande partie rétablis, et c'est aussi une excellente nouvelle.

Le sénateur Trenholme Counsell : Se sont-ils rétablis ou sont-ils en train de se redresser?

M. Laws : Les marchés se sont considérablement redressés depuis que la crise a frappé en 2003. D'après certains rapports, le prix aurait suivi le cours apprécié du dollar canadien si la frontière n'avait pas été fermée. Les prix se rapprochent beaucoup de ce qu'ils auraient été, n'eût été la fermeture des frontières. C'est directement attribuable à une augmentation de la capacité d'abattage et aux débouchés que nous avons réussi à trouver et à conserver. Il est bien que le gouvernement du Canada ait aidé les éleveurs de bétail au moyen de ces subventions parce que, conjuguées aux cours du marché pour le bétail, elles ont permis à bien des gens de survivre.

Le sénateur Trenholme Counsell : Pouvez-vous nous donner une idée du prix à la livre par poids de carcasse qu'ont obtenu les producteurs en 2003 et en 2005? Le marché se porte bien, mais comment cela se traduit-il en prix à la production?

M. Laws : Cinq animaux abattus sur six sont de jeunes animaux, de dix-huit mois habituellement. Le marché de la vache est différent. Avant que ne ferment les frontières, le prix était de 115 $ environ par cent livres de poids vivant, soit 1,15 $ environ par livre de poids vivant. Depuis quelques mois, le prix gravite autour de 85 cents par livre de poids vivant. Ce n'est pas très loin des prix records affichés auparavant. Il ne faut pas oublier la nature de ce que nous comparons. Les prix du bétail sur pied atteignaient presque des sommets lorsque la frontière a été fermée. Nous faisons donc la comparaison avec une année record, ce qui n'est pas tout à fait honnête. Les marchés se sont en réalité fort bien redressés.

Le sénateur Trenholme Counsell : C'est toute une dégringolade, de 1,15 $ à 85 cents.

M. Laws : Le dollar canadien s'est apprécié de 30 p. 100, ce qui a affecté toutes les exportations canadiennes. D'autres vous diront que le prix aurait probablement été de 90 cents environ, mais un prix de 85 cents n'est pas si mauvais. C'est encourageant.

Le sénateur Trenholme Counsell : Les priorités réglementaires que vous avez décrites sont intéressantes. Je suis médecin et je me demande donc combien de lactate de sodium est importé dans les viandes non cuites.

M. Laws : Le lactate de sodium est une substance qu'on aimerait ajouter à des viandes transformées comme les saucisses. Il empêche la bactérie de croître.

Le sénateur Trenholme Counsell : Pas au boeuf haché?

M. Laws : Non, pas au boeuf haché.

Le sénateur Trenholme Counsell : La teneur en sodium des aliments m'inquiète.

Qu'est-ce que l'irradiation?

M. Laws : Le procédé d'irradiation s'applique surtout au boeuf haché. La source de préoccupation dans le cas du boeuf haché est la bactérie E. coli 0157. Si une surface est contaminée quand vous hachez la viande, la bactérie se retrouve dans la viande hachée. C'est pourquoi il importe tant de cuire la galette de viande jusqu'au centre, contrairement aux viandes tout muscle qui contiennent très peu de bactéries en leur centre. Les Américains peuvent avoir recours à cette technique. Il ne se vend pas beaucoup de viande irradiée, mais si nous en avions l'option, ce serait un outil de plus dans notre lutte. Comme nous le savons tous, la bactérie E. coli 0157 est pas mal dangereuse.

Le sénateur Trenholme Counsell : Ces règlements sont-ils en vigueur dans d'autres pays?

M. Laws : Les États-Unis permettent l'ajout de lactate de sodium et le recours à l'irradiation, qui est une technologie canadienne.

Le sénateur Trenholme Counsell : Vous dites que chaque animal est inspecté. J'ai entendu aux nouvelles que le gouvernement des États-Unis a demandé que chaque animal soit testé. Est-ce exact?

La présidente : Ce n'est pas le gouvernement qui en a fait la demande. La proposition vient des membres du Congrès.

M. Nuys : Des pays comme le Japon réclament que tous les animaux soient testés.

Le sénateur Trenholme Counsell : Quand vous dites que chaque animal est inspecté, cela consiste-t-il uniquement à vérifier qu'il est debout sur ses quatre pattes?

M. Laws : Le vétérinaire inspecte chaque animal vivant, de même que celui qui doit apposer sa signature avant que la bête puisse entrer dans l'abattoir. Un contenant renfermant les viscères accompagne la carcasse tout le long de la chaîne de production, et le vétérinaire et les inspecteurs vérifient l'absence de certaines maladies dans les organes de chaque animal. Tout animal suspect est dirigé vers une chaîne d'inspection où on l'examine de plus près. Ce n'est pas le cas dans tous les abattoirs du Canada, mais il en est ainsi dans les abattoirs soumis à un régime d'inspection fédéral.

Le sénateur Trenholme Counsell : Maple Leaf Foods est-il le seul à recourir à la traçabilité par empreinte génétique? Est-ce une idée seulement ou cette technique est-elle vraiment utilisée?

M. Nuys : Elle a été offerte à toute l'industrie, mais seule Maple Leaf l'a adoptée. Chacun dans l'industrie a été invité à prendre part au programme de recherche sur l'empreinte génétique.

Le sénateur Trenholme Counsell : La technique est-elle utilisée dans d'autres pays?

M. Nuys : La recherche a été effectuée en Angleterre, mais je crois que Maple Leaf a été la première à l'utiliser avec succès.

Le sénateur Trenholme Counsell : L'applique-t-elle à tous les porcs?

M. Nuys : Ce sont des travaux en cours. Je ne suis donc pas sûr du stade atteint.

M. Laws : Elle vise le porc expédié au Japon. La technique sert surtout à suivre le cheminement de la viande. L'entreprise a fait la détermination du groupe sanguin et de l'empreinte génétique de toutes ses truies, parce qu'elle a ses propres fermes d'élevage de truies, et elle est capable de remonter la chaîne jusqu'à la truie d'origine, ce qui est tout à fait nouveau.

Le sénateur Kelleher : Le gouvernement a un plan et vous en avez un aussi en vue d'accroître la capacité d'abattage, idée avec laquelle je suis d'accord. Bien sûr, cela signifiera que moins d'animaux seront envoyés aux États-Unis. Quelle sera la réaction des Américains à cette augmentation de la capacité d'abattage au Canada?

M. Nuys : Une partie de l'augmentation de la capacité est le fait d'entreprises américaines au Canada, comme IBP et Cargill. Il sera donc intéressant de voir comment la situation évolue. Je n'ai aucune idée de ce qui se dit dans les salles de conseil de Cargill et d'IBP. Il y aura certainement un impact quand des entreprises comme Taylor Packing reviendront au Canada pour acheter des vaches de plus de 30 mois. Par contre, il est trop tôt pour savoir comment la situation évoluera.

Le sénateur Kelleher : Y aura-t-il une guerre de prix?

M. Nuys : S'il y en a une, c'est le producteur qui y gagnera.

Le sénateur Kelleher : Faudrait-il que nous demandions au gouvernement de ne pas autoriser d'importations supplémentaires de manière à essayer d'accroître notre capacité d'abattage? Ne serait-ce pas avantageux à cette fin?

M. Laws : Il existe un sous-comité, et avant qu'un permis d'importation supplémentaire soit accordé, il faut que l'importateur communique avec les fournisseurs au Canada. Ils ont 48 heures pour dire s'ils sont capables de fournir le produit. S'ils en sont incapables, il est avantageux pour le marché canadien de faire en sorte qu'il a le produit, sans quoi vous pourriez perdre le marché au profit d'une autre source de protéines. Quand un restaurant imprime ses menus pour l'année, il fixe ses prix et il doit pouvoir fournir le produit à sa clientèle. Les permis supplémentaires ont une certaine utilité, mais les données statistiques de l'an dernier révèlent qu'il n'y a pratiquement pas eu de permis d'importation supplémentaire et qu'en fait, seulement un peu plus de la moitié des 76 000 tonnes d'importation courante autorisées a effectivement été importée.

J'ose croire que le problème en était un de prix et de disponibilité. Le produit était disponible au Canada, de sorte qu'on l'a acheté ici. C'est une autre bonne nouvelle. Les règles actuelles concernant ces permis ne sont pas préoccupantes, parce qu'ils ne sont émis que lorsque le produit n'est pas disponible au Canada.

La présidente : Je tiens à vous remercier d'être venus témoigner aujourd'hui. Vous nous avez exposé un tout nouveau point de vue. Ceux d'entre nous qui sont allés à Washington pour une semaine sont revenus légèrement frustrés. Vous nous avez ouvert des pistes que nous n'avions pas examinées encore. Je vous en suis reconnaissante et je vous remercie d'avoir accepté de revenir nous rencontrer. Il se peut que nous ayons à nouveau besoin de vos lumières plus tard. Je vous souhaite bonne chance.

M. Laws : Nous reviendrons avec plaisir.

M. Nuys : N'oubliez pas que la lutte ne se fait pas contre le gouvernement des États-Unis, l'American Meat Institute ou ses membres. Il n'y a qu'un groupe aux États-Unis qui est contre nous.

La présidente : Je suis heureuse que vous l'ayez rappelé, monsieur Nuys, parce que nous avons eu des entretiens avec des organismes et certaines personnes à Washington qui étaient très favorables à l'idée de renouer les relations commerciales avec nous dans cette industrie et à rouvrir la frontière. Nous savons qu'il y a des difficultés dans certains secteurs. Bien que nous ayons été vivement déçus que la frontière ne soit pas rouverte et qu'il reste des batailles à livrer, nous jouissons de beaucoup d'appuis au sud de la frontière. Nous avons certes l'appui du président, du nouveau Secrétaire à l'agriculture et du gouvernement des États-Unis.

La séance est levée.


Haut de page