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LA VALEUR AJOUTÉE DANS L’AGRICULTURE AU CANADA

Rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts

DEUXIÈME RAPPORT

Présidente: L’honorable Joyce Fairbairn, c.p.
Vice-présidentL: L’honorable Leonard J. Gustafson

Décembre 2004


MEMBRES

L’honorable Joyce Fairbairn, c.p., Présidente
L’honorable Leonard J. Gustafson, Vice-Président

Et

Les honorables sénateurs : 

*Jacob Austin, c.p. (or William Rompkey, c.p.)
Catherine S. Callbeck
Aurélien Gill
Elizabeth Hubley
James F. Kelleher, c.p.
*Noël Kinsella (or Terry Stratton)
Terry M. Mercer
Donald H. Oliver, c.r.
Pierrette Ringuette
Herbert O. Sparrow
David Tkachuk
Jean-Claude Rivest
 

*Membres d’office

En plus des sénateurs indiqués ci-dessus, les honorables sénateurs Chalifoux, Day, LaPierre, Lawson, St. Germain, c.p., Wiebe étaient membres du Comité à différents moments au cours de cette étude ou ont participé à ses travaux.

Personnel de la Direction de la recherche parlementaire de la Bibliothèque du Parlement :

Frédéric Forge, attaché de recherche
Marc Leblanc, attaché de recherche
Jean-Denis Fréchette, attaché de recherche

Ancienne greffière du comité qui a travaillé pendant cette étude :
Keli Hogan

Line Gravel
La greffière du Comité


ORDRE DE RENVOI

Extrait des Journaux du Sénat, le mardi 19 octobre 2004 :

L’honorable sénateur Fairbairn,C.P., propose, appuyée par l’honorable sénateur Callbeck,

Quele Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à examiner les questions liées au développement et à la commercialisation de produits agricoles, agroalimentaires et forestiers à valeur ajoutée sur les marchés national et international;

Queles mémoires reçus et les témoignages entendus sur la question par le Comité au cours des deuxième et troisième sessions de la trente-septième législature soient déférés au Comité;

Que le Comité soumette son rapport final au plus tard le 23 décembre 2005, et qu'il conserve jusqu'au 31 janvier 2006 tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions.

Après débat,

La motion, mise aux voix, est adoptée.

Le greffier du Sénat
Paul C. Bélisle


TABLE DES MATIÈRES

AVANT-PROPOS

LISTE DES RECOMMANDATIONS

INTRODUCTION

DÉFINITION DE LA VALEUR AJOUTÉE

LES FORCES DU MARCHÉ DANS L’AGRICULTURE
   A.  La transformation de l’agriculture au Canada
   B.  Évolution de la demande de produits de consommation

LA VALEUR AJOUTÉE À LA FERME
   A.  Avantages des activités à valeur ajoutée
   B.  Salubrité et qualité des aliments
      1.  Salubrité des aliments
      2.  Normes de qualité
         a.  Normes de qualité dans l’industrie vinicole
   C.  L’agriculture biologique
   D.  Les usines de transformation et les coopératives agricoles
      1.  Les coopératives
      2.  Les coopératives agricoles de la nouvelle génération
   E.  La gestion de l’offre
   F.  Expérience et commercialisation locales 
      1.  La vente directe et l’agrotourisme
      2.  Le marketing et le marquage régional
   G.  Recherche et innovation
VALEUR AJOUTÉE ET COMMERCE
   ANégociations en commerce international
       1.  La crise de l’ESB
   B.  Commerce interprovincial
CONCLUSION
ANNEXE :  TÉMOINS


AVANT-PROPOS

De septembre 2003 à mai 2004, le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts a tenu des audiences à Ottawa sur le développement et la commercialisation de produits agricoles, agroalimentaires et forestiers à valeur ajoutée sur les marchés intérieurs et internationaux, au cours desquelles le sénateur Donald Oliver présidait le Comité.  Le Comité est encouragé par le potentiel intéressant des produits à valeur ajoutée pour le secteur agricole et cherche à trouver des moyens de l’actualiser en aidant les agriculteurs à s’orienter vers ce type d’activités.

Le Rapport est structuré de façon à refléter l’opinion des témoins entendus par le Comité.  On compte parmi ces témoins des groupes d’agriculteurs, des représentants du commerce des produits agroalimentaires, des coopératives d’agriculteurs, des exploitants d’entreprises artisanales, des représentants du Secrétariat du commerce intérieur et des porte-parole du Conseil national des produits agricoles, de l’Agence canadienne d’inspection des aliments et d’Agriculture et Agroalimentaire Canada.  Le Comité a tenu 13 audiences durant lesquelles il a siégé pendant plus de 25 heures et entendu 33 témoins.

Le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire revêt une importance vitale pour notre économie et notre société.  En 2002, il a été à l’origine de plus de 8 p. 100 du produit intérieur brut et il employait approximativement deux millions de personnes; on lui devait un emploi sur huit.  En encourageant des activités à valeur ajoutée, nous contribuerons à faire en sorte que ce secteur continue d’occuper une place de premier plan dans l’avenir du Canada.

Le Comité aimerait reconnaître le leadership, la participation et l’engagement dont a fait preuve l’ancien président du Comité, le sénateur Donald Oliver, tout au long de l’étude.  En outre, le Comité tient à souligner les efforts tout aussi dévoués du prédécesseur du sénateur Oliver à la présidence du Comité, le sénateur Leonard J. Gustafson.


LISTE DES RECOMMANDATIONS

   A.  Salubrité des aliments

1.            Que le gouvernement fédéral étende l’application de systèmes de salubrité alimentaire, tels que l’analyse des risques et maîtrise des points critiques (HACCP) dans les divers secteurs de production de denrées alimentaires, et qu’il offre une assistance financière accrue aux petits producteurs pour les aider à se conformer aux normes de l’HACCP ou à d’autres normes similaires de contrôle et de salubrité des aliments.

 

   B.  Normes de qualité

2.            Que le gouvernement fédéral offre à l’industrie vinicole des provinces de l’Atlantique l’assistance financière dont elle a besoin pour élaborer un système de gouvernance de l’assurance de la qualité en vue de faciliter la mise en œuvre de normes nationales Vintners Quality Alliance.
 

3.            Que les petits établissements vinicoles soient exemptés pendant deux ans de toute participation aux coûts associés aux exigences de salubrité des aliments éventuellement établies par l’Agence canadienne d’inspection des aliments à la suite de l’adoption de normes nationales pour le vin.

   C.  Agriculture biologique

4.            Que le gouvernement fédéral  collabore avec le secteur de l’agriculture biologique tout au long de la chaîne de valeur et qu’il l’aide à établir une table ronde sur la chaîne de valeur de l’agriculture biologique pour étudier les problèmes qui entravent la production, la distribution et la vente au détail des produits agricoles biologiques.
 

5.            Que le gouvernement fédéral prenne l’initiative et collabore avec les provinces et le secteur de la production biologique en vue de l’établissement, au plus tard en 2005, d’une réglementation nationale portant spécifiquement sur l’étiquetage des produits de l’agriculture biologique.
 

6.            Que le gouvernement fédéral adopte des mesures fiscales et des programmes de dépenses qui attestent l’apport de l’agriculture biologique à l’environnement et aident en conséquence les agriculteurs à passer à l’agriculture biologique.

 

7.            Que le gouvernement fédéral fasse faire une étude de la politique de la Commission canadienne du blé relativement aux grains biologiques envue de faciliter la commercialisation du blé et de l’orge biologiques de l’Ouest.

 

   D.  Les usines de transformation et les coopératives agricoles

8.            Que le gouvernement fédéral étudie la possibilité d’offrir des garanties d’emprunt aux producteurs qui envisagent d’acheter des actions de coopératives de la nouvelle génération pour accroître leur accès aux capitaux.

 

9.            Que la Commission canadienne du blé accorde davantage de souplesse dans la création de coopératives de la nouvelle génération dans l’Ouest canadien.

 

   E.  La gestion de l’offre

10.        Que le gouvernement fédéral facilite le développement et la commercialisation des produits agricoles à valeur ajoutée au sein du système de gestion de l’offre en révisant la réglementation et les conditions du système en collaboration avec le secteur.

 

   F.  Expérience et commercialisation locales 

11.        Que le gouvernement fédéral augmente le nombre de mesures de marketing ou en lance de nouvelles par l’entremise du Programme international du Canada pour l’agriculture et l’alimentation et d’autres programmes pour promouvoir de façon dynamique, ici et dans le monde, les produits canadiens de qualité supérieure.

 

12.        Que le gouvernement fédéral offre à tous les producteurs, de façon continue, des séminaires de commercialisation nationale et internationale.

 

13.        Que le gouvernement fédéral crée un site web central sur lequel on trouverait de l’information sur les programmes agricoles, la recherche et d’autres mesures.

 

   G.  Recherche et innovation

14.        Que le gouvernement fédéral augmente le financement de la recherche et du développement agricoles dans des domaines spécifiquement d’intérêt public, comme la salubrité des aliments et l’environnement.

 

15.        Que le gouvernement fédéral adopte un cadre national et exhaustif de recherche qui tienne compte des questions générales en matière de recherche agricole et touchant l’ensemble des secteurs de produits.

 

16.        Que le gouvernement fédéral établisse une table ronde intersectorielle sur la valeur ajoutée axée sur les questions touchant à la recherche et à l’innovation agricoles.

 

   H.  Commerce international

17.        Que nos négociateurs à l’OMC présentent la réduction des pratiques de progressivité tarifaire, qui consiste à appliquer des droits plus élevés sur les produits transformés, comme une priorité pour le Canada.

 

18.        Que le gouvernement fédéral consulte et inclue dans ses négociations sur les accords commerciaux de mise en œuvre des spécialistes sans parti pris qui connaissent parfaitement les exigences de transformation et de fabrication des secteurs pouvant être affectés par ces accords.

 

19.        Que le gouvernement fédéral continue d’examiner des façons novatrices d’utiliser le capital de risque prévu au Budget fédéral de 2004 pour accroître la capacité à valeur ajoutée du secteur du bétail et d’autres secteurs agricoles.

 

   I.  Commerce interprovincial

20.        Que l’examen prescrit au paragraphe 902.4 de l’Accord sur le commerce intérieur, relativement à la portée et au champ d’application du commerce agricole intérieur, soit exécuté conformément à l’Accord.

 

21.        Que l’examen complet prescrit à l’alinéa 903.2a de l’Accord sur le commerce intérieur, relativement au cadre régissant la gestion de l’offre, soit exécuté conformément à l’Accord.

 

22.        Que les gouvernements fédéral et provinciaux examinent les méthodes de commercialisation, de distribution et d’accès aux points de vente des boissons alcooliques en vertu de l’Accord sur le commerce intérieur.


INTRODUCTION

L’introduction d’activités à valeur ajoutée dans l’agriculture suscite beaucoup d’intérêt depuis quelques années, car elle pourrait constituer un bon moyen d’accroître ou de stabiliser les revenus agricoles et de revigorer l’agriculture primaire et l’économie rurale.  Très variées, ces activités relèvent d’un vaste éventail de stratégies commerciales qui vont au-delà de la production et de la commercialisation classiques des produits agricoles.  On pense par exemple aux cultures spécialisées, à la production vinicole, à la création de marques régionales, au nettoyage et à l’ensachement du grain, à la production de pâtes alimentaires, à l’agriculture biologique, aux produits liés à des services et aux repas préparés.  Pour les agriculteurs, l’intérêt des activités à valeur ajoutée tient au prix, plus élevé, auquel les produits se vendent, et dont une plus grande part leur revient.

L’engouement actuel pour les activités à valeur ajoutée est essentiellement le résultat des forces du marché et tient à la nécessité, pour les agriculteurs, de s’adapter aux profonds changements qui s’opèrent dans le secteur agricole et agroalimentaire.  Ces changements sont le produit de nombreux facteurs entremêlés : l’essor considérable du commerce des produits agricoles et la concentration qui s’ensuit dans le secteur agroalimentaire; la segmentation croissante de la clientèle; l’évolution des préférences des consommateurs; les changements dans les caractéristiques démographiques et les revenus de la population; les innovations au niveau des usages alimentaires et non alimentaires des produits agricoles; et des facteurs liés au commerce extérieur – comme les fermetures de frontières – dans un marché mondial de plus en plus intégré.

Dans le présent rapport, nous formulerons une définition succincte des activités agricoles à valeur ajoutée, nous donnerons un aperçu des facteurs qui influent sur la croissance de ces activités et nous décrirons les retombées favorables de ces activités ainsi que le potentiel qu’elles présentent.  Nous aborderons ensuite des questions d’ordre général soulevées par les témoins : elles vont des questions de salubrité des aliments à la commercialisation et à la transformation à la ferme même, en passant par la recherche et l’innovation.  Enfin, nous traiterons des préoccupations des témoins relativement au commerce international et au commerce intérieur.


DÉFINITION DE LA VALEUR AJOUTÉE

Le terme valeur ajoutée se prête à plusieurs interprétations([1]).  S’agissant de politique agricole, il recouvre des activités qui transforment un produit ou un service ou y ajoutent des éléments.  C’est une innovation qui soit améliore un produit courant (dans l’opinion du consommateur), soit permet de créer un produit tout nouveau, soit trouve, à un produit existant, un usage novateur.  Cela permet à l’agriculteur de dénicher de nouveaux marchés ou de différencier son produit de celui des autres, ce qui lui procure un avantage sur ses concurrents.  Ainsi, l’agriculteur peut pratiquer des prix plus élevés ou accroître sa part de marché ou trouver de nouveaux débouchés.

L’expansion verticale d’une exploitation agricole, soit par la vente directe, soit par le conditionnement à la ferme même, raccourcit la distance entre l’agriculteur et le consommateur et est un bon moyen d’ajouter de la valeur à l’exploitation.  On peut aussi imaginer de nouvelles relations verticales ou horizontales qui contribuent à accroître les marges bénéficiaires comme l’adhésion à une coopérative agricole.  On peut en outre protéger ou améliorer la chaîne de qualité et ainsi ajouter de la valeur aux produits grâce à des partenariats tout au long de la chaîne, de l’agriculteur au transformateur, au distributeur et au détaillant.

Il n’est pas indispensable de modifier un produit pour lui ajouter de la valeur : l’adoption d’une nouvelle méthode de production ou de manipulation peut avoir le même effet en permettant à l’agriculteur de répondre à la demande de façon fiable.  La valeur ajoutée peut provenir de presque n’importe quelle activité qui élargit les dimensions d’une entreprise.  Le facteur déterminant, c’est que l’activité doit augmenter ou stabiliser les marges bénéficiaires et que le produit doit présenter un intérêt pour le consommateur.


LES FORCES DU MARCHÉ EN AGRICULTURE

   A.  La transformation de l’agriculture au Canada

L’agriculture et le secteur agroalimentaire ont profondément changé depuis une vingtaine d’années.  Cette transformation est le fait de l’évolution des préférences des consommateurs, des progrès technologiques et de l’innovation, ainsi que d’accords internationaux comme ceux qui relèvent de l’Organisation mondiale du commerce ou les accords du cycle d’Uruguay sur l’agriculture, qui ont placé l’agriculture à l’avant-scène des négociations commerciales et ont contribué à des réductions et des révisions des tarifs douaniers et des subventions.

 

 

 

 

 

 

Le commerce des marchandises en vrac, où la concurrence est vive, est très sensible aux prix. Les producteurs d’autres pays favorisés par des coûts de production plus faibles, des rendements meilleurs ou des subventions à la production font baisser les cours mondiaux. Cette tendance a amené les producteurs canadiens à diversifier leurs activités, à se spécialiser dans des marchés qui rapportent davantage ou à agrandir leurs exploitations et à en améliorer l’efficience pour mieux affronter la concurrence.
Cette transformation expliquerait la croissance des activités à valeur ajoutée, axées sur le consommateur. Celles-ci sont d’ailleurs le volet du système agricole et agroalimentaire qui progresse le plus vite.  Il reste cependant que le secteur agricole croît plus lentement que l’ensemble de l’économie.  Si le marché intérieur demeure la principale destination des produits à valeur ajoutée, les dépenses alimentaires des Canadiens figurent encore parmi les plus faibles des pays industrialisés et le commerce international revêt donc une importance accrue pour l’agriculture et l’agroalimentaire.

 

En 2002, le Canada était le quatrième exportateur de produits agricoles et agroalimentaires du monde et le cinquième importateur de ces produits([2]).  La valeur des exportations de marchandises en vrac du Canada en 2003 était à peu près la même qu’en 1990.  Par contre, le commerce des produits adaptés aux besoins des consommateurs a plus que quadruplé depuis 1990([3]).  Ces produits représentent maintenant la moitié des exportations de produits agricoles et agroalimentaires du Canada.  La progression marquée du secteur des activités à valeur ajoutée témoigne d’une profonde transformation de l’agriculture.

Durant les audiences du Comité, Michael Presley, directeur général du Bureau de la chaîne de valeur des aliments à Agriculture et  Agroalimentaire Canada, a dit qu’on avait observé un fort degré de rationalisation et de consolidation dans le système agroalimentaire.

 

Au cours des 15 dernières années, le secteur de la transformation alimentaire a été marqué par la rationalisation, les entreprises fermant leurs installations anciennes et de petites dimensions un peu partout au pays.  La consolidation a aussi marqué ce secteur: les fusions et les acquisitions ont considérablement réduit le nombre de compagnies actives, en particulier parmi les compagnies de moyenne importance.  En général, on compte maintenant des compagnies importantes, d’envergure nationale, et de petites entreprises régionales.

 

Michael Presley, directeur général
Bureau de la chaîne de valeur des aliments
Agriculture et Agroalimentaire Canada

Au fil des ans, la puissance commerciale des entreprises s’est déplacée vers le maillon de la vente de détail de la chaîne de valeur des aliments.  Selon des informations fournies au Comité, les cinq grands détaillants de produits d’alimentation compteraient pour 60 p. 100 du marché canadien, et il n’est pas impossible que le degré de concentration s’accroisse encore.  Le Comité trouve cette situation inquiétante.

Les entreprises se livrent une concurrence féroce pour le linéaire, et en général, les agriculteurs ont très peu de pouvoir.  Les prix de leurs produits ne sont donc pas très élevés.  Certains transformateurs de produits alimentaires se sont alliés à des producteurs agricoles pour tenter de survivre malgré de faibles marges bénéficiaires.  Ces changements auraient une incidence non négligeable sur les producteurs primaires, notamment sur leurs stratégies en matière de valeur ajoutée.  Les producteurs pourraient par exemple s’intéresser aux particularités d’un aliment ou de sa production et voir en quoi il pourrait présenter un intérêt exploitable compte tenu de l’évolution des tendances, des attitudes et des préférences des consommateurs.

 

   B.  Évolution de la demande de produits de consommation

La demande de produits d’alimentation est liée à de nombreux facteurs comme la croissance démographique, la composition démographique de la population, l’évolution de la structure des ménages, l’évolution des valeurs des consommateurs, le revenu disponible et l’état de l’économie.  D’après des informations présentées au Comité par Agriculture et Agroalimentaire Canada, les dépenses au titre des produits alimentaires progressent d’environ 2 à 3 p. 100 par an; c’est peu par rapport aux années 1960 et 1970.  Le vieillissement de la population et le ralentissement de la progression du revenu disponible contribuent à un fléchissement de l’augmentation des dépenses d’alimentation en proportion des dépenses totales.  En outre, la progression de la consommation alimentaire est étroitement liée à la croissance démographique, laquelle se chiffre actuellement à environ 1 p. 100 par an.  Tous ces facteurs se combinent pour faire du secteur de l’alimentation une industrie où la concurrence est extrêmement vive.

C’est aussi une industrie de plus en plus fragmentée.  Beaucoup de consommateurs privilégient les plats cuisinés à emporter, ce qui a tendance à allonger la distance entre le producteur et le consommateur et à réduire en conséquence la part des dépenses d’alimentation qui revient aux agriculteurs.  Par contre, de nouvelles chaînes de valeur des aliments présentent des possibilités d’opérations à valeur ajoutée au niveau de la ferme.  On observe un accroissement de la demande de produits spécialisés, notamment ceux qui intéressent les gens soucieux de leur santé et de leur mode de vie et les minorités ethniques non traditionnelles.

Par ailleurs, les consommateurs s’intéressent de plus en plus aux procédés de production des produits alimentaires.  L’origine de leurs aliments, la façon dont ils sont cultivés, traités et préparés leur importe.  Le Comité a appris que, selon certains sondages, la salubrité des aliments est pour les consommateurs la considération la plus importante dans le choix d’un fournisseur.

 

D’après nos sondages, certains critères gagnent en importance chez des acheteurs, comme les modes de production respectueux de l’environnement, les normes de bien- être des animaux et la capacité de fournir des produits biologiques ou non génétiquement modifiés.

 

Michael Presley, directeur général
Bureau de la chaîne de valeur des aliments
Agriculture et Agroalimentaire Canada

LA VALEUR AJOUTÉE À LA FERME

   A.  Avantages des activités à valeur ajoutée

L’apparition d’activités à valeur ajoutée à la ferme tient à la nécessité, pour les agriculteurs, de s’adapter à l’évolution de la situation.  Ces activités, extrêmement variées,  sont dictées par le marché  et sont conçues pour accroître les marges bénéficiaires et donc les revenus agricoles dans un marché extrêmement compétitif, risqué et segmenté.  La question suscite beaucoup d’intérêt depuis quelques années par qu’on y voit le moyen de revigorer l’agriculture primaire en lui permettant de s’adapter aux forces qui influent sur le secteur agricole.  L’importance économique et sociale des activités agricoles dans l’économie rurale ajoute à l’intérêt des activités agricoles à valeur ajoutée en raison de leurs retombées, qui débordent largement la ferme.  Les activités à valeur ajoutée permettent : 

·           de stimuler l’emploi et de revigorer les collectivités rurales;

·           de réduire le risque économique que présente le commerce;

·           de diversifier la base économique des collectivités rurales;

·           d’améliorer la stabilité financière des agriculteurs;

·           de promouvoir une culture de recherche et d’innovation;

·           d’atténuer la dépendance des cours mondiaux des marchandises;

·           de trouver de nouveaux débouchés aux petites exploitations agricoles et aux petites entreprises en visant des créneaux spécialisés;

·           de mieux faire connaître la qualité et l’image de marque des produits régionaux et canadiens;

·           de promouvoir des solutions collectives et des partenariats tout au long de la chaîne de valeur des aliments;

·           de retenir les jeunes agriculteurs.

Le gouvernement cherche à promouvoir les activités à valeur ajoutée dans l’agriculture et il a recours pour cela à divers programmes et services qui relèvent du Cadre stratégique pour l’agriculture (CSA) et d’autres mesures pour offrir aux agriculteurs intéressés des données de recherche, de l’aide financière, des études de faisabilité, des statistiques et des conseils.  On peut mentionner entre autres les programmes suivants : 

·         Le Programme pour l’avancement du secteur canadien de l’agriculture et de l’agroalimentaire (PASCAA)([4]) finance des projets d’essai de démarches ou de solutions à valeur ajoutée, commercialise les résultats des recherches et recueille, analyse et diffuse de l’information.

·         Planification et évaluation pour les entreprises à valeur ajoutée (PEEVA), qui aide les producteurs à élaborer des plans d’entreprise en vue de projets à valeur ajoutée. 

·         Le volet Investissement de Financement agricole Canada (Investissement FAC) encourage le développement d’entreprises à valeur ajoutée  et la diversification du secteur agricole  et agroalimentaire.  Dans le budget de 2004, le gouvernement a consenti des crédits additionnels de 20 millions de dollars à Investissement FAC.

Le Comité constate avec inquiétude que le gouvernement fédéral met l’accent non plus tant sur les activités à valeur ajoutée réalisées au niveau de la ferme mais sur le secteur de la transformation et de la fabrication sans association aucune avec l’agriculteur.  Le Comité estime que les programmes fédéraux d’aide aux activités agricoles à valeur ajoutée doivent être axés surtout sur les entreprises commerciales à valeur ajoutée émanant des producteurs.

 

   B.  Salubrité et qualité des aliments

Les normes de salubrité et de qualité des aliments figurent parmi les attributs fondamentaux de l’agriculture et sont au cœur du Cadre stratégique fédéral-provincial-territorial pour l’agriculture.  Le recours à des mesures vérifiables comme des systèmes de suivi des aliments et des normes alimentaires contribue à positionner les produits alimentaires canadiens comme des produits sains, sûrs, fiables et de haute qualité.  Ces mesures aident à identifier les problèmes éventuels de salubrité et à y palier, ce qui accroît la stabilité financière et contribue à améliorer l’accès aux marchés et les possibilités de valeur ajoutée.

 

      1.  Salubrité des aliments

La valeur ajoutée commence avec la salubrité des aliments.  À notre époque où les consommateurs sont de plus informés et exigeants quant à leurs aliments, l’établissement à la ferme de systèmes de contrôle de la salubrité des aliments et la diffusion d’information sur ces systèmes peuvent constituer la première étape de l’augmentation de la valeur des produits pour l’agriculteur et pour l’industrie.

Les producteurs peuvent  positionner leurs produits de manière à viser les consommateurs éclairés et des créneaux qui appellent des prix plus élevés.  Il leur suffit pour cela de respecter voire de dépasser les normes de salubrité des denrées alimentaires qui sont à l’origine de la réputation de salubrité et de qualité des produits canadiens.  Le secteur public joue un rôle essentiel à cet égard en établissant une bonne réglementation qui impose des normes propres à inspirer confiance dans le système agroalimentaire.

Le Comité a appris durant les audiences que, selon certains sondages, la salubrité des aliments vient au premier rang dans les préoccupations des consommateurs.  Ces questions accaparent d’ailleurs pas mal l’attention dans les médias depuis la découverte d’un cas unique d’ESB en Alberta en mai 2003 et l’abattage récent de volailles et d’autres oiseaux en Colombie-Britannique pour contenir le virus H& de la grippe aviaire.  Ces événements, qui ont eu de fortes retombées économiques, font ressortir l’importance des systèmes de suivi et de retraçage tout au long d’une chaîne agroalimentaire en forte expansion.  En effet, les aliments sont maintenant expédiés sur de très grandes distances, rapidement et efficacement, ce qui permet d’offrir un vaste choix au consommateur, mais présente aussi le risque de répercussions à grande échelle d’agents infectieux ou de maladies d’origine alimentaire, en particulier quand la production et la transformation ont gagné en complexité.  D’où l’importance croissante des systèmes de salubrité des aliments pour tenter de prévenir les problèmes de salubrité des aliments et d’y remédier quand ils se présentent.  Dans ce contexte, les systèmes de suivi et de retraçage ainsi que la préservation de l’identité peuvent donc ajouter de la valeur aux produits du fait qu’ils atténuent le risque et ajoutent à la valeur des produits concernés.

Les Canadiens ont confiance dans la salubrité de leurs aliments.  Comme l’a fait remarquer Michael Presley, la crise de la vache folle a permis de constater que les consommateurs canadiens continuent de considérer que le bœuf canadien est un produit sain de haute qualité : leur consommation de bœuf canadien a augmenté durant les mois qui ont suivi la découverte du cas d’ESB en mai 2003.  Le Comité estime très important que la population ait confiance dans le système alimentaire, surtout si l’accès aux marchés étrangers devait être de quelque façon limité.  Il incombe cependant au gouvernement de voir à ce que rien ne vienne compromettre cette confiance.

 

Un de nos principaux défis vient du fait que la majeure partie de nos entreprises sont de petites exploitations d’agrément qui ont peu d’argent à investir dans les programmes de contrôle de la qualité.  On a beau avoir de grands producteurs qui font du sirop de qualité supérieure, si l’un d’eux voit un de ses produits de catégorie numéro un rappelé et que tous les journaux et toutes les chaînes de télévisions en parlent, c’est toute l’industrie qui en souffre, parce que cela porte atteinte à la perception que les gens se font du sirop d’érable comme étant un produit sûr.

 

Mark Wheeler, membre du conseil d’administration
Association des producteurs acéricoles de l’Ontario 

 

Le Comité a été saisi de la grande valeur des systèmes fondés sur la salubrité des aliments reconnus au niveau international comme l’Analyse des risques et maîtrise des points (HACCP), un système de contrôle et de surveillance mis en œuvre par l’industrie, dans le contexte des efforts déployés pour rétablir le commerce international du bœuf.  L’HACCP est un complément des programmes courants d’inspection des aliments et contribue à prévenir et à corriger les problèmes à la ferme et à toutes les étapes de la chaîne alimentaire.  Le gouvernement fédéral, en partenariat avec les associations de produits, finance des programmes de sensibilisation et de promotion de la salubrité des aliments au niveau des exploitations agricoles, ainsi que des mesures d’assurance de la qualité. 

Le Comité s’inquiète cependant du coût peut-être excessif que représentent, pour beaucoup de petites nouvelles entreprises qui visent des créneaux à valeur ajoutée restreints ou pour les agriculteurs qui décident d’élargir leurs activités pour faire de la transformation, d’une part de la réglementation en matière de salubrité des aliments et d’autre part, des immobilisations nécessaires.

 

À ce stade-ci, l’HACCP est hors de la portée de pratiquement tous les producteurs de sirop d’érable que je connais, pour ce qui est du coût du programme et des dimensions de notre industrie du sirop d’érable.

 

Mark Wheeler, membre du conseil d’administration
Association des producteurs acéricoles de l’Ontario

 

 

Recommandation 1 : Que le gouvernement fédéral étende l’application de systèmes de salubrité alimentaire, tels que l’analyse des risques et maîtrise des points critiques (HACCP) dans les divers secteurs de production de denrées alimentaires, et qu’il offre une assistance financière accrue aux petits producteurs pour les aider à se conformer aux normes de l’HACCP ou à d’autres normes similaires de contrôle et de salubrité des aliments.

 

      2.  Normes de qualité

Les normes de qualité permettent de distinguer l’application, à l’égard de certains produits, de méthodes de production différentes, sur le plan de la qualité et du service.  La certification, l’étiquetage et l’image de marque permettent d’identifier les produits en question.  Les normes de qualité s’intègrent donc à une stratégie de commercialisation qui informe le consommateur et appelle des prix plus élevés.  En raison du caractère générique des produits de l’agriculture primaire, la différentiation des produits passe souvent par le prix.  Les normes de qualité ajoutent de la valeur au produit et diversifient ses possibilités de commercialisation.

Les normes de qualité sont généralement d’application volontaire dans la mesure où elles dépassent les simples normes de salubrité des aliments.  Elles peuvent être le fait d’une entreprise ou être adoptées par l’ensemble d’un secteur.  Elles sont essentielles à l’expansion de la chaîne de valeur des aliments :

[…] il arrive trop souvent au Canada, surtout en horticulture, que nous ayons des chaînes d’approvisionnement, mais non des chaînes de valeur.  Autrement dit, nous avons des relations bien définies entre acheteurs et fournisseurs pour l’ensemble des produits, y compris les matières premières, mais nous n’avons pas des valeurs de référence communes.

 

Michael Presley, directeur général
Bureau de la chaîne de valeur des aliments
Agriculture et Agroalimentaire Canada

Les normes de  qualité sont une étape importante dans l’élaboration de produits alimentaires qui appellent des prix élevés.  Elles facilitent l’accès des produits canadiens aux marchés d’élite.  Elles contribuent à rehausser la réputation du Canada sur les marchés étrangers, ce qui a des retombées sur l’ensemble du secteur agroalimentaire.  Elles nourrissent également un sentiment de fierté d’acheter des produits de chez nous.

Les normes de qualité reposent en général sur des lois fédérales ou provinciales qui assurent une protection contre la fraude au niveau de l’étiquetage et des prétentions de qualité.  Le Comité a été informé du fait que le gouvernement fédéral, l’industrie alimentaire et l’ACIA travaillent ensemble sur des questions liées au coût et à l’observation des normes de qualité.

Le Conseil canadien des normes supervise le système canadien de normes et accrédite les organisations comme l’Office des normes générales du Canada (ONGC) qui élaborent les normes en vigueur dans notre pays.  Les programmes d’accréditation reposent sur des guides et normes reconnus au niveau international.  L’ONGC a facilité l’élaboration de normes nationales pour l’étiquetage et la publicité des aliments qui sont et ne sont pas le produit du génie génétique et de normes nationales volontaires pour l’agriculture biologique.

L’élaboration de normes de qualité nationales clarifie les choix pour les consommateurs, encourage la constance et entretient la confiance dans les produits alimentaires canadiens.  L’application de normes et de règlements nationaux est essentielle pour préserver et développer les marchés d’exportation de l’agriculture biologique (pour de plus amples détails, voir plus loin la section sur l’agriculture biologique).  Don Dodds, président du comité de recherche et de technologie de la Ontario Maple Syrup Producers Association a insisté sur la nécessité de l’adoption de normes uniformes de classement pour toutes les régions productrices de sirop d’érable de l’Amérique du Nord afin de réduire la confusion lors de la vente à l’étranger.  On admet qu’il pourrait être difficile d’imposer des normes uniformes de qualité du sirop d’érable à l’échelle de l’Amérique du Nord, mais les quatre provinces productrices du Canada pourraient ouvrir la voie en s’entendant sur des stratégies de commercialisation et d’image de marque mutuellement avantageuses.

 

         a.  Les normes de qualité dans l’industrie vinicole

Dans les années 1970, les vins canadiens étaient généralement produits à partir de raisin médiocre et avaient la réputation d’être de piètre qualité.  L’industrie vinicole était protégée par un régime fiscal préférentiel.  Cependant, en 1989, à la suite de la signature de l’Accord de libre-échange canado-américain et d’une décision d’un groupe spécial du GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), les règles fiscales préférentielles ont disparu, ce qui a forcé l’industrie vinicole à s’adapter pour affronter la concurrence.  Une stratégie reposant sur la culture de raisin de haute qualité a aidé les producteurs canadiens à accéder au marché des vins de qualité.  Les producteurs se sont donnés une norme de qualité, la Vintners Quality Alliance (VQA), qui impose des normes rigoureuses de production, d’étiquetage et de qualité similaires à celles qui ont été adoptées en France, en Italie et en Allemagne.  Par exemple, les vins de qualité VQA sont élaborés entièrement à partir de raisin canadien et sont soumis à un jury de dégustation.  La qualité des vins canadiens a considérablement évolué et les vins canadiens de qualité VQA ont acquis une réputation nationale et internationale de vins de haute qualité.

La norme VQA est appliquée dans deux régions du Canada : l’Ontario et la Colombie-Britannique.  Dans les deux provinces, son observation relève de règlements provinciaux.  D’après les témoignages que le Comité a entendus, le gouvernement fédéral et le secteur vinicole travaillent à l’adoption d’une norme nationale assujettie à une réglementation nationale.  Dans le mémoire qu’elle a présenté au Comité, la Canadian Vintners Association (CVA) nous informe que si l’on cherche à établir une norme nationale pour les vins, c’est principalement pour doter le Canada d’un système national crédible d’appellations d’origine pour les vins de qualité.  Plusieurs problèmes, entre autres la difficulté de voir à l’observation d’une telle norme nationale, ont empêché jusqu’ici son adoption.

La Comité a appris que la norme nationale proposée prévoit des dispositions spéciales  à l’égard des petits établissements vinicoles qui n’ont pas les moyens d’investir les normes nécessaires pour se confirmer à toutes les conditions de la norme VQA.  Ces dispositions intéressent les petites entreprises vinicoles et celles des autres régions productrices comme le Québec et la Nouvelle-Écosse.  Ainsi, la norme nationale comporterait trois niveaux de certification représentant trois niveaux de qualité VQA.  Il semble cependant que les provinces de l’Atlantique n’ont pas le régime de gouvernance de l’assurance de la qualité voulu pour mettre en œuvre une norme VQA à plusieurs niveaux.

Recommandation 2 : Que le gouvernement fédéral offre à l’industrie vinicole des provinces de l’Atlantique l’assistance financière dont elle a besoin pour élaborer un système de gouvernance de l’assurance de la qualité en vue de faciliter la mise en œuvre de normes nationales Vintners Quality Alliance.

Pour adopter des normes nationales pour le vin, l’industrie devrait respecter les exigences énoncées dans la Loi sur les produits agricoles au Canada (LPAC).  Le Comité a appris que, comme l’ACIA réglementerait les normes en vertu de la LPAC, l’industrie vinicole serait forcée de respecter d’autres exigences de salubrité des aliments de l’Agence.  Or, les entreprises vinicoles n’ont jamais été assujetties à ces normes, car le vin, en raison de son acidité et de son contenu en alcool, est peu exposé aux contaminations bactériennes.  La CVA craint que les coûts d’enregistrement initiaux et les coûts d’inspection ne soient particulièrement lourds pour les petites exploitations.  Elle propose que l’ACIA s’engage à exempter les petites entreprises vinicoles de ces droits durant les premières années.

Recommandation 3 : Que les petits établissements vinicoles soient exemptés pendant deux ans de toute participation aux coûts associés aux exigences de salubrité des aliments éventuellement établies par l’Agence canadienne d’inspection des aliments à la suite de l’adoption de normes nationales pour le vin.


   C.  L’agriculture biologique

Pour l’association Canadian Organic Growers, l’agriculture biologique est un système de production holistique conçu pour optimiser la productivité et encourager la diversité dans les collectivités.

L’agriculture biologique est une forme d’agriculture à valeur ajoutée.  Elle sert un marché relativement restreint, mais croissant, et elle touche à la fois l’agriculture et l’agroalimentaire.  En règle générale, les produits biologiques coûtent plus cher à produire, sont plus difficiles à produire en grande quantité et ont un rendement inférieur dans la plupart des cas.  En revanche, l’intérêt de l’agriculture biologique réside dans les prix plus élevés de ses produits qui intéressent un nombre croissant de consommateurs soucieux de l’environnement, de la salubrité des aliments, de nutrition et au courant des méthodes de production agricole.

 

Cela [le souci de mieux-être] se traduit par le désir d’acheter des produits biologiques.  Il n’est pas nécessairement prouvé que les aliments biologiques sont plus sûrs et salubres, mais les gens croient qu’il est peut-être plus sain d’en manger.  Par conséquent, ils sont prêts à payer plus cher pour ce produit.

 

Michael Presley, directeur général
Bureau de la chaîne de valeur des aliments
Agriculture et Agroalimentaire Canada

 

Aux dires des témoins que le Comité a entendus, le secteur de l’agriculture biologique est en train de perdre son statut quelque peu marginal.  Des multinationales investissent dans des gammes de produits biologiques et les grandes chaînes d’alimentation consacrent des linéaires lucratifs aux produits biologiques.

Apparemment, les ventes annuelles mondiales de produits agricoles biologiques totalisent environ 23 milliards de dollars.  Au Canada, la consommation de produits alimentaires biologiques ne représente encore que 1 à 2 p. 100 de la consommation totale de produits alimentaires, mais elle progresse à un rythme de 20 p. 100 par an, ce qui est impressionnant dans un secteur où la progression globale annuelle n’est que de 2 à 3 p. 100.

D’après des chiffres qui ont été soumis au Comité, il semblerait cependant que l’augmentation du nombre de fermes biologiques ait ralenti ces dernières années.  La situation est préoccupante, car, la demande intérieure de produits biologiques étant extrêmement vigoureuse, elle est de plus en plus comblée par des importations en provenance surtout des États-Unis.  Cette situation est d’autant plus désolante que le Canada, avec des sols fertiles et variés et un climat relativement frais qui modère les effets des ravageurs et de la maladie, est particulièrement favorable à l’agriculture biologique.

Un énorme écart est en train de se créer, lequel est comblé par les importations de l’étranger.  C’est très peu rentable pour l’économie canadienne.  Nous espérons pouvoir augmenter le nombre de producteurs canadiens qui emploient des techniques de culture biologique.

 

Laura Telford, directrice générale
 Canadian Organic Growers

Le Comité a entendu six témoins de la Canadian Organic Growers (COG) qui lui ont parlé des facteurs qui expliquent peut-être en partie le fléchissement de la croissance du nombre des exploitations organiques certifiées :

·           L’absence du mot « biologique » dans les politiques, budgets et communications du gouvernement donne l’impression qu’il s’agit d’une industrie marginale peu solide.

·           Les rendements de l’agriculture biologique sont inférieurs à ceux de l’agriculture conventionnelle (mais cela pourrait n’être qu’un problème de transition).

·           Les agriculteurs ne sont peut-être pas convaincus que les prix des produits biologiques pourront demeurer élevés.

·           Les agriculteurs n’ont pas le temps d’apprendre et d’appliquer de nouvelles techniques agricoles qui exigent davantage de main-d’oeuvre.

·           Avec le retrait des gouvernements du secteur des services de vulgarisation, ce sont les fournisseurs du secteur privé qui fournissent aux agriculteurs l’information technique.  Or, les fournisseurs des fermes biologiques sont en général des petites entreprises qui n’ont pas les ressources nécessaires pour fournir un soutien technique.  En conséquence, le vide laissé par le retrait des gouvernements des services de vulgarisation est comblé par les gros fournisseurs d’intrants non biologiques qui se servent de ce service pour appâter les clients.

·           La monoculture, la gestion de l’offre et les politiques de la Commission canadienne du blé (CCB) ne favorisent pas l’agriculture biologique.

·           La réglementation fédérale est insuffisante, en particulier au niveau de l’étiquetage des produits agricoles biologiques. 

 

Le Comité est conscient de l’intérêt des tables rondes sectorielles sur la chaîne de valeur qui réunissent les producteurs, les transformateurs, les distributeurs, les détaillants et d’autres parties concernées et les gouvernements fédéral et provinciaux, pour l’élaboration de stratégies commerciales nationales et internationales.  Il existe de telles tables rondes pour les grands groupes de marchandises comme le bœuf et le porc.  Le Comité estime que l’agriculture biologique est un secteur à part en raison de l’importance qu’on y accorde aux systèmes de retraçage et parce que les pratiques et problèmes de production qui lui sont propres ne sont pas suffisamment bien abordés par les tables rondes.  En conséquence, le Comité recommande :

Recommandation 4 : Que le gouvernement fédéral  collabore avec le secteur de l’agriculture biologique tout au long de la chaîne de valeur et qu’il l’aide à établir une table ronde sur la chaîne de valeur de l’agriculture biologique pour étudier les problèmes qui entravent la production, la distribution et la vente au détail des produits agricoles biologiques.

S’il existe une norme nationale relative à l’agriculture biologique, il n’y a pas de règlement national([5]) sur l’étiquetage des produits agricoles biologiques.  Le système est volontaire, ce qui veut dire qu’il n’est pas nécessaire de faire certifier un produit pour le vendre comme un produit biologique([6]).  Cette situation crée des problèmes pour les exportateurs.  En effet, en l’absence de réglementation canadienne reconnue par les pays importateurs, les exportateurs canadiens de produits biologiques doivent se faire accréditer par les organes de réglementation des pays importateurs.  Le commerce des produits biologiques pourrait être suspendu si le Canada n’adopte pas une norme nationale obligatoire et réglementée ([7]).

Nous, dans le secteur, avons travaillé dans le sens d’un règlement clair et efficace, qui soit pratique et abordable à mettre en oeuvre. Nous devons avoir un règlement dès que possible pour pouvoir négocier des équivalents biologiques avec les autres pays avec lesquels nous faisons des échanges commerciaux.

 

 

Nous espérons qu’il n’y aura pas d’interruption dans le commerce de produits biologiques actuel, et nous espérons avoir des occasions de capturer les nouveaux marchés de la consommation biologique pour nos familles de cultivateurs du Canada.

Janine Gibson, présidente
Canadian Organic Growers

Pour que les agriculteurs et les autres entreprises agroalimentaires ne soient pas découragés de se lancer dans le secteur biologique par l’absence de réglementation nationale sur l’étiquetage des produits biologiques et pour protéger l’intégrité du secteur de la production biologique et prévenir la perte de marchés d’exportation, courants et potentiels, le Comité recommande :

Recommandation 5 : Que le gouvernement fédéral prenne l’initiative et collabore avec les provinces et le secteur de la production biologique en vue de l’établissement, au plus tard en 2005, d’une réglementation nationale portant spécifiquement sur l’étiquetage des produits de l’agriculture biologique.

Les usages et techniques de l’agriculture biologique reposent essentiellement sur le respect de l’environnement.  La société en profite donc dans la mesure où ces méthodes de production sont avantageuses pour l’écosystème et la santé de l’environnement.  Cependant, le prix des produits biologiques ne reflète pas nécessairement entièrement cette externalité favorable, ce qui peut décourager certains agriculteurs de passer de l’agriculture classique à l’agriculture biologique.  En conséquence, le Comité recommande :

Recommandation 6 : Que le gouvernement fédéral adopte des mesures fiscales et des programmes de dépenses qui attestent l’apport de l’agriculture biologique à l’environnement et aident en conséquence les agriculteurs à passer à l’agriculture biologique.

Durant les audiences du Comité, la COG a exprimé sa frustration face au mécanisme de vente directe des producteurs de la CCB, ou programme de rachat.  Ce programme a été conçu pour diversifier les options de mise en marché dont disposent les producteurs.  Il permet aux producteurs de grains de vendre directement leur propre grain, mais les force à payer la différence entre le prix comptant du marché et le prix au compte de mise en commun du grain.  Comme les grains biologiques se vendent à prix supérieur, beaucoup de producteurs biologiques participent au programme.  Toutefois, on pense que le mécanisme de vente directe de la CCB devrait être plus souple et mieux adapté aux besoins spécifiques et à la situation particulière des producteurs biologiques sans compromettre les avantages accordés aux céréaliers de l’Ouest par ce comptoir de vente unique.

Les systèmes de rachat par l’entremise de la Commission canadienne du blé posent un gros problème à de nombreux producteurs de céréales biologiques.  Il faut constamment modifier ce système pour que les avantages recueillis par certaines familles d’agriculteurs grâce à la Commission du blé ne soient pas compromis, mais aussi pour que les agriculteurs indépendants qui commercialisent une culture unique en son genre comme une culture biologique ne soient pas pénalisés.

Janine Gibson, présidente
Canadian Organic Growers

Recommandation 7 : Que le gouvernement fédéral fasse faire une étude de la politique de la Commission canadienne du blé relativement aux grains biologiques en vue de faciliter la commercialisation du blé et de l’orge biologiques de l’Ouest.

 

D.    Les usines de transformation et les coopératives agricoles

La transformation des aliments à la ferme constitue une expansion verticale des activités agricoles traditionnelles visant à rehausser l’attrait des produits de la ferme.  Qu’il décide de laver ses légumes sur place ou de fabriquer de l’éthanol, le producteur qui se fait transformateur se voit forcé de modifier ses pratiques de commercialisation.  Il a toutefois l’avantage d’être son propre fournisseur de produits primaires, de diversifier son revenu et de répartir ses risques.

Passer de l’agriculture traditionnelle à la transformation à la ferme comporte tout de même des risques :

Malheureusement, les producteurs qui tentent de monter dans la chaîne de valeur, seuls ou en groupe, n’y parviennent pas toujours. Ils manquent de capitaux, n’ont pas les compétences de gestion nécessaires ou n’arrivent tout simplement pas à composer avec les fluctuations de la conjoncture commerciale et économique.  Si la restructuration de leur entreprise leur permet parfois de la sauver, certains producteurs perdent alors le contrôle et les avoirs qu’ils possédaient à titre de fondateur.

 

Michael Presley, directeur général,
Bureau de la chaîne de valeur des aliments,
Agriculture et Agroalimentaire Canada

L’exploitation d’une usine de transformation est complètement différente de celle d’une entreprise agricole.  Par exemple, le producteur traditionnel doit parfois tenir compte de certaines règles municipales ou rurales d’utilisation des terres et de planification, de licences, de salubrité et d’inspection des aliments, de gestion des déchets, d’étiquetage et de mise en marché avec lesquelles il n’est pas très familier.  C’est pour cette raison que certains producteurs ont formé des alliances stratégiques avec de grandes usines de transformation pour avoir un meilleur accès aux intrants ainsi qu’aux services de distribution, de marketing et d’information, de façon à étaler les risques et à générer des bénéfices à valeur ajoutée.  Par ailleurs, comme il faut de très gros capitaux pour se lancer dans la transformation, d’autres producteurs choisissent de former des partenariats et des coopératives pour étaler les risques et atteindre plus facilement la masse critique nécessaire pour qu’une grande entreprise devienne profitable.  Le Comité appuie toute forme d’arrangement financier viable servant à réduire les risques et à accroître, à long terme, la stabilité du revenu des producteurs.

 

      1.  Les coopératives

Après les coopératives d’épargne et de crédit, les coopératives agricoles sont le type de coopératives le plus courant au Canada.  Les membres votants en sont à la fois les propriétaires et les exploitants et fournissent habituellement eux-mêmes les intrants, c’est-à-dire les produits agricoles.  Les producteurs ont coutume de former des coopératives pour réduire l’incertitude et compenser le peu d’emprise qu’ils ont sur le marché, du fait qu’ils vendent des produits génériques.  Ils jouissent ainsi d’un pouvoir de négociation accru sur les intrants et obtiennent davantage pour leurs extrants; autrement dit, ils réduisent leurs coûts en réalisant des économies d’échelle et ont un meilleur accès aux marchés.

Le Comité croit qu’il est essentiel de montrer aux producteurs comment créer une coopérative.  Nous appuyons le travail du Secrétariat aux coopératives, qui finance des services-conseils pour aider les producteurs à former des coopératives et à trouver des marchés.  Durant nos travaux, nous avons appris l’existence de nouveaux programmes, comme l’Initiative de développement coopératif, dont l’une des six priorités est l’agriculture à valeur ajoutée.

Les coopératives agricoles sont conçues pour ajouter de la valeur aux extrants. Dans bien des cas, elles forment des partenariats avec des transformateurs pour accéder à des marchés plus lucratifs.  Par exemple, on nous a parlé de certains petits producteurs d’herbes fines et d’épices qui se sont regroupés pour garantir la qualité et l’approvisionnement de leurs produits, afin d’accéder plus facilement aux marchés des médicaments et des suppléments alimentaires.  Au Canada, la plupart des marchés de producteurs agricoles sont des coopératives, et c’est souvent ainsi que leurs produits arrivent d’abord sur le marché de détail.

 

      2.  Les coopératives agricoles de la nouvelle génération

L’engouement pour les produits agricoles à valeur ajoutée a contribué à l’émergence d’un nouveau type de coopérative : les coopératives de la nouvelle génération (CNG), ou coopératives privées.  Leur structure varie, mais elles sont dans la plupart des cas conçues pour ajouter de la valeur aux activités des producteurs en leur donnant un intérêt dans la transformation et la fabrication de leurs produits.  Les membres d’une CNG ont le droit et l’obligation contractuelle de fournir une quantité et une qualité précises d’intrants à des prix déterminés.  Les profits sont répartis aux membres en fonction des produits bruts qu’ils ont fournis.

Une entreprise qui transforme des matières premières est souvent confrontée à des défis bien différents de ceux d’une exploitation agricole.  Toutefois, les producteurs, en tant que propriétaires d’une CNG, peuvent embaucher des gestionnaires pour diriger leur coopérative.  Ils continuent ainsi à faire ce qu’ils connaissent et font le mieux tout en montant dans la chaîne de valeur.

Le Comité a entendu le témoignage de l’Atlantic Beef Producers Co-operative (ABPC), une CNG contrôlée par des producteurs de bœuf indépendants des Maritimes. Elle est en train de mettre en place un établissement d’abattage et de découpe à l’Île-du-Prince-Édouard en partenariat avec le détaillant Co-op Atlantic.  Ensemble, ils veulent approvisionner les trois provinces maritimes en bœuf local, déjà désigné sous l’appellation « Atlantic Tender Beef Classic » dans les épiceries du Canada atlantique.

Ce qui nous a plu dans l’idée d’ouvrir un établissement avec un détaillant, c’était d’accéder au marché.  Avant, en tant que producteurs, nous vendions un produit à un transformateur, sans plus, qui le vendait à son tour à un autre intervenant plus loin dans la chaîne.  Nous avons pensé qu’il serait à notre avantage de participer le plus activement possible à cette chaîne.

Dean Baglole, président,
Atlantic Beef Producers Co-operative

Le Comité applaudit l’initiative de l’ABPC, qui se veut un excellent exemple de collaboration entre producteurs régionaux pour monter dans la chaîne de valeur.  En outre, la taille et la situation unique de cette coopérative lui accordent toute la souplesse voulue pour répondre aux besoins des consommateurs en leur offrant la traçabilité de ses produits ou en imposant certaines exigences d’alimentation du bétail à ses producteurs pour offrir un produit de qualité uniforme.  En s’associant avec un détaillant, l’ABPC s’assure également d’une bonne place sur les tablettes des supermarchés, ce qui est souvent le plus difficile pour les produits agricoles.

Le Comité a aussi entendu le témoignage des Prairie Pasta Producers (PPP), une CNG de producteurs de blé dur de l’Ouest des Prairies.  Elle avait pour mission de mettre sur pied et d’exploiter une usine internationale de transformation du blé dur, qui serait la propriété des producteurs et qui servirait à revitaliser leurs communautés rurales.  Perry Mackenzie, président des PPP, nous a fait savoir que les lois canadiennes sur l’incorporation des CNG ressemblaient à celles des États-Unis, sauf que les producteurs américains ont droit à des prêts à faible intérêt garantis par le gouvernement sur l’achat des actions de la CNG.  Il est ainsi plus facile pour les producteurs à faible revenu de rassembler les capitaux nécessaires – souvent considérables – pour former une coopérative.

Recommandation 8 : Que le gouvernement fédéral étudie la possibilité d’offrir des garanties d’emprunt aux producteurs qui envisagent d’acheter des actions de coopératives de la nouvelle génération pour accroître leur accès aux capitaux.

Des représentants de la Commission canadienne du blé ont affirmé que la Commission réalisait un juste équilibre entre l’établissement d’un prix qui incite à la transformation à valeur ajoutée et d’un prix qui réussit à optimiser les recettes des producteurs. La Commission appuie la transformation à valeur ajoutée parce qu’elle stimule la demande en grains.  Elle a aussi fait valoir que ses activités bonifiaient la compétitivité des industries canadiennes de la meunerie et du maltage parce qu’elle proposait un mécanisme de fixation des prix transparent, juste et stable.

Le Comité reconnaît que ces industries ont connu une bien meilleure croissance au Canada qu’aux États-Unis; toutefois, nous craignons que la Commission ne complique la tâche des entreprises de transformation des pâtes.  Dans leur témoignage, les Prairie Pasta Producers (PPP) ont affirmé que la Commission canadienne du blé refusait de les exempter des frais de transport, même si les PPP ont proposé de transformer leurs propres céréales et donc de ne pas utiliser ses silos-élévateurs.  Le Comité s’est fait dire que la Commission n’avait pu accepter les diverses propositions des PPP, comme créer un compte de mise en commun distinct pour les CNG ou autoriser les PPP à se prévaloir d’une exemption pour meunerie de petite taille.

La Commission maintient qu’elle accorderait sinon aux PPP un avantage de prix injuste par rapport aux autres céréaliculteurs.  Par contre, elle a élaboré des politiques régissant par exemple l’échange comptable de stocks, ce qui permet aux producteurs qui vivent loin d’une CNG d’être membre coopératif à part entière sans avoir à engager de grosses dépenses de transport.  Cette option élargit le bassin d’investisseurs potentiels dans les CNG.

Dans la mesure où ses activités de commercialisation par guichet unique et son assistance technique augmentent le revenu des céréaliculteurs, la Commission obtient aussi de meilleurs prix pour eux.  Toutefois, le Comité estime que la Commission peut faire plus pour encourager l’investissement dans l’agriculture à valeur ajoutée, notamment par la création d’usines de transformation qui appartiennent à des agriculteurs.  Pour assurer l’avenir de nos communautés rurales, le Canada doit sans faute tenter de rehausser l’attrait des produits bruts ou d’encourager la transformation à valeur ajoutée.

Recommandation 9 : Que la Commission canadienne du blé accorde davantage de souplesse dans la création de coopératives de la nouvelle génération dans l’Ouest canadien.

 

   E.  La gestion de l’offre

Au Canada, les secteurs de la volaille, des œufs et des produits laitiers fonctionnent tous selon un système national de gestion de l’offre assujetti à des lois et à des accords fédéraux et provinciaux.  Les accords diffèrent d’un secteur à l’autre, mais en général, le système est géré par des agences nationales de commercialisation en consultation avec des offices provinciaux de commercialisation.  Le conseil d’administration de chaque agence nationale est contrôlé par des producteurs, mais des transformateurs et d’autres intervenants y siègent aussi.  Quant aux offices provinciaux, ils négocient le prix et le volume des produits avec les transformateurs.  Le Conseil national des produits agricoles supervise et examine le fonctionnement du système de gestion de l’offre.

Ce système donne plus de pouvoir de négociation aux producteurs primaires.  En gros, il réglemente l’offre en restreignant la production et la mise en marché par l’imposition de contingents, ce qui fait augmenter les prix.  Le système de gestion de l’offre fixe aussi directement le prix des produits.  Le marché intérieur est protégé des importations de prix inférieur grâce à un système de droits de douane et de contingents.

La gestion de l’offre présente plusieurs avantages : elle permet aux producteurs de s’approprier une plus grosse part du dollar de consommation et stabilise les prix.  D’un autre côté, comme les revenus des producteurs leur sont acquis, ils sont moins portés à se lancer dans des activités à valeur ajoutée.  Par ailleurs, on craint que la gestion de l’offre n’augmente considérablement les dépenses des nouveaux venus, puisque les contingents de production risquent d’être difficiles à atteindre et beaucoup trop chers pour la plupart des nouvelles exploitations de petite taille.

Par conséquent, comme dans n’importe quel secteur réglementé, il y a des obstacles.  Les agences de commercialisation essaient de les voir comme des défis et tentent de les surmonter et de rendre la production à valeur ajoutée plus avantageuse pour les exploitants.

Cynthia Currie, présidente,
Conseil national des produits agricoles

Le Comité reconnaît que le système de gestion de l’offre a adopté des politiques plus souples et favorisé le dialogue avec les intervenants en ce qui concerne les stratégies à valeur ajoutée, particulièrement pour les coopératives et, dans certains cas, le secteur biologique.

Cependant, le Comité est d’avis qu’il faut encore en faire plus pour encourager la production à valeur ajoutée.  Lors de leur témoignage, les Canadian Organic Growers se sont dits inquiets du fait que la gestion de l’offre, dans sa structure actuelle, dissuade la venue de nouveaux producteurs biologiques.  Nous avons appris que 54 p. 100 des exploitations biologiques au Canada engendraient moins de 50 000 dollars en ventes annuelles brutes.  La plupart des producteurs biologiques et autres petits exploitants des marchés à créneaux ne pourront tout simplement pas survivre en opérant à la même échelle s’ils sont obligés d’acheter des contingents à prix fort.

Recommandation 10 : Que le gouvernement fédéral facilite le développement et la commercialisation des produits agricoles à valeur ajoutée au sein du système de gestion de l’offre en révisant la réglementation et les conditions du système en collaboration avec le secteur.

Lors de négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) tenues récemment à Genève, il a été question d’un cadre commercial ne réduisant pas les droits hors contingent, droits qui protègent actuellement les secteurs soumis à la gestion de l’offre contre les importations à faible prix.  Néanmoins, on craint de plus en plus que les prochaines négociations de l’OMC ne portent sur des questions d’accès aux marchés qui pourraient mener à la réduction de ces droits de douane.  Le Comité doute que les producteurs canadiens soumis à la gestion de l’offre soient prêts à vivre cette réduction potentielle.  Nous appuyons les efforts déployés par le fédéral pour défendre vigoureusement le système de gestion de l’offre du Canada auprès de l’OMC.  Toutefois, nous savons qu’il faudra aussi aider les producteurs, qui ont investi à fond dans le système, à s’ajuster aux nouvelles pratiques commerciales si, au bout du compte, le cadre commercial de l’OMC finit par réduire les obstacles tarifaires.  La production agricole à valeur ajoutée devrait faire partie de la stratégie à long terme de transition.

 

   F.  Expérience et commercialisation locales 

      1.  La vente directe et l’agrotourisme

Les producteurs peuvent augmenter leur marge de profit en vendant directement aux consommateurs sans passer par les distributeurs.  Pour ce faire, ils doivent adapter leurs produits et services aux préférences des acheteurs, ce qu’ils réussissent à divers degrés, selon la proximité des marchés.  Les producteurs qui souhaitent explorer les marchés à créneaux peuvent toutefois se tourner vers Internet pour rejoindre leur clientèle.  Le commerce électronique peut s’avérer très utile pour informer les consommateurs et vendre directement aux magasins, aux restaurants et aux consommateurs eux-mêmes.

On note d’ailleurs un engouement certain pour les expériences culinaires et champêtres authentiques.  Les attractions agrotouristiques sont de plus en plus populaires : cueillette de pommes, gîte à la ferme, marchés agricoles, foires, festivals, marchés routiers, cabanes à sucre, routes des vins et colloques sur le vin.

Le nouveau consommateur… cherche quelque chose de tout à fait différent : l’authenticité.  La valeur ajoutée qu’il recherche se trouve dans les produits authentiques.  Il veut des produits naturels, qu’il achètera dans un lieu donné et à un moment donné.  Et si l’expérience l’intrigue suffisamment, il ira jusqu’à se déplacer pour trouver cette authenticité. 

Linda Bramble, liaison avec l’industrie
Institut d’œnologie et de viticulture en climat froid,
Université Brock

L’agrotourisme est une forme d’expérience culinaire.  Le consommateur-voyageur veut se divertir, apprendre et participer aux activités de la ferme.  L’agrotourisme se veut aussi un lien entre les consommateurs urbains et les communautés rurales du Canada, pivots historiques de notre identité nationale.  C’est donc un moyen de revitaliser nos régions rurales.


 2.  Le marketing et le marquage régional

Le marquage régional est un puissant outil de mise en marché, qui peut mettre en lumière le goût ou la qualité particulière d’un aliment en lui attribuant les caractéristiques typiques de la région dont il est originaire, comme son patrimoine culturel ou ses paysages, par exemple.  En précisant l’identité régionale de ses produits, un agriculteur peut les différentier, aux yeux des consommateurs, de ceux de ses concurrents.  Le marquage renseigne les consommateurs qui se font un point d’honneur d’acheter des produits locaux ou régionaux.  Il favorise la reconnaissance d’un produit et fidélise les acheteurs tout en servant de pont entre la ferme et l’assiette.  Le marquage régional correspond aussi à certaines normes de qualité.

Nous adhérons entièrement au concept « de la ferme à l’assiette », qui nous permet d’offrir un produit dont les consommateurs des Maritimes et du Canada atlantique savent qu’il provient de la région. Ils connaissent ceux qui les ont fabriqués.  Les épiciers peuvent aussi s’enorgueillir de savoir qu’ils vendent un produit régional.

 

Dean Baglole, président,
 Atlantic Beef Producers Co-operative

La salubrité des aliments, les normes de qualité et les pratiques respectueuses de l’environnement sont tous des ingrédients essentiels du marquage national et régional.  Nous tenons toutefois à souligner qu’il faut déployer des efforts acharnés et dépenser beaucoup d’argent pour faire reconnaître le label « Fait au Canada » au-delà de nos frontières.  Le fédéral finance le Programme international du Canada pour l’agriculture et l’alimentation (PICAA), qui fournit des fonds de contrepartie aux groupes du secteur de l’agriculture et de l’exportation d’aliments.  Le PICAA contribue à développer nos marchés en faisant la promotion de l’image de marque du Canada dans le monde comme gage de salubrité, de qualité et d’uniformité.  Enfin, le PICAA offre un appui financier à l’industrie pour promouvoir et défendre l’intérêt du Canada sur les marchés internationaux.

Néanmoins, de nombreux témoins nous ont confié qu’il y aurait lieu d’intensifier le marketing des produits portant le label « Fait au Canada », ici et ailleurs dans le monde.  En effet, nous nous inquiétons du fait que beaucoup de Canadiens ignorent souvent la provenance des aliments qu’ils achètent.  Le Comité est impressionné par la stratégie de marketing mise en œuvre par la Nouvelle-Écosse, « Taste of Nova Scotia », qui couvre divers produits alimentaires de qualité des quatre coins de la province et provenant d’exploitations agricoles et viticoles, de brasseries, de chocolateries, d’usines de transformation de la viande et du poisson, de fabricants de confiture et de sirop d’érable et de boulangeries.  Cette stratégie mise sur la culture et l’histoire de la région et fait ressortir le caractère unique et la qualité de ses produits de choix.  Le Comité est d’avis qu’un tel programme devrait être appliqué dans tout le Canada pour  mousser nos produits à l’échelle mondiale.  C’est l’ensemble du secteur canadien de l’alimentation qui en bénéficierait.

Recommandation 11 : Que le gouvernement fédéral augmente le nombre de mesures de marketing ou en lance de nouvelles par l’entremise du Programme international du Canada pour l’agriculture et l’alimentation et d’autres programmes pour promouvoir de façon dynamique, ici et dans le monde, les produits canadiens de qualité supérieure.

Le Comité craint qu’on n’en fasse pas assez pour donner aux producteurs l’information et les services dont ils ont besoins pour mettre leurs produits en marché de façon novatrice.

Recommandation 12 : Que le gouvernement fédéral augmente le financement de la recherche et du développement agricoles dans des domaines spécifiquement d’intérêt public, comme la salubrité des aliments et l’environnement. 

Recommandation 13 : Que le gouvernement fédéral adopte un cadre national et exhaustif de recherche qui tienne compte des questions générales en matière de recherche agricole et touchant l’ensemble des secteurs de produits.

 

G. Recherche et innovation
 

La recherche stimule le développement de la technologie, de techniques et de pratiques novatrices qui améliorent la qualité des produits et en diversifient les usages.  Les nouvelles technologies et pratiques agricoles ont fait croître de manière considérable la productivité du secteur au cours des cinquante dernières années.  La recherche peut aussi élargir les possibilités de valeur ajoutée.  L’émergence de nouveaux produits ou de nouvelles applications, la mise au point de nouvelles méthodes de culture et d’élevage sont aussi le fruit de la recherche.  Sans recherche, il n’y aurait pas de progrès dans les domaines de la salubrité et de la protection de l’environnement.  La recherche peut aussi donner lieu à des stratégies de coordination et de gestion agroalimentaires qui amélioreront la fiabilité d’un produit ainsi que sa capacité à répondre aux fluctuations de la demande, et, par conséquent, qui optimiseront la valeur commerciale du produit.

Si les sciences et la technologie progressent rapidement, on assiste parallèlement à la convergence accrue des diverses disciplines des sciences de la vie et d’autres secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire.  En renforçant les liens et la collaboration entre les centres de recherche du gouvernement, les collèges et les universités ainsi que les laboratoires privés, on évitera les dédoublements inutiles tout en facilitant le transfert des connaissances et de la technologie.

Certains témoins craignent que la forte tendance aux partenariats privé-public dans le domaine de la recherche ne nuise à la recherche indépendante parrainée par le gouvernement et strictement axée sur l’intérêt du public.  Le fait que l’intérêt et l’argent du privé soient en jeu leur fait craindre une distorsion des résultats ou du type de recherche.  Le Comité prône une forte participation du gouvernement dans le financement de la recherche, surtout dans les domaines d’intérêt public, comme l’environnement ou la salubrité et la sécurité des aliments. Ce sont des domaines dans lesquels le secteur privé sera sans doute moins porté à entreprendre des travaux, puisqu’ils sont perçus comme étant des « biens collectifs » dont les avantages ne reviennent pas entièrement au privé.

Je n’aime pas la façon dont le gouvernement, pour réduire ses dépenses, s’est tourné vers le partenariat privé-public en recherche agricole.  Bien entendu, tous les travaux ainsi entrepris seront exclusivement axés sur l’intérêt des entreprises concernées et non sur l’intérêt public.  Si les résultats sont négatifs, on ne les publie pas. S’il y a possibilité qu’ils soient négatifs, on ne fait pas de recherche. Si le sujet d’analyse est d’intérêt public et du domaine public, le privé n’y accorde pas un sou.  Voilà pourquoi il ne se fait pratiquement aucune recherche d’intérêt public dans le domaine des semences, de la génétique du bétail et des pratiques agricoles.

 

Tom Manley, membre du conseil d’administration et président du chapitre d’Ottawa,
Canadian Organic Growers

Recommandation 14 : Que le gouvernement fédéral augmente le financement de la recherche et du développement agricoles dans des domaines spécifiquement d’intérêt public, comme la salubrité des aliments et l’environnement.

Bien entendu, il est essentiel de savoir attirer l’investissement privé d’ici et d’ailleurs.  Avec le secteur privé, il y a de meilleures chances d’obtenir des résultats commercialisables pouvant générer des profits plus rapidement, ce qui peut faire croître l’emploi et les revenus.  Au cours de nos audiences, Pulse Canada a souligné que ces dernières années, l’un des plus grands producteurs de lentilles au monde avait investi dans l’Ouest canadien principalement en raison du système de recherche de classe mondiale du Canada.

D’autres témoins se sont dits en faveur d’un cadre national et exhaustif de recherche qui couvrirait tous les groupements de producteurs spécialisés et qui porterait sur les besoins généraux en matière de recherche agricole.  Ce cadre tiendrait compte de la transformation à valeur ajoutée et des systèmes de production qui l’alimentent.  On pourrait réaliser des économies d’échelle dans les domaines communs à tous les secteurs de produits, comme la gestion de l’eau, en procédant à des recherches collaboratives.

Recommandation 15 : Que le gouvernement fédéral adopte un cadre national et exhaustif de recherche qui tienne compte des questions générales en matière de recherche agricole et touchant l’ensemble des secteurs de produits.

On a suggéré de discuter d’un programme national de recherche financé par prélèvement auprès des producteurs et qui couvrirait l’ensemble des secteurs de produits.  De façon plus générale, le Comité pense qu’il faudrait donner aux producteurs une tribune où échanger leurs points de vue sur la recherche et le développement, en créant une nouvelle table ronde, par exemple.

Recommandation 16 : Que le gouvernement fédéral établisse une table ronde intersectorielle sur la valeur ajoutée axée sur les questions touchant à la recherche et à l’innovation agricoles.

Des témoins se sont dits inquiets du déclin et du manque de financement des services de vulgarisation du gouvernement, qui informent les producteurs et les aident à gérer leurs besoins quotidiens.  Sans ces services, les producteurs perdront une source d’information impartiale sur les intrants et les pratiques agricoles.

 

VALEUR AJOUTÉE ET COMMERCE

Avec nos richesses naturelles, le commerce des ressources primaires et des produits en vrac a toujours contribué à la croissance de notre économie nationale.  Toutefois, les produits génériques vendus en vrac à faible valeur ajoutée sont sensibles aux plus légères fluctuations de prix, ce qui veut dire que le commerce en vrac est vulnérable à l’arrivée sur les marchés internationaux de nouveaux produits à faible coût et subventionnés.  Le Canada possède une main-d’œuvre scolarisée, de grandes installations de recherche et de technologie, une infrastructure de distribution des aliments ainsi que des systèmes d’application et de réglementation respectés en matière de santé, de salubrité et de qualité.  Ces facteurs, combinés à la compétence de notre secteur public et à la stabilité de notre économie, nous placent en position idéale pour créer, dans le secteur de l’agriculture à valeur ajoutée, des avantages concurrentiels pouvant accroître l’emploi et solidifier l’économie.

La majeure partie de ma production est exportée sous forme de produits en vrac; toutefois, c’est souvent sur les marchés intérieurs de la transformation que j’obtiens les meilleurs prix et le meilleur accès.

Ted Menzies, président,
Alliance canadienne du commerce agroalimentaire

 

A.  Négociations en commerce international

Dans de nombreux pays, le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire est fortement protégé et subventionné par des programmes gouvernementaux et des systèmes tarifaires.  La sensibilité inhérente à ce secteur explique son introduction relativement tardive aux récentes négociations en commerce international.  Lors de la réunion du conseil général de l’OMC, tenue du 27 au 31 juillet 2004 à Genève, les participants se sont entendus sur un cadre de travail pour les négociations à venir.  En ce qui concerne l’agriculture, ce cadre préconise la réduction des subventions intérieures causant la distorsion du commerce et l’amélioration de l’accès pour tous les produits.  Le cadre engage aussi ses adhérents à éliminer le financement gouvernemental et la prise en charge des pertes par les gouvernements pour les entreprises commerciales d’État.  Enfin, le cadre proposé délimite la portée des prochaines négociations et pourrait avoir des conséquences à long terme sur le secteur canadien de l’agriculture, surtout sur le fonctionnement actuel de la CCB et les agences nationales de gestion de l’offre.

D’autres témoins ont porté à notre attention l’existence de graves entraves commerciales à la croissance dans le secteur à valeur ajoutée.  Le recours à la progressivité tarifaire, chez nos partenaires commerciaux, constitue par exemple une forme d’entrave.  Cette pratique consiste à imposer des droits de douane plus faibles sur les produits primaires en vrac et des droits plus élevés sur les produits transformés.  Cela protège le secteur de la transformation du pays importateur et décourage la transformation dans les pays exportateurs.  La progressivité tarifaire fait partie des éléments de négociation du nouveau cadre de l’OMC.

Le fait d’imposer des droits de douane plus élevés sur les produits surtransformés présente aussi des conséquences négatives pour le secteur canadien de la valeur ajoutée.  Alors que la Corée impose un droit de 40 p. 100 sur le bœuf, il exige un droit de 70 p. 100 pour la charque, qui est un produit du bœuf à valeur ajoutée.  Au Japon, le droit consolidé sur le bœuf est de 38,5 p. 100 mais de 50 p. 100 sur le bœuf assaisonné, comme les galettes de bœuf haché.

 

La progressivité tarifaire est un autre sérieux problème pour le secteur de la transformation des oléagineux.  Par exemple, le Japon importe des oléagineux en franchise mais applique un droit d’environ 20 p. 100 sur ses importations d’huiles de soya et de canola raffinées. Cela coupe l’accès aux transformateurs canadiens d’oléagineux et les empêche de se disputer une part du marché de 2,4 millions de tonnes d’huile végétale en vrac que représente le Japon.

Ted Menzies, président,
Alliance canadienne du commerce agroalimentaire

Recommandation 17 : Que nos négociateurs à l’OMC présentent la réduction des pratiques de progressivité tarifaire, qui consiste à appliquer des droits plus élevés sur les produits transformés, comme une priorité pour le Canada.

Contrairement à d’autres produits, les produits agricoles et agroalimentaires sont vulnérables à une vaste gamme de lois, de normes et de procédures complexes d’analyse et d’attestation qui visent toutes à protéger la santé des consommateurs.  Comme il en coûte très cher pour respecter les exigences sanitaires et phytosanitaires des pays importateurs et qu’on redoute qu’elles ne servent qu’à protéger leurs industries, l’OMC a décidé d’encourager l’adoption de normes internationales,([8]) de lignes directrices et de recommandations là où elles existent([9]).  Toutefois, les membres ne sont pas tenus de les respecter.

Les secteurs de la transformation et de la distribution des aliments sont assujettis à divers règlements portant sur le classement, l’identification, l’emballage et l’étiquetage.  Ted Menzies, président de l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire, a fait remarquer que le secteur à valeur ajoutée est désavantagé par le manque de compréhension ou de communication entre les négociateurs commerciaux et le secteur de la transformation alimentaire.  Cela risque de mener à des accords ou à des protocoles mal adaptés au secteur.

Le Canada a négocié un accord avec la Chine sur son accession à l’OMC, pour lequel nous avons tenu maintes consultations et discussions.  Toutefois, quand nous en sommes venus aux détails de la mise en œuvre, par exemple s’il fallait que les boîtes soient d’une certaine dimension, s’il fallait imposer certaines exigences quant au libellé ou si nos transformateurs devaient porter des gants de coton, l’accord est tombé à l’eau.  Aucun des négociateurs présents n’avait idée de ce que l’accord impliquait pour le secteur lorsqu’ils l’ont négocié.

 

Patty Townsend, directrice exécutive,
Alliance canadienne du commerce agroalimentaire

Il est essentiel Que le gouvernement fédéral se rapproche du secteur de la transformation et qu’il fasse participer les spécialistes sectoriels aux discussions sur les accords commerciaux de mise en œuvre.  Il devrait en outre évaluer les résultats et les procédures de négociation en vue d’améliorer celles qui sont à venir.

Recommandation 18 : Que le gouvernement fédéral consulte et inclue dans ses négociations sur les accords commerciaux de mise en œuvre des spécialistes sans parti pris qui connaissent parfaitement les exigences de transformation et de fabrication des secteurs pouvant être affectés par ces accords.

 

      1.  La crise de l’ESB

La crise de l’ESB a causé tout un émoi au Canada.  Presque toutes les exportations de bovins sur pied ont été immédiatement suspendues après le signalement d’un cas d’ESB le 20 mai 2003.  Comme l’a fait remarquer le Comité sénatorial de l’agriculture et des forêts dans son rapport intérimaire, La crise de l’ESB – leçons pour l’avenir, le Canada dépendait étroitement de l’exportation de bovins sur pied et n’avait pas lui-même la capacité d’abattage suffisante pour les transformer.  La crise de l’ESB a fait ressortir le danger auquel le Canada s’expose en dépendant de l’infrastructure d’un autre pays pour transformer ses bovins, surtout du fait que le commerce des animaux sur pied est sans doute très susceptible de subir des perturbations.  La crise a également soulevé des inquiétudes sur la concentration du secteur de l’abattage.  Dans une lettre adressée à la présidente du Comité sénatorial de l’agriculture et des forêts, le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire s’est engagé à donner suite à la recommandation du Comité visant à réserver une partie du capital de risque prévu au Budget fédéral de 2004 à l’accroissement des capacités à valeur ajoutée dans le secteur de l’élevage bovin.  C’est donc avec satisfaction que nous avons appris, le 10 septembre dernier, que le gouvernement comptait repositionner le secteur canadien du bétail en améliorant sa capacité d’abattage des ruminants.

Recommandation 19 : Que le gouvernement fédéral continue d’examiner des façons novatrices d’utiliser le capital de risque prévu au Budget fédéral de 2004 pour accroître la capacité à valeur ajoutée du secteur du bétail et d’autres secteurs agricoles.


 B.  Commerce interprovincial

La libéralisation du commerce intérieur rehausse la qualité de vie d’un pays.  Les obstacles – réglementaires ou autres – imposés par les provinces, qu’ils soient ou non conçus pour protéger et favoriser leurs secteurs respectifs, ont des conséquences négatives.  Ils augmentent le coût des affaires, nuisent à l’investissement et aux économies nationales d’échelle et peuvent entraîner l’apparition de multiples lignes de stock.  Ces obstacles nuisent aussi à l’avantage commercial comparatif de notre pays.  La libéralisation du commerce, d’un autre côté, peut aider les petites exploitations agricoles à valeur ajoutée qui dépendent des marchés à créneaux, car il faut souvent, pour assurer la survie d’un produit spécialisé, en élargir la commercialisation.  Dans ce cas, par exemple, la vente directe par Internet représente une bonne solution.  Lorsqu’on réduit les obstacles inutiles et qu’on offre aux producteurs et aux transformateurs un accès équitable au marché intérieur, c’est le pays tout entier qui en bénéficie.

En 1994, les premiers ministres du Canada ont signé l’Accord sur le commerce interne (ACI), entré en vigueur le 1er juillet 1995.  L’ACI a contribué à alléger les obstacles au commerce intérieur, notamment dans le cas de la mobilité de la main-d’œuvre et des approvisionnements gouvernementaux.  Il a aussi servi à hausser le profil des obstacles au commerce intérieur.

Le Secrétariat du commerce intérieur est l’organisme chargé d’offrir un soutien administratif et opérationnel aux comités et groupes de travail de l’ACI.  Le secteur de l’agriculture et des denrées alimentaires est l’un de ceux qui présentent le plus de différends commerciaux interprovinciaux.  Le Comité s’inquiète du fait que les examens prévus aux articles 902 (élargissement de la portée et du champ d’application de l’Accord) et 903 (examen du cadre régissant les denrées soumises à la gestion de l’offre) de l’ACI ne semblent pas près d’être effectués :

·           Paragraphe 902.4  Au plus tard le 1er septembre 1997, les ministres examinent la portée et le champ d’application du présent chapitre et recommandent d’y apporter les changements qui s’imposent pour lui donner le champ d’application le plus vaste possible et libéraliser davantage le commerce intérieur des produits agricoles et des produits alimentaires.

·           Aliéna 903.2a  Les ministres ont convenu, dans le cadre de leur examen de la politique agro-alimentaire canadienne, d’entreprendre l’examen complet du cadre régissant les denrées soumises à la gestion de l’offre et d’appliquer un plan d’action pour la mise en oeuvre de systèmes durables et ordonnés de commercialisation dans les secteurs du lait, de la volaille et des oeufs au Canada.

Le Comité a cru comprendre que les ministres fédéral et provinciaux avaient décidé de ne pas procéder à l’examen prescrit par l’article 902, en grande partie parce que les provinces et le secteur se concentrent sur les négociations de l’OMC.  En ce qui concerne l’examen prescrit par l’article 903 sur le cadre régissant la gestion de l’offre, il semblerait qu’il se fasse par l’entremise d’accords fédéraux-provinciaux sur lesquels s’appuient les agences de gestion de l’offre([10]).  Néanmoins, cela ne règle pas les problèmes de commerce agricole interprovincial, surtout au sein de l’industrie laitière.  L’ACI est un accord consensuel servant à prévenir l’apparition d’obstacles commerciaux nouveaux ou potentiels.  C’est l’engagement mutuel des parties à respecter les conditions de cet accord qui fait autorité.  Par conséquent, nous sommes d’avis qu’il faut en respecter les principes.  À cet égard, nous nous réjouissons de l’engagement([11]) annoncé récemment par les gouvernements des provinces et des territoires envers les conditions de l’ACI, et nous espérons que le chapitre portant sur l’agriculture et les denrées alimentaires ne sera pas négligé.

Recommandation 20 : Que l’examen prescrit au paragraphe 902.4 de l’Accord sur le commerce intérieur, relativement à la portée et au champ d’application du commerce agricole intérieur, soit exécuté conformément à l’Accord.

Recommandation 21 : Que l’examen complet prescrit à l’alinéa 903.2a de l’Accord sur le commerce intérieur, relativement au cadre régissant la gestion de l’offre, soit exécuté conformément à l’Accord.

L’ACI prévoit un certain nombre d’exemptions, sous forme de mesures non conformes, pour les boissons alcooliques.  La Loi sur l’importation des boissons enivrantes confère aux provinces l’autorité exclusive d’importer des boissons alcooliques.  Le Comité a appris que le monopole dont jouissent les provinces pour l’achat d’alcool destiné à la revente est désavantageux pour les petits producteurs, car les provinces favorisent plutôt un système homogène d’entreposage de leurs produits de base, et que les petites vineries n’arrivent pas à fournir les quantités minimales exigées par le modèle provincial de vente de détail.  Nous craignons que ce système n’avantage les importations internationales de vin au détriment des petites vineries canadiennes.

Recommandation 22 : Que les gouvernements fédéral et provinciaux examinent les méthodes de commercialisation, de distribution et d’accès aux points de vente des boissons alcooliques en vertu de l’Accord sur le commerce intérieur.


CONCLUSION

Nous savons que les gouvernements canadiens ont conçu des programmes et des politiques pour aider les entreprises à valeur ajoutée à la ferme.  Nous pensons toutefois qu’il serait temps d’agir un peu plus vigoureusement.  Comme nous l’avons constaté pendant la crise de l’ESB, un secteur devient vulnérable s’il dépend trop fortement de l’infrastructure de transformation d’un autre pays. 

Il conviendrait en premier lieu de veiller à ce que les méthodes de réglementation et de mise en marché favorisent l’investissement à valeur ajoutée, particulièrement à la ferme. L’agriculture à valeur ajoutée diversifie les possibilités des producteurs en leur offrant des options qui ne se limitent pas à l’accroissement de la productivité, à l’agrandissement des installations ou à la concurrence basée strictement sur les prix.

Toutefois, il ne suffit pas que les producteurs montent dans la chaîne de production, supplantent leurs concurrents ou accroissent la concurrence – que ce soit dans le secteur de la transformation alimentaire ou ailleurs.  En gros, la valeur ajoutée est intimement liée au marquage des produits canadiens de par les caractéristiques qui répondent à la demande des consommateurs : santé, qualité et origine régionale, par exemple.  La valeur ajoutée se manifeste par la confiance et la fierté des consommateurs d’ici envers les aliments produits ici.  Il nous faut aussi nourrir cette confiance au-delà des frontières du Canada, en nous tenant au courant des besoins et des tendances des consommateurs internationaux et en poursuivant nos efforts pour garantir la qualité et la sécurité de la production, de la distribution et de la commercialisation de nos produits.


ANNEXE

TÉMOINS  
   
30 septembre 2003 Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC)
Michael Presley, directeur général, Bureau de la chaîne de valeur des aliments
Harold A. Hedley, directeur, Division des céréales et oléagineux
Susie Miller, directrice, Secrétariat aux coopératives
Lois James, directeur, Programmes de renouvellement
Gilles L. Rousselle, directeur général p.i., Recherche, planification et coordination
   
21 octobre 2003 Conseil national des produits agricoles
Cynthia Currie, présidente
Ron O’Connor, vice-président

Commission canadienne du blé
Ken Ritter, président
Bill Nicholson, directeur
Jim Thompson, directeur général du marketing

   
23 octobre 2003 Secrétariat du commerce intérieur
Lorraine Andras, directrice exécutive p.i.

Agriculture et Agroalimentaire Canada et Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA)
Ian Thompson, directeur, Division des politiques de commerce de l’hémisphère occidental (AAC)
Steve Verheul, négociateur en chef pour l’agriculture (AAC)
Paul Haddow, directeur exécutif, Affaires internationales (ACIA)
Debra Bryanton, directrice exécutive, Salubrité des aliments (ACIA)

   
28 octobre 2003 Alliance canadienne du commerce agroalimentaire
Ted Menzies, président
Patty Townsend, directrice exécutive
   
4 novembre 2003 Canada Beef Export Federation
Ted Haney, président
   
6 novembre 2003 Prairie Pasta Producers
Perry Mackenzie, président
Allan Brigden, directeur
   
1er avril 2004 Pulse Canada
Gordon Bacon, PDG
Jack Froese, président
   
20 avril 2004 Atlantic Beef Producers Co-operative
Dean Baglole, président
Bryan Inglis, membre du conseil d’administration
   
22 avril 2004 Canadian Organic Growers
Janine Gibson, présidente
Laura Telford, directrice exécutive
Tom Manley, président, chapitre d’Ottawa
   
27 avril 2004 Quail’s Gate Estate Winery
Tony Stewart, propriétaire
   
29 avril 2004 Agriculture et Agroalimentaire Canada
Gary B. Koestler, directeur adjoint, Division des politiques de commerce international de l’hémisphère oriental
Michael Presley, directeur général, Bureau de la chaîne de valeur des aliments

Canadian Vintners Association
Bill Ross, président

   
4 mai 2004 Institut d’œnologie et de viticulture en climat froid de l’Université Brock
Linda Bramble, liaison avec l’industrie
   
11 mai 2004 Association des producteurs acéricoles de l’Ontario
Mark Wheeler, membre du conseil d’administration
Don Dodds, président, Comité de recherche et de transfert technologique

([1])       En économie, on se sert souvent de la valeur ajoutée comme mesure de la production : on la calcule en soustrayant de la valeur des expéditions le coût des intrants achetés.  Ce concept est plus large que celui dont on se sert dans le contexte de l’agriculture, où la valeur ajoutée est le fait d’activités qui améliorent soit le produit, soit les processus, de telle manière qu’une plus forte proportion du prix de vente final revient à l’agriculteur.

([2])       Agriculture et Agroalimentaire Canada, Vue d’ensemble du système agricole et agroalimentaire canadien, mai 2004.

([3])       Ibid.

([4])       Agriculture et Agroalimentaire Canada, Communiqué, « Nouveau programme de financement fédéral pour l’avancement du secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire », 7 avril 2004. Remplace le Fonds canadien d’adaptation et de développement rural (FCADR). 

([5])       Le Québec impose une réglementation et un système de certification obligatoire.

([6])       Actuellement, l’étiquetage fautif de produits (y compris l’étiquetage de produits que l’on fait passer pour biologiques) fait l’objet de poursuites intentées par l’ACIA aux termes de la loi sur les aliments et drogues  et de la  Loi sur l’emballage et l’étiquetage des produits de consommation.

([7])       L’Union européenne, un des plus gros marchés de produits biologiques, exige que les pays exportateurs appliquent des normes nationales réglementées équivalentes aux normes de l’UE.

([8])       L’Office international des épizooties (OIE) publie des normes de salubrité pour le commerce international d’animaux et de produits animaux. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ainsi que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont recours au Codex Alimentarius, norme alimentaire fondée sur la science.

([9])       OMC, Comprendre l’OMC : les accords – normes et sécurité http://www.wto.org/french/thewto_f/whatis_f/tif_f/agrm4_f.htm.

([10])      Cela exclut l’industrie laitière.

([11])      En février 2004, le Conseil de la fédération a confirmé à nouveau qu’il respecterait ses obligations relatives au commerce intérieur en vertu de l’ACI.


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