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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 3 - Témoignages du 2 décembre 2004


OTTAWA, le jeudi 2 décembre 2004

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 11 h 5 pour étudier les questions traitant de dons de charité au Canada.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je souhaite chaleureusement la bienvenue aux téléspectateurs et aux contribuables du Canada. Au nom du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et de notre distingué vice-président, le sénateur David Angus du Québec, c'est avec plaisir que je vous accueille aujourd'hui à notre réunion sur l'étude des dons de charité. Nous avons commencé hier soir. Nous nous sommes demandés s'il valait mieux donner que recevoir. Nous allons voir.

Nous remercions les témoins ici présents aujourd'hui et nous apprécions le fait qu'ils se soient préparés dans des délais aussi courts.

L'objectif de cette phase de nos audiences sur les dons de charité est simple. Il vise à encourager des idées et à proposer des politiques qui permettront de verser de plus grosses sommes personnelles à des fins de bienfaisance d'une façon rentable, en tenant toujours compte des restrictions imposées à l'égard des recettes publiques.

Nous sommes ici pour voir si nous pouvons débloquer plus de fortunes personnelles à des fins de bienfaisance, mais n'oublions pas les limites des recettes publiques et la demande croissante sur ces recettes. Nous sommes ici aussi pour respecter l'argent des contribuables. Notre objectif essentiel est la politique fiscale afin de voir ce qui peut augmenter les possibilités de dons à la mesure des moyens des Canadiens de tous les niveaux de revenus et de tous les échelons de la société où un tel potentiel de dons existe.

Pour cela, nous examinerons tous les niveaux et tous les moyens. Nous connaissons tous les encouragements et les incitatifs qui existent déjà dans notre système d'imposition et il y en a beaucoup. Nous savons aussi qu'il y a des idées et des propositions à toutes les étapes de l'étude. Nous voulons qu'elles nous soient présentées. Nous espérons aussi que cette étude suscitera une nouvelle réflexion et des idées nouvelles et différentes.

Nous sommes heureux de présenter nos trois premiers distingués témoins. Nous avons Mme Sally Brown, directrice générale de la Fondation des maladies du coeur du Canada. Mme Hilary Pearson des Fondations philanthropiques Canada est notre deuxième témoin. Enfin, le dernier témoin et non le moindre, Mme Darrell Louise Gregerson, directrice générale de la Fondation du Centre national des Arts.

Ainsi que je l'ai indiqué aux témoins avant l'audience, nous avons un horaire à respecter. Nous lirons vos documents en entier et les étudierons soigneusement, mais étant donné les limites du Parlement, nous n'avons que quelques heures pour entendre des témoins. Réglez votre conduite en conséquence.

Je demande aussi à mes collègues de se limiter. Vous avez tous très peu de temps. Je prie aussi mes collègues de respecter les limites de notre temps d'audience.

Mme Sally Brown, directrice générale, Fondation des maladies du cœur, Coalition canadienne des organismes bénévoles en santé : Au nom de la Coalition canadienne des organismes bénévoles en santé, je vous remercie tous de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui. Je commencerai en rappelant le rôle important que les organismes bénévoles en santé au Canada jouent dans notre système de soins de santé en finançant la recherche, en éduquant le public et en fournissant directement des services dans toutes les collectivités au Canada.

Dans la recherche, nous participons avec l'IRSC au financement et nous sommes aussi un partenaire stratégique de ce même institut au plan de la recherche avant-gardiste dans le domaine de la santé. Dans l'éducation du public, nous faisons preuve de leadership pour changer le style de vie en mettant l'accent sur la prévention et la promotion de la santé, la détection précoce et la qualité de la vie. Au niveau de la prestation de services, nous faisons partie d'un vaste réseau de services de soins aux gens qui vont à l'hôpital et qui retournent chez eux. La présence des organismes bénévoles en santé est nette et forte dans tous les secteurs de notre système de soins de santé.

La Coalition canadienne des organismes bénévoles en santé représente aujourd'hui 16 des organisations les plus vastes et les plus fortes du Canada dans le secteur des organismes bénévoles en santé — comme par exemple, la Société de la sclérose latérale amyotrophique, la Société canadienne du cancer, la Fondation des maladies du coeur, la Fondation Lutte contre la cécité et l'UCJG. Ces organisations sont grandes et petites, leur mission diffère, mais leur objectif est le même.

Je suis sûre que vous avez entendu parler du Centre canadien de philanthropie, de toutes les données impressionnantes nous décrivant et de notre impact sur l'économie. Plus de 8 milliards de dollars sont donnés chaque année sous forme de dons de particuliers à des oeuvres de bienfaisance sans but lucratif.

Les organismes bénévoles en santé sont essentiels pour la santé des Canadiens. Si quelqu'un a une crise cardiaque dans la rue et qu'il arrive vivant à l'hôpital, c'est peut-être parce qu'une personne se trouvant là lui a fait de la réanimation cardio-respiratoire et ces programmes et directives sont mis au point et distribués par la Fondation des maladies du coeur. Ils sont enseignés dans des programmes offerts par l'Ambulance Saint-Jean. À l'hôpital, les patients reçoivent une formation en réadaptation offerte par un autre organisme bénévole en santé. Quand ils rentrent chez eux, il se peut très bien qu'ils soient soignés par des infirmières de l'Ordre de Victoria. C'est un très large mandat.

Nous sommes ici aujourd'hui pour vous présenter, comme vous l'avez dit, cinq idées sur lesquelles nous espérons que vous vous pencherez. Certaines sont nouvelles, d'autres se rapprochent d'idées que, bien sûr, vous connaissez déjà. Nous voulons vous parler un peu de l'amélioration des dispositions sur l'impôt pour personnes handicapées; de la nécessité d'un élargissement des possibilités de la « permission d'accumuler » pour y inclure la recherche; de l'élargissement des dispositions sur les gains en capital pour inclure des dons en biens immobiliers; de l'analyse des incitatifs fiscaux pour permettre des augmentations des dons modestes et l'analyse des incitatifs fiscaux pour permettre des augmentations des dons provenant des entreprises. Je ne me limiterai qu'à ces cinq points.

Premièrement, nous reconnaissons et apprécions le travail que fait actuellement le gouvernement sur la révision et la modification du crédit sur l'impôt pour personnes handicapées dans le cadre de la Loi de l'impôt sur le revenu. L'article 64 permet une déduction au titre des frais de préposé aux soins quand un particulier admissible au crédit d'impôt pour personnes handicapées tire un revenu d'entreprise ou d'emploi ou s'il étudie. Le projet de loi proposé inclura les dépenses du préposé, ainsi que d'autres frais des personnes handicapées encourus pour permettre au contribuable de travailler ou d'étudier.

Cependant, les limites visent des dépenses spécifiques. Nous aimerions que ces limites soient élargies. Par exemple, les frais de déplacement devraient être considérés. Ils peuvent être assez élevés pour certains particuliers et nous estimons qu'il devrait y avoir une déduction pour ces frais. Nous espérons que le crédit sur l'impôt pour personnes handicapées continuera à être examiné en ce qui concerne les frais payés à un préposé aux soins afin de permettre au particulier de travailler ou de fréquenter certains établissements d'enseignement. Bien que ces frais soient admis en déduction dans certaines limites, le contribuable n'a pas le droit de payer son conjoint ou son conjoint de fait. Nous croyons que le contribuable devrait pouvoir payer son conjoint ou son conjoint de fait.

L'article 67 de la Loi limite le montant à un montant raisonnable si celui-ci constitue une préoccupation. Cette inclusion renforcerait l'indépendance économique des personnes handicapées ainsi que l'économie du Canada. Nous vous présenterons ces points.

Les recommandations sont : les frais de transport pour aller au travail ou à l'établissement d'enseignement, y compris les frais de stationnement, devraient être déductibles à titre de frais de déplacement; une déclaration dans le cadre de la Loi qui permet que les dépenses devant être ajoutées à titre d'innovation et de progrès technologiques soient approuvés; le contribuable devrait pouvoir payer son conjoint ou son conjoint de fait. Cela dans le cadre du crédit sur l'impôt pour personnes handicapées.

La permission d'accumuler était le deuxième point que j'ai mentionné.

Le président : Excusez-moi de vous interrompre, mais nos transcripteurs ont beaucoup de mal à vous suivre. Pouvez- vous parler un peu plus lentement? Nous vous donnons deux minutes de plus, car nos transcripteurs sont les plus importantes personnes dans cette salle.

Mme Brown : Merci, monsieur le président. J'essayais de vous accommoder en parlant vite, mais je vais aller plus lentement. Ce que je dis est dans l'exposé, j'espère que les transcripteurs recevront une copie.

Au sujet de la permission d'accumuler, la règle de déboursement de 80 p. 100 actuelle s'applique à tous les dons annuels, y compris les subventions des organisations caritatives pour financer la recherche médicale. En 2001, les organisations privées à but non lucratif ont fourni près de 400 millions de dollars pour aider la recherche sur la santé. Il s'agit là d'une contribution importante. La plus grande partie de ce financement provient de dons de particuliers.

Chaque année, une organisation caritative doit débourser 80 p. 100 de ses dons assortis d'un reçu. Il n'est pas facile pour une organisation caritative d'accumuler des fonds pour des grands projets ou des projets concertés triennaux, c'est un défi qui peut menacer les approches stratégiques en innovations sur le plan financier. Nous pouvons accumuler des fonds pour l'infrastructure et pour les dépenses en immobilisations, mais pas pour financer des programmes de recherche triennaux.

Comme vous le savez peut-être, la nouvelle méthode de financement de la recherche est faite au moyen de programmes stratégiques pluriannuels en collaboration avec d'autres organisations; et nous croyons pouvoir demander une permission d'accumuler pour des subventions à la recherche pluriannuelle, pas seulement pour des campagnes de fonds de capitaux, de constructions et d'équipement. Cela nous permettra de jouer le rôle que le gouvernement nous demande de jouer en collaboration avec l'IRSC. C'est ce que nous proposons.

En ce qui concerne les gains en capital, la Coalition canadienne des organismes bénévoles en santé appuie une mesure législative continue pour réduire l'impôt sur les gains en capital pour les dons de valeurs mobilières. Étant donné que les Canadiens, et une population vieillissante, ont augmenté leurs biens immobiliers, il nous paraît logique d'élargir la justification des gains en capital, qui sont aujourd'hui permis pour les titres cotés en bourse, pour la propriété et les investissements dans les biens immobiliers. Nous appuyons donc la recommandation de l'Association canadienne des professionnels en dons planifiés qui demande l'élargissement de la moitié de l'incitatif du taux d'inclusion des gains en capital sur les dons de titres cotés en bourse aux dons de biens immobilier pour les œuvres de bienfaisances publiques et les fondations privées. Si les gains en capital sont entièrement éliminés pour les dons de titres cotés en bourse, nous demandons au comité de recommander que la même disposition soit élargie aux dons de biens immobiliers pour les œuvres de bienfaisances publiques et les fondations privées.

En ce qui concerne les dons modestes, en 2003, moins de 25 p. 100 des Canadiens ont déclaré des dons aux œuvres de bienfaisance dans leurs déclarations d'impôt sur le revenu. En moyenne, le don s'élevait à 220 $. Du pont de vue des organismes bénévoles en santé, notre don moyen se situe entre 20 et 40 $. Beaucoup de donateurs nous donnent de petits montants. Nous aimerions examiner les possibilités d'amélioration de mesures fiscales visant à encourager ceux qui font des dons modestes à augmenter le montant de leurs dons. Cela serait extrêmement important pour nous. Cela inclurait la renonciation à l'exigence de soumettre un reçu d'un don à une œuvre de bienfaisance pour réclamer des dons de 250 $ ou moins.

Il y a deux faces à cette médaille. Nous espérons que cela encouragera les donateurs à donner, mais aussi que cela supprimera un vrai fardeau pour certaines petites œuvres de bienfaisances qui doivent donner des reçus pour des montants de 10, 15 ou 20 $, car c'est la source de leur financement.

Finalement, les dons versés par des entreprises canadiennes s'élèvent à 3 p. 100 du total des revenus des œuvres de bienfaisances sans but lucratif. Pour les organismes bénévoles en santé, ce n'est pas un grand montant, mais ce l'est certainement pour d'autres fondations. En 2000, cela équivalait à 1,03 p. 100 des dons versés par des entreprises en temps que pourcentage des bénéfices des entreprises avant impôts.

Les entreprises canadiennes ont beaucoup aidé financièrement les œuvres de bienfaisances locales, régionales et nationales et ont évolué considérablement en développant un sens important de leur responsabilité sociale. Nous demanderons que le gouvernement examine les possibilités d'améliorer les crédits d'impôt des corporations pour améliorer les possibilités de dons venant des entreprises.

Pour conclure, le gouvernement doit assurer un rôle de premier plan dans ces domaines. Nous sommes très heureux que le comité sénatorial examine toutes ces questions. Nous espérons que vous le ferez en collaboration avec les organismes bénévoles en santé et l'ensemble du secteur. Nous croyons qu'il faut explorer beaucoup d'idées et nous aimerions participer de façon concrète aux discussions.

Nous pensons que le rôle des œuvres de bienfaisances, dont la prestation de services au Canada est capitale, et qu'il y va de l'intérêt du gouvernement ainsi que de celui de tous les donateurs de réexaminer notre politique fiscale et voir où on peut l'assouplir, la rendre plus avantageuse pour améliorer la santé des Canadiens.

Le président : C'est au tour de Mme Pearson qui vient sur la Colline parlementaire avec un nom des plus distingués. Son grand-père était l'un de mes premiers mentors. Nous lui souhaitons la bienvenue. C'est une petite-fille du très honorable Lester Bowles Pearson. N'est-ce pas?

Mme Pearson : Oui, c'est bien ça.

Le président : Bienvenue. Vous avez notre attention. Le sénateur Pearson n'est pas parmi nous, mais nous sommes aussi très conscients de sa présence.

Mme Hilary Pearson, présidente, Fondations philanthropiques Canada : Merci. C'est un héritage lourd à porter, mais dont je suis fière. Permettez-moi aussi de dire que je suis contente que dans la plus grande compétition canadienne, au moins mon grand-père a battu Don Cherry!

Je suis ici pour vous parler au nom des Fondations philanthropiques Canada, qui est une organisation ombrelle des fondations indépendantes du Canada et qui comprend des fondations de la famille, des fondations privées et publiques. Nous représentons plus de 80 de ces fondations à travers le Canada et ensemble nous détenons près de 40 p. 100 des actifs du secteur des fondations, qui totalisent environ 11 milliards de dollars

J'ai donné au greffier qui vous le distribuera des documents d'information sur le secteur des fondations et sur notre organisation, donc je ne parlerai pas de l'association elle-même, mais je serai heureuse de répondre à des questions sur le secteur.

Nous sommes ici aujourd'hui pour parler d'un changement de la politique fiscale qui offrirait un incitatif aux particuliers canadiens pour créer et développer des œuvres de bienfaisance privées. Plus spécifiquement, nous demandons que la réduction de 50 p. 100 relative aux gains en capital sur les dons de titres émis dans le public en rendant cet incitatif entièrement et pareillement applicable aux dons de titres en faveur des fondations privées. Mes remarques ne porteront que sur cette recommandation.

Je voudrais parler des raisons pour lesquelles cette politique gouvernementale d'aide fiscale devrait aider le développement de fondations privées. Les fondations de toutes sortes, de la famille, autonome, de la collectivité ou des entreprises - - contribuent de façon unique et importante à la qualité de la vie des Canadiens. Les dépenses du gouvernement dans plusieurs domaines deviennent plus efficaces et auront plus d'impact grâce au cofinancement de subventionneurs privés. Les subventionneurs privés soutiennent la recherche, élargissent le champ d'intervention des organismes de services sociaux et les avantages du système d'enseignement, complémentent les investissements faits dans notre système de santé et entreprennent beaucoup de projets communautaires qui ne seraient pas financés autrement.

L'effet de la réduction de l'impôt sur les gains en capital des dons aux œuvres de bienfaisance, y compris les fondations, a été très positif sur les œuvres de bienfaisance canadiennes. Je veux de nouveau souligner que nous parlons du traitement des fondations publiques et privées, pas de l'ensemble du crédit sur les gains en capital.

Comme vous le savez, la loi oblige les fondations privées canadiennes de ne verser de l'argent qu'à des œuvres de bienfaisance canadiennes enregistrées. Tout don versé à une fondation profite en fin de compte au public grâce au soutien accordé au travail des œuvres de bienfaisance. À notre avis, les fondations privées sont des structures de bienfaisance qui devraient être traitées comme des fondations publiques à des fins d'incitatifs fiscaux.

Combien coûtera un traitement équitable des dons de titres cotés en bourse pour les fondations privées et publiques? Nous sommes conscients, sénateur Grafstein, de votre appel à la prudence lorsqu'il s'agit de proposer des façons de plus grosses dépenses faites par le gouvernement. Nous savons que les dépenses d'argent ne sont pas illimitées. Nous en avons tenu compte. Nous avons une estimation du ministère des Finances dans laquelle il a déclaré que dans un rapport publié en octobre 2002, la réduction de l'impôt sur les gains en capital présentée en 1997 a abouti en 2000 à environ 15 millions de dollars en manque à gagner en recettes fiscales sur les gains en capital pour 200 millions de dollars en dons de titres. Je sais que vous en avez entendu parler hier par l'Association canadienne des professionnels en dons planifiés et aussi par le Conseil pour le Monde des Affaires et des Arts.

Ces dons ont été versés à des œuvres de bienfaisance publiques, y compris des fondations publiques. Assurément, le montant des dons serait plus élevé si toute la moitié du taux d'inclusion sur le crédit sur les gains en capital était disponible à ceux qui versent des dons aux fondations privées. Il est important de noter que les dons de titre ont presque triplé et que le nombre de donateurs de titres a augmenté de cinq fois au cours des quatre années qui ont fait l'objet d'une étude des fonctionnaires du ministère des Finances. C'est un incitatif qui vise vraiment à atteindre un objectif public.

Dans son étude sur les incitatifs fiscaux pour les dons versés aux oeuvres de bienfaisance publiée en février 2003, l'Institut C.D. Howe a conclu que l'élargissement du crédit sur les gains en capital est un changement faisable qui assurerait des avantages appréciables à des coûts modestes et dans un cadre de travail de politique gouvernementale soutenable.

Des critiques ont été émises disant que l'incitatif visait principalement les gens qui étaient suffisamment riches pour posséder des titres et être en mesure de les donner à des oeuvres de bienfaisance. Bien que cela soit vrai, nous ne savons pas qui sont tous ces donateurs qui ont été encouragés à faire des dons à des oeuvres de bienfaisance, il est juste de dire que la propriété de titres n'est pas limitée aux riches. Dans le cas des fondations privées, il est tout aussi faux de croire qu'elles ne sont créées que par des familles riches. La plupart des fondations privées du pays ont des actifs inférieurs à 10 millions de dollars et beaucoup ont moins de 1 million de dollars. La question essentielle n'est pas de savoir le niveau de richesse des donateurs, mais surtout de savoir quel impact peuvent avoir les fondations privées sur leurs collectivités.

Je veux conclure en donnant quelques exemples des contributions versées récemment par des fondations privées au Canada dans quelques domaines d'importance critique aux collectivités dans tout le pays.

Un grand nombre de Canadiens, sinon la majorité, vivent aujourd'hui dans des grandes villes ou dans des zones urbaines. Les fondations étudient directement les questions touchant la qualité de la vie de ces collectivités. À Toronto, par exemple, la Maytree Foundation, une petite fondation, contribue au développement de programmes innovateurs et efficaces pour intégrer les immigrants et les réfugiés. Cela inclut le renouvellement de l'accréditation des immigrants professionnels pour qu'ils puissent travailler dans leur domaine de spécialisation et leur éviter de chuter dans la pauvreté dans les zones urbaines. La fondation J. W. McConnell Family Foundation est basée à Montréal mais elle donne des subventions dans tout le pays, elle investit dans Vibrant Communities, un effort communautaire intersectoriel regroupant 15 collectivités de Colombie-Britannique à Terre-Neuve, pour tester les méthodes les plus efficaces de lutte contre la pauvreté à la base. Soit dit en passant, cet effort est aussi appuyé par la Maytree Foundation et par des fondations de la collectivité. C'est un vrai exemple d'une collaboration entre subventionneurs. Les fondations privées collaborent avec d'autres fondations.

À Montréal, la Lucie et André Chagnon Foundation, fondée en 2000, est la plus grande fondation canadienne avec 1,5 milliard de dollars d'actifs. Elle cherche des solutions dans les domaines de la promotion de la santé, de la prévention des maladies et de la pauvreté. C'est une fondation très stratégique et ambitieuse dans ses entreprises, mais qui collabore avec d'autres fondations et avec le gouvernement.

La Walter et Duncan Gordon Foundation de Toronto travaille depuis des années dans le domaine de la gestion et de la protection des ressources en eau. Elle a financé un projet triennal de la Canada West Foundation, une fondation de recherches, qui fait une étude sur la gestion de l'eau dans les zones urbaines de l'Ouest par l'entremise de son projet Western Cities Project. La Max Bell Foundation de Calgary soutient aussi cette entreprise qui finance des stagiaires dans des organisations de recherche qui étudient les moyens d'enseigner aux Canadiens des solutions de rechange aux politiques du gouvernement. Voilà un exemple d'une fondation dont le travail vise une meilleure politique gouvernementale. La Max Bell Foundation soutient beaucoup de projets de recherche de politiques innovatrices dans les domaines de la santé, de l'éducation et des communications en collaborant avec des organisations de recherche avant-gardistes comme la Canada West Foundation, le Fraser Institute et l'Institut canadien de recherches avancées.

Est-ce que l'un de ces projets pourrait être financé par des gouvernements? Probablement pas, au moins pas au cours des phases initiales. Est-ce que la politique gouvernementale serait différente s'ils étaient financés? Oui, parce qu'ils présentent de nouvelles idées. Ils ouvrent de nouvelles perspectives d'exploration et ils signalent aux subventionneurs publics qu'il y a quelque chose à examiner. Est-ce que cela est important pour le public? Absolument, car il y a un besoin constant d'idées originales sur les questions relatives à la collectivité dans un contexte local et global.

Ce n'est pas seulement ces fondations qui font ce travail. Il y a des centaines d'exemples d'importants subventionneurs dans tout le pays. Il faut que cela commence quelque part. Plus les fondations privées sont encouragées à démarrer au Canada, le mieux se porteront de nombreuses collectivités.

En conclusion, nous sollicitons votre appui pour demander instamment au gouvernement de donner un signal qu'il y a un appui public pour le travail des fondations privées en mettant les donateurs qui font des dons de titres cotés en bourse à des fondations privées sur un pied d'égalité avec les donateurs de tous les organismes de bienfaisance. La modification que nous proposons à la politique fiscale n'est ni coûteuse ni nouvelle. L'incitatif fiscal existe déjà, mais il n'est pas utilisé également et entièrement. Les fondations sont des organismes de bienfaisances. Elles sont sujettes à la réglementation et à la reddition de comptes publiques, comme devraient l'être tous les organismes de bienfaisance enregistrés. Nous demandons qu'il soit fait en sorte que les fondations privées soient traitées de manière équitable par la politique gouvernementale.

Je serai heureuse de répondre aux questions que vous aurez certainement à propos des raisons qui expliquent pourquoi les gens qui font des dons à des fondations privées ont été traités de cette façon jusqu'à maintenant. Merci beaucoup d'étudier cette question.

Le président : Merci. Notre prochain témoin est Darrell Louise Gregerson, directrice générale de la Fondation du Centre national des Arts. Elle s'est grandement distinguée par son travail auprès des organismes de bienfaisance. Nous avons très hâte d'entendre votre témoignage.

Mme Darrell Louise Gregerson, directrice générale, Fondation du Centre national des Arts : Bonjour et merci. Tout ce que je peux dire au sujet de mon grand-père, c'est qu'il était banquier. Peut-être que cela a une certaine pertinence pour le comité.

Je suis directrice générale de la Fondation du Centre national des Arts. Je trouve très encourageant de savoir que le présent comité cherche des façons de stimuler les dons de bienfaisance au profit de la société canadienne. Je suis tout à fait d'accord pour dire que nous ne pouvons surestimer l'importance du don de bienfaisance au Canada.

J'apporte une perspective de 20 ans et certains exemples vus sous certains angles privilégiés. Premièrement, notre fondation reçoit des dons de partout au pays. Par conséquent, j'ai effectivement une perspective nationale. Nous recevons également des dons des États-Unis. Je suis l'ancienne directrice principale des dons philanthropiques au Hospital for Sick Children de Toronto. Je suis membre du conseil d'administration du chapitre d'Ottawa de l'Association for Fundraising Professionals. Au Centre national des Arts, j'ai eu le plaisir d'organiser trois tables rondes qui ont réuni plus de 60 chefs de file nationaux et internationaux pour donner leur avis sur la façon d'améliorer la philanthropie dans le domaine des arts au Canada. À chacune de ces trois tables rondes nationales, les participants ont parlé de la nécessité de la première de mes trois recommandations ce matin, à savoir l'élimination complète de l'impôt sur les gains en capital pour les dons de titres cotés en bourse.

La Fondation du Centre national des Arts n'est vieille que de quatre ans et pourtant, elle a déjà reçu 24 dons sous forme d'actions, ce qui est le résultat direct de l'initiative du gouvernement de réduire l'impôt sur les gains en capital touchant les dons de titres cotés en bourse. J'aimerais voir ce chiffre doubler grâce à l'élimination complète de l'impôt.

J'aimerais vous donner une idée de l'effet des sommes contribuées par le biais des dons d'actions, parce qu'ils représentent déjà l'équivalent du coût de plus de 150 événements éducatifs, cours de maître et cours pratiques fournis à des milliers d'enfants et de jeunes artistes, le plus récemment, dans 13 collectivités de la Colombie-Britannique, et dans des collectivités dans les quatre provinces de l'Atlantique, ainsi que de 12 500 trousses documentaires à l'intention des enseignants, comportant des plans de leçon, des disques compacts et des activités interactives sur le Web distribuées à toutes les écoles élémentaires au Canada à deux reprises. C'est de l'argent que nous n'aurions jamais reçu autrement.

J'aimerais que vous notiez que ces dons n'étaient pas tous des dons très élevés. En fait, 14 d'entre eux avaient une valeur de moins de 5 000 $. Un exemple précis que j'aimerais vous donner, c'est celui du directeur financier du Centre national des Arts. Ayant deux adolescents, il n'était pas dans une situation qui lui permettait de donner une somme substantielle en liquidité, mais il a eu beaucoup de plaisir à faire un don en actions qui représentait quatre ou cinq fois la valeur de sa contribution annuelle et l'équivalent du coût des trousses documentaires à l'intention des enseignants dans 200 de ces écoles ou des musiciens qui donnent des classes dans dix d'entre elles.

J'ai des discussions à l'heure actuelle avec un homme bien connu de plusieurs d'entre vous, un administrateur et chef de file dans le monde universitaire, qui n'avait jamais cru pouvoir se permettre de faire un don dans les six chiffres au Centre national des Arts, ou à quiconque d'autre. Il a maintenant découvert qu'il peut le faire et il espère en faire profiter non seulement le Centre national des Arts, mais également un autre établissement national dans le domaine des arts.

Au Hospital for Sick Children, la quasi totalité de la campagne de recherche de 85 millions de dollars a été financée par des dons en actions. De nombreux donateurs ont fait leur don total en un seul versement, ce qu'ils n'auraient jamais pu faire avec des liquidités. Cela signifie que l'effet total d'un don de un million de dollars ou de 5 millions de dollars se fait sentir immédiatement plutôt que sur une période de plusieurs années et que cet argent est mis immédiatement au service de la santé des enfants.

Mon meilleur souvenir, c'est le jour où je discutais de la façon dont fonctionnaient les actions et les options d'achat d'actions avec un de nos donateurs. Il s'agit d'un homme qui a l'esprit très vif lorsqu'il est question de chiffres. Lorsqu'il a compris la mécanique de ce système, il m'a regardé et il a dit : « Je peux me permettre de vous donner 350 000 $ au lieu de 250 000 $. » Ce n'est pas tous les jours que quelqu'un vous demande de vous donner 100 000 $ de plus que ce qu'il voulait donner. Je peux vous dire qu'il s'agit d'un instrument très puissant.

Sur la question des coûts, le fait d'examiner cette situation à travers le prisme des impôts perdus est un peu mal avisé à mon point de vue. C'est en examinant la vitalité accrue, comme l'ont exprimé mes collègues ce matin, du fait que nous avons une société vivante, saine et qui fonctionne, que l'on peut le mieux en évaluer la valeur réelle.

Ma seconde recommandation est d'étendre cet avantage à d'autres biens à valeur accrue, comme les biens réels. Nous sommes tous conscients que l'on commence à assister à un transfert énorme de richesse entre les générations. Je crois que le fait d'étendre l'avantage fiscal aux biens à valeur accrue, comme les biens réels, augmentera dans une mesure encore plus grande la valeur qu'en retirera la société dans l'avenir. Notre nouvelle fondation a déjà reçu des biens personnels complets, comprenant des biens réels, des œuvres d'art et des antiquités, et je sais que nous en verrons d'autres, sauf que ces biens qui sont sujets à l'impôt ne peuvent être mis à contribution directement parce que le produit de leur vente est nécessaire pour aider à payer l'impôt.

Ma troisième recommandation est d'améliorer l'accès à des reçus aux fins de l'impôt pour les sociétés qui donnent un appui sous forme de commandite à des organismes de bienfaisance. L'Agence du revenu du Canada ne permet pas à l'heure actuelle que des commandites de ce type donnent droit à des reçus pour la bonne raison que les sociétés en cause reçoivent une reconnaissance précieuse. Toutefois, ces sociétés savent qu'elles obtiendraient une valeur beaucoup plus grande si elles participaient à un programme de commandite commerciale ou à une campagne de publicité, et bien qu'elles puissent accepter quand même de participer à une commandite à cause de la valeur du projet pour la société, elles ne reçoivent pas de reçu aux fins de l'impôt.

Les arts constituent un domaine qui reçoit une aide substantielle de la part des sociétés. Au Centre national des arts, cela représente 2,5 millions de dollars sur les 5 millions de dollars au total qu'a rapporté tout notre effort de financement. Il s'agit d'un élément dissuasif pour les sociétés qui désirent s'acquitter de leur responsabilité entièrement par le biais des arts.

En résumé, l'amélioration de l'environnement fiscal souligne vraiment les intentions du présent comité de susciter plus de dons et, en retour, de produire des gains substantiels pour la société canadienne. Il est vrai que les gens ne font pas un don pour obtenir un reçu aux fins de l'impôt, mais ils sont habilités à le faire par un tel reçu. Tout ce que nous pouvons faire pour susciter plus de dons est une aide d'une puissance extraordinaire pour notre pays.

Le sénateur Angus : J'aimerais poser la première question, s'il m'est possible de le faire, à Mme Pearson et à Mme Gregersen. Si le gouvernement n'était disposé à vous accorder qu'un seul des deux avantages suivants, lequel préféreriez-vous : (A) réduire à zéro l'impôt sur les gains en capital ou (B) étendre ce que nous avons à l'heure actuelle, la réduction de 50 p. 100, aux fondations privées?

Mme Pearson : Ce n'est pas une question qui m'est étrangère. On me l'a déjà posée.

Le sénateur Angus : Je pensais que c'était une question originale.

Mme Pearson : Il s'agit probablement d'un ensemble de possibilités que le gouvernement envisage, un ou l'autre. Évidemment, ma réponse a été que je ne voudrais jamais laisser entendre qu'il faudrait que ce soit l'un ou l'autre. Mon point de vue, c'est que le gouvernement devra analyser ce choix en fonction des avantages potentiels à long terme pour les organismes de bienfaisance.

Je ne vois aucune raison pourquoi nous ne pourrions pas faire les deux, pour dire la vérité, mais si quelqu'un doit choisir, il pourrait s'agir que les changements pourraient être apportés graduellement. En fait, en 1997, ils ont dit : « Nous appliquons cette mesure provisoirement; nous verrons ce qui arrivera ». Ils ont décidé de rendre cette mesure permanente en 2000 parce que la situation des dons semblait effectivement très prometteuse. Ils pouvaient probablement continuer dans cette même veine. Ils disent cela depuis un certain temps. En fait, chaque fois qu'ils commentent cette situation publiquement — « ils » étant les responsables de la politique fiscale ou, en effet, le ministre — ils diront : « Nous sommes toujours en train d'examiner ce que nous pourrions inclure dans cette mesure ». Ma suggestion serait qu'ils devraient continuer d'explorer la possibilité d'inclure le plus possible de choses dans cette mesure, et s'il faut l'échelonner dans le temps, c'est très bien, pourvu que nous allions dans la bonne direction, à savoir dans la direction d'une incitation plus généreuse à l'endroit des donateurs de titres.

Le président : Elle a parlé comme la petite-fille d'un grand diplomate et dans la plus pure tradition de la famille.

Le sénateur Angus : Quelle est votre réponse à cette question, madame Gregersen?

Mme Gregersen : Je ne suis pas convaincue que les gens vendraient nécessairement leurs actions s'ils ne faisaient pas un don. Je ne pense pas que le fait de regarder les impôts perdus soit vraiment la meilleure façon de mesurer l'effet de cette mesure. Nous avons beaucoup plus à gagner de l'élimination de l'impôt et de l'élargissement de l'avantage.

Le sénateur Angus : Y aller jusqu'au bout.

Mme Gregersen : Oui, mais il faut bien réfléchir à la manière dont nous regardons cette question. C'est accorder trop d'importance au court terme que d'envisager la perte de revenu d'impôt sur une vente qui pourrait ne pas avoir eu lieu autrement.

Le sénateur Angus : Madame Brown, vous avez soulevé la question des reçus et vous êtes la directrice générale de la Fondation des maladies du cœur. Les dons moyens se situent entre 1 $ et 50 $, ce que je comprends très bien. Vous avez environ 25 sollicitations par lettre par année. Quand envoyez-vous vos reçus? Lorsque nous avons annoncé que nous faisions cette étude, nous avons été inondés de demandes de la part de personnes qui voulaient savoir quand elles recevraient leur reçu. Pour les organismes de bienfaisance, l'administration de cette question est une tâche très lourde.

À partir de représentations qui nous ont été faites à titre de représentants de l'ensemble des citoyens, pour les organismes de bienfaisance, c'est une tâche administrative très lourde que de faire le suivi au cours du mois de février des reçus aux fins de l'impôt pour XYZ. Pouvez-vous m'éclairer à ce sujet?

Mme Brown : Nous devons aborder cette question dans la perspective de la gestion du risque. Je pense que c'est là le sens de votre question, sénateur. Il s'agit en réalité d'un mécanisme de confiance face au public canadien. Vous le faites déjà dans une certaine mesure dans le cas de la déclaration électronique. Les gens n'ont pas besoin de vous faire parvenir leurs reçus s'ils vous envoient leur déclaration de revenu par courrier électronique. On accepte déjà le principe que, grosso modo, les Canadiens sont très honnêtes à propos du fait qu'ils ont fait un petit don. Tout ce que vous avez à faire, c'est de mettre sur pied une vérification périodique comme vous le faites déjà pour d'autres aspects du régime fiscal. Cela réduirait le fardeau imposé aux organismes de bienfaisance dans le domaine de la santé et faciliterait également la déclaration par le donateur.

Je dirais qu'il s'agit d'une petite chose que vous pouvez faire qui aurait de grandes répercussions. Ai-je bien compris votre question?

Le sénateur Angus : C'est une bonne réponse, mais ce n'était pas ma question. Le sens de ma question était le suivant — c'est la représentation — les grands organismes de bienfaisance publiques dans le domaine de la santé au pays font beaucoup de sollicitation par lettre, qu'il s'agisse de la Croix-Rouge, du diabète ou de ceci ou de cela. Au cours de ma vie, j'ai participé un peu à des campagnes de financement. Les gens sont occupés. Ils ne se souviennent pas s'ils ont envoyé 40 $. Vous leur donnez habituellement le choix — envoyer 10 $, 20 $, 30 $ ou même plus.

Ils donnent, et ensuite, ils ne reçoivent pas le reçu. Alors, ils se demandent s'ils ont fait un don à la Fondation des maladies du cœur. Où est le damné reçu? Je reçois de nombreuses plaintes à ce sujet. Quand envoyez-vous les reçus, règle générale?

Mme Brown : Nous émettons le reçu aussitôt que possible après la réception du don. Je suis d'accord avec vous. Il y a une certaine difficulté à cet égard, selon l'organisme de bienfaisance dans le domaine de la santé. La demande est formulée avant que la personne ait eu sont reçu, en partie parce que de nombreux organismes de bienfaisance dans le domaine de la santé attendent jusqu'à la fin de l'année pour remplir leurs responsabilités en matière d'expédition des reçus, plutôt que de le faire sur une base provisoire, parce que ce travail est fait par des bénévoles. Il n'est pas fait par le personnel.

Les organismes de bienfaisance dans le domaine de la santé sont beaucoup plus limités en ce qui a trait à la part des dons qu'ils peuvent utiliser à des fins administratives. Envoyer des reçus, c'est de l'administration. Vous devez faire venir des bénévoles dans le bureau pour envoyer les reçus. En fait, c'est un gros problème.

C'est vrai. Il s'agit d'une plainte légitime que, parfois, lorsque les donateurs ont fait une deuxième demande, ils n'ont pas encore eu leur reçu. Je vais faire part de ce problème à la coalition des organismes de bienfaisance dans le domaine de la santé.

Le sénateur Angus : Je vais vous faire une suggestion. Je vous ai entendue dire que l'on avait tendance à garder ce travail pour la fin de l'année. Lorsque vous faites une sollicitation directe en janvier avec l'intention d'envoyer le reçu au mois de décembre ou même au mois de janvier suivant, vous pourriez simplement indiquer sur la carte que la politique de la Fondation des maladies du cœur est d'envoyer les reçus aux fins de l'impôt à la fin de l'année. Beaucoup de gens sont très heureux de faire un don, surtout s'il s'agit de 20 $, de 30 $ ou de 40 $, par opposition à 500 $, 600 $ ou 700 $. Cela pourrait convenir à leur budget de donner sous forme de versements comme cela. Il est très important que vous le fassiez. J'ai reçu de nombreuses plaintes à ce sujet.

Mme Brown : Merci, sénateur. Je vais certainement en parler. C'est une observation utile.

Le sénateur Massicotte : J'aimerais que vous m'aidiez à conceptualiser où se situe le don dans l'univers de la prestation de services. Différents pays ont des perceptions différentes. Dans de nombreux pays, le don n'est pas une question importante. Plutôt, les gens attendent du gouvernement qu'il assure le service. J'entends de nombreuses observations selon lesquelles les gens ont déjà payé des impôts, pourquoi devraient-ils en donner davantage. C'est la responsabilité du gouvernement d'établir les priorités dans les besoins.

Vous pourriez probablement défendre l'idée que peut-être le don et les organismes de bienfaisance sont complémentaires, ou sont plus efficaces, ce qui est probablement, d'une perspective globale, ce que nous voulons entendre dans l'attribution des besoins. Cependant, si nous acceptons certaines de vos recommandations comme l'absence d'impôt sur les gains en capital pour les dons de titres cotés en bourse ou, peut-être, de biens réels, effectivement, le public, et non les personnes individuelles, dira que c'est son argent. Est-ce que les gens ont confiance que ces organismes dépensent l'argent de manière appropriée?

Si vous faites en sorte que les fondations privées, qui sont davantage contrôlées par des personnes, puissent profiter de ces mesures, servons-nous l'intérêt public, du fait que 50 p. 100 de cet impôt est géré par ces fondations privées? Quelle est la meilleure façon de servir le public? Comment voyez-vous ce système fonctionner et comment pouvons- nous nous assurer que les intérêts à long terme du public sont mieux servis par ce mécanisme?

Le président : Nous aimerions avoir une réponse de chacune d'entre vous, parce qu'il s'agit d'une question importante sur laquelle nous allons travailler très fort.

Mme Pearson : Ce sont des questions très importantes. La communauté des fondations est très consciente de ses obligations en tant qu'organismes privés qui ont reçu l'appui du public de devoir rendre des comptes au public d'une certaine façon.

Je dis souvent à mes membres que le fait d'être une fondation privée ne signifie pas que vous pouvez être privés. Lorsque vous avez pris la décision de vous enregistrer comme une fondation, vous avez fait un pas dans la direction de la reddition de comptes au public. Dans une forme minimale, la reddition de comptes se fait par le formulaire de déclaration que chaque fondation doit envoyer à l'Agence du revenu du Canada chaque année. Tout organisme de bienfaisance au Canada doit retourner le formulaire rempli à l'Agence de revenu du Canada. Ce formulaire contient une quantité considérable de renseignements au sujet de ce que fait la fondation.

Le contingent des versements fait également en sorte que les fondations ne font pas que s'asseoir sur l'argent et que ce dernier est versé régulièrement à des organismes de bienfaisance. Le gouvernement a imposé un cadre de réglementation qui est important et nécessaire pour s'assurer que les fondations privées ne servent pas uniquement à cacher de l'argent privé, même si elles ont profité d'avantages fiscaux pour cela.

Il y a la question des priorités publiques par rapport aux priorités privées et à savoir si l'argent pourrait être mieux dépensé par un bailleur de fonds gouvernemental que par un bailleur de fonds privé. La somme d'argent qui est donnée chaque année par les fondations privées au pays s'élève à environ un milliard de dollars. Lorsque vous comparez cette somme à ce que les gouvernements dépensent à tous les paliers chaque année, il s'agit d'une somme nettement plus petite. Nous aimerions qu'elle soit plus grande, mais nous n'arriverons jamais à rivaliser avec les dépenses publiques. Je ne pense pas que ce soit quelque chose que les fondations privées veuillent faire. Elles ne peuvent pas rivaliser avec les dépenses du secteur public.

Je décrivais plutôt le rôle complémentaire que les bailleurs de fonds privés peuvent jouer. C'est un rôle très important. Les bailleurs de fonds privés peuvent agir un peu comme les investisseurs providentiels dans le contexte du capital de risque. Ce sont les gens qui interviennent au début, lorsque le concept n'a pas encore fait ses preuves, qu'il s'agit seulement d'une idée qui pourrait peut-être déboucher sur un avantage important pour un grand nombre de personnes dans l'avenir. Lorsqu'il ne s'agit encore que d'une approche ou d'une idée, le financement qui permettra de concrétiser cette idée ne viendra pas du gouvernement. Il proviendra plus facilement d'un bailleur de fonds privé.

Les bailleurs de fonds privés ont une tolérance plus élevée au risque et, peut-être, un engagement dans le temps plus long. Ils peuvent prendre cet engagement sur une période de temps plus longue que de nombreux bailleurs de fonds gouvernementaux. Il s'agit d'un financement complémentaire et je défendrais l'idée qu'il s'agit également d'un financement très nécessaire pour appuyer les priorités publiques. En bout de ligne, la réduction de la pauvreté, qui est une priorité publique, peut se faire de différentes façons. Les bailleurs de fonds privés peuvent tester certaines de ces approches, de sorte que le gouvernement puisse mieux le faire. Lorsque vient le temps d'appliquer le projet à une échelle plus grande, le gouvernement peut mieux le faire, parce que ces nouvelles idées ont été introduites dans le système.

Le sénateur Massicotte : Veuillez prendre note que si vous donnez un crédit total pour les gains en capital, par opposition à une imposition totale, environ la moitié de l'argent qui est donné en contribution est en fait de l'impôt sur le revenu reporté. En d'autres mots, il s'agit de l'argent de monsieur et de madame Canada. Si vous le donnez à des fondations ou, pire encore, à des fondations privées, comment nous assurer que l'argent, qui est une proportion de 50/ 50, est dépensé dans l'intérêt de tous les Canadiens et non pas dans l'intérêt particulier d'une fondation privée particulière? Veuillez également comprendre que si vous permettez à des fondations privées d'être admissibles, alors, les organismes publics de bienfaisance recevront, bien évidemment, moins d'argent. Le public fait davantage confiance aux organismes de grande taille et je suppose que c'est la raison pour laquelle le gouvernement n'a pas autorisé les fondations privées à profiter de cet avantage. Vous recevrez moins d'argent.

Pourriez-vous répondre dans cet optique? Ce n'est pas tout le monde qui gagne à ce jeu; il y a des perdants.

Le président : Hier, nous avons entendu un témoignage qui indiquait qu'il ne s'agissait pas d'un partage à 50/50. Le chiffre était 53 p. 100 payés par le contribuable. Il s'agit de plus de 50 p. 100, pour mettre en relief le point de vue du sénateur Massicotte.

Mme Pearson : J'aimerais revenir sur un point que j'ai fait valoir plus tôt. Les fondations doivent donner et elles doivent donner à des organismes de bienfaisance. Une personne n'est pas autorisée à cacher cet argent et à recevoir un avantage fiscal pour cela.

Le sénateur Massicotte : Nous comprenons cela, mais comment nous assurer, lorsque les organismes sont de grande taille, que l'activité est véritablement liée aux besoins des gens, parce que 53 p. 100 de l'argent est de l'argent des Canadiens; il ne s'agit pas de l'argent de personnes. Les autres organismes recevront moins d'argent. Qui est le mieux placé pour décider quels sont les meilleurs intérêts des Canadiens?

M. Gregersen : L'ambassadeur Gordon Giffin était un participant à la plus récente table ronde du Centre national des Arts. Il était d'avis que les Canadiens semblent penser que le gouvernement est censé tout faire et que tout ce que nous pouvons faire en partenariat qui encourage les dons renforcera notre pays, tout comme cela a renforcé de manière spectaculaire les États-Unis.

De nombreux organismes de charité ne sont pas des fondations privées. Ce sont des organismes comme le nôtre, qui oeuvrent déjà en partenariat avec le gouvernement du Canada. Comme Mme Pearson l'a dit, l'une des choses importantes que nous devons faire pour nos donneurs, c'est de leur communiquer nos résultats. C'est la raison qui les amèneront à continuer de nous appuyer. C'est en se fondant sur ce que nous avons accompli avec leurs contributions jusqu'à maintenant qu'ils décident de nous renouveler leur confiance. Les rapports sur les résultats et la gestion de l'argent sont deux éléments extrêmement importants.

Quant à savoir comment les Canadiens peuvent faire des choix valables pour le pays, je dirais que les fondations publiques et privées doivent énoncer les résultats auxquels ils s'attendent lorsqu'ils présentent une demande de statut d'organisme de bienfaisance. C'est à ce moment-là que l'Agence du revenu du Canada détermine si les résultats en question revêtent une importance pour les Canadiens et, dans l'affirmative, elle confère à la fondation le statut d'organisme de bienfaisance.

Le président : Pouvez-vous fournir une brève réponse de nature stratégique à la question? Le sénateur Massicotte a soulevé une question fondamentale dont nous discuterons ultérieurement. Nous souhaiterions que cette réponse nous soit remise par écrit. Il a soulevé une question de politique à laquelle le comité réfléchira lorsqu'il envisagera ses recommandations.

Sénateur Massicotte, nous y reviendrons au deuxième tour de table.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Je vois dans votre présentation, madame Pearson, qu'il est inscrit que l'on doit débourser seulement à des organismes de bienfaisance canadiens. Savez-vous si ces organismes utilisent les fonds au Canada ou si ces fonds peuvent être envoyés à l'extérieur du Canada? Si oui, dans quels pays? Quel est le pourcentage que vous prenez en frais d'administration?

Mme Pearson : Pour la première question, oui, c'est possible et je réponds pour les fondations plutôt que pour les donateurs canadiens. Ce serait aussi vrai pour les donateurs individuels. Oui, une fondation peut donner à un organisme de bienfaisance comme Oxfam Québec, qui a des œuvres charitables à l'extérieur du pays. Le règlement du gouvernement fédéral est que la fondation ne peut pas donner à un organisme qui n'est pas inscrit, qui n'a pas un numéro de charité; Oxfam Québec est acceptable car c'est un organisme de charité inscrit auprès du gouvernement fédéral. Le don est alors permis et il est certain que ce don sera utilisé à l'extérieur du pays.

Le sénateur Plamondon : Les dons à des fondations qui se retrouvent dans les organismes de bienfaisance restent au pays dans quelle proportion par rapport à ceux qui vont à l'extérieur? Je voudrais savoir de quels pays il s'agit?

Mme Pearson : Dans la trousse d'informations que j'ai distribuée, il y a une carte qui vous le démontre pour les fondations privées seulement. On y retrouve aussi la proportion des dons qui est dirigée vers certains secteurs, tels l'éducation, la santé, les services sociaux, et cetera. Vous avez également les projets du secteur international, c'est-à-dire hors du pays, c'est à peu près quatre ou cinq p. 100. Alors ce n'est pas une proportion très élevée du total des dons.

Le sénateur Plamondon : Cela rejoint la question du sénateur Massicotte. C'est une aide qui vient du gouvernement du Canada et ce n'est pas à cause de la déduction fiscale. Les fonds donnés le sont à une proportion de 50 p. 100 par le gouvernement.

Mme Pearson : Oui.

Le sénateur Plamondon : Quel pourcentage du total des dons gardez-vous pour l'administration?

Mme Pearson : Pour notre association à nous ou pour une fondation typique?

Le sénateur Plamondon : Pour tout cela. Est-ce qu'il y a une norme?

Mme Pearson : On a un Fonds de dotation et on se finance des retours sur l'investissement du Fonds de dotation. Typiquement, c'est à peu près un p. 100 des actifs du Fonds de dotation qui sont déboursés aux fins d'administration.

Le sénateur Plamondon : Et les organismes de bienfaisance à qui donnez-vous, est-ce un p. 100?

Mme Pearson : Non, d'habitude — ma collègue pourrait vous répondre avec plus d'expertise — c'est à peu près le 80/20, la règle 80/20, aussi imposé par le gouvernement fédéral; il faut débourser 80 p. 100 des dons pour lesquels on donne un reçu de charité, le 20 p. 100 est réservé à des fins administratives.

[Traduction]

Le sénateur Oliver : J'ai trois brèves questions, une pour chacun des participants, en commençant par Mme Brown. Je vais poser mes trois questions et ensuite laisser les témoins répondre.

Le sénateur Angus a posé une question à la suite de votre réponse concernant les reçus d'impôt pour activités de bienfaisance, et j'espère que j'ai bien compris. Madame Brown, vous avez déclaré que la moyenne des dons accompagnés d'un reçu soumis en même temps que les déclarations d'impôt s'élèvent à 220 $ environ. Vous avez aussi dit que certains dons sont plutôt modestes et qu'il est fastidieux de devoir envoyer un reçu pour 10 $, 15 $ ou 25 $. À votre connaissance, un grand nombre de contribuables soumettent électroniquement leurs déclarations d'impôt et, par conséquent, n'exigent pas de reçu à moins que l'Agence du revenu du Canada n'en réclame.

Lorsque le sénateur Angus m'a enseigné l'étiquette des activités de financement, il m'a expliqué qu'après avoir demandé de l'argent, il est très important de rédiger une note de remerciement. Si vous préparez une note de remerciement pour vos donneurs, ne serait-il pas possible d'insérer un reçu dans l'enveloppe en même temps? Il me semble que c'est ainsi qu'on devrait procéder.

Même si des vérifications peuvent être faites, quelle autre preuve y aura-t-il? Quelle autre preuve avez-vous en tête?

Qu'arriverait-il si les propositions que vous avez faites ne sont pas acceptées? Quelles seraient les répercussions sur les fondations privées si elles ne pouvaient faire de transferts aux organismes de bienfaisance?

Certains pensent que les dons de charité augmenteraient si on créait un « régime enregistré d'épargne pour les dons de bienfaisance », sur le modèle du REER. Que pensez-vous de créer un régime d'épargne enregistré pour les dons de charité qui permettrait aux individus de transférer des fonds exempts d'impôt à des organismes de bienfaisance?

Mme Brown : Je voudrais poser une ou deux brèves questions au sénateur Massicotte. Un grand nombre de dons de 10 $, 20 $ ou 15 $ nous sont remis lors d'événements spéciaux. Les gens reçoivent des reçus non officiels au moment du don. Pourquoi ces reçus ne pourraient-ils pas servir de reçus d'impôt officiels? Nous recevons énormément de dons dans le cadre de ces événements et le donneur pourrait peut-être se prévaloir du fait qu'on lui remet un reçu non officiel.

Le sénateur Oliver : Lors de ces événements informels, vous pourriez inscrire le numéro de l'œuvre de bienfaisance à des fins d'impôt.

Mme Brown : Je ne suis pas une collectrice de fonds, mais je pense que c'est interdit pour certaines raisons. Je vais assurément m'informer et fournir au comité de plus amples renseignements.

Le président : Le sénateur Oliver et moi-même avons assisté à une rencontre importante sur la gouvernance électronique au siège social de Microsoft. Des dirigeants gouvernementaux d'un peu partout dans le monde étaient présents à cette réunion. On nous a donné certains documents illustrant l'efficacité des gouvernements dans le domaine de l'administration électroniques, et le Canada figure en tête de liste. On a fait l'analyse de ce qu'il en coûte au gouvernement de répondre à une question. On a comparé une lettre de réponse, qui revient à environ 25 $ ou 30 $ à une réponse par courriel, qui coûte 1 $. Tout est dans le détail. Il est important que nous ayons des réponses à nos questions qui se rapportent à l'intervention du sénateur Massicotte. Comment rendre le processus relatif aux reçus économique tout en garantissant qu'il soit juste à la fois pour le contribuable et l'organisme de bienfaisance?

Mme Brown : C'est une bonne question. Il faut savoir aussi que de plus en plus de gens font des dons en ligne, par exemple à la Fondation des maladies du coeur du Canada. Cela ajoute la dimension électronique dont vous parliez. Je devrais aussi mentionner que nous remercions tous nos bénévoles. Cela se rattache aussi à la question du sénateur Massicotte. En principe, bien des gens commencent par faire un don. Ensuite, ils deviennent bénévoles et plus tard, ils sont partie prenante au processus. Lorsqu'on les interroge au sujet de leur action, ce n'est pas tant l'aspect don qui leur importe, mais le sentiment d'appartenance qu'ils ressentent envers la mission et les activités de l'organisme de leur choix. C'est un cheminement complexe qui mène de l'envoi d'un chèque au bénévolat. C'est une évolution graduelle qui représente un processus important.

Le président : Nous avons tous fait cela.

Mme Brown : Je sais que vous l'avez fait. D'ailleurs, cela a des répercussions lorsqu'il s'agit d'encourager les gens à faire des dons en espèces. C'est le début du processus qui rend ces organismes vraiment dynamiques.

Le président : Sénateur Oliver, êtes-vous satisfait de ces réponses?

Le sénateur Oliver : C'était seulement la première question.

Mme Pearson : Vous voulez savoir ce qui arriverait si notre recommandation n'était pas acceptée?

Le sénateur Oliver : Je voulais savoir quelles seraient les répercussions sur les fondations privées.

Mme Pearson : En fait, si notre recommandation proprement dite n'était pas acceptée, le statu quo demeurerait. Nous ne pouvons que vous relater des faits anecdotiques qui donnent à penser que moins de donneurs versent des sommes moindres à des fondations privées parce que l'incitatif est moins intéressant. La Fondation Asper, par exemple, est membre de notre association. Son fondateur, M. Asper aurait sans doute fait un don de titres appréciable à la Fondation Asper, mais il ne l'a pas fait parce que l'incitatif était moins intéressant que pour un don à une fondation publique. Et cela amène la question : Pourquoi des fondations privées? Pourquoi ne pas faire des dons à une fondation publique? En fait, le terme « privé » suscite immanquablement des soupçons. Chose certaine, il est clair qu'aux yeux du ministère des Finances, par exemple, la notion de « privé », signifie que tout cela se passe sans droit de regard du public, sans surveillance et sans contrôle publics.

Comme nous faisons partie du milieu des fondations privées, nous essayons de démontrer par tous les moyens possibles que nous prenons au sérieux notre responsabilité en matière de reddition de comptes. Comme je l'ai dit tout à l'heure, le terme « privé » ne signifie pas que nous opérons intégralement en privé. Nous sommes assujettis à une obligation de rendre compte, de communiquer et d'être transparents, pour reprendre un terme fort galvaudé ces jours- ci. Il importe que les fondations assument leur rôle d'acteurs publics, même si le véhicule qui est le leur s'appelle « une fondation privée ». Essentiellement, ce véhicule est sur le même pied que n'importe quel autre organisme de bienfaisance pour ce qui est de la reddition de comptes exigée.

Le sénateur Oliver : Sauf que la source des fonds est privée.

Mme Pearson : C'est exact. Nos fonds viennent d'un donneur ou d'une famille, par opposition à une multiplicité de donneurs. Nous avons des obligations à l'égard du public, et nous en tenons compte.

Le sénateur Oliver : Qu'en est-il du régime enregistré d'épargne?

Mme Gregersen : C'est une nouvelle idée dont je n'avais jamais entendu parler auparavant. C'est intéressant. En fait, c'est une idée intrigante qui a son intérêt du point de vue du positionnement et des relations publiques.

En ce qui a trait à l'aspect fiscal, il faudrait que j'y réfléchisse davantage, mais à mon avis, cela reviendrait tout simplement à reporter le problème. Lorsque le régime enregistré serait liquidé, son titulaire serait tout de même obligé de payer l'impôt. Concrètement, je ne pense pas que pour les Canadiens, cela présenterait le même avantage qu'une suppression de l'impôt.

Le sénateur Moore : Sénateur Oliver, aviez-vous à l'esprit le système que vient tout juste de lancer la Banque TD, qui consiste à créer une fiducie dont la gestion est assumée par l'institution bancaire? Le propriétaire de la fiducie peut désigner les oeuvres caritatives qu'il veut appuyer et, à sa mort, le montant de la fiducie est remis. Est-ce là le plan dont vous parliez?

Le sénateur Oliver : Non ce n'est pas celui-là.

Le sénateur Moore : Je m'intéresse à l'enseignement postsecondaire et aux institutions qui fournissent cet enseignement. Je constate que 29 p. 100 des dons des fondations vont à l'éducation. Au Sénat, nous avons fait une étude sur l'entretien différé cumulatif dans les établissements postsecondaires au Canada. On a besoin d'environ 3,5 millions de dollars pour retaper les immeubles. Je ne parle pas nécessairement de travaux sophistiqués, mais simplement d'entretien de base pour respecter le code du bâtiment. La plupart des fondations sont plus enclines et plus disposées à fournir des fonds pour l'érection de nouveaux édifices qui porteront leur nom. Comment pouvons-nous les encourager à faire des dons pour assurer l'entretien des édifices existants?

Mme Pearson : C'est une bonne question.

Le sénateur Moore : Les besoins sont immenses.

Mme Pearson : Absolument. D'ailleurs, cette question s'applique à tous les sous-secteurs des secteurs caritatif et du bénévolat. Le problème surgit périodiquement. Il arrive que des organismes voués à la santé reçoivent une contribution considérable d'une fondation et qu'elles bâtissent un édifice et lancent un programme de développement. Après un certain temps, elles n'ont pas les fonds nécessaires pour financer le programme ou rénover l'édifice. Les fondations devraient commencer à aborder davantage ces questions avec les bénéficiaires de subventions et chose certaine, avec les gens du milieu caritatif. Les fondations sont de plus en plus sensibles à cette réalité. Je pourrais vous envoyer un article que j'ai écrit il y a environ un an, intitulé « From Bricks to Brain Cells », qui suggère certaines options stratégiques. Il est question de la communauté universitaire, des fondations et de l'éducation.

De plus en plus, les fondations canadiennes — et je parle des fondations privées — appuient certains programmes dans les universités. Elles ne financent plus la construction de nouveaux édifices. Elles ont tendance à refuser d'investir dans des immobilisations.

Le sénateur Moore : Je le constate.

Mme Pearson : Il ne fait aucun doute que les universités restent avec le problème de l'entretien sur les bras. La Fondation McConnell, qui a financé de nombreux édifices sur le campus de l'Université McGill reçoit de la part de cette université de nombreuses requêtes concernant l'entretien des divers édifices qui portent le nom McConnell. Chose certaine, une fondation ne veut pas voir son don se détériorer. Cela dit, la réaction des fondations pour éviter ce problème à l'avenir consiste à refuser de financer des projets d'immobilisations.

Là où nous pouvons être le plus utile, c'est en appuyant l'élaboration de nouvelles approches qu'en bout de piste l'université, en l'occurrence, pourrait intégrer de façon permanente à ses activités. Cependant, la fondation ne sera pas là à long terme. C'est un élément dont il faut se rappeler au sujet des fondations. La plupart d'entre elles n'ont pas les moyens d'être des bailleurs de fonds à long terme. En effet, les ressources du secteur des fondations dans notre pays sont plutôt modestes.

Le sénateur Moore : Oui, ce n'est pas comme dans une structure gouvernementale où un ministère existera pour toujours. Je comprends cela.

On ne peut dire à une fondation qu'elle doit dépenser tel ou tel montant pour ce genre de choses. On peut pourtant leur faire savoir que pour bénéficier de tous les autres avantages dont vous parlez, seul un certain pourcentage de leur contribution devra être consacré à l'administration. Je suppose que dans la société libre et démocratique qui est la nôtre, elles ont le choix d'investir leur argent là où elles le veulent mais je trouve cela frustrant étant donné qu'il existe un besoin criant à cet égard.

Je viens de terminer un mandat de dix ans au conseil d'administration de St. Mary's University, et je suis très au fait des difficultés que traverse cet établissement ainsi que les autres universités de la région Atlantique et du reste du pays. Nous avons entendu toutes leurs histoires ici. Si vous pouviez dire un bon mot en leur faveur à votre organisation, cela serait fort apprécié.

Mme Pearson : Nous le faisons.

Le président : Je ne demanderai pas que l'on supprime cette dernière observation du compte rendu, mais je suis passé bien près de le faire.

Il y a une plainte que j'ai entendue, et qui concerne les fondations privées et ce partenariat novateur qui, à notre avis, peut s'avérer utile. Elle s'agit de l'attribution des désignations. Cela me ramène à mon premier principe : est-il préférable de donner que de recevoir? C'est certainement préférable de donner si l'on peut rattacher son nom à quelque chose. C'est la nouvelle mentalité, le nouveau modus operandi auquel adhèrent tous vos organismes : comment inciter davantage de donneurs à donner plus d'argent?

Dans ma ville, il y a eu des plaintes au sujet des dons privés à des institutions publiques ou à des fondations publiques, particulièrement dans les cas où on leur donne le nom du donateur privé en signe de réussite alors que son financement ne représente qu'un petit pourcentage de l'ensemble des capitaux. Je suis toujours sensible à ce qui s'est passé à New York. Lorsque les Guggenheim ont voulu bâtir leur fondation, ils l'ont érigée, entretenue et gardée à flot; et si je ne me trompe pas, ils continuent de le faire encore aujourd'hui dans une grande mesure.

Je vous pose la question car c'est une plainte que j'ai entendue dans la bouche de nombreuses personnes — non seulement à Toronto, mais aussi ailleurs. Qu'est-ce qui justifierait, au plan de l'équité, que l'on utilise le nom d'une personne ou d'une famille en particulier pour baptiser un immeuble financé en grande partie par des fonds publics et d'autres fonds de bienfaisance? Comment régler ce problème d'orientation stratégique tout en gardant à l'esprit le besoin criant d'aller chercher des sommes de plus en plus considérables?

Mme Pearson : Je pense que cela revient à la question du sénateur Massicotte. C'est un enjeu important sur lequel nous nous penchons. En tant qu'association bénévole, nous pouvons établir des normes et des principes applicables aux subventions provenant de fondations privées et encourager de leur part un comportement qui nous aidera à relever la barre pour tous nos membres. Nous jugeons important en tant qu'association membre d'agir ainsi; c'est-à-dire d'énoncer les valeurs et les principes qui doivent gouverner le versement de subventions.

L'un de ces principes serait de communiquer ouvertement notre mission et nos objectifs. Nous avons la responsabilité d'énoncer systématiquement notre mission et nos objectifs pour le bien public. Dans notre association et notre réseau de fondations, nous sommes convaincus de la nécessité d'avoir toujours présent à l'esprit cette notion que l'argent privé doit servir le bien public. Comment définir le bien public et comment le servir?

Il n'y a pas de réponses faciles à ces questions. Parmi les quelque 80 membres de notre association, il n'est pas souvent question du problème du nommage, de la question de dons liés à l'utilisation d'un nom car bon nombre d'entre eux — et je parle de la plupart des grandes fondations au pays — s'éloignent de cette tendance. Ces fondations ne souhaitent plus que des immeubles portent leur nom pour toujours, car elles estiment que ce n'est pas nécessairement un comportement appropriée pour une fondation privée qui se targue de servir le bien public.

L'autre élément important — et le organismes de bienfaisance le signalent aux fondations —, c'est qu'il faut trouver des moyens de soutenir les programmes de base d'un grand nombre de ces organismes de bienfaisance : autrement dit, il faut fournir un soutien à la fois à l'administration et aux programme. De plus en plus, les fondations discutent de cela. Oubliez la question du nom. Comment pouvons-nous vous aider vous, organisme de bienfaisance X ou Y, à survivre au cours des cinq à dix prochaines années, à durer? C'est ce que nous voulons faire.

Le président : Je voudrais que les deux autres participants fassent un bref commentaire à ce sujet.

Mme Gregersen : Je pense que les donneurs apprennent après toute une vie de contribution. Voilà pourquoi il est important que votre comité suscite davantage de dons car la mentalité des donneurs évolue à mesure que change la société. Dans la foulée des rapports qu'ils reçoivent sur l'utilisation qui a été faite de leur argent, leur perspective évolue.

À l'occasion de la deuxième table ronde de la Fondation du Centre national des arts, nous avons accueilli 20 philanthropes qui avaient chacun contribué 1 million de dollars ou plus aux arts, d'un bout à l'autre du pays. Ils ont discuté de la question du nommage et selon eux, le nommage de programmes, qui est aujourd'hui plus commun que le nommage d'édifices, était important. Cela dit, les donneurs les plus expérimentés se soucient manifestement du soutien à l'infrastructure, aux opérations, à tout ce qui intervient en coulisses et non à l'avant-scène. C'est là une chose qu'ils ont apprise au fil des ans; ils ont acquis de l'expérience en tant que donneurs. C'est un aspect très important.

Le sénateur Oliver : Peut-être parce qu'ils avaient déjà leur nom quelque part.

Le président : J'aimerais revenir sur certains de mes propos pour les corriger. J'ai dit que les Guggenheim continuaient de soutenir la Fondation Guggenheim. C'est inexact. Ils l'ont créée et l'ont appuyée à différents stades, puis celle-ci est devenue publique. Au début, toutefois, ils ont monté la collection et pris en charge la construction de l'immeuble pratiquement tout seuls. Madame Brown, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Brown : Je crois que c'est une excellente remarque. Même si cette question ne revêt pas une importance majeure pour les organismes caritatifs oeuvrant dans le domaine de la santé à ce stade-ci, étant donné que nos dons sont modestes, elle est appelée à prendre de plus en plus de place. Puisque le porte-à-porte diminue et que les dons obtenus par ce biais n'affluent pas, nous nous tournons vers les dons par anticipation et les campagnes de financement. Néanmoins, nous ne possédons pas d'immeubles, ce qui fait que notre capacité à nommer quelque chose en échange d'un don important est limitée. Cela peut avoir une incidence sur notre réussite dans l'ensemble du secteur. C'est un sujet qui mérite notre attention et je suis ravie que vous ayez posé cette question.

Le président : Voici une question de détail : dans votre mémoire, vous indiquez que les œuvres de bienfaisance reçoivent plus de 8 milliards de dollars en dons. Le chiffre qui nous a été communiqué hier par le gouvernement n'était pas celui-là, mais plutôt 6,4 milliards. C'est une différence énorme. Pouvez-vous nous dire d'où vous tenez vos statistiques pour que nous puissions les comparer avec les données reçues du gouvernement?

Le sénateur Angus : De l'année suivante.

Le président : Un an après?

Mme Brown : Les nôtres portent précisément sur l'année 2004.

Le président : Nous avons aussi les données de Statistique Canada pour 2004. Nous allons poser la question au gouvernement.

Mme Brown : Nous allons également tenter d'en savoir plus. Habituellement, nous nous fondons sur les données de Statistique Canada. Je ne vois pas pourquoi les informations seraient différentes.

Le président : Nous ne voulons pas qu'il manque 1,5 milliard de dollars ou plus.

Mme Brown : L'écart est énorme.

Le sénateur Moore : Madame Pearson, j'aimerais avoir une copie du document que vous avez rédigé.

Mme Pearson : Je vous l'enverrai.

Le président : Je tiens à remercier encore tous les témoins d'avoir accepté de venir comparaître malgré un court préavis et les inconvénients que cela a pu leur occasionner. Comme vous pouvez le constater, chaque sénateur actif dans sa propre région est ici présent, et nous essayons de nous attaquer à cet épineux dossier qui concerne non seulement le secteur privé, mais aussi les orientations politiques publiques et privées.

Je remercie donc les témoins pour leur patience. Une fois de plus, j'aimerais les prévenir que nous sommes très limités par le temps, comme vous avez pu vous en rendre compte. Nous avons l'occasion de préparer un rapport, et nous vous savons gré d'être venus et de vous être adaptés à notre horaire particulier. Nous savons que cela vous a causé beaucoup d'inconvénients et nous vous sommes profondément reconnaissants de vos efforts. Il n'en demeure pas moins que nous trouvons très difficile de nous concentrer sur un sujet tout en suivant un calendrier parlementaire très serré.

J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos deux prochains témoins : M. Darryl Peck, directeur général de la Fondation de charité canadienne pour le changement, et M. John Pellowe, directeur général du Conseil canadien des organismes chrétiens. Je vous demanderai de limiter vos interventions car nous avons peu de temps, et les sénateurs se concentreront sur leurs questions.

M. Darryl R. Peck, directeur général, Fondation de charité canadienne pour le changement : Premièrement, j'aimerais présenter mes excuses au comité car, malheureusement, entre autres défauts, je suis unilingue anglophone. Je demanderais donc aux francophones de faire preuve d'indulgence à mon égard.

Le président : N'ayez crainte, nous avons des services d'interprétation simultanée.

M. Peck : Je travaille dans le secteur caritatif depuis plus de 20 ans et j'ai contribué à recueillir au-delà de 60 millions de dollars en dons. À la Fondation de charité canadienne pour le changement, j'ai compris que nous avions besoin d'augmenter la capacité dans ce secteur. Notre mission ressemble à celle d'une fondation communautaire, même si nous sommes axés sur des enjeux nationaux et internationaux. Nous nous concentrons sur les organismes caritatifs de petite et moyenne taille, particulièrement pour répondre aux besoins existants et émergeants dans les zones rurales.

À ce propos, j'aimerais vous citer le troisième couplet du Cantique de Noël de Charles Dickens.

« Ce sont les enfants des hommes, dit l'esprit laissant tomber sur eux un regard, et ils s'attachent à moi pour me porter plainte contre leurs pères. Celui-là est l'ignorance; celle-là la misère. Gardez-vous de l'un et de l'autre et de toute leur descendance, mais surtout du premier, car sur son front je vois écrit : Condamnation. Hâte-toi, Babylone, dit-il en étendant sa main vers la cité; hâte-toi d'effacer ce mot qui te condamne plus que lui, toi à ta ruine, comme lui au malheur. Ose dire que tu n'en es pas coupable; calomnie même ceux qui t'accusent : cela peut servir au succès de tes desseins abominables. Mais gare la fin! »

« N'ont-ils donc aucun refuge, aucune ressource? » s'écria Scrooge. « N'y a-t-il pas des prisons? » dit l'esprit lui renvoyant avec ironie pour la dernière fois ses propres paroles. « N'y a-t-il pas des maisons de force? »

L'horloge sonnait minuit.

En réfléchissant à ce que j'allais vous dire, sénateurs, j'ai pensé que ce serait un bon moment pour parler de générosité, d'occasions à saisir, de leadership et de deuxièmes chances, en établissant un parallèle avec ces enfants dont on parle dans le Cantique de Noël et qui représentent l'ignorance et la misère. À l'approche des fêtes de Noël et d'Hanukkah, j'aimerais vous remercier, au nom des membres de la C-PREG, la Coalition on Poverty Relief and Effective Giving, pour l'occasion que vous leur donnez de se faire connaître à vous aujourd'hui. Je me concentrerai sur les organismes philanthropiques canadiens au XXIe siècle et tenterai de vous aider à comprendre que l'innovation et l'efficacité ne peuvent s'accommoder du statu quo hérité du siècle dernier.

Si le Canada veut s'acquitter de ses engagements nationaux et internationaux envers les enfants en ce début de millénaire, si nous voulons générer de nouvelles sources de financement d'œuvres caritatives pour régler des problèmes criant au pays et à l'étranger, nous devons penser autrement. Nous pouvons tous nous entendre sur le fait que la faim et la pauvreté font partie de ces problèmes. D'ailleurs, appuyé par le premier ministre, le ministre des Finances, M. Goodale, s'est levé à la Chambre des communes pour dire : « Nous avons pris un engagement à l'égard des pauvres de ce monde et nous allons le respecter ».

Mes collègues et moi en avons conclu que M. Goodale faisait aussi référence aux plus de deux millions d'enfants pauvres vivant ici, au Canada.

Il est plus que temps que le gouvernement fédéral élabore de grandes orientations politiques et prenne un virage idéologique en pensant à ce que devrait être la philanthropie au Canada au XXIe siècle. L'un des aspects essentiels de ce virage consiste à accepter que l'on puisse réaliser de petits profits plafonnés en investissant dans des activités caritatives.

Actuellement, la principale raison pour laquelle les hauts fonctionnaires des Finances s'opposent au projet pilote alimentaire quinquennal concernant les dons en nature tient au fait que le concept de philanthropie ne doit pas être associé à des profits, si modestes soient-ils. Il faut changer cette façon de penser si le Canada et les Canadiens sont appelés à faire des progrès décisifs au chapitre des dons de bienfaisance que les gens sont prêts à assumer et que le Canada doit encourager pour prévenir la faim, la pauvreté et la maladie, entre autres fléaux.

Le projet pilote alimentaire de la C-PREG fait appel à un modèle d'abri fiscal rigoureusement contrôlé permettant de générer suffisamment de revenus pour pouvoir fournir 1 milliard de repas supplémentaires hautement nutritifs à des écoliers canadiens dans le besoin ainsi qu'à des enfants africains. En permettant à des individus de faire un profit modeste et plafonné sur certains types de dons, le gouvernement fédéral verrait une hausse très marquée des dons et des investissements dans le secteur caritatif, avec peu ou pas de coûts pour le Trésor.

Comme je l'ai dit, les fonctionnaires du ministère fédéral des Finances ont accepté tous les contrôles et toutes les vérifications que nous avons prévus dans le cadre du projet que nous proposons, à l'exception de l'élément principal : le profit.

Les amendements proposés par M. Manley l'an dernier ont bel et bien signé l'arrêt de mort du programme alimentaire en vigueur et a mis un terme, entre autres, à la fourniture de 60 000 collations et repas nutritifs supplémentaires dans les écoles de partout au pays. En outre, les dons en denrées alimentaires hautement nutritives à l'Afrique ont été réduits, mais nous avons quand même réussi à livrer 326 tonnes de riz et 42 tonnes d'herbe d'orge, qui est un supplément alimentaire que Vision Mondiale, l'un de nos partenaires, inclut toujours dans son programme d'aide alimentaire internationale car c'est un élément essentiel pour prévenir la cécité ou d'autres effets de la malnutrition.

En fait, si on avait pu poursuivre le programme l'année dernière, on aurait rempli d'aliments hautement nutritifs 220 conteneurs supplémentaires de 40 pieds, principalement destinés à une région en crise actuellement, le Darfour.

Depuis avril, des membres de la C-PREG ont rencontré des ministres et de hauts responsables des Finances pour parler de notre programme alimentaire pilote quinquennal. Nous nous entendons pleinement sur les mérites de cette initiative novatrice, sauf en ce qui concerne la notion de profit. Ce programme pilote est totalement autofinancé et n'a besoin d'aucun investissement d'oeuvres caritatives pour réussir. En réalité, l'un de ses plus gros avantages est qu'il se sert d'un abri fiscal comme moyen pour se procurer la matière essentielle, dans ce cas des denrées alimentaires, mais il utilise également l'argent pour le conditionnement et le transport des marchandises et pour s'assurer que les organismes caritatifs peuvent acheminer l'aide jusqu'à sa destination finale.

J'en suis le cofondateur. Sachez que cette année, John Page, le fondateur, a reçu 2,5 millions de dollars de dons en espèces. L'une des conditions était que ces dons ne pouvaient être utilisés en Amérique du Nord puisque c'est le marché des donateurs. Deuxièmement, on ne devait pas se servir de cet argent pour expédier des aliments à l'étranger.

Les coûts d'expédition de l'aide alimentaire au Canada et à l'étranger doivent être supportés par les organisations caritatives. Notre programme pilote nous permet d'obtenir de l'argent avec le don.

La C-PREG a élaboré un programme pilote étalé sur cinq ans et visant à fournir un milliard de repas à des personnes qui souffrent de malnutrition et de famine en Afrique, ainsi qu'à des écoliers canadiens qui ont faim, d'ici à 2007. Ce programme pilote permettra d'accroître les dons rentables destinés à l'aide alimentaire et les subventions pour la distribution de l'aide à l'échelle internationale dans le cadre de l'aide promise par le Canada, et de fournir plus de 80 000 collations et repas nutritifs par an à des écoliers canadiens qui ne mangent pas à leur faim. Ce programme sera beaucoup plus efficace sur le plan fiscal que les dons en nature actuels et prévoira dix mécanismes de contrôle interne qui garantiront la transparence et la reddition de comptes et élimineront les abus liés aux règles fiscales applicables aux dons en nature en imposant des limites sur les profits pour les conseillers fiscaux et des avantages fiscaux limités pour les donateurs.

Pour réaliser ce type d'investissement transformationnel possible grâce à des projets pilotes comme celui de la C- PREG, il faut faire preuve de leadership, de courage et de résolution. J'imagine quelles mesures vous conseillerait de prendre Charles Dickens s'il devait comparaître devant vous aujourd'hui. L'une des choses dont je suis sûr qu'il vous rappellerait est l'image de ceux attachés à l'esprit. Peut-être qu'il vous dirait aussi qu'en 1843, à son insu, le nom d'un grand personnage du Cantique de Noël, Scrooge, deviendrait pour toujours, au moins dans les pays anglophones, un symbole de cupidité, de cruauté, d'égoïsme et de mesquinerie.

L'oeuvre elle-même porte sur la transformation, le leadership philanthropique, l'altruisme et la joie que procurent la générosité et la bonté. Sénateurs, plus que jamais, je crois que notre pays et des gens comme vous, qui occupez des postes privilégiés d'influence et d'autorité, doivent saisir les occasions qui permettront de placer de nouveau le Canada en tête des pays qui unissent le geste à la parole pour soulager les dures réalités que vivent les enfants, non seulement dans notre pays, mais aussi ailleurs dans le monde.

Je conclus : celui-là est l'ignorance; celle-là la misère. Nous devons servir un milliard de repas. Qu'allez-vous choisir et que va choisir le gouvernement fédéral?

Le président : Je vous remercie pour ces remarques percutantes. Vous avez soulevé de nombreuses questions qui ne manquent pas de nous interpeller. Nous allons maintenant entendre notre prochain témoin.

M. John Pellowe, directeur général, Conseil canadien des organismes chrétiens : Merci pour votre invitation. Je me suis laissé dire que vous étiez des lecteurs assidus; je ne vois donc pas la nécessité de vous lire le mémoire que je vous ai soumis. Je me contenterai de vous en présenter les grandes lignes.

Le panel précédent a eu toute une discussion sur la reddition de comptes et les normes. C'est d'ailleurs la fonction première du Conseil canadien des organismes chrétiens. Nous avons des normes et un système de vérification de la conformité. C'est ainsi depuis 20 ans. Nous sommes la seule organisation canadienne membre de l'International Council on Fundraising Organizations, qui est un réseau mondial consacré à la surveillance des organismes de bienfaisance et à l'utilisation des fonds découlant des activités caritatives. C'est un sujet dont nous pourrions discuter, si vous êtes tous intéressés.

Voilà comment nous voyons les choses : les gens devraient donner parce qu'ils croient dans une cause et qu'ils veulent faire une bonne action, mais pas parce qu'il y a des incitatifs fiscaux à la clé. D'un autre côté, ces incitatifs peuvent contribuer à attirer de nouveaux donateurs dans le secteur caritatif. C'est pour cette raison que nous croyons utile de faire quelques recommandations.

La première recommandation, concernant les gains en capitaux sur des dons de titres cotés, a été abordée par le panel précédent. Elle est là parce que nous croyons que cela pourrait être un moyen d'inciter de nouveaux donateurs à se manifester.

La deuxième recommandation concerne l'utilisation des reçus que remettent les organismes de charité. Les Canadiens les moins bien nantis, ceux qui ont des revenus inférieurs à 20 000 $, constituent le groupe qui donne le pourcentage le plus élevé de ses revenus à des oeuvres caritatives au pays. Toutefois, s'ils n'ont pas d'impôts à payer, ils sont doublement généreux. Notre recommandation est qu'ils soient traités de la même façon que les donateurs plus aisés. L'une des façons d'y parvenir est de permettre que les dons caritatifs soient traités selon le même modèle que celui appliqué aux gains et aux pertes en capitaux, qui est essentiellement celui dont se prévalent les bien nantis.

Le report actuel pouvant aller jusqu'à cinq ans de la déclaration des dons de bienfaisance pourrait alors être ramené à trois ans à arrière puis reporté indéfiniment. Cela permettrait de soulager les Canadiens à faible revenu. Cela ne réglerait pas le problème chronique auquel sont confrontés les gens à faible revenu, mais aiderait ceux qui se croient dans une situation temporaire, dans la mesure où les reçus obtenus en échange de dons pourraient être présentés pour une année où le revenu est plus élevé, ce qui permettrait de compenser. S'ils s'attendent à trouver un emploi, ils peuvent toujours espérer recourir à ce genre de pratique. Il y aurait plus de cohérence dans les dons. S'aider les uns les autres fait partie des valeurs sociales. Voilà quelque chose qui soulagerait ce secteur de la population.

La troisième recommandation, concernant les autorisations pour des dons de bienfaisance jusqu'à 60 jours avant la fin de l'année, n'aurait aucune incidence réelle sur les dépenses fiscales. Il s'agit tout simplement de choisir la période au cours de laquelle on utiliserait ces reçus philanthropiques. Nous croyons que cela permettrait d'accroître les dons puisque le lien entre le moment où le don est fait et où les allégements sont appliqués ne serait plus maintenu. Permettre à des gens qui n'ont pas de revenus fixes de déterminer leur revenu et d'autres besoins financiers serait comme accorder 60 jours à des gens qui veulent investir dans un REER. Si on pouvait appliquer cela aux dons caritatifs, les gens pourraient penser qu'ils peuvent donner davantage plus tôt. Nous croyons que ce serait bénéfique.

La quatrième recommandation vise l'exonération fiscale totale pour les dons de bienfaisance visant l'intérêt public. Cela ne concerne pas les donateurs, mais plutôt l'efficacité avec laquelle les fonds donnés sont utilisés. Je vous rappelle que la contribution majeure que font les oeuvres de bienfaisance à la société a été reconnue par le système canadien d'imposition, qui prévoit l'exonération fiscale pour tout revenu gagné par un organisme caritatif. Les gouvernements fédéral et provinciaux ont déjà reconnu et accepté le principe selon lequel il est inapproprié de taxer les oeuvres caritatives puisque cela nuit à leur capacité de servir la communauté. Ce principe, qui consiste à ne pas taxer les organismes de bienfaisance, n'est pas respecté quand ces organismes achètent des fournitures pour leurs programmes caritatifs.

Certains organismes publics sont également des organisations caritatives qui obtiennent des remboursements allant jusqu'à 83 p. 100. Récemment, le gouvernement fédéral a accru ces remboursements destinés aux municipalités pour les porter à 100 p. 100, reconnaissant le principe selon lequel les municipalités existent pour servir le public et que, par conséquent, leurs achats de fournitures ne devraient pas être assujettis à la TPS.

Nous recommandons que le même principe s'applique, soit 100 p. 100 de remboursement pour la TPS payée par les organismes de bienfaisance enregistrés. Cela permettrait à ces organismes d'utiliser les fonds aux fins pour lesquelles ils ont été donnés. Toutes les recommandations sont dans le rapport que vous avez lu. J'en ai terminé.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Peck, j'ai lu votre mémoire et j'ai écouté votre allocution. J'aimerais que vous m'expliquiez quelque chose car je ne suis peut-être pas aussi vif d'esprit que mes collègues. Vous contestez le fait que les règles actuelles ne permettent pas aux oeuvres de bienfaisance de réaliser de petits profits. Expliquez-moi cela en des termes que je puisse comprendre.

M. Peck : Nous avons recours à un abri fiscal qui nous a permis, en particulier, d'acheter de l'herbe d'orge et du riz l'année dernière. Ceux qui ont investi dans ces abris fiscaux se sont vu remettre par nous un reçu d'impôt pour activités de bienfaisance correspondant à la juste valeur marchande la plus basse que nous pouvions accorder.

Le jour où le ministre des Finances, M. Manley, a changé les règles, nous avions 12 millions de dollars de plus provenant de gens désireux d'investir là-dedans, même en sachant que le retour sur investissement serait faible. Ce qu'ils aimaient, c'était l'idée que leur argent soit utilisé pour le bien collectif.

Le sénateur Massicotte : Expliquez-moi en quoi consiste cet abri fiscal ou cette exonération fiscale. Tous ces mots sont bien beaux, mais il faut que vous m'expliquiez de quoi il retourne si vous voulez que j'aie envie de m'engager. Qu'est-ce que cela signifie et pourquoi devrais-je dire oui?

M. Peck : Si vous cherchez un abri fiscal, votre conseiller financier vous dira de déplacer une partie de vos revenus pour ne pas avoir à payer d'impôts là-dessus. Autrement dit, le Trésor du Canada n'en verra pas la couleur. Nous vous offrons l'occasion d'investir dans notre unité, qui servira d'abri fiscal pour ces revenus. Ainsi, ils ne seront pas complètement perdus pour le Trésor dans la mesure où nous les utiliserons en les réinvestissant pour le bien commun.

Le sénateur Massicotte : Que dois-je faire? Si je veux mettre 10 $ dans un abri fiscal, comment dois-je m'y prendre?

M. Peck : Vous achetez une unité à 10 $. Un de mes collègues prend l'argent que nous utiliserons pour acheter du matériel, dans ce cas-ci des denrées alimentaires, sur le marché libre. Ces denrées vous appartiennent toujours. Puis vous les donnez à la Fondation de charité canadienne pour le changement. D'après l'évaluation que j'ai, ces denrées valent 12 $. Vous obtenez un reçu d'impôt pour 12 $. Je travaille ensuite avec des gens comme ceux de Vision Mondiale, qui prennent les denrées et aussi une partie de l'argent que j'ai reçu pour payer les frais de transport. Ils s'en servent pour leurs projets, en l'occurrence en Afrique. Par ailleurs, il me reste suffisamment de subventions pour pouvoir fournir des repas dans des écoles partout au pays. Vous obtenez un reçu d'impôt et le Canada obtient plus de denrées alimentaires.

Le sénateur Massicotte : Quel est le montant de mon reçu d'impôt?

M. Peck : Douze dollars.

Le sénateur Massicotte : Je vous ai donné 10 $, mais j'obtiens un reçu d'impôt de 12 $.

M. Peck : Oui, parce que vous avez pu mettre à l'abri 12 $.

Le sénateur Massicotte : J'économise 6 $, effectivement, si le taux marginal d'imposition est de 50 p. 100. Voilà donc le type d'exonération que vous proposez. Le problème est le suivant : pourquoi devrais-je obtenir un reçu d'impôt de 12 $, alors que je ne vous ai donné que 10 $?

M. Peck : C'est parce que vous n'êtes pas censé réaliser de profits sur un don. Notre avis est qu'au XXIe siècle, il faut trouver des façons créatives d'encourager davantage de gens à s'engager dans la philanthropie. Si pour y parvenir il faut permettre la réalisation de petits profits, je crois que ça en vaut la peine.

Le sénateur Massicotte : Ce que vous appelez « profit » correspond à la déduction fiscale que j'obtiens et qui n'est pas équivalente au montant que j'ai payé.

M. Peck : C'est exact. Elle est plus élevée. En fait, c'est ce que vous auriez dû verser pour payer vos impôts.

Le sénateur Massicotte : Est-ce que cela pourrait être 14 ou 16 $?

M. Peck : Oui. D'ailleurs, c'est ce que nous avons fait l'année dernière. Je suis sûr que vous êtes tous au courant de ces histoires infamantes, concernant des bandes dessinées et des oeuvres d'art, selon lesquelles on utilisait des abris fiscaux, pas pour enrichir les oeuvres caritatives, mais essentiellement pour remplir les poches des conseillers fiscaux, entre autres. Nous nous opposons à cela.

Nous avons ensuite examiné le modèle d'abris fiscal et avons estimé qu'il pouvait être utilisé pour accomplir d'excellentes choses, parce que les gens les utilisent. Nous leur donnons la possibilité d'investir dans quelque chose où une partie de l'argent reste au Canada et l'autre s'en va à l'étranger pour servir une cause caritative très importante. Autrement, ces gens enverraient leur argent à l'étranger dans d'autres abris fiscaux qui n'auraient pas cette composante du bien collectif.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Pellowe, vous appuyez également la réduction des gains en capitaux sur les titres cotés en bourse. Vous affirmez que cela permettra d'accroître les contributions des gens car, évidemment, c'est plus rentable du point de vue de l'impôt. Le coût net après impôt pour le contribuable est évidemment réduit.

Permettez-moi de pousser mon raisonnement plus loin. Ce n'est pas simplement un report puisque actuellement, environ un tiers de la contribution est rendu sous forme de crédit d'impôt, n'est-ce pas? Si le gouvernement était d'accord avec votre proposition, cela pourrait probablement être ramené à 53 p. 100. Au bout du compte, la personne qui a fait le don pourrait décéder et le rapport d'impôt serait transmis à son conjoint, mais celui-ci pourrait aussi décéder. La personne doit décider si elle doit donner 50 cents ou 17 cents au gouvernement, 17 étant 50 moins 33. Ne donnerait-elle pas cet argent de toute façon pour épargner 33 cents et, si ce n'était pas le cas, c'est parce qu'elles ne sont pas suffisamment convaincues du bien fondé de la cause? Je peux comprendre l'augmentation du montant de la contribution, mais ce n'est pas un report et, par conséquent, le gouvernement y perdrait parce que les œuvres de bienfaisance obtiendraient l'argent de toute façon, n'est-ce pas?

M. Pellowe : Je ne vois pas ça du tout comme un report. Je ne suis pas sûr que nous parlons de la même chose. Je fais référence à un don pur et simple à un organisme caritatif. Je ne parle pas de mettre cet argent dans une fondation.

Le sénateur Massicotte : Je comprends bien. Si vous faisiez carrément un don, vous épargnerez 33 cents par dollar. D'après votre proposition, vous épargnez 53 cents par dollar. C'est la raison pour laquelle les gens pourraient décider de vous donner l'argent immédiatement. J'imagine que vous direz que les personnes ne feraient pas cette contribution si la loi n'était pas changée parce que s'ils le faisaient, votre argument ne tiendrait plus. Admettons qu'ils refusent de faire une contribution et qu'ils disent que l'incitatif de 33 cents n'est pas adéquat, parce que ça lui coûte encore 67 cents. Lorsqu'il décédera, tous ces biens seront taxés à leur juste valeur marchande, à moins qu'il y ait un transfert non imposable à sa conjointe qui, elle aussi, finira par mourir un jour. Il faut décider si on doit donner 50 cents au gouvernement ou 13 cents, soit 50 cents moins la subvention. J'imagine que s'ils croient dans la cause, ils donneront l'argent à ce moment-là. Par conséquent, vous obtiendrez le don au bout du compte. Vous pourriez le recevoir plus tard.

M. Pellowe : Oui, il y a donc un délai.

Le sénateur Massicotte : Toujours est-il que vous obtenez l'argent plus rapidement qu'au moyen d'un incitatif fiscal, mais j'imagine que vous l'obtiendriez de toute façon. Au bout du compte, sur une vie, la contribution annuelle la même.

M. Pellowe : J'aimerais revenir sur mon allocution d'ouverture dans laquelle je disais que nous voulons que les gens donnent parce qu'ils croient dans une cause et dans le bien fondé de leur geste, et non parce qu'il y a un incitatif fiscal à clé. D'après ce que j'ai compris, le mandat du comité consiste à savoir comment accroître les dons à des œuvres caritatives. Comment inciter les gens à donner de l'argent neuf?

Je dis que oui, beaucoup de gens sont satisfaits de la façon dont ils donnent actuellement. La question qui se pose est de savoir si cela permettrait de collecter de l'argent neuf qui autrement ne serait pas donné? Ceux qui sont davantage motivés par les aspects financiers pourraient être convaincus mais, ce n'est pas sur cette base, au bout du compte, que nous devrions conditionner nos dons.

Le sénateur Massicotte : Je comprends et je suis tout à fait d'accord avec vous. Espérons que ce ne soit pas le véritable motif. Toutefois, pour inciter les gens à donner, la contribution après impôt augmentera, si nous acceptons votre recommandation. Si vous convenez également que les gens vont donner de toute façon, certains pourraient dire qu'il suffit d'être patient, parce qu'il y a des gens qui meurent chaque année, et le gouvernement n'aura pas à subventionner la contribution.

M. Pellowe : C'est votre décision.

M. Peck : La recherche montre que seulement 7 p. 100 des Canadiens ont prévu d'inclure un legs quelconque dans leur testament, et qu'un tiers seulement ont un testament. Ce serait bien d'encourager les gens à inclure un legs dans leur testament, mais, dans ce cas-ci, je ne crois pas que la pratique se répandrait, parce que beaucoup de personnes n'ont pas prévu de dons de bienfaisance dans leur testament.

Le président : J'ai deux questions. La première s'adresse au Conseil canadien des œuvres de charité chrétiennes. Pouvez-vous nous donner une idée du montant total qu'ont recueilli vos organismes caritatifs et nous dire comment cet argent a été utilisé? Nous avons reçu un modèle du gouvernement qui nous donnait au moins une idée de la façon dont l'argent était attribué. On soulève ici la question de l'objectivité, des objectifs publics et privés. Pouvez-vous nous indiquer par écrit la somme totale recueillie au cours des dernières années et, en gros, comment cet argent a été affecté par les divers organismes de bienfaisance?

M. Pellowe : Oui.

Le président : Vous nous avez donné vos définitions, mais donnez-nous un bon aperçu de cela également.

M. Pellowe : Oui, nous avons cette information.

Le président : Est-ce que l'un ou l'autre d'entre vous avez évalué quelle serait l'incidence financière de vos recommandations sur le gouvernement du Canada? Nous aurions dû poser cette question au dernier groupe de témoins. Nous ne l'avons pas fait. Nous pourrions leur envoyer une lettre.

Avez-vous fait une étude sur l'incidence financière?

M. Pellowe : Oui, nous en parlons dans notre mémoire.

Le président : Pouvez-vous nous dire où ça se trouve?

M. Pellowe : À la fin de la première suggestion, nous disons que la dépense fiscale est actuellement évaluée à 8 millions de dollars pour 2004. Ce chiffre vient du ministère des Finances.

Pour la deuxième suggestion, nous ne savons pas vraiment ce que serait l'incidence pour les personnes à faible revenu. Cette estimation est très difficile à faire à partir des documents publics.

Quant à la troisième suggestion, nous ne croyons pas qu'il y aurait une incidence financière parce qu'il s'agit simplement de déplacer le don d'une année à une autre.

Enfin, au tout dernier paragraphe de la quatrième recommandation, on dit que, selon le ministère des Finances, le 50 p. 100 de la TPS que ne paient pas les organismes de bienfaisance enregistrés compte pour une dépense fiscale annuelle de 280 millions de dollars en 2004. Nous parlons de l'autre moitié que ces organismes paient toujours et qui doit, logiquement, correspondre aussi à 280 millions de dollars.

Le président : Je pose la même question à M. Peck. Avez-vous une idée de l'incidence sur le contribuable, à savoir si on parle de 20 p. 100 de plus que les coûts?

M. Peck : Nous tenons des réunions avec des représentants des Finances depuis avril, concernant notre modèle. Ils ne sont pas d'accord avec nous, mais nos chiffres sont fondés sur la valeur en gros d'une unité de 1 763 kilogrammes de riz et de 24,4 kilogrammes d'herbe d'orge, soit 7 692 $. Le remboursement d'impôt pour quelqu'un qui participe à notre programme est de 2 249 $.

Le président : Je comprends cela. J'ai ce chiffre, mais je parle de la situation universelle. Quelle serait l'incidence globale de votre programme sur le contribuable?

M. Peck : D'après nos chiffres, elle serait nulle.

Le président : Sauf que le contribuable paierait une partie des retombées.

M. Peck : En comparaison avec les dons en nature, je ne peux pas vous répondre. Si ce programme est concluant, et c'est pourquoi nous proposons un projet pilote, pour que nous puissions surveiller le programme sur une période de cinq ans, avec le ministère des Finances et l'ARC, et...

Le président : Il s'agit donc d'une projection, mais pouvez-vous nous ramener en arrière? Vous avez dit que les recommandations Manley ont mis fin aux dons que vous receviez. Pouvez-vous nous donner une idée de ce qu'était la somme totale, de ce qu'étaient les retombées pour le contribuable, pour que nous puissions décider si nous partageons ou non les vues de M. Manley à l'égard de vos recommandations?

M. Peck : Je ne peux pas vous répondre maintenant, mais j'aurai une réponse pour vous d'ici la fin de la semaine.

Le président : Un certain nombre de témoins nous ont dit que les plus grands donateurs au pays ne sont pas les riches, mais bien les pauvres. Lorsque je dis les pauvres, je parle des personnes à faible ou à moyen revenu. Vous avez dit la même chose. Nous avons entendu l'argument voulant que les personnes à faible ou à moyen revenu sont les plus importants cotisants nets aux œuvres de charité — êtes-vous d'accord avec moi.?

M. Pellowe : Les donateurs à faible revenu donnent le plus fort pourcentage de leur revenu. Ce ne sont pas les plus grands cotisants.

Le président : Dans quel pourcentage contribuent-ils à l'ensemble des dons faits à votre organisme, par exemple?

M. Pellowe : Nous ne recueillons pas d'argent.

Le président : Excusez-moi, aux organismes de bienfaisance que vous représentez, à vos membres? Dans quel pourcentage la population à plus faible revenu contribue-t-elle à l'ensemble des dons?

M. Pellowe : Le Centre canadien de philanthropie a mené une étude sur cette question, et c'est là où j'irais pour obtenir la réponse. Je peux obtenir ce chiffre pour vous. Ces personnes ne donnent pas plus que les autres groupes, mais elles donnent le plus fort pourcentage de leur revenu.

Le président : En donnant le plus fort pourcentage de leur revenu, ces personnes sont-elles traitées équitablement par le système fiscal?

M. Pellowe : À l'heure actuelle, oui.

Le président : Si elles obtiennent leur reçu à temps.

M. Pellowe : Il faut préciser que bon nombre de ces personnes n'ont pas de revenu imposable. À l'heure actuelle, le crédit pour un don est appliqué sur l'impôt à payer. Une personne à faible revenu pourrait très bien se retrouver dans une situation où elle donne sans être capable de recevoir un crédit pour ce don. Nous aimerions que ces personnes puissent retirer un avantage similaire, simplement parce que ce sont des personnes. Si nous traitions les dons comme un gain ou d'une perte en capital, qui peut être reporté à un exercice ultérieur ou antérieur, on créerait une plus grande souplesse et ces personnes pourraient en profiter.

Le sénateur Massicotte : Bien que notre comité s'intéresse avant tout aux sommes d'argent, ce qui est probablement normal pour un comité qui s'occupe des banques, j'ai lu récemment que la plus grande contribution faite aux organismes de bienfaisance, c'est le temps. J'ai également lu un rapport qui disait, contrairement à ce que je pensais, que ce sont les plus jeunes adultes et non les plus vieux qui donnaient davantage de leur temps. En fait, cette contribution en temps provient en très grande partie des jeunes familles. Je crois que c'est le cas, d'après ce que j'ai lu; c'est un fait.

Comment réagissez-vous au fait que dans 20 ans, une très grande partie de la population aura vieilli et, par conséquent, le temps donné aux œuvres de bienfaisance sera beaucoup moins important? Comment nos organisations caritatives vont-elles composer avec ce problème?

M. Pellowe : Il faudrait que je fasse une petite recherche, parce que nous parlons de finances par rapport au temps. Nous sommes une organisation chrétienne et nous représentons toute la gamme d'organismes. C'est du bénévolat à vie. La situation peut être différente pour les organismes laïcs.

Le sénateur Oliver : Il faut sensibiliser cette génération vieillissante du baby-boom pour qu'elle continue à donner.

M. Pellowe : Oui.

M. Peck : Le Centre de philanthropie, en collaboration avec un chercheur, vient de publier un rapport sur l'engagement des jeunes, tant pour ce qui est des dons que pour ce qui est du bénévolat. Il vaudrait peut-être la peine que le comité obtienne une copie de ce rapport.

On constate notamment, dans le cadre de cette recherche, que les jeunes s'engagent lorsqu'ils savent exactement quel est l'objectif poursuivi. Les idées nébuleuses ne les intéressent pas. Ce qui les intéresse, c'est de savoir que le geste qu'ils vont poser contribuera à une cause en particulier et ils sont prêts à y mettre du temps, mais aussi de l'argent. Les jeunes ont donné un milliard de dollars l'an dernier, mais ces dons étaient particulièrement ciblés et visaient un objectif très clair.

Le président : J'aimerais remercier les témoins d'avoir respecté les limites de temps que nous leur avons imposées. Nous allons maintenant nous réunir à huis clos.

Le comité poursuit sa réunion à huis clos.


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