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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 4 - Témoignages du 9 décembre 2004


OTTAWA, le jeudi 9 décembre 2004

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-5, sur l'aide financière à l'épargne destinée aux études postsecondaires, se réunit aujourd'hui à 11 h 3 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Avant de commencer, j'aimerais remercier mon collègue, le sénateur Angus, qui a présidé la séance d'hier, alors que je luttais contre les vents déchaînés à Sofia, en Bulgarie, au nom de la démocratie et de la liberté.

Le sénateur Angus : Nous, nous luttions contre la pluie verglaçante.

Le président : Tandis que je menais des batailles internationales, nos collègues menaient des batailles intérieures.

Je souhaite la bienvenue aux téléspectateurs de l'ensemble du Canada.

Je voudrais souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui. Si vous le pouvez, veuillez limiter vos interventions à cinq minutes, car nous manquons de temps. Si vous voulez nous soumettre certains arguments — nous avons reçu vos mémoires écrits — nous allons étudier tous les mémoires en détail, mais veuillez nous excuser des contraintes de temps qui vous sont imposées et qui sont aussi imposées indirectement aux sénateurs pour les questions. Je suis certain que leurs questions seront très pertinentes et iront droit au but, car nous avons des contraintes de temps draconiennes pour étudier ce projet de loi, si possible, avant l'ajournement du Parlement, qui devrait intervenir prochainement. Le Sénat est la chambre de second examen objectif, mais notre examen devra être très rapide.

Tout d'abord, j'aimerais accueillir notre premier témoin, M. David Robinson.

M. David Robinson, directeur exécutif adjoint, Association canadienne des professeures et professeurs d'université : J'aimerais remercier le comité de me donner l'occasion d'exprimer notre point de vue sur le projet de loi C-5, la Loi canadienne sur l'épargne-études. L'Association canadienne des professeurs d'université, fondée en 1981, représente près de 37 000 professeurs de niveau universitaire et collégial, bibliothécaires universitaires, chercheurs et employés dans les établissements d'enseignement de toutes les provinces canadiennes.

Nous nous employons à améliorer l'accès à l'enseignement postsecondaire au Canada et la qualité de cet enseignement. Nous sommes très heureux de voir que dans ce projet de loi, le gouvernement reconnaît que les étudiants et leurs familles sont de plus en plus nombreux à se heurter à d'importants obstacles financiers. La flambée des frais de scolarité, qui ont été presque multipliés par trois depuis 1990, impose un fardeau de plus en plus injuste aux familles à revenu faible ou moyen.

Pour s'en convaincre, il suffit de considérer qu'en 1990, 20 p. 100 des ménages canadiens à faible revenu devaient consacrer environ 10 p. 100 de leur revenu après impôt à une année d'études de premier cycle en arts. En 2002, cette proportion était passée à 17 p. 100. En revanche, pour les 20 p. 100 des ménages les plus riches, les frais de scolarité sont passés pendant la même période de 2 à 3 p. 100 du revenu après impôt. C'est donc 17 p. 100 pour les familles à faible revenu et 3 p. 100 pour les ménages à revenu élevé. On trouverait difficilement un pire exemple de la nature régressive des frais d'utilisation que dans le cas présent.

De toute évidence, il est urgent de remédier à cette inéquité. Il faut veiller à ce que les obstacles financiers n'empêchent pas les Canadiens qualifiés de faire des études collégiales ou universitaires. Malheureusement, à notre avis, le bon d'études du Canada et la nouvelle version de la subvention pour l'épargne-études envisagés dans le projet de loi C-5 ne sont guère de nature, malgré la bonne intention du législateur, à aider les étudiants des familles à revenu faible ou moyen. Le bon d'études dans sa version actuelle va apporter 500 $ aux enfants des familles qui ont droit à la prestation fiscale pour enfants, c'est-à-dire, essentiellement, aux familles dont les revenus sont inférieurs à 35 000 $ par an. Des contributions supplémentaires de 100 $ peuvent être versées pour chacune des années où un enfant a droit à la prestation, jusqu'à concurrence de 2 000 $.

Dans l'hypothèse d'un taux de rendement annuel réel de 3,5 p. 100, la valeur du bon au moment où l'enfant aura 18 ans, devrait être de 3 000 $ en dollars actuels. Ce montant n'est même pas suffisant pour couvrir les frais d'un an d'études dans la plupart des provinces à l'heure actuelle, sans parler du coût de la vie et des autres dépenses. Le bon n'apporte aucune aide aux étudiants ni aux aspirants-étudiants, qui en ont besoin maintenant, et non pas dans 18 ans.

Je prétends même que ces bons ne parviendront pas, contrairement au but visé, à encourager les familles à revenu faible et modeste à contribuer à un REEE. On sait déjà que moins de 20 p. 100 des familles admissibles disposant d'un revenu de moins de 30 000 $ contribuent à un REEE, et que leurs contributions sont très modestes, malgré l'existence de la généreuse disposition actuelle prévoyant un versement de contrepartie de 20 p. 100. En vérité, ce n'est pas le manque de motivation qui empêche ces familles d'épargner, c'est le manque de ressources financières. C'est pourquoi le projet de loi C-5, qui augmente le taux du versement de contrepartie sur l'épargne des contributeurs à revenu faible ou moyen, ne saurait, à notre avis, remédier au problème.

Par ailleurs, le taux de contrepartie supplémentaire ne s'applique qu'à la première tranche de contributions de 500 $; il est donc très modeste. Pour une famille qui gagne moins de 35 000 $ par an, à supposer au départ qu'elle puisse réunir les fonds nécessaires à une contribution, le montant maximum de la subvention améliorée ne dépasse pas 100 $. Pour les familles qui gagnent plus de 35 000 $ mais moins de 70 000 $, il est de 50 $ par an. On remarquera également que d'après le projet de loi, le maximum de la subvention à vie reste de 7 200 $, si bien qu'en pratique, la subvention annuelle maximale reste de 400 $ pour toutes les familles, riches ou pauvres.

Nous pensons que la subvention pour l'épargne-études est un exemple d'outil mal conçu de politique sociale. Elle récompense ceux qui ont suffisamment de revenus disponibles pour épargner, au lieu de viser ceux qui en ont le plus besoin. Sachez que les familles qui gagnent moins de 50 000 $ par an réclament moins de 20 p. 100 des subventions pour l'épargne-études. De toute évidence, ce n'est pas la bonne façon de venir en aide aux étudiants nécessiteux.

Les ressources consacrées aux subventions pour l'épargne-études ne sont pas négligeables. En 2003-2004, on y a consacré près de 400 millions de dollars. Cet argent aurait pu couvrir les frais de scolarité de près d'un étudiant universitaire sur cinq au Canada. La conversion des bons d'études et du programme de subventions pour l'épargne- études en un programme de subventions entièrement axées sur les besoins constituerait, à notre avis, une bien meilleure façon de venir dès maintenant en aide aux étudiants et à leurs familles, et de faire en sorte que les dépenses du gouvernement lui rapportent davantage. On aurait ainsi des avantages immédiats pour les étudiants défavorisés et on réduirait l'endettement inacceptable que les étudiants sont contraints d'assumer.

Le gouvernement a pris des mesures en ce sens lors de l'introduction des subventions de première année dans le dernier budget, mais ces subventions couvrent à peine la moitié des frais de scolarité, jusqu'à concurrence de 3 000 $, ce qui est totalement insuffisant. Si l'on veut rendre ces subventions plus efficaces, il faut en augmenter la valeur et les rendre disponibles pour toutes les années d'études.

De façon plus générale, nous pensons qu'il est temps que le gouvernement fédéral et les provinces s'attaquent plus efficacement au problème sous-jacent de l'augmentation des frais de scolarité, c'est-à-dire au niveau insuffisant du financement des budgets de fonctionnement des universités et collègues. Toute autre mesure ne saurait être que du bricolage. Si l'éducation supérieure est véritablement l'élément clé de notre avenir, comme semblent l'affirmer les politiciens de tout bord, et si plus de 75 p. 100 des nouveaux emplois nécessitent un diplôme d'études postsecondaires, comme l'a dit le ministre, l'élargissement de l'accès aux études grâce à une diminution des frais de scolarité doit être une priorité nationale. Cela signifie que toutes les autorités politiques des gouvernements fédéral et provinciaux doivent cesser de chercher des coupables pour commencer à coopérer à la recherche de solutions à long terme.

Le président : Nous allons maintenant entendre Mme Robson-Haddow, de SEDI.

Mme Jennifer Robson-Haddow, directrice, Recherche et développement en politiques, Social and Enterprise Development Innovations : Bonjour, honorables sénateurs.

Le sénateur Angus : J'invoque le Règlement. Puis-je demander si nous allons entendre tous les témoins avant de leur poser des questions et s'ils sont tous essentiellement du même point de vue?

Mme Robson-Haddow : Chacun apporte ses propres perspectives sur le projet de loi.

Le sénateur Angus : Y en a-t-il, parmi vous, qui sont favorables au projet de loi?

M. Lewis : Oui.

Le président : Le groupe est équilibré. Nous allons entendre différents points de vue et nous pourrons poser des questions. Poursuivons nos travaux.

Mme Robson-Haddow : Je suis heureuse de pouvoir m'adresser à vous ce matin. Social and Enterprise Development Innovations — SEDI — est un organisme caritatif national qui s'efforce de permettre aux pauvres, aux chômeurs et aux personnes en situation de sous-emploi de parvenir à l'autosuffisance. Nous adoptons pour cela plusieurs méthodes, comme l'élaboration des politiques, la gestion des programmes, l'échange d'information et la recherche. Nous travaillons main dans la main avec des organismes à but lucratif et nous sommes intervenus dans des centaines de collectivités pour aider des milliers de Canadiens à faible revenu dans la plupart des provinces et territoires. Le point de vue que nous exprimons aujourd'hui est fondé sur sept années de leadership dans le domaine de l'épargne internationale et de la constitution d'actifs.

SEDI considère que le bon d'études et les améliorations apportées dans ce projet de loi à la subvention pour l'épargne-études ont été contextualisés de façon trop étroite en tant que mesures de financement de l'enseignement postsecondaire. En réalité, le projet de loi C-5 offre un début de solution au déséquilibre des prestations proposées en matière d'épargne-études au Canada. Cette situation résulte notamment du déséquilibre des prestations en matière d'accumulation d'actifs dont bénéficient les Canadiens plus fortunés. En 2004, le gouvernement fédéral va consacrer environ 24 milliards de dollars à l'épargne personnelle et à la constitution individuelle d'actifs, dont l'essentiel ira à des Canadiens prospères. Les dépenses annuelles envisagées dans ce projet de loi sont modestes en comparaison, mais nous pensons que c'est un début intéressant pour les enfants des familles à faible revenu.

Le projet de loi C-5 est important pour trois raisons : tout d'abord, le gouvernement canadien reconnaît pour la première fois que la pauvreté est un problème d'épargne et d'actifs aussi bien qu'un problème de revenu et de services, et que l'actif est aussi important pour les Canadiens à faible revenu qu'il peut l'être pour les Canadiens à revenu moyen ou élevé. Deuxièmement, nous considérons que le projet de loi propose un incitatif financier utile qui va favoriser les enfants des familles à faible revenu à poursuivre des études postsecondaires. Troisièmement, il va propulser le Canada à l'avant-garde des pays qui favorisent de telles politiques de constitution d'actifs, parmi lesquels figurent le Royaume- Uni, les États-Unis et l'Australie.

L'actif est important, et pas uniquement pour ceux qui en ont déjà. La pauvreté est plus qu'une question de revenu; c'est aussi unequestion de possibilités d'épargner et d'investir dans un avenir meilleur. La décision de faire des études supérieures ou même de terminer des études secondaires peut dépendre de l'épargne et de l'actif accumulés précédemment. Les Canadiens à faible revenu peuvent épargner et ils le font si on leur propose un soutien et des incitatifs appropriés. Nous savons par exemple, grâce aux recherches de Statistique Canada, que 46 p. 100 des familles gagnant de 15 000 à 26 000 $ épargnent déjà pour les études de leurs enfants, le plus souvent sans profiter de l'actuel bon d'études. Quelque 3 500 Canadiens à faible revenu épargnent en moyenne 55 $ par mois pour la formation et les études supérieures, dans le cadre d'un projet pilote national de SEDI appelé learn$ave. En s'adressant directement à des Canadiens à faible revenu, dont certains comptent parmi les plus pauvres, pour leur parler de constitution d'actifs, SEDI s'est fait dire très souvent, de la part des parents à faible revenu, qu'ils veulent de l'aide pour épargner pour les études de leurs enfants.

SEDI considère ce projet de loi comme un point de départ qui comporte plusieurs éléments intéressants et dignes de confiance. Tout d'abord, c'est un exemple d'universalisme progressiste. Tous les enfants canadiens ont droit à une forme d'assistance grâce à la subvention pour l'épargne-études, mais les enfants des familles à revenu faible ou modeste en obtiennent un peu plus. Le projet de loi propose des incitatifs financiers véritablement avantageux pour les familles à faible revenu avec enfants, en plus des crédits d'impôt. La subvention commence à la naissance, ce qui permet de profiter au maximum des effets des intérêts composés grâce aux contributions dès la petite enfance. Elle utilise et améliore une infrastructure déjà en place et incite les provinces à réagir par des modifications de la réglementation sur l'assistance sociale, comme l'a fait l'Ontario, ou en mettant en place des programmes parallèles, comme l'a fait l'Alberta. Il s'agit là d'une reconnaissance du rôle essentiel de l'actif en matière de participation et d'inclusion sociales et économiques.

Nous proposons quatre idées au comité. Tout d'abord, nous souhaitons que le gouvernement considère cette mesure comme un acompte et qu'il continue à augmenter la valeur du bon d'études et de la subvention pour épargne-études en fonction de ses ressources. Une idée à considérer consisterait à étendre l'admissibilité au bon d'études à tous les enfants qui bénéficient de la prestation fiscale canadienne pour enfants, en plus de ceux qui bénéficient de la Prestation pour enfants.

Deuxièmement, en plus des mesures ajoutées à l'article 7.1 sur les études à temps partiel par le comité de la Chambre des communes, que nous accueillons favorablement, nous souhaitons que l'on améliore la souplesse du régime de l'épargne-études au Canada, par exemple en permettant la transférabilité intégrale des bons et des prestations parmi les frères et sœurs des familles admissibles, étant donné que les familles plus prospères peuvent transférer le solde de leur REEE, et deuxièmement, que l'on envisage la possibilité de transférer l'épargne non utilisée dans d'autres comptes de constitution d'actifs, afin d'offrir d'autres possibilités d'accéder à l'autosuffisance aux enfants des familles à faible revenu.

Troisièmement, nous rappelons au comité que la mise en œuvre de ce programme va nécessiter la coopération du fédéral et des provinces. Cela étant dit, nous sommes optimistes, sachant que le Québec, l'Ontario, la Colombie- Britannique, la Nouvelle-Écosse, l'Alberta et le Manitoba ont manifesté à différents degrés leur intérêt pour la notion plus générale de constitution d'actifs, et que certaines d'entre elles ont déjà pris des mesures pour coopérer avec cette initiative fédérale.

Quatrièmement, le débat sur le projet de loi C-5 met en relief la nécessité de l'investissement et de la capacité financière. Nous savons que le gouvernement s'est déjà engagé dans une vaste campagne de sensibilisation, et nous approuvons le nouvel article 3.1 qui l'exprime explicitement. Nous espérons que le gouvernement prendra d'autres mesures, de façon que les familles à faible revenu aient les mêmes perspectives d'amélioration de leur capacité financière en matière d'épargne-études que les familles à revenu plus élevé.

Nous espérons par ailleurs que la stratégie du gouvernement va se servir de l'expertise et des capacités du secteur communautaire pour offrir les services dont les Canadiens défavorisés ont besoin et dont ils dépendent. Comme c'est le cas pour tous les programmes gouvernementaux, les perspectives de participation aux programmes des bons d'études et des subventions pour l'épargne-études augmentent considérablement lorsque ces programmes sont connus. Un tiers seulement des familles à faible revenu consultées ont dit connaître la subvention pour l'épargne-études. En plus de la sensibilisation, les participants ont besoin des connaissances, des aptitudes, de la confiance et de la capacité nécessaires pour se prévaloir des bons d'études et des subventions pour l'épargne-études. Certains parlementaires se sont inquiétés des frais administratifs du programme, mais nous vous invitons à considérer les sommes bien supérieures qu'il en coûtera si l'information n'est pas diffusée et que les Canadiens défavorisés ne peuvent profiter des programmes créés par ce projet de loi.

Je remercie les membres du comité du temps qu'ils m'ont consacré ce matin et je serai heureuse de répondre plus tard à vos questions.

Le président : Notre dernier témoin est M. Lewis. Soyez le bienvenu et je vous remercie de votre document. Nous en avons tous un exemplaire.

M. Peter Lewis, vice-président, Fondation canadienne des bourses d'études : Je me présente aujourd'hui en tant que représentant de la Fondation canadienne des bourses d'études. Cette fondation, créée en 1960, a pour objet d'atténuer les obstacles aux études supérieures. C'est ce que nous avons fait dès 1961 en lançant un régime d'épargne-études, qui a été le précurseur de l'actuel régime enregistré d'épargne-études. Aujourd'hui, nous gérons plus de 1,8 milliard de dollars d'actifs sous forme de régimes enregistré d'épargne-études pour plus de 200 000 familles canadiennes. Il y a une statistique dont je suis encore plus fier : c'est le fait que depuis notre création, nous avons versé plus d'un milliard de dollars pour aider plus de 100 000 enfants canadiens à faire des études supérieures.

Je ne suis pas ici aujourd'hui uniquement en tant que représentant de la fondation. Je suis aussi père de famille. J'ai six enfants, et j'espère que tous les six feront des études supérieures; ils savent que c'est ce que j'attends d'eux. Je crois qu'ils comprennent que toutes les chances existent pour qu'ils fassent des études.

Cependant, un trop grand nombre de jeunes Canadiens abordent les études secondaires en ayant perdu l'espoir de pouvoir continuer. Trop nombreux sont ceux qui abandonnent leurs études secondaires parce qu'ils ne comprennent pas la valeur des études supérieures. Pour ces enfants, la réponse ne réside pas uniquement dans une amélioration des programmes d'assistance financière; elle ne réside pas non plus uniquement dans une réduction des frais de scolarité. Le problème est complexe et il n'appelle pas de solution unique. Néanmoins, une partie de la solution consiste à susciter chez ces enfants une ambition de poursuivre des études supérieures.

Nous sommes convaincus de la valeur des REEE, parce que nous savons par expérience qu'ils sont efficaces. Chaque année, nous proposons des fonds à des dizaines de milliers d'étudiants de l'ensemble du pays et chaque année, je reçois des lettres d'étudiants et de parents qui me disent que le programme d'épargne-études a été déterminant pour leur permettre de faire des études postsecondaires.

La recherche donne une bonne indication de l'importance de l'épargne-études. Environ 74 p. 100 des enfants qui disposent d'un régime d'épargne-études font des études supérieures, contre 50 p. 100 de ceux qui n'en disposent pas. D'après notre expérience, plus de 80 p. 100 des enfants qui ont un régime d'épargne-études chez nous font des études supérieures sous une forme ou une autre.

Est-ce que l'existence d'un régime d'épargne-études les incite à faire des études, ou est-ce que les familles susceptibles d'inciter leurs enfants à faire des études sont aussi plus susceptibles d'épargner à cette fin? J'opte pour la dernière proposition. Les familles qui ont tendance à inciter leurs enfants à faire des études sont aussi très disposées à épargner. Je pense que si l'on peut inciter davantage de familles à commencer un programme d'épargne, elles auront ainsi plus tendance à inciter leurs enfants à faire des études.

Je suis convaincu que les avantages de l'épargne-études vont bien au-delà de l'avantage financier. À notre avis, elle présente un quadruple intérêt. Tout d'abord, elle permet aux parents de communiquer concrètement leurs attentes à leurs enfants. Les attentes des parents sont d'une importance capitale pour les enfants, et la constitution d'un régime d'épargne-études indique concrètement ces attentes à l'enfant.

Le deuxième avantage du régime enregistré d'épargne-études, c'est qu'il aide l'enfant, dès son plus jeune âge, à viser les études supérieures. Si l'on attend qu'un enfant soit en onzième ou douzième année, ou en secondaire 5, avant de lui parler d'études postsecondaires, c'est trop tard. Il faut lui en parler beaucoup plus tôt pour le convaincre qu'il peut faire des études supérieures.

Le troisième avantage du REEE, c'est qu'il montre bien la valeur de l'éducation à l'enfant. Les enfants comprennent la valeur des domaines dans lesquels leurs parents investissent. S'ils voient la famille investir dans les études, ils comprennent que pour leur famille, les études ont de la valeur.

Le quatrième avantage, celui qui sollicite le plus d'attention, c'est l'avantage financier. Il est certain qu'un REEE présente un avantage financier. Cependant, la plupart des REEE ne couvrent pas intégralement le coût des études. Ils aident à combler le fossé et à réduire la dépendance envers les autres formes d'assistance financière. Il est un fait que de trop nombreuses familles canadiennes n'épargnent pas actuellement pour les études de leurs enfants.

Les recherches indiquent que 50 p. 100 des familles n'épargnent pas à cette fin. Qui plus est, 26 p. 100 des familles gagnant moins de 25 000 $ ont des régimes d'épargne-études, contre 70 p. 100 des familles dont le revenu dépasse 85 000 $. Il faut donc se demander pourquoi ces familles n'épargnent pas. Quand on pose cette question, la première explication est bien évidente : elles n'ont pas de quoi épargner. Certains diront qu'elles ont d'autres priorités. La question de la sensibilisation est préoccupante, en particulier dans le cas des familles à faible revenu.

En tant que partisans de l'épargne-études, nous approuvons sans réserve le projet de loi C-5. Nous pensons qu'il aborde véritablement les problèmes qui empêchent les familles de souscrire des régimes d'épargne-études.

À notre avis, le projet de loi présente quatre avantages. Tout d'abord, il est ciblé. Les fonds sont destinés aux familles qui en ont besoin, c'est-à-dire les familles à revenu faible ou moyen. Deuxièmement, il incite à constituer des régimes d'épargne-études, ce qui permet de favoriser une épargne permanente, établissant ainsi un certain niveau d'attente chez l'enfant. Troisièmement, il invite les gouvernements provinciaux à adhérer à ce partenariat avec les parents pour favoriser l'épargne. Quatrièmement, nous pensons qu'il est important parce qu'il met l'accent sur les enfants placés en famille d'accueil, qui ont été plus ou moins négligés par le secteur de l'épargne-études.

Nous reconnaissons que pour les détracteurs de ce projet de loi, il ne va pas assez loin et ne répond pas aux besoins urgents en matière d'éducation postsecondaire — et nous reconnaissons que ces besoins urgents existent. Cependant, j'estime que ces détracteurs ne voient pas le projet de loi tel qu'il est. C'est une stratégie visionnaire conçue pour infléchir le dialogue autour de la table de cuisine. Il vise à inciter les familles à amorcer un processus de planification pour les études supérieures de leurs enfants, et ce dès leur plus jeune âge.

Nous sommes convaincus de la valeur de l'épargne-études et nous approuvons sans réserve ce projet de loi. Nous félicitons le gouvernement de son attitude visionnaire pour aborder le problème et nous sommes convaincus que cette mesure profitera aux générations futures de Canadiens.

Merci de nous avoir permis de nous exprimer aujourd'hui. Je répondrai volontiers à vos questions.

Le sénateur Angus : Je voudrais vous demander, madame Robson-Haddow et monsieur Lewis, de répondre aux arguments de M. Robinson. En résumé, il dit que l'idée est bonne, qu'elle va dans la bonne direction, mais que c'est trop peu et que ça n'apportera rien de bon. On parle ici d'un revenu annuel de 35 000 $, de gens qui parviennent à peine à subsister et qui, à plus forte raison, ne peuvent économiser 10 $ par mois après le dépôt initial de 500 $. M. Robinson me semble avoir un argument convaincant. N'y aurait-il pas lieu de demander au gouvernement de relâcher un peu plus les cordons de la bourse?

Mme Robson-Haddow : Si je comprends bien, vous posez la question suivante : tout d'abord, le montant est-il suffisant et deuxièmement, les familles à faible revenu seront-elles en mesure de contribuer au régime après le versement initial? Ce sont là des préoccupations tout à fait valables.

Sur le premier point, à savoir si le montant est suffisant, il ne l'est certainement pas. Nous espérons qu'il ne s'agit que d'un acompte et que le gouvernement, quand il disposera de ressources supplémentaires, va augmenter l'admissibilité au bon d'études et y consacrer des montants supplémentaires. Nous considérons qu'il s'agit du point de départ d'un régime à venir.

Deuxièmement, en ce qui concerne l'aptitude des familles à faible revenu à contribuer au régime, il faut savoir, tout d'abord, qu'une certaine proportion des parents à faible revenu épargnent déjà, sans l'aide du gouvernement. Les propositions contenues dans ce projet de loi constitueront certainement pour elles un apport appréciable.

Est-ce que toutes les familles à faible revenu peuvent épargner? Nous ne connaissons sans doute pas la réponse à cette question. Il existe sans doute des personnes qui vivent dans des conditions de dénuement extrême et pour lesquelles il serait difficile de faire des contributions. Je ne pense pas qu'il y ait de solution miracle pour mettre un terme à la pauvreté et pour abattre tous les obstacles aux études postsecondaires. Mais c'est un point de départ. Il va aider un nombre important d'enfants de familles à revenu faible ou modeste, et nous avons hâte de voir ce que le gouvernement fera pour l'étoffer.

Le sénateur Angus : M. Robinson a dit non seulement que le montant n'était pas suffisant, mais il a proposé une autre solution, à savoir que si le gouvernement veut véritablement faire un pas en avant, c'est la situation actuelle qu'il doit prendre en compte. Si vous avez quelque chose à ajouter, n'hésitez pas à le faire; sinon, M. Lewis pourra répondre sur ce point. Avec vos six enfants, vous avez certainement le droit de considérer les deux aspects de la question.

M. Lewis : Pour ce qui est du montant, si cette mesure était la seule que le gouvernement entend adopter, ce serait insuffisant.

Nous considérons que c'est une pièce du casse-tête, une partie de la solution. Il y a d'autres mesures qui visent actuellement à venir en aide aux étudiants et qui, nous l'espérons, seront également améliorées d'ici 18 ans. Mais elles ne sont pas spécifiquement ciblées. Parfois, on met trop l'accent sur l'aspect financier du problème. Vous dites que le montant de cette mesure est trop modeste pour faire la différence, et vous avez raison. Un montant de 3 000 $ ne sera pas décisif d'ici 18 ans. Cependant, l'essentiel, à mon avis, est de susciter un certain niveau d'attente et d'amener les familles à planifier les études de leurs enfants dès leur plus jeune âge. C'est là la valeur véritable de cette proposition.

À notre avis, c'est une pièce du casse-tête ou de l'équation, mais ce n'est pas toute la solution. Est-ce qu'on voudrait davantage d'argent? Certainement, il serait bon que le montant augmente à l'avenir, mais le projet de loi est une partie importante de la formule visionnaire qui permet de résoudre le problème.

M. Robinson : Mon scepticisme tient en grande partie aux faits que nous connaissons déjà. Nous avons déjà la subvention pour l'épargne-études, qui offre généreusement 20 p. 100 de contrepartie sur les investissements. Compte tenu de ce qu'on obtient ces jours-ci sur les marchés boursiers, c'est un rendement immédiat très appréciable. Pourtant, les faits, c'est qu'un grand nombre de Canadiens à revenu faible ou moyen ne se prévalent pas de cette subvention. Ce n'est pas simplement une question d'information. Je ne pense pas non plus que ce soit un manque de motivation. Ces gens-là ont les mêmes aspirations que les Canadiens à revenu plus élevé quant aux études postsecondaires de leurs enfants. Le problème, c'est les finances insuffisantes.

Les frais de scolarité posent un problème immédiat, en particulier pour les études professionnelles. Par exemple, une année d'études de droit à l'Université Queen's coûte actuellement 10 000 $. À la faculté de médecine de l'Université Western Ontario, c'est 12 000 $ et à l'école dentaire de l'Université de Saskatchewan, c'est 32 000 $. Ce sont des montants faramineux. Tant qu'on n'aura pas réglé le problème sous-jacent qui fait flamber les frais de scolarité, on ne fera que du bricolage. On peut bien placer un peu d'argent dans ce programme, mais les frais de scolarité vont augmenter plus vite que les montants épargnés et nous allons nous retrouver — du moins certains d'entre nous, espérons-le — dans 18 ans, à dire que nous nous sommes trompés 18 ans plus tôt en mettant en place ce programme.

Le président : Certains d'entre nous vont se retrouver, mais pas tous.

Le sénateur Angus : En ce qui concerne la création d'une culture de l'épargne, qui constitue l'autre aspect du programme, ne pensez-vous pas que les propos tenus hier par le ministre sont fondés? Reconnaissons que si ce projet de loi est adopté, sa principale faiblesse sera le montant modique qu'il comporte. Pour l'obtenir, il faut franchir des étapes — faire une demande, se constituer un REEE, et ainsi de suite — mais on instaure ainsi une culture qui pourrait évoluer plus tard. Je crois que c'est bien ce que vous dites, et cela me semble bien logique. Est-ce que vous rejetez ce raisonnement?

M. Robinson : Il est prouvé que dans certains cas, la politique sociale fondée sur l'actif a un effet positif. Dans d'autres cas, elle me dérange un peu, car elle en revient à la conception victorienne selon laquelle la pauvreté est une forme d'échec moral : si les pauvres commençaient à épargner au lieu de dépenser leur argent en achetant ceci ou cela, ils cesseraient d'être pauvres. C'est là une orientation qui me dérange.

Il y a plusieurs facteurs qui déterminent la pauvreté. Ce n'est pas uniquement le manque d'actifs. Comme quelqu'un l'a dit précédemment, il ne faut pas chercher une solution miracle à ce problème.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Ma première question s'adresse à madame Robson-Haddow. À la page 2 de votre présentation, au deuxième paragraphe de votre deuxième recommandation, vous faites référence à une plus grande flexibilité dans l'échange.

[Traduction]

Vous dites : « ... la partie non utilisée de l'épargne à d'autres comptes de constitution d'actifs ».

[Français]

Que voulez-vous dire par cet énoncé? Peut-on puiser à partir d'un fond à l'éducation ou d'une hypothèque résidentielle?

[Traduction]

Mme Robson-Haddow : Je ne connais pas assez le français pour vous répondre dans votre langue et j'en suis désolée.

On peut envisager différentes possibilités. Actuellement, par exemple, l'argent accumulé dans un régime d'épargne- études peut être transféré à un régime d'épargne-retraite. La réglementation de l'épargne-retraite permet déjà des retraits pour l'achat d'une première maison ou pour la formation continue. Ce sont des options fort utiles.

Dans le projet pilote learn$ave dont j'ai parlé et dans le cadre des autres activités de SEDI, nous favorisons l'utilisation de l'épargne pour l'achat de maisons abordables et pour l'accès à des logements abordables; c'est ce que les Canadiens à faible revenu disent souhaiter le plus. Un certain nombre de Canadiens, par exemple, ont besoin d'aide pour épargner le montant nécessaire pour entrer sur le marché locatif privé. La constitution d'une micro-entreprise constitue une autre option. On peut encore imaginer un certain nombre d'autres formes d'achat d'actifs.

À titre de comparaison, je signale qu'au Royaume-Uni, il existe une mesure semblable appelée Child Trust Fund, qui arrive à maturité au bout de 18 ans et ne comporte aucune restriction quant à l'emploi de l'actif dans ce pays.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Ma deuxième question s'adresse à monsieur Robinson. Monsieur Lewis a fait un commentaire à l'effet que le côté culturel a peut-être un impact plus important que le côté financier sur le taux de participation à l'école postsecondaire. Au Québec, les frais de scolarité sont les plus bas au Canada. Aux États-Unis, ils sont très élevés. Toutefois, on remarque que le Québec affiche le taux de décrochage le plus élevé au Canada. Le côté culturel est peut-être plus important que le côté financier. J'aimerais faire appel à votre expertise en la matière. Quelle est la perspective financière? Beaucoup de gens à revenu modeste réussissent tout de même à épargner. Quelle importance a l'aspect financier par rapport à l'aspect culturel dans la façon dont on élève nos enfants?

[Traduction]

M. Robinson : Je ne nie pas l'importance de l'élément culturel, si vous voulez l'appeler ainsi. Je ne suis pas certain qu'il fasse défaut ici; je ne suis pas sûr, non plus, qu'on aborde le véritable problème.

Les données dont nous disposons, je le répète, montrent qu'en ce qui concerne les aspirations des parents en matière d'études postsecondaires de leurs enfants — d'après un sondage de Statistique Canada — il n'y a pratiquement pas de différence entre les Canadiens à revenu modeste ou moyen et les Canadiens à revenu plus élevé.

Les considérations financières sont-elles le seul obstacle à la poursuite d'études postsecondaires? Non, évidemment. Il y a plusieurs autres problèmes. Je considère cependant que toute chose restant égale par ailleurs, il m'en coûtera 32 000 $ par an pour devenir dentiste et si je n'ai pas ce montant, je n'entreprendrai pas de telles études. Indépendamment de mes incitatifs culturels, de ma motivation et de ce que mes parents ont pu me dire, je ne ferai pas de telles études.

Il faut donc mettre l'accent sur les considérations financières. Je crois que le gouvernement a tenté de le faire dans ce projet de loi, mais il a manqué la cible. On obtiendrait un meilleur rendement en réorientant cet argent vers un programme de subventions axées sur les besoins, c'est-à-dire sur un système progressiste visant les étudiants nécessiteux, qui leur permette de poursuivre leurs études et d'éviter les obstacles financiers. Ensuite, on pourra s'occuper des autres obstacles.

Le sénateur Meighen : Le sénateur Massicotte a abordé un thème qui m'intéresse. Avant d'y revenir, monsieur Robinson, j'aimerais vous poser une question sur un élément qui m'a peut-être échappé. Comme c'est souvent le cas, nous avons reçu un projet de loi qui n'est pas parfait. Les projets de loi parfaits sont très rares. Bien souvent, on se heurte à des problèmes imprévus, comme dans le cas d'un projet de loi omnibus. On y trouve souvent toutes sortes de choses, dont certaines sont positives, et d'autres moins plaisantes. Que faut-il donc faire de ce projet de loi?

Je vous demande ce que vous souhaiter qu'on en fasse?

Vous en êtes le plus ardent détracteur. Vous avez peut-être déjà répondu à ma question, mais si l'affaire tourne mal et qu'on ne puisse pas apporter au projet de loi les améliorations que vous proposez, souhaitez-vous que nous apportions notre appui au projet de loi dans sa forme actuelle?

M. Robinson : Je n'ai pas à me prononcer sur votre décision ultime.

Le sénateur Meighen : Donnez-moi simplement votre avis.

M. Robinson : Si j'étais de l'autre côté de cette table, je ne serais sans doute pas favorable au projet de loi. Comme je l'ai dit précédemment, il y a des façons plus efficaces de régler le problème, des façons à la fois visionnaires et simples, qui devraient nous permettre d'éviter les difficultés rencontrées jusqu'à maintenant avec la subvention canadienne pour l'épargne-études et les régimes enregistrés d'épargne-études.

À mon avis, ce sont les subventions fondées sur les besoins qui fonctionnent le mieux. D'ailleurs, ce genre de système été mis en place par beaucoup d'autres pays.

Le sénateur Meighen : Dans ce cas, une part du gâteau, ça ne vaut pas mieux que rien du tout?

M. Robinson : Vous voulez que je vous réponde à titre de contribuable...

Le sénateur Massicotte : C'est ça ou rien.

M. Robinson : Ça ou rien. J'aimerais bien que l'argent du contribuable soit dépensé plus efficacement.

Le sénateur Meighen : Je ne voudrais pas m'acharner sur vous, monsieur Robinson, mais vous avez fait référence à quelque chose qui a suscité chez moi une question. Vous êtes convaincu qu'il faut réduire les droits de scolarité. Le sénateur Massicotte a précisé que dans certaines provinces, ces droits étaient beaucoup plus élevés. Comme vous le savez sans doute, les droits de scolarité en Nouvelle-Écosse, dont je connais bien la situation en dépit du fait que je n'en suis pas originaire, sont parmi les plus élevés au Canada; par contre, c'est également l'une des provinces qui jouit d'un des taux d'inscription aux institutions postsecondaires les plus élevés. On peut donc douter du rapport direct qui existerait entre le montant des droits de scolarité et le taux de participation.

Quelle est la meilleure façon de s'assurer que tous les étudiants ayant les capacités nécessaires puissent s'inscrire auprès d'une institution postsecondaire, peu importe leur situation financière? Vous avez proposé la baisse des droits de scolarité. Permettez-moi de proposer autre chose : d'une part, les universités et collèges devraient demander des droits de scolarité raisonnables établis en fonction des services offerts et, d'autre part, l'aide financière aux étudiants devrait être augmentée pour que tout étudiant sérieux puisse poursuivre ses études. Cette solution me semble meilleure car elle fait d'une pierre deux coups : on résout le problème des recettes universitaires ainsi que l'incapacité des étudiants à payer les droits de scolarité.

M. Robinson : Pour ce qui est des taux d'inscription, l'exemple de la Nouvelle-Écosse est intéressant. L'accessibilité dépend de deux choses : l'argent nécessaire pour payer les droits de scolarité mais également le nombre suffisant d'institutions. En Nouvelle-Écosse, il existe beaucoup d'institutions, donc l'offre est bonne, tout comme la demande.

Il y a autre chose. Les étudiants diplômés croulent sous les dettes en Nouvelle-Écosse. C'est un problème grave, qui rejoint votre deuxième point. Si on augmente les droits de scolarité tout en offrant davantage d'aide financière aux étudiants, et je suppose que vous faisiez référence aux bourses, alors les étudiants qui ne pouvaient pas se payer les droits de scolarité se retrouveront endetter jusqu'au cou. Deux diplômés risquent de se trouver dans le même bureau, le premier sans dette car il était suffisamment aisé pour payer les droits de scolarité, et le deuxième endetté de 100 000 $. C'est un fardeau immense qu'on impose aux étudiants.

À mon avis, nous devons mettre en place un système de subventions accordées en fonction des besoins. Ainsi, nous pourrions accorder l'aide financière dont vous avez parlé tout en éliminant les obstacles financiers. Même si nous offrons de généreux programmes d'aide financière, les étudiants risquent de ne pas opter pour l'université ou le collège de peur de trop s'endetter.

Le sénateur Meighen : Quand on parle d'aide financière, on ne parle pas seulement des prêts. Je suis d'accord avec vous, ce n'est pas tellement mieux de se retrouver avec d'énormes dettes, mais c'est quand même mieux que ne pas y aller du tout. Après tout, celui qui devient dentiste pourra certainement rembourser ses prêts en temps voulu.

Le sénateur Massicotte : Vous proposez une baisse des droits de scolarité. Je trouve que cette solution est très régressive, étant donné que la plupart des étudiants universitaires viennent de la classe moyenne. Ça veut dire qu'on subventionnerait les étudiants qui peuvent se permettre des études. Je pense que seuls 30 p. 100 des étudiants qui participent en ont réellement besoin. Au Québec, seuls 40 p. 100 bénéficient d'une aide financière, ce qui veut dire que nous subventionnons un segment de la société.

M. Robinson : Je ne suis pas tout à fait d'accord. Il ne faut pas oublier que les riches sont également imposés. C'est pour compenser ce déséquilibre que nous avons un système d'impôt progressif.

Je ne pense pas qu'on pourrait avancer le même argument dans le cas de la santé. Il serait impensable de dire que seules les personnes qui ont recourent aux soins de santé devraient en assumer les coûts.

Je vous demanderais d'accorder plus d'importance à l'éducation postsecondaire. Aujourd'hui, le diplôme postsecondaire est devenu tout aussi important que l'était le diplôme d'études secondaires il y a 30 ou 40 ans. À une époque, notre nation a décidé que le diplôme d'études secondaires était si important qu'il fallait que tout le monde puisse faire des études secondaires gratuitement. La même logique s'applique aujourd'hui : pensons-nous que le diplôme postsecondaire est si important qu'il faille permettre à tous de faire de études universitaires ou collégiales?

Le sénateur Tkachuk : Je me suis beaucoup intéressé aux politiques estudiantines; ce débat, nous l'avons eu il y a longtemps. Je ne sais pas si les choses ont beaucoup changé.

Le président : Les chiffres ont changé.

Le sénateur Tkachuk : Les chiffres ont effectivement changé. Nous avons tout juste reçu le projet de loi hier. Je ne comprends pas pourquoi on semble vouloir nous bousculer.

J'ai entendu dire que les droits de scolarité représentaient approximativement 18 à 20 p. 100 des coûts de fonctionnement des universités. Est-ce qu'on peut le confirmer? Êtes-vous des experts? Ces pourcentages nous ont été donnés hier par les experts du ministère, ils me semblent justes.

M. Robinson : Ils sont erronés.

Le sénateur Angus : Quels sont les pourcentages, alors?

M. Robinson : Les droits de scolarité représentent environ 18 p. 100 des recettes globales. Par contre, ces droits, qui servent à l'exploitation, représentent de 30 à 60 p. 100 des recettes d'exploitation, et non 18. C'est vrai qu'ils représentent 18 p. 100 des recettes globales, mais les étudiants ne financent pas la recherche. Les recettes globales comprennent le financement pour la recherche, les dons et subventions privés, les droits de scolarité et les subventions gouvernementales. Pour ce qui est des revenus d'exploitation, les droits de scolarité représentent sans doute environ 30 p. 100 dans certaines institutions et bien plus de la moitié dans d'autres.

Le sénateur Tkachuk : La situation n'a pas vraiment changé au cours des 40 dernières années, alors?

M. Robinson : Si, malheureusement.

Le sénateur Tkachuk : Pourtant, quand j'étais étudiant, ce sont les mêmes chiffres qu'on citait, 18 à 20 p. 100.

M. Robinson : Il n'y a pas si longtemps, à la fin des années 80, les droits de scolarité représentaient de 10 à 11 p. 100 des recettes globales. Ce chiffre a depuis doublé.

Le sénateur Tkachuk : Apparemment, 26 p. 100 des familles gagnant 35 000 $ ou moins font des économies en vue de la scolarité de leurs enfants. On nous a dit que pour cette tranche de revenu, il existait beaucoup d'obstacles à l'épargne. Hier, le ministre a notamment parlé de l'absence d'une certaine culture de l'épargne.

Comment expliquez-vous le fait que 26 p. 100 de ces familles aient cette culture et que le reste ne l'aient pas?

Mme Robson-Haddow : Cette question n'est pas simple. Il existe une série de facteurs. La décision d'épargner est tout aussi motivée par divers facteurs personnels que par les facteurs institutionnels. Ce qu'il y a de sûr, c'est que notre système de politiques sociales et fiscales n'incite absolument pas les familles à faible revenu à épargner. Nous avons érigé divers obstacles, que ces familles désirent épargner pour assurer l'éducation de leurs enfants ou pour autre chose. On reprend les prestations des assistés sociaux, on les pénalise au niveau de l'épargne pour ce qui est des subventions en matière de garderie, et on lie les mesures d'incitation à l'épargne au système d'imposition de sorte que seuls ceux qui paient des impôts importants puissent profiter de l'épargne. En fait, il est remarquable que 26 p. 100 de ces familles puissent épargner.

J'aimerais vous donner d'autres statistiques portant sur l'épargne en vue des études : 36 p. 100 des familles gagnant 15 000 $ ou moins et 27 p. 100 gagnant à peine 26 000 $ mettent de côté de l'argent pour la scolarité de leurs enfants. Le fait que ces familles puissent faire des économies est extraordinaire. Et les épargnes se font en dépit des politiques et non grâce aux politiques. Le projet de loi C-5 est l'occasion rêvée pour redonner à ces familles des moyens leur permettant d'assurer leur avenir.

Le sénateur Tkachuk : Ne pensez-vous pas que si on faisait passer l'exemption personnelle de 8 000 $ à 12 000 $ ou 15 000 $, en réduisant les cotisations d'assurance emploi ou encore en diminuant les taux d'imposition, on ferait augmenter le revenu disponible des familles à revenu modique et, ce faisant, on les inciterait à épargner? J'ai l'impression que ces familles mettent effectivement de l'argent de côté mais que le système fiscal leur met des bâtons dans les roues. Ne serait-ce pas une meilleure solution qui leur permettrait de décider de la nature de leur épargne au lieu de dépendre des subventions gouvernementales?

Mme Robson-Haddow : Il y a différentes façons de faire augmenter le revenu disponible des familles à faible revenu. Je ne suis pas convaincue que c'est en augmentant l'exemption personnelle de base qu'on y parviendrait. D'ailleurs, l'Organisation nationale antipauvreté a récemment publié un document selon lequel ce serait les familles de classe moyenne qui bénéficieraient majoritairement de ce genre de mesures. Comme je ne suis pas fiscaliste, je ne voudrais pas en dire davantage.

J'ai deux enfants de moins de deux ans, et je peux vous dire que de façon générale nous mettons de l'argent de côté par le biais de structures bien définies. Nous économisons par le biais de régimes de pension parrainés par l'employeur et par le biais de virements automatiques sur nos REEE.

On ne peut nier l'influence des facteurs institutionnels sur les comportements d'épargne. On ne pourra sans doute pas se contenter d'augmenter les revenus personnels. Il faut plutôt créer des mesures incitatives fiscales et mettre en place un environnement propice à l'épargne, pas simplement au niveau des politiques fiscales mais également au niveau des réglementations d'aide sociale au palier provincial. Grâce à ce projet de loi, les choses ont commencé à bouger à cet égard. C'est une question complexe.

Le sénateur Tkachuk : Vous dites donc qu'on devrait leur prendre leur argent pour les inciter à faire ce que l'on veut qu'ils fassent?

Mme Robson-Haddow : Non, c'est toujours volontaire. Nous choisissons tous de participer à des programmes d'épargne et je ne plaiderai jamais, dans aucune circonstance, pour un système d'épargne obligatoire au Canada. C'est un choix que de cotiser à un REEE et il faut que ça le reste.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Le projet de loi C-5 est un excellent outil pour l'éducation. Vous avez six enfants, j'en ai sept, plus 11 petits-enfants. Je vois donc les difficultés autant que les avantages qu'il pourrait y avoir dans ce projet de loi. Toutefois, c'est un outil incomplet qui ne règlera pas le problème dans l'immédiat ni dans 15 ans. Combien vaudra 100 $ dans 15 ans, personne ne le sait, mais on n'a qu'à regarder 15 ans en arrière pour savoir qu'est-ce qu'on peut acheter aujourd'hui avec 100 $. C'est aussi tenir pour acquis que la plupart des familles pourront envoyer leurs enfants à l'université.

Quand on parle d'études postsecondaires, on pense études universitaires. Pour avoir œuvré sur des conseils d'administration de services financiers une bonne partie de ma carrière, je sais que les gens qui vendent de l'assurance ou des services financiers, les gens de métier issus des écoles techniques, votre plombier, apportent beaucoup à la communauté et n'ont pas poursuivi d'études universitaires. On est en train de mettre un sceau d'excellence sur un aspect qui ne représente pas la société dans son ensemble.

J'ai demandé au ministre qu'est-ce qui arriverait si les gens n'allaient pas à l'université. Il m'a répondu que dans ces cas, on reprenait l'argent et qu'on laissait seulement les intérêts. C'est donc un outil d'éducation.

Dans les écoles secondaires, à l'heure actuelle, les activités parascolaires coûtent très cher. Comment une famille moyenne, composée de deux adultes et de deux enfants, qui gagne 25 000 $ brut par année, peut-elle déterminer ses priorités quant aux dépenses accordées aux enfants qui demandent de participer au hockey, au soccer, au patinage, et cetera, ou à toute autre activité parascolaire pour faire partie du groupe?

Nous pourrions amender le projet de loi pour spécifier que les termes « études postsecondaires » englobent tous les programmes d'études menant à un emploi. On pourrait aussi avoir des attestations d'études universitaires. Des attestations dans le domaine financier ne requièrent pas nécessairement de diplôme universitaire.

[Traduction]

Le président : Pour résumer succinctement la question, est-ce réservé à l'éducation postsecondaire ou pas? Je ne pense pas que ça le soit, généralement. Ça touche également les écoles professionnelles et les autres institutions non universitaires. Ce sont des faits qui, je crois, ne sont mis en cause par personne.

M. Lewis : C'est exact. Il s'agit de tout programme postsecondaire reconnu dans la Loi de l'impôt sur le revenu, qui comprend une définition très large qui englobe les programmes professionnels. On propose de modifier la loi, et nous estimons que c'est une modification importante, pour que les études à temps partielles soient admissibles. Une grande souplesse a été intégrée à la définition.

[Français]

Le sénateur Plamondon : J'aimerais ajouter un commentaire. Ce projet de loi nous est arrivé hier, il semble urgent et nous devons nous prononcer rapidement à son sujet. Cependant, je crains que ce projet ne soit qu'un écran de fumée destiné à éviter la résolution des vrais problèmes à l'université, y compris les dépenses qu'encourent les étudiants pour aller à l'université ou dans tout autre lieu d'enseignement postsecondaire.

[Traduction]

M. Lewis : Je répète que ce que nous prônons n'est qu'une partie de la solution mais nous sommes convaincus que c'est une pièce importante du puzzle et une stratégie à long terme qui finira par porter fruit.

Le président : Quand on parle de la culture de l'épargne, ça me fait penser à ma propre expérience. J'ai travaillé tout au long de ma scolarité universitaire mais je dois dire que ma famille, tout comme mes amis, m'ont aidé. Il s'agissait vraiment d'un effort collectif. Dans le projet de loi, on accorde une importance spéciale à la culture de l'épargne en incluant non seulement les bénéficiaires immédiats et les personnes qui s'occupent d'eux mais également la parenté et les amis. Ce ne sont pas uniquement les parents qui sont visés.

Comme le sénateur Angus et le ministre l'ont dit hier, il faut que l'épargne en vue des études fasse partie des mœurs. Pour l'instant, seul un nombre limité de structures privées, comme le fonds de bourses d'études, facilitent cette épargne. En passant, j'ai bénéficié de ce fonds. Bien que le fonds n'ait pas pu subvenir à tous mes besoins, cet argent m'a beaucoup aidé.

J'aimerais que les témoins nous en disent davantage sur l'instauration d'une culture de l'épargne à des fins d'éducation dans notre société.

M. Robinson : Je comprends très bien l'intention, par contre, comme je l'ai dit précédemment, nos tentatives d'instauration d'une culture d'épargne en vue des études ont toutes échoué lamentablement.

Mme Robinson-Haddow : Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, la pauvreté, ce n'est pas uniquement une question de revenu. Ça se définit également en fonction des possibilités d'épargne et de la constitution d'actifs, en plus de l'obtention des services dont on a besoin.

Au Canada, les politiques sociales ne tiennent pas suffisamment compte des moyens pouvant permettre d'encourager tous les Canadiens à épargner et à bâtir leur patrimoine. On a procédé de façon ponctuelle et, par conséquent, ce sont les riches qui en profitent le plus.

Sachez également que le projet de loi renferme une stratégie à long terme. C'est bien avant les dernières années d'études secondaires que la décision est prise d'entreprendre ou pas des études postsecondaires, que ce soit à l'université, au collège professionnel, au collège ou dans une institution offrant des programmes menant à un diplôme. En fait, la décision est prise en huitième année, même avant. Et nous savons que l'épargne et le patrimoine jouent un rôle très important dans cette décision, même plus important encore que les résultats scolaires ou le niveau de scolarité des parents. Tout cela entre donc dans la question plus globale de l'établissement d'un patrimoine au Canada.

Le président : Monsieur Lewis, pour le mot de la fin.

M. Lewis : Nous y voyons un mécanisme qui permettra de changer la dynamique familiale et qui incitera les familles à penser très tôt à épargner en vue de l'éducation de leurs enfants. Ce faisant, on créera une culture pas seulement de l'épargne, bien que ça soit important, mais de progression naturelle vers les études supérieures. Bien sûr, le financement aide toujours, mais le facteur clé c'est que les enfants grandiront en pensant que les études supérieures font partie du parcours normal. Dès les études secondaires, les jeunes le sauront et s'orienteront en conséquence.

Le président : Je voudrais remercier nos témoins d'être venus à la dernière minute.

Nous allons maintenant accueillir notre prochain groupe de témoins. Merci d'être venus, en dépit du cours préavis.

Je demanderais aux sénateurs d'être aussi succincts que possible.

Le sénateur Angus : Monsieur le président, pourriez-vous confirmer que ces messieurs étaient dans la salle pendant le témoignage du groupe précédent et qu'ils ont suivi attentivement les délibérations?

Le président : Merci de cette précision. Nous éviterons ainsi de répéter ce qui a été dit.

Monsieur Hutchinson, je vous demanderais d'être succinct.

M. Braden Hutchinson, vice-président, Association de résidences de la rivière Rideau : Je voudrais tout d'abord remercier le comité de m'avoir invité.

Je vais répéter ce que j'ai dit devant le Comité permanent de la Chambre des communes. Le projet de loi C-5 répond tout à fait inadéquatement aux besoins des familles à faible revenu, qui doivent assumer l'augmentation des droits et frais de scolarité, surtout lorsqu'il n'y a pas d'établissement postsecondaire dans leur localité.

En ville, les étudiants ont six fois plus de chance de poursuivre leurs études postsecondaires que dans les campagnes. De plus, les étudiants défavorisés des zones urbaines ont deux fois moins de chance de poursuivre leurs études postsecondaires. Ceux qui poursuivent leurs études se comptent chanceux de pouvoir le faire, parce que trois quarts d'entre eux s'inquiètent de ne pas avoir suffisamment d'argent pour les terminer.

Dans ce contexte, 3 000 $ sur quinze ans, c'est vraiment insultant. Les prétendues mesures incitatives du projet de loi dont l'objet est d'encourager les familles à épargner pour assurer l'avenir de leurs enfants ne reflètent pas le fait qu'un grand nombre de familles à revenu fixe ou à faible revenu ne peuvent pas se permettre de cotiser à un REEE. De plus, on ne trouve, dans le projet de loi, aucune solution à la crise que connaît le secteur de l'éducation et qui se manifeste par la flambée des droits de scolarité, le sous-financement alarmant et la décroissance des actifs alors que selon Statistique Canada, 60 p. 100 des emplois nécessiteront une quelconque formation postsecondaire. Il est également inquiétant de constater que le projet de loi ait pu continuer son cheminement jusqu'ici, la Chambre l'ayant adopté en dépit du fait qu'un seul des témoins ayant comparu devant le Comité permanent de la Chambre ne l'ait soutenu.

Permettez-moi de vous faire part de certains des témoignages recueillis par l'autre Chambre. Mme Sylvie Lévesque, de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées, a indiqué que même si le projet de loi C-5 était plein de bonnes intentions, l'augmentation de la subvention canadienne pour l'épargne-études en vue d'aider un plus grand nombre de familles à revenu modique n'allait pas assez loin. M. Richard Shillington, chercheur en politique sociale, a déclaré : « C'est de l'argent que vous allez prélever sur votre budget alimentaire pour faire la paperasserie pour obtenir 500 $ qui vont être déposés dans un compte de banque et auquel vous ne pouvez toucher. » Pour sa part, Mme Christiane Gagnon, du Bloc québécois, parti qui a, par la suite, soutenu le projet de loi, a précisé : « Ces mesures ne seront pas nécessairement avantageuses pour les familles à faible revenu. » M. Peter Nares, de Développement social et d'innovations d'entreprises, a, quant à lui, dit au sujet du projet de loi : « Est-il parfait? Non, mais c'est un début. »

Un début n'est pas ce dont les Canadiens ont besoin. Le projet de loi n'est pas à la hauteur. Ce dont nous avons besoin, c'est une véritable solution.

Le gouvernement a fait fi du message, pourtant clair, des groupes représentant les étudiants et les Canadiens en général à faible revenu. J'ai du mal à croire que le projet de loi n'est que la première pièce du puzzle. Si le projet de loi est adopté, il n'y aura pas de nouvelles mesures. Et pourtant le système éducatif doit être remis sur pied immédiatement, et non dans 15 ans. Il faut mettre en place un transfert réservé à l'éducation postsecondaire. Ce dont nous avons réellement besoin, ce n'est pas un plus grand nombre de REEE mais plutôt la réduction des droits de scolarité et un système national de subventions attribuées en fonction des besoins. Il n'y a rien dans ce projet de loi qui permettra d'accroître l'accès à l'éducation postsecondaire. Pire, on a l'impression qu'avec ces coûts annuels énormes de 420 millions de dollars, ce projet de loi ne peut que se transformer en un deuxième registre d'armes à feu.

Le Sénat a maintenant l'occasion de se distinguer de la Chambre des communes en écoutant ce que les Canadiens ont à dire. Nos députés ont choisi de ne pas prendre au sérieux les supplications des étudiants et des Canadiens à faible revenu. Je vous implore de renvoyer ce projet de loi aux députés qui l'ont soutenu en disant clairement que le Sénat du Canada n'acceptera pas qu'on essaye de faire passer des dépenses superflues dont les Canadiens ne profitent pas vraiment pour des politiques sociales véritables qui permettront de renforcer les fondements de la société canadienne au XXIe siècle.

Vous êtes notre dernier espoir. Je vous demanderais de m'écouter attentivement. Si vous n'êtes pas prêts à m'écouter, je vous demanderais d'être attentifs aux propos d'un ancien premier ministre qui écrivait : « Si la société n'est pas prête à adopter des valeurs entièrement nouvelles, si elle n'est pas prête à planifier son développement pour le bien de tous plutôt que pour le confort d'un petit nombre, et si les citoyens ne comprennent pas qu'ils doivent être solidaires, il est vain de penser que le Canada pourra un jour se libérer du besoin et de la peur. »

Merci beaucoup.

Le président : Nous allons maintenant passer à M. Kusie.

M. James Kusie, directeur national, Alliance canadienne des associations étudiantes : À titre de directeur national d'une fédération qui représente 19 universités et collèges dont la population estudiantine atteint les 300 000, à l'échelle du Canada, je voudrais remercier le comité de m'avoir invité à vous entretenir de l'éducation postsecondaire au Canada et plus particulièrement, du projet de loi C-5.

Les membres de l'association, que vous avez pu rencontrer pour la plupart à Ottawa il y a deux semaines, estiment qu'ils peuvent apporter de vrais éléments de réponse. La vision de la fédération, c'est un pays où tous les Canadiens, peu importe leurs origines sociales ou économiques, peuvent réaliser leurs rêves et entreprendre librement des études postsecondaires.

Malheureusement, l'accès à l'éducation postsecondaire de qualité à un prix abordable est mis en péril au Canada. En effet, les droits de scolarité ont presque triplé au cours des 10 dernières années. Par conséquent, les étudiants qui ont des prêts se retrouvent après leurs études avec des dettes de plus de 30 000 $ après intérêts.

Il est clair que le système d'aide financière aux étudiants au Canada ne répond adéquatement aux besoins des étudiants qui essaient de financer leurs études. De plus, malheureusement, les Canadiens ne mettent pas suffisamment d'argent de côté pour l'éducation de leurs enfants. D'après Statistique Canada, seulement 26 p. 100 des familles à faible revenu font des économies pour que leurs enfants puissent poursuivre leurs études, contre 70 p. 100 dans le cas des Canadiens à revenu élevé.

[Français]

D'abord, il est apparent qu'une majorité des familles avec des revenus faibles au Canada n'ont pas d'avantages et ne reçoivent aucun bénéfice du programme de subventions canadiennes pour l'épargne-études.

[Traduction]

Les REEE ont été conçus pour encourager les Canadiens à épargner en vue des études de leurs enfants en bénéficiant d'un complément versé en vertu de la subvention canadienne pour l'épargne-études. Or à peine 11 p. 100 de Canadiens à faible revenu utilisent ces instruments. Ce projet de loi propose d'accroître le complément SCEE aux REEE des Canadiens à faible et moyen revenus. L'ACAE reconnaît les avantages sociaux, psychologiques et économiques de l'épargne-études dès la petite enfance, notamment pour les enfants issus de familles défavorisées. Cela étant, nous croyons fermement que l'aide financière aux étudiants devrait être accordée à ceux qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire ceux qui, sans cette aide, ne serait pas en mesure de faire des études postsecondaires.

En outre, le projet de loi instaure le bon d'études canadien. Nous continuons de douter que ces bons d'études encourageront les familles à faible revenu à épargner, ni qu'ils amélioreront l'accès de celles-ci au système à l'avenir. En effet, les bons d'études ne font rien pour aider des étudiants d'aujourd'hui à accéder à l'enseignement postsecondaire. Si un enfant né l'année prochaine est admissible à un bon d'études, il peut s'attendre à recevoir 3 000 $ pour contribuer à ses études postsecondaires. Même dans le monde d'aujourd'hui, 3 000 $ n'est pas une somme considérable, étant donné que les frais de scolarité seuls s'élèvent en moyenne à 4 200 $ par année. Quand on pense que le Groupe financier de la Banque de Montréal et la TD Canada Trust estiment qu'un diplôme universitaire de premier cycle coûtera dans 18 ans entre 96 000 $ et 130 000 $, les perspectives sont peu réjouissantes.

[Français]

Si nous considérons ces coûts élevés, il est difficile de prévoir de quelle façon un individu désavantagé financièrement se sentirait capable de poursuivre des études postsecondaires.

[Traduction]

Le gouvernement laisse entendre qu'une famille pourrait cotiser 4 $ par semaine à un REEE, ce qui accroîtrait le rendement prévu du bon d'études échu à quelque 11 000 $. Bien que ce montant semble non négligeable, dans 18 ans, il ne suffira pas pour couvrir les frais de scolarité pour un seul semestre. Si la tendance actuelle des frais de scolarité se poursuit, une famille à faible revenu aurait à épargner au moins 270 $ par mois, par enfant, pour être en mesure d'offrir des études à ses enfants dans 18 ans. Même pour des Canadiens aisés, ce serait déconcertant.

Les Canadiens à faible revenu n'ont pas les moyens d'épargner suffisamment d'argent pour investir dans l'éducation de leurs enfants tout en subvenant aux besoins de ceux-ci. Ces bons d'études, c'est comme si on donnait à une famille à faible revenu une Mercedes Benz plus 500 $ et qu'on lui demandait de financer le reste de la voiture. C'est tout simplement impossible.

[Français]

Nous croyons que des subventions directes du gouvernement offertes pour une période d'études complète prouvera être efficace pour améliorer le taux d'accessibilité d'un programme post-secondaire. De plus, une telle stratégie aura un effet immédiat sur le système post-secondaire avec le système de subventions canadiennes pour l'épargne-études. Les résultats dont on discute ne seront pas apparents pour presque 20 ans.

[Traduction]

Les bons d'études coûteront aux contribuables environ 410 millions de dollars à échéance. Dans le dernier budget fédéral, à notre grand plaisir, le gouvernement a annoncé une nouvelle subvention destinée aux familles à faible revenu pouvant atteindre 3 000 $ ou la moitié des frais de scolarité. S'il est vrai que nous saluons l'instauration de cette subvention, n'empêche que nous ne croyons pas que ce soit une mesure d'incitation suffisante.

Si le gouvernement veut hausser cette subvention pour couvrir 100 p. 100 des frais de scolarité durant quatre ans d'études, cela coûterait 240 millions de dollars par année, soit un peu plus que la moitié du coût du projet de loi C-5. Une telle subvention améliorerait l'accès à l'éducation postsecondaire nettement mieux que ne le feraient les propositions contenues dans le projet de loi C-5.

En mars, TD Economics a qualifié le régime d'aide financière aux étudiants canadiens de « programmes confus et déroutants qui n'orientent pas efficacement le financement vers les groupes à faible revenu ». Je précise que c'est une citation en raison du débat dans lequel le Sénat s'est engagé hier.

Le président : Je veux être juste envers vous, mais vous êtes en train d'empiéter sur le temps des autres témoins.

M. Kusie : En conclusion, nous croyons que des subventions directes pendant toute la durée des études résoudraient davantage la question de l'accès au système d'enseignement.

Merci beaucoup de votre attention.

Le président : Beaucoup de sénateurs ont pu profiter également de votre témoignage à l'autre endroit.

Le témoin suivant est M. Soule. Êtes-vous accompagné d'un collègue?

M. Soule : Non, je suis seul.

Le président : Monsieur Kusie, pourriez-vous nous présenter votre collègue s'il vous plaît?

M. Kusie : Il s'agit de M. Toby White, notre agent responsable des relations avec le gouvernement.

M. George Soule, président national, Fédération canadienne des étudiants et étudiantes : Je voudrais remercier le comité de cette occasion qui m'est donnée de comparaître au nom de plus de 75 unions d'étudiants qui comptent plus d'un demi-million d'étudiants d'universités et collèges publics à l'échelle du pays.

Quand nous avons comparu devant le Comité permanent du développement des ressources humaines et du développement des compétences, on nous a demandé à plusieurs reprises si la situation des étudiants canadiens serait pire en raison du projet de loi C-5. La réponse est non. Cela étant, nous croyons que la politique sociale devrait répondre à des normes supérieures.

Les instruments d'épargne parrainés par l'État et qui sont destinés à des personnes à revenu faible, moyen et élevé, sont fondamentalement défectueux. Ils sont la mauvaise solution au véritable problème. Le problème des obstacles financiers doit être résolu en démantelant les obstacles mêmes plutôt qu'en élaborant des demi-mesures de façon improvisée.

La Fédération canadienne des étudiants et étudiantes n'est pas seule à s'opposer aux REEE et aux bons d'études. En effet, de nombreux groupes, y compris l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, le Conseil canadien de développement social, l'Organisation nationale antipauvreté, l'Organisation nationale des femmes immigrantes et des femmes appartenant à une minorité visible du Canada, Low-Income Families Together, organisme de Toronto, la Fédération étudiante universitaire du Québec et l'Institut C.C. Howe y sont tous opposés. En réalité, en dehors des fournisseurs de REEE, je ne connais pas d'organisation qui réclame une plus grande intervention de la part de l'État dans les régimes d'épargne.

Ce qui est réclamé le plus souvent, c'est la conversion de ces régimes en subventions axés sur les besoins. Le bon d'études est financièrement insuffisant, et la croissance rapide des frais de scolarité dans les collèges et universités dans la plupart des provinces rendra les bons d'études purement symboliques. À moins de juguler la flambée des frais de scolarité, le gouvernement fédéral se contentera de donner aux provinces des subventions sans limite fixe et sans reddition de comptes, et avec peu d'espoir de réaliser des objectifs stratégiques.

Comme pour la plupart des orientations sociales établies par des économistes bien payés, les bons d'études imposent une philosophie bourgeoise de l'investissement personnel à des gens qui vivent une réalité différente. En d'autres termes, le problème de la faible cotisation à un REEE de la part des travailleurs à faible revenu n'a rien à voir avec le manque de motivation ou de compréhension du monde des régimes enregistrés d'épargne-études. En effet, pour les familles qui ont de la difficulté à joindre les deux bouts, l'existence même des REEE est la preuve que le gouvernement les a laissé tomber, que l'accès à l'enseignement postsecondaire nécessite un engagement monétaire à vie, ce qu'ils ne peuvent tout simplement pas se permettre.

Le programme des REEE et son nouveau cousin apparenté aux bons alimentaires, le bon d'études, sont une invention de la part de ceux qui ont récolté les dividendes de l'épargne et qui ne prennent pas en considération les problèmes des Canadiens à modeste revenu. En effet, les REEE et les bons d'études récompensent les provinces qui ont tourné le dos aux universités et aux collèges et leur permettent de se tirer d'affaire. L'accès à l'éducation en fonction de l'épargne fait de la capacité de payer des frais de scolarité élevés une question relative à l'individu et à l'épargne de celui-ci plutôt qu'une question des ressources collectives des Canadiens et de la responsabilité collective de faire en sorte que l'éducation soit abordable pour tous.

Par ailleurs, les instruments d'épargne-études parrainés par l'État favorisent la disparité des dépenses dans les régions, car les Canadiens vivant dans les régions où des gouvernements progressistes ont empêché la flambée des frais de scolarité, et c'est le cas du Québec, auront moins d'incitation à épargner. Dans l'ensemble, les Québécois recevront une quote-part inférieure à la moyenne des dépenses fédérales à ce chapitre.

Les instruments d'épargne-vie créeront une bureaucratie inutile et des coûts administratifs lourds. L'argent consacré aux subventions à l'épargne en vertu des REEE et des bons d'études serait plus efficace s'il était investi dans des subventions axées sur les besoins dans le cadre de systèmes existants déjà approuvés par les provinces, notamment le Fonds canadiens de prêts aux étudiants. En privatisant davantage les coûts de l'éducation postsecondaire, le gouvernement fédéral a créé une industrie artisanale aux dépens du véritable accès aux collèges et universités. Les fournisseurs de REEE sont les véritables gagnants de cette politique sociale rétrograde. Ils prétendent que leur objectif est d'améliorer l'accès, mais nous savons tous qu'il n'en est rien. Tout ce qui les intéresse c'est de faire des sous. C'est un secteur rentable, sans quoi il n'existerait pas. Pire encore, le secteur des REEE est dans le collimateur de plus d'une commission des valeurs mobilières provinciale.

Je crois que l'importance à accorder à l'épargne personnelle pour le financement de l'éducation devrait être évaluée dans le contexte des autres programmes sociaux canadiens. Les soins de santé constituent le joyau des programmes sociaux canadiens, car c'est on ne peut plus transparent. Les Canadiens reconnaissent la valeur de l'accès sans entrave à un médecin et l'importance de payer cet accès au moyen d'un régime fiscal progressiste. C'est ce principe d'accès universel qui fait du régime de soins de santé canadien l'envie du monde.

Je puis vous garantir que ce ne serait pas le cas si l'accès à un médecin dépendait de la capacité de payer des honoraires très élevés en ayant recours à des régimes d'épargne concurrentiels, à des prêts subventionné et non subventionnés, à une exonération partielle des prêts, à des crédits d'impôt compliqués et à des maigres systèmes régionaux de subventions. Pourtant, c'est précisément la voie dans laquelle nous ont engagés des gouvernements successifs sans aucune vision pour un système d'éducation supérieure abordable.

Je crains que les partisans des bons d'études ne tentent de vous convaincre que nous pouvons régler de vastes iniquités socioéconomiques en éliminant de mauvaises habitudes d'épargne fictives chez les travailleurs canadiens. La véritable solution nous saute aux yeux. Nous devons simplement rétablir les paiements de transfert aux provinces au chapitre de l'enseignement postsecondaire et mettre en œuvre un véritable système de subventions axées sur les besoins.

Plus tôt cette semaine, une de vos collègues, l'honorable sénateur Hubley, est intervenue en faveur d'un système d'enseignement postsecondaire public et universel au Canada et de l'adoption d'une loi fédérale énonçant la mission, le rôle et les responsabilités du gouvernement en la matière. Ce n'est qu'en mettant en œuvre une telle stratégie nationale exhaustive et en garantissant la qualité et l'accès à l'enseignement postsecondaire que le gouvernement fédéral sera en mesure de commencer à réduire le fossé qui existe entre les Canadiens à revenu faible et ceux à revenu élevé en matière d'accès.

Encore une fois, merci de cette occasion, et je suis impatient d'échanger avec vous.

Le président : Encore une fois, je m'excuse, mais le temps nous presse. Je demanderais aux sénateurs d'être brefs et d'aller droit au but dans la mesure du possible. Nous savons quels sont les enjeux, et les arguments ont été bien présentés et étayés.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Je trouve la présentation très intéressante et cela pose un très bon débat. Mais j'essaye de comprendre un peu plus — peut-être est-ce un manque de compréhension de ma part — ce que vous recommandez. Nous sommes tous d'accord avec la nécessité de l'éducation, au secondaire. Nous sommes d'accord avec ce que vous disiez, quand vous parliez de cette notion de « needs based », du fait que c'est quelque chose qui est basé sur les besoins particuliers de la famille comme telle. Dans le même temps, vous critiquez le fait que les frais de scolarité sont très élevés et vous parlez d'un système universel.

J'essaye de comprendre quelle serait la solution, car « universel » voudrait dire que tout le monde va à l'université ou bénéficie d'une éducation post-secondaire. Pourtant on peut constater, par exemple au Québec ou aux États-Unis, que pour un grand nombre de personnes, pour des raisons culturelles, familiales ou autres, si elles vont ou non à l'université ce n'est pas pour des raisons financières, mais plutôt pour des raisons de valeurs familiales ou propres à la personne.

Donc, si c'est un système basé sur les besoins, on ne devrait pas faire cela au niveau universitaire, mais vraiment aider des gens qui en ont besoin. Et comme vous le savez, côté université, il y a seulement 30 à 40 p. 100 des personnes qui demandent de l'aide. Ce sont des familles à revenu élevé. Comment peut-on gérer cela?

Le constat de départ c'est que beaucoup de gens ne vont pas à l'université ou au post-secondaire pour des raisons culturelles ou autres. Je ne comprends pas pourquoi c'est universel, si c'est basé sur les besoins. Comment régler le problème culturel à la base? Peut-être M. Soule peut-il répondre en premier, puis M. Kusie.

M. Soule : La différence entre la notion de « basé sur les besoins » et l'intervention au niveau universitaire, c'est que le principe des bourses basées sur les besoins est un bon départ.

[Traduction]

Si nous regardons la première mesure présentée dans le dernier budget fédéral en ce qui a trait aux subventions axées sur les besoins, on y reconnaît que le coût de l'éducation est le principal obstacle à l'accès des étudiants à l'enseignement postsecondaire. Quand nous mettons en œuvre un système de subventions comme celui-ci, compte tenu de la flambée des frais de scolarité, on assure l'accès des Canadiens, à tout le moins ceux qui sont à faible revenu.

Au sujet de l'universalité du système, c'est une vision plus grande, de la même manière que nous concevons notre système de soins de santé, et l'idée est que tous les Canadiens, dès leur naissance, puissent entrevoir la possibilité de suivre des études postsecondaires. C'est la capacité et le désir de faire des études postsecondaires qui motivent la décision d'entreprendre des études ou pas, et non pas la capacité de payer. Voilà la question importante. Certains choisissent de ne pas fréquenter des établissements d'enseignement postsecondaire, et c'est une décision qui leur appartient. Il faut que ce soit un choix volontaire, et non pas une décision imposée par la situation financière.

M. Kusie : Les étudiants issus de familles à faible revenu ont deux fois et demie moins la chance de fréquenter le collège ou l'université que leurs concitoyens issus de familles à revenu élevé. C'est pourquoi nous préconisons un système de subventions axées sur les besoins de ces étudiants. Nous reconnaissons les intentions du projet de loi, et nous pensons que le gouvernement avait des intentions honorables, c'est-à-dire d'aider les familles à faible revenu à épargner. Mais cela ne suffit pas. Il n'y a pas que le facteur financier qui entre en ligne de compte dans la décision des étudiants issus de familles à faible revenu de faire des études postsecondaires ou pas. On pourrait donner à ces étudiants tout l'argent du monde, mais si la culture n'y est pas, ils ne se réveilleront pas un jour en se disant : « Je vais aller à l'université parce que j'en ai les moyens. »

C'est donc une question culturelle, et c'est un des objectifs visés par le projet de loi. Toutefois, les mesures d'incitation financière doivent être beaucoup plus importantes. Pour à peine plus de la moitié de ce que le projet de loi proposé coûtera, l'on pourrait améliorer considérablement l'accès d'un étudiant sur cinq au système. Selon des statistiques, le taux d'inscriptions n'a jamais été aussi élevé. Qui fréquente ces salles de cours? Gosso modo, ce sont des étudiants qui en ont les moyens, pas des étudiants à faible revenu.

L'ACAE milite depuis neuf ans et demi en faveur d'un accord sur l'éducation postsecondaire en vertu duquel les provinces et le gouvernement fédéral entreprendront un dialogue national. Le sénateur Hubley disait à juste titre hier soir que les choses ont changé dans notre pays. Au début du XXe siècle, le pays a entrepris un débat sur l'éducation publique. On a jugé alors que de la maternelle à la douzième année secondaire, l'éducation serait publique et l'accès universel. Je pourrais vous dire qu'un diplôme universitaire de premier cycle aujourd'hui équivaut au diplôme secondaire d'il y a 20 ans. Nous devons tenir un débat sur l'orientation du pays.

Le gouvernement fédéral s'est fixé des objectifs élevés en matière de réalisations nationales : il veut notamment que le pays se classe parmi les cinq premiers du monde en matière de R et D au cours des 10 prochaines années et augmenter de 50 p. 100 le nombre d'étudiants aux niveaux de la maîtrise et du doctorat durant cette même période. Ce sont des objectifs très ambitieux. Or, si nous ne fournissons pas aux étudiants le soutien financier nécessaire pour leur permettre d'accéder au système, nous ne serons pas en mesure de réaliser ces objectifs.

Le président : Je pense que nous comprenons les arguments maintenant. Puis-je donner la parole à un autre intervenant? Rappelez-vous, le temps presse. Nous sommes en train d'empiéter sur le temps des autres, et ce n'est pas juste.

Je demanderais aux prochains sénateurs de bien vouloir aller droit au but dans leurs questions et aux témoins de faire de même dans leurs réponses. Les arguments sont bien connus, et nous voulons voir si nous pouvons les développer davantage.

Le sénateur Tkachuk : Je suis d'accord avec M. Hutchinson et peut-être avec tout ce que vous dites aussi. Le projet de loi C-5 est un instrument devant permettre au gouvernement de dire sur une tribune publique que le problème de l'accès à l'éducation a été réglé. Je suis sûr que la situation rappelle beaucoup la situation des agriculteurs avec les armes d'épaule et des archers après le dépôt du projet de loi C-68, quand le gouvernement fédéral cherchait une façon facile de s'attaquer au problème de la criminalité.

Voilà quelques éléments d'information en guise de mise en contexte, car pour une raison quelconque, le gouvernement est pressé de faire passer ce projet de loi rapidement, et il ne nous donne pas beaucoup de temps pour l'examiner attentivement, alors que nous devrions le faire, à mon avis. Il veut s'en servir comme excuse pour étudier le phénomène de l'accès à l'éducation.

Quel est le coût moyen d'un diplôme universitaire de premier cycle au Canada pour un étudiant qui doit quitter sa petite localité pour venir s'établir dans une ville, comme je l'ai fait, et qui doit payer un loyer?

M. Hutchinson : L'Association de résidences de la rivière Rideau représente les étudiants de l'Université Carleton qui habitent en résidence. Nombre d'entre eux viennent de l'extérieur de la ville. Un étudiant doit payer environ 15 000 $ par année, entre frais de scolarité, logement et livres scolaires, en excluant la nourriture. Cela représente beaucoup d'argent.

Comme je l'ai dit, à peine le sixième des étudiants d'origine rurale se rendent aussi loin. Je me demande alors comment ce 3 000 $ est censé aider quelqu'un qui habite en milieu rural à fréquenter un établissement d'enseignement postsecondaire.

Le sénateur Tkachuk : Quels seraient les coûts moyens pour des études professionnelles comme la médecine dentaire, la médecine, le droit et la pharmacologie?

M. Kusie : L'ACAE a élaboré un calculateur de coûts sur son site Web en se fondant sur les tendances des 20 dernières années. Si un étudiant devait entreprendre des études en médecine demain — et il s'agit d'un programme d'études en huit ans — et fréquentait un collège en dehors de sa localité, les coûts se situeraient aux alentours de 250 000 $.

Le sénateur Harb : Ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que nous avons une sorte de dédoublement de personnalité pour deux raisons. Premièrement, vous dites que nous avons un système de soins de santé où l'accès est universel et que cela fait partie de notre politique sociale, d'une part, mais d'autre part, en ce qui concerne l'enseignement postsecondaire, nous devons avoir un système axé sur les besoins, où il y aurait une subvention par-ci, une forme d'aide par-là, et un prêt en complément. Vous dites également qu'il est temps pour nous de nous asseoir et d'avoir une discussion sérieuse pour déterminer notre orientation future. Les deux visions convergent-elles à un moment donné ou divergent-elles?

Nous sommes saisis d'un projet de loi spécifique. Avez-vous effectué une analyse pour déterminer le résultat possible de l'introduction d'un système universel où l'accès à l'enseignement postsecondaire serait gratuit, à l'instar de l'accès aux soins de santé? Avez-vous entrepris une analyse des coûts en prenant en considération les coûts de l'administration des prêts étudiants, les prêts irrécouvrables, les frais d'administration de ces coûts par opposition aux coûts de la gratuité du système? Deuxièmement, à votre avis, le projet de loi que nous avons entre les mains peut-il être sauvé, et ce, même si vous avez indiqué qu'il risquait facilement de tomber gravement malade, ou est-il cliniquement mort? Y a- t-il moyen pour notre comité de sauver ce projet de loi pour créer une situation où tout le monde y trouve son compte?

M. Soule : J'aimerais répondre aux deux questions en une seule réponse. On estime que la première année où le bon d'études sera en vigueur, les dépenses atteindront 100 millions de dollars. Un tel montant pourrait éliminer les frais de scolarité de 25 000 étudiants. Le bon d'études va certainement élargir l'accès à l'éducation.

À mon avis, ce projet de loi est déjà mort. Toutefois, les principes qui le fondent et l'engagement pris par le gouvernement d'affecter 100 millions de dollars l'année prochaine afin d'élargir l'accès à l'enseignement postsecondaire sont une bonne chose. Le gouvernement vient tout juste d'accorder 60 millions de dollars sous forme de subventions aux étudiants à faible revenu. Or, les étudiants pourraient certainement bénéficier de subventions de 100 millions de dollars.

On pourrait envisager d'éliminer le plafond, de rembourser à 100 p. 100 les frais de scolarité et de prolonger l'octroi de quelques autres années d'étude. L'initiative est bonne, mais on pourrait certainement utiliser ces 100 millions de dollars pour élargir l'accès aux études postsecondaires. Quoi qu'il en soit, ce projet de loi ne résout pas le problème.

M. Kusie : Si l'on donne un accès universel aux études et si l'on élimine les frais de scolarité, les étudiants auront quand même à assumer le coût de la vie, leurs frais d'alimentation et de logement. Il y a d'autres coûts inhérents à la poursuite d'études postsecondaires. Les étudiants auront donc quand même besoin d'un programme de soutien financier pour les éponger. Il reste encore beaucoup d'autres obstacles qui empêchent les étudiants d'aller à l'université.

Y a-t-il moyen de sauver ce projet de loi? Dans sa forme actuelle, je ne le crois pas. Comme je l'ai déjà dit devant le comité de la Chambre des communes, dans 20 ans, quand j'aurai des enfants, je ne tiens pas à revenir devant un comité gouvernemental quelconque pour discuter à nouveau de cette question et dire que j'avais déjà prédit l'échec des mesures que l'on propose aujourd'hui.

Le président : Pour mémoire, rappelons qu'en 1966, on a dit la même chose à propos de l'assurance maladie, et elle est encore là aujourd'hui.

M. Toby White, agent aux relations gouvernementales, Alliance canadienne des associations étudiantes : J'aimerais faire une brève remarque. Dans un monde où les ressources seraient illimitées, nous ne viendrions pas ici pour vous demander de rejeter ce projet de loi. Nous tenons à rencontrer le ministre des Finances et à lui demander d'affecter de l'argent à un programme de subventions solide et efficace, mais nous craignons qu'au ministère des Finances, on nous réponde qu'on vient d'accorder 400 millions de dollars pour élargir l'accès à l'enseignement supérieur. C'est ce que coûtera ce projet de loi lorsqu'il sera intégralement en vigueur. Or, pour la moitié de ce montant, nous pouvons disposer d'un programme national de subventions d'études efficace. Une initiative en ce sens correspondrait à une saine politique publique, et c'est pourquoi nous vous demandons de garder cela à l'esprit lorsque vous vous pencherez sur le projet de loi.

M. Hutchinson : J'aimerais brièvement ajouter quelque chose à cela. J'ai fait quelques recherches au sujet de ce projet de loi. Si l'on veut accorder des subventions vraiment utiles, il faudrait probablement doubler les montants prévus. Ainsi que l'ont déjà souligné d'autres témoins aujourd'hui, on pourrait dépenser l'argent à meilleur escient que ce qui est proposé dans le projet de loi.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : À titre d'introduction, j'aimerais vous exposer un peu mon expérience. J'ai été étudiante à faible revenu. À cette époque, j'avais trois jeunes enfants. Je n'ai pas eu droit à des déductions fiscales pour fins d'études, car mon mari travaillait. J'ai suivi mes études universitaires alors que je vivais au sein d'une famille à revenu modeste. Je suis donc familière avec cette situation.

Aujourd'hui, j'ai deux jeunes filles qui sont mes « mentorées ». Elles viennent toutes deux de familles à revenu modeste ou prestataires d'aide sociale. L'une d'elle a complété une maîtrise à l'Université Columbia et l'autre est membre du Barreau du Québec, de l'Ontario et de l'État de New York.

[Traduction]

Ils ont travaillé très fort et courageusement. Je tiens à préciser que nous ne cherchons pas à résoudre tous les problèmes des établissements d'enseignement postsecondaire avec ce projet de loi. Je vous dis cela en tant qu'ancienne étudiante, en tant que mère et en tant que grand-mère. De nos jours, il existe des services de garde, qui peuvent servir à faire évoluer notre société et à aider les enfants à se rendre jusqu'aux études universitaires. Il faut que les jeunes veuillent y aller, cependant. Or, s'ils n'ont jamais vu de livre avant de commencer l'école, il leur est difficile de penser aller loin. Nous consacrons des milliards de dollars à l'éducation. Je pense, bien entendu, au programme Bon départ destiné aux familles à faible revenu. Il existe déjà toute une série de mesures, mais cette mesure n'est pas conçue comme un supplément d'aide pour les étudiants actuels.

[Français]

Ce programme n'est pas un supplément au programme d'étude actuel dans le cadre duquel les parents, grands- parents et amis peuvent investir leurs économies dans un fonds aux études qui demeure avec la famille.

J'ai été ex-présidente de commission scolaire. Nous avions, à l'époque, des programmes qui encourageaient les enfants à déposer leurs petites économies dans un compte bancaire pour apprendre à épargner. Cette mesure ne s'insère pas dans un cadre politique qui coûte des milliards de dollars. Elle n'est qu'une façon d'aider les gens à économiser. Les gens qui gagnent moins de 35 000 $ annuellement ne sont pas voués à cette catégorie de revenu toute leur vie. Toutefois, pour les gens qui sont dans une condition statique pendant 10 ou 15 ans, ce programme donne de l'espoir.

Voilà pourquoi je donnerai mon appui au projet de loi qui est devant nous. Certes, il ne règlera pas tous les problèmes. Mais le problème de l'endettement des étudiants n'est pas celui qui fait l'objet de notre débat aujourd'hui. Nous parlons ici de la question d'éduquer.

Je comprends mal que vous vous opposiez à une mesure complémentaire permettant aux gens de familles modestes qui n'ont pas la culture, comme le soulignait le sénateur Massicotte, pour nourrir l'ambition de poursuivre des études universitaires.

Qu'il s'agisse d'un montant de 100 $ ou de 500 $, l'important est de commencer dès la naissance de l'enfant à épargner en vue d'études éventuelles. Pour quelle raison vous opposez-vous à cette mesure?

[Traduction]

Le président : Bien qu'il s'agisse d'une question importante, je demande que chacune des réponses ne dépasse pas 30 secondes.

M. Soule : Il faut que nous nous éloignions de cette discussion sur la culture d'épargne-études et que nous reconnaissions que l'éducation est un bien public qui doit être financer au moyen d'un impôt progressif, de manière à donner accès à tous. Il faut que dès leur enfance, et quel que soit le revenu familial, les gens sachent que l'enseignement postsecondaire est accessible sur le plan financier. Ils doivent savoir qu'ils pourront étudier, car les frais de scolarité sont exorbitants et continuent à grimper vertigineusement. Il ne s'agit donc pas de favoriser l'investissement pour payer un bien public, mais plutôt de laisser savoir que l'université est accessible.

M. Kusie : Si les frais de scolarité continuent d'augmenter — ils ont triplé au cours des 10 dernières années — et si les mesures d'encouragement ne changent pas, alors dans 18 ans, vous n'auriez rien à donner aux étudiants et à leurs parents. Ces mesures ne totalisent que 10 000 $; or, un diplôme coûte 130 000 $. Elles ne sont donc pas assez généreuses pour que, dans 18 ans, le programme donne quoi que ce soit. De plus, à une époque où le moindre denier public est examiné à la loupe, c'est faire preuve de prudence que d'étudier où va l'argent et se soucier de le dépenser de façon optimale, compte tenu du fait que, de tous les programmes sociaux de notre pays, c'est l'éducation qui est le plus important.

Le sénateur Plamondon : On nous a dit que le projet de loi C-5 est un des morceaux du puzzle en matière d'accès. Je m'inquiète du fait que je ne connais pas les autres éléments. Quels sont-ils?

M. Kusie : À l'heure actuelle, 11 p. 100 des cotisants au REEE font partie des familles à faible revenu. Il faut que ça change. Les enfants admissibles au programme sont les mêmes qui ont droit à la Prestation nationale pour enfants. La plupart des familles ne pensent pas à épargner en prévision d'études lorsque naissent leurs enfants. De toute façon, pour ouvrir un REEE, il faut un numéro d'assurance sociale. La plupart des familles n'y pensent tout simplement pas.

Ces programmes gouvernementaux représentent certains désavantages, et il faut y réfléchir lorsque l'on envisage les modalités de leur mise en œuvre. En l'occurrence, étant donné les montants dont il est question, je ne pense pas que ce programme réussisse, même dans le cas où les familles sauraient qu'elles y sont admissibles.

Le président : Monsieur Kusie, vous vous tirez bien de l'exercice de rhétorique auquel nous nous livrons ici. Monsieur Soule, aimeriez-vous ajouter quelque chose ou développer?

M. Soule : Je dirai que le puzzle menant à l'amélioration de l'accès est complexe. Nous travaillons avec le sénateur Hubley, et je vous encourage à rejeter ce projet de loi, afin de veiller à ce que l'on affecte de l'argent à l'amélioration de l'accès aux études postsecondaires et l'on effectue une enquête poussée, en collaboration avec le sénateur Hubley, en vue d'étudier la crise actuelle et de voir comment y remédier.

Le sénateur Moore : Je ne suis pas sûr si ce que je vais dire est vraiment une question ou une observation. J'ignore si les étudiants sont au courant de ce qui s'est passé au Sénat. Ces dernières années, d'autres sénateurs et moi-même avons pris la parole au sujet de certaines des questions soulevées aujourd'hui. Aussi, le Sénat fait présentement enquête sur toute cette question de l'appui à l'enseignement postsecondaire. À mon avis, une fois que l'enquête sera terminée, il me semble qu'il serait tout à fait indiqué d'envoyer la question à un de nos comités pour réexamen. Chaque année, au Canada, on dépense des milliards de dollars au titre de l'enseignement postsecondaire. Il existe d'innombrables programmes et il est temps que nous étudiions tout cela. Nous en tirerons peut-être des conclusions semblables à ce que certains d'entre-vous pensent. Ou elles seront peut-être différentes. Les nouveaux problèmes surgissent régulièrement, mais nous les traitons à la pièce. Nous devrions revoir tout ce dossier dans son ensemble.

Le président : Est-ce là une question ou une remarque?

Le sénateur Tkachuk : Monsieur le président, pourquoi sommes-nous si pressés?

Le président : À cause de l'heure.

Le sénateur Tkachuk : Ces témoins sont intéressants. Ils sont venus ici par leur propre moyen, de leur propre chef, et si nous voulons parler encore 15 minutes de plus, ce devrait être possible.

Le président : Peut-être sera-il possible de leur parler après la fin de la séance. Toutefois, j'essaie de me conformer à l'ordre du jour établi par le comité lui-même il y a un jour ou deux.

Le sénateur Moore : Je sais que M. Kusie est quelque peu au courant des efforts que j'ai déployés. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

M. Kusie : La semaine dernière, nous avons rencontré le sénateur Hubley au sujet de son enquête. Nous l'appuyons de tout cœur. Le Sénat dispose d'un grand pouvoir à cet égard. Il a d'ailleurs déjà effectué une étude sur l'enseignement postsecondaire en 1996 ou en 1997. Les choses ont évolué depuis ce temps, et beaucoup. J'espère donc que tous les sénateurs appuieront l'enquête en cours parce qu'elle dépasse les frontières partisanes et que son sujet nous concerne tous énormément.

J'ai une sœur de 16 ans. Je veux qu'elle puisse faire des études postsecondaires, mais compte tenu de la situation actuelle, elle aura des décisions difficiles à prendre. Mes parents n'ont pas les moyens de lui payer ses études. Par conséquent, je vous prie instamment d'appuyer le sénateur Hubley.

M. Hutchinson : Il a été question ici du puzzle que représente l'enseignement postsecondaire, et à mon avis, il ne devrait pas y avoir de casse-tête. Nous ne devrions pas être obligés de chercher des morceaux manquants qui s'imbriquent maladroitement les uns dans les autres pour créer une espèce de système fragmenté qui n'aide personne. Nous devons nous débarrasser de ce projet de loi et dire que nous n'allons pas continuer dans cette voie. À la place, nous devrions étudier l'ensemble de la question à partir de zéro, absolument tout, et veiller à dépenser notre argent et toute nouvelle somme de manière efficace.

Le président : Je vous remercie de votre patience face à nos contraintes temporelles. Nous avons entendu vos arguments, et le débat est fort intéressant. Ainsi que le disait le sénateur Moore, on pourrait renvoyer la question à un autre comité pour qu'elle y soit étudiée. Lorsque la première étape de l'étude portant sur les dons de charité sera terminée, nous espérons que cela pourra être utile. Bon nombre des pièces du puzzle commencent à s'imbriquer. Il serait peut-être temps d'étudier les questions liées aux dépenses dans un autre comité. C'est une excellente proposition. Merci d'être venu et merci de votre patience.

Sénateurs, êtes-vous d'accord pour que nous passions à l'étude article par article du projet de loi C-5? Quelqu'un peut-il présenter une motion à cette fin?

Le sénateur Hervieux-Payette : Je propose qu'il en soit fait ainsi.

Le sénateur Massicotte : Cette partie se déroule-t-elle à huis clos?

Le président : La réunion est publique, mais elle n'est pas télédiffusée. Nous sommes saisis d'une motion. Tous les avis favorables?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Tkachuk : Qui a appuyé le projet de loi dans l'autre endroit?

Le président : Tous les partis l'ont appuyé, à l'exception du Bloc et du NPD. Le projet de loi a sa raison d'être — c'est-à-dire qu'il comporte une disposition permettant au gouvernement fédéral d'administrer les programmes au nom des provinces, et l'Alberta a déjà adopté une loi une mise en œuvre du programme. Nous essayons de le faire adopter maintenant afin que le gouvernement fédéral puisse mettre en œuvre la législation provinciale afin de l'harmoniser.

Le sénateur Moore : Cette année?

Le président : Oui.

Le sénateur Tkachuk : Permettez-moi de m'exprimer autrement. Que se passerait-il si nous poursuivions nos délibérations sur la question après les Fêtes et si le projet de loi était adopté en avril 2005? Qui a-t-il de si grave à cela?

Le président : La mise en œuvre. Les règlements doivent être pris et la mise en œuvre commencée, et le démarrage de tout cela est ce qui compte.

Le sénateur Tkachuk : Je ne comprends pas. Si les règlements sont déjà prêts et si on présentait un amendement le 1er avril, quelle différence y aurait-il? Je ne fais que poser la question.

Le sénateur Hervieux-Payette : Si vous avez un bébé au mois de mars, comme mon adjointe, elle ne sera peut-être pas admissible au programme.

Le sénateur Tkachuk : Bien sûr, qu'elle sera admissible, ce n'est pas sérieux de dire cela.

Le président : Nous avons déjà convenu de passer à l'étude article par article.

Si vous voulez une brève réponse à cela — c'est-à-dire s'il y a un représentant du ministère qui aimerait intervenir et répondre, alors il est prié de le faire.

Soyez brève, s'il vous plaît. Tous les sénateurs auraient dû comprendre cela hier. S'il vous plaît, soyez brève.

Mme Leonore Burton, directrice générale, Apprentissage et alphabétisation : Nous espérons que le projet de loi sera adopté cette année pour deux raisons. Ce n'est pas nous qui administrons ces programmes, le Bon d'études canadien et la Subvention canadienne pour l'épargne-études. Nous collaborons avec le secteur privé à cette fin. Cependant, ceux qui s'occupent de la prestation du programme sont les compagnies qui offrent les REEE. Elles nous ont dit qu'elles auront absolument besoin d'un préavis d'au moins six mois pour mettre leurs systèmes à niveau et former leur personnel avant de pouvoir accepter qu'on verse un Bon d'études dans un compte de REEE.

En premier lieu, le gouvernement du Canada tient à ce que les enfants nés cette année soient admissibles au bon et que la somme y correspondant soit versée dans le compte de REEE dans les plus brefs délais.

Or, si nous adoptons le projet de loi cette année, nous pouvons espérer assister à sa mise en œuvre à l'été 2005. Si nous retardons son adoption, nous retarderons aussi sa mise en œuvre.

Le président : Je crois que nous avons compris.

Le sénateur Moore : Et quel est le deuxième argument?

Mme Burton : En deuxième lieu, il y a la question de l'entente. Le premier ministre s'est en effet engagé à administrer le Régime d'épargne-études du Centenaire de l'Alberta au nom de l'Alberta. Le premier ministre Klein lègue cela à la province à l'occasion des fêtes du Centenaire. Il tient à mettre cela en œuvre le plus tôt possible en 2005.

Le sénateur Tkachuk : Mais quel est le lien avec le projet de loi?

Mme Burton : Le projet de loi autorise le ministre à participer à un accord avec l'Alberta et nous permet aussi d'échanger des renseignements particuliers.

Le sénateur Tkachuk : Si le projet de loi n'est pas adopté, qu'arrivera-t-il?

Mme Burton : Sans le projet de loi, nous ne serons pas en mesure d'administrer le programme de l'Alberta.

Le sénateur Tkachuk : Vous ne seriez pas en mesure d'administrer le programme de l'Alberta s'il est adopté le 1er avril?

Mme Burton : Si le projet de loi est adopté le 1er avril, la mise en œuvre du programme de l'Alberta sera retardée.

Le sénateur Tkachuk : Jusqu'à quand, l'autonome?

Mme Burton : Peut-être.

Le sénateur Tkachuk : Monsieur le président, on nous dit qu'il est important de faire quelque chose à temps pour le 1er janvier, mais nous découvrons que la seule chose qui peut résulter d'un retard, c'est que la mise en œuvre aura lieu en juillet plutôt qu'en juin ou bien en août plutôt qu'en juillet. Il n'a rien de sérieux là-dedans.

Le président : Oui, c'est sérieux.

Le sénateur Tkachuk : J'en ai encore rien entendu qui m'en persuade.

Le président : Si vous lisez le texte du projet de loi, vous y verrez que vous perdrez une année de cotisation pour l'enfant.

Le sénateur Tkachuk : Je ne comprends pas.

Le sénateur Gustafson : C'est une année perdue pour l'enfant.

Le sénateur Tkachuk : Nous pouvons adopter un amendement rendant la mesure rétroactive, et ça résoudrait le problème.

Le sénateur Hervieux-Payette : Si le projet de loi est renvoyé à la Chambre, ça entraînera un autre délai.

Le sénateur Tkachuk : Sénateur Hervieux-Payette, nous avons reçu ce projet de loi hier. Nous l'avons étudié; c'était un projet de loi de la Chambre et nous avons fait preuve de collaboration. Aujourd'hui, nous avons entendu des jeunes gens très intéressants, qui nous ont présenté des arguments très convaincants et très forts. Il nous incombe de ne pas négliger leur témoignage, or si nous adoptons le projet de loi, c'est l'impression que nous donnerons.

Des sénateurs : Pas du tout.

Le président : Je ne pense pas.

Le sénateur Robichaud : Le témoignage était positif.

Le président : Honorables sénateurs, le sénateur Tkachuk vient de faire valoir un argument. D'autres voudront peut- être réagir, après quoi nous allons passer à l'étude article par article.

Je vous prie de vous contenter de répondre, de ne pas faire de longues observations.

Le sénateur Plamondon : Pour ma part, j'aimerais que nous passions à la mise aux voix dès maintenant, car les améliorations ne règlent pas le problème. Même si nous modifions les montants, cela ne réglerait pas cette question de l'endettement ni la question de l'accès. Nous devrions donc adopter le projet de loi puis envisager d'étudier la question de l'enseignement postsecondaire dans son ensemble afin de trouver les réponses pour ces jeunes gens qui sont venus ici. Ce n'est pas en amendant le texte actuel que l'on résoudra le problème.

Le sénateur Hervieux-Payette : Les étudiants.

Le sénateur Plamondon : C'est tout cela le puzzle.

Le président : Je crois voir des signes d'assentiment. Sénateur Robichaud, aimeriez-vous ajouter quelque chose à cela? Vous faites un signe de tête affirmatif.

Nous avons entendu les arguments. Ça n'est toutefois pas la fin de la discussion, mais plutôt son début, comme le disait le sénateur Plamondon. Nous n'avons pas entendu parler de la question dans son ensemble.

Passons maintenant à la motion suivante. Nous avons convenu de passer à l'étude article par article de ce projet de loi.

Auparavant, permettez-moi de vous remercier, madame Burton, des renseignements que vous nous avez fournis.

À moins d'une décision contraire de la part du comité, il est courant de remettre à plus tard l'étude du titre au long et du titre abrégé qui figurent à l'article 1. Le comité souhaite-t-il suivre cet usage?

Des sénateurs : D'accord.

Le président : Y en a-t-il qui s'oppose à cela?

Le sénateur Tkachuk : Indiquez ma dissidence, car je m'oppose à cela.

Le président : Bien, avec dissidence.

Pour que les choses se passent facilement, l'article 2 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Tkachuk : Avec dissidence, et pour tout le reste.

Le président : L'article 3 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 3.1 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 4 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 5 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 6 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 7 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Les articles 8, 9 et 9.1 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 10 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Les articles 11, 12, 13 et 14 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : Les articles 15 à 20 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : Les articles 21 à 23 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 1, qui contient le titre abrégé est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Le titre est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Le projet de loi est-il adopté sans amendement?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Tkachuk : À la majorité.

Le président : Le comité souhaite-t-il annexer des remarques quelconques au texte du projet de loi?

Le sénateur Plamondon : Oui, en précisant que le projet de loi ne tient pas compte des questions qui ont été débattues ici.

Le président : Il est proposé que nous ajoutions un texte en annexe, où il sera précisé que le projet de loi ne tient pas compte des questions soulevées par les témoins. Les sénateurs sont-ils d'accord?

Le sénateur Massicotte : J'irais plus loin. Nous ne devrions pas seulement mentionner que le projet de loi n'aborde pas les questions, mais aussi recommander qu'un comité sénatorial s'en saisisse pour les étudier.

Le président : Permettez-moi de consulter qui de droit ici, car tout cela est nouveau pour moi.

Il est permis de faire des observations mais non des recommandations.

Par conséquent, pouvons-nous préciser, sous forme d'observation, que les sénateurs Massicotte et Plamondon demandent qu'un comité sénatorial approprié étudie la question des dépenses liées à l'éducation dans son ensemble?

Le sénateur Massicotte : Pourquoi seulement nous? Est-ce que nous ne pouvons pas tous la faire cette observation?

Le sénateur Angus : Je suis d'accord.

Le président : Pouvons-nous indiquer que l'observation a été faite à l'unanimité?

Est-il convenu que le projet de loi avec l'observation en annexe fera l'objet d'un rapport lors de la prochaine séance du Sénat?

Des voix : D'accord.

Le président : Passons maintenant à l'autre question. C'est à dessein que je vous ai empêché de manger afin que nous puissions en finir avec cette question, mais je n'ai pas vraiment réussi à vous faire bouger. Quoi qu'il en soit, je tiens à vous remercier de votre collaboration.

La réunion se poursuit à huis clos.


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