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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 5 - Témoignages du 3 février 2005


OTTAWA, le jeudi 3 février 2005

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi S-19, Loi modifiant le Code criminel (taux d'intérêt criminel), se réunit aujourd'hui à 11 h 4 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, mesdames et messieurs. Je tiens à vous souhaiter à tous la bienvenue à cette deuxième série d'audiences sur la projet de loi du sénateur Plamondon, le projet de loi S-19, Loi modifiant le Code criminel (taux d'intérêt criminel). Sa proposition est très simple, elle consiste à réduire le taux d'intérêt criminel, de sorte qu'il passe de 60 p. 100 à 35 p. 100, en gros. C'est une question importante et intéressante. Nous voulons souhaiter la bienvenue non seulement à nos témoins, mais également aux téléspectateurs canadiens qui nous regardent à la CPAC et sur Internet de partout au Canada.

D'abord et avant tout, je vais accueillir nos témoins. Nous vous avons réservé la période de 11 heures à 11 h 30. Nous commençons quelques minutes en retard, donc vous aurez jusqu'à 11 h 35. J'espère que vos exposés oraux seront relativement brefs. Nous allons lire vos mémoires écrits avec beaucoup d'attention. Ils seront versés aux archives publiques. Nous allons maintenant accueillir les représentants de l'illustre Association des banquiers canadiens. Je suppose, monsieur Law, que vous en êtes le principal porte-parole et que vous allez nous présenter vos collègues.

M. Warren Law, premier vice-président, Opérations générales et chef du contentieux, Association des banquiers canadiens : Oui, je peux vous assurer que je serai aussi bref que possible. Je vous remercie, vous ainsi que les honorables sénateurs membres de ce comité, de permettre à l'Association des banquiers canadiens de comparaître devant le comité sur le projet de loi S-19. Je suis le premier vice-président, Opérations générales et chef du contentieux de l'ABC. Je vous présente la personne à ma gauche, François Hudon, premier vice-président, BMO Groupe financier, et celle à ma droite, Jacques Hébert, directeur de l'ABC pour le Québec. Ils représentent l'industrie banquière eux aussi.

Le président : Serait-il parent avec l'un de nos anciens collègues, le sénateur Hébert?

M. Jacques Hébert, directeur, Québec, Association des banquiers canadien : J'aimerais bien.

Le président : Vous avez le même prénom et le même nom de famille, c'est un grand nom.

M. Law : Mesdames et messieurs les sénateurs, nous vous sommes très reconnaissants de nous donner l'occasion de vous présenter le point de vue des banques du Canada sur les questions soulevées par le projet de loi S-19. Ce sont des questions importantes pour nous tous. Elles mettent en relief un problème qui demande toute notre attention, soit la protection des emprunteurs contre les pratiques de crédit douteuses ou abusives. Nul besoin de dire que les banques du Canada reconnaissent totalement le besoin de protéger les emprunteurs et qu'à notre avis, ces audiences devraient se concentrer surtout sur la façon dont on peut y arriver. Devrions-nous recourir au droit pénal et plus particulièrement à l'article 347 du Code criminel ou y a-t-il d'autres mesures qui pourraient être prises? Ce sont les grandes questions qui seront au cœur de ces audiences. À cet égard, nous apprécions l'occasion que présente le dépôt du projet de loi S-19 de nous pencher plus en profondeur sur la question de savoir dans quelle mesure notre Code criminel, par l'article 347, devrait viser un objectif de protection des consommateurs.

Quelle est la position des banques sur le recours au droit pénal à cette fin? Pour commencer, nous avons des appréhensions quant à l'utilisation de l'article 347. Nous y voyons des problèmes et nous craignons que les modifications proposées dans le projet de loi, tel qu'il se lit actuellement, ait des effets néfastes non intentionnels sur la capacité des banques à offrir du crédit, tant aux consommateurs qu'aux entreprises. C'est précisément la situation que nous voudrions tous éviter.

Quelles difficultés cet article présente-t-il? Ces problèmes sont bien documentés ailleurs, et à cet égard, je vous recommande l'article de Mme Mary Anne Waldron portant justement sur l'article 347 du Code criminel et intitulé « A Deeply Problematic Law ». Vous trouverez aussi un résumé de ces difficultés dans la lettre que nous avons envoyée au comité le 27 janvier. Par conséquent, je n'utiliserai pas le temps du comité pour les passer en revue, mais je pense qu'il est important d'y faire référence rapidement. Question de rappeler les raisons pour lesquelles cet article a été adopté au départ, l'article 347 n'est pas généralement utilisé à des fins de protection des consommateurs. On croit que c'est pourquoi il faut obtenir le consentement du procureur général pour intenter une poursuite en vertu de cet article. De façon quelque peu ironique, l'article 347 a surtout été utilisé dans le passé comme bouclier dans les poursuites au civil afin d'éviter le paiement de sommes dues pour un prêt. Un autre problème, c'est que cet article ne fait pas de distinction entre les prêts consentis à des personnes et les prêts consentis à de grandes entreprises.

De plus, nous remarquons que l'article 347, tel qu'il se lit actuellement, risque d'avoir des incidences désastreuses pour tout un éventail de transactions de crédit à court terme auxquelles s'appliquent des frais. Pourquoi? À cause de la définition beaucoup trop vaste du terme « intérêt » dans cet article. C'est aussi parce que le calcul de l'intérêt doit être fait sur une base annualisée, conformément aux méthodes actuarielles généralement acceptées. Un prêt de 5 ou 6 p. 100 pourrait très bien contrevenir à l'article 347 s'il était à très court terme et qu'il s'assortissait de frais. Nous savons qu'il y a des études en cours sur la question.

Vous avez dit deux choses au début de votre exposé. Vous avez affirmé que la criminalisation n'était pas la solution, puis vous avez cité l'article de Mme Waldron. Vous avez ensuite demandé ce que nous pouvions faire. J'aimerais connaître votre réponse à cette question. Vous avez certainement assez de connaissances pour nous fournir une réponse, afin d'aider le sénateur Plamondon à formuler sa solution de façon plus pragmatique.

M. Law : En dehors du projet de loi S-19, la solution passerait par une réglementation plus efficace. Il y a aussi une question constitutionnelle qui se pose : dans quelle mesure le gouvernement fédéral peut-il intervenir directement? Je félicite le Comité des mesures et des normes en matière de consommation pour son travail. Comme vous le savez, il y a un projet en cours afin de trouver un moyen de réglementer plus efficacement ces pratiques de crédit. Doit-on opter pour la divulgation? Doit-on opter pour l'interdiction de certaines façons de faire?

Je sais que dans le domaine des prêts sur salaire, il existe des méthodes et des critères de reconduction destinés à prélever certaines primes d'assurance et d'autres frais. Je suis certain que le Comité des mesures et des normes en matière de consommation examine la question pendant que nous nous parlons. C'est une possibilité.

De plus, notre industrie contribue très activement à renseigner les consommateurs de sorte qu'ils puissent prendre des décisions éclairées. Par exemple, l'ABC offre un programme de séminaires depuis quelques années : « Questions d'argent ». C'est une façon d'apprendre aux jeunes à gérer leurs finances. Ce programme est une réussite. Je sais que certains d'entre vous avez appuyé ce programme à l'échelle locale. Presque 100 000 étudiants y ont participé depuis quelques années. C'est un énorme succès. Nous avons aussi un projet de brochures à grande visibilité, ainsi que d'autres séminaires, qui s'inscrivent tous dans la foulée de cette grande initiative qui doit être prise à mon avis : informer les consommateurs davantage sur leurs finances.

Je pense que ce sont les deux solutions qui doivent être étudiées plus en profondeur.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Dans votre introduction, vous dites : « les pratiques de crédit douteuses ou abusives sont un problème grave au Canada. » Pouvez-vous élaborer un peu sur la dimension des conséquences avant que nous élaborions des solutions.

[Traduction]

M. Law : Ces conséquences dépassent le domaine bancaire, et je ne peux vous parler que ce que j'ai lu. On s'inquiète de la pratique qu'ont les prêteurs sur salaire de reconduire les prêts et de faire augmenter les frais avec le temps. C'est une pratique douteuse. Elle ne serait pas possible dans l'industrie bancaire. Il y a des exigences obligatoires en matière d'assurance. Nous offrons une assurance crédit sur nos produits, mais elle est optionnelle. Ce sont deux formes d'abus.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Évidemment, une solution au problème est de donner d'autres alternatives et plus de compétition à ces pratiques. Les banques sont-elles le marché des prêts s'élevant à moins de 5 000 $? Quel est le coût de ce prêt? Pourquoi ne pas faire en sorte que ces gens peuvent faire compétition aux banques canadiennes?

M. Hudon : Bien que je sois ici pour représenter l'association, dans notre propre institution financière, je peux répertorier quatre véhicules dont un consommateur peut se prévaloir pour emprunter moins de 5 000 $ et cela commence aussi bas que 50 $. Le principe est le même pour quelqu'un qui aurait un besoin pour quelques jours seulement. C'est une facilité mise en place lors d'un besoin exceptionnel durant une année. Si ce n'est jamais utilisé, il n'y aura pas de frais. Si c'est utilisé une ou deux fois durant l'année, il y aura des frais reliés à cette transaction. Ce n'est pas une pratique particulièrement profitable en soi, mais c'est un service offert aux clients. On a une protection permanente sur un compte de banque. Il y a le fameux « overdraff protection » dont des centaines de milliers de nos clients se prévalent pour palier aux besoins entre la réception d'un chèque de paie et les dépenses courantes. Ensuite, il y a une marge de crédit qui commence de zéro à 5 000 $, sujet à une qualification et il y a toujours la carte de crédit. Il s'agit de s'asseoir avec le banquier. Une bonne proportion des gens qui utilisent les services bancaires ont accès et utilisent ces services.

Le sénateur Massicotte : L'objectif de ce projet de loi vise une clientèle particulière qui est peut-être moins informée ou ayant un niveau d'éducation ou financier moindre. Dans ces quatre cas, le client doit-il être préqualifié? Est-ce difficile? Les plus démunis de la société sont-ils éligibles à ces quatre véhicules?

M. Hudon : Plus l'accès au crédit est élevé, plus les critères seront élevés en fonction des risques qui sont pris. En ce qui concerne le premier produit dont je vous parlais, il y a effectivement une vérification très sommaire qui serait faite et qui permettrait de déterminer que vous ne constituez pas un risque complètement inacceptable et on pourrait vous avancer ce montant de 50 $ à 250 $ les quelques fois durant l'année où vous en avez besoin. Si vos antécédents de crédit étaient vraiment affreux et que cela se révélait dans une première vérification, vous n'y auriez peut-être pas accès. Généralement, notre taux de refus est très faible sur ces demandes.

Le sénateur Massiccotte : Avez-vous un nombre important de clients ayant un salaire annuel de 20 000 $ ou 30 000 $ par année, qui ont reçu des prêts 50 $ ou 100 $?

M. Hudon : Je n'ai pas la réponse particulière parce que c'est confondu dans le nombre de clients à qui ont offre un service dans le zéro à 5 000 $. J'en parlais encore avec un collègue ce matin, le pourcentage de pénétration parmi notre clientèle qui utilise des comptes de banque approche les 40 à 50 p.100. Beaucoup de clients ne demandent pas ce service. Ce n'est pas parce que l'autre 50 p.100 ne se qualifie pas. Bon nombre de clients ne le demandent pas. On pourrait peut- être faire une recherche par rapport au revenu.

Le sénateur Massicotte : On aimerait beaucoup obtenir cette information.

[Traduction]

Le président : Le sénateur Massicotte soulève une question cruciale. Les pratiques normales ne servent pas adéquatement ni complètement les personnes les plus vulnérables de notre société, donc nous essayons de déterminer jusqu'où vont les banques à ce titre. Tout renseignement que vous pourriez nous donner sur cette situation serait fort utile. C'est une question clé pour la détermination de la nature et de l'étendue de ce problème. Ces renseignements sont importants pour nous, et le plus tôt vous pourrez nous les envoyer, le mieux ce sera.

Le sénateur Callbeck : Vous avez dit que si ces deux amendements étaient adoptés, la capacité des banques d'offrir du crédit pourrait en souffrir, et vous nous en avez donné des exemples. Vous avez ensuite poursuivi en nous parlant des règlements stricts que vous avez. Vous nous avez dit que vos pratiques de crédit étaient assujetties à un régime réglementaire détaillé et vous avez mentionné en particulier la réglementation sur le coût des emprunts.

Y a-t-il un taux d'intérêt maximal inscrit dans ces règlements?

M. Law : Non, il n'y en a pas, madame. L'essentiel de ces règlements est d'assurer la divulgation de tous les frais, mais il n'y a pas de taux d'intérêt maximal.

Le sénateur Callbeck : Par quoi êtes-vous régi alors?

M. Law : Par le marché.

Le sénateur Callbeck : Seulement par le marché?

M. Law : La concurrence sur le marché est incroyable. Elle impose une discipline extraordinaire à nos membres comme à ceux de tout autre institution financière.

Le sénateur Fitzpatrick : J'aimerais revenir aux coûts d'assurance. Nous en avons parlé hier, et l'exemple que le sénateur Plamondon a utilisé nous a montré que dans le loyer de l'argent, qui est une combinaison de l'intérêt et de l'assurance, la portion de l'assurance représente 50 p. 100 du coût du prêt. Vous nous avez dit que les coûts d'assurance dépendaient de l'âge, et je le comprends.

Je présume que pour certains prêts, elle est obligatoire, mais pas pour tous.

De plus, je ne pense pas qu'elle diminue en fonction du montant du principal qu'il reste au prêt. Je présume que la principale raison de l'assurance, c'est que si l'emprunteur décède avant d'avoir remboursé son prêt, vous êtes payés. Je ne sais pas qui offre cette assurance. Je ne crois pas que ce soit la banque elle-même. Vous avez probablement une association avec une compagnie d'assurance qui offre le service. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le coût réel de l'assurance et préciser si elle est obligatoire? Qui possède les compagnies d'assurance avec lesquelles vous faites affaire?

M. Hudon : L'assurance est toujours optionnelle, parce que je crois qu'il serait malhonnête de forcer le consommateur à souscrire une assurance. C'est un élément de la détermination du risque et c'est une occasion pour nous, par exemple, de négocier un taux d'intérêt différent si nous savons que nous avons la garantie supplémentaire de l'assurance. Cependant, le consommateur est entièrement libre de prendre une assurance ou pas. Si les consommateurs se sentent déjà bien assurés en dehors de leur prêt ou de leur relation bancaire, beaucoup peuvent choisir de ne pas acheter ce produit. C'est un produit à bon prix qui évite au consommateur le risque de léguer des dettes à ses successeurs en cas de décès.

Le sénateur Fitzpatrick : Quelle est la différence de taux d'intérêt? Par exemple, si une personne voulait emprunter 10 000 $ et qu'elle représentait un risque modéré, quelle serait la différence entre le taux d'intérêt qu'elle obtiendrait en prenant une assurance et celui qu'elle obtiendrait si elle n'en prenait pas?

M. Hudon : Tout dépendrait de ce que le marché nous permettrait de faire en fonction de l'assurance, de l'âge du consommateur et du coût. Nous discuterions avec le client d'un taux d'intérêt, qui pourrait être un taux variable établi en fonction du taux préférentiel. Il ne s'élèverait certainement pas au taux préférentiel plus 35. Depuis 20 ans, je n'ai jamais vu de proposition semblable. Disons que c'est un facteur atténuant intéressant qui nous permet d'offrir un léger rabais sur le taux d'intérêt. L'ampleur du rabais lui-même dépend de la personne. Dans certains cas, ce n'est pas un facteur atténuant. C'est une offre de service, et le client peut déterminer qu'il est assez assuré et qu'il ne veut pas du produit. Nous continuons alors la négociation en fonction de ses besoins.

Le sénateur Fitzpatrick : Vous accepteriez n'importe quelle assurance que possède la personne et vous vous diriez par conséquent que c'est un prêt classique sans risque supplémentaire?

M. Hudon : En fait, nous pourrions consentir un prêt même si le client n'avait aucune assurance. Ce n'est pas obligatoire. Il est toutefois de notre responsabilité de conseillers financiers d'informer le client que si quelque chose lui arrivait, il ne voudrait peut-être pas refiler ses dettes à ses successeurs.

Le sénateur Fitzpatrick : Si le client souscrit une assurance, pouvez-vous réduire le montant de sa couverture au fur et à mesure que le montant du prêt diminue?

M. Hudon : L'assurance est généralement fixée en fonction du montant du prêt qu'il reste à payer, le montant qu'il reste au crédit.

Le sénateur Hervieux-Payette : J'ai deux petites questions, l'une pour M. Law et l'autre pour M. Hudon.

Je m'adresse d'abord à M. Law et à tous les membres de son association. Nous savons que certaines banques offrent des cartes de crédit à des étudiants, à des personnes qui n'ont pas de revenu régulier, de salaire, et cetera. Lorsque vient le temps d'évaluer le crédit, sur quels critères vous fondez-vous pour émettre des cartes de crédit à des étudiants si leur seul filet de sécurité est leurs parents?

Mon autre question s'adresse à M. Hudon.

[Français]

Depuis la réforme dans le domaine bancaire, on a vu que beaucoup de banques ont fermé des succursales. Dans le même temps, 1 000 institutions de prêt ont été installées à travers le pays, dont les tarifs sont beaucoup plus chers que les vôtres. On se demande pourquoi vous avez évacué un secteur qui paye tellement, au point que 1000 bureaux ont été ouverts tandis que vous fermiez vos succursales. Il me semble que, concernant les succursales dans les petites communautés, sans avoir des taux d'intérêt de 35, 40 ou 50 p. 100, plus les assurances et autres, à des taux qui certainement seraient plus raisonnables, vous avez évacué le champ. Il a été occupé par un autre groupe qui, évidemment, n'a pas nécessairement les mêmes exigences réglementaires.

Lorsqu'on vous consulte, la question est de savoir ce qu'il faudrait faire, parce que vos quatre véhicules de consommateur ne comblent certainement pas le besoin, puisqu'il y a 1 000 entreprises sur le marché actuellement et que vous n'avez pas occupé ce marché. J'aimerais savoir qui a fait l'évaluation selon laquelle vous devez sortir des petits prêts qui représentent plus de risque et pour lesquels vous devriez exiger plus. On a posé la question antérieurement, dans d'autres circonstances, pour les entreprises et on s'entendait dire, par exemple lorsque nous interviewions la BDC, que les petites entreprises ne pouvaient pas aller vous voir et obtenir un prêt de 20 p. 100, par exemple, parce qu'elles représentaient un plus grand risque. Les gens sont alors obligés, évidemment, de s'adresser à la BDC plutôt que dans les banques, mais il me semble que, dès qu'il y a un risque additionnel, c'est comme s'il n'y avait pas d'expertise ou d'intérêt pour que vous occupiez le champ alors que d'autres pensent que c'est une très bonne entreprise.

[Traduction]

M. Law : Madame le sénateur, pour répondre à votre question, il est important de se rappeler que le crédit est d'abord et avant tout un mécanisme de paiement. Les étudiants, comme quiconque parmi nous, doivent parfois faire des paiements, et les cartes de crédit sont un moyen facile de le faire. Pour ce qui est des questions de crédit et de l'offre de cartes de crédit aux étudiants, peut-être M. Hudon est-il mieux placé que moi pour vous répondre. Encore une fois, j'aimerais souligner le fait qu'une carte de crédit est un mécanisme de paiement. Les deux tiers des Canadiens possédant des cartes de crédit remboursent leurs soldes dans leur totalité, sans intérêt, pendant la période de crédit.

Le sénateur Hervieux-Payette : C'est ce que l'on appelle une carte de crédit.

M Law : C'est qu'on appelle une carte de crédit. Nous allons l'appeler carte de paiement aux fins de cette réunion.

[Français]

M. Hudon : Au sujet des cartes de crédit, effectivement, les parents n'y sont souvent pour rien, mais l'établissement du crédit est important au plus jeune âge possible. On a pu déterminer, avec des années et des années d'expérience, que les étudiants, dépendant de leur formation, représentent un risque intéressant dans le futur. Il s'agit d'établir une clientèle.

En ce qui a trait aux communautés, la décision de quitter des communautés n'est pas facile. Nous sommes dans le commerce, fermer une succursale n'a jamais bonifié l'entreprise en soi. À un moment donné, compte tenu de l'environnement dans lequel on vit, que ce soit par Internet ou par téléphone, les gens font une multitude de transactions financières à l'extérieur de la succursale bancaire. Quatre vingt cinq pour cent des transactions sont faites aujourd'hui en dehors du monde de la succursale bancaire. Est-ce qu'un créneau s'est établi pour des spécialistes dans un domaine? C'est fort possible. On n'a pas choisi de jouer dans le monde du très haut taux d'intérêt, d'ailleurs on est généralement mal vu de faire des prêts ayant des taux d'intérêt élevés, parce que ce n'est pas toujours évident de se positionner par rapport au fait que l'on prête à un consommateur à un taux de 25 p. 100 et à un taux de 10 p. 100 pour un autre. Car cette détermination du risque n'est pas une science exacte. Si elle l'était, on n'aurait pas de pertes sur prêts.

M. Jacques Hébert, directeur, Québec, Association des banquiers canadiens : L'industrie bancaire n'est pas tellement différente des autres industries. Il faut suivre notre clientèle. Si on regarde ce qui s'est passé à Montréal dans le cas des stations service, en l'espace de sept ou huit ans, plus de 1 500 stations services ont fermé parce que la clientèle n'était plus là. Cela change beaucoup dans certains domaines; par exemple, dans le passé on ne voyait pas un dentiste s'installer dans un centre d'achats; maintenant si. Des rues se sont vidées dans les petits villages, les magasins sont allés s'établir dans les centres d'achat. Il y a un mouvement de la population qu'il faut respecter parce que les habitudes de consommation des clientèles dans tous les domaines varient.

Le sénateur Plamondon : J'aimerais vous remercier de votre présentation. J'ai présenté le projet de loi pour venir en aide surtout aux consommateurs qui sont endettés, qui n'ont pas facilement accès au crédit et qui se rendent dans les compagnies de finances. L'objectif du projet de loi était de toucher cette cible. En cours de route, on a vu arriver tous les « PD », ou quel que soit le nom que l'on donne à ces services — si on peut appeler cela des services — et en même temps, tous les prêts corporatifs que je n'avais pas identifiés au départ, je l'admets.

L'Association canadienne des fournisseurs de services financiers communautaires, —- qui n'a de communautaire que le nom — regroupe aussi les compagnies de finance. Nous avons examiné les études fournies qui nous démontraient que le salaire moyen de cette clientèle était de 51 000 $ par année. Cette clientèle appartient habituellement aux banques.

Pourquoi les gens qui gagnent 51 000 $ ne vont-ils pas voir les banques pour emprunter? Comment expliquer le fait que dans sept États américains on a prohibé tous les commerces de prêts sur gage? En l'absence de ce type de commerce dans ces États, comment les banques desservent-elles cette clientèle?

Il y a autre chose. Comment les corps policiers pourront-ils agir si on ne conserve pas l'article 347 de la loi qui criminalise la pratique de prêt usuraire? Si cet article ne figure plus au Code criminel, que pourront faire les policiers?

Enfin, comment expliquer le fait que Chase Manhattan Bank, l'une des plus grandes institutions bancaires aux États-Unis, vient de dégager des fonds pour contrer l'avancée de ce genre de pratique?

Quelle est votre position face à tout cela? Je remarque que vous n'avez pas répondu à la question du sénateur Fitzpatrick qui demandait quel était le lien entre les compagnies d'assurance que vous proposez aux consommateurs et vous-mêmes, les banques. À qui appartiennent les compagnies d'assurance que vous proposez aux consommateurs?

[Traduction]

Le président : Je remarque qu'il y a cinq questions, peut-être six, et qu'elles sont toutes très pertinentes.

Le sénateur Plamondon : J'ai attendu jusqu'à la dernière.

Le président : Elles sont toutes très importantes. Je vous prierais de répondre à toutes ces questions, mais le plus rapidement possible.

M Law : Je vais le faire. Je suis certain que mes collègues auront des choses à ajouter à ma réponse.

Pour répondre au sénateur Fitzpatrick, autant que je sache, je crois que les pratiques peuvent différer d'une banque à l'autre, mais elles sont indépendantes des compagnies d'assurance.

Depuis quelques années, je m'intéresse à ce sujet, parce que nous nous demandons qui devrait réglementer l'assurance des prêteurs : le gouvernement fédéral ou les gouvernements provinciaux. Je suis assez au courant de ce dossier.

Madame le sénateur, vous soulevez des questions intéressantes sur les pratiques en cours aux États-Unis. C'est de cette perspective que je vais vous répondre. Comme vous le savez probablement, aux États-Unis, les lois sur l'usure sont de la compétence des États. Beaucoup d'États ont adopté des lois à cet égard. Par exemple, la Californie a un taux général de 10 p. 100. Prenons l'exemple de la Californie. Il y a deux points importants sur lesquels j'aimerais vous amener à réfléchir. D'abord, il y a l'exemption particulière des institutions financières. De façon générale je vous dirai que les taux d'intérêt dépendent totalement de la façon dont on les calcule. C'est la question. On compare souvent des pommes avec des oranges lorsqu'on examine ce qui se fait dans d'autres États, qu'on dit que le Canada a un taux d'intérêt de 60 p. 100 — le sénateur Plamondon propose qu'il soit abaissé à 35 p. 100 — puis qu'on observe qu'en Californie, il est de 10 p. 100. Cependant, il faut étudier comment le taux d'intérêt est calculé. Par exemple, au Texas, le taux d'usure est de 6 p. 100, mais si l'on examine la loi de plus près, on voit qu'il y a des situations où un taux d'intérêt de 309 p. 100 est autorisé. Il faut faire attention. J'exhorterais votre comité à ne pas comparer des pommes avec des oranges.

Le président : Je pense que nous sommes d'accord avec cela, monsieur. Peut-être pouvez-vous nous parler de l'État de New York. L'État de New York est adjacent à deux de nos plus grandes provinces. Que diriez-vous de la loi en vigueur là-bas? Comparons-nous des pommes avec des pommes?

M. Law : Je ne suis pas certain que la comparaison soit possible. J'aimerais pouvoir me pencher plus à fond sur la question, mais je ne suis pas persuadé que ce soit le cas.

Le président : La différence c'est qu'au Canada, nous n'avons qu'un seul code criminel valable pour l'ensemble du pays alors qu'aux États-Unis, chacun des États a son propre code criminel. C'est la principale différence. Si je ne m'abuse, certains de ces codes ont des visées pénales. Je n'ai pas examiné celui de l'État de New York. Cependant, je crois qu'il serait comparable au nôtre.

M. Law : Le problème avec le Code criminel canadien, c'est qu'il est fondé sur une définition trop large de ce qu'est l'intérêt et sur l'obligation de se référer aux principes actuariels généralement reconnus. Cela signifie, si je comprends bien, car je ne suis pas moi-même actuaire, que l'intérêt doit être composé quotidiennement, ce qui fait qu'un taux d'intérêt en apparence plutôt bas comme 4, 5 ou 6 p. 100 peut devenir un taux de 300, 400, même 500 p. 100. À mon avis, l'exercice perd tout son sens lorsqu'on utilise la définition prévue dans le Code criminel et qu'on essaie de l'appliquer dans une situation visant la protection du consommateur; cela ne fonctionne tout simplement pas.

Le président : Par souci d'équité pour le sénateur Plamondon, pourriez-vous revenir aux questions qu'elle vous a posées? Nous avons fait une légère diversion et je ne voudrais pas que vous perdiez de vue ses questions.

[Français]

M. Hudon : En réponse à la question concernant la clientèle dont les revenus moyens étaient de 51 000 $, madame le sénateur Plamondon a entièrement raison lorsqu'elle dit que c'est un groupe de la population avec qui les banques veulent faire affaires.

J'ai eu l'occasion récemment de rencontrer le propriétaire d'un commerce de prêts sur gage. Sa clientèle ne se compose pas uniquement de clients démunis, mais aussi de gens qui veulent faire des transactions hors du commun parce qu'ils veulent financer des habitudes qui ne sont pas nécessairement habituelles ou avec lesquelles ils n'auraient pas beaucoup de sympathie auprès de leur banquier.

Les exemples de gens avec qui ils font affaires sont remarquables. Bien sûr, il y a des gens démunis qui font des transactions dans ce genre de commerce.

Le sénateur Plamondon : Je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire.

M. Hudon : Je vais vous donner l'exemple de quelqu'un qui veut emprunter des sommes pour une très courte période de temps pour aller au casino. Dans le cas d'un client qui dirait à son banquier qu'il veut emprunter de l'argent pour aller au casino, l'expression du besoin est en soi un risque qui serait probablement vu comme étant inacceptable au niveau bancaire.

On irait alors voir un prêteur sur gage, on lui donnerait sa bague à diamants en garantie, on irait au casino et on reviendrait au magasin ramasser sa bague le lendemain. C'est un monde dans lequel nous ne jouons pas, mais on me dit qu'il y a une clientèle assez importante.

Est-ce que cela influence les revenus moyens de gens qui font affaire avec de telles entreprises?

Le sénateur Plamondon : J'imagine que ce n'est pas le seul exemple.

M. Hudon : Il y avait d'autres exemples encore moins agréables.

Le sénateur Plamondon : D'où l'intérêt des policiers de conserver l'article 347 du Code criminel.

M. Hudon : Les conséquences de cet article influencent des transactions qui sont peut-être d'ordre plus naturel et légitime.

[Traduction]

Le président : Si vous avez fini de répondre, j'aurais moi-même une brève question. Il semble que tout le monde soit d'accord pour dire qu'il y a un problème. Nous convenons tous que l'article 347 est un instrument. La solution du sénateur Plamondon va dans le sens de celle préconisée par le Parlement : il faudrait modifier la loi existante.

Si ce point pose problème, et il semble bien que vous ne soyez pas d'accord, comme le sénateur Angus l'a souligné; si nous avons un problème, quelle serait votre solution? Pourriez-vous nous aider à ce chapitre? Aux États-Unis, un certain nombre d'États ont des codes modèles pour les banques et la protection des consommateurs. On y trouve des dispositions que les législateurs de l'État ont élaborées en collaboration avec l'industrie. Auriez-vous songé à des dispositions législatives particulières, plutôt qu'à des orientations de nature plus générale, que vous souhaiteriez nous voir adopter pour régler ce problème dont nous convenons maintenant de l'existence?

M. Law : Je pense que l'orientation générale a été de collaborer avec les provinces. Étant donné la nature des organisations qui seraient visées par ces dispositions, il faut obtenir la participation des provinces. C'est une question de réglementation. Il faut examiner les pratiques en vigueur et peut-être envisager l'instauration d'un programme d'octroi de permis. Je ne sais pas.

Le président : Notre problème avec cette option — mon commentaire est fondé sur les témoignages entendus et je dois certainement me laisser imprégner par l'ardeur et la frustration du sénateur Plamondon — c'est que nous avons demandé à la Commission pour l'harmonisation des lois de se pencher sur cette question ou cette ensemble de questions. Le processus est lent et complexe pendant que le problème ne cesse de s'aggraver. Si l'on se fie aux commentaires entendus au cours de la dernière journée, la situation se détériore très rapidement. Dans ce contexte, comment pouvons-nous accélérer le processus pour en arriver à une solution, en gardant à l'esprit que nous opérons dans une sphère de compétence partagée par le gouvernement fédéral et les provinces?

Les travaux de la Commission pour l'harmonisation des lois progressent lentement, à la manière d'un glacier. L'industrie a la responsabilité spéciale de s'assurer que les pratiques bancaires sont justes, adéquates et appropriées. Votre industrie a déjà beaucoup fait pour régler une partie des anomalies relevées à cet égard. Nous sommes confrontés à un problème fondamental et nous nous efforçons, comme le sénateur Plamondon, d'en arriver à une solution qui nous permettra de corriger la situation en évitant quelques-unes des conséquences néfastes possibles. Votre aide serait la bienvenue.

M Law : D'une certaine manière, je vous renvoie la question. Nous avons effectivement un problème. Est-ce une justification suffisante pour modifier la loi en adoptant le projet de loi S-19? Malgré tout le respect que je vous dois, je crois que non.

Le président : Selon les témoignages que nous avons entendus jusqu'à maintenant, c'est un problème énorme qui ne cesse de s'aggraver. Je ne voudrais pas préjuger de la suite de notre étude, mais c'est bien ce que nous avons entendu depuis une journée et demie. Il semble qu'il y ait consensus à ce sujet. Lorsque nous avons un problème dans notre société, nous pouvons avoir recours à des moyens draconiens dont certains diront qu'ils ont des répercussions négatives annulant certains des avantages obtenus. Toutefois, s'il existe un problème, nous pouvons certes compter sur suffisamment de gens brillants, articulés et intéressants, et sur assez de talent dans l'industrie des banques et des institutions financières pour nous attendre à obtenir quelques pistes de solution.

M Law : Je pense que nous pourrions servir de modèle à cet égard. Compte tenu des coûts de divulgation que nous devons assumer dans l'industrie bancaire et des codes de conduite que nous devons respecter sous l'égide de l'Agence de consommation en matière financière du Canada, je crois effectivement que nous pouvons servir de modèle. J'exhorte tous les gouvernements — fédéral, provinciaux et territoriaux — à se pencher sur la façon dont l'industrie bancaire est réglementée en matière de protection du consommateur. Vous ne pouvez pas vous tromper en suivant notre exemple.

Le président : Je vais laisser la dernière question au sénateur Plamondon, avec un commentaire le cas échéant.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Seriez-vous prêts à faire tout ce que la Chase Manhattan fait afin de contrer la croissance fulgurante des prêteurs sur salaire? Que font-ils avec les Credit Union aux États-Unis? Avez-vous examiné cela de près?

[Traduction]

M Law : Je ne connais pas très bien ce dossier, mais je peux vous dire que l'industrie bancaire appuie financièrement différents programmes dans ce secteur. Par exemple, saviez-vous que chaque année l'industrie bancaire verse 10 millions de dollars aux agences de conseillers en crédit du Canada?

Le président : Nous allons aborder cet aspect dans une autre étude qui suivra immédiatement celle-ci; on se penchera sur les éléments de protection du consommateur dans le contexte des institutions financières. Nous allons alors nous intéresser à cet aspect précis de la question, mais je vous remercie de l'avoir porté à notre attention.

M Law : Nous serons heureux de comparaître devant le comité pour cet examen plus vaste qui permettra d'analyser plus en profondeur toutes ces questions.

Le président : Un dernier commentaire, monsieur Hébert.

[Français]

M. Hébert : Il faut savoir, que les gens qui se rendent chez les prêteurs sur salaire doivent déposer un chèque pour rembourser leur emprunt. Ils possèdent donc un compte dans une banque ou une caisse populaire. Pourquoi ne viennent-ils pas dans les banques? Il y a plusieurs raisons. Nos gens de marketing se demandent pourquoi les gens qui gagnent 50 000 $ ne viennent pas chez nous plutôt qu'ailleurs. Si vous avez une réponse, madame le sénateur Plamondon, vous avez une deuxième carrière, on vous embauche immédiatement. C'est extrêmement compliqué pour nous de savoir pourquoi.

[Traduction]

Le président : Nous allons interrompre nos travaux quelques instants, le temps que les témoins suivants prennent place. Nous sommes en retard sur l'horaire car j'ai laissé un plus de latitude aux intervenants étant donné l'importance des témoignages présentés.

Nos prochains témoins représentent l'Association du Barreau canadien. Les membres du comité doivent déclarer leurs allégeances. Je suis moi-même toujours membre de l'Association du Barreau canadien. Je puis assurer les membres du comité que je vais m'efforcer de laisser de côté tout parti pris et toute opinion préconçue pour me montrer aussi objectif que possible.

Madame Thomson et madame Babe, nous vous souhaitons la bienvenue. Je suppose que vous serez les porte-parole de votre groupe. Nous vous écoutons.

Encore une fois, je vous prie de nous excuser mais nous avons accordé plus de temps que prévu aux témoins précédents en raison de l'importance de leurs représentations. Je ne veux pas dire par là que les vôtres seront moins importantes, mais nous allons manquer de temps. Il ne nous reste que 30 ou 40 minutes. Je vous prie de moduler vos interventions en conséquence. Nous allons lire votre texte en entier. Il serait bon que vous vous contentiez de nous en faire un résumé pour que nous puissions passer aux questions le plus rapidement possible.

[Français]

Mme Tamra L. Thomson, directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien : Merci, monsieur le président. C'est avec plaisir que l'Association du Barreau canadien présente ses commentaires aujourd'hui au sujet du projet de loi S-19.

L'ABC est une association nationale qui compte 38 000 membres, avocats et avocates, dans l'ensemble du Canada.

L'amélioration du droit et de l'administration de la justice est l'un de nos principaux objectifs et c'est dans cette optique que nous avons étudié ce projet de loi.

[Traduction]

Nous vous avons présenté ces observations au nom de la section nationale du droit des affaires et de la section nationale du droit immobilier de l'Association du Barreau canadien. Nous vous avons également envoyé une lettre que vous avez en main. Je vais demander à Mme Babe, vice-présidente de notre section du droit des affaires, de vous entretenir des préoccupations que nous soulevons dans cette lettre.

Mme Jennifer Babe, vice-présidente, Section nationale du droit des affaires, Association du Barreau canadien : Les objectifs de protection du consommateur que vise le projet de loi S-19 sont fort louables et extrêmement importants pour quelques-uns des Canadiens les plus vulnérables sur les marchés financiers. Cependant, à l'instar de l'Association des banquiers canadiens, nous ne croyons vraiment pas que le Code criminel soit l'instrument à privilégier pour prendre des mesures de protection des consommateurs.

Les avocats de nos sections nationales du droit des affaires et du droit immobilier travaillent à la fois pour les emprunteurs et les prêteurs de tout le Canada — pour les consommateurs et les entreprises. Nous avons pris connaissance du rapport du professeur Waldron auquel a souscrit la Conférence pour l'uniformisation des lois du Canada. Elle s'est intéressée uniquement aux transactions commerciales. Elle a laissé l'étude des questions liées à la protection des consommateurs au Comité sur les mesures en consommation.

Si l'on se fie à son rapport, ainsi qu'aux documents que lui ont soumis d'autres universitaires, il ressort clairement que l'article 347 de la loi existante doit être modifié. On peut le constater notamment du fait qu'au cours des six dernières années, trois causes impliquant l'article 347 ont été portées devant la Cour suprême du Canada. Aucune de ces affaires ne concernait le prêt usuraire. Il s'agissait dans tous les cas de la façon d'interpréter des contrats déclarés illégaux par une des parties parce qu'ils contrevenaient à l'article 347 du Code criminel.

Dans Garland c. Consumers' Gas Co., une affaire de protection du consommateur concernant le paiement en retard de factures de gaz naturel, l'entreprise de service public avait imposé des frais de retard conformément aux dispositions prévues par la Commission de l'énergie de l'Ontario. Dans l'arrêt Degelder Construction Co. c. Dancorp Developments Ltd., il était question du financement d'un projet de construction et de la durée du prêt s'étendant sur 11 mois, comparativement à la période de plusieurs années qu'il a fallu pour le rembourser. Finalement, l'an dernier, dans l'affaire Transport North American Express c. New Solutions Financial Corp., les tribunaux ont démontré les problèmes récurrents associés à la mise en application d'un contrat conclu entre des entités commerciales complexes représentées indépendamment par des avocats, lorsqu'une clause de participation ou une formule de paiement de redevances s'ajoutait aux intérêts traditionnels — les frais bancaires imputés par l'institution financière. Les tribunaux ont mis beaucoup de temps et d'efforts pour déterminer quelles règles d'interprétation du contrat devaient primer en choisissant entre ce qu'on appelle le critère du crayon bleu qui consiste à biffer les articles incriminés et l'option de la dissociation théorique que la Cour suprême a choisi d'appliquer. La Cour a réinterprété le contrat de telle sorte qu'il respectait le maximum de 60 p. 100 par année.

La Cour suprême du Canada a donc été saisie de trois causes touchant l'application de l'article 347 au cours des six dernières années. Je n'apprends rien à personne ici en disant que la Cour suprême se penche très rarement sur des questions touchant les contrats commerciaux. Il est donc tout à fait exceptionnel qu'il y ait eu trois causes du genre en six ans et cela indique bien que l'article 347 pose certains problèmes.

L'Association des banquiers canadiens a sa propre opinion à ce sujet. Pour l'Association du Barreau canadien, c'est un problème auquel la majorité de nos membres sont confrontés jour après jour dans leurs relations avec des emprunteurs. Ils doivent fournir des lettres d'opinion et se pencher sur des questions touchant la structuration de transactions commerciales; des prêts relais; des entreprises en démarrage, de nouvelles entreprises et des détenteurs de droits de propriété intellectuelle qui ne peuvent offrir les garanties traditionnelles et représentent des transactions à risque élevé; la restructuration d'entreprises en difficulté; la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies; les propositions dans le cadre de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité qui exigent l'intervention de prêteurs à plus haut risque pour sauver des entreprises en restructuration; et les entités complexes comme les émetteurs de débentures convertibles et échangeables qui effectuent des transactions prévoyant une participation aux bénéfices.

L'objectif de protéger le consommateur est louable, mais si le projet de loi S-19 demeure inchangé, il entraînera une série de problèmes pour les emprunteurs commerciaux au Canada et pour leurs avocats, à moins que l'on ne prenne en considération quelques-unes des dispositions recommandées par la Conférence pour l'harmonisation des lois et par l'Association du Barreau canadien.

Mme Mary Anne Waldron, M. Jacob Ziegel et d'autres spécialistes ont recommandé l'abrogation de l'article 347 parce qu'il ne sert pas nécessairement dans les cas de prêts usuraires. La semaine dernière, j'ai demandé à nos services de bibliothèque de faire une recherche sur l'article 347. Nous avons recensé 395 causes où cet article était cité. Seulement 17 d'entre elles étaient des poursuites criminelles impliquant Sa Majesté. Dans les autres causes, on invoquait cet article dans l'interprétation de contrats pour en prouver l'illégalité. Mme Waldron suggère, et nous l'appuyons en ce sens, que des modifications soient apportées à la définition du mot « intérêt ». Si le fait que des honoraires soient exigés pose un problème, cela ne devrait pas concerner les transactions négociées entre entités indépendantes. Les honoraires versés pour les enregistrements auprès du gouvernement, par exemple dans une transaction immobilière, l'arpentage, les rapports environnementaux, les vérifications faites par une firme de droit pour assurer que les titres sont libres pour l'hypothèque —

Le président : Doucement lorsque vous parlez de frais judiciaires.

Mme Babe : Tous ces frais ne devraient pas être considérés comme de l'intérêt. Nous soutenons également qu'on ne devrait pas parler d'intérêt lorsqu'il est question de transactions commerciales où le prêt prend la forme d'une participation au profit, que ce soit au moyen d'actions ou de redevances. Le fait que vous soyez disposé à devenir prêteur à haut risque pour une entreprise qui deviendra, vous l'espérez, la nouvelle Research in Motion en acceptant des actions dont la valeur est élevée ne devrait pas vous précipiter au coeur d'une transaction criminelle.

Voici donc notre recommandation à cet égard. Si vous allez de l'avant avec le projet de loi S-19 à titre de mesure de protection du consommateur visant à réduire les taux d'intérêt sans apporter les modifications qui s'imposent à la définition du terme « intérêt » est peut-être aussi à la définition de « taux criminel », étant donné son utilisation dans un contexte actuariel et ses répercussions sur les transactions à court terme, il deviendra de plus en plus difficile de structurer des transactions légales sur le marché.

Le président : Merci beaucoup. Est-ce que quelqu'un a quelque chose à ajouter à ce sujet?

Mme Thomson : Nous sommes prêtes à répondre à vos questions.

Le président : Notre premier intervenant sera notre distingué collègue de la province de Québec, le sénateur Massicotte.

Le sénateur Massicotte : Nous sommes très privilégiés de pouvoir compter sur des avocats fort expérimentés. Quelles modifications apporteriez-vous à ces dispositions pour les rendre acceptables au regard de vos préoccupations?

Mme Babe : Si vous voulez mon avis, j'abrogerais l'article 347 et je demanderais aux criminalistes de se pencher sur les moyens à prendre pour contrer le prêt usuraire.

Le sénateur Massicotte : Quelle serait la réponse?

Mme Babe : Je suppose qu'on refuserait. Cependant, si le projet de loi est adopté... D'ailleurs je ne sais pas comment on en est arrivé à ce taux de 60 p. 100 par année. Le projet de loi ne procure pas une plus grande certitude en ramenant ce taux à 35 p. 100 par année. La réduction du taux maximal sans apporter les changements qui s'imposent aux définitions des termes « intérêt » et « taux criminel » aura des répercussions très néfastes sur les marchés financiers.

Le sénateur Massicotte : La difficulté et le défi résident dans le fait que tout le monde reconnaît qu'il y a effectivement un problème. Ce problème se pose pour des gens qui ne sont pas nécessairement les mieux informés ou les mieux placés pour intenter des poursuites devant les tribunaux en raison d'un libellé trop vague. Nous cherchons à simplifier le tout de manière à ce que les gens puissent se rendre compte qu'il y a quelque chose qui cloche. Tout le monde affirme que la loi est déficiente mais personne ne nous dit comment corriger la situation. C'est là la difficulté.

Je ne suis pas avocat et peut-être est-ce un avantage pour moi. Supposons que l'on exclut tous les prêts, commerciaux ou non, dont la valeur excède un million de dollars. On règle ainsi tous les problèmes liés aux transactions commerciales à structure complexe, avec débentures convertibles et ainsi de suite, en disant simplement que si la valeur excède tel montant, le ministre peut être saisi de l'affaire, mais une défense fondée sur les coûts est possible parce qu'on fait toujours référence aux coûts associés aux actions ou aux risques. Il s'agit essentiellement d'offrir une possibilité de défense au ministre. Le problème ne serait-il pas réglé immédiatement? Le consommateur pourrait dire qu'il paie tel montant d'intérêt et qu'il va porter plainte auprès du ministre. Tout le monde soulève toujours les deux mêmes questions : le coût de la transaction et la participation à l'entreprise. Le ministre pourrait utiliser cet outil de défense. Le problème ne serait-il pas réglé?

Mme Babe : Cela contribuerait grandement à atténuer les problèmes constatés.

Le sénateur Massicotte : Mais vous ne dites pas si le problème serait réglé ou non.

Mme Babe : Il y aurait encore les problèmes soulevés par l'Association canadienne des banquiers relativement au prêt relais pour les consommateurs. Ces cas-là seraient toujours visés en raison de la définition actuarielle du taux criminel.

Le sénateur Massicotte : Si les intérêts sont si élevés, c'est parce que la période est très courte. On se dit : « Il m'en coûte tant pour effectuer cette transaction, alors je dois demander tel taux, parce que la période est très courte ». Nous entendons toujours les deux mêmes arguments de défense : les coûts et les risques liés à la transaction. Je crois qu'il faudrait permettre une telle défense. Le consommateur n'est pas très bien informé, mais il peut tout de même constater que le taux est très élevé, alors nous devons lui permettre de porter plainte.

Mme Babe : Il serait préférable que ce ne soit pas simplement un instrument de défense, mais plutôt une exception prévue dans la loi.

Le sénateur Massicotte : Je suis d'accord mais cela revient à demander à un intéressé qui gagne 20 000 $ par année de dire : « J'ai pris connaissance de la Loi. J'ai tous ces arguments de défense et je dois en faire la preuve. » Cela ne fonctionne pas. De telles exceptions risquent de passer inaperçues aux yeux des consommateurs. Le ministre est bien informé et les créditeurs sont généralement aussi bien informés. Peut-être que dans plusieurs années les pratiques normales seront prédéfinies et la question sera réglée.

Mme Babe : Si vous laissez cet argument de défense, on se retrouvera avec le problème des lettres d'opinion avec réserve que les avocats fourniront à leurs clients emprunteurs. Les taux d'intérêt seront changés. Les risques perçus...

Le sénateur Massicotte : Je comprends cela, mais c'est mieux que la situation actuelle où il y a infraction criminelle dès que le ministre décide qu'il n'y a pas de défense, point final. C'est effrayant.

Mme Babe : La troisième recommandation de la Conférence pour l'harmonisation des lois vise à assurer qu'un article du Code criminel ne puisse être invoqué dans une cause civile à moins qu'il n'y ait également une poursuite criminelle.

Le président : Cela pose également problème. Le droit criminel est censé servir — je n'aime pas vraiment ce terme — de norme d'intérêt public devant être respectée sous peine de sanction pénale. La norme ainsi établie est de nature criminelle et a différentes conséquences. Si on en fait un élément d'application civile, ne renonce-t-on pas à l'aspect prévention que le sénateur Plamondon essaie d'injecter dans cette loi en vue de protéger les gens en deçà d'un certain seuil? Cela devient une question très complexe lorsqu'il s'agit de renoncer à un critère civil prévoyant différents fardeaux de preuve au profit d'une norme criminelle pour laquelle les fardeaux de preuve sont également différents. C'est une question de jurisprudence fondamentale.

Mme Babe : Il y a aussi un problème d'ordre constitutionnel lorsqu'on tente de se servir du droit criminel pour la protection des consommateurs.

Le président : C'est un débat à suivre.

Le sénateur Angus : Le sénateur Massicotte a déjà traité du point que je voulais soulever. Permettez-moi de poser seulement deux questions.

Votre première solution, celle que vous privilégiez, consiste à abroger cet article du Code criminel, sans référence aux criminalistes. Supposons que l'une des modifications que nous proposons serait d'abroger cet article. Existe-t-il actuellement d'autres recours pour les victimes des usuriers ou est-ce la seule avenue possible? J'ai bien noté votre commentaire à l'effet que seulement 17 des renvois à l'article 347 étaient des causes criminelles impliquant Sa Majesté.

Nous avons eu à Montréal la semaine dernière une cause importante qui a beaucoup retenu l'attention des médias parce que l'un des parents des défendeurs est le gardien de but du Canadien de Montréal. Ses demi-frères, si je ne m'abuse, ont été reconnus coupables de prêts usuraires. Je n'ai pas vérifié pour savoir si l'article 347 a été invoqué. Y a- t-il un autre recours pour les cas de prêts usuraires? Je sais que vous n'êtes pas criminaliste et je ne le suis pas non plus; ce serait trop facile.

Mme Babe : Il est certain que ce serait plus facile. Je crois que le Code criminel comporte d'autres dispositions traitant de l'extorsion et de la violence. Je peux comprendre que les victimes de ces personnes sans scrupules ne soient pas toujours en position de porter plainte.

Le sénateur Angus : C'est un problème social. Nous essayons de régler une situation d'ordre économique. Pour en revenir à ce que nous disions hier, ce problème ne relève pas des banques à charte. Le sénateur Plamondon a dit qu'elle ne voulait pas contrecarrer les émissions de débenture et les transactions commerciales complexes qui font grimper les taux d'intérêt au-dessus du 100 p. 100.

Ce ne sont pas les banques à charte qui vont traiter ce genre de situation. C'est une économie souterraine ou, si je puis me permettre, une industrie de requins où les boutiques de prêts sur salaire se comptent en centaines ou en milliers. C'est un problème qui s'est développé en raison de l'incapacité pour les institutions prêteuses établies de faire des affaires avec certains emprunteurs. Auriez-vous des solutions à proposer à notre comité qui se retrouve ainsi confronté à un dilemme?

Mme Babe : C'est un vrai dilemme. Assurément, les Canadiens vulnérables sont victimes d'abus. Je crains de ne pas connaître la réponse dans le cadre de la réglementation régissant la protection des consommateurs. Je ne sais pas si les 35 p. 100 seraient un problème pour les emprunteurs commerciaux.

Le sénateur Angus : Nous comprenons. Merci.

Le sénateur Harb : Au cours des deux ou trois jours précédents, il a été dit plutôt indirectement que des entreprises légitimes prêtaient des sommes légitimes à d'autres entreprises ou d'autres individus pour de courtes périodes et imposaient des frais légitimes ainsi que d'autres coûts.

Si nous devions assujettir ces institutions à l'article 347 sous sa forme actuelle, beaucoup de gens auraient des problèmes.

Mme Babe : Oui.

Le sénateur Harb : Pourriez-vous donner plus de précisions?

Mme Babe : Oui. Pour le préfinancement ou le financement à court terme, des pourcentages absurdes peuvent être atteints très rapidement sur un versement à court terme à cause de la définition actuelle du « taux d'intérêt criminel » dans l'article 347 et de l'utilisation de la pratique actuarielle. Pour vous donner un exemple, j'ai un client en difficulté financière et qui a fait un emprunt sans lien de dépendance chez une banque à charte en fonction de la demande. Imaginez les nombreux agriculteurs de l'Alberta et de la Saskatchewan de l'industrie du bétail qui se trouvent dans ce genre de situation à cause de la soudaine récession économique et qui ont donc des problèmes d'argent car les circonstances ne sont plus les mêmes. Le prêt remboursable sur demande de mon client a duré trois mois. En calculant au moyen de la méthode actuarielle plutôt qu'au moyen du taux préférentiel plus 1 p. 100, il serait de plusieurs fois supérieur à 100 p. 100, car le prêt de la banque n'a duré que 90 jours. Cela est dû à la définition de la pratique actuarielle et au taux d'intérêt criminel.

Le sénateur Harb : J'aimerais connaître votre avis sur le scénario hypothétique. Je sais que cette question exige une solution à long terme. Toutefois, en attendant, comme l'a suggéré tout à l'heure l'Association des banquiers canadiens, pour résoudre le problème à court terme, supposons que les institutions financières, les caisses populaires, etc. réglementées par les lois fédérales ne soient plus assujetties à l'article 347 et que nous adoptions le projet de loi S-19 dans sa forme actuelle. Il pourrait servir de mesure provisoire. À long terme, il faudra une réglementation, peut-être au niveau provincial pour assurer la protection des consommateurs.

J'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet et si vous pensez que la recommandation de l'Association des banquiers canadiens est une solution viable ou non. Est-ce que le comité devrait répondre à l'ABC? Préparer la modification de l'article dans l'intérim, qui exclut l'ABC et les autres institutions financières réglementées et envisager la recommandation proposée par le sénateur Plamondon?

Mme Babe : Ce serait une solution partielle. Elle ne règlerait pas les problèmes du point de vue de l'Association du barreau canadien. Tous les prêteurs légitimes ne sont pas réglementés. Cependant, ils respectent tous la loi provinciale sur le coût de divulgation du crédit. Par exemple, des entreprises comme GE Capital et CIT Financial ne sont pas des banques, des sociétés de fiducie ou des coopératives d'épargne et de crédit, mais elles respectent les mesures de protection du consommateur et elles ont certainement des emprunteurs expérimentés pour les transactions commerciales. Le seul fait d'exempter une catégorie de prêteurs ne réglera pas le problème lié aux intérêts, y compris tous les frais, les clauses de participation et la pratique actuarielle du calcul des intérêts.

[Français]

Le sénateur Plamondon : La lettre n'est signée que par deux sections de l'Association du Barreau canadien. Comme je ne connais pas l'Association du Barreau canadien, pouvez-vous me dire combien de sections y a-t-il dans cette association?

Mme Thomson : Il y a 31 ou 32 sections.

Le sénateur Plamondon : Pourquoi les autres sections n'ont-elles pas signé la lettre?

Mme Thomson : Parce que c'est une question d'intérêt des deux sections. La section de la citoyenneté et de l'immigration n'a pas d'intérêt pour le sujet.

Le sénateur Plamondon : C'est donc un mémoire non pas présenté par l'Association du Barreau canadien, mais par deux sections du Barreau canadien.

Mme Thomson : Oui, c'est cela.

Le sénateur Plamondon : L'en-tête faisait mention de l'Association du Barreau canadien et je ne savais pas combien il y avait de sections. Il y a donc 2 sections sur 31 sections qui ont signé la lettre et les 29 autres sections n'ont pas signé pour vous approuver. C'est cela?

[Traduction]

Mme Thomson : Il serait aussi utile de connaître le processus d'approbation de la lettre pour les deux sections. Les membres chargés d'étudier ces deux articles disposent de l'expertise et des meilleures connaissances en la matière. La lettre est examinée par un comité de surveillance de législation et réforme du droit, par nos supérieurs — le président, les vice-présidents, les trésoriers et le directeur exécutif — en d'une approbation finale. Cependant, c'est au nom des deux sections.

[Français]

Le sénateur Plamondon : C'est parce que je ne voyais pas la signature du président de votre association.

Des membres ont-ils déjà été poursuivis en vertu de l'article 347 du Code criminel? Avez-vous des exemples? Était-ce un exemple que vous vouliez nous faire comprendre quand vous avez parlé du gaz naturel ou quelque chose comme cela? Y a-t-il un arrêt concernant ce sujet?

[Traduction]

Mme Babe : Oui, il y a au moins 395 décisions publiées et impliquant des avocats canadiens dans ce genre de transaction. Ce n'est que la partie émergée de l'iceberg.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Êtes-vous d'accord avec la décision de la Cour suprême dans l'arrêt Garland qui disait que le but apparent de l'article 347 était de poursuivre les usuriers. Toutefois, il ressort clairement que cette disposition, notamment de la mention qu'elle fait des frais d'assurance, des frais pour découvert de compte, des taxes officielles, des taxes foncières, et cetera, que dans le fond, c'est un taux d'intérêt.

[Traduction]

Mme Babe : Le problème de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Garland était de savoir si l'octroi de services publics était en fait un prolongement du crédit assujetti à l'article 347. Le tribunal en a décidé ainsi. Je ne suis pas sûre que la fourniture de biens et de services inclue généralement les services publics de cette façon, étant donné que l'industrie est réglementée.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Vous n'êtes donc pas d'accord avec la Cour suprême.

[Traduction]

Mme Babe : Je dois respecter leur décision.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Je n'ai pas l'habitude de défendre les commerces et l'industrie, mais j'ai pensé à un exemple qui pourrait affecter un petit commerce. Disons qu'un petit commerce demande un prêt et que le propriétaire du petit commerce endosse le prêt. Cela devient donc un individu qui demande un prêt. Si on exempte les prêts commerciaux, à ce moment, on ne protège pas l'individu qui a endossé le prêt.

[Traduction]

Mme Babe : Ce serait vrai parce qu'un garant du prêt à la société ou au commerce signera une obligation conditionnelle pour effectuer le paiement dans le cas où le commerce ne le ferait pas et il serait sujet aux mêmes frais et taux d'intérêts acceptés par le commerce.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Donc, on parle d'exclure les commerces, mais en même temps, on exclurait les individus à qui on a demandé d'endosser le même prêt. C'est cela?

[Traduction]

Mme Babe : Techniquement, oui, mais la réalité veut que les prêteurs commerciaux sont presque toujours représentés par un avocat et qu'ils sont informés avant de signer au bas de la page.

Le président : Une petite question. C'est une question de droit comparé qui a été soulevée tout à l'heure. Vous avez de sérieuses objections face à cette recommandation. Vous avez parlé de conséquences criminelles et civiles. Vous déclarez, comme les commissaires à la réforme du droit, que l'une des modifications devrait limiter toute poursuite pour violation de la disposition relative à la criminalité; de la mettre de côté. Je comprends.

L'État de New York est le plus important centre financier au monde. J'estime que c'est un aspect sur lequel nous devrions nous pencher et faire des comparaisons. Nous avons la preuve — nous n'avons pas encore toutes les preuves — qu'ils ont une limite du montant de l'intérêt qui est bien plus inférieur que dans la proposition faite par notre collègue, le sénateur Plamondon. L'Association des banquiers canadiens nous a déjà expliqué qu'il ne fallait pas comparer des pommes et des oranges, en ce qui concerne la Californie. Cependant, nous n'avions aucune preuve et nous n'avons pas de preuve pour faire la comparaison avec la loi en vigueur dans l'État de New York qui limite les taux d'intérêt de manière plus rigoureuse, sans des conséquences très graves pour leurs institutions financières en comparaison aux propositions de l'article 347.

Avez-vous réalisé des travaux dans ce domaine ou pourriez-vous le faire afin de nous donner une analyse comparative, cela serait très utile?

Mme Babe : Je n'ai pas la réponse à cette question aujourd'hui. Je peux voir si nous pouvons vous donner une réponse.

Le président : Si c'était possible, est-ce que ce serait fait rapidement? Nous aimerions vraiment avoir votre avis à ce sujet. Nous remercions les témoins de nous avoir présenté un témoignage très utile. Nous demandons aux prochains témoins de se présenter et de se dépêcher car nous n'avons plus beaucoup de temps.

Le comité juge que ces témoignages sont très intéressants, donc je ne veux pas les limiter indûment. Bienvenue à M. Whitelaw, président et chef de la direction, et à M. Bishop, secrétaire de l'Association canadienne des fournisseurs de services financiers communautaires. Nous vous remercions de votre témoignage. Je vous prie de prendre la parole. Nous avons vos notes. Pouvez-vous résumer vos notes que nous lirons avec beaucoup d'attention pour disposer de plus de temps pour les questions et les réponses.

M. Robert A. Whitelaw, président et chef de la direction de l'Association canadienne des fournisseurs de services financiers et communautaires : Monsieur le président, nous vous remercions de nous avoir invités et nous suivrons votre directive, nous serons brefs au possible. Vous avez déjà toute notre documentation.

Honorables sénateurs, permettez-moi de vous remercier d'avoir donné à l'Association canadienne des fournisseurs de services financiers communautaires ou l'ACFSFC, l'occasion de commenter le projet de loi S-19 dans le cadre de travail de notre association.

Je suis le président et le chef de la direction de l'association. Je suis accompagné de Norm Bishop, le secrétaire du conseil. Nous avons également invité Peter Tzanetakis qui est associé à Ernst et Young, s.r.l. Ce dernier a contribué à une étude récemment complétée traitant des coûts reliés à l'offre des prêts sur salaire. Mme Patricia Cirillo du Groupe Cypress Research se joint également à nous. Mme Cirillo possède une vaste expérience dans la réalisation d'enquêtes auprès de clients de l'industrie du prêt sur salaire aux États-Unis. Présentement, elle conseille notre association en ce qui a trait à une enquête qui sera effectuée sous peu au Canada. M. Tzanetakis et Mme Cirillo sont également disponibles pour répondre aux questions.

L'ACFSFC est une association nouvellement formée qui représente près de 50 compagnies dans environ 750 points de vente. Les membres affiliés offrent aux Canadiens des prêts à court terme non garantis pour de petites sommes.

Les membres représentent environ 75 p. 100 de l'ensemble des points de vente de prêts sur salaire à travers le Canada. Nous ne représentons pas les fournisseurs de prêts via Internet.

Nous desservons environ 1 million de Canadiens par année. Contrairement à la perception générale, nos clients sont des Canadiens ordinaires. Le revenu moyen du ménage de nos clients est de 51 400 $ par année. Il est important de noter que seulement un petit pourcentage de nos clients se classe dans la catégorie « faible revenu ». Presque tous nos clients ont complété leurs études secondaires et plusieurs ont complété des études postsecondaires ou obtenu un diplôme universitaire.

En fait, la démographie de nos clients est très semblable à celle de l'ensemble des Canadiens typiques. Nous offrons à ces Canadiens une solution de crédit à court terme pour l'emprunt de petites sommes. Les emprunts ne sont pas garantis; nous ne nécessitons aucun bien en garantie tels un véhicule, un téléviseur ou une résidence pour accorder le prêt. Vous pouvez reconnaître les commerces de nos membres affiliés au coin des rues Bank et Laurier, Yonge et Bloor à Toronto, à l'entrée du pont Macdonald de Dartmouth vers Halifax; sur la rue Blanchard à Victoria, face au bureau du ministère du Revenu ainsi que dans les nouvelles banlieues de nos communautés d'un bout à l'autre du pays. C'est dans ces endroits que nos clients, des Canadiens ordinaires, travaillent et vivent.

Le prêt moyen requis par nos clients est de 279 $ et la durée moyenne de cet emprunt est de 10 jours. Nos clients utilisent également d'autres services offerts par nos membres, incluant les transferts d'argent à des amis ou de la parenté, l'encaissement de chèques et les opérations de change. Nous faisons partie de l'industrie du prêt sur salaire puisqu'il existe un besoin fondé pour ce type de service. Les institutions financières traditionnelles n'offrent pas ce genre de prêt. Sans notre industrie, les seules solutions alternatives pour certains Canadiens qui doivent avoir recours à de tels prêts seraient de faire appel à des prêteurs sur gage, des prêteurs Internet et des prêts immobiliers. Toutes ces options sont plus coûteuses et elles soumettent les Canadiens à des pratiques d'emprunt que la plupart d'entre nous préfèrent éviter.

Comme toute autre industrie, nous avons connu quelques exceptions. Je tiens toutefois à vous assurer que cette minorité ne reflète pas les pratiques utilisées par l'ensemble de nos membres. Voilà pourquoi nos membres se sont unis pour former l'Association canadienne des fournisseurs de services financiers communautaires. La création de notre association fut appuyée par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux.

Nous avons commencé aux mois d'avril et de mai derniers. Malgré la récente constitution de notre association, nous collaborons activement avec les gouvernements, plus particulièrement le Comité des mesures en matière de consommation, à un processus général visant à réviser les pratiques de l'industrie et à faire des recommandations aux provinces ainsi qu'aux territoires dans le but d'élaborer des mesures réglementaires qui puissent améliorer la protection des consommateurs.

Vous avez entendu, hier, M. Michael Jenkin parler du Comité des mesures en matière de consommation et de la réunion des ministres, et quelques mots clés ont été dits : code, refinancement et coûts assumés par l'industrie.

L'une des premières initiatives de l'Association fut de rédiger un code de déontologie des meilleures pratiques de gestion auxquelles nos membres doivent se conformer. Ce code est inclus dans le mémoire que vous avez reçu à l'avance et qui est au magasin. Les consommateurs peuvent le voir.

Nous sommes aussi activement appliqués dans l'étude de mesures additionnelles pour améliorer la protection des consommateurs. Le plus important point du code se rapporte à l'interdiction de refinancement. Le refinancement consiste à permettre aux clients de prolonger leur emprunt moyennant des frais et des intérêts additionnels.

J'ai remarqué que la question du refinancement a été constamment soulevée au cours de ces délibérations. Il a été mis fin au refinancement le 1er janvier. L'interdiction de refinancement est entrée en vigueur au début de l'année et favorisera des emprunts songés. Nous tenons également à préciser que certaines des plus grandes compagnies affiliées à notre association n'ont jamais permis le refinancement.

Comme dans toute autre industrie certains critiques à notre endroit peignent une image différente de ce que nous faisons, de notre raison d'être et de nos clients. Nous avons fait l'objet de commentaires parfois trompeurs émis par des individus qui n'ont pas tenu compte de tous les faits. La loi doit tenir compte des coûts reliés à l'offre de prêts à court terme pour de petites sommes. Cette réalité est bien différente de celle des banques qui accordent des prêts de pour de bien plus grosses sommes pour une période d'un an ou plus.

Une étude récente menée par la firme réputée Ernst & Young, s.r.l. a démontré qu'il nous en coûte environ 44 $ pour offrir un prêt moyen de 279 $ pour une période de dix jours. Nos clients connaissent nos frais lorsqu'ils font une demande d'emprunt et reçoivent une copie de chaque document qu'ils ont signé. Une enquête auprès des clients a permis de conclure que non seulement une majorité d'entre eux croient que nos frais sont raisonnables, mais que plus de 90 p. 100 sont satisfaits de du processus visant l'obtention du prêt.

Je croyais qu'il était important de rappeler ces faits, monsieur le président, et honorables sénateurs. Nous devons réfuter les nombreux mythes à l'égard de l'industrie de prêt sur salaire avant d'aborder les commentaires de l'association quant au projet de loi S-19, dont je ferai part en conclusion.

En résumé, tout comme le sénateur Plamondon, nous sommes d'opinion que l'article 347 doit être amendé. Lors de la rédaction de cet article, notre industrie n'existait pas. Par contre, le besoin pour des prêts à court terme non garantis pour de petites sommes est clairement visible.

L'article 347 doit être amendé afin de représenter la réalité de notre industrie et les millions de Canadiens qui ont utilisé nos services depuis notre entrée sur le marché. Il existe diverses façons de reconnaître les réalités de cette industrie tout en assurant la protection des consommateurs. Cela a été accompli dans d'autres juridictions à travers le monde. Par exemple, plus de 35 États américains ont mis sur pied des régimes législatifs et réglementaires qui permettent aux sociétés d'offrir des prêts sur salaire et de charger les frais nécessaires de recouvrement de leurs coûts. Certains pays d'Europe font de même.

Je vous remercie une fois de plus de nous avoir permis de nous prononcer et il me ferait plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Whitelaw.

Le sénateur Angus : Messieurs, bienvenue et merci de nous avoir présenter un exposé intéressant. J'ignorais que vous aviez déjà une association pour cette industrie.

Vous avez dit que vous avez 50 membres?

M. Whitelaw : C'est exact. Jusqu'à l'an dernier, les sociétés parlaient individuellement et elles voulaient parler à l'unisson. Une invitation a été lancée à environ 1 000 commerces de détail exploités par un certain nombre de sociétés pour former une association. L'association a établi le code et nous avons récemment complété un code de conformité. Le statut de membre dans l'association est un privilège. Il ne peut pas être simplement acheté : On le mérite et on le respecte. Nous contrôlons les membres tous les ans et ils doivent signer l'accord de conformité au code.

Le sénateur Angus : Nous comprenons.

Le président : Nous avons un exemplaire de votre code de conduite.

M. Whitelaw : Il est disponible en anglais et en français dans le mémoire que nous avons fourni.

Le sénateur Angus : C'est ce qu'on appelle une association autoréglementée. C'est un bon début et c'est peut-être suffisant. Toutefois, nous aimerions tous savoir qui sont les membres de votre association. Sont-ils bien connus; de grosses sociétés publiques? Qui exploite ces commerces?

M. Whitelaw : Le code est dans le commerce de nos membres; c'est comme une marque de commerce en quelque sorte. Je fais appel à mon collègue M. Bishop, pour répondre à votre question concernant les sociétés qui se sont unies.

M. Norman J.K. Bishop, secrétaire du conseil, Association canadienne des fournisseurs de services financiers communautaires : Il y a un large éventail de sociétés, des sociétés qui comptent un ou deux points de vente et d'autres beaucoup plus grandes. National Money Mart Company est la plus importante, elle appartient à une société ouverte américaine. La deuxième est Rentcash Inc., dont le siège est en Alberta, est au deuxième rang. C'est une société ouverte à la bourse de Toronto. La troisième est Instaloans, je crois qu'elle est aussi en Alberta. Elle compte près de 100 points de vente. Puis des sociétés qui ont de 50 à 60 points de vente, celles qui ont un, deux ou trois points de vente, donc il y a un large éventail.

Le sénateur Angus : Très bien, sauf que c'est une industrie relativement nouvelle. Elle est très populaire aux États- Unis, n'est-ce pas?

M. Bishop : Je crois bien.

Le sénateur Angus : Vous avez fait un commentaire positif concernant le projet de loi que nous étudions : Vous pensez que le Code criminel doit être modifié. Considérez-vous que ce projet de loi est une modification appropriée ou voudriez-vous en voir une autre?

M. Bishop : C'est un bon début. Le projet de loi souligne le besoin de modifier l'article 347. D'autres personnes l'ont aussi déclaré aujourd'hui. Il y a plusieurs années que le Comité des mesures en matière de consommation examine ces problèmes dans le cadre de la protection des consommateurs. C'est un problème complexe. Même si nous sommes heureux que le Sénat le présente, la question est épineuse.

Le sénateur Angus : Finalement, je sais que vous avez entendu quelques autres témoignages. Y a-t-il quelque chose dans la loi américaine que vous avez mentionnée au sujet de 35 États qui ont une certaine réglementation — au lieu d'un système d'application volontaire — qui pourrait nous être utile? Nous pourrions voir ce qui peut-être fait au lieu d'attendre ces groupes de mesures en matière de consommation et toutes ces autres organisations qui semblent prendre un temps fou avant de se prononcer.

M. Whitelaw : Je répondrai à la première partie de votre question et M. Bishop répondra à la seconde. Nous appuyons une réglementation gouvernementale au Canada. Il n'y a aucun doute sur ce point. Nous l'avons toujours déclaré. Ce que nous avons fait entre-temps, c'est d'élaborer un code d'autoréglementation des meilleures pratiques de gestion à titre de première étape vers la conformité par notre industrie. Dès le départ, nous avons reconnu et soutenu publiquement le besoin d'une régulation gouvernementale. Qu'on le sache bien aujourd'hui.

M. Bishop répondra aux questions concernant les États-Unis et la comparaison entre les situations.

M. Bishop : Les États-Unis, mais aussi les pays d'Europe et du Commonwealth, ont déjà étudié cette question. Nous pouvons vous distribuer de la documentation concernant des États particuliers. Je crois c'est plutôt 37 ou 39 États qui règlement de façon à permettre la viabilité de l'industrie. L'exemple qui a été donné hier portait sur la Californie et le taux d'intérêt. Le taux d'intérêt est de 10 p. 100, mais ils reconnaissent aussi les prêts sur salaire ou les prêts à court terme pour de petites sommes. Pour un prêt sur une durée inférieure à 45 jours, il est permis d'imposer un certain pourcentage du prêt en tant que frais. Ils l'ont autorisé, car ils ont reconnu que lorsque l'on a un prêt à court terme, comme celui dont parlait Mme Babe, et un petit prêt, il faut les aborder séparément. C'est ainsi que procèdent la plupart des États.

Je crois savoir qu'il y a un large éventail de modèles législatifs dans les États. M. Law a parlé tout à l'heure de la façon dont le marché fonctionnait et du fait que les Canadiens bénéficient en fait des frais les plus bas pour les prêts sur salaire. Certains États, comme celui de New York, interdisent les prêts sur salaire. Le problème à ce niveau, c'est que la majorité de la population de New York se trouve à l'extrémité sud. Vous pouvez traverser le pont pour aller au New Jersey et obtenir un prêt. Pire encore, vous pouvez obtenir un prêt sur Internet ou par service bancaire par téléphone, le prêteur ayant son siège dans un milieu non réglementé. Si vous habitez New York et que vous voulez un prêt, vous le faites par téléphone; ce n'est pas une solution.

Le président : Donc, aux États-Unis, pour ce qui est de Internet, la question passe vraiment d'un problème de législation d'État à un problème de commerce entre États. Il faut que ce soit assujetti à une réglementation fédérale; n'est-ce pas? Est-ce pour cette raison qu'il y a un service Internet dans un domaine de compétence des États où les pratiques de prêts sur salaire sont interdites?

M. Bishop : Bien que je ne sois pas un expert dans ce domaine, le problème avec Internet, c'est que ce n'est pas fédéral non plus. Il est très difficile de réglementer Internet.

L'un des points soulevés par M. Whitelaw est que notre association représente des magasins conventionnels. Nous estimons que tant qu'ils existeront, les clients les utiliseront et il est possible de réglementer des magasins conventionnels.

Nous avons fait un peu de recherche et publié un livret d'environ 25 sites Web de prêteurs sur Internet. Il est impossible d'en situer géographiquement la majorité ou de savoir s'ils sont extraterritoriaux, par exemple, au Costa Rica ou aux États-Unis ou dans un endroit de ce genre. Si cette industrie n'était pas ici, elle offrirait des services sur Internet.

Le président : Sans vouloir interrompre le fil du raisonnement du sénateur Angus, à New York, comme vous l'avez indiqué, les prêts sur salaire sont interdits. Le New Jersey envisage de légiférer.

Quelle est la situation dans l'État de New York pour le groupe vulnérable de personnes ayant désespérément besoin de prêts à court terme sur leur salaire? Quelle est la situation de ce marché en pleine expansion au Canada et qui est soit interdit soit restreint dans l'État de New York? Quelle est la situation? Quelles sont les pratiques utilisées là-bas?

M. Bishop : Premièrement, j'aimerais dire que l'idée voulant que cette industrie cible les segments vulnérables ou à faible revenu de la population est fausse.

Le président : Je me suis mal exprimé. Je parle des services offerts au segment de l'industrie utilisant vos services.

M. Bishop : Cette industrie compte 1 000 points de vente et 1 million de Canadiens les utilisent. Il est grand temps d'appliquer une réglementation. C'est la meilleure façon de protéger les consommateurs qui sont désavantagés dans ces secteurs. Le préfinancement est un bon exemple. Notre association interdit le préfinancement. Vous avez lu des articles sur le préfinancement dans la presse. Les deux plus grandes entreprises du pays n'offrent pas de préfinancement et ne l'ont jamais fait. En tant qu'association, notre problème vient du fait que nos membres n'offrent pas de refinancement. Nous n'avons aucun contrôle sur ceux qui ne sont pas membres de l'association. Voilà un bon exemple où une réglementation pourrait être appliquée.

Le sénateur Callbeck : Vous avez dit que les membres de votre organisation interdisent le préfinancement. Est-ce que d'autres pratiques ont été interdites depuis la création de votre association?

M. Whitelaw : Oui. Comme vous le constaterez dans le code, sénateur, l'arrêt du préfinancement a constitué un tournant décisif, puis il y a eu des méthodes de recouvrement justes, des exposés complets, clairs et véridiques, la protection de la vie privée et un service téléphonique sans frais pour les plaintes. Cela est mis à la disposition du public.

Puis, il y a une partie sur l'éducation et la sensibilisation. Nous distribuons des brochures dans nos magasins membres qui traitent de l'importance du prêt sur salaire et de la façon de bien l'utiliser. Nous allons publier des brochures concernant le code.

Des services de conseiller en crédit vont nous faire parvenir des brochures que nous remettrons à nos commerces afin de sensibiliser les consommateurs. Nous avons déjà leurs numéros de téléphone. Nous faisons de notre mieux pour assurer que l'éducation et la sensibilisation des consommateurs qui utilisent nos services dépassent les attentes.

Le sénateur Callbeck : Allez-vous continuer dans cette voie? Je reconnais bien que vous êtes une nouvelle organisation, mais que se passe-t-il si un membre ne respecte pas ces pratiques? Risque-t-il de perdre son statut de membre?

M. Whitelaw : Ce serait en dernier ressort. Permettez-moi de revenir un peu en arrière. Il y a un certain nombre de sanctions. Premièrement, il y a l'accord sur le respect des mesures et il est affiché. Dans la partie réservée à notre code, vous verrez une exigence relative aux plaintes déposée par un membre contre un autre membre. C'est assez atypique au sein de notre industrie. Nous demandons à nos membres de signaler les membres qui ne respectent pas le code de l'association. C'est quelque chose de très transparent. En outre, nous contrôlons les membres tous les ans. La vignette autocollante « Valid 2005 » est collée sur les portes d'entrée des commerces de nos membres. Elle doit être renouvelée et revue annuellement.

Nous serons fermes sur ce point. L'accord sur le respect des mesures est assez rigoureux. Notre objectif est aussi d'éduquer le consommateur et de le sensibiliser afin qu'il puisse choisir le commerce avec laquelle il veut avoir affaire, que ce soit un membre qui respecte le code ou une personne ou un commerce non membre de notre association.

Ai-je répondu à votre question?

Le sénateur Callbeck : Non. Je me demande jusqu'à quel point vous serez ferme et s'il y aura un suivi. Si quelqu'un ne respecte pas votre règlement, va-t-on vraiment lui retirer son statut de membre?

M. Whitelaw : Il perdra son statut de membre; c'est la sanction la plus grave. Il recevra d'abord des mises en garde et des avertissements. Nous avons déjà des lettres de plainte et nous attendons les réponses.

Nous recevons des plaintes et nous les envoyons à des commerces qui ne sont pas membres. Si un consommateur nous téléphone pour nous dire qu'il a un problème, si nous constatons que c'est un problème avec un non-membre, nous ne disons pas que nous ne pouvons rien faire. Nous prenons des mesures.

Hier même, j'ai eu affaire à un service de conseillers en crédit qui a identifié une firme qui n'est pas membre. Nous passons à l'étape suivante pour inviter cette firme à prendre des mesures correctives même si elle n'est pas membre, car c'est dans l'intérêt de l'industrie.

C'est pour cela que nous voulons une réglementation dans l'industrie, soutenue par nos efforts d'autoréglementation.

Le sénateur Angus : Quel est le montant de votre cotisation?

M. Whitelaw : La cotisation est progressive. Elle est d'environ 300 $ par an pour un petit commerce puis elle est progressive en fonction du commerce.

Nous voulons que les petits exploitants de commerce indépendant considèrent qu'ils ont le même statut de membre que les grandes sociétés sans avoir le sentiment d'encourir des répercussions économiques. À notre avis, il est plus important qu'ils respectent le code, qu'ils le prouvent et qu'ils sentent qu'ils font partie de l'association.

Le sénateur Angus : Je suppose que les plaintes contre des non membres sont un excellent moyen de recrutement de membres dans votre association.

M. Bishops : Nous l'espérons.

Le sénateur Angus : Versez-nous 300 $ et nous nous occuperons de la plainte déposée contre vous.

Le président : Nous revenons au sénateur Callbeck.

Le sénateur Callbeck : Ça va. Je n'ai rien à dire.

Le sénateur Harb : J'ai deux ou trois questions au sujet de votre million de Canadiens. J'aimerais savoir si vous comptez un client régulier comme un nouveau client ou bien si ce million est vraiment constitué de citoyens distincts.

La deuxième question porte sur le coût moyen. Vous avez mentionné qu'un prêt de 279 $ sur 10 jours vous coûte 40 $. Cela reviendrait à environ 500 p. 100 par an en termes de pourcentage que vous devez verser avant d'imposer l'intérêt.

Avez-vous envisagé une collaboration avec l'Association canadienne des banquiers afin de voir quelle meilleure pratique elle pouvait offrir? Avez-vous songé à divulguer le coût moyen aux consommateurs dès le départ afin que lorsqu'ils demandent un prêt, ils sachent ce qu'il leur en coûtera d'entrée de jeu?

En Ontario, un délai de réflexion est prévu. Quand une personne remplit un formulaire de demande d'hypothèque à une institution financière, il y a une exigence qui assure à cette personne un délai de réflexion d'un jour ou deux. Offrez- vous quelque chose ce genre?

M. Whitelaw : Oui. Je vais répondre de suite à ces questions. En ce qui concerne le délai de réflexion, notre code prévoit 24 heures. Si vous empruntez de l'argent chez un membre et que 24 heures plus tard vous décidez pour une raison quelconque de le rendre, cet argent est accepté sans aucun intérêt, coût et frais, rien du tout. Nous avons mis cela au point. Cela répond à la première question.

En ce qui concerne votre question sur le million de Canadiens, nous avons étudié le type de clients, leur utilisation et leur prévision du passé vers l'avenir. Cependant, les renseignements détaillés seront connus prochainement car c'est la première fois que nous menons une enquête auprès de notre clientèle au Canada. Environics a été chargée de mener cette enquête et j'espère que la prochaine fois que nous serons invités à nous présenter devant vous, nous aurons les résultats de l'enquête nationale menée auprès de nos clients.

Le sénateur Massicotte : Quelle est date la date de création de l'association?

M. Whitelaw : Février, en fait elle a été constituée en société. Nous avons ouvert le bureau en avril/mai de 2004.

Le sénateur Massicotte : C'est assez récent. Vous avez 50 membres, n'est-ce pas?

M. Whitelaw : Cinquante sociétés et 750 commerces de détail.

Le sénateur Massicotte : Combien de plaintes avez-vous reçu au cours des derniers neuf mois?

M. Whitelaw : Nous avons établi notre service téléphonique de plaintes le 1er décembre. Au mois de décembre, nous avons reçu 23 demandes de renseignement et de plaintes et 33 à la fin du mois de janvier. Nous nous préparons à faire l'analyse du type de plaintes et de demandes de renseignement. Les résultats seront rendus publics.

Nous essayons de répartir les demandes de renseignement qui sont des questions d'ordre général sur l'industrie et les plaintes. Je pense que pour le moment, il y a sept plaintes reçues en janvier car les commerces ont un délai de réponse de 14 jours.

Le sénateur Massicotte : Vous avez dit en avoir 23 en décembre?

M. Whitelaw : Oui.

Le sénateur Massicotte : Quel était le nombre de plaintes?

M. Whitelaw : De ce type, je crois qu'il y en avait 10 et le reste était des demandes de renseignement. Pour être très précis, le gouvernement de l'Ontario fait le suivi des plaintes. En 2004, ils ont reçu 70 248 plaintes de consommateur de tout genre, seulement 93 concernaient l'industrie de prêt sur salaire; 14 étaient écrites et les autres étaient des demandes de renseignement. Pour parler en pourcentage, cela représente un millième de 1 p. 100. Au cours des quatre ans que j'ai passé au Bureau d'éthique commerciale, nous n'en avions reçues aucune.

Le sénateur Massicotte : Pour les 10 plaintes que vous avez reçues au mois de décembre, ils avaient 14 jours pour répondre. Que s'est-il passé après? Est-ce que ces plaintes étaient fondées? Quel a été l'aboutissement de ces plaintes?

M. Whitelaw : Dès que nous avons contacté la gestion de magasins et constaté dès le départ qu'il y avait un problème, c'est-à-dire que les plaintes étaient fondées, on y a remédié immédiatement. Le meilleur exemple a eu lieu vendredi dernier, un service de conseillers au crédit nous a téléphoné de Hamilton à neuf heures du matin au sujet d'un problème lié à un consommateur. Le problème était résolu à quatre heures de l'après-midi.

Le président : Il serait utile que vous nous donniez cette documentation par écrit. Vous pourriez aussi nous fournir la documentation concernant vos membres et le pourcentage du marché total que vous desservez de façon à ce que nous ayons tous ces renseignements devant nous. Il serait utile d'avoir une décomposition.

Le sénateur Massicotte : Je veux aussi connaître précisément les aboutissements des plaintes fondées? Vous avez dit qu'il y a plusieurs étapes. Combien de jours ou de mois faut-il attendre avant qu'une entreprise perde son statut de membre de votre association? En combien de temps une entreprise ayant fait l'objet d'une plainte ou d'une deuxième plainte perd son statut de membre?

M. Whitelaw : Tout cela fait partie du travail que nous faisons. Pour le moment, le délai de réponse est de 14 jours. La plainte est ensuite examinée par un comité de contrôle de l'application. Des sanctions sont prévues. La perte du statut de membre constitue la sanction la plus grave.

Le sénateur Massicotte : Je comprends, mais le problème de cette réponse, c'est qu'elle est trop vague. Vous pourriez recevoir une plainte grave et dans trois ans, l'entreprise serait encore membre de votre association. Cela n'est pas conforme avec ce que vous avez dit, que vous étiez des gens sérieux qui publiez vos lignes directrices et votre système de valeurs et que l'on devait vous faire confiance pour les suivre. Toutefois, si votre système de discipline, qui est autoréglementaire et qui bien sûr sert vos intérêts, n'est pas assez rigoureux, le consommateur ne devrait donc pas se fier à ces lignes directrices. J'aimerais bien savoir ce qui se passe vraiment et le sérieux des décisions prises suite aux plaintes.

M. Whitelaw : Sénateur, cela vous sera communiqué.

Le sénateur Massicotte : Combien de commerces avez-vous au Québec?

M. Whitelaw : Aucun.

M. Bishop : Aucun.

Le sénateur Massicotte : Pourquoi?

M. Bishop : Il faut une licence au Québec. Dans cette province les taux d'intérêt sont plafonnés à 35 p. 100. Ce n'est pas viable financièrement. Pour les Québécois, l'alternative est d'obtenir des prêts sur Internet ou chez des prêteurs sur gage.

Le sénateur Massicotte : Si vos lignes directrices, votre code d'éthique et votre autoréglementation sont aussi solidement structurés, je suppose que vous pourrez persuader le gouvernement québécois de revenir sur sa décision et vous permettre d'opérer dans la province.

M. Whitelaw : C'est au gouvernement du Québec de décider. Le permis est nécessaire dans plusieurs provinces. L'industrie n'est pas entièrement non réglementée. En Saskatchewan, au Québec et dans les Maritimes, il faut une licence. Pour être membre de notre association, il faut détenir une licence d'établissement de crédit si elle est exigée. Comme personne ne détient une telle licence au Québec, nous n'avons pas de membres dans cette province. À ma connaissance, il n'y a aucun point de vente qui a une licence au Québec.

Le sénateur Fitzpatrick : Ma question est en deux parties. Premièrement, vous avez dit dans votre exposé qu'une étude menée récemment par Ernst & Young, S.R.L. a révélé qu'un prêt moyen de 279 $ sur une période de 10 jours coûtait 44 $. Pouvez-vous me calculer cela sur une année? Quel serait la quote-part ou le taux d'intérêt calculé sur une année?

M. Whitelaw : Sénateur, je n'ai pas ce chiffre et je me demande si je peux faire appel à M. Peter Tzanetakis qui est l'un des auteurs du rapport.

Je vous présente M. Peter Tzanetakis, associé de Ernst & Young, qui est l'un des auteurs principaux du rapport de l'étude des coûts de Ernst & Young.

M. Peter Tzanetakis, associé, Ernst & Young : Étant donné que les coûts doivent être couverts sur une courte période — une courte période de maturité pour un prêt d'une petite somme d'argent — il finit par devenir un intérêt de plusieurs centaines s'il était converti en taux d'intérêt. Nous donnons des exemples dans l'étude qui, je crois, sera fournie au comité.

Le sénateur Fitzpatrick : La deuxième partie de ma question porte sur ce que vous avez dit au sujet de l'enquête auprès des clients révélant que ces derniers estimaient que les frais étaient raisonnables. Près de 90 p. 100 se sont déclarés satisfaits de leur expérience. Pouvez-vous nous dire exactement quelle question leur a été posée? J'ai du mal à croire que des personnes estiment qu'un taux d'intérêt de plusieurs centaines pour cent sur une base annuelle est raisonnable et qu'elles sont satisfaites de ce genre de montage financier. Quelle était exactement la question posée dans l'enquête?

M. Bishop : Cette enquête a été faite par le Centre pour la défense de l'intérêt public sur demande du ministère de l'Industrie. C'est un exemple de ces taux d'intérêt annuel réels, la façon dont ils sont calculés peut paraître énorme, mais en fait les frais sont très raisonnables.

Le président : Avez-vous une copie de cette étude?

M. Bishop : Oui, nous en avons une.

Le président : Pourriez-vous nous remettre cette étude? Nous allons jeter un coup d'œil sur cette question. Il s'agit d'une autre question importante. Nous sommes tous à l'aise avec les questions et les questions dans les sondages.

Le sénateur Fitzpatrick : Il s'agit d'une observation et non d'une question. À vrai dire, je ne trouve pas raisonnable tout ce qui est de l'ordre des centaines de pour cent sur une base annuelle, et je pense que c'est sur cette base que nous avons l'habitude de juger l'intérêt, qu'il s'agisse d'un prêt hypothécaire ou de quoi que ce soit d'autre.

M. Bishop : Cela démontre parfaitement le problème parce que si vous obteniez un prêt de 100 $ pour cinq jours et qu'on vous demandait 1 $, alors, cela ne semblerait pas déraisonnable. Eh bien, cela correspond à 107 p. 100. C'est la différence entre ce que vous payez en réalité et comment cette somme est calculée qui cause le problème et c'est ce que nous avons entendu aujourd'hui.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Tout d'abord, j'aurais un commentaire. Vous avez dit que les New-Yorkais pouvaient aller dans le New Jersey. Pourtant, dans l'annexe que vous nous avez donnée, au New Jersey, les prêteurs sur salaire sont aussi prohibés. Je ne vois donc pas pourquoi ils peuvent aller dans le New Jersey, si les prêteurs sur salaire sont prohibés aux deux endroits.

[Traduction]

Le président : Sénateur, l'information fournie précise que la loi est à venir au New Jersey. Elle n'est pas encore entrée en vigueur d'après le texte fourni.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Je pensais à l'annexe de la Consumer Federation of America qui nous a été fournie.

[Traduction]

On y affirme que cet État interdit les prêts sur salaire à cause des plafonds sur les taux d'intérêt touchant les petits prêts, des lois sur le prêt usuraire.

[Français]

Et on parle, ici, du New Jersey. Est-ce que c'est permis au New Jersey? Cela contredit l'autre annexe.

[Traduction]

M. Bishop : En vérité, je ne pourrais vous le dire. Nous pourrions vous fournir une liste de tous les États.

Le sénateur Plamondon : J'ai une liste ici et le New Jersey figure ici à la page 29 de votre mémoire. C'était simplement un commentaire.

[Français]

Vous avez dit aussi que vous vouliez placer des brochures des Credit Counselling Services dans vos bureaux. J'espère que l'inverse n'est pas vrai et qu'on ne mettra pas des brochures de prêteurs sur salaire dans les Credit Counselling Services.

On sait pourquoi vous n'êtes pas présent au Québec. Aux endroits où c'est prohibé, aux États-Unis, quelle sorte de débat y a-t-il eu? Qu'est-ce qui a fait que c'est prohibé dans certains États des États-Unis?

[Traduction]

M. Whitelaw : Premièrement, pour ce qui est du matériel concernant les conseillers en crédit, il s'agit d'une voie à sens unique, c'est-à-dire que nous mettons ce matériel d'information dans nos entreprises au profit des consommateurs et non l'inverse. Il y a une très grande divergence aux États-Unis, d'un État à l'autre. Comme nous l'avons indiqué, plus de 35 États ont des règlements qui autorisent le prêt sur salaire sur leur territoire. J'ai fait une nouvelle visite dans d'autres États et, comme je l'ai mentionné, l'autre choix qui s'offre est le prêt sur Internet et d'autres options.

Vous avez posé une question précise sur les États-Unis et j'ai l'impression, monsieur le président et les sénateurs, que c'est plus d'information que vous aimeriez obtenir.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Cela nous aiderait dans notre débat de savoir pourquoi cela a été prohibé dans certains États. Si vous avez l'information et que vous pourriez nous la donner, j'apprécierais.

Ce qui m'inquiète dans la présentation, c'est que vous parlez des prêteurs sur salaire, mais vous ne parlez pas des compagnies de finance. Les compagnies de finance font partie de votre association aussi. L'exemple dont je m'étais servie pour présenter le projet de loi, c'était une compagnie de finance. Les taux d'intérêt étaient calculés annuellement, parce que c'était un prêt sur quatre ans. Et sur ce prêt, l'intérêt s'élevait à 50,63 p.100.

Avez-vous des compagnies de finance qui sont membres de votre association, et quelles sont les conditions pour être membre chez vous?

[Traduction]

M. Whitelaw : Nous comptons, dans notre association, des entreprises de prêt sur salaire et des entreprises qui offrent des petits prêts à court terme sans garantie. Ce sont les seuls membres. Les gens qui pratiquent le prêt sur titres, le prêt sur gage ou le prêt sur Internet ne sont pas membres. L'entreprise à laquelle vous faites allusion, je crois, n'est pas membre. Il y a simplement les 750 magasins de détail exploités par 50 entreprises qui sont nos membres. Pour être membre de notre association, vous devez offrir un petit prêt à court terme non garanti, ce qu'on appelle souvent un prêt sur salaire.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Donc, vous me confirmez que les compagnies de finance ne font pas partie de l'Association canadienne des fournisseurs de services financiers communautaires?

[Traduction]

M. Whitelaw : C'est exact.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Vous avez dit qu'il y a des compagnies dont le siège social était aux États-Unis. Vous avez dit qu'il y a des compagnies qui appartenaient à des intérêts américains. Il n'y a pas que l'Alberta, il y en a qui étaient originaires des États-Unis. Est-ce vrai?

[Traduction]

M. Whitelaw : Sénateur, la réponse à votre question, c'est qu'une des entreprises, National Money Mart, est la propriété d'une société américaine. L'entreprise à laquelle on fait allusion à Edmonton est une entreprise canadienne. Une est une société publique, Rentcash, et il y a une société privée.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Mais je veux poser la question sur la confidentialité des données du Patriot Act. Le Patriot Act, comme vous le savez, peut permettre au gouvernement américain de demander des renseignements sur des compagnies qui seraient à l'extérieur des États-Unis, mais qui appartiendraient à des intérêts américains. Est-ce qu'il y en a parmi vous?

[Traduction]

M. Bishop : Cela nous forcerait à traiter de la législation américaine. Nous ne pouvons faire de commentaires sur cette question.

[Français]

Le sénateur Plamondon : C'est évident, mais en même temps, cela pourrait impliquer des renseignements sur les Canadiens. Si vous n'avez pas l'information, j'aimerais vous poser une autre question.

[Traduction]

Le président : Sénateur, je regarde l'horloge. Nous avons un autre témoin. Comme vous le savez, le Règlement nous interdit d'avoir des audiences pendant que le Sénat siège. Laissez-moi trancher ce dilemme. Nous ne voulons pas être injustes à l'égard de nos témoins et certainement pas à l'égard des sénateurs. S'il y a d'autres questions, j'espère que nous pourrons vous les faire parvenir par écrit et que vous pourrez répondre au comité. J'estime vraiment qu'il est injuste de notre part de vous faire venir ici et ensuite, de court-circuiter ce que nous considérons comme une information vitale et très importante.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Je pourrais poser mes questions, et nous pourrions recevoir les réponses par écrit.

Je voudrais connaître vos méthodes de recouvrement. Comme vous n'avez pas le « rollover », si le « rollover » peut se faire indirectement d'un poste à un autre, c'est-à-dire d'une succursale à une autre, la même succursale ne pourrait pas faire le « rollover », mais vous pourriez vous renvoyer les clients de cette façon et cela revient au même. Je sais qu'il y a eu des descentes. Pouvez-vous me dire si Paymax et Money Instantly Services font partie de vos clients? Ces compagnies ont fait l'objet d'articles dans les journaux récemment.

[Traduction]

Le président : J'ai deux autres questions. Je vais les poser pour qu'elles figurent au compte rendu. Vous y répondrez par écrit. Encore une fois, sénateurs, je regarde l'horloge. Le Règlement exige que nous soyons au Sénat à 13 h 30. J'aimerais dire à nos témoins que nous allons commencer leurs témoignages et que nous les rappellerons lorsque nous reprendrons nos audiences sur cette question, parce que je ne veux pas être injuste à leur égard.

Le sénateur Fitzpatrick a une courte question. Même chose pour le sénateur Moore.

Le sénateur Moore : Y a-t-il de vos magasins de détail qui sont la propriété de banques canadiennes ou de sociétés d'assurance canadiennes?

M. Whitelaw : Non, sénateur.

Le président : Encore une fois, d'autres sénateurs ont des questions et je sais que c'est le cas. Nous allons vous les remettre par écrit et espérons que vous y répondrez promptement. Merci beaucoup d'être venus après un si court préavis. Il s'agit d'une information très importante et très précieuse. Nous avons un certain nombre d'autres questions.

M. Whitelaw : Nous serons heureux de recevoir ces questions et nous y répondrons immédiatement parce qu'elles vous fourniront directement les réponses que vous recherchez.

Le président : Merci. Si le prochain groupe de témoins voulait s'approcher de la table. Nous allons suspendre les travaux pendant 30 secondes, pour vous permettre de vous retirer et permettre au prochain groupe de témoins de s'approcher. Nous allons leur permettre de commencer leur témoignage et ensuite nous allons ajourner. Nous demandons aux deux groupes de témoins de bien vouloir nous excuser. Nous sommes tenus de respecter le Règlement du Sénat. Nous devrons cesser nos activités dans huit minutes exactement pour permettre aux sénateurs de se rendre au Sénat à temps.

J'espère que cela ne vous cause pas trop d'inconvénients. Je sais que certains d'entre vous ne viennent pas de loin, mais que d'autres viennent de loin. Nous allons vous donner un préavis suffisant pour vous permettre de revenir pour que vous ayez l'occasion de donner votre témoignage en entier. Veuillez commencer.

M. Robert Sauvé, président, People Patterns Consulting, l'Institut Vanier de la famille : Je suis accompagné de M. Bob Glossop de l'Institut Vanier. Dans le rapport que nous avons publié il y a environ un an, « L'État actuel du budget de la famille canadienne », nous avions conclu qu'un nombre croissant de ménages vivaient au bord du gouffre et qu'il fallait intervenir rapidement, avant qu'il soit trop tard. Dans notre nouveau rapport publié la semaine dernière, dont nous espérons que vous avez une copie, nous maintenons les mêmes conclusions. Plus encore que l'année dernière, nous estimons que les ménages doivent modérer leurs dépenses, rembourser une partie de leur dette et se constituer une réserve plus importante en prévision d'un ralentissement éventuel de l'économie et d'une augmentation des taux d'intérêt. Sans vouloir être alarmistes, nous devons lancer un avertissement sans équivoque.

Le revenu disponible réel des ménages est demeuré autour de la barre des 54 000 $ en moyenne chacune des quatre dernières années. Sur le long terme, il a progressé de moins de 4 p. 100 depuis 1980, ce qui est vraiment très peu, alors qu'on enregistre par ailleurs un nombre record de ménages à deux revenus. Qui plus est, les inégalités se creusent : les familles fortunées gagnent du terrain aux dépens du reste de la population.

D'après les données du dernier recensement, on dénombre maintenant environ 1,5 million de personnes qui travaillent à temps plein toute l'année mais qui gagnent 20 000 $ ou moins par an avant impôt... Ce sont les gagne-petit du Canada. Les revenus d'emploi des 25-34 ans et des 35-44 ans sont restés stationnaires de 1980 au milieu des années 90. Les 45-54 ans aussi ont vu leurs revenus stagner, de la fin des années 80 au milieu des années 90.

Ces tendances ne sont pas seulement intéressantes sur le plan statistique : elles ont des répercussions importantes et mesurables sur le bien-être de plusieurs générations. Le taux de propriété a beaucoup progressé chez les 55 ans et plus, mais il a en revanche diminué dans tous les autres groupes d'âge plus jeunes. L'avoir net aussi a reculé dans tous les groupes d'âge sauf celui des 55 ans et plus entre 1984 et 1999.

Le taux de pauvreté a fait un bond chez les 25 ans et moins alors qu'il a chuté chez les 65 ans et plus. Il s'agit certainement d'un problème de génération. En ce qui concerne le taux d'épargne, il y a une vingtaine d'années, les ménages mettaient en général de côté environ 20 p. 100 de leur revenu disponible. Or, le taux d'épargne personnelle est tombé à zéro. Pis, dans la moitié des provinces, les ménages affichaient une épargne négative en 2003, le taux négatif le plus important étant celui de la Colombie-Britannique, moins 6 p. 100. De nos jours, beaucoup de gens vivent dans de belles grosses maisons, mais sont constamment à cours d'argent liquide. Et encore, tout le monde n'a pas cette « chance ». Actuellement, les ménages ont une dette moyenne d'environ 66 800 $. La dette totale des ménages représente 121 p. 100 des revenus disponibles contre 86 p. 100 en 1980.

Comme les taux d'intérêt sont au plus bas, la plupart des ménages, mais pas tous, réussissent à joindre les deux bouts. Dans notre rapport de 2003, nous avions estimé que si les taux d'intérêt remontaient de deux points de pourcentage seulement, les paiements de principal et d'intérêt sur la dette des ménages reviendraient au sommet de 1990, ce qui rapprocherait dangereusement beaucoup de ménages du gouffre. Environ 84 000 personnes ont déclaré faillite en 2004, ce qui est près du record établi en 1997 et bien loin des 21 000 faillites personnelles de 1980.

Ce sont les 25-44 ans qui risquent le plus la faillite : en 2003, on a dénombré 611 faillites pour 100 000 personnes âgées de 25 à 44 ans, soit plus du triple du taux enregistré en 1987. Ceux qui contestent la thèse voulant que les ménages se rapprochent dangereusement du gouffre invoquent deux arguments principaux. D'abord, il faut remarquer qu'en moyenne, les ménages réussissent à garder la tête hors de l'eau grâce aux taux d'intérêt, plus bas que jamais. Nous en convenons. Toutefois, rien ne dit que les choses vont en rester là.

Ensuite, ils affirment que le rapport de la dette à l'avoir propre des ménages s'est en fait un peu amélioré entre 1990 et 2004. C'est vrai aussi et nous en faisons état dans notre rapport de 2004. Ce redressement est attribuable en grande partie à la reprise des marchés boursiers et à la hausse des prix des maisons. La distribution des propriétaires de titres, directement ou indirectement, est très inégale, par rapport à la distribution de la propriété d'habitations. Le taux de propriétés d'habitations a reculé dans tous les groupes d'âge de moins de 55 ans. Les jeunes générations, et les moins jeunes, ont déjà du mal à acheter les maisons, très chères, des 55 ans et plus, ce qui ne s'arrangera pas quand les taux d'intérêt remonteront. Notre principale conclusion, c'est que l'endettement excessif des particuliers, des familles et des ménages est un problème bien réel qui ne fait que s'aggraver. Il est imputable à un déséquilibre croissant entre les revenus, les dépenses, l'épargne et l'endettement. C'est particulièrement vrai pour ceux qui se trouvent du côté défavorisé de chacun des piliers de la santé financière.

Le président : Il nous reste trois minutes. J'aimerais donner la parole à Mme Ross, si vous le permettez. Je vous demande de m'excuser pour mon intervention parce que votre témoignage est saisissant et important et nous donne une excellente explication pour comprendre ce qui se passe.

Madame Ross, si vous pouviez prendre la parole pendant quelques minutes. Il n'y aura pas de questions et nous allons vous convoquer de nouveau.

Mme Henrietta Ross, directrice exécutive, Ontario Association of Credit Counselling Services : Je serai heureuse de revenir et de parler davantage de cette question et de répondre à toutes vos questions. Je vous encourage à le faire.

Le président : Nous vous en sommes très reconnaissants.

Mme Ross : Au nom de l'Ontario Association of Credit Counselling Services, nous sommes heureux de l'occasion qui nous est donnée de comparaître devant vous. Notre association a été fondée il y a 35 ans, soit en 1970, et nous représentons 26 organismes professionnels sans but lucratif de conseillers en crédit. De ces organismes, 25 sont établis en Ontario et un dans la région de Terre-Neuve et du Labrador. Les organismes membres de l'association offrent des services confidentiels aux consommateurs, axés sur les notions élémentaires de gestion des finances personnelles, d'établissements de budget et d'utilisation du crédit et sur les programmes de remboursement des prêts. Ces organismes représentent environ 70 p. 100 des organismes conseillers en crédit sans but lucratif au Canada.

Les organismes membres de l'association ont établi leur crédibilité en offrant des évaluations financières réalistes et impartiales, et une gestion efficiente et efficace. Les observation de l'association prennent en considération le point de vue de ses membres qui travaillent en étroitement avec les consommateurs et qui voient directement l'incidence des coûts du crédit et de la capacité de payer. L'an dernier, nos organismes membres ont aidé près de 40 000 clients. Notre clientèle a augmenté d'environ 60 p. 100 depuis l'an 2000. La dette totale des nouveaux clients était évaluée à près de 600 millions de dollars en 2004, comparativement à juste un peu moins de 200 millions de dollars dix ans plus tôt. En 2004, la dette à la consommation, excluant la dette hypothécaire, par nouveaux cas s'est élevée en moyenne à 22 773 $. Le revenu familial moyen des clients desservis en 1995 était d'un peu plus de 26 000 $, comparativement à un plus de 30 000 $ dix ans plus tard. En une décennie, le revenu familial des clients a augmenté de 15 p. 100 seulement alors que l'endettement moyen s'est accru de près de 60 p. 100.

Nous appuyons les objectifs du projet de loi. Plus précisément, nous demandons respectueusement au Sénat d'envisager l'exemption du paiement d'intérêts en ce qui concerne les plans de remboursement de la dette au prorata qui sont administrés par nous. Lorsque nous avons un plan de remboursement de la dette au prorata, le fait que les créanciers cessent d'exiger le paiement d'intérêts est d'un grand secours et augmente sensiblement la viabilité du plan pour les consommateurs. L'exemption du paiement d'intérêts fait partie de la proposition de consommateurs que prévoit la Loi sur la faillite et l'insolvabilité; toutefois, cela n'est pas obligatoire dans le cas de nos clients et de nos programmes et nous voyons cela comme une incohérence que nous aimerions voir corrigée.

Le président : Merci de votre témoignage, madame Ross. La documentation écrite que vous nous avez fournie sera examinée très attentivement. Lorsque le comité reprendra ses travaux, après une courte période de temps pour obtenir les observations des provinces et des territoires, nous allons conclure les audiences. Peut-être pourrions-nous vous demander de comparaître de nouveau devant le comité à ce moment-là. Nous allons nous assurer que vous soyez haut placée sur la liste des témoins de manière que nous ayons amplement le temps d'entendre votre témoignage au complet, après quoi les sénateurs vous poseront des questions.

La séance est levée.


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