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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 6 - Témoignages du 10 février 2005


OTTAWA, le jeudi 10 février 2005

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 11 h 5 pour examiner, afin d'en faire rapport, les questions concernant les consommateurs dans le secteur des services financiers.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, je tiens à nouveau à souhaiter la bienvenue non seulement à nos témoins mais aussi aux Canadiens qui nous regardent d'un océan à l'autre sur la chaîne parlementaire et désormais sur le Worldwide Web. Aujourd'hui nous poursuivons l'examen des mécanismes de protection du consommateur dans le secteur des services financiers.

Nous sommes ravis de pouvoir accueillir un remarquable fonctionnaire canadien, M. Nick Le Pan, surintendant des institutions financières. M. Le Pan provient de l'une de nos plus éminentes familles de fonctionnaires. Son père, Douglas Le Pan, était un remarquable fonctionnaire. Nous sommes ravis qu'il ait suivi les traces de son père. Je connaissais très bien son père. Nous sommes ravis, monsieur Le Pan, de pouvoir profiter de vos connaissances, de votre savoir-faire et de vos gènes. Vous avez la parole.

M. Nick Le Pan, surintendant, Bureau du surintendant des institutions financières : Honorables sénateurs, on vous a distribué un document. Je n'ai pas l'intention de le parcourir en entier mais j'en soulignerai simplement quelques points qui sont pertinents dans le cadre de l'étude du comité sur les questions qui intéressent les consommateurs, après quoi nous pourrons passer aux questions.

Le Parlement a confié à mon bureau un mandat extrêmement important, c'est-à-dire la réglementation prudentielle — et j'insiste sur le terme prudentiel — des banques et des compagnies d'assurances réglementées par le gouvernement fédéral. Le terme prudentiel signifie que nous sommes chargés de promouvoir la sécurité et la solidité du secteur. Nous contribuons à renforcer et à assainir nos institutions financières et nos régimes de retraite réglementés de façon à protéger les déposants, les souscripteurs et les participants des régimes de retraite contre les pertes indues. Bien qu'il s'agisse d'un rôle en majeure partie préventif qui se déroule en coulisse, il est important pour les consommateurs. Nos enquêtes nous ont permis de constater que le public continue d'avoir une grande confiance, avec raison, dans la sécurité et la solidité de notre système financier.

Je dirai quelques mots à propos de ce que mon bureau, le BSIF ne fait pas. Nous ne sommes pas chargés de réglementer le comportement du marché, de surveiller, par exemple, les dispositions de diverses lois concernant les consommateurs. Le comité est d'ailleurs en train d'entendre le témoignage d'un certain nombre d'autres organisations importantes, fédérales et provinciales, qui s'occupent de réglementer le comportement du marché.

Récemment, nous avons mis davantage l'accent sur certaines questions connexes, comme la lutte contre le blanchiment d'argent, des mesures de contrôle du risque à la réputation et des risques opérationnels chez les institutions que nous réglementons et que nous surveillons. Ce dernier aspect est particulièrement important pour les consommateurs puisqu'il permet de réduire les possibilités de graves risques opérationnels. Il s'agit d'un aspect auquel les institutions financières et les instances de réglementation accordent, avec raison, plus de temps et d'attention. Nous avons un mandat clair mais exigeant et je suis heureux de dire que nous sommes en mesure de nous y consacrer.

Depuis 1996, aucune institution fédérale de dépôt au pays n'a fait faillite, et il en est de même dans le secteur de l'assurance. Nous n'avons pas connu le type de problèmes qui se sont produits dans d'autres pays et dont on a beaucoup parlé, et ce, malgré que nous ayons subi d'importantes baisses sur le marché des actifs, des problèmes dans le secteur des télécommunications et les problèmes bien connus de la faiblesse financière de l'industrie des assurances multirisques. Je crois que cette situation est en partie attribuable à la performance économique solide du Canada mais aussi en partie à la qualité du système de réglementation et des pratiques de gestion du risque en vigueur dans les institutions que nous réglementons et que nous supervisons.

Nous sommes tenus de rendre des comptes au Parlement par l'intermédiaire du ministre des Finances et, comme l'indique la documentation qui vous a été distribuée à l'avance, nous exerçons diverses activités afin d'évaluer comment nous nous acquittons de notre mandat législatif. Cela comprend des évaluations par des pairs organisées par le Fonds monétaire international, qui consistent à comparer divers aspects de nos activités à celles des instantes internationales de réglementation.

Nous avons commencé à mener des sondages anonymes à intervalles réguliers auprès d'observateurs compétents au sujet de nos activités afin de déterminer comment on perçoit nos activités. Nous sommes d'ailleurs en train d'afficher les résultats de ces sondages sur notre site Web. Par exemple, les résultats d'un sondage récent sur notre processus d'approbation sont affichés sur notre site Web. Notre rôle n'est pas de plaire à tous ceux avec qui nous traitons, parce que nous sommes une instance de réglementation, mais nous n'en pensons pas moins qu'il est important d'obtenir une évaluation indépendante de notre travail. Il arrive que non seulement ces évaluations indiquent que nous faisons du bon travail, mais elles permettent de déterminer également les secteurs où des améliorations pourraient être apportées. L'industrie des services financiers devient de plus en plus complexe et nous devons nous adapter en conséquence si nous voulons nous acquitter de notre mandat.

Chaque année, le Bureau du vérificateur général vérifie nos états financiers de même que les processus de contrôle qui s'y rattachent.

Le comité a consacré un peu de temps à de récents changements législatifs et j'aimerais en mentionner quelques-uns. Lorsque le projet de loi C-8 a été présenté, nous avons adapté notre processus d'approbation afin qu'il soit conforme à la politique gouvernementale visant à réduire les exigences concernant l'établissement de nouvelles banques. En plus des six demandes qui ont été approuvées jusqu'à présent, nous avons reçu une douzaine de déclarations d'intérêt, plus ou moins sérieuses. Je prévois qu'un certain nombre d'entre elles entraîneront la création de nouvelles banques à l'avenir. Je considère qu'en règle générale ces nouveaux arrivants ont été rentables et ont respecté leurs plans d'affaires initiaux.

De plus, les changements apportés aux lois et aux politiques du gouvernement ont entraîné des résultats positifs et permis aux banques étrangères d'ouvrir des succursales au Canada. Cela a permis d'élargir l'accès à certains types de fonds de gros, en particulier comme on s'y attendait à l'époque.

En ce qui concerne maintenant l'efficacité de la réglementation, je constate que le système de la réglementation prudentielle, d'une réglementation sûre et solide, représente un système en majeure partie national et harmonisé, par contraste au système de réglementation du comportement du marché en vigueur dans ce pays et par contraste au système de réglementation prudentielle qui existe dans d'autres pays. Cela représente un énorme avantage sur le plan de l'efficacité de la réglementation. L'efficacité de la réglementation est un élément indispensable de l'efficacité du secteur des services financiers, et cela revêt une énorme importance pour les consommateurs et pour l'économie.

D'importants progrès ont été réalisés au niveau fédéral grâce au projet de loi C-8 pour ce qui est d'améliorer l'efficacité de la réglementation. Il a permis entre autres de rationaliser le processus d'approbation auquel sont soumises les institutions financières de manière à réduire leurs coûts d'observation. Je considère en fait que l'on pourrait en faire plus à cet égard. Nous avons également pris des mesures pour modifier notre production de directives. Désormais, nous n'adopterons pas de nouvelles directives s'il existe des directives internationales que nous pouvons utiliser à la place.

Nous avons également pris des mesures en collaboration avec les provinces pour réduire les coûts d'observation pour l'industrie en ce qui concerne les données qu'elles doivent nous fournir. Certaines de ces initiatives, en ce qui concerne particulièrement l'industrie de l'assurance, ont permis de réduire de près de moitié les informations qu'une compagnie d'assurance doit fournir aux instances de réglementation fédérales et provinciales dans un système harmonisé. C'est le genre de mesures que nous devons continuer d'envisager afin de contrôler les coûts d'observation.

Je dirai maintenant quelques mots à propos des régimes de retraite, qui font partie de notre mandat et qui représentent environ 10 p. 100 des régimes de retraite privés qui sont réglementés par le gouvernement fédéral. Ces régimes sont extrêmement importants pour les Canadiens. Les régimes de retraite que nous réglementons comptent environ un demi-million de membres. Ces questions ont commencé à revêtir un peu plus d'importance pour nous à partir du milieu jusqu'à la fin des années 90. Notre mandat a été modifié afin qu'il mette l'accent sur la protection des participants et des bénéficiaires des régimes de retraite et donc sur la sécurité et la solidité de ces régimes. Dernièrement, nous avons intensifié nos efforts afin de déterminer les risques et d'intervenir là où cela est nécessaire. Un certain nombre de ces cas sont bien connus.

Le nombre de régimes de retraite qui se trouvent sur notre liste de surveillance est demeuré relativement stable au cours de l'année dernière. J'ai indiqué que la situation des régimes est acceptable mais fragile. La solvabilité des régimes dépend en majeure partie de l'avenir du marché des actifs et de l'évolution des taux d'intérêt à long terme. Les améliorations constatées au cours de l'année dernière sont encourageantes. Un certain nombre de nos régimes ont été améliorés et un grand nombre de promoteurs de régimes et de représentants des participants aux régimes ont intensifié leurs efforts pour donner suite aux problèmes de financement — en versant plus d'argent ou, lorsqu'il n'est pas possible de financer entièrement le régime, en se concertant pour déterminer comment restructurer le régime, souvent avec notre aide ou avec nos encouragements. Il faudra un certain temps avant d'assister à la diminution du nombre de régimes de retraite qui figurent sur notre liste de surveillance, mais il y a des progrès en ce sens.

En conclusion, il est important que les Canadiens puissent compter sur un organisme de réglementation prudentielle de grande qualité, même si la plupart de nos activités se déroulent en coulisse.

Je me ferai un plaisir de répondre à toute question que le comité voudra poser.

Le président : Je vous remercie de la pertinence de vos commentaires. Nous avons effectivement reçu la version complète de vos remarques.

Le sénateur Angus : Monsieur Le Pan, je crois que c'est la première fois que vous comparaissez devant nous depuis que vous êtes devenu surintendant.

M. Le Pan : C'est possible. Je n'en suis pas absolument sûr.

Le sénateur Angus : Félicitations. Nous sommes heureux de vous revoir.

Vous avez mentionné que vous consacrez plus de temps et d'attention aux questions qui se rattachent au blanchiment d'argent. Cette question semble beaucoup retenir l'attention du public et transcender de nombreux secteurs. Pourriez-vous nous indiquer dans quelle mesure il s'agit d'un problème grave, comme il se manifeste au Canada et, surtout, quelles en sont les répercussions sur le consommateur et quels sont les changements qui ont été apportés pour lutter contre ce phénomène.

M. Le Pan : Au fil des ans, la communauté internationale a reconnu qu'il fallait intensifier les efforts afin de combattre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. La communauté internationale s'est réunie, et le Canada y a activement participé, afin d'établir des directives à l'intention des institutions financières et d'autres intervenants du secteur des services financiers sur les pratiques à adopter pour reconnaître les transactions douteuses — connaître votre client, ce genre de choses. Les instances de réglementation comme mon bureau ont intensifié leurs efforts afin d'évaluer dans quelle mesure les institutions financières se conforment à ce genre d'exigences.

Parallèlement, d'autres intervenants comme le CANAFE au Canada ou des organisations équivalentes dans d'autres pays ont établi de nouvelles règles de surveillance des transactions douteuses afin de déterminer si ce type de transactions présente certaines tendances. Il s'agit d'une vaste initiative coordonnée, qui fait appel à la coopération internationale.

De notre côté, nous avons mis l'accent sur l'évaluation des programmes d'observation des institutions en matière de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme. Il s'agit plutôt d'une vérification du sommet à la base qui est une vérification fondée sur les transactions. D'autres organisations fédérales ont participé de plus près à cette initiative.

Nous avons constaté de façon générale que les méthodes adoptées par les principales institutions et d'autres institutions financières étaient bonnes, mais il existe parfois des lacunes et des secteurs où les institutions pourraient faire un meilleur travail. Lorsque nous déterminons l'existence de lacunes, notre rôle consiste à relancer les institutions et à nous assurer qu'elles établissent des plans adéquats et les mettent en œuvre pour apporter les améliorations qui s'imposent.

Le sénateur Angus : Ces règlements sont-ils établis en coopération avec d'autres pays, et particulièrement au Canada, est-ce qu'ils fonctionnent? Avez-vous constaté une diminution du blanchiment d'argent? Avez-vous découvert des situations ou des procédés scandaleux?

M. Le Pan : Pour avoir une idée complète de la situation, il serait sans doute préférable que vous discutiez également avec d'autres qui participent à la lutte contre le blanchiment d'argent.

Pour notre part, nous considérons que les institutions ont fait des progrès en adoptant des règles qui leur permettent de mieux connaître leurs clients et de détecter les transactions douteuses, et cela donne des résultats. Comme le commissaire de la GRC l'a indiqué lors de ses témoignages devant divers comités, il est difficile de connaître les activités de ce genre qui continuent d'exister. Comme on l'a constaté, il ne faut pas grand-chose pour financer des activités qui ont des conséquences tragiques.

Je ne crois pas que nous arriverons jamais à déclarer pleinement victoire. Il faut continuer à faire preuve d'une très grande vigilance. Nous sommes sur la bonne voie mais il faut un renforcement constant d'organisations comme la mienne, et c'est ce que nous faisons auprès des principales institutions.

Le sénateur Angus : Vous vous souviendrez qu'au moment où la loi a été examinée, en particulier par notre comité, on a parlé du caractère constitutionnel ou de l'opportunité d'appliquer ces lois au milieu juridique en raison du secret professionnel de l'avocat. Finalement, d'après ce que j'ai compris, les dispositions ne sont pas appliquées aux avocats. Est-ce que cela pose problème? J'ai lu un article quelque part récemment qui indiquait que cela entrave les efforts de réglementation.

M. Le Pan : Sénateur, je ne peux pas faire de commentaires à ce sujet. Selon notre mandat, je dois mettre l'accent sur les institutions que nous réglementons et nous supervisons, c'est-à-dire les banques, d'autres instances d'assurance- dépôts réglementées par le gouvernement fédéral et l'industrie de l'assurance. C'est donc ce sur quoi porte notre mandat.

D'autres ont un mandat complémentaire et je pense que vous devriez leur demander leur opinion à ce sujet. Je considère qu'il est important que nous fassions le bon travail que nous faisons dans le cadre du mandat qui nous a été confié.

Le sénateur Angus : Devrions-nous plutôt poser la question à la police, aux organismes du maintien de l'ordre, ce type de personnes?

M. Le Pan : Oui.

Le sénateur Harb : Je tiens à vous féliciter de votre nomination, monsieur Le Pan.

Dans le cadre de votre mandat, vous examinez si les institutions financières observent les dispositions législatives pertinentes. Vous examinez aussi les cas de problèmes financiers, vous en faites rapport et vous proposez des solutions particulières à ces problèmes.

En examinant le mandat et les objectifs de certains autres groupes qui ont comparu devant le comité, comme la SADC et d'autres organisations de consommateurs — et nous entendrons peut-être plus tard le témoignage du Bureau de la concurrence —, on ne peut pas s'empêcher de constater les nombreuses similarités qui existent en ce qui concerne vos objectifs et vos mandats. Supposons que nous ayons une situation de crise mettant en cause des institutions ou des organismes financiers que vous réglementez, et que des mesures immédiates s'imposent, qui interviendrait en premier? Est-ce que ce serait la SADC, l'un des organismes de protection des consommateurs, le surintendant des institutions financières, le Bureau de la concurrence ou la police? Existe-t-il une approche concertée qui vous permet de vous réunir et de décider qu'une situation relève de la compétence d'une instance, ou intervenez-vous tous ensemble pour régler le problème? J'ai en tête certains films américains où le FBI et la police arrivent sur les lieux d'un crime et se disputent la responsabilité de l'enquête.

Comme le comité est en train d'examiner un ensemble de mécanismes de protection du consommateur, avant que nous commencions à exercer des pressions sur les institutions financières mêmes, nous devons examiner nos institutions, à titre d'organisation, et décider si certains rajustements s'imposent de l'intérieur, afin que nous puissions adopter une approche concertée et décider des règles du jeu et des mécanismes à instaurer. Chaque fois qu'un cas fait intervenir une institution financière, nous devons savoir quels sont les éléments déclencheurs et les premières mesures à prendre.

Existe-t-il un mécanisme de ce genre? Dans la négative, croyez-vous que le comité devrait recommander que l'on instaure ce genre de mécanisme?

M. Le Pan : Je ne suis pas d'accord lorsque vous dites qu'il y a une absence de clarté, sauf une exception à laquelle je reviendrai dans un instant et où je crois qu'il y a problème. Par exemple, il est clair dans les lois et dans l'administration que mon bureau n'est pas chargé des dispositions de la Loi sur les banques relatives à la consommation en matière financière. Cette responsabilité relève de Bill Knight et de l'ACFC que vous avez entendue hier. Le cadre redditionnel et le mandat législatif établissent clairement cette distinction. Il est possible de coopérer pour réduire les coûts d'efficacité. Nous nous occupons d'une bonne partie de leurs fonctions administratives, et cetera, mais le mandat est clair.

En ce qui concerne le Bureau de la concurrence, il est clair que notre rôle est de veiller à la sécurité et à la solidité et que son rôle est de veiller à la concurrence. Lorsqu'il s'agit de transactions majeures, nous avons un rôle bien défini, et ils ont le leur. Nous nous sommes occupés tous deux d'un nombre de transactions importantes. Contrairement à ce que vous avez dit, il n'est jamais arrivé que plusieurs personnes arrivent sur les lieux et essaient de déterminer qui a la responsabilité.

Je ne crois pas que le Bureau de la concurrence considère qu'il a pour mandat de s'occuper de questions de sécurité et de stabilité. C'est mon travail. Je n'ai pas pour mandat d'évaluer les répercussions d'une transaction, d'une fusion ou de toute autre question qui touche la concurrence. Il s'agit de leur travail.

Comme je l'ai indiqué au sujet du blanchiment d'argent, notre rôle n'est pas de faire le travail des policiers. Notre rôle n'est pas de nous occuper des transactions. Notre rôle consiste à examiner, de haut en bas, les systèmes de conformité qui devraient être mis sur pied pour réduire le nombre de fois où il faut faire intervenir la police.

Nous avons des protocoles d'entente pour partager l'information avec, par exemple, le CANAFE.

Le président : Monsieur Le Pan, pourriez-vous expliquer le rôle du CANAFE? Il s'agit d'un nouvel organisme dans le secteur financier que peu de Canadiens connaissent, mais qu'ils devraient connaître.

M. Le Pan : Le CANAFE désigne le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada. Il s'agit d'une organisation semblable à celles qui existent dans d'autres pays et qui est chargée de recevoir de l'information d'institutions financières, de bureaux de change, etc. à propos de transactions douteuses; et de travailler en collaboration avec la police et les services du renseignement pour déterminer les transactions et les tendances possiblement suspectes.

Nous nous occupons des systèmes de conformité, et ils s'occupent des transactions. Ce sont des systèmes coopératifs.

Le président : À ce sujet, monsieur Le Pan, je crois que le consommateur canadien devrait comprendre que toutes les transactions de 10 000 $ ou plus, je crois, sont désormais surveillées à un endroit central pour déterminer l'existence de caractéristiques systémiques de blanchiment d'argent ou d'autres activités criminelles. Je ne crois pas que le public en soit conscient. Si les Canadiens font des transactions de plus de 10 000 $, leurs transactions sont suivies par cette organisation.

M. Le Pan : C'est exact, monsieur le président.

Permettez-moi de prendre quelques minutes pour vous parler du système prudentiel, sénateur Harb.

Contrairement à ce qui existe dans certains autres pays, nous avons depuis longtemps des responsabilités distinctes, mais il existe une coopération en cas de crise entre mon bureau, par exemple, et la Banque du Canada.

Il existe aux États-Unis d'Amérique un bureau semblable au mien et le Federal Reserve Board assure la surveillance. Il existe aussi la Federal Deposit Insurance Corporation et les instances de réglementation des États qui s'occupent de la réglementation en matière de sécurité et de fiabilité. Ce genre d'organismes n'existe pas ici au Canada.

La Banque du Canada, et la situation est la même dans d'autres pays, joue un rôle clé comme prêteur de dernier recours. Cependant, elle ne participe pas à la surveillance prudentielle, à l'évaluation des risques au sein des institutions, etc. Nous coopérons avec le ministère des Finances et la SADC en cas de crises en matière prudentielle. Cela fonctionne grâce à des mécanismes comme le Comité de surveillance des institutions financières qui est prévu par la loi. Il s'agit d'un mécanisme axé sur la coopération qui permet de régler les problèmes financiers avec les organisations conscientes de leurs mandats.

Enfin, le ministre a indiqué dans son dernier budget qu'il considérait qu'il y avait des problèmes de chevauchement et de double emploi entre la Société d'assurance-dépôts du Canada et mon bureau. Il voulait évaluer la possibilité d'y remédier. Il ne s'agit pas, par exemple, de quatre organisations qui arrivent ensemble sur les lieux, comme vous l'avez décrit, mais il croit qu'il pourrait être possible de réduire les frais de conformité qu'entraînent le chevauchement et le double emploi. Je partage ce point de vue et nous sommes en train d'y travailler, c'est-à-dire la Société d'assurance- dépôts du Canada, mon bureau et le ministère. Ce n'est pas le genre de situations que vous avez décrites où on ignore les responsabilités de cinq organisations différentes.

Le président : S'agit-il de lois qui font double emploi ou de pratiques qui font double emploi parmi les institutions qui ont un rôle général de surveillance? S'il y a conflit au niveau des lois, c'est un aspect qui nous intéresserait beaucoup d'examiner.

M. Le Pan : L'une des questions soulevées par l'industrie — et j'ignore si vous avez entendu des représentants de l'industrie, c'est que la Société d'assurance-dépôts du Canada, dans le cadre du mandat qui lui a été confié par la loi et qui consiste à promouvoir des pratiques financières et commerciales saines établit des normes en matière de pratiques financières et commerciales saines. Il s'agit en fait de règles. Le rôle de la SADC est d'établir des règles.

Notre rôle à nous aussi est d'établir des règles. Nous établissons des règles à l'intention de toutes les institutions que nous réglementons et que nous surveillons. Nous établissons des directives et il arrive qu'elles se chevauchent et fassent double emploi. Cela est attribuable en bonne partie aux mandats généraux et non au fait que deux organisations ne coopèrent pas.

De même, les deux organisations doivent officiellement approuver la création d'une nouvelle banque. Cela est prévu par la loi. Le ministre doit approuver les demandes de création de nouvelles banques sur notre recommandation, mais la SADC doit aussi donner son approbation, et cela est prévu par la loi. Certains doubles emplois résultent des lois.

Le président : Certains doubles emplois sont utiles et d'autres pas. C'est l'efficacité qui nous intéresse davantage. Je pense que la question du sénateur Harb visait à déterminer l'efficacité et la clarté des règlements.

Le sénateur Harb : Je n'avais pas l'intention de vous mettre sur la défensive. Si je regarde les fonctions que votre bureau, le Bureau de la concurrence et la SADC exécutent, on ne peut s'empêcher de constater qu'au moins 25 p. 100 de votre mandat, de même que celui du Bureau de la concurrence et de la SADC sont similaires. Ne croyez-vous pas qu'il serait bon que le gouvernement envisage peut-être de fusionner certaines de ces organisations en une seule et qu'une organisation exerce la surveillance dans différents ministères, ou peut-être de modifier les mandats afin qu'ils deviennent complémentaires, comme vous le proposez?

M. Le Pan : Je ne suis pas du même avis que vous en ce qui concerne l'étendue du chevauchement et du double emploi des mandats. Par exemple, en ce qui concerne notre mandat relativement à la conformité aux lois dont nous surveillons l'application — pas la Loi sur la concurrence mais la Loi sur les banques ou la Loi sur les sociétés d'assurance —, je ne crois pas que 25 p. 100 de nos mandats fassent double emploi comme le laisse entendre votre question. Mis à part le secteur de la Société d'assurance-dépôts du Canada où je considère que des mesures pratiques pourraient être prises pour réduire les coûts de conformité, je ne considère pas que la situation corresponde à celle que vous avez décrite.

On m'a demandé s'il ne devrait pas exister une super instance quelconque qui regrouperait un grand nombre de fonctions. D'autres pays ont opté pour cette solution. Elle présente des avantages et des inconvénients. Dans ma déclaration préliminaire, j'ai dit entre autres que le Bureau du surintendant des institutions financières bénéficie d'un mandat assez clair et précis en matière de sécurité et de fiabilité. Le fait que ce mandat législatif nous ait été confié par le Parlement au milieu des années 90 revêt une grande importance pour nous. Il nous a permis de cibler notre action tant à l'interne qu'à l'externe. Il nous a été d'une grande aide à cet égard.

Certains pays ont réagi différemment à cette question mais il ne fait aucun doute que mon prédécesseur et moi- même sommes heureux d'avoir un mandat qui met l'accent sur la sécurité et la fiabilité.

Le sénateur Harb : Vous faites un excellent travail.

M. Le Pan : Si je fais valoir l'importance de ce mandat précis, l'argument que je fais valoir à propos de l'existence d'un mandat précis est important parce qu'il déterminera s'il vaut la peine d'étoffer ce mandat.

Le sénateur Massicotte : Si une institution financière connaît des difficultés, vous ne vous occupez pas de la liquidation subséquente de la banque en question. Est-ce exact?

M. Le Pan : Généralement, nous ne nous occupons pas de la liquidation. Nous nous occupons de cerner le problème. Nous participons à la résolution du problème jusqu'au moment de la liquidation. Normalement, il nous appartiendrait de faire une demande auprès du procureur général s'il fallait procéder à la liquidation, mais il ne nous incombe pas, et il ne faudrait pas que ce soit le cas, de décider si l'argent provenant du Fonds d'assurance-dépôts devrait être utilisé pour régler un problème. Cette décision relève de la Société d'assurance-dépôts du Canada, comme il se doit.

[Français]

Le sénateur Massicotte : On entend beaucoup parler dans les journaux de l'utilisation des produits dérivés et des fonds spéculatifs dans nos banques canadiennes. Quelle est votre position en tant que responsable de la sécurité des institutions financières? Comment s'assurer que le risque est acceptable au sens de la politique publique?

M. Le Pan : Je voudrais souligner que les transactions comme celles-là et les produits dérivés sont très utiles en gestion du risque. On a vu beaucoup de cas où les institutions financières ont utilisé les produits dérivés pour améliorer leur gestion de risque. C'est très important quant à moi. Depuis quelques années, on a vu une croissance assez importante des montants et complexités des « structure products », les produits dérivés, les autres « structure products ». Le plus important pour une institution financière est l'équilibre entre les risques pris et la capacité de les mesurer et de les gérer. Si c'est équilibré, plus le produit est complexe, plus élevé sera le niveau de capacité à mesurer et à gérer ces risques. Si l'équilibre est déficient, nous devons agir soit en augmentant le risque ou en augmentant la capacité de gérer ces risques.

Le sénateur Massicotte : Je suis d'accord avec la théorie parce que c'est le but de l'instrument. Lorsqu'on lit certains articles publiés par la Réserve fédérale des États-Unis, on s'aperçoit qu'on ne saisit pas bien la complexité et peut-être que les institutions canadiennes en subiront les contrecoups.

M. Le Pan : Quant à moi, la chose la plus importante est d'essayer de maintenir un équilibre. Si nous croyons qu'il y a un manque d'équilibre entre le risque et la capacité de l'évaluer, c'est à nous d'agir.

Je crois que généralement le risque est bien géré, mais il y a de temps en temps des surprises. Est-ce qu'une surprise pourrait être telle pour une de ces grandes institutions financières qu'elle pourrait causer la faillite? Je crois que non. Ce n'est pas une question de gestion du risque à long terme. Cette année, nous allons nous pencher davantage sur le sujet.

Nous avons analysé les pratiques des grandes banques, il y a deux ou trois ans, dans le but d'examiner leur processus d'évaluation du risque de leurs investissements dans les fonds spéculatifs. Nous étions satisfaits des résultats de l'analyse il y a quelques années, mais il faut maintenant la refaire. Il s'agit d'une priorité pour l'année qui vient.

Le sénateur Massicotte : Lorsqu'on regarde les études actuarielles sur les fonds de pension, quantité de prévisions sont faites quant aux taux de croissance des placements ou aux mesures de l'inflation, par exemple. Selon l'hypothèse que l'on adopte, suivant les tests existants, tel celui sur la liquidation entre autres, n'y aurait-il pas lieu de déterminer des critères qui assureraient la crédibilité du rapport? Certaines personnes prétendent qu'au départ les actuaires sont en conflit d'intérêts. Certains rapports vieux de cinq ans nous démontrent aujourd'hui que leurs prévisions étaient exagérées.

M. Le Pan : Cette situation me préoccupe beaucoup. J'ai fait un discours au congrès annuel des actuaires, qui s'est tenu à Montréal, il y a quelques mois, sur la gestion des fonds de pension et la part de responsabilité des actuaires.

[Traduction]

Le président : Monsieur Le Pan, pourriez-vous nous envoyer ce document? Il serait utile d'avoir cette documentation.

M. Le Pan : Avec plaisir.

[Français]

M. Le Pan : Dans ma présentation, j'ai dit que nous devions augmenter nos recherches dans le domaine des fonds de pension. Nous avons multiplié nos efforts quant à la vérification de ces rapports. J'ai demandé aux sociétés d'actuaires de créer un processus de révision. Notre bureau a mis de l'avant cette révision pour les sociétés d'assurance-vie. Il est essentiel d'avoir un processus de révision indépendant. Il existe des critères actuellement, mais ils sont très flexibles.

Le sénateur Massicotte : Que pensez-vous des fonds de pension de Radio-Canada, de l'Université d'Ottawa et de la SCHL? Selon leurs calculs, des surplus étaient prévus, et c'est d'après cette base qu'ils ont réparti les fonds à leurs employés, ce qui a entraîné, comme on le sait maintenant, un déficit important. Cela ressemble à de la mauvaise gestion ou, à tout le moins, à une vision optimiste de l'avenir.

M. Le Pan : On a connu de telles situations. Lorsqu'on a eu des problèmes avec les régimes de fonds de pension du gouvernement fédéral — de petits cas ici et là —, on se demandait toujours quelle était la part de responsabilité des actuaires.

[Traduction]

Il y a un processus de discipline auquel nous renvoyons les actuaires lorsque nous pensons qu'il y a un problème.

[Français]

Il faut également parler de la responsabilité des gestionnaires.

[Traduction]

Il y a également une question de gouvernance.

[Français]

Toutefois, c'est la responsabilité de l'actuaire de bien expliquer les projections qu'il a faites suite à ses analyses. On voit une importante amélioration quant à la gestion des fonds de pension fédéraux. Il faut poursuivre dans la même voie.

[Traduction]

Le sénateur Meighen : Vous avez parlé directement et indirectement de la démarche axée sur le risque du BSIF. Est- ce que cette démarche est utilisée uniquement au Canada ou s'en sert-on ailleurs dans le monde?

Pouvez-vous nous donner plus de détails sur votre façon de vérifier la conformité des institutions au processus de gouvernance afin que les gens puissent comprendre ce que vous faites et de quelle manière vous signalez rapidement les faiblesses?

M. Le Pan : En réponse à votre première question, notre démarche est essentiellement semblable à celle des principaux organismes de réglementation dans les autres grands pays comme les États-Unis et le Royaume-Uni. C'est une démarche axée sur le risque et l'utilisation du travail d'un autre vérificateur. Axé sur le risque veut dire que nous prenons du recul par rapport à toute information sur laquelle nous pouvons mettre la main, provenant soit des institutions ou découlant des analyses que nous faisons, pour évaluer les secteurs à risques élevés, ceux où il pourrait y avoir un déséquilibre dans les contrôles. Les questions liées au marché financier sont des exemples classiques. Nous examinons ces questions régulièrement. Tous les ans, nous examinons quelque chose.

Notre tâche consiste à évaluer où il pourrait y avoir des problèmes. C'est là qu'on utilise le travail d'autres vérificateurs. Nous ne refaisons pas, et à mon avis nous ne devrions pas le faire, ce qui a déjà été fait par des systèmes de contrôle internes, des vérificateurs internes, des vérificateurs externes et les systèmes de gouvernance, y compris le conseil d'administration de ces institutions. Nous faisons confiance, mais nous vérifions.

Cela m'amène à votre deuxième question : Comment vérifions-nous? Nous choisissons une institution. Pour une grande institution, nous divisions ses activités en 20 ou 25 secteurs. Notre cadre est public et disponible sur notre site Web. Nous le communiquons régulièrement à toutes les institutions. Dans ce cadre, nous choisissons certaines activités en fonction d'un cycle quelconque et nous faisons un examen en profondeur. La profondeur de notre examen dépendra de ce que nous trouvons. Pour cet examen, par exemple, sur des transactions sur instruments dérivés, nous faisons intervenir une expertise générale ainsi qu'une expertise spécialisée. Nous avons des employés et nous pouvons au besoin retenir les services de personnes de l'extérieur. Nous examinons les politiques et les procédures et nous déterminons si elles sont bien communiquées; par exemple, quelle information le conseil d'administration a reçue sur la tolérance des risques de cette entreprise et quels mécanismes sont en place pour signaler les écarts.

Le président : Pourriez-vous expliquer, à l'intention de notre auditoire, ce que veut dire « la signalisation des écarts »? C'est un concept important. Certains d'entre nous le connaissent déjà, mais nous essayons de rester accessibles et d'expliquer les choses en utilisant des termes qui ne sont pas techniques.

M. Le Pan : Les institutions fixent des limites aux risques qu'elles sont prêtes à prendre. Ces limites sont-elles respectées? La plupart de ces institutions s'attendent normalement à ce que les limites fixées pour certains secteurs d'activités soient respectées, mais comme il est parfois judicieux de dépasser ces limites, elles ont également en place un processus pour être informées lorsque ces limites sont dépassées. À l'occasion, nous découvrons que les limites de certaines activités ont été dépassées sans que personne ne soit au courant. Voilà un cas où on ne peut pas se fier entièrement au système de contrôle puisque le système de contrôle aurait dû signaler ce dépassement.

C'est en faisant ce genre d'analyses ciblées que nous pouvons déterminer l'efficacité du système de contrôle des risques. Si nous constatons des faiblesses par rapport aux lignes directrices internationales et par rapport à nos propres lignes directrices, nous en informons l'institution. Si les faiblesses sont très graves, nous pouvons exercer divers pouvoirs qui nous sont conférés par la loi, mais c'est très rare que cela soit nécessaire.

Le sénateur Meighen : Quel est le pouvoir le plus extraordinaire que vous confère la loi?

M. Le Pan : En vertu de la loi, nous pouvons obliger une institution à modifier ses pratiques. C'est une ordonnance exécutoire. Nous avons rarement recours à cette mesure, quoiqu'il y ait eu quelques cas qui ont été rendus publics. Par exemple, nous avons été obligés d'intervenir de cette manière dans une affaire de pension dont on a beaucoup parlé. Nous avons même le pouvoir de prendre le contrôle de l'institution en cas de difficultés financières graves. Nous avons d'autres pouvoirs, comme celui d'infliger des amendes aux institutions.

Voilà un aperçu général de notre façon de travailler. Elle est semblable à celle de la Federal Reserve Board et du Office of the Comptroller of the Currency aux États-Unis ou de la Financial Services Authority au Royaume-Uni.

Le sénateur Meighen : Certains diront qu'il est même meilleur. Votre bilan est très positif et nous sommes relativement chanceux dans ce pays, sauf peut-être en ce qui concerne la réglementation des valeurs mobilières. Mais ça, c'est une autre histoire.

J'aimerais vous interroger au sujet des régimes de pension et de la vérification que vous avez mentionnée dans votre exposé. Dans quelle mesure est-ce que vous coopérez avec les organismes de réglementation provinciaux qui sont chargés de surveiller les régimes de pension privés?

M. Le Pan : Nous coopérons effectivement avec les organismes de réglementation provinciaux. Comme je le disais, en vertu de la réglementation, nous sommes chargés d'environ 90 p. 100 des régimes.

Il y a un manque d'harmonisation sur plusieurs points entre les lois fédérales et provinciales, mais il y a des différences qui s'expliquent facilement entre les provinces et les territoires en raison des différences dans leur politique en matière de pension.

Nous coopérons au sein de l'Association canadienne des organismes de contrôle des régimes de retraite, un groupe composé de tous les organismes de réglementation fédéral et provinciaux. Nous avons essayé d'agir de manière concertée. Nous sommes notamment en train d'amplifier les lignes directrices pour les régimes de pensions et la gouvernance des régimes. Nous avons travaillé à cela avec les provinces il y a environ trois ou quatre ans. Nous croyons, comme je le disais au sénateur Massicotte, qu'on pourrait apporter d'autres améliorations, pas nécessairement pour les grands régimes, mais pour certains des petits et moyens régimes que les groupes ont parfois de la difficulté à comprendre. En suivant les conseils des provinces, nous sommes en train d'élaborer un questionnaire d'autoévaluation pour aider les régimes à s'améliorer. Nous coopérons dans des dossiers de ce genre.

Il y a également un réseau d'accords, car certains régimes, mais pas tous, sont des régimes de pensions d'employeurs auxquels s'applique la réglementation fédérale et provinciale. Nous avons des accords de supervision réciproques pour ce genre de régime.

Je sais aussi que le secteur s'inquiète du coût de conformité aux différentes lois et réglementations en matière de pension, ce qui est tout à fait naturel, étant donné la situation dans notre pays.

Le sénateur Meighen : Si je comprends bien, l'harmonisation est en constante évolution.

M. Le Pan : C'est exact. Ce que nous disions au sujet d'autres questions d'harmonisation s'applique ici également.

Le sénateur Kelleher : Dans votre exposé, vous parliez des répercussions de certaines modifications législatives récentes et notamment du projet de loi C-8. Nous avons examiné ce projet de loi dans ce comité. Mais nous avions espéré qu'il permettrait d'ouvrir, ne serait-ce que légèrement, ce soi-disant secteur tertiaire ainsi que le secteur dans lequel fonctionnent les banques étrangères.

Vous avez maintenant pu voir ce que donne l'application de cette loi. Il y a une chose qui m'inquiète, c'est que le nombre d'institutions financières étrangères semble diminuer au lieu d'augmenter. Je ne veux pas vous engager dans un débat là-dessus. Une augmentation du nombre de banques étrangères serait une bonne chose pour la concurrence. Il serait préférable que nos sociétés puissent acquérir d'autres secteurs financiers. Toutefois, je m'inquiète de cette tendance. Avez-vous des observations à faire à ce sujet?

M. Le Pan : Premièrement, en ce qui concerne les institutions financières canadiennes, je ne sais pas ce que prévoyaient les parlementaires, les fonctionnaires ou la collectivité quant au nombre de nouvelles institutions qui seraient attirées ici, etc.

Nous avons traité avec la demi-douzaine environ qui sont déjà ici et nous avons observé les opérations d'un certain nombre d'entre elles au cours de plusieurs années et nous avons constaté que le projet de loi C-8 a fait une différence.

Je ne peux pas faire de commentaires sur l'aspect politique et vous dire si je pense que cette mesure est suffisante. C'est une bonne question. D'autres qui sont chargés du cadre général seraient mieux placés pour répondre à cette question. C'est une question de jugement que doivent exercer différents décideurs, y compris les parlementaires.

Dans plusieurs cas, cela a permis aux institutions qui étaient assujetties à de multiples règlements de devenir des banques à charte fédérale et d'être assujetties à une seule réglementation, ce qui est très important pour leur efficacité et leur capacité de fournir des services sur d'autres marchés. Nous avons vu des institutions créées comme banques à l'origine pour servir certains types de marché et qui réussissent à réaliser leurs plans d'entreprise, ce qui indique qu'il y a eu une certaine mesure de succès.

Pour ce qui est des banques étrangères, la loi a été modifiée afin de permettre à celles qui acceptent des dépôts en gros — puisque cela concerne essentiellement le marché du gros — de rehausser leur présence dans ce marché. Je pense qu'il ne suffit pas de parler du nombre de ces banques. Certaines se sont retirées, d'autres sont arrivées. Il faut plutôt s'intéresser au montant total du financement. Je sais que, dans certains cas, comme prévu, les banques qui ont pu ouvrir des succursales au Canada peuvent utiliser les ressources financières de la société mère pour appuyer leurs activités de prêts au Canada. Dans certains cas, cela a permis à des banques étrangères d'accroître considérablement leur participation dans les opérations de financement de gros.

Encore une fois, est-ce assez? Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. Je peux vous dire ce que nous avons constaté. D'autres seraient mieux placés pour examiner la situation de l'ensemble du marché et, si vous vouliez approfondir cette question, vous pourriez inviter d'autres témoins, notamment des représentants d'autres organismes fédéraux comme la Banque du Canada et le ministère des Finances. Vous voudrez peut-être leur demander si ces mesures sont suffisantes pour ces marchés ou s'il conviendrait de faire autre chose. La réglementation fait partie de cette question.

En outre, les modifications à la fiscalité sont importantes. Les règles relatives aux retenues d'impôt à la source ont été modifiées afin de permettre à ces institutions de participer plus facilement au financement de projet et aux prêts aux entreprises de taille moyenne. Il ne s'agit pas simplement de prêts aux grandes entreprises. Dans une large mesure, il s'agit de prêts aux moyennes entreprises. Il y a eu des améliorations visibles, mais je ne suis pas en mesure de répondre à votre question et de vous dire si c'est suffisant ou s'il faudrait en faire davantage.

Le président : J'aimerais vous poser plusieurs questions, dont l'une qui découle de notre discussion ce matin. Je suis d'accord pour dire que votre mandat consiste essentiellement à surveiller les institutions à charte fédérale et les régimes de pension. Comme vous le dites, votre affaire, c'est la sécurité et la solvabilité. Cela me plaît. À mon avis, c'est la meilleure façon de protéger le consommateur. Si les institutions financières sont sûres et solvables, nos pensions et nos dépôts seront protégés.

Ce matin, j'ai lu avec intérêt un rapport de Craig Alexander, économiste en chef adjoint de la Banque TD rendu public hier. Je n'ai pas reçu le rapport et je vais donc vous citer le Globe and Mail de ce matin. Dans l'article, on cite M. Alexander ainsi :

La faiblesse soutenue des taux d'intérêt a considérablement accru les liquidités dans le monde et peut devoir inciter les intervenants du marché financier à trop emprunter et à se diversifier insuffisamment, ce qui les rend vulnérables face à une forte augmentation imprévue des taux d'intérêt... En effet, les intervenants du marché financier considèrent maintenant que les taux d'intérêt en vigueur sont à un niveau normal, ce qui pourrait les amener à minimiser l'importance du risque associé à certaines de leurs stratégies d'investissement.

L'article se poursuit ainsi :

En outre, ils ont recours à divers instruments, comme les instruments dérivés et la réassurance pour transférer le risque à un plus grand nombre d'intervenants dans les marchés financiers...

L'auteur de l'article cite de nouveau M. Alexander qui aurait dit :

« ... et dans de nombreux cas ce sont les institutions les mieux placées pour gérer le risque qui s'en trouvent soulagées. »

Essentiellement, il conclut que le risque d'une crise dans le secteur financier est inférieur à 10 p. 100. Que pensez- vous de ces conclusions et quel est le rapport avec votre mandat?

M. Le Pan : Je ne sais pas, car je n'ai pas vu cet article, et ce n'est pas clair s'il parle de la situation en générale ou des institutions financières canadiennes. Je dis cela car l'une des questions qui intéressent les organismes de réglementation chargés de veiller à la sécurité et à la solvabilité des institutions financières, comme mon bureau et mes homologues dans d'autres pays, c'est justement la question du transfert du risque mentionné dans cet article au moyen d'instruments dérivés, etc. Je crois que le transfert du risque, bien géré, a beaucoup aidé le système financier à résister aux coups durs. C'est vrai pour les institutions financières canadiennes et pour les institutions financières dans le monde en général.

L'essentiel est que ces instruments soient bien utilisés et bien compris. Il y a plusieurs années, nous avons pris part à des discussions internationales parce que les organismes de réglementation du secteur financier et bancaire s'étaient rendu compte qu'une large part du risque de crédit avait été transférée hors du système bancaire au moyen de dérivés de crédit et de la diversification du système financier. Il s'agissait de déterminer où était allé le risque. Un certain nombre d'organismes de réglementation ont dit que c'était peut-être les compagnies d'assurance qui l'avaient assumé et ils se sont demandé si les compagnies d'assurance comprenaient bien les risques qu'elles prenaient en acceptant ces produits. Lorsque nous avons examiné les compagnies d'assurance canadiennes, nous avons constaté qu'elles n'avaient pas acquis beaucoup de risques de crédit du secteur bancaire et que leurs pratiques de gestion du risque dans les secteurs où elles avaient acquis des risques étaient très bonnes. Par conséquent, nous ne pensions pas qu'il y avait là un problème. Je ne saurais vous dire si c'est le cas ailleurs dans le monde. Nous savons qu'il peut y avoir des changements brusques, que ce soit dans les taux d'intérêt ou le prix des éléments d'actifs. Le prix de certains actifs a causé des problèmes. Certaines dichotomies ont causé des problèmes pour les institutions.

Notre souci à l'égard des institutions canadiennes est le suivant : est-ce qu'elles comprennent bien les risques auxquels elles s'exposent? Les institutions canadiennes ne sont pas très présentes sur le marché des instruments dérivés. Les institutions canadiennes ne prennent pas beaucoup de risques. Leurs fonds spéculatifs comportent certains risques. La question est de savoir si elles gèrent bien ce risque.

Il est en outre important de reconnaître qu'il y aura toujours des pertes lorsqu'il se passe quelque chose sur les marchés financiers ou dans l'économie. Les institutions financières que je réglemente prennent des risques puisque c'est dans la nature même de leurs activités et cela veut dire qu'elles enregistrent parfois des pertes. Voici la question : quelle est l'importance de ces pertes par rapport à la capacité des institutions? C'est la question que je me pose du point de vue de la sécurité et de la solvabilité. Nous avons un système bancaire et d'assurance qui est solidement doté de capitaux permanents et qui a de bonnes réserves pour couvrir les pertes éventuelles. Ça joue un rôle immense dans notre évaluation des risques de notre système financier. Nous tenons compte de cela dans notre méthodologie d'évaluation des risques du système financier.

Un certain nombre de questions soulevées dans cet article pourrait créer des problèmes. Les gens doivent être vigilants, y compris les responsables de la réglementation comme moi, et ne pas devenir trop confiants. Nous ne devons pas être trop confiants et les gestionnaires du risque des institutions financières ne doivent pas devenir trop confiants eux non plus. Cependant, nous ne devons pas réagir de manière exagérée.

Le président : Je vais vous poser une dernière question à laquelle vous n'êtes pas obligé de répondre à moins de pouvoir le faire rapidement. Vous croyez avoir les pouvoirs nécessaires pour atteindre l'objectif qu'on vous a fixé, qui est d'assurer la sécurité et la solvabilité de nos institutions financières, mais si vous aviez des recommandations à nous faire en ce qui concerne la loi ou la réglementation, cela nous intéresserait. Nous savons bien que vous êtes fonctionnaire et que vous évitez à faire des recommandations. Mais nous vous le demandons parce que nous avons des responsabilités en matière de surveillance et des responsabilités sur le plan législatif. C'est nous qui vous le demandons, pas vos autres maîtres. Nous pourrions mettre à profit vos conseils, puisque vous avez indiqué des préoccupations au sujet de règlements contradictoires, de l'application inefficace des règlements et de l'harmonisation. Nous aimerions recevoir plus de détails. Pouvez-vous faire cela pour nous par écrit?

M. Le Pan : Je le ferai avec plaisir. Rapidement, aux fins du compte rendu, je crois avoir tous les pouvoirs nécessaires pour remplir mon mandat.

Le président : Merci.

Le sénateur Massicotte : Vous avez souligné l'importance de la prudence dans votre travail. Lors de la dernière réforme de la réglementation bancaire, nous voulions encourager la création de petites banques afin d'assurer plus de concurrence, mais cela ne s'est pas produit. Certains diront que le fait qu'il n'y a pas eu de faillite veut dire que vous faites bien votre travail, mais cela veut dire qu'il n'y a pas assez de concurrence. Dans un secteur purement capitaliste, il faut que certaines banques assument plus de risques pour rester concurrentielles et fournir de meilleurs services, ce qui était, dans une certaine mesure, l'objet de la loi. Qui n'a pas fait son travail? Pourquoi est-ce qu'il n'y a pas eu de faillite?

M. Le Pan : Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu de problèmes. Dans notre rapport annuel, il y a de l'information globale sur un certain nombre d'institutions qui figurent sur notre liste d'institutions à problème. Comme je le disais tout à l'heure — et c'est un important élément de sécurité et de solvabilité —, nous avons bénéficié d'excellentes conditions macro-économiques. Avant 1996 il y a eu de graves problèmes qui ont causé la faillite d'institutions financières et nous avions un régime de réglementation inférieur à celui que nous avons aujourd'hui, mais en même temps les conditions financières et économiques étaient bien moins bonnes pour l'économie, les consommateurs et les institutions financières. Ces conditions ne se sont pas reproduites encore. Ma tâche est d'intervenir rapidement pour régler les problèmes lorsqu'il y en a de manière à réduire le plus possible les pertes des détenteurs de polices.

Il y a eu des faillites, notamment de compagnies d'assurance étrangères qui avaient des problèmes dans d'autres pays. Nous avons agi — et nous en parlons dans notre rapport annuel — de manière à protéger les Canadiens.

Je ne dis pas qu'il faudrait qu'il n'y ait jamais de faillites. Le mandat que nous a confié le Parlement reconnaît clairement que des institutions peuvent faire faillite, précisément pour les raisons que vous avez mentionnées. C'est dans l'ordre des choses.

Le sénateur Angus : Dans votre déclaration préliminaire, vous avez indiqué que les compagnies d'assurance générale font partie des institutions que vous surveillez. Récemment, celles-ci ont suscité beaucoup d'attention chez nos voisins du Sud; particulièrement de la part du procureur général de New York. On a dit qu'elles manquaient de transparence et que les consommateurs ne pouvaient savoir exactement ce qu'ils payaient ni combien ils payaient, etc. On a aussi parlé de commissions sur les bénéfices, etc. Est-ce que cela vous inquiète; est-ce un problème pour les consommateurs canadiens?

M. Le Pan : Cela ne fait pas partie de notre mandat.

Le sénateur Angus : Cela fait partie de ce que vous appelez les activités du marché.

M. Le Pan : Cela concerne le comportement du marché. Cela ne fait pas partie de notre mandat. Nous n'avons aucun pouvoir à cet égard. Cependant, d'une manière générale, j'ai appuyé les efforts des organismes provinciaux de réglementation de l'assurance qui demandaient une plus grande divulgation.

Nous participons également au Conseil canadien des responsables de la réglementation d'assurance avec nos homologues provinciaux et nous veillons à ce que certains de nos employés connaissent le secteur ainsi que les renseignements auxquels ils peuvent avoir accès pour la préparation de questionnaires sur les pratiques de divulgation, etc. C'est ce que nous devrions faire. Ils ont donné l'exemple, mais nous étions là pour les aider au Conseil canadien des responsables de la réglementation d'assurance. Je pense que les initiatives visant une plus grande divulgation dans ce secteur sont une bonne chose.

Le président : Nous aimerions recevoir d'autres commentaires par écrit sur les modifications à la loi qui pourraient rehausser l'efficacité de votre organisme.

Nous vous remercions beaucoup de votre témoignage. C'était intéressant et utile.

Notre dernier témoin ce matin sera Mme Sheridan Scott.

Le sénateur Kelleher : Si vous me permettez de faire une observation, et je ne voudrais pas que vous vous sentiez personnellement visé, mais de plus en plus souvent je reçois les mémoires de nos témoins lorsqu'ils sont sur le point de comparaître. Je ne lis pas rapidement. Pourrions-nous faire en sorte que nos témoins nous envoient leurs notes avant leur comparution?

Le président : Ce serait utile. Normalement, nous recevons des renseignements complets sur les organismes qui vont comparaître avant la date de leur comparution, mais nous pourrions peut-être demander aux témoins de nous envoyer leur mémoire d'avance, mais nous ne pouvons pas les obliger à le faire.

Vous avez raison de soulever la question. Le personnel vous a entendu et je leur demanderai de suivre vos conseils.

Madame Scott, à vous la parole.

[Français]

Mme Sheridan Scott, commissaire de la concurrence, Bureau de la concurrence : Je vous remercie, honorables sénateurs. Je suis accompagnée aujourd'hui par Gaston Jorré, sous-commissaire principal de la concurrence, Direction générale des fusions, et par Sally Southey, notre commissaire adjointe, Direction générale des communications, qui est également responsable de notre programme de sensibilisation auprès des consommateurs.

Nous sommes heureux de pouvoir participer à votre étude sur la question des consommateurs et la surveillance de l'industrie dans le secteur des services financiers.

En qualité d'organisme indépendant d'application de la loi, le Bureau de la concurrence s'emploie à veiller à ce que tous les Canadiens et Canadiennes bénéficient des avantages de la concurrence, à savoir des prix concurrentiels, un choix de produits et des services de qualité.

Le Bureau s'occupe de l'application et de l'administration de la Loi sur la concurrence, élément vital de la législation économique qui touche presque tous les secteurs de l'économie canadienne. Nous ne sommes pas une agence de protection du consommateur, mais deux volets de notre travail revêtent un intérêt, à mon avis, pour l'étude que vous avez entreprise.

[Traduction]

Je vais décrire brièvement comment le Bureau examine les projets de fusion dans le secteur des services financiers. J'expliquerai ensuite son rôle à l'égard des indications fausses ou trompeuses ainsi que des pratiques commerciales déloyales. Ces deux domaines, qui relèvent de notre compétence, peuvent toucher les consommatrices et les consommateurs dans le secteur des services financiers.

Voyons d'abord la question de l'examen des projets de fusion. Le commissaire de la concurrence peut examiner les projets de fusion dans tous les secteurs de l'économie, mais les fusions importantes dans le secteur des services financiers sont un peu plus particulières. Il importe de se rendre compte que le Bureau met en application le même cadre d'analyse lorsqu'il se penche sur une fusion de banques que si cette transaction concerne un autre secteur. Il évalue si la fusion entraînerait un empêchement ou une diminution sensible de la concurrence. Autrement dit, il évalue si la fusion créerait, accroîtrait ou maintiendrait un pouvoir de marché.

La question sur laquelle nous avons tendance à nous concentrer est celle de savoir si l'entité qui résulterait de la fusion aurait la capacité de hausser les prix. Cependant, nous nous arrêtons aussi aux aspects de la concurrence qui sont étrangers aux prix, comme celui de la réduction de la qualité ou du service.

Dans l'examen des projets de fusion de banques, en 1998, nous avons scruté l'impact de tous les services bancaires sur la concurrence, et nous avons déterminé qu'une analyse détaillée s'imposait pour trois principaux secteurs d'activités dans lesquels oeuvraient ces institutions : les services de succursales bancaires aux particuliers et aux entreprises, les cartes de crédit et les valeurs mobilières. Les autres secteurs de l'activité bancaire ne suscitaient aucune préoccupation sur le plan de la concurrence et n'ont donc pas fait l'objet d'un examen détaillé.

Si le Bureau conclut qu'une fusion peut entraîner un empêchement ou une diminution sensible de la concurrence, nous nous employons à trouver une mesure corrective avec les parties. S'il n'y en a pas, les parties abandonnent alors la transaction ou s'exposent à des poursuites devant le Tribunal de la concurrence.

Dans le cas des fusions bancaires, il y a toutefois une exception et c'est au ministre des Finances de prendre la décision finale lorsqu'il a certifié que ses actions sont dans l'intérêt supérieur du système bancaire du Canada.

En 2001, dans le cadre du projet de loi C-8, le ministère des Finances a publié des lignes directrices énonçant les responsabilités distinctes des divers intervenants pour l'examen des projets de fusion de grandes banques.

Les lignes directrices se trouvent dans mon texte, monsieur le président. Je vais sauter les détails qui énoncent les rôles et les responsabilités de chacun.

Le président : Il est important que nos téléspectateurs comprennent la division des pouvoirs et des responsabilités alors je vous demanderais d'y consacrer quelques moments.

Mme Scott : Je vais lire la liste que j'ai tirée de l'annexe au projet de loi C-8 déposé en 2001.

Le président : Nous essaierons de les faire figurer dans un tableau dans notre rapport, mais il serait plus utile que vous nous les présentiez maintenant.

Mme Scott : Le Bureau de la concurrence et le Bureau du surintendant des institutions financières remettent des rapports indépendants au ministre. Le Comité permanent des finances de la Chambre des communes et le Comité sénatorial permanent des banques présentent leurs rapports au ministre des Finances.

Le président : Ce n'est pas tout à fait juste. Nous présentons notre rapport au Sénat.

Mme Scott : Nous en avions parlé au Bureau. C'est pourtant ce que disent les lignes directrices.

Le président : Je m'excuse. Le sénateur Angus me dit que non seulement nous déposons un rapport au Sénat mais que dans ce cas particulier, il est vrai que nous présentons également notre rapport au ministre des Finances. Nous déposons notre rapport deux fois.

Mme Scott : Nous essayons d'être très prudents car il est important de comprendre l'indépendance des deux rôles.

Le président : Nous présentons notre rapport aux deux.

Mme Scott : Le ministre des Finances rend une décision à savoir si les questions d'intérêt public, les questions prudentielles et les préoccupations sur le plan de la concurrence soulevées par la transaction peuvent être réglées. Dans la négative, le projet de transaction est rejeté et le processus prend fin. Dans l'affirmative, le processus d'examen des projets de fusion passe à l'étape de la négociation de mesures correctives. Le Bureau de la concurrence négocie les mesures correctives en matière de concurrence avec les banques. De son côté, le BSIF négocie les mesures correctives en matière prudentielle. À la suite de la négociation fructueuse des recours, le ministre des Finances approuve la transaction selon des modalités qui tiennent compte de ces mesures.

Ce sont donc là nos responsabilités distinctes.

Le cadre analytique de l'examen des projets de transaction dans ce secteur n'a pas changé depuis 1998, année où le Bureau a examiné deux projets de fusion bancaire. Nous continuerons de le mettre en application à toute transaction future. L'issue pourrait bien être différente, vu la conjoncture changeante du marché, mais le cadre demeurera le même.

[Français]

Le second point dont j'aimerais vous entretenir concerne notre compétence en matière d'indications fausses ou trompeuses, qui touche les consommateurs et le secteur des services financiers de diverses manières. Cette compétence repose sur le fait que les consommateurs doivent avoir confiance dans le marché, ce qui est essentiel au bon fonctionnement de l'économie.

Comme les autres entreprises, les institutions financières ne peuvent faire de publicité fausse ou trompeuse. Le Bureau étudie minutieusement toutes les plaintes reçues à cet égard. Cependant, la grande majorité de celles qui concernent les services financiers ne visent pas les grandes institutions comme les banques. Elles concernent généralement divers types d'indications frauduleuses destinées à amener les consommateurs à donner de l'argent dans l'espoir d'obtenir des prêts, la protection contre les fausses cartes de crédit, la sollicitation de renseignements financiers personnels, et cetera.

[Traduction]

Au fil des ans, le Bureau a été témoin de diverses arnaques de ce type affectant les institutions financières. Dans ce domaine, les poursuites sont très onéreuses et, souvent, ne sont pas le meilleur moyen de mettre en application la loi. Parfois, les initiatives de sensibilisation du public et les autres moyens d'encourager la conformité coûtent moins cher et sont souvent plus efficaces. Au Bureau, cette façon de recourir à divers instruments s'appelle le Continuum d'observation de la loi. L'éducation des consommateurs est un volet vital de ce processus.

Le Forum sur la prévention de la fraude est un exemple des moyens que le Bureau emploie pour sensibiliser le consommateur et promouvoir la confiance dans le marché. En qualité de présidente du Forum, c'est avec un vif plaisir que je me suis jointe à nos partenaires pour faire de février le Mois de sensibilisation à la fraude au Canada. Notre objectif est d'informer les Canadiennes et les Canadiens des dangers de la fraude et de les mettre en garde.

Ce mois-ci, plus de 45 organismes des secteurs public et privé, dont l'ensemble des grandes institutions financières, participent de diverses manières, en distribuant plus de 30 millions de dépliants, en diffusant des messages publicitaires d'intérêt public, en achetant des annonces dans les journaux et en affichant des bannières électroniques, tout cela dans le but d'informer sur la fraude et de la prévenir.

Des millions de consommateurs canadiens apprennent comment se prémunir contre la fraude grâce à cette campagne, qui dure tout le mois.

Outre son travail en matière de prévention de la fraude, le Bureau établit des partenariats directement avec des organismes de consommateurs afin de nouer un dialogue ouvert et constructif sur les questions qui entourent la consommation, dont elles touchent les services financiers. En décembre 2004, nous avons tenu une réunion inaugurale avec des représentants d'associations de consommateurs et de divers autres groupes. Dans le cadre de cette réunion, le Bureau a exposé à grands traits ses travaux, son mandat et les avantages que cela représente pour les consommatrices et les consommateurs. Il a également exploré les moyens de renforcer les liens entre ces groupes.

[Français]

Le Bureau a, en outre, besoin de comprendre les changements qui ont lieu dans le milieu des affaires s'il veut faire un travail efficace. La technologie, la mondialisation et la déréglementation ont modifié de nombreux modèles d'affaires, et nous devons être au fait des tous derniers progrès. Aussi avons-nous constitué diverses équipes dans différents secteurs, dont celui des services financiers. La création de ces équipes sectorielles et la tenue de journées propres à chaque secteur permettront d'assurer que le Bureau est au courant et demeure aux aguets des nouveautés et des préoccupations dans les divers secteurs.

Les journées sectorielles comporteront la tenue d'une série de rencontres entre les dirigeants de l'industrie et le personnel du Bureau, afin que nous puissions prendre connaissance de l'évolution du milieu des affaires. La première de ces journées sectorielles aura lieu le 14 mai 2005, à Ottawa, et portera sur le secteur des services financiers, plus particulièrement les assurances.

[Traduction]

Monsieur le président, avant de conclure mon exposé, j'aimerais profiter de l'occasion pour faire le point, à l'intention des membres du comité, sur les consultations que nous avons entreprises relativement à la question des gains en efficience en vertu de la loi. Certains d'entre vous se rappellent peut-être que, lors de ma comparution devant vous au printemps 2004 au sujet du projet de loi d'initiative parlementaire C-249, vous aviez manifesté le désir de mieux comprendre la question des gains en efficience dans le contexte industriel et économique plus vaste du Canada.

Étant donné que le projet de loi C-249 est mort au Feuilleton, le Bureau de la concurrence a amorcé un vaste processus de consultation qui comporte trois volets : premièrement, un document de consultation intitulé « Le traitement des gains en efficience dans la Loi sur la concurrence », qui a fourni matière à discussion avec un vaste éventail d'intervenants qui ont été invités à exposer leurs opinions à la fois dans des mémoires et dans le cadre de tables rondes; deuxièmement, la tenue, en octobre 2004, d'une table ronde internationale à laquelle ont pris part des représentants d'un bon nombre d'autres pays; et, troisièmement, un groupe consultatif d'experts chevronnés du milieu des affaires et du commerce international.

Cela vous intéressera peut-être d'apprendre que, dans le cadre de ce processus de consultation, nous avons reçu un mémoire dans lequel l'institution financière RBC Groupe financier souligne l'importance de tenir compte des gains en efficience dans le contexte des projets de fusion bancaire.

Le sénateur Angus : Au sujet de la négociation des mesures correctives, qui a été la première question d'importance que vous avez abordée, lorsqu'il s'agit de négocier ce qu'il est convenu d'appeler les mesures correctives pour la concurrence dans une situation particulière, telle qu'une fusion proposée, pouvez-vous me donner des exemples pratiques de la façon dont ces négociations se déroulent afin que nous ayons une idée du fonctionnement?

Mme Scott : Bien sûr. Il y a une mesure corrective principale que nous envisagerions dans le contexte des transactions bancaires. Il s'agit de la cession de certaines succursales qui seraient acquises dans le contexte d'une fusion. Nous rencontrerions les parties et leur présenterions notre analyse des divers marchés. Comme je le précisais au début de mes observations, nous segmentons les divers marchés de produits. Nous les segmentons géographiquement aussi. Dans une région géographique donnée, nous examinerions une partie du marché des cartes de crédit. Le meilleur exemple à donner est celui des succursales. Nous pourrions dire, par exemple : « Nous pensons que la concentration est trop élevée. Il y a possibilité que vous ayez un pouvoir de marché tel qu'il vous permettrait d'augmenter les prix. Vous devez accepter de céder un certain nombre de ces succursales. » Elles seraient alors vendues à un autre concurrent. Ce sont des mesures correctives de ce genre que, typiquement, nous négocions.

Le sénateur Angus : Avant de demander à l'une des parties de céder certains éléments ou de prendre certaines mesures en ce sens, envisageriez-vous d'autres sources d'approvisionnement, si vous me permettez de m'exprimer ainsi, telles que des activités bancaires de type moderne, celles qui ne nécessitent pas la présence d'une succursale? Votre bureau examine-t-il ces possibilités et a-t-il une bonne connaissance du marché?

Mme Scott : C'est exactement ce que nous examinerions lors de notre analyse initiale du marché. Nous verrions quel produit concurrent est actuellement disponible dans le marché visé. Dans le cadre d'une projection sur deux ans, nous ferions une analyse pour voir quels types d'opérations bancaires vont prendre forme selon nous et voir si cela permettrait d'exercer une discipline à l'endroit des prix.

En fait, la question des transactions bancaires électroniques s'est posée dans le contexte des précédentes fusions bancaires. Au cours des discussions, nous nous sommes demandé s'il y avait une présence marquée des banques électroniques sur le marché. À l'époque, l'évaluation que nous avions faite nous portait à croire qu'il n'y aurait pas une présence suffisante pour qu'elles servent à discipliner les prix.

Nous ne savons pas si nous recevrons d'autres demandes de fusion de banques ni quand nous les recevrons. Toutefois, nous examinerions certainement cet aspect des choses en étudiant le marché des produits, à savoir s'il existe d'autres fournisseurs de services. Cela est essentiel pour notre analyse sur la concurrence. Cela nous permet de savoir s'il y a une concurrence suffisante dans le marché des produits visés. Une fois que nous décidons que la concurrence est insuffisante — autrement dit, que la puissance de marché obtenu permettrait une augmentation de prix — nous rencontrons les parties et nous négocions des mesures correctives telles que les cessions.

Le sénateur Angus : Passons à un autre sujet duquel vous dites vous occuper. Il s'agit de la publicité mensongère ou trompeuse, de la fraude et des pratiques déloyales. Dans notre étude en cours, comme vous l'avez peut-être constaté, nous soulevons la question des sociétés de prêt sur salaire. Il semble qu'il y en ait près d'un millier qui ont vu le jour au Canada. Nous avons entendu beaucoup de choses à leur endroit, pour la plupart défavorables, exception faite des opinions exprimées par leur propre association.

Dans quelle mesure votre mandat conserve-t-il ces entreprises? Je ne veux pas vous lancer dans une discussion sur une question où vous n'êtes pas intéressée.

Mme Scott : Ces sociétés sont essentiellement réglementées par les provinces.

Le sénateur Angus : Elles ne sont pas réglementées du tout.

Mme Scott : Elles sont assujetties à la compétence provinciale, c'est ainsi que je devrais m'exprimer. Advenant qu'il y ait publicité mensongère ou trompeuse relativement à des questions matérielles, nous pourrions être appelés à nous pencher là-dessus, mais je ne suis au courant d'aucune plainte qui nous ait été adressée relativement à cette question précise.

Le sénateur Angus : On nous dit que si ces sociétés se sont multipliées, c'est parce que les banques avec lesquelles vous négociez parfois n'acceptent pas d'accorder des prêts semblables à ceux que ces sociétés accordent, même si les banques sont censées permettre à tous les Canadiens d'avoir accès à un compte en banque et à tous les services connexes qui accompagnent un compte en banque.

Pourriez-vous négocier avec les banques l'instauration de marges de crédit de 200 $ ou d'autorisation de découvert à certains types de clients? Vous avez certainement le pouvoir de les encourager à se délester de certaines succursales et ainsi de suite.

Mme Scott : Les mesures correctives que nous proposons visent à empêcher qu'il y ait érosion marquée de la concurrence. C'est uniquement en fonction de ce principe que nous pouvons négocier ce type de mesures correctives dans le contexte d'une fusion de banques. Je ne suis pas sûre de savoir jusqu'où nous pourrions aller dans le sens que vous évoquez.

Cela dit, je voudrais dire quelques mots au sujet de notre réaction à ce type de situation. Une chose qui, selon nous, est absolument essentielle pour le bon fonctionnement d'un marché, c'est l'exactitude de l'information fournie aux consommateurs. Je crois que certains des autres témoins qui ont comparu devant vous ont signalé que plus on fournit aux consommateurs de renseignements sur la disponibilité des comptes bancaires, plus ils comprennent qu'ils ont la possibilité d'ouvrir un compte bancaire et d'accéder à du financement à un meilleur taux. En ce qui nous concerne, c'est une bonne chose, et nous appuyons toute initiative tendant à mieux informer les consommateurs.

Le sénateur Angus : En dernier lieu, je voudrais aborder la question du projet de loi C-49. Je crois que nous avons été nombreux à ne pas éprouver de regret de le voir mourir au Feuilleton.

Le système est-il gravement lacunaire maintenant parce que ces dispositions n'ont pas été adoptées?

Mme Scott : Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous avons suivi vos conseils et nous avons constaté que le public a répondu au document de discussion que nous avons publié. Il s'agit d'un document de discussion élaboré où nous présentons l'historique de la défense axée sur l'efficience et de la loi. Nous y présentons un certain nombre d'options envisageables, y compris le statu quo.

Nous avons reçu un certain nombre de commentaires sur ce document. Comme je l'ai dit, nous avons eu la table ronde internationale et nous avons tenu des tables rondes à Vancouver, Toronto et Montréal. Ces discussions ont attiré beaucoup de personnes intéressées et, chose intéressante, nous avons eu un nombre varié d'intervenants qui ont présenté leurs propres perspectives, de sorte qu'il y a eu un débat assez vif lors de ces tables rondes.

Nous avons maintenant constitué un groupe de travail et nous en sommes à l'étape finale de la définition de son mandat. Nous annoncerons ce mandat sous peu ainsi que la composition du groupe. Le groupe essaiera de nous fournir une perspective plus vaste sur les conditions économiques et commerciales générales et de voir comment ces conditions sont liées à la gestion des efficiences en vertu de la loi.

Le sénateur Angus : Pour en revenir à ma question, trouvez-vous que, malgré l'absence des dispositions du projet de loi C-249, la législation actuelle ne souffre pas de lacunes? Réussissons-nous à bien nous débrouiller sans ce projet de loi, compte tenu de ce que vous avez fait?

Mme Scott : Nous n'avons pas encore vu de partie présenter une réclamation pour perte d'efficience axée sur certains des éléments de ce projet de loi. Il est toujours difficile de savoir quelles sont les parties qui ne se sont pas manifestées.

La défense axée sur les efficiences est compliquée, du fait des diverses pondérations nécessaires, pondérations qui exigent que des preuves assez pointues soient déposées. Nous ne savons donc pas si cela tente à décourager les parties qui voudraient se manifester.

Je voulais parler un peu des modifications survenues dans le secteur. Si nous avons commencé à organiser une série de journées portant sur le secteur, c'est, entre autres choses, en raison de la question que vous avez évoquée. Il est important que le Bureau reste constamment au courant de l'évolution du secteur. Il est important que nous comprenions la signification des changements causés par la mondialisation et l'accélération de l'évolution technologique. Ces changements ne sont pas seulement rapides, ils accélèrent une évolution qui modifie de fond en comble de nombreux modèles de fonctionnement. La déréglementation est également un facteur important. Ce sont là trois forces très importantes dans le fonctionnement de notre économie.

Beaucoup de renseignements que nous obtenons sur les divers secteurs sont recueillis dans un contexte d'antagonisme, d'examen de fusions, de prise en compte des dispositions sur la domination abusive, et nous avons pensé qu'il serait plus instructif d'amener divers intervenants et dirigeants d'entreprises à nous parler de leurs entreprises afin que nous puissions comprendre comment, de leur point de vue, ils trouvent que ces forces influent sur leurs entreprises. Nous n'avons pas à être d'accord avec tout ce qu'ils nous disent, mais cela va nous permettre de comprendre comment, selon eux, les modifications auxquelles vous faisiez allusion, telles que les transactions bancaires par Internet, vont se répercuter sur eux.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir accepté notre invitation à comparaître devant notre comité. Vos propos sont toujours très intéressants et nous apportent beaucoup.

En examinant le règlement et le processus que vous utilisez pour déterminer s'il existe plus ou moins de compétition suite à une fusion, on remarque que l'analyse se fait toujours par rapport au prix du produit comme tel, en comparant les produits de qualité similaire. Sans être économiste, je constate, à la lumière de ces propositions et des commentaires de certains experts, que le processus est quand même très subjectif et compliqué. On ne s'entend pas toujours pour dire que l'analyse mène irrémédiablement aux mêmes conclusions. La démarche est-elle vraiment aussi subjective et peu déterminante?

Mme Scott : Je céderai la parole à mon collègue, qui pourra vous répondre plus en détail. Auparavant, je dirai que nous employons un cadre d'analyse qui est très similaire à celui employé par les Américains et les Européens. Cette façon d'analyser la situation est très connue dans le monde des économistes et spécialistes des fusions. Nous profitons de toute l'expérience des employés du Bureau et des agences situés dans d'autres pays pour déterminer l'approche et guider notre analyse des marchés. Le processus peut sembler compliqué. Toutefois, les experts dans le domaine ont beaucoup d'expérience et sont très compétents pour effectuer ce genre d'analyse. Est-ce que tous s'entendent sur les conclusions? Comme toute chose dans la vie, il est difficile d'obtenir un consensus unanime. Cependant, en général, les gens sont d'accord sur les éléments de base supportant l'analyse des fusions.

Le sénateur Massicotte : Suite à une analyse, vous en arrivez à certaines conclusions. Faites-vous un post mortem de ces conclusions, trois ou cinq ans plus tard, afin de confirmer la validité du scénario et la fonctionnalité du modèle auquel vous êtes arrivé?

Mme Scott : Nous avons discuté de cette question la dernière fois que j'ai comparu devant votre comité. Ce genre d'analyse m'intéresse beaucoup. Nous disposons de pouvoirs limités dans ce domaine. Toutefois, j'ai demandé que l'on produise deux analyses de ce type. La difficulté avec une analyse post mortem est qu'il faut se baser uniquement sur des données publiques. Il est fréquent que ce genre d'analyse nécessite des détails plus confidentiels des compagnies qui font l'objet d'une ordonnance du tribunal ou d'un accord avec le Bureau de la concurrence.

Bien que nos pouvoirs soient limités, nous tentons tout de même de faire ce genre d'analyse. J'ai demandé que l'on produise deux études de ce type et nous attendons toujours les résultats.

Le sénateur Massicotte : Permettez-moi deux commentaires en ce qui a trait aux règlements établis en 2001 sur les fusions des banques canadiennes. Je sais que vous n'avez pas rédigé ces règlements. Toutefois, les banques ont donné suite à ce règlement. Le processus est tellement compliqué que vous n'en voulez pas. Par conséquent, il n'existe aucune application pour les principales banques canadiennes qui se sont fusionnés depuis 2001.

D'autre part, en 1998 vous avez réalisé une analyse sur deux fusions. En réponse à une question qui vous a été posée tout à l'heure, vous avez indiqué que vous continuez de temps à autres à faire des analyses du secteur. Quel est le portrait aujourd'hui de la compétitivité parmi les banques canadiennes? La scène est-elle très active ou adéquate? Est- on satisfait?

Mme Scott : Vous avez posé plusieurs questions. Tout d'abord, on ne fait pas d'analyse sur une base régulière. D'une part, les ressources ne nous le permettent pas, et d'autre part cela dépasse le cadre de notre mandat. Notre mandat est plutôt limité à la question des fusions. Nous tentons plutôt de suivre les secteurs. Nous avons des journées sectorielles qui nous aident à les suivre, mais nous ne faisons pas d'étude.

[Traduction]

Le président : Le sénateur Massicotte n'a-t-il pas soulevé une question plus profonde? Il dit que lorsque l'on examine la grille, on constate que votre mandat, c'est la concurrence, autrement dit, d'augmenter la concurrence, d'assurer que la concurrence soit juste et équitable et de protéger la concurrence. Le sénateur Massicotte ne soulève-t-il pas une question plus profonde, à savoir que s'il existe toute une série d'obstacles dus à la réglementation, cela protège en fait tous ceux qui préfèrent ne pas avoir à livrer concurrence?

Mme Scott : Je ne suis pas certaine de comprendre ce que sont ces obstacles. Pour ce qui est des banques, j'ai cru comprendre que vous disiez que les banques trouvaient que l'analyse était trop difficile et les empêchait de présenter des demandes de fusion.

Le sénateur Massicotte : Depuis 2001, la presse nous dit que les banques doivent se présenter devant le Bureau de la concurrence, le BSIF, le Comité des finances de la Chambre des communes, le Comité des banques du Sénat et ensuite, de nouveau, devant le ministre. La presse nous dit que les entreprises ne veulent pas se plier à cela. En fait, aucune fusion ne s'est réalisée. Des projets de fusion assez évolués sont morts. Quel message cela exprime-t-il, et est-ce un bon message?

Mme Scott : Cela ne fait pas partie de notre mandat.

Le sénateur Massicotte : Cela fait-il obstacle à la concurrence?

Mme Scott : Nous ne pouvons voir l'état de la concurrence que lorsque la demande est présentée. Je ne peux pas vous dire s'il y a moins de concurrence parce que, selon ce que vous dites, des entreprises qui pourraient vouloir fusionner dans certaines circonstances ne se manifestent pas. Nous avons constaté une croissance de la concurrence grâce aux modifications apportées par le projet de loi C-8. Un certain nombre de témoins ont d'ailleurs corroboré cela. Il est difficile de dire si cela correspond à ce à quoi on pourrait s'attendre ou si c'est moins que ce à quoi on pourrait s'attendre. Depuis que le projet de loi C-8 a été adopté, il y a eu une augmentation du nombre de joueurs sur le terrain.

[Français]

Le sénateur Plamondon : J'aurais deux questions. La première porte sur les fusions et la concentration que cela implique; la deuxième porte sur la publicité. Avant d'être nommée au Sénat, je dirigeais un groupe de consommateurs. Tout le monde craignait que la fusion des banques n'empêche d'avoir une saine compétition. On n'a pas encore eu la fusion des banques, mais il y a eu fermeture de succursales, que le projet de loi C-8 a encadrée, mais n'a pas empêchée, même si cela a permis aux gens de s'exprimer sur ces fermetures.

Après la fermeture d'une succursale, on a aussi vu la fermeture du guichet automatique qui la remplaçait. Il fallait rentabiliser le guichet qui remplaçait la succursale. Ma crainte est que, avec les fusions, on se retrouve avec encore moins de services.

Le sénateur Angus a fait allusion à la disparition des services bancaires avec des petits prêts. Je pense que cela peut être lié au fait qu'il n'y a pas de points de service qui soient près du consommateur. Et ce qui a remplacé les points de service, ce sont les prêteurs sur salaire, qui sont facilement accessibles dans toutes sortes d'immeubles alentours et qui font leur propre loi — excepté au Québec.

Comment avez-vous réagi? Vous êtes là pour assurer la concurrence, mais quand l'absence de concurrence équivaut à l'absence de services, avez-vous des pouvoirs pour agir?

Mme Scott : Je devrais peut-être clarifier le mandat de notre bureau, car monsieur le président a dit, lui aussi, que notre responsabilité était d'assurer la concurrence. En fait, ce n'est pas le mandat du Bureau de la concurrence. Notre mandant concerne plutôt la mise en application de la Loi sur la concurrence. Nos pouvoirs sont limités aux questions de fusions. Nous faisons des tests pour dire si une fusion va mener à amoindrir la concurrence. Il ne s'agit donc pas d'assurer un niveau de concurrence.

Le sénateur Plamondon : Non, mais de prévoir l'absence de services.

Mme Scott : On refuse la fusion si on croit qu'il y aura diminution de la concurrence.

Le sénateur Plamondon : Parlons de fusion; est-ce que cela comprend aussi les acquisitions?

Mme Scott : Oui.

Le sénateur Plamondon : Si cela comprends les acquisitions, c'est parce que, parfois, une institution financière pouvait faire l'acquisition de quelques succursales, c'était autorisé; dans de tels cas, est-ce que vous voyez les conséquences en termes d'absence de services ou d'une diminution de services pour les consommateurs?

Mme Scott : Notre analyse se fait d'abord sur les prix, ensuite sur les questions de qualité et de choix. Il est difficile de prévoir toutes les possibilités, mais nous essayons de le faire. C'est plus facile pour ce qui est des prix, mais nous nous penchons également sur la question des deux autres éléments, le choix et la qualité.

Le sénateur Plamondon : Nous interrogions un précédent témoin au sujet des compagnies de finances qui offrent des services d'assurance. C'est un marché captif, il n'y a pas de concurrence dans ce cas parce que l'assurance qui est proposée au consommateur est l'assurance que l'entreprise lui propose et non une autre. Il n'y a pas un choix des assurances.

Mme Scott : Cela dépend des assurances.

Le sénateur Plamondon : C'est un marché captif.

Mme Scott : Nous avons reçu une plainte il y a quelques mois; nous avons fait une étude sur différents marchés d'assurances; cela dépend des marchés d'assurances.

Le sénateur Plamondon : Ma deuxième question concerne la publicité. Pour avoir été à l'écoute des consommateurs pendant 40 ans, j'ai pu observer que, souvent, une plainte contre une grosse compagnie va entraîner une enquête et donner des résultats, mais pour une plainte contre une petite compagnie, à cause des coûts qu'implique la poursuite — dans le langage des fonctionnaires, cela s'appelle « ouvrir un dossier » — il n'y a pas de poursuite.

Après un certain nombre d'années, je me demande comment il se fait qu'on peut poursuivre une grosse compagnie, car cela va donner lieu à une amende qui va servir d'exemple et inspirer le respect, mais on ne poursuit pas les petites compagnies, qui s'en tirent à bon compte. Elles se font juste « ouvrir un dossier » et reçoivent une lettre de réprimande. Est-ce que vous enquêtez sur toutes les plaintes?

Mme Scott : Nous n'avons pas les ressources. Nous recevons 60 000 plaintes, c'est là notre difficulté. Souvent, quand on choisit, on choisit une compagnie qui pourrait servir d'exemple.

Nous proposons des modifications pour ajouter des amendes assez sérieuses pour décourager les compagnies. Comme cela il y aurait des implications beaucoup plus sérieuses si on décidait de poursuivre ces gens. C'est une sorte de contrôle sur leur comportement aussi. Nous ne sommes pas contre la possibilité de poursuivre les petites entreprises non plus.

Le sénateur Plamondon : Mais vous n'avez pas de budget, donc vous ouvrez un dossier.

Mme Scott : On essaie de communiquer avec les compagnies; on fait parfois des visites. On essaye de mettre en place un programme pour qu'elles se conforment à la loi.

Le sénateur Plamondon : Qu'est-ce qu'il faudrait pour que vous puissiez servir tous les consommateurs qui portent plainte auprès de vous?

Mme Scott : Je parlais de la représentation du continuum que nous employons, souvent cela peut être l'éducation des consommateurs, cela peut être des programmes pour respecter la loi, cela peut être le litige. Pour faire des poursuites contre tous les gens au pays, il faudrait des millions voire des milliards de dollars, franchement.

[Traduction]

Le sénateur Angus : Cela donne un nouveau sens à l'expression anglaise « scot-free ».

Mme Scott : La difficulté, c'est que si 60 000 plaintes nous étaient adressées, il nous faudrait disposer de fonds inépuisables pour poursuivre ces entreprises.

Nous essayons d'établir un juste équilibre en poursuivant certaines entreprises, afin que l'on comprenne mieux la loi et qu'elle soit claire pour tous. Ensuite, nous faisons l'éducation des consommateurs et des entreprises. Nous rendons visite aux entreprises, ce qui constitue une façon moins coûteuse de faire les choses. Nous pouvons aller les voir et leur expliquer les problèmes. Comme pour tous les autres organismes gouvernementaux, il nous est impossible d'intenter une poursuite pour chaque violation de la loi.

Le président : Je sais que l'on peut trouver les statistiques dans votre rapport annuel, mais ils nous seraient utiles d'avoir celles qui portent sur les activités de votre bureau, c'est-à-dire le nombre de plaintes que vous traitez et leur nature. Vous avez peut-être un tableau qui montre si elles augmentent ou diminuent. Je crois que cela est au cœur de la question du sénateur Plamondon, et cela est lié au fait que nous ne sommes pas ici pour faire adopter des lois vides de sens. Nous sommes ici pour adopter des lois que l'on peut appliquer. Si les lois sont vides de sens, nous devons les modifier.

Mme Scott : Ce ne sont pas tellement les lois qui sont en cause. C'est plutôt une question de ressources, de budget.

Le président : Une loi non appliquée est une loi vide de sens ou inefficace.

Mme Scott : Nous tâchons de choisir les cas de recours à des sanctions afin que cela serve d'exemple et ait un effet dissuasif. Comme je le disais plus tôt, on étudie actuellement une proposition de loi qui permettrait deux choses importantes. Elle prévoirait, pour la première fois, des amendes et des sanctions pour ce que l'on appelle des « dispositions de domination abusive » dans la loi, ce qui accroîtrait l'effet de dissuasion et permettrait de dédommager les consommateurs fraudés.

Le président : Vous pourriez peut-être nous fournir tout votre plan d'application de la loi, y compris le nombre de plaintes et de problèmes, et nous analyserons cela en même temps que nous tiendrons compte des coûts dont vous avez fait état. Dans ce comité-ci, nous ne croyons pas aux lois vides ou inefficaces. Je suis sûr que je viens de susciter toute une série de questions.

Le sénateur Meighen : Vous avez parlé de 60 000 plaintes. Ces plaintes ont-elles été produites en preuve, ou les gens se sont-ils simplement contenté d'écrire pour se plaindre?

Mme Scott : Ce sont des plaintes. Notre travail consiste à obtenir des preuves.

Le sénateur Meighen : N'importe qui peut écrire une lettre. On n'a pas besoin de présenter de preuves ni d'éléments tangibles pour justifier sa plainte.

Mme Scott : C'est exact. Nous choisissons ensuite parmi ces plaintes. Certaines personnes choisissent parfois de nous envoyer des preuves pour nous encourager à intervenir.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Je sais qu'il y a des gens qui envoient des pièces qui pourraient vous permettre de poursuivre. Mais la poursuite coûte très cher par rapport à ce qu'elle rapporte, y compris en termes de visibilité lors de la publication de vos statistiques. Donc, le message qui est envoyé aux Canadiens est que, si vous allez contre une grosse compagnie, vous avez des chances que le Bureau de la concurrence fasse quelque chose; mais si vous allez contre une petite compagnie, il y a moins de chances.

J'aurais aimé que vous puissiez nous rassurer ou que vous nous disiez que vous pouvez demander des budgets complémentaires.

Le sénateur Angus : En fait, on vous les donnerait sans doute.

Mme Scott : Nous l'avons déjà fait. On a demandé des ressources par le passé.

Le sénateur Plamondon : Nous ne sommes pas ceux qui accordent ces ressources, mais au moins on vous appuierait.

Mme Scott : Pour revenir à votre question, en lisant le rapport annuel vous constaterez que certaines petites compagnies font l'objet d'ordonnances de la part du tribunal. Toutefois, on en retrouve très peu faute de ressources. Ce n'est pas qu'on refuse de le faire.

Le sénateur Plamondon : J'ai obtenu cette information d'un enquêteur.

[Traduction]

Le président : Nous sommes en train d'avoir une petite conversation entre nous. L'un de nos sénateurs agit en qualité de chef du budget. Nous avons aussi nos problèmes budgétaires, et nous comprenons donc vos problèmes. Les budgets sont importants, tout autant que l'efficacité.

Le sénateur Meighen : Cela ne prendra pas beaucoup de temps parce qu'il va devenir manifeste que je cherche à obtenir une éducation en droit de la concurrence. C'est un domaine que je n'ai jamais pratiqué, et que je ne comprends donc pas.

Vous dites examiner les fusions pour voir si elles risquent d'entraîner une réduction importante de la concurrence et une réduction importante des prix. Sont-ce là les gains en efficience dont vous avez parlé vers la fin de votre exposé?

Mme Scott : Oui.

Le sénateur Meighen : Si je comprends bien, votre mandat, c'est beaucoup plus, sinon exclusivement, de vous assurer qu'il y ait concurrence plutôt que de tenir compte des gains en efficience.

Mme Scott : Nous effectuons l'étude sous plusieurs angles. En général, dans la plupart des cas de fusion que nous examinons, cela se fait en deux étapes. Nous cherchons à voir s'il y a réduction importante de la concurrence. Une fois que nous concluons que oui, nous passons à une deuxième étape, où nous déterminons s'il y a des gains en efficience suffisants pour compenser cette perte considérable de concurrence. Les choses fonctionnent différemment dans le secteur bancaire, mais c'est une question sur laquelle nous nous pencherions à ce moment-là.

Le sénateur Meighen : Il est théoriquement possible que vous puissiez conclure que les gains en efficience l'emportent sur la réduction de la concurrence; est-ce exact?

Mme Scott : C'est une des questions qui a été soulevée lors de notre consultation sur les gains en efficience par le groupe bancaire qui a participé à la table ronde. Les représentants de ce groupe nous ont dit que les gains en efficience sont d'une grande importance pour eux et qu'ils estiment qu'ils devraient être d'une pertinence considérable dans le contexte des fusions de banques.

Le sénateur Meighen : En ce qui a trait à la publicité mensongère ou trompeuse, vous importe-t-il de savoir quel médium est utilisé, qu'il s'agisse du téléphone ou de la presse?

Mme Scott : Cela peut se trouver dans un texte écrit, à la télévision, à la radio. Il y a un grand nombre de possibilités.

Le sénateur Meighen : Au téléphone?

Mme Scott : Au téléphone. Il faudrait qu'il s'agisse de publicité mensongère s'appuyant sur des éléments matériels et induisant un consommateur en erreur.

Le sénateur Meighen : Étant donné que vous avez parlé du forum sur la prévention de la fraude, je sais qu'il y a beaucoup d'intervenants dont il faut tenir compte, surtout des intervenants provinciaux, avec lesquels vous devez collaborer. À juste titre, M. Le Pan a déployé des efforts particuliers pour travailler en étroite relation avec les autorités provinciales. Cela fait-il partie de votre mandat, et avez-vous connu des succès?

Mme Scott : Le forum sur la prévention de la fraude est un excellent exemple de collaboration entre divers organismes et c'est également un très bon exemple de l'efficacité mise au service de notre travail et de l'obtention du meilleur rendement possible. Nous avons été conscients de cela parce qu'il est extrêmement coûteux de faire respecter la loi.

Dans le domaine du télémarketing frauduleux, nous avons créé cinq partenariats d'un bout à l'autre du pays. Nous amenons à ces partenariats une gamme d'intervenants qui peuvent utiliser leurs propres ressources, dans leur domaine de responsabilité, pour retrouver les fraudeurs de télémarketing et réclamer des sanctions et des peines d'emprisonnement. Nous retrouvons, dans nos partenariats, la GRC, les corps de police locaux, les ministères de la Consommation, la Federal Trade Commission des États-Unis, la Société canadienne des postes ainsi que nous-mêmes. Nous faisons chacun de notre mieux pour mettre fin aux activités des fraudeurs par télémarketing.

Si vous avez suivi ce qui s'est passé à Montréal la semaine dernière, vous savez que nous avons effectué une descente importante dans une chaufferie à Montréal. Le Bureau de la concurrence a participé à divers égards à cette descente, aux côtés de la GRC. Nous examinons la possibilité d'extrader les deux principaux suspects vers les États-Unis, où ils risquent d'être condamnés à des peines d'emprisonnement assez sévères. Cela fait partie du travail que nous effectuons dans le cadre du partenariat basé à Montréal. L'une des façon les plus efficace de nous servir de nos ressources consiste à les rassembler et à utiliser cette force de frappe pour nous attaquer à des fraudes qui sont très coûteuses à pister.

Le sénateur Meighen : Une personne qui connaît des renseignements confidentiels, pas nécessairement un avocat, mais, par exemple, un directeur de banque, peut-elle dénoncer un client?

Mme Scott : Oui.

Le sénateur Meighen : Cela est-il conforme au devoir d'un directeur de banque? Par exemple, si le directeur de banque a un client, une personne âgée, qui déclare « Je voudrais transférer 5 000 $ ou 10 000 $ à une personne qui me dit que cet argent sert à payer les frais administratifs et que, si je le fais, je gagnerai un prix de 50 000 $ », quelle est la responsabilité du directeur de banque à ce moment-là? Doit-il vous appeler?

Mme Scott : Je ne suis pas avocat en droit des sociétés et je ne connais pas bien les principes fiduciaires du secteur bancaire ou d'autres secteurs; j'ignore donc la réponse. Nous offrons certainement notre protection aux dénonciateurs. Il y a bel et bien des dénonciateurs et nous profitons des preuves qu'ils nous permettent d'obtenir.

Le sénateur Angus : Vous parlez de scandale tels que ceux des paiements préalables.

Le sénateur Meighen : Un directeur de banque a-t-il l'obligation légale de ne rien dire ou plutôt de dire quelque chose?

Mme Scott : Je ne connais pas la réponse à cette question. Cela est lié à la sensibilisation du public. L'un de nos partenaires au forum sur la prévention de la fraude est la Société canadienne des postes. Entre autres mesures, pour contribuer à cette activité de lutte contre la fraude, la Société apprend à tous ses employés à reconnaître une personne qui envoie de l'argent pour obtenir un prix gagné à une loterie. Il s'agit d'une arnaque courante. Un certain nombre de sociétés membres songent à apprendre à leurs employés à reconnaître les indices afin qu'ils soient plus aptes à déceler la présence d'une arnaque, afin que nous puissions l'empêcher avant qu'elle se produise, parce que c'est encore la meilleure façon de faire respecter la loi.

Le président : Le comité trouverait utile d'avoir une analyse de votre budget. Combien de personnes travaillent au service de l'analyse qui s'occupe des fusions et des problèmes de concurrence, combien travaillent à faire respecter les lois touchant la publicité mensongère ou trompeuse et les pratiques de marketing frauduleuses? Il nous serait utile de savoir comment sont répartis les fonds que le gouvernement dépense.

Le sénateur Angus : Nous voudrions également avoir des renseignements sur les ressources humaines.

Le président : Nous voudrions ajouter ces demandes à celles que nous avons déjà exprimées, qui portent sur le nombre de plaintes, leur nature, la fréquence et ainsi de suite. Cela nous aidera à analyser l'efficacité du travail de votre organisme en ce qui concerne la protection du consommateur.

Mme Scott : Pour ce qui est de la ventilation par sujet, services financiers par opposition à services non financiers, nous ne disposons pas de ce niveau de détail pour les plaintes.

Le président : Nous ne vous demandons pas de créer de nouvelles informations qui ne serviraient qu'à nous. Nous ferons une analyse pour savoir si cela pourrait nous être utile. Nous agissons en qualité de surveillant, pas pour remettre en cause ce que vous faites, mais pour examiner ce qui a été fait.

Je voudrais parler de la réglementation au Canada dans la mesure où elle s'applique à la concurrence et à la réglementation aux États-Unis. Nous sommes tous au courant de mesures adoptées récemment par une administration des États-Unis relativement à la compétitivité des prix dans le secteur des assurances. J'ai également lu récemment, dans des articles de journaux, que les autorités chargées de la réglementation ont obtenu l'imposition d'une sanction de 850 millions de dollars en vertu de certains pouvoirs de réglementation.

Mme Scott : Parlez-vous de M. Spitzer?

Le président : Oui. Lorsque vous apprenez cela dans le New York Times, le Wall Street Journal ou le Report on Business, cela vous amène-t-il à réagir et à faire respecter votre mandat, qui consiste à exiger « des prix compétitifs, un choix de produits et la qualité des services »?

Mme Scott : J'ai trouvé ces articles de journaux très intéressants. En ce qui concerne les allégations touchant l'une de ces causes, il s'agissait, dans un cas, de commissions d'assurance. Or, cela ne relève pas de notre compétence parce que ces commissions sont réglementées à l'échelle provinciale. Nos lois ne nous accordent pas de pouvoir en matière de réglementation des prix. Ce n'est pas une chose dont nous nous occupons.

Je vais traiter de la collusion dans les soumissions dans un instant.

Le président : Vous m'amenez à la question suivante. Cela ne fait-il pas partie intégrante de la compétitivité des prix?

Mme Scott : La Loi sur la concurrence que nous administrons est fondée sur le principe selon lequel, si le marché est compétitif, cela produit des prix compétitifs, de l'innovation et des services de qualité.

Nous n'avons pas de pouvoir distinct pour réglementer les prix du marché. Nous comptons sur les forces du marché. La réglementation de prix particuliers ne relève pas de notre responsabilité. Rien dans la loi ne porte sur les prix excessifs ni sur les activités de ce type.

Ce que nous nous demandons toujours, c'est si une fusion va entraîner une réduction importante de la concurrence ou si l'on se sert de son pouvoir sur le marché pour réduire sérieusement la concurrence. Nous ne sommes pas habilités à déterminer si le pouvoir d'une entreprise sur le marché lui permet de hausser les prix à un niveau que certaines personnes pourraient trouver déraisonnables. La loi ne nous confère pas cette compétence.

Pour ce qui est des niveaux de prix qui ont fait l'objet de cette enquête, cet aspect serait réglementé par la province. Je parle ici des primes d'assurance versées. Cela ne relève tout simplement pas de notre compétence.

Le président : Arrêtons-nous un instant et vous passerez ensuite à l'étape suivante.

Nous avons la responsabilité du commerce interprovincial. Notre comité a trois mandats. Les Canadiens nous considèrent comme un comité des banques, mais notre mandat, se sont les banques, les échanges internationaux et le commerce. Si un comité fédéral est appelé à se prononcer sur des questions touchant le commerce, c'est parce que le commerce est transfrontalier, pas uniquement intérieur.

Si cette question des commissions, par exemple, est transfrontalière, cela ne relève-t-il pas de votre compétence?

Mme Scott : Cela relève peut-être de la compétence fédérale, mais cela ne relève pas des dispositions de la Loi sur la concurrence. Nous n'avons pas compétence pour réglementer les prix. Nous ne l'avons absolument pas.

Le président : Je comprends cela. Toutefois, dans les faits, s'il s'agit d'une pratique qui est contraire à la concurrence, qui réduit le choix des produits, diminue la qualité des services et accroît les prix, cela ne relève-t-il pas de votre mandat?

Mme Scott : La Loi sur la concurrence établit les choses précises que nous pouvons faire. Il s'agit de l'application des lois concernant les fusions, la lutte contre la domination abusive et ainsi de suite.

Le président : Nous parlons généralement de pratiques non compétitives.

Mme Scott : Il n'existe pas dans la loi de dispositions générales concernant les pratiques injustes.

Le président : Cela est transfrontalier.

Mme Scott : Cette disposition n'existe pas dans la Loi sur la concurrence; ce n'est pas ainsi que la loi est conçue.

Le président : Pensez-vous que ce soit une lacune dans votre mandat?

Mme Scott : Je ne suis pas sûre que nous voulions nous lancer dans une étude détaillée de l'ensemble des prix exigés sur le marché. Je ne suis pas certaine que ce type de mandat ne serait pas trop vaste. Ce n'est certainement pas un pouvoir qui est confié à n'importe lequel de mes homologues dans le monde. Ils n'ont pas ce pouvoir. Il se peut qu'un autre résultat de la compétitivité des marchés soit que, au fil du temps, ce type d'activité va être assujetti à la discipline du marché.

Le président : Vous devriez savoir que ce comité a décidé que son mandat, qui a reçu l'appui unanime du Sénat, inclurait une étude, à la demande du sénateur Angus, de la productivité au Canada, ce qui recoupe également la question des prix, de la concurrence et des pratiques déloyales. Nous allons adopter une vue d'ensemble sur ces dossiers. Nous apprécierions que vous nous disiez si la loi comporte des lacunes à cet effet. Je comprends les différences entre les pratiques en vigueur dans une province, mais les grandes compagnies ne limitent pas nécessairement leurs opérations sur le territoire d'une seule province. Elles pratiquent leurs opérations à l'échelle du pays, ou c'est ce qu'elles recherchent. Les grandes compagnies cherchent à desservir le marché national.

Il y a un pouvoir fédéral, mais vous nous dites que le pouvoir fédéral ne vous pas été donné.

Mme Scott : Je ne sais pas. Je n'ai pas étudié cette question suffisamment pour savoir s'il y a ici un pouvoir fédéral. On pourrait dire qu'il s'agit d'un pouvoir fédéral qui n'est pas contenu dans la Loi sur la concurrence. Je ne sais pas ce que la Constitution dit là-dessus.

La loi contient d'autres mécanismes dont nous n'avons pas encore parlé, mais qui s'appliqueraient peut-être aux événements qui se sont produits aux États-Unis. Ce sont des dispositions qui portent sur la fixation des prix et sur la collusion dans les soumissions. Mon mandat couvre ces deux domaines.

Le président : Parlez-nous-en davantage.

Mme Scott : Ce sont des infractions criminelles en vertu de la Loi sur la concurrence. Si des gens s'associent dans le but de fixer les prix et de truquer leurs soumissions, il y a lieu pour nous de tenir une enquête. Nous n'avons pas eu de plaintes au sujet de l'industrie des assurances. Lorsque j'ai lu ce que les journaux en rapportaient, j'ai immédiatement porté mon attention sur cette question.

Votre prochaine question serait peut-être : « Avez-vous pris des mesures avant de recevoir une plainte? »

Le président : Vous êtes une fonctionnaire très sage, car c'est en effet ce que je voulais vous demander.

Mme Scott : Nous nous entretenons à titre officieux avec les représentants d'institutions financières. Si nous voulions ouvrir une enquête dans ce domaine, il nous faudrait avoir « des raisons de croire » comme le stipule la loi. Il nous faudrait avoir des preuves — assez, mais pas tout un dossier — nous permettant de croire raisonnablement qu'il y a matière à enquêter avant de voir un juge pour l'informer du fait, qu'à notre avis, des activités criminelles ont lieu.

Nous voulons que le public connaisse notre loi et sache que s'il formule une plainte même rudimentaire, nous pouvons appliquer des outils d'enquête, tels les mandats de perquisition et les ordonnances de production, pour obliger les compagnies à produire les renseignements qui nous seraient très utiles.

Le président : J'essaie de me mettre à la place du Canadien moyen qui lit les pages financières d'un journal, comme le font la plupart des hommes d'affaires du pays, et qui lit aussi le Wall Street Journal. Cette affaire a fait la manchette dans le Wall Street Journal, et elle suscitera peut-être une réaction de la part des autorités de réglementation provinciale ou fédérale.

Ce que vous nous dites revient peut-être à dire qu'en vertu de la loi vous êtes l'instance de dernier recours, par opposition à une instance qui imposerait des mesures par anticipation.

Ce matin, M. Le Pan nous a dit des choses intéressantes au sujet de son mandat. À son avis, ses responsabilités incluent la tâche d'anticiper les problèmes et de conseiller les institutions qu'il réglemente dans le but de s'assurer que toutes les activités concordent avec son mandat.

Ce que vous nous dites est que la loi qui vous régit vous empêche d'agir ainsi.

Mme Scott : Nous sommes un organisme d'exécution de la loi.

Le président : Non, vous faites les deux.

Mme Scott : Je vais parler un peu plus de notre mandat, car nous sommes un organisme d'exécution de la loi, généralement parlant. La principale partie de notre mandat, c'est d'agir en tant qu'organisme d'exécution de la loi. Nous sommes également responsables des politiques. C'est pourquoi nous croyons qu'il serait bien de pouvoir modifier la Loi sur la concurrence pour y ajouter davantage de mécanismes, tels la restitution, pour décourager les pratiques anticoncurrentielles comme celles que j'ai mentionnées plus tôt, la dominantion abusive.

Le président : Vous lisez à nouveau dans mes pensées. Nous sommes ici pour surveiller ce qui se passe. Si votre mandat n'est pas efficace et s'il soulève de sérieuses questions au sujet de pratiques inacceptables au Canada, et qui peuvent être corrigées, c'est un sujet qui nous intéresse au plus haut point. Nous serions également intéressés à lire vos recommandations en ce qui concerne les pratiques non concurrentielles et le fait que nous n'en voulons pas dans l'économie canadienne. Je crois parler au nom de tous les honorables sénateurs. Ils hochent de la tête.

Le sénateur Plamondon aimerait ajouter quelques mots.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Il me semble que, dans cette loi, il est fait mention qu'une quinzaine de personnes peuvent se réunir, signer et demander que l'on tienne une enquête.

Mme Scott : Six personnes peuvent se réunir, en effet.

Le sénateur Plamondon : Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un petit groupe d'individus. Quand la requête a été formulée concernant le prix de l'essence, cela n'a pas mené aux résultats attendus. On a dit qu'il n'existait pas de mesures.

Mme Scott : Nous avons dit que nous allions continuer à suivre la situation et c'est ce que nous avons fait. Une étude est en cours et elle n'est pas encore complétée.

Le sénateur Plamondon : Voilà donc une façon de traiter le problème. Six personnes peuvent se réunir et demander à ce qu'une enquête soit ouverte ou une recherche soit entamée sur un problème dont la source pourrait être la compétitivité.

Mme Scott : Pour une perquisition, par exemple, il est nécessaire de convaincre un juge des raisons qui la motivent. Je ne dispose donc pas de pouvoirs illimités même s'il y a entente entre les six personnes.

Le sénateur Plamondon : C'est toutefois un moyen de résolution. Si ces six Canadiens se regroupent et croient qu'il devrait y avoir une enquête, ils peuvent s'adresser au Bureau de la concurrence et celui-ci demandera permission à un juge de pousser l'affaire plus loin.

Mme Scott : Dans le cas où une perquisition est nécessaire.

Le sénateur Plamondon : Depuis quelque temps on demande au marché de se réglementer. On dit que le marché est capable de s'équilibrer. Toutefois, nous venons d'entendre qu'il existe des lacunes. Est-ce que vous croyez que le fait de laisser les forces du marché opérer est encore rentable pour les Canadiens?

Mme Scott : C'est une question de choix. On peut essayer de réglementer tout ce qui arrive dans le marché, ou on peut laisser les forces du marché faire son travail, ou encore intervenir à mi-chemin. Notre loi est basée sur le principe que le marché devrait être le point de départ pour l'allocation des ressources. Ce sont en fait les pouvoirs qui nous ont été accordés.

Le sénateur Plamondon : Mais si, comme le président le souligne, cette solution ne fonctionne pas, il faut alors envisager une autre possibilité.

Mme Scott : Il nous est difficile d'intervenir chaque fois que le marché connaît des lacunes, car on ne sait pas si le problème est permanent ou s'il sera réglé en se basant sur les forces du marché. Nous pouvons intervenir dans une certaine mesure mais pas dans tous les cas.

[Traduction]

Le président : J'aimerais remercier tous les honorables sénateurs pour l'intérêt qu'ils portent à ce sujet.

Madame Scott, vous voyez que les membres s'intéressent grandement à votre mandat. Nous aimerions recevoir les documents que nous vous avons demandés afin d'analyser et, si nécessaire, vous inviter à nouveau devant le comité si nous avons encore des questions.

Nous aimerions vous remercier, vous et vos deux collègues, d'avoir été des nôtres. Cette séance a suscité des discussions intéressantes. Nous sommes maintenant tous plus conscients des problèmes auxquels nous devons nous attaquer.

Mme Scott : Merci.

La séance est levée.


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