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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 12 - Témoignages du 4 mai 2005


OTTAWA, le mercredi 4 mai 2005

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi constituant en corporation « The General Synod of the Anglican Church of Canada », se réunit ce jour à 16 h 20 pour étudier le projet de loi et pour examiner, afin d'en faire rapport, les questions concernant les consommateurs dans le secteur des services financiers.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, je suis heureux que le comité poursuive son examen des questions concernant les consommateurs dans le secteur des services financiers. Nous sommes ravis d'accueillir nos deux premiers témoins. Comme vous le savez, cette audience est télédiffusée à l'échelle du pays et pourra également être suivie sur le World Wide Web, qui s'étend bien au-delà des frontières du Canada, ce qui est tout bon, car nos travaux suscitent une formidable réaction. Les gens nous regardent par milliers.

Nous sommes ravis, monsieur Kovacs et monsieur Harries, de vous accueillir parmi nous afin que vous nous présentiez vos vues. J'ose espérer que vous tiendrez compte de l'avertissement qui vous a été donné par le greffier voulant que vos remarques soient aussi brèves que possible étant donné que les membres du comité ont lu la documentation que vous nous avez fournie et que nous brûlons d'impatience de vous poser des questions.

M. Paul Kovacs, président-directeur général, Société d'indemnisation en matière d'assurances IARD : Merci de l'invitation et de l'occasion qui nous a été donnée de comparaître ici devant vous aujourd'hui. L'une des priorités que nous avons en tant qu'organisation est de faire notre maximum pour toujours être à la disposition du comité ici réuni. Notre expérience auprès de consommateurs de l'industrie des assurances pourrait vous être utile, et nous sommes ravis d'être ici aujourd'hui.

J'aimerais vous dire quelques mots au sujet de notre organisation. J'ignore si tous les membres du comité savent ce que nous faisons. Je vous entretiendrai ensuite de deux choses que nous avons faites récemment sur le plan gouvernance et préparation d'ensemble de notre organisation.

La Société d'indemnisation en matière d'assurances IARD — SIMA-IARD — a été fondée en 1989 et existe donc depuis maintenant 16 ans. Notre rôle est de nous occuper des consommateurs d'assurance dans les cas très rares où la compagnie d'assurances échoue. Nous couvrons une vaste gamme de produits d'assurance, y compris assurance automobile, assurance-maison et assurance pour petites entreprises. La SIAP s'occupe d'assurance-vie et d'assurance santé, alors cela ne relève pas de nous, mais nous nous occupons de la plupart des autres questions concernant les consommateurs relativement à l'insolvabilité d'assureurs. Typiquement, l'organisme de réglementation gouvernemental, qu'il soit fédéral ou provincial, identifierait une compagnie d'assurances en sérieuse difficulté. Encore une fois, cela est très rare, mais si le gouvernement identifie une compagnie qui doit fermer ses portes, il travaillera avec le tribunal et désignera un liquidateur, et notre rôle est d'être là pour le liquidateur pour veiller à ce qu'il y ait des fonds suffisants pour couvrir tous les coûts aux consommateurs. Nous payons les réclamations et veillons à ce que l'industrie des assurances survivante dispose de fonds suffisants pour s'occuper dans les temps de tous les consommateurs. Il y a là des ressemblances avec le rôle que jouent la SADC et la SIAP pour les secteurs bancaire et de l'assurance-vie, mais nous, nous nous occupons d'assurance-maison, d'assurance automobile et d'assurance pour les petites entreprises.

Au cours de nos 16 années d'existence, 12 petites compagnies d'assurances ont fait faillite. Nous avons versé plus de 100 millions de dollars au titre de réclamations à quelque 100 000 Canadiens. C'est là très peu de chose pour une industrie d'une valeur de 35 milliards de dollars par an. C'est un phénomène très peu habituel. Ce n'est pas quelque chose que l'on voit souvent à la une des journaux. Nous sommes là, et notre rôle est de veiller à ce que les consommateurs soient protégés afin qu'il n'y ait pas de problème, et notre espoir est que nous fassions bien ce travail. Nous ne sommes pas bien connus, et cela fait partie de notre mandat. Nous nous occupons simplement du public afin que ces incidents ne deviennent pas des problèmes.

Au cours de l'année écoulée nous avons identifié deux priorités dont nous voulions nous occuper. La première a été la gouvernance au sein de notre propre organisation, et la deuxième a été notre état de préparation.

Côté gouvernance, nous avons fait un examen attentif de nos procédés, car nous n'avions pas fait cela depuis notre création, et nous avons également fait un examen de notre mode de fonctionnement. Nous avons décidé de réduire la taille de notre conseil d'administration. Au lieu que 14 compagnies d'assurances guident l'organisation, il n'y en a plus que six. Nous avons nommé trois administrateurs de l'extérieur afin de rendre notre conseil d'administration plus représentatif. Nous avons élaboré un énoncé de mission plus clair ainsi que des lignes directrices quant à notre rôle et à notre approche et nous nous sommes également penchés sur notre structure de comité. Nous avons intégré à l'organisation tous les éléments qu'exige la bonne gouvernance et nous sommes maintenant très à l'aise avec la façon dont nous fonctionnons. Le plan à dix éléments qui a été discuté par notre organisation est maintenant terminé et en place.

L'autre volet de notre travail au cours de la dernière année a été de veiller à ce que nous soyons préparés comme il se doit. Nous nous étions occupés au fil des ans d'une douzaine de cas d'insolvabilité, tous concernant de petites compagnies, et notre préoccupation était la suivante : qu'adviendra-t-il en cas d'insolvabilité d'une grosse compagnie ou d'insolvabilités multiples? C'est ainsi que nous avons déterminé que certaines de nos pratiques historiques ne cadraient plus avec ce qui se passait dans d'autres pays. Nous en avons discuté avec nos compagnies d'assurances membres et avons sensiblement modifié notre niveau de préparation. Nous sommes aujourd'hui dotés d'une meilleure capacité opérationnelle et d'une meilleure capacité financière en cas de problème. Toutes nos pratiques au Canada cadrent avec celles en vigueur dans le reste du monde.

La séance d'aujourd'hui est pour nous l'occasion de discuter avec vous de ce que nous faisons avec les compagnies d'assurances pour le compte des consommateurs, et nous espérons que cet échange sera utile dans l'immédiat et à l'avenir. Nous sommes fiers de certains des développements récents sur les plans gouvernance et état de préparation de notre organisation.

M. Jim Harries, vice-président, Opérations, Société d'indemnisation en matière d'assurances IARD : Monsieur le président, je n'ai rien à ajouter, mais je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le sénateur Angus : Messieurs, vous avez suivi nos audiences tenues jusqu'ici et vous savez donc ce que nous tentons de faire. Si je comprends bien, les assureurs de biens et de risques divers sont membres de votre organisation. J'en conclus donc que lorsque vous parlez de « consommateurs » vous entendez par là les détenteurs de polices émises par ces compagnies.

M. Kovacs : C'est exact.

Le sénateur Angus : L'on ne parle pas ici d'assurance responsabilité, des tiers cherchant à obtenir une indemnisation auprès des détenteurs de police de la compagnie.

M. Kovacs : J'espère que mon explication est claire. Si une réclamation est faite par un quelconque Canadien contre une compagnie d'assurances que le gouvernement a déclarée incapable de poursuivre ses activités et devant être liquidée, notre rôle est de vieller à ce que le liquidateur dispose des sommes requises pour verser à la compagnie ou au particulier l'assurance responsabilité, l'assurance-maison ou l'assurance automobile.

Le sénateur Angus : Cela englobe donc l'assurance responsabilité?

M. Kovacs : Absolument. Nous veillons à ce que les fonds soient disponibles de façon à ce que le paiement puisse être fait immédiatement.

Le sénateur Angus : J'ai maintenant une question qui paraîtra peut-être élémentaire. Un propriétaire de maison a un incendie. Le propriétaire a une police d'assurance et veut faire une réclamation. Il y a peut-être également un tiers qui le poursuit. Le tiers est-il lui aussi couvert, tant et aussi longtemps qu'il est Canadien?

M. Kovacs : C'est exact.

Le sénateur Angus : Combien de membres compte votre organisation?

M. Kovacs : Nous regroupons 211 compagnies d'assurances.

Le sénateur Angus : Comment êtes-vous financés? Est-ce un pourcentage des avoirs nets?

M. Kovacs : C'est fonction des primes de la compagnie d'assurances. Nous avons trois catégories : il y a les compagnies d'assurances grosses, moyennes et petites. Toutes les grosses compagnies paient le même montant, toutes les compagnies de taille moyenne versent un plus petit montant et toutes les compagnies d'assurances de taille petite paient un montant plus petit.

Le sénateur Angus : Cela fait-il l'objet d'un prélèvement immédiat? Chaque fois qu'une compagnie d'assurances touche une prime, un montant est-il mis de côté pour que cela vous soit envoyé, mettons, une fois par mois?

M. Kovacs : Nous prélevons de l'argent auprès des compagnies d'assurances pour deux raisons. La première est l'administration de l'organisation. Nous avons un personnel de quatre. Notre budget annuel est de 1 million de dollars. L'industrie des assurances est une industrie qui vaut 35 milliards de dollars. Nous exigeons d'elle 1 million de dollars, ce qui n'est pas grand-chose pour ces compagnies. La deuxième contribution viendrait en cas de faillite. Il nous a déjà fallu facturer jusqu'à 45 millions de dollars pour une grosse faillite. Cela est peu habituel. Tout dépend du problème. Cependant, en cas de faillite, il nous faudra peut-être augmenter leur contribution. Ce serait là l'une des dépenses que devrait se débrouiller pour couvrir d'une façon ou d'une autre la compagnie d'assurances.

Le sénateur Angus : D'après ce que je comprends, lorsqu'une de ces compagnies se lance en affaires, il lui faut obtenir une licence. Je me rends bien compte qu'il s'agit d'une question provinciale et qu'une compagnie doit passer par l'organisme de réglementation pour souscrire des assurances. En règle générale, il lui faut verser un dépôt d'un genre ou d'un autre. Ces fonds sont-ils distincts de ceux dont on parle ici, ou bien avez-vous accès à cet argent?

M. Kovacs : Pour qu'une compagnie d'assurances obtienne une licence, comme vous l'avez dit, cela relève des provinces. L'une des conditions d'obtention d'une licence provinciale est d'être membre de notre organisation. Les compagnies ne versent pas de dépôt. Elles paient simplement une contribution annuelle. Et dans les cas où il y a eu dépôt auprès du gouvernement, nous n'avons pas accès à cet argent.

Le sénateur Angus : Il s'agit là d'un élément de la solvabilité, n'est-ce pas?

M. Kovacs : C'est exact.

Le sénateur Angus : J'ai toujours cru que les détenteurs de police, en cas de situation d'insolvabilité, auraient accès à cet argent. Cela vient-il s'ajouter à ce que fait votre société?

M. Kovacs : C'est exact. Si le gouvernement déclare une compagnie d'assurances incapable de poursuivre son activité et en demande la liquidation auprès d'un tribunal, l'affaire est cédée au liquidateur désigné par le tribunal et celui-ci aurait accès à quantité d'argent. Il aurait, entre autres, accès à nous. Notre rôle est de nous occuper de l'élément consommateurs. Plus tard dans le processus, nous ferions partie de la résolution d'ensemble, en ce sens que nous nous efforcerions de récupérer une partie de ce que nous aurions engagé dans le processus, s'il reste encore des avoirs dans la masse successorale. Tout cela doit être invisible pour le consommateur. Le consommateur se fait payer. Nous mettons immédiatement à la disposition du liquidateur tous les paiements destinés aux consommateurs. Dans le temps, et cela demande en règle générale plusieurs années, s'il y avait des fonds dans la compagnie, ou sous forme de dépôt auprès de la province ou dans un quelconque compte bancaire, toutes les personnes ayant des réclamations à l'égard de la compagnie faillie tenteraient de récupérer leur argent.

Le sénateur Angus : Vous existez depuis 16 ans. Vous avez été établi en vertu d'une loi. Nous sommes en train de revoir cela. Si vous aviez une baguette magique, y a-t-il quelque élément ou changement que nous pourrions recommander afin de vous aider — ou là où vous ne disposez pas des outils nécessaires pour faire votre travail comme il se doit ou là où sont en place des choses qui sont une nuisance, par exemple de la paperasserie qui entrave l'efficience de vos opérations?

M. Kovacs : Il n'y a qu'un aspect au sujet duquel nous aurions des conseils particuliers, mais je ne pense pas qu'il relève du rôle de ce comité ou du gouvernement fédéral d'y donner suite. Environ 85 p. 100 de tous les consommateurs avec lesquels nous traitons sont clients de compagnies d'assurances qui sont supervisées par le Bureau du surintendant des institutions financières, ou BSIF. Quinze pour cent sont supervisées par les gouvernements provinciaux. Cependant, la majorité des problèmes dont nous avons dû nous occuper ont été d'ordre provincial. C'est donc au niveau provincial que nous espérons le plus grand changement pour l'avenir. Nous avons examiné le rôle du surveillant fédéral s'agissant des normes internationales et avons constaté que la surveillance fédérale correspond aux meilleures pratiques internationales mais que dans le cas de la surveillance provinciale, c'est parfois le cas et parfois pas. Nous avons eu des discussions avec certaines provinces afin de leur demander d'améliorer la qualité de leur surveillance des assurances ou alors qu'elles ne s'en occupent pas, s'en remettant entièrement au BSIF. Nous estimons que le BSIF fait un bon travail.

Partant, les seuls changements que nous aimerions voir sont des changements qui seraient apportés par les provinces.

Le sénateur Angus : Ayant établi, je pense, que ces sociétés qui sont vos membres relèvent de la compétence des provinces, je suis surpris par le nombre élevé correspondant au BSIF. Comment cela s'explique-t-il?

M. Kovacs : Cent pour cent des compagnies d'assurances au Canada sont sous surveillance provinciale pour ce qui est des affaires des consommateurs et de la conformité des assureurs. Quatre-vingt-cinq pour cent sont sous surveillance fédérale pour ce qui est de la solvabilité et 15 p. 100 sont sous surveillance provinciale pour la solvabilité.

Le sénateur Angus : Quelle est la ventilation? Pourquoi figurerait-on parmi les 15 p. 100 au lieu des 85 p. 100?

M. Kovacs : Cela relève de textes de loi fédéraux-provinciaux qui disent que tout cela est fait au niveau des provinces. L'exigence que nous soyons là pour aider est donc une exigence provinciale. Cependant, la surveillance sur le plan solvabilité au Canada est assurée largement par le BSIF, mais pas entièrement. C'est un choix de la compagnie d'assurances. La compagnie peut choisir. Elle doit choisir une formule ou l'autre. Ou elle veut être surveillée par le gouvernement fédéral — ce que choisissent la plupart des compagnies — ou elle veut que cette surveillance soit exercée par la province. Parfois c'est ce qu'elles choisissent parce qu'elles ne comptent être actives que dans une région du pays. Il y a quantité de raisons pour lesquelles certaines entreprises choisiront le régime provincial. Dans certaines provinces, le processus de surveillance se déroule rondement. Cependant, nous avons eu quelques exemples du cas contraire, où cela a contribué au problème.

Le sénateur Angus : Je vais laisser un de mes collègues demander lesquelles des provinces ne font pas leur travail comme il se doit.

Le président : Pourquoi ne pas poser la question aux témoins? Qui a les meilleures pratiques?

M. Kovacs : M. Harries et moi-même sommes plus nouveaux au sein de l'organisation, alors nous lui apportons quelques nouveautés. Nous avons commandé un travail de recherche portant sur une province et les pratiques du BSIF et avons constaté que ce dernier satisfait toutes les normes internationales. Nous nous penchions sur le cas de la province de Terre-Neuve — et celle-ci ne répondait pas aux normes internationales quant à ce que devait faire un surveillant de solvabilité. Nous n'avons pas encore terminé notre recherche sur les autres provinces.

Le sénateur Angus : Cela est très intéressant. Même si, comme vous le dites, nous faisons partie d'un Parlement fédéral, libres à nous d'inclure dans notre rapport une recommandation ou un constat selon lequel certaines choses relèvent des provinces. Songez à toute la question de la réglementation des valeurs mobilières au Canada. Cela revêt énormément d'intérêt pour nous et pour le gouvernement fédéral, bien qu'il y ait des questions juridictionnelles. Sentez-vous bien libres, au fil des questions que nos collègues vous poseront, de parler également d'aspects provinciaux.

Le président : Je tiens à insister sur ce qu'a dit le sénateur. Notre mandat est d'examiner les questions concernant les consommateurs dans le secteur des services financiers. Nous traiterons attentivement de ce qui est de notre ressort, mais nous sommes libres de nous prononcer sur d'autres entités dont les règles ne sont pas harmonisées ou encore seraient contre-productives, ou coûteuses ou entravantes. Nous sommes ici pour voir comment le système fonctionne et où il y a des lacunes et comment corriger ces lacunes dans l'intérêt du consommateur. Nous n'avons au Canada qu'un seul consommateur — c'est le consommateur canadien. Ce n'est pas un consommateur terre-neuvien ou un consommateur québécois, c'est un consommateur canadien. Nous sommes ici pour protéger le consommateur canadien.

M. Kovacs : Merci. Je suis nouveau à la SIMA-IARD; ce n'est que ma deuxième occasion de comparaître. La première a été à Terre-Neuve, et c'était tout un défi de parler d'un processus qui ne fonctionnait pas bien. Je suis fier de ce que fait le BSIF. Nombre des systèmes fédéraux servent très bien les consommateurs d'assurances de biens et de risques divers. Nous avons un bon système fédéral. Cependant, sur les 12 cas d'insolvabilité dont nous avons dû nous occuper, dix étaient des entreprises faillies et deux correspondaient à des problèmes de processus. Trois de ces cas sont survenus à Terre-Neuve, ce qui est disproportionné. C'est pourquoi il a été intéressant de regarder les données et les éléments de preuve. Nous avions une province qui connaissait des problèmes à répétition. Nous avons fait des recherches formelles et avons constaté que dans cette province les procédures identifiées à l'échelle mondiale comme étant appropriées pour un superviseur n'étaient pas suivies. Le BSIF est au courant de la situation et s'est efforcé d'offrir un appui aux provinces — dont Terre-Neuve, mais il y en a d'autres que nous n'avons pas étudiées mais qui nous préoccupent. Le BSIF s'efforce de trouver le bon rôle. À Terre-Neuve, nous nous sommes efforcés de présenter le choix comme étant entre faire le bon investissement et avoir un système professionnel ou décider de ne pas superviser les compagnies provinciales et les encourager plutôt à s'inscrire au régime fédéral.

Le président : Y a-t-il des recommandations précises particulières à une partie du pays, se rapportant ou aux pratiques du gouvernement fédéral ou aux provinces ou au manque d'harmonisation? Je vous demanderais de nous fournir cela par écrit et nous en tiendrons compte à l'étape de nos recommandations. Je ne dis pas que nous allons accepter vos suggestions, mais nous sommes ouverts à l'idée de les examiner.

Le sénateur Moore : Je voulais enchaîner sur l'exemple que vous avez donné au sénateur Angus. Dans le cas d'une compagnie faillie, il y a une perte de 45 millions de dollars. S'agit-il là d'un cas véritable?

M. Kovacs : Nous nous sommes occupés de 12 faillites depuis notre création, la plus grosse correspondant à 45 millions de dollars.

Le sénateur Moore : Où allez-vous chercher les 45 millions de dollars pour payer ces consommateurs.

M. Kovacs : Nous avons un arrangement avec toutes les autres compagnies d'assurances au Canada.

Le sénateur Moore : Il y en a 211.

M. Kovacs : C'est en fonction de la taille de la compagnie. Dans le cas d'une compagnie qui compte pour 10 p. 100 du secteur, nous demanderions 4,5 millions de dollars. Ce qui vient compliquer notre approche c'est que nous nous sommes engagés lors de notre création à tout faire sur un plan régional ou provincial. S'il survient une faillite dans la province A, alors nous prenons l'activité enregistrée dans la province et répartissons le coût parmi les compagnies, proportionnellement à leur part de l'activité dans la province.

Le sénateur Moore : Disons que l'une de ces compagnies à Terre-Neuve fait faillite et que 10 millions de dollars sont perdus. Vous vous adressez alors uniquement aux autres compagnies qui sont actives à Terre-Neuve?

M. Kovacs : C'est exact.

Le sénateur Moore : Vous obtenez d'elles les 10 millions de dollars requis pour régler les réclamations en suspens?

M. Kovacs : C'est exact. Comme vous le savez, un grand nombre de compagnies nationales sont présentes à Terre- Neuve et elles paieraient en fonction de leur part de l'activité terre-neuvienne.

Le sénateur Moore : Il y a eu 12 faillites au cours de vos 16 années d'existence. Dans chacune de ces situations, vous ne vous êtes adressés qu'aux compagnies actives dans la province concernée pour obtenir l'argent nécessaire pour régler les réclamations de la compagnie faillie, est-ce bien cela?

M. Kovacs : C'est exact.

Le sénateur Moore : Ce n'est pas un appel national.

M. Kovacs : Une minorité des compagnies qui ont fait faillite étaient actives dans plus d'une province, alors c'était dans leur cas légèrement plus compliqué, mais, là encore, nous avons appliqué une approche provinciale.

Le sénateur Moore : Pour ce qui est de la question de la gouvernance, vous avez dit avoir ramené votre conseil de 14 à six membres. Ces six personnes sont-elles toutes des employés ou des intervenants qui ont des liens avec vos compagnies membres?

M. Kovacs : Excusez-moi, mais je me suis trompé tout à l'heure. Nous avons ramené le conseil d'administration de 14 membres de l'industrie des assurances à six membres de l'industrie des assurances, plus trois autres membres qui sont indépendants. En ma qualité de président, je suis le dixième membre du conseil d'administration. Ainsi, six des 10 membres sont des personnes qui sont actives dans l'industrie des assurances.

Le sénateur Moore : Comment ces membres indépendants sont-ils choisis?

M. Kovacs : Ils sont identifiés par notre comité des nominations et leurs noms sont soumis aux membres lors de notre assemblée générale annuelle.

Le sénateur Moore : Quelle est la fréquence des rencontres du conseil?

M. Kovacs : Il se réunit formellement deux fois par an et il se rencontre à d'autres moments, selon les besoins. Il se réunira typiquement quatre ou cinq fois en une seule et même année.

Le sénateur Moore : Quelle est la rémunération versée aux membres du conseil?

M. Kovacs : Dans le cas des membres de l'industrie, il n'y a aucune rémunération; c'est purement volontaire. Dans le cas des membres indépendants, on leur versait autrefois 1 000 $ par an.

M. Harries : Nous avons récemment approuvé pour les membres du conseil des honoraires de 10 000 $ par an, pour les seuls administrateurs publics.

Le président : Vous avez peut-être entendu d'autres témoignages au sujet d'autres organisations relativement à l'autoréglementation. Il y a un mouvement voulant que la majorité des membres du conseil, lorsqu'il s'agit de défendre le consommateur, ne soient pas rattachés à l'industrie. Avez-vous envisagé de modifier vos structures de gouvernance? Êtes-vous toujours en train d'étudier cela ou bien est-ce un fait accompli?

M. Kovacs : Lorsque nous nous sommes joints à l'organisation il y a de cela environ un an, la première priorité identifiée a été d'étudier nos processus de gouvernance, et c'est là l'une des questions sur lesquelles nous nous sommes penchés. Dans le cas de fonds de garantie d'assurances de biens et de risques divers, nous n'avons trouvé aucun fonds dans le monde qui soit géré par des membres indépendants. Nous avons en fait déterminé que la catégorie assurances de biens et de risques divers était très différente de certaines autres industries financières. Dans le cas d'assureurs de biens et de risques divers, en cas de faillite, si le gouvernement ferme une compagnie, les gens migreront typiquement vers l'une des quelques centaines de compagnies restantes pour s'y faire assurer. Cela est très différent de l'assurance- vie, où vous avez une police pour toute la durée de votre vie et il vous faut déplacer la police.

Il y avait des questions pouvant être qualifiées de sensibles qui pourraient être soumises à un conseil d'administration s'il ne s'agissait pas d'assurances de biens et de risques divers. Du côté de l'assurance de biens et de risques divers, notre expérience partout dans le monde est que cela est typiquement géré par des gens de l'industrie. Le fait que notre conseil compte trois membres indépendants est assez progressiste et nous a fait dépasser les pratiques américaines, britanniques, françaises et autres dans le monde.

Le sénateur Oliver : Vous avez déclaré qu'il y a deux questions clés qui vous intéressent — la gouvernance et l'état de préparation. J'aimerais vous interroger au sujet de l'état de préparation.

Monsieur Kovacs, êtes-vous président du conseil d'administration?

M. Kovacs : Non. Nos statuts excluent la possibilité que le président puisse jamais présider le conseil d'administration.

Le sénateur Oliver : C'est de la bonne gouvernance.

En plus des 10 000 $, les membres du conseil touchent-ils des honoraires pour chaque réunion?

M. Harries : Oui. C'est 1 000 $ par jour de réunion.

Le sénateur Oliver : Cela monte donc en moyenne à 14 000 $ par an, n'est-ce pas?

M. Harries : C'est sans doute assez juste. Cependant, étant donné que nous venons tout juste d'instaurer ces politiques, nous ne pouvons pas vous dire ce que cela donne.

Le sénateur Oliver : Pour ce qui est de votre état de préparation, vous nous avez dit que 12 assureurs sont devenus insolvables depuis 1988. Vous avez expliqué que vous obtenez l'argent auprès des 211 compagnies et que vous avez eu à débourser jusqu'à 45 millions de dollars.

Y a-t-il des consommateurs qui n'ont pas été pleinement ou entièrement indemnisés dans le cadre de l'une quelconque de ces 12 situations d'insolvabilité?

M. Kovacs : Non. Nous avons été en mesure de tout payer.

Le sénateur Oliver : Pour ce qui est de l'argent que vous avez en banque, allez-vous chercher de l'argent auprès de vos 211 membres après une faillite? Je sais que vous avez à l'heure actuelle une ligne de crédit. Avez-vous de l'argent en banque en prévision d'une situation de faillite? Dans l'affirmative, quel en est le montant?

M. Kovacs : Nous avons perçu 30 millions de dollars auprès de l'industrie il y a de cela quelques années, et cela est depuis passé à 35 millions de dollars, alors nous avons ce montant dans un compte en banque en plus d'une ligne de crédit d'environ 10 millions de dollars. Cela nous permettra de faire face à la plupart des situations, mais nous pouvons typiquement aller chercher assez rapidement de l'argent auprès de l'industrie.

Le sénateur Oliver : Quelles est la réserve totale dont vous disposez à l'heure actuelle pour faire face à une faillite?

M. Kovacs : Conformément à un changement que nous avons apporté cette année, il y a dans tous les pays du monde un plafond quant au montant d'argent que vous pouvez demander à vos membres de verser en l'espace d'une année. Notre plafond au début de cette année était de 250 millions de dollars. Nous avons demandé à l'industrie si elle augmenterait ce plafond, et elle l'a fait, le portant à 500 millions de dollars. La cotisation maximale que nous pouvons imposer à notre industrie en une seule et même année est donc de 500 millions de dollars. Le plus lourd cas dont nous ayons jamais eu à traiter jusqu'ici s'est chiffré à 45 millions de dollars. Le fait d'avoir 35 millions de dollars sur notre compte en banque et de pouvoir demander à l'industrie de nous verser jusqu'à 500 millions de dollars dans le courant d'une année nous situe très bien par rapport à toutes les autres industries dans le monde s'agissant d'être en mesure de faire face aux situations pouvant survenir.

Le sénateur Oliver : Douze assureurs sombrant dans l'insolvabilité depuis 1998, c'est beaucoup. Vous avez dit qu'ils étaient petits. Quelles mesures de protection contre le risque prenez-vous pour veiller à ce que de tels problèmes ne surviennent pas? Effectuez-vous des vérifications au hasard?

M. Kovacs : Aux États-Unis, environ 50 assureurs font faillite chaque année. Douze sur 15 ou 16 ans est un bien plus faible risque que celui de la plupart des pays.

Notre rôle est de veiller à ce que les fonds soient disponibles lorsque le gouvernement intervient et désigne un liquidateur. Nous ne participons pas à l'identification des compagnies en difficulté. C'est là le rôle de l'organe de réglementation gouvernemental. Nous veillons à ce que les fonds soient disponibles afin que le consommateur puisse être payé.

Le sénateur Oliver : Lorsque vous dites que vous avez un bon « niveau de préparation », vous entendez par là que vous disposez des fonds nécessaires pour veiller à ce que les consommateurs soient pleinement dédommagés?

M. Kovacs : Oui. Un exemple d'exercice de préparation que nous avons mis en œuvre pour la première fois l'an dernier est une simulation faite deux fois par an au sein du bureau. Nous supposons qu'une compagnie fait faillite ce jour-là et vérifions que chacun sait ce qu'il a à faire. Nous avons documenté nos pratiques.

Le sénateur Oliver : Un petit peu à la manière d'un exercice d'incendie.

M. Kovacs : Oui. Cela n'avait pas été documenté auparavant; nous avons simplement fait les bonnes choses au bon moment, mais nous sommes aujourd'hui mieux préparés. La plus importante amélioration côté niveau de préparation a été d'obtenir que l'industrie consente à doubler le financement qu'elle mettrait à notre disposition.

Le sénateur Oliver : En tant que principal payeur, a-t-on fait appel à vous dans le cadre de discussions sur le risque afin de déterminer ce que l'on pourrait mieux faire afin d'éviter les situations d'insolvabilité?

M. Kovacs : Comme je l'ai déjà dit, notre analyse du superviseur fédéral indique que celui-ci suit dans l'exercice des ses fonctions les pratiques exemplaires reconnues. Nous avons pour mandat de ne pas faire en double le travail qui est en ce moment très bien fait ailleurs. Nous avons un bon dialogue informel avec les superviseurs fédéraux et provinciaux. Même dans les provinces où nous nous inquiétons quant à la qualité de la supervision provinciale, nous avons toujours un dialogue constructif, et il y a donc un échange informel d'information.

Pour ce qui est de processus formels, nous comptons sur les superviseurs gouvernementaux pour qu'ils fassent leur travail et nous pensons qu'ils le font très bien.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Vous pouvez aller jusqu'à 500 millions de dollars pour satisfaire les dettes de vos membres. Cela ne cause-t-il pas un problème moral dans les cas où les clients se foutent un peu de savoir avec qu'elle compagnie d'assurance ils transigent? Ils choisiront les primes les moins élevées et une compagnie qui n'a pas les reins assez forts pour satisfaire les obligations sachant qu'il y a 500 millions de dollars dans l'industrie pour satisfaire ses besoins?

[Traduction]

M. Kovacs : Je m'excuse de répondre en anglais. Je compte que j'ai bien compris la question. Vous avez raison de qualifier le risque qui se pose dans notre secteur d'activité de risque moral. Il s'agit d'un risque réel. C'est quelque chose qui préoccupe de temps à autre les compagnies d'assurances.

Nous sommes d'avis que le risque d'une compagnie d'assurances faillie est très faible. Ce n'est pas chose courante. Cela touche un nombre relativement limité de Canadiens. Partant, nous avons choisi au fil du temps de pécher par excès de prudence en faveur des consommateurs. Nous payons les réclamations en entier. Nous payons tôt.

Cela peut ajouter quelques risques moraux lorsque les consommateurs choisissent une compagnie légèrement plus risquée, mais d'après ce que nous savons, cela ne compte pas beaucoup dans leur décision. Les consommateurs regardent beaucoup d'autres aspects plutôt que la santé de la compagnie dans leur choix de leur assureur. Nous sommes préoccupés par le fait qu'il y ait un risque moral, et nos pratiques y contribuent peut-être, mais nous ne pensons pas qu'il s'agisse à ce stade-ci d'un gros risque.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Sur le risque moral, vous parlez du consommateur, mais parlez-nous de l'actionnaire. Il y a toujours un surplus de comptant pour ces boîtes et, par exemple, l'actionnaire doit décider s'il va investir dans les obligations du Canada ou dans les actions d'une compagnie de technologie. Il peut dire qu'il n'a rien à perdre, qu'il ne peut pas perdre plus d'argent et que ce n'est pas son argent. Si je fais un profit énorme avec l'argent des autres, cela me revient, mais si je perds, ce n'est pas moi qui perds. Qu'est-ce qui empêche l'adoption d'une structure de capital et de dettes très agressive à l'avantage de l'actionnaire, étant donné qu'il n'y a pas de risque inverse pour lui?

[Traduction]

M. Kovacs : Si j'ai bien compris la question, vous vous intéressez au comportement de la compagnie d'assurances étant donné le régime que nous avons en place. Je pense que c'est là une question valable. J'ignore s'il existe une réponse simple.

Je crois pour ma part que le principal organisme qui traite de cette question est le bureau du superviseur. Dans la plupart des cas, le superviseur fédéral est le BSIF, et celui-ci examine prudemment et tout à fait comme il se doit la gestion financière de toutes les compagnies d'assurances au Canada. Advenant que le BSIF relève des comportements qui ne cadrent pas avec ce que devrait faire une compagnie bien gérée, il dispose de beaucoup de pouvoirs et d'outils et il serait donc en mesure d'intervenir.

Nous pensons que le superviseur guette certains de ces risques et en traite comme il se doit si le cas se présente. Je n'ai aucun exemple à vous donner de cas où il y a eu des preuves de ce genre de comportement.

Vous m'interrogez au sujet d'assurance-vie, et je m'excuse, mais mon expérience et du côté de l'assurance de biens et de risques divers, et cet autre volet est quelque peu nouveau, bien que je surveille les choses de loin depuis 16 ans. Cela ne fait pas si longtemps que cela que je fais partie de l'organisation. Cependant, l'on continue de discuter de questions qui sont survenues dans d'autres industries.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Si un de vos membres fait faillite, vous êtes là pour voir à ce qu'il n'y ait pas un manque de fonds afin de satisfaire les obligations de la clientèle. Est-ce le syndic qui gère l'entreprise qui s'assure que la réclamation traitée en justice est faite correctement?

[Traduction]

M. Kovacs : Si l'organe de réglementation des assurances détermine qu'une compagnie d'assurances ne peut plus fonctionner et la renvoie en liquidation, alors le tribunal nomme un liquidateur et c'est celui-ci qui gère la compagnie. C'est lui qui choisira quelles réclamations sont payées et qui fixera le montant du paiement. Notre rôle est de veiller à ce que, du point de vue du consommateur, tout l'argent requis soit là afin que les paiements puissent être faits au complet. Cependant, c'est le liquidateur qui a tous les pouvoirs s'agissant de savoir quels sont les paiements et de quelle manière la liquidation sera gérée.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Vous connaissez très bien l'industrie, vous êtes très informé. On peut remarquer que depuis douze mois, les profits de vos clients membres ont augmenté considérablement. Comme on le voit en lisant les journaux tous les jours, dans certaines provinces, il y a beaucoup de consommateurs qui trouvent que l'augmentation est trop élevée. La réplique de l'industrie est telle qu'on retourne simplement un profit normal, mais cela soulève deux questions. Le profit est peut-être trop élevé et, y a-t-il assez de compétition dans l'industrie? Peut-être qu'il n'y en a pas assez pour contrôler les prix en conséquence.

[Traduction]

M. Kovacs : En ce qui nous concerne, nous surveillons le risque d'insolvabilité au sein de l'industrie des assurances.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Je sais que ce n'est pas votre responsabilité, mais vous êtes très informé. On a confiance que vous allez donner une bonne réponse.

[Traduction]

M. Kovacs : Je me ferai un plaisir de vous livrer ce que je sais. Pour ce qui est du risque qu'une compagnie d'assurances se trouve en difficulté ou fasse faillite, deux des indicateurs que nous surveillons de très près sont le capital dont disposent les compagnies et les réserves qu'elles se sont constitué en vue d'effectuer les paiements requis.

Il fut un temps où l'industrie canadienne connaissait quelques difficultés, et les gens étaient nombreux à se demander si les réserves allaient être suffisantes et s'il y avait suffisamment de capitaux pour que chacune des compagnies se sente à l'aise pour l'avenir. Comme l'ont clairement dit publiquement le BSIF et les superviseurs provinciaux, il y avait une liste croissante de compagnies en difficulté — assureurs de biens et de risques divers — et qui affichaient des chiffres troublants après plusieurs années successives de mauvais résultats.

Au cours des deux dernières années, les résultats se sont améliorés, en partie parce que les prix ont changé. D'après ce que nous avons vu, il y a 12 ans, les choses ne s'amélioraient pas côté capital, mais il y a un an, le capital s'est amélioré, et il semble que cette année encore le capital progressera. C'est une bonne chose du point de vue solvabilité.

Nous nous sommes également penchés sur les réserves : il y a deux ans, les réserves se sont améliorées, et cela a été la même chose l'an dernier. J'ignore si ce sera encore le cas cette année-ci.

Les deux éléments qui réduisent le risque d'insolvabilité d'une compagnie ont tous deux commencé à s'améliorer. Cela est très clairement lié au fait que les compagnies d'assurances ont augmenté leurs prix. Les consommateurs n'ont pas apprécié d'avoir à payer plus cher, mais cela a servi à apaiser une crainte croissante que nous avions quant au risque d'insolvabilité.

Nous avons vécu cinq années difficiles de suite; il y a eu une augmentation du risque d'échec. Nous en sommes aujourd'hui à notre troisième année de remontée. Nous n'avons pas encore retrouvé la solidité côté capitaux et réserve que nous avons vue aussi récemment qu'en 1999, mais la situation est meilleure qu'il y a deux ans.

De notre point de vue, nombre des changements survenus récemment marquent un progrès vers la réduction du risque d'insolvabilité.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Je ne suis pas tout à faire d'accord avec une des questions du sénateur Massicotte. Je comprends sa préoccupation, mais le consommateur n'a pas les moyens d'évaluer la solidité financière d'une compagnie d'assurances. Lorsqu'on magasine une compagnie d'assurances, personne ne va nous dire qu'une compagnie est sous surveillance aux six mois plutôt qu'un an. Cela minerait la réputation de la compagnie et elle serait vraiment en difficulté. Les compagnies d'assurances sont capables d'avoir des renseignements sur leurs clients, mais nous ne sommes pas capables d'en avoir assez pour choisir une compagnie solide. Je suis tout à fait d'accord que le risque moral, c'est une responsabilité et non un risque, puisque nous n'avons pas, comme consommateurs, le moyen d'aller les évaluer.

Je voudrais parler des risques nouveaux qui ont donné lieu à des baisses de couverture dans certaines polices. Par exemple, après la crise du verglas, on a vu des compagnies enlever certaines clauses dans leur police standard. C'est vrai que les tarifs ont augmenté.

Quel rôle jouez-vous lorsqu'une compagnie commence à être fragile, lorsqu'il y a une catastrophe naturelle, un acte terroriste, un tremblement de terre ou autre chose? Conseillez-vous les compagnies en leur disant d'arrêter de couvrir tout cela car il y a des risques? Est-ce que vous avez un rôle avec le Bureau d'assurance du Canada et les compagnies d'assurances? D'un côté, vous voulez qu'elles soient solvables et en même temps vous voulez indemniser les consommateurs. Conseillez-vous les compagnies d'assurances?

[Traduction]

M. Kovacs : Notre rôle est étroit. Nous avons une équipe de quatre. Vous avez identifié le bureau d'assurance comme étant une organisation nationale qui s'occupe d'une plus vaste gamme de questions. Nous nous efforçons quant à nous de veiller à ce qu'en cas d'insolvabilité il y ait des fonds à la disposition du liquidateur et à ce que les consommateurs voient leurs dossiers traités immédiatement et leurs réclamations payées en entier.

Dans le cadre de la poursuite de notre rôle, nous dialoguons régulièrement avec les superviseurs des assurances. Il se peut que nous entendions parler d'une compagnie d'assurances donnée et nous en discutons alors avec le superviseur des assurances, le BSIF ou le superviseur provincial. C'est à eux qu'il revient de donner suite, mais il se peut que nous disposions de renseignements qui puissent les aider, auquel cas nous les leur fournissons, de façon informelle.

[Français]

Le sénateur Plamondon : C'est donc l'intermédiaire. L'intermédiaire est le surintendant des compagnies d'assurance. C'est l'intermédiaire entre vous et les compagnies d'assurance. Vous parlez, ils vous parlent, vous dites des choses qui devraient être, puis, ils transmettent l'information aux compagnies d'assurance?

[Traduction]

M. Kovacs : C'est définitivement le rôle du surveillant des compagnies d'assurances de travailler directement avec les compagnies d'assurances, surtout si elles sont en difficulté. Si elles poursuivent des pratiques telles que le risque moral, alors le surveillant joue ce rôle. Nous pouvons être en possession de renseignements que le surveillant pourrait utiliser et nous les fournissons lorsque nous le pouvons.

Je suis d'accord avec vous pour dire que le grand public n'a pas un accès facile à des renseignements indiquant ce qu'est une solide et saine compagnie d'assurances et ce qu'est une compagnie plus faible. Au cours des dernières années, certains progrès ont été faits en la matière. Le leadership en la matière a été assuré par le BSIF. Grâce à l'Internet, il est possible d'obtenir d'importants renseignements financiers à jour au sujet des compagnies qui sont sous la surveillance du gouvernement fédéral. Cela est à la disposition de tous. Il y a également certains analystes, comme les courtiers en assurances, qui travaillent pour le consommateur et qui sont en mesure de comprendre ces renseignements. Il s'agit là d'une initiative du gouvernement fédéral qui n'existait pas antérieurement. C'est ainsi que sont disponibles tous les renseignements au sujet des compagnies sous régime fédéral.

Le gouvernement fédéral a assuré un leadership par le biais du BSIF. Notre organisation aimerait bien que davantage de gouvernements provinciaux affichent sur leur site web les mêmes genres de renseignements en ce qui concerne, notamment, la santé financière des compagnies qu'ils surveillent. Au Québec, il existe des renseignements partiels; dans les autres provinces, il n'y a pas encore de renseignements quels qu'ils soient.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Est-ce quelque chose que vous voudriez voir partout?

[Traduction]

M. Kovacs : Oui, nous aimerions voir cela partout au Canada. Cela rendrait service aux consommateurs de produits d'assurance, qui comprendraient ainsi ces renseignements, ainsi qu'à ceux qui travaillent pour le compte des consommateurs de produits d'assurance, notamment courtiers, agents et autres analystes, qui comprendraient eux aussi ces renseignements. Ceux-ci devraient également être à la disposition du grand public.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Est-ce qu'il y des questions clés qui sont émergeantes en matière de protection des consommateurs que vous voudriez nous voir recommander? Y a-t-il des choses nouvelles qui devraient être un sujet de préoccupation?

[Traduction]

M. Kovacs : Nous sommes ici pour vous livrer nos connaissances au sujet de la question de l'insolvabilité. Nous avons moins de connaissances s'agissant de certains des témoignages qui vous ont été livrés à ce jour. Le comité a joué un rôle très actif lors de la dernière ronde de réformes. L'on s'est beaucoup concentré sur le consommateur dans le cadre de cette ronde, et vous avez entendu des témoignages selon lesquels des mesures ont été prises pour faire avancer ce dossier depuis la dernière fois qu'il en a été question.

De façon générale, nous marquons des progrès, et j'ai apprécié l'occasion de voir certains des témoignages. Pour ce qui est du domaine plus étroit que nous connaissons bien, nous avons certaines préoccupations d'ordre provincial que nous serons heureux de coucher sur papier, mais dans les très rares cas où une compagnie fait faillite, les consommateurs sont bien servis.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Quand vous parlez de vos préoccupations au sujet des provinces, nommez-en donc quelques-unes?

[Traduction]

M. Kovacs : Nous ferons de notre mieux. Nous préférerions nous reporter pour le détail à une base de recherche. Je n'ai fait de la recherche que dans une province et au niveau de l'agence fédérale. Je ne sais trop de combien de temps nous disposons dans le cadre de votre horaire afin de vous donner des conseils précis au sujet d'autres provinces. Nous pouvons vous confirmer que nous allons faire de la recherche sur les autres provinces, mais j'ignore si cela viendra assez vite. Nous vous livrerons cependant ce qu'il en ressortira au fur et à mesure.

Le président : Lorsque vous nous donnerez le modèle pour Terre-Neuve, il serait utile pour nous de savoir où vous estimez qu'il existe des failles. Nous pourrons faire des extrapolations à l'échelle du pays.

Vous dites qu'il est obligatoire d'adhérer à votre organisation pour obtenir l'autorisation requise. Quelle est cette autorisation? S'agit-il d'une autorisation légale ou bien cela se fait-il par le biais d'une entente? Comment se fait-il que vos membres doivent se plier à ce que prévoient les statuts de votre société? Cela est-il volontaire ou bien y a-t-il une loi?

M. Harries : Chaque assureur de biens et de risques divers qui souscrit dans un domaine régi par la SIMA-IARD est tenu d'être membre en vertu de la loi ou des règlements en matière d'assurances.

Le président : L'adhésion est obligatoire, mais d'où vous vient le pouvoir d'exiger ces paiements? Est-ce par le biais d'une entente ou en vertu d'une loi fédérale ou provinciale?

M. Harries : C'est ce que prévoient nos statuts.

Le président : En gros, les gouvernements imposent à vos membres d'adhérer à votre organisation. Dès lors qu'une compagnie devient membre, vous imposez telle ou telle chose et vous y êtes autorisés en vertu de vos statuts. C'est donc une question d'application. Que se passe-t-il si quelqu'un refuse de payer?

M. Harries : Fort heureusement, nous n'avons jamais vécu cela. En pareil cas, nous serions autorisés à avoir une discussion avec l'organisme de réglementation des compagnies d'assurances et nous porterions la situation à son attention et poursuivrions l'affaire aussi vigoureusement que possible.

Le président : Il pourrait s'ensuivre la perte de leur droit de poursuivre leurs activités dans la province ou en vertu de la loi fédérale, selon le cas. Est-ce là l'idée? Ce serait là la conséquence ultime.

M. Harries : Les compagnies d'assurances ne voudraient pas mettre en colère l'organe de réglementation.

Le président : Vous dites que vos membres indépendants sont distincts des actionnaires et qu'ils ne forment pas une majorité, mais ils comptent pour un nombre important des membres de votre conseil d'administration. Je comprends cela. Comment ces personnes sont-elles nommées ou choisies?

M. Harries : Nous avons un comité de gouvernance et de ressources humaines du conseil d'administration et nous cherchons à obtenir des noms de candidats auprès de tous les membres du conseil. Nous tenons des discussions aussi vastes que possible en vue de trouver des candidats bien qualifiés.

Le président : Y a-t-il quelque méthodologie que vous suivez en vue de veiller à ce qu'il n'y ait aucun conflit d'intérêt — en d'autres termes, afin de vous assurer que ces personnes soient réellement indépendantes et qu'elles n'aient pas d'intérêt direct ou indirect côté assurances du conseil d'administration?

M. Harries : Oui.

Le président : Quelles sont les règles? Existe-t-il des règles régissant le comportement indépendant des administrateurs indépendants?

M. Harries : Notre principale règle est qu'un administrateur public de la SIMA-IARD ne peut avoir aucune association sous quelque forme que ce soit avec une compagnie d'assurances membre.

Le président : Cela figure-t-il dans vos statuts? Où trouverions-nous cela, afin que nous puissions vérifier le libellé et le degré d'indépendance?

M. Harries : C'est une pratique que nous suivons, mais cela ne figure pas dans nos statuts.

Le président : Nous nous efforçons de porter le chapeau du consommateur. Votre organisation a fait un bon bout de chemin pour combler un trou, mais il demeure encore quantité de trous dans le mécanisme de protection du consommateur. Ce qui nous intéresse c'est de savoir comment faire pour remplir ces trous. Les représentants du secteur bancaire nous ont dit que si cela était venu plus tôt les choses auraient été meilleures bien plus vite. Ils ont confirmé le travail que nous faisons en avance du travail que nous faisons. Nous apprécierions toute recommandation précise visant à améliorer le processus.

Nous accueillons maintenant le groupe Option consommateurs, ici représenté par Mme Isabelle Durand et M. Jacques St-Amant. Nous allons également entendre M. Kyle. Nous vous demandons de prendre un minimum de temps pour nous soumettre vos arguments clés. M. Kyle nous a fourni un mémoire très bien rédigé et nous voudrons l'examiner avec lui. Si vous pouviez faire vite avec vos remarques liminaires, cela permettrait aux sénateurs de vous poser des questions. Ils ont la documentation que vous avez fournie et ils ont eu l'occasion de la parcourir.

[Français]

Mme Isabelle Durand, avocate, responsable des services budgétaires, Option consommateurs : Monsieur le président, l'accès à des services bancaires de qualité est indispensable et c'est pourquoi nous sommes heureux de constater l'importance que vous accordez à ce domaine. Nous vous remercions de nous avoir invités à participer à vos travaux relatifs aux questions concernant les consommateurs dans le secteur financier.

Option consommateurs est une association de consommateurs dont le siège se trouve à Montréal et qui, entre autres, s'intéresse activement au secteur des services financiers depuis plus de 15 ans.

Nous offrons des services de consultation budgétaire individuels qui nous mettent en contact avec des consommateurs surendettés. Notre service d'information juridique dessert plus de 4 000 consommateurs par année dont le quart communique avec nous en raison de problèmes avec leurs institutions financières.

Depuis 1990, nous avons publié une vingtaine de rapports de recherche ou de mémoires relatifs aux services financiers et nous sommes intervenus fréquemment devant votre comité et d'autres instances parlementaires.

Si nous avons une préoccupation particulière pour les consommateurs à faible revenu, nous nous intéressons plus généralement à l'ensemble des consommateurs et à leurs relations avec le fournisseur de services financiers. Nous nous arrêterons aujourd'hui aux rapports entre les consommateurs et leurs banquiers. Nous constatons à toutes les semaines que tout n'est pas au bon fixe en matière de qualité de services, d'accessibilité ou de traitement des plaintes, il reste largement place à amélioration.

En matière de crédit, nous sommes carrément inquiets de certaines pratiques, et du côté des paiements électroniques, c'est le fouillis. Tentons d'en donner un aperçu. Dans le domaine du crédit, nous observons un paradoxe; d'une part, les banquiers accordent trop facilement trop de crédit à des consommateurs surendettés qui se trouvent alors à la merci du premier incident venu dans leur vie et qui fera en sorte qu'ils ne pourront plus assumer leurs mensualités.

[Traduction]

Le président : Vous couvrez beaucoup de terrain rapidement, mais si vous pouviez ralentir, cela aiderait nos interprètes.

[Français]

Mme Durand : Les processus d'évaluation utilisés par les institutions de la capacité de rembourser nous paraissent déficients. En même temps, les banquiers ne consentent pratiquement plus de prêts de moins de 5 000 $, ce qui repousse les ménages dont les réfrigérateurs rendent l'âme vers les prêteurs sur salaire ou sur gage. Nous participons présentement à une initiative de microcrédit à Montréal en collaboration avec le mouvement Desjardins. Cette initiative fonctionne bien, mais elle ne répond pas à toute la demande.

Les pratiques bancaires en matière de crédit combinées aux fermetures de succursales dans de nombreux quartiers et aux autres formes de réduction de services expliquent largement le succès actuel des firmes Insta-chèques, Money Mart ou des prêteurs sur salaire.

Ni les consommateurs, ni les banquiers, ni l'économie en général ne sortent gagnants de cette évolution, qui incite un nombre grandissant des consommateurs à recourir aux services financiers parallèles. En matière d'accessibilité aux services bancaires de base, il faut toutefois noter un progrès dû à la réforme de 2001. L'obligation législative d'ouvrir des comptes à toute personne répondant à certaines exigences d'identifications a permis d'améliorer notablement les choses. Tout n'est pas réglé, mais le progrès est perceptible.

Par contre, la situation ne s'améliore pas en matière de paiements électroniques. Nous recevons régulièrement des plaintes à l'égard de cartes de débit notamment. Nous constatons aussi que les marchands refusent tout simplement d'être payés en argent comptant. Dans le cas des paiements électroniques non autorisés, les droits et les recours des consommateurs seront différents selon qu'il s'agit d'un débit pré-autorisé, d'un paiement par carte de débit ou d'un paiement par carte de crédit ou d'un téléchèque. Le consommateur, le marchand et le banquier ne s'y retrouvent tout simplement plus.

Comme les États-Unis l'ont fait, il y a longtemps, il est plus que temps que le Canada se dote d'un cadre législatif cohérent en matière de paiement électronique pour réduire les risques encourus par tous les participants.

Certains de ces risques pourraient être mitigés par le processus de traitement des plaintes. Hélas, nous constatons qu'il demeure très mal connu auprès des consommateurs et qu'il ne fonctionne pas toujours très bien. Les consommateurs éprouvent de la méfiance à l'égard des mécanismes contrôlés par les banquiers et les délais sont parfois très longs.

L'attitude et les décisions des ombudsmans internes des banques ne sont pas toujours empreintes de l'impartialité nécessaire. Si les choses se déroulent mieux au niveau de l'ombudsman des services bancaires et de l'investissement, les consommateurs se lassent parfois trop souvent avant d'en arriver à ce stade de la plainte.

En contrepartie, la mise en place de l'agence de consommation en matière financière s'est bien déroulée et elle fait preuve d'un dynamisme apprécié. Nous souhaiterions que son mandat soit étendu et ses ressources augmentées. La création de l'agence et les effets positifs de la réglementation relative aux ouvertures de compte démontrent qu'une réglementation bien conçue améliore le fonctionnement du marché des services financiers canadiens qui demeure hautement centré au plan régional. Nous invitons le comité à s'inspirer des exemples dans sa réflexion relative aux problèmes nombreux qu'éprouvent encore les consommateurs avec leur banquier et que nous n'avons qu'effleurés. Il nous fera plaisir de répondre à vos questions.

[Traduction]

Le président : Monsieur Kyle, si je demande aux deux témoins d'y aller avec leurs remarques liminaires, c'est que nous comptons siéger jusqu'à environ 18 h 10. Si vous pouviez vous en tenir à un bref exposé, cela permettra aux sénateurs de choisir à qui parmi vous poser des questions.

M. Robert Kyle, à titre personnel : Cela vous irait-il, un topo de cinq ou six minutes?

Le président : Cinq ou six minutes, ce serait très bien. Prenez votre temps; faites un peu plus lentement que le témoin qui vous a précédé.

M. Kyle : Merci de m'avoir invité à participer à ces audiences. L'inspiration qu'a eue le sénateur Plamondon d'entreprendre cette étude offre au gouvernement fédéral l'occasion d'examiner de plus près l'incidence qu'a sur tout les Canadiens ce très important secteur à réglementation provinciale.

Fort de mes 20 années d'expérience dans l'industrie des services financiers et en tant qu'ancien directeur exécutif de la Small Investor Protection Association et actuel administrateur du Conseil des consommateurs du Canada, j'ai eu l'occasion d'entendre pendant des années un litanie ininterrompue de doléances de la part et de courtiers et d'investisseurs au sujet de l'actuel régime de réglementation des valeurs mobilières.

En passant en revue le témoignage de certains des intervenants qui ont comparu devant le comité, j'ai trouvé intéressant que, bien que vous ayez entendu des organismes de réglementation privés, des lobbyistes de l'industrie, des associations professionnelles et des organisations de consommateurs investisseurs, vous n'avez pas entendu le point de vue de ceux qui gagnent leur vie en tant que conseillers financiers, courtiers ou agents. Mais cela n'a rien d'étonnant.

Le président : Permettez que je vous interrompe un instant. Nous nous sommes méticuleusement efforcés dans le cadre de notre planification d'entendre d'abord les pouvoirs publics, puis les membres faisant partie de la catégorie autoréglementée, et c'est maintenant que nous sommes ouverts à entendre de simples citoyens et des personnes comme vous-même. Si vous estimez qu'il y a des lacunes et que d'autres personnes pourraient livrer au comité des vues que nous n'avons pas encore entendues, alors nous sommes ouverts à cela.

M. Kyle : J'apprécie cela. Pour bien me faire comprendre, j'avais demandé à plusieurs de ces courtiers qui sont venus me voir avec leurs griefs de coucher leurs plaintes sur papier et de les soumettre au comité. Ils ont refusé. Leur raison : la crainte qu'ils fassent l'objet d'une enquête par les organes de réglementation de lobbyistes de l'industrie eux-mêmes ou alors qu'ils perdent leur emploi. Ils ne veulent pas être des dénonciateurs.

Ni les organes de réglementation ni les membres de l'OAR ne toléreront des délateurs qui sont critiques à l'égard du système qui les réglemente. Il suffit de regarder du côté de l'Alberta pour voir comment la Commission des valeurs mobilières là-bas à traiter des dénonciateurs au sein de sa propre organisation, alors quelles chances aurait un registraire?

John Grisham, auteur de romans comme The Firm et The Client, aurait sans doute un bestseller s'il en écrivait un portant le titre The Club, un peu à la manière de l'auteur canadien, John Lawrence Reynolds, avec son livre intitulé The Naked Investor : How to Even the Odds with the Investment Industry, un livre qui explique pourquoi presque tout le monde sauf vous s'enrichit avec son REER. Je ne dis pas cela pour donner un coup de pouce à M. Reynolds, mais son livre est une mise en garde opportune pour ceux qui comptent sur notre actuel cadre de réglementation pour être protégé.

Ma propre soumission au comité, intitulée « Self-Regulatory Organizations in the Canadian Securities Industry », illustre plusieurs des graves problèmes juridiques, opérationnels et logistiques qui ont une incidence négative sur les investisseurs et les courtiers de partout au pays. Mon étude n'est aucunement exhaustive. Notre industrie fragmentée des valeurs mobilières est truffée d'écueils et à mon sens elle ne fonctionne plus du tout comme elle le devrait en ce qui concerne l'investisseur.

En août 2004, le Comité des finances de l'Ontario a tenu des audiences semblables aux vôtres et au cours desquelles les Ontariens et les résidents d'autres provinces ont eu l'occasion de s'entretenir directement avec le gouvernement. Leurs préoccupations ont été expliquées haut et fort. Ces audiences ont résulté en un rapport de 59 pages renfermant 14 recommandations entérinées par tous les partis politiques et déposé pour mise en œuvre auprès de l'Assemblée législative de l'Ontario. Suit un extrait de ce rapport : « Les témoignages entendus par le comité permanent ont fait ressortir un profond scepticisme de la part du public investisseur. Les gens n'ont tout simplement pas la conviction que les plaintes seront toujours traitées d'une façon objective et dans le cadre d'un système autoréglementation. Nous pensons que la question de savoir si les OAR devraient se voir accorder davantage de pouvoirs voire même s'ils devraient exercer quelque pouvoir que ce soit devrait faire l'objet d'un examen plus poussé par un groupe de travail chargé de se pencher tout particulièrement sur cette question ».

Pourquoi est-ce si important? Je vais tenter de vous donner un exemple simple. Lorsqu'un citoyen canadien est témoin de ce qu'il pense être un crime, il appellera la police. Lorsqu'un investisseur a le sentiment d'avoir été victimisé, il contactera logiquement l'organisation habilitée à exécuter la loi en matière de valeurs mobilières, dans ce cas-ci les commissions des valeurs mobilières.

Eh bien, oublions la logique. Les organismes de réglementation prévus sous la loi enverront l'investisseur lésé voir ou l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières ou l'Association canadienne des courtiers en fonds mutuels — en d'autres termes, l'organe de réglementation gouvernemental. Par exemple, la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, qui est responsable de l'administration de la loi provinciale en matière de valeurs mobilières, enverra l'investisseur voir une association professionnelle — celle-là même qui représente le courtier en valeurs mobilières contre lequel l'investisseur a une plainte. C'est alors que l'association décidera si la plainte de l'investisseur a du mérite.

Dans tous les cas, la décision ne débouchera pas sur des poursuites pour infraction au titre de la loi sur les valeurs mobilières ou du Code criminel par ou l'ACCOVAM ou l'ACCFM. La raison en est simple. Les OAR ne sont pas habilités à appliquer les lois en matière de valeurs mobilières ou le Code criminel et ils ne peuvent pas non plus interpréter ce que constitue l'intérêt public. Il s'agit d'organismes de nature privée. Le résultat en est que les épargnants ne voient jamais leurs plaintes traitées comme il se doit par un organe public chargé par la loi de protéger leurs intérêts.

Le renard qui surveille le poulailler, l'empereur dénudé, le Far West, voilà des expressions que connaissent très bien les investisseurs canadiens.

Je vous remercie de l'occasion qui m'a été ici donnée de comparaître devant vous aujourd'hui. Mon mémoire et d'autres documents sont à la disposition du public à l'adresse Internet que voici www.regulators.itgo.com. J'envisage avec plaisir de répondre à vos questions.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Les fusions bancaires seront-elles bénéfiques pour les consommateurs? Des témoins nous ont dit que les Credit Union pourraient prendre la relève suite à la fermeture de succursales bancaires. Je ne crois pas qu'elles offriront tous les services qu'une banque pourrait offrir. Une consolidation a eu lieu au Québec et certaines caisses ont été fermées. Elles ont été remplacées par des points de vente et ensuite, elles ont été remplacées par des guichets automatiques et lorsque le guichet automatique n'était pas suffisamment rentable, il a été fermé tout simplement. Ces remplacements de succursales bancaires seront-ils à l'avantage des consommateurs?

M. Jacques St-Amant, analyste-conseil, Option consommateurs : Nous ne voyons, a priori, aucun avantage à la perspective de fusions bancaires pour plusieurs raisons. La première est que la grande majorité des marchés locaux sont extrêmement concentrés. Un sondage CROP, en 2001, demandait aux consommateurs les motifs en vertu desquels ils choisissaient leur institution financière. Les motifs les plus fréquents étaient la qualité du service personnalisé et la proximité. Essentiellement les consommateurs choisissent leur banquier dans un marché local. Or, nous avons fait une recherche en 1997, dont les résultats ont été publiés en 1998, qui indiquait que dans 58 p. 100 des localités au Canada, une seule institution de dépôt était présente et dans près de 20 p. 100 des localités, il n'y en avait que deux. En gros, dans les trois quarts des localités canadiennes, il y a, au plus, deux institutions de dépôt présentent. Dans les grandes villes où il y a davantage de concurrence, il faut regarder par quartier.

Dans les quartiers à faible revenu, les banquiers sont très peu présents. Si on concentre encore davantage le marché en réduisant le nombre de banques, il est évident qu'il y aura moins de concurrence avec tous les effets négatifs que cela pourrait avoir sur le marché qui n'est déjà pas en excellente santé. On ne voit pas, à priori, de bonnes raisons, tant pour les consommateurs que pour les petites entreprises et l'économie en général d'envisager des fusions. Par ailleurs, les banquiers nous disent très souvent que si nous procédions à des fusions cela nous permettrait de devenir des joueurs importants sur la scène mondiale.

Si vous avez l'occasion de trouver un numéro récent de la revue Forbes Global 2000, vous y retrouverez la liste des 2 000 entreprises les plus influentes au monde. La Banque Royale arrive au 89e rang, ce qui n'est quand même pas si mal. Quand on fait la liste des grandes institutions de dépôt au monde, la Banque Royale arrive au 38e rang. Si l'on veut jouer dans le cercle fermé des 12 ou 13 très grandes banques, qui ont des actifs supérieurs à un trillion de dollars américains, il faudrait fusionner au moins quatre de nos grandes banques en une seule institution, dont la Banque Royale. Si l'on veut que les banques canadiennes deviennent des joueurs sur la scène mondiale, il faudra se résigner à n'avoir qu'une banque au Canada, ce qui n'est pas nécessairement une perspective qui nous réjouit.

Quant à la possibilité que le mouvement coopératif se substitut en quelque sorte aux banques en cas de fusion, il faut retenir, comme le notait madame le sénateur Plamondon, qu'au Québec cela n'a pas été un phénomène qui s'est manifesté beaucoup, même s'il y a eu des fermetures de succursales. Je pense, au quartier de Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal, qui est un quartier à très faible revenu, où on a assisté dans les dernières années à de nombreuses fermetures et où le nombre de Caisses populaires Desjardins a également diminué en raison de la concentration et d'une réduction de points de service. La qualité des services n'a certainement pas augmenté. Si, par exemple, Desjardins ou des sociétés de crédits rachetaient un certain nombre de succursales, on maintiendrait peut être une présence locale, qui est déjà très concentrée, mais on n'augmenterait pas la concurrence. On ne ferait que substituer une bannière par une autre dans un marché qui est déjà concentré. Nous ne voyons pas d'avantage aux fusions. Nous ne pensons pas que les sociétés de crédit, à moyen terme, joueront un rôle beaucoup plus important dans le marché.

[Traduction]

Le président : J'ai accordé une grande marge de manœuvre pour ce qui est de la réponse à cette question, mais cela déborde un petit peu des limites de notre étude. Pour être juste envers le sénateur Plamondon, le gouverneur de la Banque du Canada est venu ici il y a quelques semaines et a parlé en des termes positifs des fusions.

Le comité n'est pas encore saisi de cette question. Nous n'avons pas encore décidé, en tant que comité, si nous voulons recommander un réaménagement de l'actuel système bancaire. Nous sommes tous d'avis qu'il devrait y avoir davantage de concurrence.

J'aimerais que nous revenions aux questions qui nous occupent en ce moment.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Puisque nous avons accepté de recevoir les banquiers pour nous parler de fusion, je crois qu'il est approprié de poser des questions équivalentes aux représentants des consommateurs. J'aimerais aborder la question des cartes de débit.

[Traduction]

Le président : Si nous tenons des audiences portant précisément sur les fusions bancaires, vous serez les bienvenus pour revenir nous voir et vous entretenir avec nous.

M. St-Amant : Nous en serions ravis.

Le président : Si vous le voulez bien, revenons à la question sur laquelle porte notre étude, soit la protection des consommateurs dans le secteur des services financiers tel qu'il existe à l'heure actuelle.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Certains témoins nous ont dit qu'il n'y avait pas de problème important avec les cartes de débit. Pourtant on lit dans les journaux qu'à moyen terme, on cherche à remplacer les cartes de débit par des cartes à puce. Ce n'est pas parce que les cartes de débit sont à l'épreuve de toute fraude. Quels problèmes avez-vous avec les cartes de débit?

M. St-Amant : Nous serions tentés d'inviter ceux qui vous disent qu'il n'y a pas de problème, à venir répondre aux consommateurs. Nous recevons régulièrement des plaintes des victimes de retraits non autorisés. Ceux-ci s'adressent à leur institution financière et reçoivent des réponses qui, trop souvent, ne correspondent pas au contenu du Code canadien de service de cartes de débit. Ils s'adressent, quand ils le connaissent, au mécanisme de traitement des plaintes de l'institution, pour se faire dire qu'on va couper la poire en deux. Oui, les problèmes sont relativement fréquents. Les institutions remboursent sans difficulté les cas de clonage systématique. Toutefois, lorsqu'il s'agit de cas plus individuels, il est plus difficile d'obtenir réparation. Cependant, vous l'avez mentionné, l'industrie sait que le mécanisme actuel, qui utilise une carte à bande magnétique, n'est pas sécuritaire.

Le sénateur Plamondon : Ce sont surtout les cas de retraits de fonds sans le consentement de la personne qui vous causent des problèmes, n'est-ce pas?

Mme Durand : Oui.

Le sénateur Plamondon : Vous avez parlé dans votre mémoire de banquiers qui refusent de négocier un chèque portant un double endossement. Ce n'est pas la première fois que j'entends ce commentaire. Plusieurs consommateurs ont vécu cette expérience. On envoie quelqu'un à l'institution financière, on lui demande d'endosser le chèque et, tout à coup, on a de la difficulté à encaisser un chèque. Pourriez-vous me dire quelles plaintes vous recevez à ce sujet?

M. St-Amant : Depuis quelques années nous constatons des cas où les banquiers refusent catégoriquement d'encaisser un chèque qui porte un double endossement. Pour les gens qui n'ont pas de compte de banque ou pour ceux qui font face à des délais de gel de fonds importants, et qui pouvaient de cette façon avoir accès plus rapidement à des liquidités, c'est un obstacle assez important à l'accessibilité de leurs fonds.

Le sénateur Plamondon : Est-ce permis de refuser un chèque, par exemple, du gouvernement qui est endossé? Pourquoi la banque refuse-t-elle?

M. St-Amant : En toute logique, quand nous lisons la Loi sur les lettres de change, il est de l'essence d'un chèque qu'il soit négociable, qu'il puisse être endossé. S'il ne pouvait pas l'être, le système de compensation interbancaire ne fonctionnerait pas, puisque c'est un système d'endossement. Malheureusement, le seul recours pratique du consommateur c'est auprès des tribunaux. Ils ont le droit de faire encaisser leur chèque, mais la pratique est assez laborieuse.

Le sénateur Plamondon : Quel est le plus gros problème des consommateurs en ce moment en ce qui a trait aux services financiers?

M. St-Amant : Il y a une série de problèmes. En ce qui a trait au crédit, on a un double problème. Premièrement, on retrouve l'accès trop facile au crédit pour certains consommateurs et un non accès au crédit pour d'autres, ce qui est paradoxal. Deuxièmement, le niveau des paiements électroniques devient un phénomène de plus en plus marquant. Nous nous trouvons actuellement dans un fouillis avec une législation archaïque.

J'assistais, il y a quelque temps, à une conférence où se trouvaient des représentants de Visa international. Il est très clair que le mouvement Visa a une politique mondiale pour développer le plus possible le service des paiements électroniques. Des offensives publicitaires auprès des consommateurs, des États et des gouvernements sont faites pour faire la promotion de ces modes de paiements. Nous ne sommes absolument pas contre les paiements électroniques, toutefois il faut qu'ils soient encadrés correctement afin que tous s'y retrouvent, tant les banquiers que les marchands et les consommateurs. Actuellement au Canada, on est très loin du compte.

Le sénateur Plamondon : Monsieur Kyle, vous disiez que le petit investisseur est méfiant — c'est exact — et qu'il ne sait pas comment évaluer un risque. Que recommanderiez-vous à un petit investisseur, qui a des économies d'une vie, qui ne voudrait pas prendre de risque, mais qui ne voudrait pas laisser son argent dans un compte à 0,5 p. 100? Que lui conseilleriez-vous? Quelles précautions aurait-il à prendre pour se protéger?

[Traduction]

M. Kyle : Chacun devrait faire preuve de diligence raisonnable s'agissant de se renseigner sur le courtier avec lequel il ou elle fait affaire et de déterminer s'il a des antécédents, un passé, ainsi que sur le passé du cabinet lui-même. Qu'est le courtier inscrit autorisé à faire? Renseignez-vous. C'est là une responsabilité qui revient au public également.

Le sénateur Plamondon : Et comment vous y prendriez-vous?

M. Kyle : Les organes de réglementation ont un site web sur lequel vous pouvez vous renseigner sur les antécédents des différents inscrits. Malheureusement, vous n'y verrez pas s'il y a eu de simples réprimandes de la part de l'organe de réglementation privé. Il devient alors difficile d'assurer la diligence raisonnable. Il est difficile de trouver des renseignements auprès des organismes privés. Si vous vouliez remonter jusqu'au commissaire à l'information ou au commissaire à la protection de la vie privée des différentes provinces pour obtenir ces renseignements, vous n'y parviendriez pas.

Le sénateur Plamondon : Vous ne pouvez alors pas exercer toute la diligence voulue.

M. Kyle : Oui, cela devient en effet très difficile.

Le sénateur Plamondon : Et que pouvez-vous alors faire?

M. Kyle : Il s'agit là d'une question très difficile. Vous pouvez déposer votre argent à la banque et toucher vos 1,5 p. 100, je suppose. J'ignore quel choix ont réellement les Canadiens. Où peuvent-ils investir à l'extérieur de l'actuel système en place? Il n'y a à vrai dire rien là pour eux. J'imagine qu'il y a l'immobilier. Je ne suis pas conseiller.

Le sénateur Plamondon : Vous disiez que les gens sont méfiants.

M. Kyle : Oui, ils se méfient du système tel qu'il fonctionne pour eux.

Le sénateur Plamondon : Comment faire pour que le système soit digne de confiance?

M. Kyle : Vous pouvez l'améliorer. J'ignore quel système inspirerait confiance aux gens. En bout de ligne, un système géré par les banques et par les courtiers eux-mêmes ne va pas beaucoup rassurer les gens. Nous avons envisagé un genre de mécanisme visant à dédommager les clients. Il y a quelques années, le gouvernement fédéral a établi à cette fin le CRCSF, mais, en bout de ligne, les banques ont eu le dessus. Une fois qu'un investisseur a été brûlé, il hésitera à avoir quoi que ce soit à voir avec la banque ou le courtier ou leurs affiliés. Le système n'a pas été conçu en fonction de l'investisseur, mais en fonction de l'industrie. Selon moi, chaque aspect du système est co-opté par l'industrie. La boucle est bouclée. L'industrie a fait main basse sur le système. Il est difficile pour l'investisseur de sortir du cercle. Les tribunaux sont une possibilité, mais c'est une possibilité très coûteuse que la plupart des gens ne peuvent pas se payer.

Le sénateur Massicotte : La question est très valable. Une solution à tout cela serait de veiller à ce qu'il y ait une concurrence suffisante. Vous ne pouvez pas contrôler le fournisseur de services ou de produits. Ce que vous dites, implicitement, c'est qu'il n'y a pas suffisamment de concurrence, et je présume que c'est là la réponse. Comment faire pour créer davantage de concurrence?

M. Kyle : Nous avons un système dans le cadre duquel les gouvernements ont répercuté, ou, pour employer un autre terme, relégué leurs responsabilités des commissions des valeurs mobilières elles-mêmes aux organismes privés. De façon générale, dans quatre ou cinq provinces, l'organe privé se voit autorisé à assurer le processus d'enregistrement pour la commission des valeurs mobilières. Ce pourrait être là votre première barrière à l'entrée. Par exemple, en 1997, les cotisations annuelles de l'ACCOVAM étaient de 5 000 $. D'après ce que je sais, elles sont aujourd'hui de 25 000 $. Je crois également comprendre qu'il y a encore 25 000 $ à verser à titre de commission d'acceptation. Vient ensuite votre capital ajusté en fonction des risques, soit le capital qu'il vous faut verser en cas de fraude au sein de la société ou de la concession. Ce sont déjà là des obstacles à l'entrée. Ces règles ne sont pas fixées par le gouvernement, mais bien par le secteur privé.

L'ACCOVAM est un lobbyiste qui agit pour le compte de ses membres enregistrés à Ottawa. Elle est composée de ses membres. Nous avons vu des banques américaines venir au Canada au cours des 10 ou 15 dernières années pour repartir en l'espace de deux ou trois ans. Je ne peux pas vous dire pourquoi cela se passe ainsi, mais je suis convaincu qu'il s'agit d'une industrie qui est gérée par les banques et par les courtiers de ces associations. Ce sont eux les organes de réglementation auxquels ils doivent se tourner. Malheureusement, pour les investisseurs, leur seule avenue est de se tourner vers ces associations privées. Ils ne peuvent pas obtenir une décision judiciaire en comparaissant devant un organe de réglementation privé. Cela est impossible. Ceux-ci n'ont aucune autorité en la matière.

Si un investisseur a le sentiment d'avoir été victimisé et que ce qui a été fait est peut-être contraire à la loi — la loi étant le Code criminel ou les lois en matière de valeurs mobilières — qui tranche le cas pour lui? Il n'y parvient jamais, car l'organe privé n'est pas habilité à faire cela. Je suis convaincu qu'il y aurait à l'échelle du pays beaucoup plus de poursuites au titre de lois sur les valeurs mobilières si nous avions un organe doté de pouvoirs suffisants et qu'il les exerçait comme il se doit. Vous ne pouvez pas vous attendre à ce que l'ACCFM et l'ACCOVAM réglementent notre industrie. Il est injuste de s'y attendre si vous ne leur donnez pas les outils requis. L'une des deux est l'autorité légitime. Qu'on légifère en la matière. Si tel était le cas, cela serait assorti de mesures de protection comme c'est le cas avec la Loi sur l'exercice des compétences légales de l'Ontario, la Loi sur la preuve, ou, dans les cas d'enquête, les articles 7 et 8 de la Charte. Ce sont là des mesures de protection importantes dont ont besoin les consommateurs. Elles ne sont pas en place dans le cadre de l'actuel régime.

Le sénateur Oliver : Ma question s'adresse à M. Durand. Lors de votre témoignage, vous avez dressé une longue liste de problèmes, plaintes et préoccupations des consommateurs concernant le secteur des services financiers. Lors de votre comparution devant le comité cet après-midi, vous avez parlé de l'octroi de crédit et des problèmes liés à cela ainsi que du paiement électronique de factures et des problèmes liés à ce phénomène-là. Vous étiez préoccupé par la capacité des consommateurs de rembourser une fois l'argent avancé par une banque ou un établissement de crédit. Vous étiez préoccupée par les cartes de débit et certains des problèmes que pose leur utilisation en cette ère moderne que nous connaissons. Vous étiez préoccupé par le fait que les banques accordent souvent trop vite du crédit à certaines personnes.

Il me semble que lors de la modification de la Loi sur les banques en vertu du projet de loi C-8, l'on a instauré dans la loi de nouveaux mécanismes visant à protéger les consommateurs et à régler plusieurs des préoccupations que vous nous avez livrées aujourd'hui. Par exemple, l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et le Centre du Réseau de conciliation du secteur financier ont été créés. Ce devait être des agences efficaces et efficientes vouées à la protection des consommateurs. N'ont-elles pas bien fait leur travail? Dans la négative, qu'est-ce qui ne va pas et que recommanderiez-vous au comité de faire pour les renforcer afin que ne se posent plus les problèmes que vous avez évoqués relativement aux transactions électroniques et au fait que les banques accordent trop de crédit? Ces organisations ne sont-elles pas celles que nous devrions envisager de renforcer? Ne devrions-nous pas faire plus pour mieux sensibiliser les consommateurs que vous représentez afin qu'ils sachent mieux comment utiliser ces organisations?

M. St-Amant : Il s'agit là d'une question intéressante. Comme nous l'avons mentionné, nous sommes satisfaits de ce que fait l'Agence de la consommation en matière financière depuis sa création, mais son mandat est beaucoup trop étroit. En gros, son mandat est de faciliter l'application de la loi et de certaines dispositions bien particulières. L'Agence n'a pas de mandat général de protection du consommateur.

Le sénateur Oliver : Le devrait-elle?

M. St-Amant : À notre sens, oui. Il n'y a rien dans la Loi sur les banques ni dans un quelconque autre texte de loi qui établisse comme il se doit les critères en matière de prêts. Cette question a été entièrement livrée à l'industrie. À notre avis, les critères utilisés à l'heure actuelle ne sont pas sains.

En ce qui concerne les opérations bancaires électroniques et les paiements électroniques en général, certains changements ont été apportés à la loi en vue de la création de l'Association canadienne des paiements. Malheureusement, beaucoup de choses sont restées sur la table et attendent toujours d'être réglées. La télématique bancaire a connu toute une évolution au cours des cinq dernières années. Le gros de ce qui doit être fait pourrait être réalisé assez facilement. Cela répond-il à votre question?

Le sénateur Oliver : Qu'en est-il de l'amélioration de la sensibilisation des gens? Les consommateurs que vous représentez sont-ils au courant des deux agences que je viens de mentionner? Conviendrait-il de faire quelque chose pour mieux sensibiliser les gens à l'existence de ces agences qui sont là pour aider avec ces problèmes?

M. St-Amant : La courte réponse est non. Malheureusement, les consommateurs ne sont dans l'ensemble pas au courant de ce qui existe. Je sais que l'Agence de la consommation en matière financière a lancé un vaste programme d'extension, mais cela demande du temps et des ressources qu'elle ne possède pas forcément. Quant aux mécanismes de résolution des plaintes et à l'ombudsman, je pense que notre principal souci est qu'un trop grand nombre de consommateurs ressortent si mécontents de ces processus et de la façon dont les choses ont fonctionné que cela ne fait pas de la très bonne publicité pour ce genre de système.

Les banques pourraient clairement faire beaucoup plus pour faire mieux connaître les différents processus. Nous avons reçu bon nombre de plaintes de clients qui se sont adressés à la banque et qui n'ont pas obtenu la bonne réponse. Lorsqu'ils sont venus nous voir, ils ne savaient pas que la banque avait un mécanisme de traitement des plaintes ou un ombudsman.

Le sénateur Oliver : Et vous les avez donc renvoyés à l'ombudsman?

M. St-Amant : Bien sûr. Ils ont alors été renvoyés au gérant de succursale, puis au vice-président, et, enfin, à l'ombudsman de la banque, pour aboutir en bout de ligne chez l'ombudsman des services bancaires. Une fois rendus à cette étape, ils sont prêts à laisser tomber et à accepter la première offre qu'on leur fait.

Le sénateur Oliver : Merci de votre réponse.

Le sénateur Kelleher : Je suis tout à fait confus. Je ne comprends pas ce que fait cette organisation. Les seuls documents dont je dispose sont en français. C'est très bien. Je sais que c'est une plainte récurrente de la part des francophones qui ne reçoivent que des documents en anglais. Je ne vais pas me plaindre, car je sais que cela vous arrive plus souvent à vous qu'à moi.

Je ne sais pas quoi faire. Pour le compte de qui intervenez-vous, et qui vous paye?

Le président : Au sujet de la traduction, les mémoires nous sont parvenus vendredi. Si les gens nous fournissent leur mémoire dans les deux langues, alors c'est parfait. Ils n'y sont pas tenus. Ils peuvent nous soumettre leurs textes dans une langue et c'est alors à nous de nous occuper de les faire traduire. Les mémoires ont été reçus vendredi dernier, et nous n'avons pas réussi à en obtenir la traduction. Votre critique est bien fondée, mais elle devrait être plutôt adressée à la présidence et au personnel qu'aux témoins.

Le sénateur Kelleher : Je ne veux pas être critique ni me plaindre.

Le président : J'accepte la critique. Bien franchement, nous nous efforçons d'être dans les temps et de traiter des questions des consommateurs aussi rapidement que possible et de ne pas mettre dans l'embarras les membres du public qui viennent comparaître devant le comité. Nous aurions dû faire notre travail de façon plus efficiente, et nous ne l'avons pas fait.

Le sénateur Kelleher : Je suis de toute façon confus. J'ignore qui vous êtes et ce que vous faites.

M. St-Amant : Nous sommes d'éternels optimistes. Premièrement, nous nous excusons d'avoir déposé notre mémoire trop tard pour qu'il puisse être traduit. En réponse à votre question, sénateur, Option consommateurs est une organisation québécoise sans but lucratif. Nous sommes une organisation caritative. Notre but est d'informer, de défendre et de représenter les consommateurs. Nous offrons des services au public en général. Nous sommes financés par Industrie Canada, la campagne Centraide et par plusieurs autres programmes de-ci de-là. Nous existons depuis environ 1983.

Le président : Monsieur Kyle, vous devriez peut-être faire la même chose.

Le sénateur Kelleher : J'ai une meilleure idée de ce qu'il fait. Il comparaît à titre personnel, et j'ai vu sa documentation.

M. Kyle : Mon épouse. Voilà qui me maintient en vie pour faire ce que je fais à l'heure actuelle. Je fais tout ce travail bénévolement. Je ne reçois aucun paiement. Je suis actif dans l'industrie depuis 20 ans, alors j'ai une bonne idée de ce qui se passe et de ce qu'il faut pour rester dans l'industrie. Je reste en contact avec beaucoup d'agents de conformité dans les différentes boîtes — surtout en Ontario, mais également en Alberta et en Colombie-Britannique. J'écoute leurs préoccupations et je les évalue par rapport à celles des consommateurs. Et voilà que nombre des plaintes sont les mêmes de part et d'autre.

Le sénateur Kelleher : Je comprends maintenant ce qu'est cette organisation. C'est comme les organisations de crédit que nous avons en Ontario, qui sont parrainées par Centraide et qui s'efforcent d'aider les gens en difficulté financière. Je comprends maintenant, alors je n'ai plus de questions pour le moment.

Le président : Vous avez suggéré que nous recommandions l'élargissement du mandat des mécanismes de protection du consommateur de services financiers. J'aimerais que vous soyez très précis en la matière et que vous nous fournissiez une réponse écrite. J'aimerais que vous nous disiez « Voici quel est le mandat actuel. Voici comment le mandat pourrait être élargi de façon à ce que ce soit plus efficient et à ce que cela serve mieux l'intérêt public ».

De nombreux témoins ont comparu devant nous et nous ont livré des déclarations générales. Non seulement nous écoutons ces déclarations générales, mais nous voulons quelque affirmation de ces déclarations afin d'être bien certains que ce que vous avancez jouit d'un appui. Le comité veut être certain d'entendre toutes les recommandations et de les soupeser.

Le sénateur Plamondon : Puis-je faire un commentaire?

Le président : Bien sûr.

Le sénateur Plamondon : Je connais très bien Option consommateurs. Je connais cette organisation depuis des années. Elle jouit d'une très grande crédibilité dans la province de Québec, à l'extérieur du Québec et à l'échelle internationale. Elle a siégé au sein de comités. Des gouvernements lui ont demandé conseil. Je le sais car j'ai siégé au même comité que M. St-Amant, que ce soit en Europe ou aux États-Unis. Je connais très bien ces gens-là. Ils sont très crédibles quant aux préoccupations qu'ils nous livrent ici. Il est important qu'ils aient préparé des textes et qu'ils aient comparu devant nous, même s'ils n'ont pas eu suffisamment de temps pour préparer leurs documents dans les deux langues. De la même façon, M. Kyle nous a soumis son mémoire en anglais, et nous n'avons pas eu le temps de le faire traduire en français.

Le sénateur Kelleher : Je ne mets aucunement en doute la nature ou l'authenticité de l'organisation.

Le sénateur Plamondon : Je souhaitais simplement vous dire que ce groupe n'est pas qu'un service de conseils en crédit; il fait plus que cela, car il a effectué des études et les résultats de ses recherches sont souvent cités. S'il peut contribuer aux travaux de ce comité comme il l'a fait à ceux d'autres comités gouvernementaux et de comités internationaux, alors cela nous sera très bénéfique.

Le président : Nous respectons les témoignages qui nous ont été livrés ici. Nous leur donnerons beaucoup de poids, comme cela a été le cas avec les membres de l'industrie. Cependant, ce n'est pas que ce qui est dit qui compte, c'est également l'appui dont jouit ce qui a été dit. Nous lirons attentivement les documents que vous nous avez fournis, ainsi que tout document que vous nous communiquerez ultérieurement dans le cadre de notre examen des témoignages.

M. St-Amant : Si vous permettez que j'intervienne brièvement, j'aimerais remercier l'honorable sénateur pour ses commentaires.

Le président : Pour son spot publicitaire.

Le sénateur Plamondon : Ce n'était pas un spot publicitaire.

M. St-Amant : Non parrainé.

Le président : Affirmation non parrainée.

M. St-Amant : Absolument.

Nous sommes en train de peaufiner nos recommandations dans le contexte de ce processus lancé par le ministère des Finances et nous nous ferons un plaisir de vous tenir au courant de ce que nous faisons.

Le président : Je vais poser quelques questions à M. Kyle, car il nous a soumis un mémoire très réfléchi renfermant de nombreux énoncés.

Permettez-moi de commencer par une question qui préoccupe le Sénat depuis quelque temps, celle des dénonciateurs et de la protection de ceux-ci. Si vous suivez les débats au Sénat depuis quelques années, vous saurez que le sénateur Oliver et d'autres ont très activement cherché à protéger les dénonciateurs. Vous avez dit que l'une des raisons pour lesquelles l'autoréglementation ne fonctionne pas est que les gens au sein de l'industrie ont peur de dénoncer craignant de ne pas être protégés et de perdre leur emploi; en d'autres termes, s'ils dénoncent, c'est à leurs risques et périls. Disposez-vous de preuves qui viendraient appuyer cela?

M. Kyle : Oui, je peux appuyer cela en ce sens - il me faut être prudent car il y a des cas qui vont prochainement être renvoyés devant les tribunaux. Il y a des personnes qui ont participé aux audiences du Comité des finances en Ontario, et je songe tout particulièrement à un monsieur du nom de Larry Elford, de l'Alberta, qui était un représentant enregistré avec, je pense, RBC Dominion Securities. En gros, il ne faisait pas la promotion de certains des produits de la RBC Dominion Securities parce que ceux-ci ne convenaient pas à ses clients. Du fait d'avoir agi ainsi et d'avoir montré au public que tel ou tel produit n'était pas forcément dans son intérêt, il a été mis à la porte.

Le président : La présente séance est publique, alors nous demanderons à l'entreprise de répondre. Si vous avez d'autres détails à nous livrer tout de suite ou par écrit, ce serait très bien. Il s'agit là d'une très sérieuse critique à l'endroit du système d'autoréglementation. Nous prenons votre critique très au sérieux, mais il nous faut peser attentivement l'appui dont elle jouit, car nous avons entendu dire, de l'autre côté, que les systèmes fonctionnent bien à bien des égards. Je ne veux en rien diminuer ce que vous nous dites, mais tout ce que vous pourriez nous fournir nous aidera et nous examinerons le rapport provincial. Merci d'avoir porté cela à notre attention. Si vous pouviez fournir davantage de renseignements là-dessus à notre personnel, nous ferons le tri dans tout cela. Nous examinerons les mémoires, y compris ceux déposés auprès — je présume que c'est le législateur ontarien?

M. Kyle : C'était le Comité permanent des finances et des affaires économiques.

Le président : S'il existe d'autres rapports du genre que vous pourriez porter à l'attention de notre personnel, alors faites-le, je vous prie. Nous les dénicherons et les passerons en revue.

M. Kyle : J'aimerais ajouter quelque chose. Le document que je vous ai fourni comporte 72 notes de bas de page. La version imprimée ne vous permet pas de vous rendre sur les liens qui y sont imbriqués. Mais si vous parcourez le document en format PDF sur votre écran d'ordinateur, cela vous amènera directement à la page que j'ai créée sur ce site web. Je ne gagne aucun argent avec cela. Vous pourrez vous y rendre et y voir toutes les recommandations faites par les trois parties ainsi que par les investisseurs, les défenseurs des investisseurs et les associations. Vous pourrez également y suivre le cours de leurs recommandations.

Le président : Vous nous avez fourni beaucoup de documentation. Notre personnel s'attachera à récupérer certaines de ces données. Si vous pouviez nous indiquer quels éléments sont à votre sens les plus importants ou les moins importants, cela nous serait utile également. Vous nous avez fourni une montagne de renseignements; le personnel fera de son mieux pour parcourir cela. Cependant, si vous avez quelque chose de plus puissant, nous regarderons cela également. Cela nous permettra d'aller plus vite au cœur de vos préoccupations. Nous sommes heureux de votre aide et nous sommes ici pour examiner la question du point de vue du consommateur. Nous ne sommes pas ici pour protéger les parties prenantes, mais nous voulons être justes envers elles.

Vous avez cité M. Eliot Spitzer, dont nous avons parlé. Vous avez cité des propos tenus par le président de la U.S. Securities Exchange Commission au sujet de l'autoréglementation et de la question de son efficacité. Nous examinerons tout cela.

Vous vous souviendrez peut-être, si vous avez suivi les travaux du comité, que la question d'un organisme de réglementation unifié a été soulevée. Nous allons nous pencher sur la Martin Act qui a été adoptée aux États-Unis à la fin des années 1920 après le krach boursier. La Martin Act accordait au procureur local de l'État de New York des pouvoirs spéciaux pour traiter des problèmes flagrants dans le secteur des valeurs mobilières. Si vous avez suivi, vous saurez que nous allons examiner cela; il ne s'y pose pas les mêmes difficultés que celles dont nous avons entendu parler plus tôt aujourd'hui au sujet des domaines de compétence fédérale et provinciale et ainsi de suite, car le pouvoir en matière pénale est un pouvoir fédéral — au contraire de la situation aux États-Unis où le pouvoir fédéral, c'est l'État, alors que chez nous, c'est le pays. Les pouvoirs de M. Spitzer découlent de ce texte de loi. Nous allons examiner cela, ainsi que la question de savoir si une personne qui a une doléance et qui veut que soient imposées aux responsables de sévères pénalités peut y parvenir en recourant au processus pénal.

C'est là toute une longue entrée en matière pour une très courte question. Tout cela étant dit, si une personne a une plainte flagrante au sujet de ce qu'elle juge être une faute de commission au sein du secteur financier, rien ne l'empêche de s'adresser à l'avocat de la Couronne de sa province ou à la GRC et de déposer une plainte. Ai-je raison là-dessus?

M. Kyle : Oui, vous pouvez déposer votre plainte. J'ai eu l'occasion de discuter avec le surintendant Hannaford de l'IMET, soit l'Integrated Market Enforcement Team.

Le président : Est-ce l'équipe de la GRC?

M. Kyle : Oui. Un grand nombre de cas très flagrants ont été affichés sur les sites Web de différents organes de réglementation privés. Vous pouvez voir lorsque le courtier a reconnu avoir commis des actes de fraude, de détournement de fonds ou de contrefaçon. Je considérerais de tels cas comme étant flagrants. Il n'y a en la matière aucun processus de restitution grâce auquel vous récupéreriez votre argent à 100 p. 100.

Le président : Il y a pour cela un processus de restitution.

M. Kyle : Pas en vertu duquel vous récupéreriez 100 p. 100 de votre argent, pas vraiment. C'est difficile à dire. D'après ce que j'ai entendu dire par les investisseurs, c'est plutôt 50 cents au dollar que vous récupérerez en arbitrage. Ce ne sera pas 100 p. 100. Je n'ai jamais entendu parler de cas de restitution à 100 p. 100. J'ai entendu parler de cas pour lesquels il y a eu récupération de 62 p. 100. Je n'ai pas entendu parler de tous les cas, mais voilà ce qu'il en est pour les cas dont j'ai connaissance.

Le président : Monsieur Kyle, nous nous pencherons sur cette question également.

M. Kyle : C'est bien, car si vous regardez du côté de l'arbitrage aux États-Unis, c'est rendu public. Vous verrez ce qui se passe, mais vous ne verrez pas cela ici. Vous ne saurez pas si l'on vous traite comme il faut.

Pour en revenir à M. Hannaford, lorsque je l'ai interrogé au sujet de ces cas que je lui ai montrés sur le site web de l'ACCOVAM — je ne peux pas parler de l'ACCFM car celle-ci n'existe que depuis l'an 2000 environ — à ce jour, ils se sont occupés de deux cas, l'un qui a commencé en Nouvelle-Écosse et l'autre ici, fin 2004, une affaire de synchronisation du marché. M. Hannaford m'a dit qu'ils n'avaient pas la capacité de s'occuper de ces dossiers.

Le président : Excusez-moi, mais lorsque vous parlez de leur capacité, vous voulez dire qu'ils n'avaient pas les moyens financiers ou les compétences requises? La capacité est une question de grande contenance.

M. Kyle : Tout à fait, et j'ai essayé d'obtenir plus de renseignements que cela auprès de M. Hannaford. Il m'a été d'une grande aide, mais au bout du compte les OAR siègent eux aussi au comité qui détermine quelles affaires seront soumises à l'IMET. Le problème ici est que la personne est également un lobbyiste enregistré à Ottawa pour représenter leurs membres. Veulent-ils vraiment balancer leur plus gros payeur de droits, une personne qui siège à leur conseil, qui siège peut-être à quatre ou cinq comités différents au sein de l'ACCOVAM? Je ne le pense pas.

Le président : Je vous entends. Nous tenterons de peser ce que vous dites et d'écouter également les réponses des parties prenantes à votre mémoire. En passant, je dis cela de façon très ouverte. Nous voulons avoir une audience ouverte. Je vais soulever une question avec notre comité directeur, soit la question de savoir si nous devrions convoquer l'IMET à cette audience, afin de déterminer dans quelle mesure cette unité est efficace et comment elle fonctionne. Ce pourrait être utile. Ce sera une audience publique et nous verrons s'il y a pour cela un appui suffisant. Je pense que les membres du comité craignent que lorsque nous regarderons le modèle américain et le nôtre nous trouvions que notre modèle de réglementation est très fragmenté aux paliers fédéral et provincial. C'est très confus pour le consommateur.

Votre principale préoccupation est que nous veillions à ce que le consommateur soit bien protégé, et ce d'une façon qui soit également juste pour le système. Il nous faut équilibrer les intérêts.

Vous avez fait une excellente suggestion. Je ne peux pas me prononcer au nom du comité directeur, mais je vais donner suite à votre suggestion au sujet de l'IMET et voir si cette équipe ne pourrait pas comparaître devant le comité, et vous pourrez alors répondre par écrit.

M. Kyle : Je donnerai suite à tout ce que vous avez demandé.

Le président : Il y a dans votre mémoire une chose qui est quelque peu différente de ce que nous a dit l'industrie.

Soit dit en passant, que je sois ou non en accord avec vous sur ce que vous dites dans votre mémoire, celui-ci est très clair et très bien écrit. Je vous en félicite, monsieur Kyle.

À la page 43 de votre mémoire, vous donnez les résultats d'un sondage effectué par The Globe and Mail et d'un autre réalisé par Investment Executive. Pourriez-vous nous donner la date de ces sondages?

M. Kyle : Si vous ouvrez l'hyperlien sur Internet, vous trouverez les dates. Ces sondages ont été effectués entre 2002 et 2003. Je ne peux pas vous donner une date définitive, mais cela figure sur le site web.

Le président : Mes deuxièmes questions ne sont pas très différentes des préoccupations que nous ont exposées les porte-parole de l'industrie elle-même. L'industrie est très préoccupée par le fait que la réglementation soit fragmentée. Elle estime que cela est inefficient et elle accueillerait avec plaisir la création d'une commission nationale des valeurs mobilières. Cependant, je crains que cela ne vienne pas de mon vivant, étant donné les problèmes constitutionnels. J'ai commencé à travailler là-dessus il y a 40 ans, et nous n'avons pas marqué beaucoup de progrès, sauf sur le plan harmonisation.

Cela étant dit, il y a d'autres moyens fonctionnels de satisfaire le consommateur avec un pouvoir d'application unique. Si je comprends bien, ces sondages disent que le consommateur souhaite un lieu central où serait protégé l'intérêt du consommateur dans le cas d'affaires énormes.

M. Kyle : Je suis d'accord.

Le président : Vous avez dressé toute une liste de cas énormes : Bre-X, YBM, Livent, Nortel, à répétition, Enron et Phillips, et vous êtes ensuite revenu sur Enron.

Il y a eu ces problèmes flagrants dans le secteur des valeurs mobilières. Nous nous efforçons de faire le tri dans toute cette question afin de voir si le public investisseur, qui investit à l'heure très largement dans les valeurs mobilières, se sent confortable et confiant. C'est là ce qui est au cœur de cette enquête.

Nous nous pencherons là-dessus. Ceci vient appuyer l'une des choses auxquelles nous réfléchissons, c'est-à-dire ceci : lorsqu'on vous donne un citron, comment faites-vous de la limonade? Comment rendez-vous cela acceptable au public consommateur?

M. Kyle : Le Wise Persons' Committee, présidé par M. Michael Phelps, a été nommé il y a deux ans. Son document final, intitulé « It's Time », traitait de la question de la réglementation à l'échelle du pays et de l'idée d'avoir un organe de réglementation national des valeurs mobilières unique. Dans ce document, M. Phelps a plusieurs fois évoqué le fait que la protection des investisseurs faisait défaut. Or, dans le même document, il ne fait aucune recommandation solide en matière de solutions. Peut-être que nous avons une plus grosse voix à la table, mais nous n'avons rien de solide ou de réel.

Le président : Encore une fois, le comité ici réuni n'a pas les réponses, mais la semaine prochaine nous allons nous pencher sur la productivité. La question de la réglementation fragmentée dont nous avons parlé ici, rejoint celle de la productivité et de la compétitivité.

Le sénateur Fitzpatrick nous a convaincus de tenir une audience distincte portant sur les barrières au commerce interprovincial. J'estime que la réglementation fragmentée qui existe figure au nombre de ces barrières, alors nous allons nous pencher là-dessus.

Nous vous remercions beaucoup de votre témoignage. S'il y a quelque chose que vous aimeriez ajouter, nous vous invitons à communiquer avec nous par écrit. Pour être juste, nous accueillerons également les commentaires de parties prenantes qui épousent des opinions différentes.

Ces audiences sont ouvertes et transparentes et nous remercions tous les témoins d'être venus comparaître devant nous en vue d'aider à protéger le consommateur que nous sommes ici pour servir.

Le sénateur Kelleher : Il me faudrait confirmer une chose qu'a dite M. Kyle au sujet de la Gendarmerie royale du Canada. Je tiens à ce qu'il soit clair que ceci ne constitue pas une critique de la GRC. En tant qu'ancien solliciteur général, théoriquement responsable de la Gendarmerie royale du Canada, je peux vous dire que la force est tout à fait submergée de travail dans le domaine du crime en col blanc. Elle ne dispose pas d'un personnel qualifié suffisant pour mener toutes les enquêtes. Vous ne pouvez pas prendre un policier de patrouille et le transformer du jour au lendemain en enquêteur en médecine légale.

Un ancien commissaire de la GRC est maintenant associé dans notre cabinet d'avocat. Nous avons créé une société distincte qui fait ce que la GRC ne peut pas faire. Elle n'a tout simplement pas le personnel requis. Peu importe que vous soyez une grosse banque ou un homme dans la rue, si vous avez un problème, il vous faut recruter votre propre détective privé pour mener à bien l'enquête.

Le président : Sénateur, j'aimerais que vous fassiez ce numéro de promotion au vice-président du comité. S'il est d'accord, nous convoquerons devant nous pour une courte séance la GRC et l'IMET afin de tirer tout cela au clair. S'il n'y a en fait pas la capacité voulue faute de financement, cela pourrait faire partie de nos recommandations. Cependant, je ne voudrais pas couper l'herbe sous le pied à la GRC ou à qui que ce soit d'autre.

Le sénateur Kelleher est membre du Conseil privé, ancien ministre du Commerce et ancien solliciteur général, alors le comité est très heureux de pouvoir compter sur ses vastes compétences.

Je remercie les témoins de leur participation.

Sénateurs, dans le cadre de notre étude du projet de loi S-25, Loi modifiant la Loi constituant en corporation « The General Synod of the Anglican Church of Canada », nous allons maintenant entendre le vénérable James Boyles et M. Ronald Stevenson, chancelier. Bienvenue messieurs. Nous vous écoutons.

Le vénérable James Boyles, secrétaire général, The General Synod of the Anglican Church of Canada : Je vais vous entretenir brièvement de l'Église anglicane, et M. Stevenson vous parlera plus précisément de notre requête. Je suis le secrétaire général de l'Église anglicane ce qui, en termes laïcs, est le PDG. L'Église anglicane compte environ 2 millions de membres d'après le recensement; selon les listes paroissiales, nous comptons environ 700 000 membres et sommes la troisième église en importance au Canada.

Le General Synod of the Anglican Church of Canada, qui est l'organe constitué en société, réunit 30 diocèses dans le pays, chacun dirigé par un évêque. Il s'agit donc en quelque sorte d'une fédération de ces 30 diocèses. Le General Synod se réunit tous les trois ans et est régi par une loi, qui remonte à l'année 1921, ainsi que par la constitution et les canons de l'Église.

Nous avons un bureau national à Toronto et qui compte un personnel d'environ 115 membres, et la présente requête concerne les façons dont nous pouvons investir nos fonds. Je vais maintenant faire appel à M. Stevenson pour qu'il vous parle du détail de cette requête.

L'honorable Ronald C. Stevenson, chancelier, The General Synod of the Anglican Church of Canada : Le General Synod a été organisé pour la première fois en 1893 et a été incorporé par une loi du Parlement de 1921. Cette loi a été modifiée en 1951, et ce à plusieurs égards. L'un des changements apportés, et c'est ce qui nous concerne ici aujourd'hui, concerne les investissements dans lesquels le Synod peut placer ses fonds et les fonds de fiducie qu'il détient.

La disposition de 1951 nous a liés aux investissements autorisés en vertu de la Loi sur les compagnies d'assurance canadiennes et britanniques de 1932. Il s'agit là d'un point de référence courant que vous trouverez cité dans plusieurs lois fédérales d'intérêt privé, et j'en ai également vu mention dans des lois provinciales. À l'époque, en 1951, c'était une liste fort longue remplissant quelque six pages dans le recueil des lois.

L'origine de ce genre de liste, qui définit et limite les investissements expressément autorisés, remonte à la South Sea Bubble en Grande-Bretagne au milieu des années 1800. Beaucoup de fiducies ayant à l'époque perdu leur argent en Angleterre, la Chancery Court a été la première à élaborer ce que l'on a appelé la liste légale. Le Parlement britannique en a adopté une en 1859 et cette approche est venue au Canada d'Angleterre.

Ces dernières années, la tendance a été d'adopter ce que l'on appelle le principe de gestion prudente. Le principe de gestion prudente a pour la première fois été élaboré dans le Commonwealth du Massachusetts dans les années 1820 ou 1830, mais il est aujourd'hui généralement accepté au Canada. La Conférence pour l'uniformisation des lois du Canada l'a étudié — elle a élaboré une ébauche de loi uniforme en matière d'investissements fiduciaires — et toutes les provinces ont depuis intégré, sous une forme ou une autre, dans leurs lois en matière de fiducies le principe de gestion prudente. Le langage n'est pas uniforme, mais le fond est le même.

Cela a été accepté par le Parlement en 1991 lorsque vous avez révisé les lois relativement aux institutions financières, aux banques, aux compagnies d'assurances et aux sociétés de fiducie et de prêt. Vous trouverez l'énoncé du principe de gestion prudente dans ces trois textes de loi.

Il y a environ un an et demi, notre comité de la gestion financière et du développement a demandé s'il nous fallait faire modifier notre loi habilitante en vue de la mettre à jour. Ma recommandation avait alors été que ce devrait l'être. Le comité a donné son aval, ainsi que le Conseil du General Synod, et le General Synod lui-même, lorsqu'il s'est réuni l'an dernier, a donné son accord et autorisé la pétition au Parlement que vous avez maintenant devant vous.

L'objet du projet de loi est simple. Il dira simplement, à la place des lois actuelles, que vous trouverez dans la note explicative, que nous demandons que le texte soit modifié pour dire que le Synod peut placer et remployer une partie de ses fonds, y compris les fonds détenus en fiducie, dans tout investissement qu'il estime indiqué. Étant donné que nos bureaux sont situés à Toronto et que nos investissements sont faits à Toronto, nous serions liés par la Loi sur les fiduciaires de la province de l'Ontario et suivrions le principe de gestion prudente qui prévaut dans la province.

Je sais que certains sénateurs s'inquiètent du nombre de projets de loi d'initiative parlementaire traitant de ce genre de choses. Le diocèse de l'Arctique a obtenu un amendement il y a de cela quelques années et j'ai lu les débats à ce sujet en comité. La Chambre des communes est présentement saisie du projet C-21, Loi régissant les organisations à but non lucratif et les autres organisations sans capital-actions. Si ce projet de loi avait déjà été adopté, nous aurions cherché à y être inclus au lieu de vous venir avec cet autre projet de loi.

Le président : Monsieur Stevenson, le comité est au courant de la situation. La plupart d'entre nous estimons que cette question ne devrait pas relever de la responsabilité du Parlement et devrait plutôt être traitée d'une autre façon. Nous examinerons ce projet de loi si nous pouvons obtenir de l'autre endroit qu'il nous l'envoie. Je ne suis pas certain que nous serions favorables à tous ces aspects, mais nous accueillerons favorablement le principe du projet de loi. Avez-vous autre chose encore à dire, monsieur Boyles?

M. Boyles : C'est très bien.

Le sénateur Oliver : Je suis intéressé par les aspects financiers de la chose. Vous avez manifestement à l'heure actuelle des investissements. J'aimerais savoir de quelle façon vous avez été pénalisés du fait d'un faible rendement sur les investissements que vous avez à l'heure actuelle à cause de l'actuelle politique et quel genre de taux de rendement vous obtenez. Si les choses devaient changer, quel devrait, selon vos spécialistes, en être le résultat, si vous investissez sous le régime de la Loi sur les fiduciaires de l'Ontario?

M. Stevenson : Nous enfreignons sans doute déjà à l'heure actuelle notre propre loi car nous faisons des investissements au-delà de ce que nous devrions faire au titre de notre loi habilitante.

Le sénateur Oliver : Vous êtes donc heureux de votre actuel taux de rendement?

M. Stevenson : Je pense que oui, mais nous aimerions légaliser ce que nous faisons.

Le sénateur Oliver : Je ne pense pas avoir davantage de questions là-dessus.

Le sénateur Plamondon : Cela vous ennuierait-il si l'on ajoutait à l'article 6A proposé « dans l'intérêt de ses membres »? En d'autres termes, l'article 6A proposé se lirait comme suit : « Le Synode peut aussi placer et remployer une partie de ses fonds, y compris les fonds détenus en fiducie, dans tout investissement qu'il estime indiqué dans l'intérêt de ses membres ».

M. Stevenson : Je ne pense pas que nous nous opposerions à cela.

Le sénateur Plamondon : Je préférerais que l'on ajoute cela.

M. Stevenson : Le libellé que nous avons utilisé nous a été suggéré par le conseiller juridique parlementaire.

Le sénateur Rompkey : Je suis quelque peu préoccupé par le temps et par la question de savoir si des amendements vont retarder le processus. Vous savez tous ce qui se passe à l'autre endroit. La situation est très imprévisible. Cela ne retardera pas forcément très longtemps les choses, mais pendant un jour ou deux. Nous sommes jeudi demain, puis nous entamons une nouvelle semaine, et qui sait ce qui va se passer. Il faut que cela soit renvoyé à la Chambre des communes et y soit adopté.

M. Stevenson : Je ne pense pas que ces mots ajouteraient grand-chose. Je pense qu'il vous faut avoir la conviction que nous agissons dans l'intérêt de nos membres.

Le sénateur Plamondon : Au cas où quelqu'un chez vous n'agisse pas dans l'intérêt des membres.

Le président : Je ne voudrais pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, mais je pense que le sénateur soulève une question intéressante. Je suppose que vos statuts exigent que les administrateurs agissent de bonne foi. Ce sont des statuts standard, et il y a un devoir présumé de bonne foi. Je ne dis pas que je n'accepte pas la suggestion du sénateur Plamondon, mais cela fait plusieurs fois déjà que je couvre ce territoire. Lorsqu'il est question de devoirs, vous pouvez les expliciter ou bien compter que l'administrateur agira de bonne foi et prudemment. Ce n'est pas là une réponse exhaustive à la question du sénateur, mais c'est peut-être utile.

Le sénateur Rompkey est en train de dire que si nous cherchons à apporter quelque amendement, cela pourrait retarder le processus. Nous allons nous y pencher.

M. Stevenson : Pour ce qui est des fonds de fiducie, nous devons observer les responsabilités qu'impose la common law aux fiduciaires.

Le président : J'ai une question qui s'inscrit dans le même ordre d'idées. Sénateur Plamondon, avez-vous une autre question?

Le sénateur Plamondon : Je craignais que de nouvelles lois vous autorisent peut-être à investir dans ce que j'appellerais des fonds risqués. Une personne pourrait considérer que c'est prudent et une autre que c'est risqué. C'est une question de perception. Si la loi stipulait qu'il faudrait que ce soit « dans l'intérêt de ses membres », alors il y aurait cette garantie.

Le sénateur Oliver : Ils seront assujettis à la Loi sur les fiduciaires de l'Ontario.

Le sénateur Plamondon : Que dit-elle?

Le sénateur Oliver : Je ne suis pas un avocat de l'Ontario, mais il existe dans d'autres provinces également des lois visant les fiduciaires. Les lois contrôlent et régissent les types d'investissements prudents que l'on peut faire.

Le président : Peut-être que cette question éclaircira un peu les choses. Vous nous avez dit que les investissements de l'Église relèvent de la loi sur les fiduciaires. Je n'ai pas ici les dispositions de cette loi, mais j'ai celles du principe de gestion prudente contenues dans la Loi sur les banques, la Loi sur les compagnies d'assurance et la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt. On y lit que la banque ou l'entreprise ou l'église est tenue de se conformer aux principes, normes et procédures que son conseil d'administration a le devoir d'établir sur le modèle de ceux qu'une personne prudente mettrait en œuvre dans la gestion d'un portefeuille de placements et de prêts afin, d'une part, d'éviter des risques de pertes indues et, d'autre part, d'assurer un juste rendement. Voilà l'énoncé du principe de gestion prudente qui figure dans la Loi sur les banques, la Loi sur les compagnies d'assurance et la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt.

Ma question est semblable à celles du sénateur Plamondon et du sénateur Oliver. Pourquoi avez-vous choisi cette formule, qui semble plus sèche que la disposition plus étoffée qui figure dans ces textes de loi? Cela correspond-il à des conseils que vous avez reçus?

M. Stevenson : Je n'ai pas l'ébauche originale qui a été préparée. Le libellé du projet de loi reprend ce qui a été suggéré par le conseiller juridique parlementaire. J'ai le texte du paragraphe 27(1) de la Loi sur les fiduciaires de l'Ontario.

En plaçant des biens en fiducie, le fiduciaire agit avec le soin, la compétence, la diligence et le jugement dont un investisseur prudent ferait preuve en faisant des placements.

Le président : Si je comprends bien, donc, monsieur Stevenson, du fait de votre incorporation en vertu de cette loi vous régissant, ce serait là le critère que vous appliqueriez sur la base de votre libellé plus sec ou plus maigre?

M. Stevenson : C'est exact, monsieur.

Le président : Cela satisfait peut-être le sénateur, car je sais que ce qui la souciait était la maigreur du texte. Nous avons l'habitude du principe de gestion prudente. Vous avez répondu à cette question pour moi.

Cela vous satisfait-il, sénateur Plamondon?

Le sénateur Plamondon : Oui, mais je suppose que je suis influencée par les témoignages que nous venons d'entendre et selon lesquels l'investisseur perd parfois tout et qu'il est donc très difficile de savoir ce qu'est un bon investissement. Si le comité juge que cela est suffisant, que nous avons été prudents — mais en même temps, je suis influencée par le témoignage que nous venons à l'instant d'entendre.

Le président : J'aimerais dire aux témoins que ce que nous entendons depuis quelques semaines se sont des opinions au sujet de la protection du consommateur dans le contexte du secteur financier. Il y a dans la loi un certain nombre de lacunes qui nous préoccupent et au sujet desquelles nous allons faire des recommandations, et je pense que le sénateur Plamondon, l'une des personnes qui a inspiré cette étude, tient à ce que le consommateur et, dans ce cas-ci, vous membres, soient protégés contre des investissements imprudents qui seraient faits dans l'espoir d'augmenter le rendement.

Le sénateur Plamondon : Ils pourraient être prudents, mais il est difficile de reconnaître ce qui est un bon investissement. Sans être aveugle, il est difficile de reconnaître un bon investissement.

Le président : Je pense que l'une des mesures de protection supplémentaires ici — et vous me pardonnerez si nous ne sommes pas d'accord là-dessus, monsieur Stevenson ou monsieur Boyles — est que, dans ces circonstances, il y a deux critères. Premièrement, il y a le critère qui s'applique à l'objectif — et nous avons entendu ce que dit le texte de loi; deuxièmement, il y a le contexte de réglementation de ces investissements, c'est-à-dire la Loi sur les fiduciaires — que nous avons également entendue — et qui assure une meilleure protection. Le troisième critère est que les administrateurs et les personnes participant directement au processus d'investissement ont pour obligation d'agir avec soin et prudence. Le quatrième critère concerne la gestion même du fonds. Les employés ont des mandats tels qu'ils doivent veiller à ce que les investissements soient prudents et soignés.

Il y a donc plusieurs mesures d'application de la loi qui interviendraient à chacun des niveaux. Tout ne se trouve pas réuni en une seule belle formule, mais si vous examinez la chose du point de vue de la common law, je pense, sénateur Plamondon, que les soucis que vous avez soulevés sont réglés.

Le sénateur Kelleher : Nous pourrons discuter de cela plus avant demain matin.

Le président : J'aimerais savoir si les témoins ont autre chose à dire, car nous allons examiner cela demain matin. Vous ai-je livré une assez bonne analyse des poids et contrepoids qui existent à l'intérieur du système en ce qui vous concerne?

M. Stevenson : Oui.

Le président : Y a-t-il d'autres questions? Nous entreprendrons de traiter de cela au tout début de la réunion de demain matin. Nous ferons l'étude article par article du projet de loi. Nous avons une entente en ce sens. Nous comptons traiter de cela aussi rapidement que possible.

Nous tenons à vous remercier de votre patience car cela fait quelque temps déjà que le Sénat est saisi de ce projet de loi. Cependant, sauf les efforts de notre leader suppléant, vous ne seriez pas ici aujourd'hui. Nous tenons à remercier le sénateur Rompkey d'avoir porté cela à notre attention et d'avoir insisté pour que nous fassions avancer notre travail, ce que nous avons fait aujourd'hui.

La séance est levée.


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