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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 13 - Témoignages du 18 mai 2005


OTTAWA, le mercredi 18 mai 2005

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 35, pour examiner, afin d'en faire rapport les questions concernant les consommateurs dans le secteur des services financiers.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, bienvenue. C'est notre dernière réunion pour notre étude concernant les questions de protection des consommateurs dans le secteur des services financiers. Notre réunion est diffusée en direct dans l'ensemble du Canada sur la CPAC et Internet.

Nous accueillons les représentants de la GRC. C'est un nouveau sujet de préoccupation très important que nous voulons examiner et nous apprécions votre aide et votre coopération à cet effet. Nous sommes heureux que vous soyez ici pour nous parler de votre travail sur le mécanisme ultime de protection des consommateurs — la poursuite au criminel. Le comité veut consacrer plus d'attention sur ce sujet. Je vous remercie pour votre mémoire excellent et pointu.

Vous avez la parole.

Surintendant principal Peter M. German, directeur général, Criminalité financière, Gendarmerie royale du Canada : Merci, monsieur le président, pour vos aimables remarques. Je suis accompagné du surintendant John Sliter qui est le directeur du Programme intégré des marchés financiers de la GRC. Nous vous transmettons les salutations du commissaire Zaccardelli. Nous sommes heureux d'être ici. Nous avons suivi avec beaucoup d'intérêt les travaux du comité et nous espérons pouvoir vous aider dans toute la mesure de nos moyens.

Honorables sénateurs, la confiance des investisseurs au Canada a été ébranlée par suite des scandales corporatifs survenus aux États-unis, tels que Enron et WorldCom en 2001-2002. Afin de renforcer et maintenir l'intégrité des marchés financiers du Canada, le gouvernement canadien a annoncé dans son budget de 2003 que la Gendarmerie royale du Canada et ses partenaires fédéraux recevraient jusqu'à 30 milliards de dollars par année, pour les cinq prochaines années, afin de mettre sur pied des équipes intégrée de la police des marchés financiers (connues sous l'abréviation EIPM) composées de policiers, d'avocats et d'autres experts-enquêteurs dans les quatre grande villes du Canada, soit Toronto, Vancouver, Montréal et Calgary. L'objectif des EIPMF consistait à s'assurer, grâce à des efforts de collaboration, que les personnes et les entreprises qui trompent la confiance du public se voient imposées une peine qui correspond à la gravité de l'infraction commise.

La GRC a commencé à la mise en œuvre des EIPM en juin 2003. Nous pouvons confirmer que cette initiative a renforcé la capacité de la collectivité à détecter les fraudes commises dans les marchés financiers, à les décourager et à enquêter sur ces fraudes en concentrant les ressources sur les enquêtes et les poursuites relatives aux fraudes commerciales et les actes illégaux touchant les marchés les plus graves. Elle envoie un message aux personnes qui commettent des fraudes graves au détriment des marchés financiers selon lequel elles seront traduites en justice de manière efficace et opportune. Nous sommes en bonne voie de promouvoir l'observation de la loi dans la collectivité commerciale et d'assurer aux investisseurs que les marchés du Canada sont sécuritaires.

À l'heure actuelle, on compte six EIPM en activité dans l'ensemble du Canada. Trois d'entre elles se trouvent à Toronto et Vancouver, Montréal et Calgary en comptent une respectivement. Ces équipes sont appuyées par un service de soutien basé à Ottawa qui fournit des mécanismes efficaces de gestion et de comptabilité centralisés. La GRC attend que le Conseil du Trésor accorde son autorisation pour lancer les trois dernières EIPM en respectant l'échéancier de mise en œuvre. Ainsi, Vancouver, Montréal et Calgary compteront une EIMP de plus, respectivement.

Les équipes sont conjointement dirigées par la GRC, le ministère de la Justice du Canada et des ministères et des organismes partenaires et elles travaillent en étroite collaboration avec des organismes de réglementation du commerce des valeurs mobilières ainsi qu'avec d'autres autorités fédérales et provinciales, tout en mettant à profit les partenariats déjà établis avec ces organisations.

Notre intention de mener à bien des enquêtes vastes et complexes en peu de temps est également un élément important de l'EIMP. En adoptant une approche collective intégrée et en recourant aux connaissances de nombreux experts, nous espérons pouvoir conclure une enquête en une fraction du temps que cela prendrait avec d'autres approches. Finalement, cela signifie qu'un plus grand nombre de criminels seront traduits en justice en tant opportun.

En ce qui concerne les Ressources humaines, la composante du mandat des EIMP qui revient à la GRC comprend 106 employés, dont environ la moitié sont des civils. Les agents de police affectés aux EIPM sont des enquêteurs financiers hautement qualifiés. La GRC a adopté un processus de sélection axé sur les compétences selon lequel on s'assure que seuls les candidats les plus qualifiés sont invités à poser leur candidature. On demande aux candidats retenus de s'engager à y rester pendant une période de trois à cinq années au moins. Nous voulons ainsi nous assurer que les bonnes personnes occupent les bons emplois durant une durée appropriée. La composante civile du programme des EIPM comprend des comptables, des experts du marché, des analystes d'enquête, du personnel de soutien en gestion électronique des cas graves et des conseillers juridiques du ministère fédéral de la Justice.

Les pouvoirs des EIPM dans le cadre de l'application de la loi sur les infractions liées aux fraudes en valeurs mobilières stipulées dans le Code criminel découlent d'une décision rendue par le Conseil du Trésor le 4 mai 1967 qui préconise la mise sur pied des équipes d'enquête sur la fraude en valeurs mobilières. Le mandat d'origine a été reconduit dans le budget fiscal fédéral de 2003, à titre de composante d'une initiative préconisant une meilleure protection des marchés financiers du Canada.

La composante du mandat des EIPM qui provient de la GRC comprend 106 équivalents temps plein (ETP) et est présentée brièvement dans la décision du Conseil du Trésor approuvée le 2 février 2004.

La portée du mandat de la GRC relatif à l'application de la loi sur les valeurs mobilières a été élargie par le Parlement le 30 mars 2004, lorsque le projet de loi C-13 a reçu la sanction royale, ce qui a donc permis de faire ce qui suit : créer une nouvelle infraction au Code criminel liée au délit d'initié (article 382.1) qui ciblera les personnes qui se servent de renseignements privilégiés dont les autres ne disposent pas pour en tirer elles-mêmes des avantages.

Le programme des EIPM intègre également une capacité de déploiement rapide, ce qui permet à la GRC d'intervenir rapidement en cas de fraudes commerciales majeures et d'irrégularités touchant les valeurs mobilières, et ce, n'importe où au Canada. Tous les membres des équipes sont disponibles pour être déployés sans délai si nous devons ouvrir immédiatement une enquête ailleurs qu'à Toronto, Montréal, Calgary ou Vancouver. À court terme, ces ressources élaborent le plan opérationnel nécessaire, commencent le travail d'enquête et mettent en place l'infrastructure nécessaire. Avec le temps, leurs fonctions sont assumées par des enquêteurs commerciaux, des conseillers et du personnel de soutien locaux. On a établi une capacité de coordination permanente à la Direction générale de la GRC à Ottawa.

Le terme « intégré » qui apparaît dans la nomenclature des EIPM se rapporte aux partenaires internes et externes. Le programme des EIPM accepte des employés à plein temps, détachés ou affectés, qui proviennent d'un certain nombre d'organismes de réglementation du commerce des valeurs mobilières et de services de police au Canada. Le programme des EIPM, qui en est à sa dernière année de mise en œuvre, compte du personnel détaché de chacun des organismes suivants : British Columbia Securities Commission, Sûreté du Québec, Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, l'Agence du revenu du Canada, Organized Crime Agency de la Colombie-Britannique, Service de police de Vancouver.

Les EIPM renforcent le mandat traditionnel dans le cadre d'infractions commerciales relatif à l'application de la Loi sur les fraudes en valeurs mobilières en utilisant une approche collective intégrée et en se concentrant sur les cas d'intérêt national et international qui menacent sérieusement les marchés financiers du Canada. Les EIPM ne s'intéressent qu'aux cas les plus importants et à ceux qui exigent l'adoption d'une approche d'équipe d'enquête. Elles ne servent pas à enquêter tous les crimes signalés relatifs aux marchés financiers. L'accent qu'elles mettent sur les enquêtes de type « projet majeur » nécessite l'affectation de toute une équipe à chacune des enquêtes. Par conséquent, lorsqu'elles seront enfin au nombre de neuf en 2005, les EIPM jouiront d'une capacité limitée d'enquêter sur quelque neuf enquêtes de type de projet majeur pendant une période donnée. Ainsi, les gestionnaires des EIPM se trouveront vraisemblablement dans la situation de devoir renvoyer certaines plaintes. Nos Sections des délits commerciaux ou d'autres autorités policières locales peuvent également faire rebrousser chemin au plaignant, car ces services disposent souvent d'une très faible capacité pour mener des enquêtes majeures.

Enfin, le programme des EIPM a des enquêtes très importantes en cours. Nous menons sept enquêtes actives ou projets et 26 enquêtes sur des fraudes un peu moins graves. La capitalisation des entreprises à risque est estimée à 55 milliards de dollars canadiens.

Nous serons heureux de développer ces remarques dans nos réponses à vos questions.

Le président : Merci pour ces remarques.

Le sénateur Moore : Bienvenue messieurs.

Monsieur le surintendant Sliter, quel est votre rôle dans le service?

Surintendant J.R. (John) Sliter, directeur, Division des équipes intégrées de la police des marchés, Affaires fédérales et internationales, Gendarmerie royale du Canada : Je suis le directeur du programme EIPM à Ottawa.

Le sénateur Moore : Est-ce que les plaintes que vous étudiez proviennent d'une autre partie ou de situations découlant d'autres enquêtes menées par la GRC à un autre niveau? Vous avez dit que le nombre de vos équipes vous permet aujourd'hui de mener sept enquêtes de type « projet majeur ». N'avez-vous reçu que sept plaintes ou avez-vous réduit le nombre de cas à sept après que l'enquête préliminaire a déterminé qu'une enquête complète par les EIPM n'était pas nécessaire?

Le sdt pal German : Je vais décrire le contexte de la réponse, puis le surintendant Sliter vous donnera des détails.

À titre de directeur général, Criminalité financière, je suis chargé de trois domaines, deux d'entre eux sont pertinents à cette discussion. Notre Section des délits commerciaux qui existe depuis de nombreuses années est l'un de ces domaines. Un autre est les équipes intégrées de la police des marchés, c'est la nouvelle entité dirigée par le surintendant Sliter. Le blanchiment d'argent ou les produits de la criminalité qui ne sont pas pertinents à cet examen constituent le troisième domaine.

Pour répondre à votre question, les plaintes reçues proviennent de diverses sources. La question est de déterminer les plaintes que nous allons étudier. Les plaintes sont envoyées par les citoyens, la commission des valeurs mobilières et d'autres unités de la GRC. Les plaintes peuvent aussi être déposées par les EIPM qui ont découvert des problèmes dans d'autres enquêtes. Les plaintes que nous recevons sont évaluées, nous établissons un ordre de priorités et nous déterminons celles que nous pouvons enquêter dans le cadre de notre mandat.

Le sdt Sliter : Vous avez demandé le nombre de plaintes qu'il faudrait recevoir pour mener sept enquêtes de type « projets majeurs ». Nous faisons plusieurs centaines de revues de plaintes provenant des sources indiquées par le surintendant principal M. Germain. Ce processus de révision permet de trier les plaintes. Des enquêtes sont lancées suite à certaines de ces plaintes et d'autres plaintes mènent à des enquêtes de type « projets majeurs ».

Le sénateur Moore : Des centaines de plaintes par an ou depuis la création du programme EIPM?

Le sdt Sliter : Depuis la mise en vigueur l'année dernière, nous avons fait près de 200 enquêtes.

Le sénateur Moore : Vous ne faites pas d'enquêtes sur les cartes de crédit frauduleuses, n'est-ce pas? C'est la responsabilité d'une autre section.

Le sdt pal German : Il importe de savoir que les infractions commerciales occupent un grand nombre d'enquêteurs. Même si les EIPM peuvent ne pas s'occuper d'un cas particulier, cela ne veut pas dire que nos bureaux des infractions commerciales ou d'autres services de police ne s'en occuperont pas non plus.

Les unités des infractions commerciales traitent de tous les types de crimes des cols blancs — la corruption politique, la contrefaçon, les cartes de crédit frauduleuses et le télémarketing. Leur mandat est énorme. Le mandat des EIPM est très limité par rapport à celui des unités d'infractions commerciales qui traitent de pratiquement tout ce qui est lié aux crimes des cols blancs.

Le sénateur Moore : Les EIPM s'occupent principalement des fraudes dans les entreprises?

Le sdt pal German : Oui. Le mandat des EIPM est de protéger les plus grandes sociétés cotées en bourse au Canada pour empêcher une situation du type Enron-WorldCom. S'il n'y avait pas d'application de la Loi sur les marchés, il y aurait un manque de confiance. L'accent est mis sur les sociétés à plus grande capitalisation.

Le sénateur Oliver : Vous avez dit que vous vous intéressez aux sociétés à grande capitalisation, soit de 55 milliards de dollars. Vous avez aussi dit que vous recherchez surtout les cas d'importance nationale ou internationale qui menacent les marchés financiers du Canada. Collaborez-vous avec Interpol et le SCRS pour obtenir des renseignements sur des sociétés qui peuvent avoir des intérêts à l'extérieur du Canada?

Le sdt pal German : Nous collaborons étroitement avec un grand nombre d'agences. Interpol a tendance à être un centre d'échanges pour les mandats. Interpol sert à beaucoup de choses, mais nous avons tendance à traiter directement avec les organismes d'application de la loi d'autres pays.

Le SCRS est un grand partenaire de la GRC, mais en ce qui concerne le travail d'investigation nous devons nous assurer que ce qui vient en notre possession peut être utilisé comme preuve devant les tribunaux. Aux États-Unis, nous collaborons avec la SEC et le FBI, c'est-à-dire les organismes classiques d'application de la loi pour ce qui est du civil et du criminel. Au Canada, nous collaborons très étroitement avec la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique et la police locale.

Le sénateur Oliver : Sur les 26 enquêtes des fraudes un peu moins graves que vous menez aujourd'hui, s'agit-il plus de cas de délit d'initié et de fraude ou y a-t-il une autre catégorie importante?

Le sdt pal German : Il y a un élément de fraude dans pratiquement tous les cas.

Le sénateur Oliver : Qu'en est-il du délit d'initié, quelle est la nouvelle Section?

Le sdt pal German : En majorité ne serait pas des cas de délit d'initiés. C'est une nouvelle Section et bien que ce soit quelque chose que nous aimerions explorer du point de vue criminel, la plupart des cas que nous avons aujourd'hui entrent dans la rubrique générale des fraudes.

Le sénateur Oliver : Pouvez-vous nous donner un exemple de la catégorie de fraude à laquelle appartiennent ces 26 enquêtes?

Le sdt pal German : Les manipulations frauduleuses d'opération boursière suscitent énormément d'intérêt. Il y a des dispositions sur la fraude dans le Code criminel, mais il existe des formes de fraude spécialisées, y compris la manipulation frauduleuse d'opération boursière, les états financiers falsifiés et la faillite frauduleuse.

Le président : Monsieur le surintendant, pourriez-vous nous donner une liste de ces crimes et une analyse statistique de leur catégorisation? Nous ne voulons pas de détails sur des poursuites intentées contre des individus, mais nous aimerions voir les statistiques de ce que vous enquêtez afin de déterminer si vous disposez de fonds suffisants et si vous vous êtes soucié de respecter l'ensemble du Code. C'est ce à quoi le sénateur Oliver veut en venir.

Le sénateur Angus : Je considère que vous êtes le fer de lance dans cette affaire. Ce qui me préoccupe, c'est de restaurer la confiance des investisseurs dans nos marchés financiers et j'ai applaudi quand le budget fédéral de 2003 a fourni diverses mesures qui ont abouti au projet de loi C-46, même s'il est malheureusement mort au Feuilleton.

Vous avez créé les EIPM de manière prospective sans loi habilitante et vous n'aviez donc pas l'argent pour le faire comme vous, la GRC, auriez voulu le faire. Est-ce que je me trompe?

Le sdt pal German : Pas du tout. Nous sommes probablement le fer de lance. Certains diraient « abondance de cible de l'autre côté ». C'est la situation des crimes des cols blancs partout et pas seulement au Canada. Nous n'avons pas les moyens de traiter tous les cas qui se présentent.

Le commissaire a participé à l'initiative des EIPM dès le début. Dès que nous avons appris que le gouvernement fédéral était intéressé à poursuivre cette initiative, il était prêt à gérer le risque de la mise en œuvre du programme et c'est ce que nous avons fait. La loi habilitante a suivi. Nous serons entièrement opérationnels quand nous aurons trois équipes de plus.

Le sénateur Angus : C'est encourageant. Ne croyez pas que ce que je dis est péjoratif, car je crois que nous partageons tous le même avis sur cette question. Dans cette étude, nous essayons de comprendre ce qui a été mis en place pour protéger les consommateurs dans notre secteur de services financiers après l'introduction des grandes réformes du projet de loi C-8 il y a plusieurs années.

Le comité a étudié cette question et il a recommandé que la GRC devrait essayer de corriger ce que les témoins ont appelé « une passoire » au Canada. On nous a dit que les délais d'initiés et une grande diversité de fraudes commises par les entreprises, et qui dépassent de loin les exemples que vous avez donnés au sénateur Oliver, sévissent dans l'industrie.

Que pouvons-nous faire pour vous aider à obtenir les outils dont vous avez besoin pour vraiment changer cette situation? Je ne crois pas qu'il y ait quelqu'un qui s'oppose à ce que vous le fassiez. Personne ne conteste que 30 millions de dollars sur cinq ans est une goutte d'eau dans l'océan et je ne crois pas que quelqu'un s'oppose à une augmentation de votre budget et à ce que l'on vous accorde les moyens nécessaires à cette époque électronique où des milliards de dollars peuvent être transférés en une nanoseconde seulement en appuyant sur un bouton.

Dites-nous quelles sont les ressources raisonnables, qu'elles soient législatives, financières ou autres que nous pourrions recommander.

Le président : Monsieur le surintendant, il est important que vous nous donniez ces renseignements. Si vous ne pouvez pas le faire maintenant, nous aimerions les avoir par écrit. Nous aimerions que vous y réfléchissiez. Nous aimerions que vous nous disiez que si vous croyez que les dispositions prévues dans le Code criminel sont satisfaisantes. Je ne crois pas qu'elles le soient. Je sais qu'il y a quelques lacunes dans le Code criminel. Il est important, alors que nous envisageons d'augmenter les peines pour les jeunes délinquants et dans d'autres domaines, que nous étudions aussi le secteur des entreprises. Si vous estimez que le Parlement a été insensible aux besoins d'une industrie de 55 milliards de dollars, qui est très importante et au sein de laquelle la crédibilité est importante, je vous prie de nous dire si des amendements équitables et appropriés au Code vous aideraient dans votre travail.

Le sénateur Angus : Ce n'est pas uniquement une question de modification du Code criminel, mais également de choses comme les outils d'application de la loi.

Le président : Deuxièmement, nous avons regardé votre budget et nous ne pensons pas qu'il soit suffisant. Je vous vois faire signe que oui de la tête. C'est quelque chose qui est arrivé tardivement et le reproche que l'ont fait à notre système, c'est que notre organisme de réglementation ne se trouve pas ici, mais à New York.

S'il vous plaît, laissez-nous profiter de vos conseils pour déterminer si c'est inapproprié. S'il y a d'autres questions administratives ou des questions concernant des organismes de réglementation dont vous n'arrivez pas à obtenir la collaboration, veuillez nous le dire également. Je suis certain que vous avez une longue liste de doléances. Nous ne les accepterons pas toutes, mais nous aimerions pouvoir voir quels sont les problèmes principaux.

Le sdt pal German : Je vous remercie de cette question ouverte. Je n'aurai pas à réfléchir trop longtemps puisque c'est une question à laquelle nous pensons tout le temps.

Pour ce qui est des modifications au Code criminel, nous devons laisser le temps aux modifications actuelles de faire leurs preuves. Trois modifications récentes sont importantes à nos yeux. L'une d'entre elles est la criminalisation du délit d'initié. Je suis un avocat, mais je ne suis pas un expert dans la rédaction de la loi. Il reste à voir à quel point cet article sera efficace. Nous voulons voir des causes plaidées devant les tribunaux avant d'évaluer cette disposition.

Il est important que les policiers aient les outils appropriés pour obtenir les preuves nécessaires. Les modifications prévoient également des ordonnances de production. Encore une fois, il faudra voir combien efficaces seront ces ordonnances. On les utilise déjà. Il serait prématuré de se prononcer dans un sens ou dans l'autre. Nous aimons dire qu'il s'agit d'une amélioration et ce n'est que plus tard que nous saurons si des améliorations s'imposent.

Troisièmement, la législation prévoit dans le cas des compétences simultanées que le gouvernement fédéral soit autorisé à intenter des poursuites dans les cas de fraude. Nous voyons cela comme une mesure très importante. Cela nous permet d'avoir le meilleur des deux mondes. Cela nous donne la possibilité de présenter une cause de fraude relevant du Code criminel devant les tribunaux d'une province. Si la Couronne provinciale n'a pas les ressources nécessaires pour poursuivre ou la capacité de le faire, nous pouvons demander à la Couronne fédérale de le faire à sa place. Cette disposition n'est pas encore en vigueur, mais nous croyons savoir que le ministère de la Justice est en train de consulter les provinces. Nous espérons que cette disposition sur les compétences simultanées sera en vigueur prochainement. Ce sera également un élément très important.

Le président : Quand cela se fera-t-il?

Le sdt pal German : Je l'ignore. Le ministère de la Justice y travaille.

Pour ce qui est de la législation, nous devrons attendre de voir ce qui arrive dans le cas de ces trois modifications. Pour ce qui est des ressources, le mandat de l'EIPM est très étroit par rapport à l'univers très vaste des crimes de cols blancs et le programme dispose de ressources appropriées pour ce que nous essayons de faire actuellement. Il ne fait aucun doute que nous pourrions prendre plus de projets, mais nous sommes actuellement dans la période de croissance. Nous sommes en train de réunir les éléments du programme ensemble et il semble que les choses s'accélèrent. Le programme se fait remarquer et je pense qu'il a un impact. Les ressources sont suffisantes pour ce que nous essayons de faire à l'heure actuelle.

La question plus vaste concerne les sections de lutte contre les délits commerciaux. Elles existent chez nous depuis 40 ans et, à l'origine, il s'agissait d'enquêteurs traitant du comportement frauduleux. Tout a commencé par les meurtres liés au crime organisé à Montréal dans les années 60. Cela a entraîné la création des sections des faillites ce qui, à son tour, a amené la création des sections des valeurs mobilières. L'expansion a été telle que maintenant, nos services font des enquêtes sur la contrefaçon, la corruption politique et la fraude à l'endroit du gouvernement fédéral et des gouvernements des provinces où nous agissons à titre de police contractuelle. Nous passons beaucoup de temps sur la question du télémarketing parce que cette activité fait des victimes parmi les personnes âgées au Canada, au Royaume- Uni et aux États-Unis.

Nous devons établir un équilibre entre les fraudes commerciales et les fraudes en valeurs mobilières, qui est un secteur assez vaste, et les cas de télémarketing qui font intervenir des consommateurs individuels comme victimes. En établissant cet équilibre, nous utilisons un système de tri pour établir la priorité des cas. Dans nos sections plus grandes, Toronto et Vancouver, par exemple, nous avons des agents dont le travail à plein temps consiste à faire le tri des dossiers qui arrivent pour déterminer lesquels feront l'objet d'un suivi.

Dans des domaines comme la fraude par télémarketing, nous utilisons une approche d'équipe intégrée avec les autorités américaines. Il s'agit d'une approche internationale à la lutte contre le crime. Nous avons enregistré différents succès dans différents domaines. Cependant, en ce qui concerne les ressources, je ne pense pas que personne ne nierait que le crime de cols blancs soit une activité en pleine croissance au Canada et ailleurs, tout comme la fraude. Les pourriels sur Internet en témoignent.

Je mentirais si je disais que nous n'avons pas besoin de plus de ressources du côté des délits commerciaux. Il s'agit certainement d'un problème.

Le président : Est-il juste de dire que vous avez adapté votre programme à vos ressources économiques? Si vous aviez plus de ressources, est-ce que vous élargiriez votre spectre d'activités?

Le sdt pal German : Il est vrai que nous essayons d'être aussi stratégiques que possible avec ce que nous avons. La personne qui occupe le bureau voisin du mien dirige le service de lutte contre les drogues et le crime organisé, et juste à côté il y a le directeur général responsable de l'intégrité des frontières. Ils ont des préoccupations bien légitimes eux aussi et je ne prétends pas que les nôtres soient plus importantes que les leurs.

Certains pourraient se demander où cela finira-t-il. Je ne prétends pas être en mesure d'éradiquer totalement la fraude, mais nous voulons en faire assez pour instaurer la confiance dans tous ces domaines. Nous voulons que nos personnes âgées soient confiantes qu'elles ne deviendront pas des victimes. Nous ne voulons pas que les gens aient peur d'accepter un billet de 100 $, alors nous travaillons sur la contrefaçon. Nous essayons de nous répartir aussi également que possible.

Le sénateur Chaput : Avez-vous des données statistiques sur l'importance des crimes liés aux cartes de crédit au Canada? Ces données intéressent le comité.

Le sdt pal German : Je n'ai pas ces données statistiques avec moi. Il y a un certain nombre d'études en cours sur cette question. Le Bureau de la concurrence du Canada et Statistique Canada, avec un financement partiel provenant de nous, tentent de déterminer l'ampleur de cette fraude au pays. À l'heure actuelle, les meilleures données qui existent sur les fraudes reliées aux cartes de crédit proviennent des établissements qui émettent des cartes de crédit eux-mêmes parce que c'est généralement l'endroit où les gens s'adressent en premier pour se plaindre. Dans bien des cas, les gens n'appelleront pas la police parce que l'émetteur de la carte de crédit s'occupe du problème.

Nous pouvons certainement vous obtenir des données statistiques.

Monsieur le président, puis-je répondre à la question concernant notre relation avec les organismes de réglementation?

Le sénateur Angus : Cela concernait la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario et de la Bourse de Toronto.

Le sdt pal German : Elles collaborent avec nous.

Le président : Qui ne collabore pas?

Le sdt pal German : Non seulement les commissions des valeurs mobilières collaborent avec nous, mais elles ont également détaché des gens dans nos EIPM. En fait, la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario a été la première porte à laquelle nous avons frappé lorsque nous avons créé les EIPM et elle a répondu avec enthousiasme.

Nous avons également des groupes de renseignement conjoints de la GRC et des organismes de réglementation du commerce des valeurs mobilières au Québec, en Ontario, en Colombie-Britannique et en Alberta, qui en sont à diverses étapes de formation. Ces groupes examinent strictement les renseignements qui viennent des marchés. Ils alimentent à la fois les organismes de réglementation et la GRC avec de l'information qui pourrait intéresser nos services d'enquête. Il s'agit d'une bonne relation et cela doit figurer au compte rendu.

Nous travaillons également en étroite collaboration avec l'Association des courtiers en valeurs mobilières et la Bourse de Toronto, mais pour ce qui est des organismes de réglementation, il s'agit d'un partenariat.

Le sénateur Moore : Vous avez dit que vous avez commencé avec des centaines de plaintes et que maintenant vous avez sept enquêtes actives considérées comme des projets majeurs et 26 enquêtes actives considérées un point moins sérieuses. Devons-nous présumer que toutes ces enquêtes ou la plupart d'entre elles sont concentrées dans les grands marchés de capitaux que sont Toronto, Montréal et Vancouver, ou sont-elles éparpillées dans l'ensemble du pays?

Le président : À cause des contraintes de temps, pouvez-vous nous fournir ces renseignements par écrit?

Le sdt pal German : Oui.

Le sénateur Angus : Nous nous sommes rendus aux États-Unis après le scandale d'Enron pour voir quelles leçons nous pouvions tirer. On nous a affirmé que partout, que ce soit à New York, à Washington, à la SEC, à la bourse de New York ou au bureau de l'Attorney-General Eliot Sptizer, tout le monde manque de ressources financières. On nous a dit que le problème état d'une telle envergure qu'on ne pouvait s'occuper que d'une infime partie des cas.

Nous avons même eu une rencontre privée avec un personnage aussi influant que le chef de la Réserve fédérale qui nous a dit qu'aucune loi comme la loi Sarbanes-Oxley ne pourra rétablir la confiance des investisseurs. La seule chose qui le fera, a-t-il dit, c'est de voir 10 pdg parader menottes aux poings et en vêtements de prisonnier au bulletin de nouvelles du soir. Cela est toujours vrai. Nous avons vu beaucoup de vêtements de prisonnier défiler dans les nouvelles, mais pas beaucoup au Canada.

Le sdt pal German : Sénateur, nous avons compris. Nous n'aspirons pas à nous approprier le rôle de la conformité avec l'initiative des EIPM. Notre mandat est de renforcer les entreprises. Comme l'a dit notre commissaire, notre rôle est celui de la mise en application des lois sur la criminalité.

Le président : Allez-vous réfléchir sur la question de savoir si nous devrions centraliser les poursuites au fédéral dans un organisme de la Couronne? Je sais que vous travaillez sur cette question en ce moment. Nous pensons qu'il y a des économies à réaliser lorsqu'on centralise les poursuites au criminel pour les questions plus importantes. Avez-vous envisagé cette question du point de vue de l'efficacité?

Il est très difficile de faire en sorte que les avocats de la Couronne, très occupés partout au pays, se concentrent sur ces poursuites plus importantes. Pourriez-vous nous donner votre avis sur la façon dont cela devrait fonctionner s'il y avait des organismes fédéraux centralisés pour traiter les cas principaux?

Le sdt pal German : Le ministère de la Justice est un partenaire égal avec nous dans l'initiative des EIPM. Comme je l'ai indiqué, grâce à la modification législative concernant les compétences simultanées, nous croyons que nous avons le meilleur des deux mondes.

Nous travaillons étroitement avec le ministère. En fait, nous avons une séance de réflexion de deux jours prévue la semaine prochaine pour examiner les rôles respectifs. Le ministère de la Justice travaille sur l'élaboration de sa propre expertise dans ce domaine, qui n'est pas un domaine où le gouvernement fédéral avait l'habitude d'intervenir auparavant.

Le président : Peut-être qu'après votre séance de réflexion, vous pourriez nous dire s'il s'agit d'une bonne recommandation à faire. Nous pensons que c'est le cas. Nous pensons qu'une partie de tout cela est trop fragmentée et que l'on devrait centraliser davantage pour que ce soit efficace et que cela reflète les objectifs fixés par le sénateur Angus.

Le sdt pal German : Nous serons heureux de revenir devant le comité ou de vous faire rapport par écrit.

Le président : Merci beaucoup.

La séance est levée.


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