Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 14 - Témoignages du 8 juin 2005
OTTAWA, le mercredi 8 juin 2005
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 16 h 6 afin d'examiner, pour en faire rapport, les questions concernant les consommateurs dans le secteur des services financiers.
Le sénateur W. David Angus (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : La séance est ouverte. Je suis le sénateur David Angus, vice-président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. J'ai le privilège aujourd'hui de présider cette séance spéciale en l'absence du président, le sénateur Grafstein.
Je souhaite une chaleureuse bienvenue aux honorables sénateurs et aux témoins présents ainsi qu'à ceux qui nous regardent sur la chaîne télévisée CPAC et sur Internet. Il s'agit de l'avant-dernière réunion que notre comité consacrera à l'étude des questions concernant la protection des consommateurs dans le secteur des services financiers.
Comme l'a déclaré le sénateur Grafstein à la première de ces réunions, le 18 novembre dernier :
Les services bancaires ne consistent pas seulement à acheter et à vendre de l'argent, il s'agit aussi de la confiance des consommateurs dans le système financier... C'est d'assurer la santé et la croissance de l'économie. Le comité croit que la surveillance du Parlement est essentielle pour que le public ait confiance dans le système financier et pour protéger les intérêts de tous les consommateurs.
C'est dans cet esprit que nous avons envisagé la réunion spéciale d'aujourd'hui qui portera sur certains aspects de l'industrie des fonds de couverture, avant de conclure notre étude sur les consommateurs. Il s'agit d'un domaine relativement peu réglementé de notre secteur des services financiers, qui a connu une croissance fulgurante ces dernières années et qui semble changer sans cesse en profondeur. En 2004, on estime que 26,6 milliards de dollars étaient investis dans les fonds de couverture au Canada, dont au moins la moitié par les petits investisseurs.
Le 18 mai 2005, l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières (ACCOVAM) publiait un rapport sur les fonds de couverture, qui faisait ressortir la nécessité d'un examen des lois et règlements canadiens applicables et demandait d'inclure les produits de fonds de couverture dans le système réglementaire canadien. Bien que cette question relève principalement de la compétence des provinces, les implications sont de portée fédérale. Notre comité a donc jugé qu'il ne saurait publier son rapport sans y inclure quelques réflexions informées sur les fonds de couverture et les préoccupations connexes.
Nous avons le bonheur aujourd'hui d'accueillir des témoins qui représentent l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières et Alternative Investment Management Association Limited (AIMA). Ils nous aideront à comprendre les fonds de couverture et leur pertinence pour les Canadiens, en particulier du point de vue de la protection des consommateurs ou des investisseurs. Messieurs, vous avez la parole.
M. James McGovern, président, Alternative Investment Management Association Limited : Je présenterai notre exposé, ce qui devrait prendre cinq à dix minutes, puis nous répondrons à vos questions.
Je suis président de la section canadienne d'AIMA, et à mes côtés se trouve Gary Ostoich, conseiller juridique d'AIMA Canada. Nous remercions le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce de nous donner la possibilité de vous rencontrer et de vous renseigner sur l'industrie des fonds de couverture au Canada.
Dans le temps qui nous est imparti aujourd'hui, nous aborderons six thèmes : 1) qui est AIMA Canada; 2) le rôle des fonds de couverture sur les marchés financiers; 3) la taille et les éléments du marché canadien des fonds de couverture; 4) la réglementation des produits de fonds de couverture au Canada; 5) les enjeux actuels relatifs aux fonds de couverture; et 6) l'avenir de l'industrie canadienne des fonds de couverture.
AIMA Canada est une section d'Alternative Investment Management Association Limited, fondée au Royaume- Uni en 1990 à cause de l'importance grandissante des placements alternatifs dans la gestion mondiale des placements. AIMA est un organisme de recherche et d'éducation sans but lucratif qui représente les praticiens et les investisseurs institutionnels en fonds de couverture, en contrats à terme gérés et en fonds de gestion de devises, ainsi que les fournisseurs de l'industrie comme les courtiers désignés, les administrateurs, les avocats et les comptables.
AIMA compte environ 700 membres dans plus de 43 pays, dont le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne, les Pays- Bas et la Suisse. Elle a aussi des sections en Australie, à Hong Kong, en Chine, au Japon, à Singapour, en Afrique du Sud et au Canada. AIMA Canada a été fondée en mars 2003, et compte plus de 70 sociétés membres, dont certains des plus gros investisseurs institutionnels au Canada, ainsi que certains des plus gros fonds de couverture et fonds de fonds de couverture établis au Canada.
AIMA collabore étroitement avec les organismes de réglementation et les autres parties intéressées dans le monde afin de promouvoir l'utilisation responsable des placements alternatifs. En plus d'offrir des exemplaires gratuits de matériel éducatif produit en son nom, AIMA a des discussions officielles et non officielles avec les organismes de réglementation au nom de ses membres. Les exemples d'initiatives réglementaires et de documents publiés par AIMA Canada comprennent : « A Guide to Sound Practices for Canadian Hedge Funds Managers », qui donne aux dirigeants canadiens un aperçu des nombreuses questions qui devraient être examinées par un gestionnaire de fonds de couverture; « Précis sur les fonds de couverture de AIMA Canada », un document qui fournit aux investisseurs des renseignements généraux sur les fonds de couverture comme catégorie d'actifs; et des commentaires et réactions sur diverses lignes directrices et règles des organismes de réglementation de l'industrie comme l'Instrument national 81- 106. Nous rédigeons actuellement un document qui devrait paraître le 14 juin sous le titre « A Guide to Sound Practices for Disclosure and Promotion of Alternative Investments in Canada », qui présentera des lignes directrices détaillées sur la divulgation et la promotion des produits de fonds de couverture au Canada.
Dans sa revue du système financier en 2004, la Banque du Canada a déclaré que le terme « fonds de couverture » désigne un univers très hétérogène d'organisations et de comportement qui échappe à toute définition simple. Nous sommes d'accord avec cette affirmation. En règle générale, un fonds de couverture est un fonds de placement privé limité à un petit nombre de clients avertis qui investissent périodiquement de grandes sommes d'argent. Ces investisseurs se fient sur les compétences des gestionnaires de portefeuille pour obtenir un rendement sur leurs placements.
L'industrie des fonds de couverture est plus petite que celle des fonds communs de placement classiques, non seulement à cause de ses possibilités limitées de lever des capitaux, mais aussi parce qu'elle doit rester assez agile pour pouvoir effectuer des opérations ou des placements lucratifs sans avoir de grandes conséquences sur le marché. Les fonds de couverture sont souvent qualifiés de « placements au rendement absolu ». Contrairement aux fonds communs de placement classiques, ils ne relient pas leur rendement à un indice ou un repère. Ils font plutôt appel au savoir-faire de leurs gestionnaires de portefeuille pour mettre en œuvre leurs propres stratégies d'arbitrage afin d'obtenir des rendements indépendants de l'évolution du marché.
Bien qu'il existe plus de 25 catégories de stratégies de placement que les fonds de couverture peuvent appliquer, la plupart des fonds de couverture au Canada appartiennent à quelques catégories seulement. La stratégie de placement la plus courante est la stratégie de couverture d'actions (en compte/à découvert), selon laquelle un fonds de couverture achète les actions dont le cours devrait monter, selon lui, et vend à découvert celles dont il pense que le cours va baisser, ce qui permet de réaliser un profit à la fois sur les marchés haussiers et sur les marchés baissiers.
Une autre stratégie courante est la stratégie neutre au marché, qui est une variante de la couverture d'actions (en compte/à découvert) et où les positions en compte et à découvert sont appariées afin que le fonds soit relativement peu exposé à la direction générale du marché. Des stratégies de placement moins fréquentes au Canada comprennent l'arbitrage de convertibles, selon lequel les positions en titres convertibles sont couvertes en vendant à découvert les actions ordinaires sous-jacentes, et les stratégies de contrats à terme gérés, qui reposent sur l'exploitation des tendances sur divers marchés mondiaux, tels que ceux des devises et des taux d'intérêt.
De plus, certains fonds de couverture investissent principalement dans d'autres fonds, ce qui crée des portefeuilles ou des fonds de fonds de couverture. Les fonds de fonds de couverture permettent aux investisseurs de poursuivre les diverses stratégies de placement choisies par des gestionnaires de portefeuille qui possèdent une vaste expérience sur le marché des fonds de couverture.
Les fonds de couverture procurent des avantages importants aux investisseurs, ainsi qu'aux marchés financiers en général. Les avantages pour les investisseurs comprennent la diversification du portefeuille, parce que les rendements des fonds de couverture sont habituellement peu ou pas reliés aux rendements des placements classiques en actions et en obligations. Par conséquent, les fonds de couverture offrent aux investisseurs comme les caisses de retraite la possibilité d'atténuer la volatilité de leurs portefeuilles et d'améliorer les rendements des portefeuilles dans une conjoncture économique où les placements en actions et en obligations présentent des possibilités limitées. Les fonds de couverture donnent également aux investisseurs la possibilité d'obtenir des rendements en investissant dans des marchés non financiers comme ceux des produits de base.
Ils sont avantageux pour les marchés financiers parce qu'ils jouent plusieurs rôles vitaux. Par exemple, les fonds de couverture peuvent servir d'amortisseurs sur le marché en investissant sur des marchés fébriles lorsque d'autres choisissent de rester sur la touche. Ils peuvent aussi sonner l'alarme, en déterminant, grâce à l'activisme des actionnaires, quelles entreprises semblent éprouver des difficultés dans leurs affaires ou avoir des problèmes de gouvernance, ce qui peut signaler aux conseils d'administration, aux autres participants sur le marché ou aux organismes de réglementation qu'il existe un problème au sein d'une société ouverte au public.
Les fonds de couverture ajoutent de la profondeur et de la liquidité dans tous les secteurs du marché financier, ce qui contribue à l'efficience de l'établissement des prix et favorise la stabilité du marché. Enfin, les fonds de couverture sont souvent un mécanisme efficace de transfert des risques sur les marchés financiers, en particulier dans le domaine du crédit commercial et du crédit à haut rendement.
Le marché canadien des fonds de couverture a continué d'évoluer et de prendre de l'expansion ces dernières années. En juin 2004, les actifs totaux dans les fonds de couverture canadiens et les produits connexes dépassaient 20 milliards de dollars. En 1999, le marché canadien comprenait moins de 50 fonds de couverture et représentait des actifs sous gestion d'environ 2,5 milliards de dollars. En juin 2004, le marché comptait environ 190 fonds de couverture et produits connexes et représentait des actifs de 26,6 milliards de dollars. Le marché mondial des fonds de couverture représente actuellement des actifs de plus de 1 billion de dollars américains.
Environ 14,1 milliards de dollars de placements dans des fonds de couverture au Canada appartiennent à des investisseurs individuels, dont environ 50 p. 100 au moyen de billets à capital protégé, qui sont émis par des institutions financières réputées et des organismes gouvernementaux. Mais les actifs des caisses de retraite canadiennes représentent un pourcentage important des montants investis dans les fonds de couverture, puisque plus de 40 p. 100 des placements dans des fonds de couverture au Canada sont détenus par des institutions.
Le marché des fonds de couverture de 14,1 milliards de dollars au Canada comprend les fonds de couverture gérés par un gestionnaire unique et les fonds de fonds de couverture. Sur les quelque 190 fonds de couverture qui existent sur le marché canadien, environ 55 p. 100 sont gérés par un gestionnaire unique et leur taille moyenne est de 39 millions de dollars. La taille moyenne des fonds de fonds de couverture est un peu plus élevée, à 44 millions de dollars.
En plus des gestionnaires individuels de fonds de couverture, les banques, les sociétés de placement à capital variable et les compagnies d'assurance sont également actives et offrent des fonds de couverture et des produits connexes aux investisseurs canadiens. Plusieurs sociétés de placement à capital variable ont ajouté à leurs fonds de placement des fonds de placements alternatifs, en employant des stratégies comme la vente à découvert et de faibles leviers, habituellement associés aux fonds de couverture.
Plusieurs banques ont également commencé à offrir des produits reliés aux fonds de couverture, comme des billets à capital protégé. Ces produits offrent la protection du capital parce qu'à leur échéance l'investisseur recouvrera au moins le principal, ainsi qu'un revenu lié au rendement du fonds de couverture, qui est habituellement un fonds de fonds de couverture. Ces produits à capital protégé sont principalement offerts aux petits investisseurs, et ils permettent aux investisseurs d'avoir accès aux fonds de couverture sans devoir investir une importante somme minimale ou se plier aux règles applicables aux « investisseurs agréés » exigées habituellement pour un placement direct dans un fonds de couverture. Ces dernières années, les produits à capital protégé sont devenus de plus en plus importants sur le marché des fonds de couverture au Canada.
Les placements alternatifs comme les fonds de couverture peuvent être structurés de nombreuses façons, mais quelle que soit leur forme juridique, la réglementation applicable à l'offre, à la promotion et à la vente des fonds de couverture est semblable. Les conseillers financiers comme les gestionnaires de fonds communs de placement et de fonds de couverture doivent être inscrits auprès des commissions provinciales des valeurs mobilières afin de pouvoir gérer l'argent de leurs clients. L'inscription auprès des organismes de réglementation des valeurs mobilières pour pouvoir offrir des services de gestion de portefeuille est un processus long et coûteux. La société de gestion financière doit notamment démontrer aux autorités qu'elle possède une importante expérience préalable et mettre en place et appliquer un programme exhaustif de conformité. À titre de conseiller financier inscrit auprès d'une commission provinciale des valeurs mobilières, le gestionnaire de fonds de couverture est assujetti à des vérifications de conformité effectuées par les organismes de réglementation des valeurs mobilières.
L'accès aux marchés publics au Canada est assujetti à de nombreux règlements visant à maintenir l'intégrité du marché financier canadien et à protéger les investisseurs. Les fonds de couverture qui offrent leurs titres au Canada ou aux résidents canadiens doivent se conformer à ces règlements.
Au Canada, les fonds de couverture sont offerts sur le marché de détail et sur le marché non réglementé. Le marché de détail désigne le placement auprès du public investisseur en général, au moyen de prospectus ou d'autres offres qui ne sont pas assujettis aux règlements sur les valeurs mobilières, comme les offres de billets à capital protégé par les banques. Les dispenses utilisées le plus souvent pour vendre des produits de fonds de couverture sont la dispense d'« investisseur agréé » et la dispense de « placement minimum », ainsi que les billets à capital protégé émis par les banques.
La dispense d'investisseur agréé permet aux investisseurs institutionnels et aux particuliers fortunés, ou dont le revenu dépasse un certain niveau, d'investir dans des titres offerts sans prospectus. La dispense de placement minimum permet aux investisseurs qui investissent davantage qu'un montant minimum déterminé dans un même fonds de participer à une offre sans prospectus.
Il convient de souligner que, malgré la croissance du segment des particuliers fortunés du marché non réglementé, une grande partie des placements effectués dans les fonds de couverture ont tendance à venir des investisseurs institutionnels, y compris les caisses de retraite, les gouvernements et les fonds canadiens et mondiaux de fonds de couverture.
Les petits investisseurs ont commencé à constituer une plus grande source d'investisseurs pour les fonds de couverture canadiens et les placeurs canadiens à cause de l'arrivée sur le marché de divers produits structurés qui sont soit dispensés de l'application des règles relatives aux prospectus soit offerts par prospectus. Certains produits communs comprennent des fonds de placement offerts par prospectus, cotés en Bourse, non remboursables dont les rendements sont liés au rendement des fonds de couverture, et des billets à capital protégé émis par les banques et reliés à des fonds de couverture.
En plus des règlements sur les valeurs mobilières, les gestionnaires de fonds de couverture canadiens doivent également se conformer aux lois provinciales et fédérales en matière de protection des renseignements personnels dans la collecte, l'utilisation, la communication et l'élimination des renseignements personnels sur leurs investisseurs. Les fonds de couverture sont également assujettis à certaines exigences en matière de présentation de rapports, en vertu des lois canadiennes sur le blanchiment de l'argent et la lutte contre le financement des activités terroristes.
Il y a également des restrictions au sujet des stratégies de publicité et de promotion que les fonds de couverture canadiens peuvent employer. Ainsi, les lois sur les valeurs mobilières interdisent habituellement la promotion à la radio ou à la télévision de placements privés dans des titres. Dans certaines provinces canadiennes, à condition de se conformer à des directives strictes, les fonds de couverture peuvent annoncer dans la presse écrite des offres de titres aux investisseurs agréés.
Un peu comme sur le marché des prêts bancaires, qui a des problèmes avec certains prêts de temps en temps, le marché des fonds de couverture a eu lui aussi son lot de fonds de couverture et de placeurs problématiques. Dans certains cas, les investisseurs institutionnels canadiens ont été surpris par des problèmes relatifs à des fonds de couverture situés ou gérés hors du Canada, comme le fonds Lancer, dont les investisseurs comprenaient la Ville de Montréal, l'Université de Montréal, la Fondation Chagnon et Bombardier. Dans d'autres cas, des fonds de couverture canadiens ont subi des pertes ou éprouvé d'autres difficultés qui ont entraîné leur fermeture et leur liquidation.
Récemment, deux problèmes touchant à des fonds de couverture canadiens ont été signalés dans la presse — Portus Alternative Asset Management, établi à Toronto, et Norshield Financial Group, établi à Montréal. Portus aurait vendu pour environ 750 millions de dollars de produits de fonds de couverture à 26 000 petits investisseurs au Canada et fait l'objet d'une enquête par diverses commissions provinciales des valeurs mobilières parce qu'elle aurait enfreint les lois sur les valeurs mobilières. Il semblerait que Portus aurait offert ses produits à des investisseurs non agréés et que ni Portus ni ses placeurs n'ont effectué les contrôles préalables et les évaluations nécessaires avant de recommander leurs produits.
Norshield aurait géré environ 450 millions de dollars de produits de fonds de fonds s'adressant principalement aux particuliers fortunés et aux investisseurs institutionnels. Norshield a annoncé récemment aux investisseurs qu'il empêchait d'autres rachats de ses fonds en attendant la liquidation ordonnée de ses placements sous-jacents.
Portus et Norshield font encore l'objet d'examen de la part de plusieurs organismes de réglementation des valeurs mobilières au Canada et les décisions finales concernant leurs situations n'ont pas encore été prises. Mais il semble que les problèmes de ces entreprises sont très différents et ne devraient pas être considérés comme des problèmes propres aux fonds de couverture en soi, même si Portus et Norshield exerçaient des activités relatives aux fonds de couverture.
À notre avis, la situation de Portus découle principalement de problèmes de conformité et de diligence raisonnable. Le problème de conformité est lié aux pratiques de vente et de divulgation ainsi qu'à la pertinence du fonds pour les petits investisseurs. Le problème de diligence raisonnable est lié aux pratiques de ventes sur recommandation mettant en cause des tierces parties qui ont participé à la commercialisation et au placement des produits de Portus.
Pour Norshield, il semble que les investisseurs aient voulu vendre massivement leurs titres à cause de plusieurs facteurs, notamment la mauvaise publicité au Québec à cause des poursuites. C'est ce qui a provoqué des problèmes de liquidités pour certains fonds sous-jacents de Norshield.
L'un des risques qu'il y a à investir dans des fonds de couverture, un peu comme pour d'autres placements comme le financement privé, est que si un trop grand nombre d'investisseurs veulent sortir d'un fonds à une date donnée, le fonds n'aura peut-être pas suffisamment de liquidités pour leur permettre de le faire. Par conséquent, le fonds demandera un temps d'arrêt afin de permettre la liquidation ordonnée des placements et la sortie du fonds.
AIMA Canada reconnaît que, à mesure que le marché des fonds de couverture continuera d'évoluer au Canada et à l'étranger, les organismes de réglementation examineront les règlements existants afin de s'assurer qu'ils sont assez larges pour protéger les investisseurs moins avertis. Nous recommandons fortement une réglementation pertinente et suffisante pour protéger les petits investisseurs. Aux États-Unis, la Securities and Exchange Commission (SEC) a adopté récemment des règles afin d'exiger que les gestionnaires de fonds de couverture établis aux États-Unis ou les fonds de couverture qui vendent leurs produits à certains investisseurs américains soient inscrits auprès de la SEC, une exigence qui existe déjà depuis un certain temps dans la plupart des provinces canadiennes.
En résumé, AIMA Canada entrevoit une forte croissance de l'industrie canadienne des fonds de couverture, qui compte actuellement certaines des institutions financières les plus importantes et les plus averties au pays. L'industrie est solide et fondamentalement en santé. AIMA Canada continuera de travailler avec les participants de l'industrie et les organismes de réglementation canadiens afin de promouvoir l'utilisation des placements alternatifs et d'atteindre notre objectif de mieux informer les investisseurs, d'être plus transparents et de promouvoir la diligence raisonnable et les pratiques exemplaires connexes.
Le sénateur Meighen : J'ai plusieurs questions concernant votre vision de l'avenir de l'industrie des fonds de couverture. Premièrement, la popularité de ces fonds est-elle liée à l'évolution sur le marché de l'investissement, autrement dit, les faibles rendement poussent-ils les gens vers les fonds de couverture? Dans l'affirmative, quand les rendements augmenteront, la ruée vers les fonds de couverture s'essoufflera-t-elle?
Aux États-Unis, un billion de dollars est investi dans les fonds de couverture. Au Canada, ces investissements se chiffrent à environ 26 milliards de dollars. Prévoyez-vous une explosion de la croissance de l'industrie des fonds de couverture au Canada, si les rendements demeurent peu élevés?
M. Ostoich : En ce qui concerne l'évolution de l'industrie, de nombreux observateurs croient que l'industrie des fonds de couverture est un peu saturée, ce qui veut dire qu'il y a de nombreux participants. Cette industrie ne grandira probablement pas aussi vite que par le passé parce que la plupart des fonds de couverture sont créés par des entrepreneurs, dont un grand nombre sont issus des salles d'arbitrage des banques, qui utilisent des stratégies appliquées depuis un certain temps déjà sur les marchés financiers. Ils se lancent en affaires et réunissent des capitaux afin de faire gagner de l'argent à leurs investisseurs et souvent d'en gagner eux aussi. La plupart des gestionnaires de fonds de couverture ont eux-mêmes investi de fortes sommes dans leur fonds.
Leurs services ne sont pas donnés. Ils exigent habituellement une commission de gestion de 2 p. 100, plus 20 p. 100 de leur rendement. Si le gestionnaire d'un fonds de couverture réalise un bénéfice de 1 million de dollars, il en garde 20 p. 100. Si le fonds n'est pas lucratif, les investisseurs l'abandonnent rapidement et il disparaît.
En réponse à votre question au sujet de l'avenir des fonds de couverture, ce n'est pas lié simplement aux rendements mais aussi à ce qu'on peut tirer des fonds de couverture sur ce marché. Comme on l'a vu sur le marché des titres convertibles et sur le marché de l'arbitrage des fusions, il y a tellement de participants sur le marché, y compris les banques et les fonds communs de placement, que les rendements ne sont plus ce qu'ils étaient.
Par conséquent, les grands investisseurs dans des fonds de couverture qui sont encore fortunés ne tolèrent plus les rendements peu élevés. Ils sont là pour tirer parti d'un savoir-faire et de la capacité d'obtenir un rendement sur le marché différent du rendement classique des indices. Les observateurs peuvent avoir des opinions différentes mais, en règle générale, même s'il est question de croissance dans une industrie qui représente des billions de dollars, il y une pause actuellement. Les rendements élevés sur les fonds de couverture sont difficiles à obtenir cette année parce que les gestionnaires ne sont pas des magiciens — ils ne peuvent pas obtenir l'impossible. Certaines stratégies ne reviendront peut-être jamais et un fonds de couverture en cherchera de nouvelles pour l'avenir. Je pense que nous verrons une croissance, mais pas comme par le passé.
M. McGovern : Si vous divisez le marché entre les participants institutionnels et les investisseurs individuels, les institutions qui ont privilégié les placements alternatifs par le passé sont des fondations américaines comme Harvard et Yale, qui ont des fiduciaires assez avertis. Ils comprennent le système et le processus et ont adopté très tôt les fonds de couverture. Nous commençons maintenant à voir de nombreux régimes d'entreprise se lancer eux aussi dans les fonds de couverture, en partie à cause des rendements. Leurs analyses de l'actif et du passif peuvent indiquer qu'ils auront du mal à remplir leurs obligations envers leurs employés; et ils recherchent les possibilités de diversification que les placements alternatifs peuvent leur offrir — non seulement les fonds de couverture mais aussi l'immobilier, le pétrole et le gaz, les produits forestiers, le capital risque, le financement privé, et cetera.
Les institutions sont allées dans cette direction pour effectuer une diversification prudente et mieux affecter leurs actifs. Chez les petits investisseurs et les particuliers fortunés, les motifs sont plus variés. L'un d'eux est bien sûr le rendement, vu que les taux d'intérêt sont si bas. Je suis un ancien de l'industrie des fonds communs de placement, et je me souviens que des investisseurs étaient qualifiés de « réfugiés des certificats de placement garantis ». C'est ainsi qu'on désignait ceux qui abandonnaient les certificats de placement pour se tourner vers les fonds communs quand les taux baissaient et que les marchés allaient bien. Quand les marchés n'ont pas donné de bons résultats, avec la bulle technologique, il y a eu une combinaison de baisse des rendements et de déclin des marchés boursiers.
Pour les investisseurs individuels et les particuliers fortunés, qui ont été la pierre d'assise de l'industrie mondiale des placements alternatifs pendant des décennies, un motif est la peur, pure et simple. Ils ne veulent pas assujettir leurs capitaux aux caprices du marché. C'est un mélange de rendements, de peur des autres catégories d'actifs et de besoin de diversification.
Les bons planificateurs financiers, comme les fondations bien dirigées et les régimes des sociétés, y voient un produit à mettre dans leurs portefeuilles. Ils trouveront peut-être que les rendements ne sont pas fantastiques cette année, mais les marchés obligataires et boursiers ne vont pas bien non plus. Comme l'a déclaré M. Ostoich, les gestionnaires de fonds de couverture ne sont pas des magiciens; il leur faut des occasions à saisir, comme n'importe quel autre gestionnaire actif sur le marché.
Le sénateur Meighen : Une expression que vous n'avez pas utilisée est « volatilité du marché ». Un fonds de couverture peut-il prospérer dans un marché volatil?
M. McGovern : Oui. Il y a environ 25 stratégies différentes. Le jour, je travaille dans un fonds de fonds. Nous voyons un nombre incroyable de gestionnaires et de stratégies du monde entier, et un bon nombre de ces stratégies sont axées sur la volatilité du marché. Ces gestionnaires s'efforcent d'acheter la volatilité du marché; et quand on comprend comment le faire, on se retrouve parmi les meilleurs. Essentiellement, il s'agit d'acheter la volatilité à bon marché, en supposant qu'un événement quelconque va se produire sur le marché afin d'accroître cette volatilité. Les gens deviennent nerveux quand cela se produit et ils vendent; alors quand on est un acheteur de volatilité, ont peut faire de gros sous dans un tel environnement. C'est pour cette raison que les investisseurs institutionnels aiment investir dans les fonds de couverture. Quand on investit dans les actions ou les obligations, on ne profite habituellement pas d'une volatilité accrue, on perd habituellement de l'argent dans ces scénarios. C'est une façon de faire de l'argent quand les marchés deviennent agités.
Le sénateur Meighen : Une sommité comme M. Greenspan convient avec vous qu'après ses progrès rapides, l'industrie des fonds de couverture pourrait rétrécir temporairement et que de nombreux gestionnaires de fonds et investisseurs fortunés pourraient devenir moins riches. Dans son discours à Beijing, il a déclaré que les fonds de couverture ne devraient pas présenter de danger pour la stabilité financière tant que les banques prêteuses gèrent leurs risques raisonnablement.
Les humains sont des lemmings et les banques les plus gros lemmings sur terre. Il y a quelques années, les prêts souverains étaient la grosse mode; les banques ont creusé pour prêter à qui mieux mieux dans le monde entier et ont perdu une fortune. Y a-t-il des raisons de croire que, maintenant que les fonds de couverture sont à la mode, les banques ne sont pas en train de creuser pour prêter aveuglément et que personne ne les attrapera?
M. Ostoich : Les banques se sont réveillées en 1998 avec Long-Term Capital Management, un fonds de couverture de triste mémoire aux États-Unis, qui était endetté jusqu'au cou. Il s'est retrouvé près de la liquidation complète jusqu'à ce que certaines banques se réunissent pour le sauver. Il en est découlé le rapport du groupe de travail du Président qui a exigé que les banques examinent leurs contreparties, comme les fonds de couverture et d'autres parties sur le marché, pour s'assurer que les leviers n'étaient pas exagérés. Cela se fait beaucoup plus dans cette industrie, on surveille les contreparties et les exigences en matière de marges afin de connaître l'ampleur des prêts. C'est une occasion d'apprendre, un peu comme on l'a fait au Canada lorsque les banques prêtaient à des sociétés immobilières très endettées; elles en ont tiré une leçon.
La leçon en 1998 a été bonne pour les banques d'envergure mondiale qui y ont participé. Elle a eu une grande incidence sur le marché. Les banques connaissent mieux l'effet de levier dans les fonds de couverture et d'autres catégories de placements. C'est utile sur le marché des billets à capital protégé, Si quelqu'un peut émettre un billet à capital protégé, c'est bien les banques, parce qu'elles ont des ressources phénoménales.
J'ai fait affaire avec des équipes dans les banques qui se consacraient uniquement aux fonds de couverture. Si je devais choisir un émetteur d'un billet sur le marché, ce serait une banque. Les banques comprennent une structure compliquée, peuvent s'assurer que les contrôles préalables sont effectués et elles ont le crédit pour appuyer le billet. Elles sont parfaites pour cela.
Le sénateur Massicotte : La Banque du Canada mène une étude actuellement pour déterminer les conséquences extrêmes éventuelles. Je laisserai la Banque et le Bureau du surintendant des institutions financières décider comment gérer la prudence. Ma question porte sur les nombreux investisseurs qui ne sont pas réglementés ou avertis : à quoi s'attendent-ils? Les anciennes lois sur les valeurs mobilières semblent indiquer que, pour ces investisseurs, la prudence de l'acheteur est de mise et qu'il n'y a pas besoin de règles ni de divulgation obligatoire.
De toute évidence, AIMA appuie cette approche pour les grands acheteurs et/ou les acheteurs avertis; il ne devrait pas y avoir d'autre forme de divulgation ou de mécanisme que l'inscription du courtier et les aspects éthiques.
M. Ostoich : Je pense que les règlements en place sont adéquats. La SEC a discuté pendant des mois de la réglementation des fonds de couverture; et les provinces canadiennes le font depuis des années, voire des décennies. Les gestionnaires de fonds de couverture canadiens ressemblent aux gestionnaires des fonds communs de placement; le gestionnaire réel est régi par l'organisme de réglementation provincial.
Le sénateur Massicotte : Si je comprends bien ce règlement, vous devez être inscrit. Mais dans certaines provinces, il faut présenter des états financiers et dans d'autres, pas; il n'y a pas d'uniformisation de la divulgation du type de placement ni des commissions. C'est le participant plutôt que le type de placement qui est inscrit, n'est-ce pas?
M. Ostoich : Oui. Il n'y a pas d'uniformisation de la notice d'offre. Je ne dis pas que c'est une bonne chose, mais c'est un peu comme un financement privé que les institutions achètent et n'importe quel type de produit à forte valeur nette qui s'adresse à l'actionnaire individuel.
Le sénateur Massicotte : Est-ce que le public investisseur dit ce qu'il pense au sujet de la pertinence de ces rapports? L'investisseur averti dit-il qu'il n'est pas d'accord pour qu'il n'y ait pas de divulgation minimale?
M. McGovern : Dans les grandes institutions au Canada, il y a beaucoup de renseignements communiqués, de transparence et de contrôles préalables.
Le vice-président : Volontairement, vous croyez?
M. McGovern : Volontairement, en ce sens que si ces renseignements ne sont pas fournis, ils n'investissent pas. Tous ces renseignements sont communiqués à l'investisseur.
Le sénateur Massicotte : Vous dépendez du fait que ces investisseurs sont avertis, et donc qu'ils connaissent pleinement tous les risques que comportent leurs placements. Je ne le conteste pas nécessairement, mais c'est évidemment la question déterminante qu'il faut se poser.
Quand vous parlez de Norshield, vous faites allusion à l'entreprise qui était reliée récemment à Cinar?
M. McGovern : C'est exact.
Le sénateur Massicotte : Vous dites qu'il s'agit simplement de ventes massives. Mais la semaine dernière, j'ai eu une longue discussion avec un avocat représentant Richter, qui, je pense a été nommé syndic, et il semble que c'est bien plus que cela — c'est essentiellement une fraude.
M. Ostoich : Nous nous fions simplement à ce qui est déclaré dans la presse au sujet de Norshield.
Le sénateur Massicotte : Même si Norshield est une affaire de fraude ou de tromperie, je suppose que votre argument serait que l'acheteur doit être prudent. Il s'agissait d'investisseurs avertis qui savaient ce qu'ils faisaient; la vie est pleine de risques et ils devaient être au courant des risques qu'ils prenaient.
M. McGovern : Oui. Si c'est le cas, ce serait malheureux, mais cela arrive de temps à autre. Sur le marché international, il y a Lancer et Manhattan; il est facile de nommer les mauvaises expériences.
Mais ce sont des exceptions à la règle — il y a des milliers de fonds de couverture qui ont fait un bon travail pour les investisseurs. Quand on regarde les sommes énormes que les institutions investissent dans ces stratégies, cela démontre bien la qualité des gens actifs sur le marché.
Comme dans n'importe quelle industrie, il y a quelques personnes qui ne sont pas à la hauteur. Il incombe à l'institution ou à l'investisseur de les repérer. Pour n'importe quel type d'investissement, il faut faire ce travail.
Le sénateur Massicotte : La bonne nouvelle c'est que cela dit aux gens que tous les fonds ne sont pas semblables ou égaux, et qu'il faut donc effectuer ses propres contrôles.
Les fonds de couverture ont été créés pour couvrir les risques. Aujourd'hui, je trouve qu'il s'agit d'un portefeuille de placements à haut risque et à rendement élevé, n'est-ce pas?
M. McGovern : Non, je ne le crois pas. Les fonds de couverture ont des flux de rendement et des flux de risque différents pour obtenir ces rendements. Quand on achète une action, on essaie de gagner la prime de risque du marché d'actions — quand on achète une obligation, c'est la prime du marché des obligations par rapport à la garantie du gouvernement. Les fonds de couverture ont différents moyens d'obtenir différents flux de rendement. Le problème que pose la définition, c'est qu'il y a des fonds de couverture qui ne couvrent rien, ils jouent sur l'effet de levier et sont très énergiques.
Le sénateur Massicotte : La plupart d'entre eux jouent sur l'effet de levier, sauf les produits de détail, n'est-ce pas?
M. McGovern : Non. Il y a deux types de leviers. Il y a le levier comptable, c'est-à-dire la taille du bilan; et il y a le levier de risque, soit l'exposition à l'égard d'un risque en particulier.
Par exemple, je pourrais avoir une stratégie de couverture d'actions (en compte/à découvert), qui est une stratégie très populaire au Canada. Habituellement, il y a une exposition d'environ 130 à 150 p. 100 aux risques du marché, soit 80 p. 100 en compte et 60 p. 100 à découvert. Par conséquent, mon exposition nette est de 20 p. 100, mais j'ai utilisé une marge dans les limites fixées par l'ACCOVAM et le gouvernement. L'investisseur m'achète le risque de gestion, il paie pour le fait que je sais comment choisir des actions en compte et à découvert. Il ne me paie pas pour obtenir la prime de risque du marché des actions, parce que mon exposition au risque du marché n'est que de 20 p. 100.
C'est une proposition très différente et elle est précieuse pour l'investisseur, si le gestionnaire est habile. C'est l'une des raisons pour lesquelles l'approche des fonds de fonds est si populaire. Il y a des répartiteurs professionnels qui s'efforcent de trouver ces gestionnaires et d'atténuer le risque idiosyncratique qu'il y a à investir dans un seul fonds de couverture.
Quand on investit dans un seul fonds de couverture, c'est un peu comme investir dans les actions d'une seule entreprise. Comme l'a dit M. Ostoich, le gestionnaire de fonds de couverture n'est pas un magicien; il a un bilan et un état des résultats et il s'efforce de réaliser un profit. Avec un fonds de fonds, on répartit ce risque idiosyncratique dans 20 ou 25 stratégies et fonds de couverture, ce qui est très utile pour un portefeuille.
Le sénateur Plamondon : Vous dites que vous ne faites pas de publicité à la télévision ou à la radio. Où trouvez-vous ces investisseurs avertis — sont-ils recommandés par les banques? Comment le gestionnaire du fonds de couverture est- il réglementé et comment déterminez-vous si un client est averti?
M. Ostoich : Dans le cas des fonds de couverture ou de tout autre placement, la question qui se pose est qui va chercher l'investisseur et s'il y a diligence raisonnable. Sur le marché des investisseurs à avoir net élevé, il y a habituellement un courtier indépendant qui dit au client qu'il a de la documentation sur un fonds de couverture, que le fonds semble un bon investissement et que le client devrait peut-être lire la documentation et ajouter le fonds à son portefeuille. Habituellement, c'est un autre courtier qui obtient la commission sur cette transaction.
Le sénateur Plamondon : C'est une commission différente des 2 p. 100 du gestionnaire du fonds de couverture et des 20 p. 100 sur le rendement? Combien y a-t-il de commissions de ce genre-là?
M. Ostoich : Elle est parfois différente, mais pas toujours. Elle peut être et est habituellement une commission supplémentaire. Mais ce n'est pas toujours le cas. Certains gestionnaires la paient à même leur propre commission de 2 p. 100.
Quant aux fonds de couverture, la plupart préféreraient ne pas avoir de petits investisseurs dans leur fonds. Ils préféreraient avoir 10, 20 ou 50 investisseurs plutôt que de faire affaire avec des milliers de petits investisseurs. Quand un fonds de couverture se lance sur le marché et que quelqu'un offre de trouver du capital, il hésite à renoncer à ses commissions. Ils ajoutent habituellement une commission supplémentaire.
Le sénateur Plamondon : Qui analyse le client? Le courtier ou le gestionnaire du fonds de couverture?
M. Ostoich : Le courtier. C'est la personne qui vend le fonds de couverture. C'est parfois un fonds de couverture, mais le plus souvent, c'est le courtier.
Le sénateur Plamondon : C'est lui qui est réglementé et qui a un permis d'un organisme provincial?
M. Ostoich : Exactement. La commission provinciale des valeurs mobilières régit le gestionnaire du fonds de couverture. En Ontario, elle exige que le gestionnaire, comme un gestionnaire de fonds commun de placement, soit régi comme conseiller en placement ou gestionnaire de portefeuille.
Le sénateur Plamondon : Le gestionnaire du fonds de couverture a-t-il besoin d'un permis?
M. Ostoich : Un gestionnaire de fonds de couverture est un gestionnaire de portefeuille, et il est inscrit auprès d'une commission provinciale. En Ontario, il doit renouveler son adhésion tous les ans et est assujetti à des examens de compétences.
Le sénateur Plamondon : Les obligations du gestionnaire de fonds de couverture diffèrent-elles de celles du courtier?
M. McGovern : Il y a deux parties à la transaction. Il y a le producteur, ou le gestionnaire du fonds de couverture, et l'intermédiaire, qui est habituellement un courtier, et le client se trouve entre les deux.
Les producteurs doivent être inscrits, et ils sont assujettis à divers règlements. L'intermédiaire, à titre de fiduciaire dans la transaction, doit appliquer la règle selon laquelle il faut connaître son client et s'assurer que le placement lui convient. De plus, toutes les provinces ont des règlements différents.
En Ontario, il y a certaines dispenses. L'une d'entre elles est la dispense de placement minimum, qui signifie qu'un investisseur doit être disposé à investir 150 000 $ dans le fonds pour y être admis, encore que le courtier doive s'assurer qu'il s'agit d'un placement convenable.
La deuxième façon d'entrer dans le fonds consiste à répondre aux exigences de l'investisseur agréé. En Ontario, cela veut dire que l'investisseur a un revenu de 200 000 $ par année, et qu'il est probable qu'il continuera à toucher ce revenu ou que l'investisseur et son conjoint ont un revenu combiné de 300 000 $. La troisième façon, c'est de posséder un avoir net liquide de 1 million de dollars.
Le sénateur Plamondon : Ce n'est pas un acquéreur averti.
M. McGovern : Non, c'est un investisseur fortuné. C'est la définition d'un investisseur agréé. Je pense que le raisonnement est que l'investisseur peut se permettre de perdre son placement.
Le sénateur Plamondon : Êtes-vous en train de dire qu'être riche c'est être averti?
M. McGovern : Je ne dis pas cela; je dis simplement que c'est la définition d'un investisseur agréé. Est-ce qu'on emploie le terme « averti » au Québec? La plupart des autres provinces emploient le terme « agréé », qui signifie simplement qu'on est fortuné.
M. Ostoich : Cela veut dire qu'on répond à une norme fixée par les organismes de réglementation. Les États-Unis ont adopté un modèle semblable il y a des années, et les provinces canadiennes ont adopté un modèle semblable.
Le sénateur Plamondon : Cela ne veut pas dire qu'on connaît quoi que ce soit aux placements.
M. McGovern : C'est exact.
M. Ostoich : On se fie encore à son courtier pour déterminer si c'est un produit qui convient.
M. McGovern : Quand on n'est pas agréé et qu'on ne remplit pas les conditions relatives au placement minimum, certaines provinces prévoient une dispense à condition de signer un formulaire de reconnaissance de risque. Par exemple, en Colombie-Britannique, quand on est prêt à signer un formulaire qui stipule qu'on sait ce qu'on fait et qu'on sait qu'on peut perdre tout son argent, alors on peut acheter.
Le producteur se fonde sur trois critères fondamentaux pour qu'un client achète un fonds de couverture, et l'intermédiaire a la responsabilité de s'assurer que le fonds convient au client.
La seule autre manière d'acheter, pour un investisseur individuel, c'est par l'entremise d'un billet à capital protégé. Il s'agit d'une obligation de l'institution financière, qui ne relève pas des commissions des valeurs mobilières. C'est un effet commercial. Parce que le fonds de couverture est présenté dans un effet commercial, il est garanti par la banque et assujetti aux règles du BSIF et de la Loi sur les banques. La banque y appose son nom et effectue les contrôles préalables; elle s'assure que le prix, le placement et les marchés secondaires sont établis, et cetera.
Le vice-président : Même si la protection est garantie, on se fait rembourser le principal moins toutes les commissions.
M. McGovern : Les autres commissions applicables aux billets à capital protégé sont celles exigées par la banque.
Le vice-président : L'investisseur peut encore perdre de l'argent.
M. McGovern : Absolument.
M. Ostoich : Les billets à capital protégé sont utilisés pour bien des choses, comme des indices boursiers qui peuvent ne jamais revenir. Vous avez raison de dire que les commissions sont retranchées du rendement.
Le sénateur Kelleher : Je connais une autorité monétaire qui a plus de 4 000 fonds de couverture, et je m'inquiète de l'absence apparente de réglementation, encore que cela ne s'applique pas nécessairement au Canada.
Si j'hérite de 250 000 $ et que je veux investir cette somme dans un fonds de couverture, je devrais savoir comment trouver ces gens. Deuxièmement, si je les trouve, y a-t-il un organisme de réglementation pour me protéger?
M. Ostoich : Il y a des organismes de réglementation qui offrent une protection. Vous devrez acheter un fonds de couverture par l'entremise d'un intermédiaire réglementé. Cet intermédiaire pourrait être votre courtier dans une grande maison de courtage ou un courtier sur le marché des valeurs dispensées qui serait également inscrit auprès de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario.
L'intermédiaire a l'obligation de s'assurer que le placement vous convient. Si vos 250 000 $ représentent 95 p. 100 de votre avoir net et que vous voulez investir 200 000 $ dans un fonds de couverture, le courtier devrait vous dire que ce placement ne vous convient pas. Vous pourriez insister pour l'acheter, mais vous l'achèteriez par l'entremise d'un intermédiaire réglementé.
Le vice-président : Il a le droit d'aller directement au fonds; il veut savoir comment le trouver.
M. Ostoich : Il doit y avoir au fonds quelqu'un qui est réglementé. Le rapport de l'ACCOVAM parle de l'inscription d'un courtier sur le marché des valeurs dispensées en Ontario. Cette personne, à un titre différent, a la responsabilité de connaître le client.
Vous pourriez faire la même chose avec un financement privé ou tout autre type de placement. Toutes les grandes institutions financières ont des transactions de financement privé, qui ne sont pas réglementées. Le conseiller n'est pas tenu d'être régi par les autorités provinciales.
Le sénateur Kelleher : C'est ce qui m'inquiète.
M. Ostoich : Je suis d'accord avec vous. La ligne de démarcation entre les deux est vague. Notre système a toujours exigé que les conseillers des fonds de couverture soient réglementés.
Pour répondre à votre question, quelqu'un doit vous conseiller. Que les conseils soient judicieux, c'est une autre affaire.
Le sénateur Kelleher : Si j'achète des actions de la Pétrolière impériale, j'obtiens au moins un certificat. Mais je ne comprends pas ce que j'obtiens quand j'investis dans un « fonds de couverture ».
M. Ostoich : Vous aurez peut-être un certificat, mais peut-être pas. Pour la plupart des fonds de couverture canadiens, vous en recevriez un. S'ils sont achetés par l'entremise d'un service de courtage sur FundServ, c'est la même chose que pour un fonds commun de placement. Avec un fonds commun de placement, vous n'obtiendriez pas de certificat. Habituellement, si vous achetiez un fonds de couverture à l'étranger, vous recevriez un papier qui dirait : « Voici la preuve que vous avez acheté pour 200 000 $ de fonds de couverture ».
M. McGovern : Ce qui importe le plus quand on achète par l'entremise d'un intermédiaire, c'est que l'intermédiaire soit réglementé. Mais cela ne signifie pas que l'intermédiaire est averti. L'un des buts d'AIMA est de continuer à éduquer; malgré le chemin parcouru, il y a encore beaucoup à faire pour mieux faire connaître les placements alternatifs.
Certaines des plus grandes fondations n'investissent pas tout leur argent dans les fonds de couverture; le pourcentage est plutôt de 15 à 20 p. 100. Si un conseiller vous dit que vous devez tout placer dans un fonds de couverture, alors il a vraiment besoin d'être renseigné.
Le sénateur Kelleher : Je ne suis pas convaincu de la solidité des fonds de couverture.
Le vice-président : Nous entendrons l'organisme d'autoréglementation des intermédiaires dans quelques minutes. Vous avez affirmé que la ligne est floue entre un fonds de financement privé et un fonds de couverture. Comment définiriez-vous un fonds de financement privé par rapport à un fonds de couverture, que vous qualifiez d'indéfinissable?
M. Ostoich : C'est principalement une question de participation : gérez-vous activement le fonds de placement ou est-ce un placement plus passif? Dans un fonds de financement privé, on investit dans une ou plusieurs sociétés sous- jacentes, alors l'approche est plus passive.
Dans les deux cas, les gestionnaires du fonds font une évaluation et assurent une surveillance, et ils effectuent des contrôles préalables dans le choix des placements; mais les gestionnaires de fonds de couverture ont tendance à être plus actifs et plus énergiques dans l'arbitrage. Cela dit, il y a de nombreux grands fonds de couverture dans le monde qui ont toute cette gamme d'activités.
Le vice-président : Le mot clé est « privé ». Serait-il juste d'affirmer qu'un fonds de financement privé est un groupe d'investisseurs à avoir net élevé qui ont mis en commun leurs ressources et embauché des gens intelligents pour leur trouver des entreprises où investir ou à acheter?
M. McGovern : Ce marché est beaucoup plus dominé par les institutions parce que les placements sont habituellement bloqués pendant cinq à dix ans. Avec un fonds de couverture, les exigences en matière de liquidités sont généralement inférieures. Mais tout le milieu des fonds est beaucoup plus actif dans la recherche de placements — l'activisme des actionnaires se fait sentir dans tous les types de placements.
Le sénateur Massicotte : Le fonds d'actions?
M. McGovern : Vous voulez dire les fonds d'actions à position en compte et à découvert?
Le sénateur Massicotte : Quand le président parle de « fonds d'actions », cela correspond à votre définition d'un fonds de couverture.
Le sénateur Moore : Monsieur McGovern, vous avez indiqué qu'il y avait environ 190 fonds de couverture au Canada en juin 2004; sont-ils tous cotés à la Bourse de Toronto?
M. McGovern : La plupart sont des fonds privés.
Le sénateur Moore : Combien sont cotés en Bourse?
M. McGovern : Trois ou quatre.
M. Ostoich : Aucun des conseillers n'est coté en Bourse; mais quelques-uns offrent un produit coté. Le conseiller ressemble à une société d'investissement à capital variable.
Le sénateur Moore : Le conseiller est inscrit dans chaque province où il fait des affaires, mais qu'en est-il du fonds qu'il gère?
M. Ostoich : Un très petit nombre sont cotés en Bourse.
Le sénateur Moore : En ce qui concerne les leviers, s'il y a un fonds de 100 millions de dollars et que le gestionnaire a besoin de 200 millions de dollars pour poursuivre un débouché qu'il a trouvé, empruntera-t-il la somme manquante?
M. McGovern : Le fonds de couverture a habituellement un courtier désigné. Aux États-Unis, ce pourrait être Morgan Stanley ou Goldman Sachs, ou au Canada, ce pourrait être la Banque Royale du Canada ou les autres grandes banques, et elles donneront au gestionnaire le crédit pour investir.
Le sénateur Moore : Le crédit et les prêts sont assujettis à la diligence raisonnable.
M. McGovern : Oui, et à la réglementation.
Le sénateur Moore : Combien y a-t-il de fonds de fonds de couverture?
M. McGovern : Il y a environ douze fonds de fonds de couverture.
Le vice-président : Qui comprennent les 190 fonds de couverture?
M. McGovern : Oui; comme nous l'avons indiqué, il y a de nombreux petits gestionnaires et quelques gros.
Le sénateur Moore : Les fonds de couverture existaient-ils avant 1990?
M. McGovern : Oui.
Le sénateur Moore : Au Canada?
M. McGovern : Il y en avait probablement peu. Tout dépend si on les définit comme une entité organisée. Les services de courtage des banques existent depuis la nuit des temps et ils agissent comme des fonds de couverture; mais la plupart des gens attribuent les premiers fonds de couverture à M. Alfred Jones, qui les aurait créés en 1949. Il a lancé un fonds d'actions à position en compte et à découvert, qu'on appelle maintenant le modèle Jones.
Le sénateur Moore : Est-ce que quelqu'un est allé plus loin en créant un fonds de fonds de fonds? Si le fonds de fonds semble la meilleure manière de couvrir les meilleurs, est-ce que quelqu'un est passé au troisième niveau?
M. McGovern : Oui.
Le sénateur Moore : Est-ce arrivé au Canada?
M. McGovern : Pas que je sache, mais en Suisse, ils ont plusieurs fonds qu'ils appellent les fonds 3F.
Le sénateur Moore : Comment se comportent-ils par rapport aux autres?
M. McGovern : Je n'ai pas de données à ce sujet. En règle générale, ils ne sont pas bien reçus par le public, d'après ce que je comprends.
Le sénateur Moore : En ce qui concerne les analystes de recherche, les maisons de courtage américaines avaient l'habitude de faire appel à eux pour mieux connaître les sociétés. L'organisme de réglementation a mis fin à cette pratique, alors je suppose que les fonds de couverture sont un bon endroit pour les faire travailler. Comment est-ce réglementé afin qu'ils ne donnent pas de mauvais conseils, comme c'est arrivé aux États-Unis? Comment le Canada réglemente-t-il cet aspect afin de protéger les investisseurs canadiens et s'assurer que les conseils des analystes sont solides et ne sont pas déformés de manière à être très lucratifs pour les analystes?
M. McGovern : Une fois de plus, je ferais la comparaison avec l'industrie des fonds communs de placement. Il y a des conflits qu'il faut exposer, dans la mesure où l'analyste bancaire appuie un produit parrainé par la banque, et ce conflit doit être résolu et signalé aux investisseurs. En règle générale, il y a un grand nombre de gestionnaires indépendants de fonds à fonds et de fonds de couverture qui pourraient être recommandés. Je connais moins le marché canadien que le marché américain — Goldman Sachs et Morgan Stanley, et cetera, et la façon dont ils construisent leurs fonds de fonds. Ils prennent soin d'éviter ces conflits lorsqu'ils tirent indirectement des revenus de la promotion d'un fonds de couverture pour lequel ils fournissent des services. Ils doivent signaler clairement ce conflit.
En ce qui concerne la qualité de la recherche effectuée, les praticiens qui sont sur le marché depuis un certain temps et qui connaissent bien les institutions et les marchés financiers sont capables d'analyser ces placements et de déterminer s'il convient de les ajouter à leurs produits. Le marché déterminera s'ils font un bon travail ou non; s'ils ne font pas un bon travail, les investisseurs s'en iront.
Il importe de souligner que lorsque l'argent sort du fonds, cela ne veut pas dire que le fonds éclate ou que quelque chose a mal tourné. C'est simplement une liquidation ordonnée du capital, qui est remis aux investisseurs, ce qui arrive souvent.
Le sénateur Moore : En ce qui concerne Norshield, puisqu'il n'y aura pas d'autres remboursements en attendant la liquidation ordonnée des placements sous-jacents, qu'arrivera-t-il? Étant donné que Norshield a investi dans plusieurs placements, fera-t-il faillite et sera-t-il mis sous séquestre? Est-ce qu'un syndic entre en jeu, vend tout et essaie de recouvrer la plus forte somme possible et qu'arrive-t-il des sommes recouvrées?
M. Ostoich : Je ne peux que faire des observations générales sur Norshield parce que je ne connais pas bien la situation.
Le sénateur Moore : Peu importe qu'il s'agisse de Norshield ou d'une autre entreprise.
M. Ostoich : Si c'était un fonds étranger, les lois sur l'insolvabilité s'appliqueraient normalement à cette entreprise. Un surveillant serait désigné et aviserait les placements sous-jacents — qui seraient d'autres fonds de couverture — de rembourser les placements. Selon la nature des placements sous-jacents dans les fonds de couverture, il y a divers recours au rachat.
Parfois, les rachats permettent de prendre les actions sous-jacentes au fonds au lieu d'attendre la liquidation. C'est comme un scénario de liquidation, où quelqu'un vient liquider les placements sous-jacents du fonds le plus rapidement possible.
Le vice-président : Dans l'affaire Norshield, je suppose que des investisseurs avaient des billets à capital protégé, pourtant les rachats ont été suspendus. Comment ces investisseurs recouvrent-ils leur capital garanti?
M. Ostoich : S'il s'agit de vrais billets à capital protégé — je dis « vrais » parce qu'il y a eu une confusion dans le cas des titres de Portus, qui ne sont pas des billets à capital protégé, d'après ce qui a été affiché sur le site Internet de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario — et qu'ils sont émis par une banque, alors la banque assume le risque et doit s'assurer que le principal est remboursé. Il peut s'agir d'un anticipé, ce qui veut dire avant l'échéance de dix ans, pour une obligation sans coupon, et on ne reçoit que 60 cents parce qu'on veut son argent plus tôt que prévu. Mais la banque doit rembourser le principal à l'échéance ou le montant dû avant l'échéance.
Le vice-président : Avec l'aide de ces deux messieurs, nous avons assez bien préparé le terrain pour l'ACCOVAM. Au nom de notre comité, je vous remercie tous les deux pour un exposé bien préparé et édifiant. Le sénateur Massicotte a une dernière question.
Le sénateur Massicotte : Êtes-vous au courant du mémoire que nous avons reçu de l'Association des courtiers en valeurs mobilières? Il serait peut-être utile d'entendre les commentaires des témoins avant qu'ils nous quittent.
M. Ostoich : Nous appuyons les recommandations de l'ACCOVAM, qui figurent à la page 4 du rapport. Mais nous aimerions discuter de certains renseignements qui se trouvent dans le corps du document.
M. McGovern : Comme l'a indiqué M. Ostoich, nous aimerions présenter l'envers de la médaille sur quelques aspects, mais nous appuyons fortement ces recommandations. Si ces cinq recommandations avaient été appliquées, nous ne parlerions pas de Portus aujourd'hui.
Le vice-président : Monsieur McGovern, s'il y a des aspects particuliers qui n'ont pas été évoqués aujourd'hui et que vous voulez nous écrire la semaine prochaine, nous en tiendrons compte dans notre rapport. Merci beaucoup.
J'aimerais accueillir M. Paul Bourque et M. Louis Piergeti de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Comme vous l'avez entendu, nous avons pris connaissance de votre rapport du 18 mai et nous sommes très intéressés à entendre vos préoccupations.
Si vous pouviez vous concentrer sur la protection des consommateurs, cela serait utile pour notre étude. Nous croyons comprendre que vous avez des préoccupations au sujet de la protection des consommateurs à cause de la forte expansion du marché de détail.
M. Paul Bourque, premier vice-président, Réglementation des membres, Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières : Merci beaucoup de nous avoir invités à votre réunion d'aujourd'hui et de prendre note de notre rapport. Il a certainement atteint l'un de ses objectifs, qui était de le rendre public et de susciter une discussion sur les problèmes que nous voyons.
Sénateur Moore, en réponse à votre question, 53 des 191 fonds de couverture au Canada sont des fonds de fonds. Ce renseignement se trouve à la page 53 de notre rapport, où nous présentons des statistiques sur la nature des fonds de couverture au Canada.
Je m'appelle Paul Bourque et je suis premier vice-président, Réglementation des membres, de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières. Nous régissons les 210 maisons de courtage membres de l'ACCOVAM, et il y a 24 000 employés inscrits dans toutes les provinces et territoires du Canada. Je suis accompagné aujourd'hui par Louis Piergeti, vice-président de la conformité financière à l'ACCOVAM. Il présidait le comité qui a rédigé le rapport que vous avez devant vous aujourd'hui.
Le rapport a été rédigé par l'ACCOVAM en réponse à une demande de notre comité de surveillance, qui fait partie de notre conseil d'administration. Les membres de ce comité s'inquiétaient de la popularité croissante des produits de fonds de couverture chez les petits investisseurs.
Notre objectif consistait à examiner les activités des fonds de couverture au Canada, et notamment la participation des sociétés membres de l'ACCOVAM ou de leurs sociétés affiliées; et à mettre en évidence les possibilités d'arbitrage réglementaire ou les points faibles des dispositions législatives et de la réglementation régissant ces activités.
Contrairement aux fonds communs de placement, les fonds de couverture sont dispensés de certaines exigences applicables au placement des valeurs mobilières. En théorie, cette dispense restreint leur clientèle aux investisseurs avertis et fortunés, tels que définis par les diverses lois sur les valeurs mobilières, capables de protéger leurs propres intérêts. Mais notre rapport a révélé une progression généralisée de ces fonds sur le marché de détail, ce qui se traduit par une croissance fulgurante des actifs gérés par les fonds de couverture au Canada, en particulier sous forme de billets à capital protégé, dont le rendement est lié à des fonds de couverture.
L'expansion sur les marchés de détail a ravivé nos préoccupations liées à plusieurs aspects de ces produits, notamment les dispenses accordées par les lois sur les valeurs mobilières. Deux de ces dispenses nous préoccupent tout particulièrement. La première est la dispense provinciale qui fait que les investisseurs agréés sont considérés comme un compte géré. La seconde est la dispense prévue pour les billets à capital protégé ou les effets garantis par les banques.
Nous sommes préoccupés par les dispenses, par les pratiques commerciales des fonds de couverture et des courtiers et par les conflits d'intérêts qui touchent l'administrateur du fonds, qui est parfois appelé gestionnaire de fonds. Je l'appelle « administrateur de fonds » pour indiquer clairement qu'il ne s'agit pas du gestionnaire de portefeuille. Le gestionnaire de portefeuille ou conseiller en placement est inscrit dans toutes les provinces; l'administrateur de fonds ne l'est pas et c'est ce qui nous inquiète.
Nous nous inquiétons également des frais élevés pour certains produits, en particulier les billets à capital protégé, du fait que certains frais ne sont pas transparents, de l'aptitude des gestionnaires de fonds de couverture à répondre aux attentes suscitées par leurs pratiques commerciales, et de l'absence d'information fournie par certains fonds de couverture sur leurs activités et leur situation financière.
Les produits de fonds de couverture sont dispensés de la plupart des exigences réglementaires, comme l'inscription des valeurs mobilières et le placement; tout le monde peut vendre un fonds de couverture, qu'on soit inscrit ou non. Ils sont cependant assujettis à la réglementation de l'ACCOVAM et ils nous intéressent, parce qu'il est très important pour nous que les produits vendus par nos membres conviennent aux clients. Nous devons nous soucier des risques que courent les investisseurs et les conseillers lorsqu'ils tentent d'évaluer la pertinence et d'effectuer les contrôles diligents, étant donné les problèmes qui se posent au sujet de la transparence et de la surveillance réglementaire des produits vendus.
Le vice-président : Êtes-vous en train de dire qu'un expert des actions de sociétés minières pourrait ne pas être qualifié pour vendre des fonds de couverture? Est-ce aussi simple?
M. Bourque : Il n'est pas nécessaire d'être inscrit pour pouvoir vendre un produit. Notre rapport définit certaines mesures à prendre, selon nous. Nous avons fait cinq recommandations que nous poursuivrons en partenariat avec les Autorités canadiennes en valeurs mobilières. Nous avons rencontré ce matin des représentants de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario afin de discuter de certaines de nos recommandations, en particulier celles qui touchent aux frais de recommandation et aux opérations hors registre.
M. Piergeti vous apportera quelques autres précisions sur notre rapport.
M. Louis Piergeti, vice-président, Conformité financière, Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières : De tous les produits de placement alternatifs, les billets à capital protégé sont ceux qui affichent la plus forte croissance au Canada; ils représentent plus de la moitié des 14,1 milliards de dollars gérés par les fonds de couverture au Canada. Ces billets garantissent à l'investisseur qu'il recouvrera son capital à l'échéance du placement, dont la durée peut varier de cinq à onze ans. Les courtiers n'ont pas besoin d'être inscrits en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières, dès lors que le billet représente un titre de créance émis par un organisme public ou garanti par une banque, une société de fiducie, une caisse d'épargne et de crédit ou une caisse populaire. Toutefois, ces billets ne sont pas couverts par la Société d'assurance-dépôts du Canada en cas d'insolvabilité de la banque ou de la société de fiducie qui les a émis.
D'après Investor Economics, principale source d'un grand nombre des statistiques dans notre étude, les trois principaux émetteurs de billets à capital protégé au Canada, classés en fonction des actifs, sont les Caisses Populaires Desjardins, la Banque de développement du Canada et la Commission canadienne du blé.
Du fait de la structure des billets, il peut être difficile pour un gestionnaire de produire des rendements supérieurs à la garantie. Par exemple, si un investisseur achète un billet à capital protégé d'une valeur de 100 $, le gestionnaire doit placer 70 $, ce qui correspond à la valeur actualisée et à une échéance de dix ans, dans des titres à faible risque pour garantir le remboursement du capital à l'échéance. Il doit ensuite confier à un conseiller en placement — l'inscrit — les 30 $ restants pour qu'il les place dans des fonds de couverture. C'est de ces 30 $ de placement et de l'effet de levier sur ce placement, dont on retranche une myriade de commissions, qui doit être protégé, y compris les commissions versées aux personnes qui recommandent ces titres aux clients; les droits d'ouverture; les frais de gestion, qui varient de 2 à 3 p. 100; les honoraires liés au rendement, qui peuvent atteindre 20 p. 100; les commissions du courtier désigné pour les opérations sous-jacentes dans le fonds de couverture; les frais pour accords de swap, qui dépendent de la manière dont le fonds ou le placement dans le fonds de couverture sous-jacent est structuré; et tous les frais sous-jacents liés au fonds de couverture proprement dit, qui doivent être payés, que doit provenir le rendement absolu sur le placement de 100 $.
Cela va de soi, la plupart des billets à capital protégé obéissent à une stratégie opportuniste de placements alternatifs dans le but de dégager des rendements élevés, et ils parient gros sur parfois de simples intuitions. Le risque pour l'épargnant est loin d'être nul : après parfois dix ans d'immobilisation, son placement peut ne rien lui rapporter.
Je conclurai par un résumé des recommandations de mesures à prendre par l'ACCOVAM. L'ACCOVAM fournira des directives plus explicites à ses membres quant à leurs responsabilités en matière de surveillance à l'égard des produits financiers vendus à leurs clients, notamment en ce qui a trait au contrôle de ces produits. L'ACCOVAM rappellera à ses membres que les opérations hors registre sont interdites. Elle élaborera des directives sectorielles sur les pratiques acceptables en matière de recommandations. À l'heure actuelle, il peut être difficile de s'y retrouver parmi les différents intermédiaires financiers et de savoir lequel est en dernier ressort responsable de l'évaluation de la pertinence du produit recommandé à un client. S'agissant des quelques sociétés membres de l'ACCOVAM qui produisent et placent des fonds de couverture auprès de leurs clients, l'ACCOVAM examine actuellement la façon dont ces membres gèrent leurs activités dans ce domaine et s'intéresse plus particulièrement aux conflits d'intérêts inhérents à la multiplicité des fonctions exercées dans ce cadre. Cette étude donnera lieu à la rédaction d'un avis sur la réglementation des membres dans lequel seront présentées les pratiques exemplaires.
Enfin, l'ACCOVAM modifiera son règlement intérieur dans le but de limiter la délégation de certaines activités en rapport avec les valeurs mobilières sous le couvert d'une inscription de courtier sur le marché des valeurs dispensées. Les règles applicables aux courtiers sur le marché des valeurs dispensées sont limitées et cela crée des possibilités d'arbitrage réglementaire.
Le sénateur Meighen : Dans votre rapport, vous avez présenté des questions et des préoccupations, ainsi que des recommandations. Les recommandations portent-elles sur toutes les questions et préoccupations?
M. Bourque : Non. Un grand nombre des préoccupations que nous avons soulevées portent sur les lois provinciales sur les valeurs mobilières et ce ne sont pas des questions dont nous sommes principalement responsables ou qui relèvent surtout de nous. Nous voulions décrire ce qui nous paraît problématique, ainsi que les recommandations que nous avons faites pour nous-mêmes, puis entamer des discussions avec les Autorités canadiennes en valeurs mobilières sur la manière de les aider à examiner certains aspects des lois. Ce processus a commencé ce matin à Toronto.
Le sénateur Meighen : Pouvons-nous raisonnablement nous attendre à ce que le processus soit mené rondement? Quand saurons-nous que des mesures ont été prises?
M. Bourque : Un petit groupe étudiera la question des frais de recommandation et ce qui constitue une recommandation, et il devrait présenter son rapport dans deux semaines. Nous espérons avancer rapidement dans plusieurs domaines qui, selon nous, devraient faire l'objet de normes depuis bien longtemps.
Le sénateur Meighen : Jusqu'à quel point les Autorités canadiennes en valeurs mobilières réussissent-elles à coordonner et à harmoniser les règlements provinciaux?
M. Bourque : À titre d'organisation nationale surveillée par dix organismes de réglementation provinciaux et trois organismes territoriaux, vous comprendrez que je ne peux pas répondre facilement à cette question. Je pense que les ACVM ont fait des progrès formidables pour harmoniser les règlements dans divers domaines, comme les dispenses de prospectus et les dispenses d'inscription. Cela dit, nous connaissons tous très bien certaines faiblesses du système actuel.
Le sénateur Meighen : Je pense que cela ne peut pas être résolu par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières.
M. Bourque : Je ne sais pas si je suis d'accord avec vous. Des problèmes ont été réglés par le passé et nous pouvons le faire à nouveau.
Le sénateur Meighen : Est-ce une question de volonté, selon vous?
Le vice-président : C'est la volonté de survivre et d'éviter une réglementation plus grande.
Le sénateur Meighen : Cela m'amène aux codes de pratiques volontaires et aux lignes directrices ou exigences réglementaires.
S'agit-il de situations différentes, qui exigent des solutions différentes ou est-ce que certains sont meilleurs que d'autres? Quelle a été votre expérience?
M. Bourque : Les deux ont un rôle à jouer. Nous l'avons vu dans d'autres domaines. Les normes sur les analystes sont un bon exemple. Nous avons la politique 11 de l'ACCOVAM, qui a été mise en place il y a un an et demi afin de résoudre certains des problèmes que nous avons déjà évoqués, soit les conflits entre les analystes et leurs entreprises, leurs clients et le public.
Nous avons instauré une règle obligatoire, plutôt qu'un code de conduite. Ceux qui ne la suivent pas seront réprimandés. En revanche, il y a des organisations comme AIMA, qui ont des codes de conduite, également très utiles, non seulement pour les membres de l'ACCOVAM mais aussi pour ceux qui font le même genre de travail et qui ne sont pas membres.
Le sénateur Meighen : Quels sont les problèmes de surveillance les plus importants à résoudre : les exigences en matière d'inscription des gestionnaires de fonds, l'information sur les activités, les états financiers ou les frais?
M. Bourque : Deux aspects clés que les organismes de réglementation provinciaux devraient examiner sont l'inscription des administrateurs de fonds et les dispenses qui existent actuellement pour des produits comme les fonds de couverture, qui sont vendus aux petits investisseurs. Cela inclut la dispense relative au compte géré, qui assimile un investisseur agréé à un compte géré, et la dispense relative aux effets garantis par les banques.
M. Piergeti : Les inscriptions multiples qui existent n'ont aucun mordant. Prenons l'exemple de la catégorie des courtiers sur le marché des valeurs dispensées, qui est une catégorie d'inscription en Ontario. Il n'y a aucune règle sur les compétences des personnes qui vendent ces produits dispensés aux clients et aucune règle relative au capital. Or, ce sont surtout les produits dispensés qui sont placés par les courtiers sur le marché des valeurs dispensées.
Si vous êtes un courtier de fonds mutuels, membre de la MFDA, vous ne pouvez vendre que des fonds communs de placement ouverts. C'est ce que prévoit la licence. Mais la MFDA a aussi une inscription pour des courtiers sur le marché des valeurs dispensées, qui permet à la même personne de vendre un produit dispensé aux mêmes clients, sans qu'elle ait nécessairement les compétences nécessaires pour pouvoir évaluer la pertinence de produits aussi complexes que des fonds de couverture.
Le sénateur Meighen : Les investisseurs avertis sont définis en fonction de la somme qu'ils sont prêts à perdre ou à placer. Devrions-nous chercher une meilleure définition ou peut-être avoir deux catégories d'investisseurs — les non avertis et les avertis — définis en fonction d'un montant?
M. Bourque : Vous devez choisir un montant ou une base pour établir la définition. Je ne sais pas si la meilleure définition a été choisie, mais c'est celle que nous connaissons. Je suis convaincu qu'il y en a d'autres.
Le sénateur Meighen : Ne pourriez-vous pas demander : « Depuis combien de temps êtes-vous un investisseur? Avez- vous déjà investi dans tel ou tel produit? »
M. Bourque : L'analyse devient plus subjective et plus difficile à gérer et à réglementer. C'est en partie pour cette raison que nous avons des critères très précis.
M. Piergeti : Ce qui devient crucial c'est la capacité du courtier inscrit d'évaluer si le placement convient au client. Dans la mesure où il y a des courtiers inscrits qui ne sont pas assujettis à une règle de compétence, la règle de l'investisseur agréé ne veut rien dire en soi; s'ils ont les moyens d'effectuer le placement, alors ils doivent se comporter en acheteurs avertis.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Lorsque je regarde les cinq recommandations que vous faites, à la page quatre, j'ai l'impression que vous mettez l'accent sur des règlements qui existent déjà. À part d'exécuter les règlements et de vous assurer de leur exécution, je ne vois aucune recommandation structurelle. Est-ce que je me trompe en disant cela?
[Traduction]
M. Bourque : Votre observation est exacte. Nous essayons de renforcer les règles que nous avons actuellement afin que les directives existantes soient plus explicites, en particulier dans le domaine des frais de recommandation; et la définition d'une recommandation pourrait faire l'objet d'une nouvelle règle.
Nous n'avons pas fait de recommandations que vous qualifieriez de structurelles parce que nous n'avons pas fait de recommandations relatives aux lois provinciales, où s'effectueraient des changements structurels.
Le sénateur Massicotte : Vous appartenez aux courtiers et vous les représentez. Vous avez le rôle important — confié par le BSIF et par certaines commissions des valeurs mobilières — de représenter également les intérêts de l'industrie. Mais d'abord et avant tout, vous représentez les intérêts de vos membres. D'après votre charte, vous agissez également comme lobbyistes pour représenter les intérêts de vos membres.
Jusqu'à quel point devrions-nous donner foi à vos recommandations par rapport à celles d'autres organisations qui représentent peut-être les consommateurs et les investisseurs de manière plus indépendante?
M. Bourque : Regardez nos résultats, du point de vue des mesures réglementaires que nous avons prises avec le temps, et tirez vos propres conclusions.
Nous avons le mandat de protéger les investisseurs et de permettre des marchés financiers suffisants, ce qui correspond au mandat des commissions des valeurs mobilières. Nous nous pensons en harmonie avec ce qu'elles font.
Afin d'appuyer la notion de confiance, nous sommes surveillés en profondeur et fréquemment par les dix commissions provinciales des valeurs mobilières au moyen de vérifications sur place annuelles et de divers rapports. De plus, tous nos règlements intérieurs sont approuvés par toutes les ACVM et toute notre information sur l'exécution est communiquée tous les trimestres à tous les membres des ACVM. S'il y avait des inquiétudes au sujet de notre incapacité de poursuivre notre mandat d'intérêt public, je suis convaincu que les ACVM nous en avertiraient immédiatement.
Le sénateur Massicotte : Parlons des billets à capital protégé. Un petit investisseur peut investir dans un fonds de couverture, autrement dit des billets à capital protégé, parce qu'ils sont réputés moins risqués, n'est-ce pas?
Le vice-président : Ce n'est qu'un produit du fonds.
M. Piergeti : Le placement sous-jacent des billets à capital protégé — les 30 $ sur les 100 $ de notre exemple — est le placement dans le fonds de couverture proprement dit.
Les autres 70 $ sont mis de côté dans des placements sûrs. En théorie, si on les laisse faire, leur valeur croîtra pour atteindre le placement de départ de 100 $ sur dix ans.
Le sénateur Massicotte : Mais vous garantissez le capital de ce placement et c'est pour cette raison qu'il est dispensé, n'est-ce pas?
M. Bourque : Il est garanti par l'une des institutions désignées.
M. Piergeti : Il est dispensé parce qu'il est garanti sans condition, par une banque ou par le gouvernement s'il s'agit d'un organisme gouvernemental.
Le sénateur Massicotte : Le capital est garanti à l'échéance du placement, qui est souvent sept ou dix ans?
M. Piergeti : Exact.
Le sénateur Massicotte : S'il doit être remboursé avant l'échéance, quel est le taux d'actualisation applicable ou le taux sur le placement à l'échéance? Par exemple, nous avons parlé plus tôt de Norshield, qui est sous séquestre. Qu'arriverait-il s'il s'agissait d'un billet à capital protégé?
M. Piergeti : Si un client veut ravoir son argent, le remboursement est permis. La valeur actualisée nette du billet à capital protégé serait calculée; la valeur du marché des fonds de couverture sous-jacents serait établie et une partie des commissions payées pourrait être remboursée.
Le sénateur Massicotte : Comment la valeur du billet à capital protégé est-elle calculée, étant donné que le capital est garanti après sept ou dix ans? Quel est le taux d'actualisation?
M. Piergeti : Ce serait une valeur actualisée. Sur les 70 $ à mettre de côté, cela représente environ 4 p. 100 sur onze ans.
Le sénateur Plamondon : J'aimerais parler des frais cachés. J'ai cru comprendre d'après des témoignages antérieurs que les 2 p. 100 et les 20 p. 100 sur le rendement étaient les seuls frais exigés et que la commission du courtier était versée à même le 2 p. 100. Quels sont les autres frais que vous avez mentionnés, et quels profits en tirent vos membres?
M. Piergeti : Nos membres n'émettent pas de billets à capital protégé.
Le sénateur Plamondon : Quels sont les frais cachés et où vont-ils?
M. Piergeti : Ces frais sont retranchés de la valeur nette actualisée du billet à capital protégé. Par exemple, le levier sur les 30 $ qui sont mis de côté peut atteindre 300 p. 100. Quand vous utilisez l'effet de levier, il y a des frais d'emprunt et d'autres coûts, dont des frais pour accord de swap, ce qui signifie que vous confiez les 30 $ à un conseiller en fonds de couverture et que vous faites un swap sur le rendement économique. Il y a un prix à cela.
Les placements sous-jacents dans les fonds de couverture ont une structure de tarification qui n'est pas transparente et qui n'est pas connue. Il y a différents niveaux de frais à mesure qu'on avance dans la chaîne.
Le sénateur Plamondon : Vous dites que les 70 $ sont toujours mis de côté.
M. Piergeti : Ils sont mis de côté et garantis.
Le sénateur Plamondon : Le client ne reçoit-il pas de relevé indiquant le montant qui a été exigé sur les 30 $?
M. Piergeti : Pas nécessairement; aucun état financier n'est exigé pour un billet à capital protégé.
Le sénateur Plamondon : Avez-vous recommandé qu'il y en ait?
M. Piergeti : Nous avons recommandé que les billets à capital protégé soient assujettis à la réglementation sur les valeurs mobilières et aux conditions de la divulgation.
Le sénateur Plamondon : De cette façon, les gens sauraient quels frais sont exigés.
M. Piergeti : Oui.
Le sénateur Plamondon : Je ne vois rien à ce sujet là-dedans.
M. Piergeti : Nous faisons valoir que les billets à capital protégé ne devraient pas être dispensés de l'inscription des valeurs mobilières. S'ils devaient être inscrits, ils devraient suivre toutes les règles qui s'appliquent à n'importe quelle valeur mobilière.
Le sénateur Plamondon : Pouvez-vous me donner un exemple de conflit d'intérêts?
M. Piergeti : En Ontario, quand on produit un fonds de couverture, on crée une fiducie ou une société en commandite. Dans n'importe quelle fiducie, il faut désigner un fiduciaire. Dans une société ouverte d'investissement à capital variable, ce fiduciaire est habituellement une société de fiducie. Dans un fonds de couverture, on peut être dispensé d'être une société en fiducie commerciale en vertu de l'article 213 de la Loi sur les sociétés de prêts et de fiducie de l'Ontario. Vous pouvez nommer désigner une société fermée pour agir comme financière et administrateur du fonds.
Mais le conseiller est une société reliée à cette société fermée. Il gère le fonds sous-jacent parce que c'est lui qui donne les conseils. L'administrateur s'occupe de toute la comptabilité financière et gère les affaires financières, y compris le calcul de la valeur nette actualisée, toutes les dépenses, les rachats, les acquisitions, et cetera. Le conseiller est la personne inscrite. Il gère le portefeuille et décide du style de gestion qui sera poursuivi pour gérer un produit. S'il s'agit d'une société reliée, il y a un conflit d'intérêts inhérent; vous êtes le producteur, mais vous assurez aussi la gestion et vous donnez des conseils sur le produit, et parfois vous le placez également. Vous pouvez porter trois chapeaux, et si les conflits d'intérêts internes ne sont pas gérés, alors il y a un risque d'abus à cause d'un calcul erroné de la valeur des titres à la base du fonds.
Le sénateur Plamondon : Que recommandez-vous?
M. Piergeti : Pour les commissions des valeurs mobilières, nous recommandons que les conseillers des fonds soient inscrits et assujettis à une inscription active. Nous examinons toutes les sociétés membres de l'ACCOVAM qui pourraient agir comme producteur et conseiller d'un fonds de couverture afin de voir comment ils gèrent les conflits d'intérêts inhérents.
Le sénateur Kelleher : Pourquoi vous donnez-vous toute cette peine? Pourquoi pensez-vous que vous devez examiner cette situation et élaborer des règles?
M. Bourque : Notre principale préoccupation était le placement d'un produit destiné à des investisseurs avertis et agréés qui, à notre avis, ne correspondaient pas à la description. Par exemple, certains petits investisseurs pouvaient acheter un produit de fonds de couverture pour un montant bien inférieur au montant minimum prévu pour les investisseurs agréés, et ils n'avaient pas le revenu du ménage défini dans la Loi sur les valeurs mobilières. C'est une préoccupation pour ce genre de produit, qui n'est pas réglementé de la même façon. Dans notre rapport, nous comparons toujours comment le petit investisseur est traité dans un fonds commun de placement ouvert et dans un fonds de couverture. C'est la distinction que nous essayons de faire.
Le sénateur Kelleher : Deux entreprises ont fait faillite et il y en aura probablement d'autres à mesure que le nombre de fonds de couverture augmente. Il n'y a pas encore eu de poursuites judiciaires, mais les gouvernements, les commissions des valeurs mobilières et l'ACCOVAM ne sont pas entrés en jeu. Vous inquiétez-vous de l'ampleur des risques que vous prenez en élaborant un minimum de règlements?
M. Bourque : La menace de poursuites judiciaires est constante dans notre travail, alors ce ne serait pas nouveau. La question de notre propre responsabilité est connue et nous nous en occuperons.
Le nouveau problème, et la préoccupation qu'il suscite pour nous, porte sur le placement de ce produit auprès des petits investisseurs et sur la capacité des conseillers, dont un grand nombre sont employés par nos membres, de comprendre ce qu'ils vendent et d'effectuer les contrôles et les vérifications de pertinence nécessaires. La conjoncture actuelle leur permet difficilement de le faire et c'est une des raisons de nos préoccupations et de notre recommandation, sénateur.
Le sénateur Kelleher : Il sera difficile d'évaluer le niveau de compétence que vous exigerez de ces gestionnaires de produit.
M. Bourque : Certains d'entre eux pensent que les fonds de couverture ne devraient jamais être vendus aux petits investisseurs.
Le sénateur Kelleher : Collaborez-vous avec des organisations internationales, en particulier celles qui s'occupent des fonds à l'étranger?
M. Bourque : Notre collaboration internationale s'effectue principalement avec les commissions des valeurs mobilières, mais nous avons aussi de bonnes relations avec NASD, l'organisme de réglementation des courtiers américains, et la SEC aux États-Unis.
Le sénateur Kelleher : Y a-t-il un intérêt grandissant pour la réglementation au sein des organismes de réglementation du monde entier?
M. Bourque : Il y a un désir grandissant de comprendre le problème, de comprendre comment le marché change et de s'efforcer de mettre en place des règlements pertinents. Personne n'est intéressé à des règlements pour le plaisir d'avoir des règlements.
Le sénateur Moore : Vous avez indiqué que vous avez rencontré ce matin des Autorités canadiennes en valeurs mobilières.
M. Bourque : Nous avons rencontré la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario.
Le sénateur Moore : Quels liens existent, le cas échéant, entre l'ACCOVAM et AIMA?
M. Piergeti : J'ai utilisé assez souvent son Précis sur les fonds de couverture. C'est un très bon document éducatif pour faire comprendre ce qu'est un fonds de couverture. Investor Economics a fourni de nombreux renseignements statistiques sur la profondeur et l'ampleur du marché des fonds de couverture et AIMA a fait un bon travail au sujet de la gouvernance des sociétés. Dans mon document, j'ai même cité certains passages sur les conflits d'intérêts et des recommandations au sujet de la gouvernance des sociétés et de la gestion des fonds de couverture.
La différence, c'est que AIMA est une association. Elle veut renseigner le public sur ce que sont les fonds de couverture, mais elle n'a aucun pouvoir réglementaire. Elle ne peut pas faire appliquer par ses membres ces exigences relatives à la gouvernance des sociétés.
Le sénateur Moore : Si vous créez un fonds, vous avez évidemment effectué des recherches, alors je ne vois pas comment vous pouvez ne pas être également l'analyste. Puis, il y a le gestionnaire qui est également placeur. Le gestionnaire est inscrit dans les provinces mais pas l'administrateur. Y a-t-il des gestionnaires membres de l'ACCOVAM?
M. Piergeti : Dans la mesure où la société membre de l'ACCOVAM est le producteur de ses propres fonds de couverture, oui, il y en a; ils sont environ sept ou huit à offrir ce service. Nous avons plus de 200 sociétés membres, de sorte que le pourcentage est très peu élevé.
Le sénateur Moore : Qui est membre de l'ACCOVAM, la maison de courtage ou le courtier?
M. Piergeti : La maison de courtage est membre. Quand vous êtes conseiller, vous avez le choix de vous inscrire dans une catégorie appelée « conseiller en placement » — gestionnaire de portefeuille chez les inscrits — ou d'être membre de la maison de courtage. La gamme de services est la même.
Dans la mesure où ils choisissent de devenir membre de notre organisation, ils sont assujettis à toutes nos règles et à tous nos règlements et ils peuvent donner des conseils en matière de gestion de portefeuille.
Le sénateur Moore : J'ai été étonné d'apprendre que les trois principaux émetteurs de billets à capital protégé au Canada sont les Caisses Populaires Desjardins, la Banque de développement du Canada et la Commission canadienne du blé. Les autres témoins disent que ce sont les banques et il n'y a qu'une banque parmi les trois, une banque qui est presque un organisme gouvernemental.
M. Piergeti : Les banques grimpent les échelons très rapidement. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'elles dépassent les trois autres organisations.
Le sénateur Moore : En ce qui concerne vos cinq recommandations, le témoin précédent, M. McGovern, a déclaré que si ces cinq recommandations avaient été appliquées, nous ne parlerions pas de Portus aujourd'hui. Êtes-vous d'accord?
M. Bourque : C'est une question à laquelle il est difficile de répondre de manière catégorique. Je peux vous assurer que les membres de l'ACCOVAM n'ont pas eu grand-chose à voir avec Portus. De tous les produits de Portus qui ont été placés, à peine 3 p. 100 l'ont été par des membres de l'ACCOVAM. Cela semble indiquer que les contrôles préalables ont été effectués et que les analyses de pertinence permettent de repérer les produits problématiques comme ceux de Portus.
Le sénateur Moore : Si tellement peu de gens qui travaillent pour ces fonds sont membres de l'ACCOVAM, comment pouvez-vous imposer des règlements? Combien de personnes en cause dans l'affaire Portus étaient des membres de l'ACCOVAM qui, si vous le leur aviez demandé, auraient appliqué vos cinq recommandations?
M. Bourque : En ce qui concerne Portus, il y a eu des ventes de 780 millions de dollars et les membres de l'ACCOVAM en ont placé 20 millions, par suite de recommandations ou directement.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Lorsque c'est la Caisse populaire Desjardins, la BDC ou la Commission canadienne du blé qui est l'émetteur des PPN, dans ce cas, ce n'est pas le manufacturier du produit, c'est seulement un individu qui est allé voir ces institutions en leur disant : « j'ai besoin de votre garantie ». Est-ce que je comprends bien cet aspect?
[Traduction]
Pour revenir sur l'observation du sénateur Moore, le capital était garanti par la Commission canadienne du blé, la Banque de développement du Canada et les Caisses Populaires Desjardins. Elles ne sont pas gestionnaire du fonds; il y a simplement quelqu'un qui leur dit : « Je vais vous payer une commission si vous utilisez votre garantie pour rassurer les clients », n'est-ce pas?
M. Piergeti : Elles sont les émetteurs. Il y a une différence. Quand vous créez un fonds de couverture, vous créez une fiducie. Vous vendez des unités de cette fiducie et c'est ainsi que vous vous financez.
Ces autres organisations sont essentiellement des émetteurs, comme Bell Canada émet des actions pour financer sa trésorerie. Ces organisations ont fait la même chose. Elles reçoivent l'argent et elles remettent 30 $ à...
Le sénateur Massicotte : Sont-ils les promoteurs de ces fonds?
M. Piergeti : D'autres en sont les promoteurs. Un promoteur ira voir l'une de ces organisations et dira : « Nous voulons que vous soyez l'émetteur et nous gérerons les 30 $ ».
Le sénateur Massicotte : Elles sont simplement l'institution financière qui offre la garantie.
M. Piergeti : C'est exact.
Le sénateur Massicotte : Pourquoi ces trois-là? Cela donne l'impression qu'on est allé les voir parce que toutes les autres ont refusé.
M. Piergeti : La quatrième organisation sur cette liste, que je n'ai pas mentionnée, était Portus. Techniquement, Portus était une fiducie; ce n'était pas une institution financière, alors elle n'aurait pas dû être classée. L'anomalie est que sa taille était si grande qu'elle était comparable aux autres organisations.
Le sénateur Massicotte : Cela semble un peu étrange. Vous ne savez pas pourquoi?
M. Piergeti : Nous ne savons pas pourquoi.
Le vice-président : Merci à tous nos témoins. Nous avons eu une excellente réunion de deux heures, qui a probablement soulevé davantage de questions qu'elle n'a apporté de réponses. Je rappelle à tout le monde, y compris ceux qui nous regardent sur Internet ou CPAC, que le jeudi 16 juin, à 10 h 45, nous entendrons le président sortant de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, M. David Brown. Il a demandé à témoigner et à exprimer ses réflexions non seulement sur les questions concernant les consommateurs dans le secteur des services financiers, mais aussi sur les fonds de couverture.
La séance est levée.