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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 14 - Témoignages du 16 juin 2005


OTTAWA, le jeudi 16 juin 2005

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 11 h 00 pour examiner, afin d'en faire rapport, les questions concernant les consommateurs dans le secteur des services financiers.

Le sénateur Jérahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue. Notre premier témoin aujourd'hui est M. David Brown, président de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. La séance d'aujourd'hui est télédiffusée partout au pays et diffusée également sur le Web.

L'examen des questions concernant les consommateurs a été une révélation pour bon nombre des membres du comité qui pensaient que les problèmes étaient bien maîtrisés dans de nombreux domaines. Nous aurons donc aujourd'hui le plaisir de profiter des conseils de M. Brown. On se préoccupe entre autres de l'inefficience du système des valeurs mobilières canadien, de son coût et de sa complexité, non pas à cause de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, mais du fait qu'il n'existe pas de structure nationale qui nous permettrait de placer sous un même toit toutes les commissions provinciales des valeurs mobilières. Ce problème persiste depuis plus de 40 ans, et nous sommes encore loin d'une solution, exception faite de l'harmonisation. Il y a aujourd'hui plus de coopération entre les diverses commissions des valeurs mobilières grâce à l'initiative de M. Brown, qui doit en être félicité, étant donné la difficulté de la tâche.

Monsieur Brown, je vais vous demander d'être bref afin de donner aux membres du comité tout le temps voulu pour poser des questions. De même, auriez-vous l'obligeance de faire part au comité des recommandations que vous avez à faire pour améliorer la protection du consommateur dans votre domaine d'expertise? Monsieur Brown, nous croyons comprendre que vous allez quitter bientôt votre poste. Nous vous félicitons pour le travail exceptionnel que vous avez accompli dans des circonstances difficiles.

M. Brown est accompagné de Mme Wendy Dey, directrice des communications de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. Monsieur Brown, nous vous écoutons.

M. David Brown, président, Commission des valeurs mobilières de l'Ontario : Honorables sénateurs, merci de me donner l'occasion de traiter du Forum de discussion pour les investisseurs qui s'est tenu le 31 mai dernier à Toronto sous l'égide de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. Le président de la Small Investor Protection Association, Stan Buell, en a parlé dans son témoignage devant vous. M. Buell siégeait au groupe spécial du forum, tout comme moi-même et Michael Lauber du Bureau de l'ombudsman des Services financiers et d'investissements; M. Joe Oliver, de l'Association des courtiers en valeurs mobilières du Canada; et M. Larry Waite, de l'Association canadienne des courtiers de fonds mutuels.

Plus de 400 personnes ont participé à notre forum, la plupart provenant du Grand Toronto. Mais il y avait des participants d'un peu partout dans le sud de l'Ontario, notamment de London, de Huntsville et de Gloucester. En outre, 35 personnes ont écouté la diffusion sur le Web. Chaque membre du groupe spécial a parlé brièvement, mais presque tout le forum était une séance de questions et réponses avec l'auditoire.

Je crois que le sénateur Moore a demandé à M. Buell si nous allions préparer un rapport sur le forum. Je peux promettre aux sénateurs que cela sera fait à la fin de juin. J'en ai donné l'assurance à ceux qui étaient présents au forum. Je m'assurerai que les membres du comité reçoivent copies de ce rapport.

La nécessité de donner aux petits épargnants l'occasion de faire entendre leurs doléances auprès des organismes réglementaires est devenue particulièrement évidente l'été dernier, aux audiences du Comité permanent des finances et des affaires économiques du Parlement ontarien. Le forum de discussion a mis en lumière le fait que trop souvent, le système qui est censé répondre aux doléances des investisseurs a été une source de frustration. Bien des épargnants ne savent pas vers qui se tourner. Et bon nombre de ceux qui le savent ne font pas confiance au système. Cela dit, nous voulons mieux comprendre les problèmes des petits épargnants.

Les autorités de réglementation des valeurs mobilières accordent la priorité aux questions relatives à la protection des investisseurs, par exemple, la gouvernance d'entreprise, mais comprennent de plus en plus qu'elles doivent insister sur la protection de l'investisseur à titre de consommateur de services financiers. Nous devons faire en sorte que le système réponde aux épargnants qui ont des doléances légitimes. Nous devons faire en sorte que les investisseurs soient capables d'accéder facilement au système. Mais d'abord, il nous faut inventorier les questions qui sont importantes pour eux.

Le forum a été le point de départ vers ces objectifs. Nous irons plus loin en collaborant étroitement avec les épargnants et les autres acteurs du système réglementaire. Nous pouvons y arriver en prenant les trois moyens que voici : Premièrement, nous pouvons donner davantage aux épargnants l'occasion de se faire entendre et de participer à la solution de leurs problèmes. Deuxièmement, nous pouvons communiquer aux provinces les problèmes qui nous sont signalés, et les conseiller sur des changements aux lois et politiques que nous estimons justifiés. Troisièmement, nous pouvons apporter des changements à nos systèmes qui aideront les épargnants à profiter des options disponibles. Les épargnants ont de nombreuses doléances, et nous ferons des recherches pour mieux en comprendre la portée.

Pour l'heure, permettez-moi de résumer certaines choses que nous avons entendues, et certaines choses que nous pouvons faire. On nous a dit qu'il fallait rendre le système moins compliqué. En effet, le centre d'appels de la CVM renvoie souvent l'appelant à d'autres organismes parce que sa demande n'est pas de notre ressort. Nous devons nous assurer que les consommateurs lésés sachent comment accéder au système réglementaire, ce que leur démarche entraînera et comment résoudre leurs problèmes de la façon la plus efficace.

Les investisseurs ont recours au système réglementaire quand ils ont de graves problèmes, mais ce système est morcelé et complexe. La responsabilité réglementaire peut résider au niveau de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, de l'Association canadienne des courtiers de fonds mutuels ou des organismes de réglementation, selon le contexte.

Il faut trouver des moyens d'aider l'investisseur à s'y retrouver. Les consommateurs qui ont été lésés par des actes répréhensibles de la part de participants au marché tiennent beaucoup à avoir des mécanismes de dédommagement. Le Comité des finances et des affaires économiques du Parlement ontarien a révélé les dépenses prohibitives que doivent engager les investisseurs lésés qui demandent restitution. Il recommande au gouvernement de créer avec la Commission un mécanisme fonctionnel permettant aux épargnants de réclamer leur dû de façon rapide et abordable. Nous examinons les divers moyens qui nous permettront de réaliser cet objectif. On nous a dit que les investisseurs lésés ont besoin de temps pour explorer tous les recours qui s'offrent à eux, notamment les recours judiciaires. En vertu de la Loi sur la prescription des actions, une prescription uniforme de deux ans s'applique à toutes les actions, sauf à celles qui sont bien encadrées, comme les poursuites contre la Commission.

Malheureusement, cela laisse aux plaignants une marge de manœuvre limitée. Même si la prescription ne s'applique pas à tous les cas, nous avons appris que les épargnants lésés ne découvrent pas toujours les pleines conséquences d'un problème avant deux ans. Il leur faut du temps pour se remettre psychologiquement d'un événement qui bouleverse leurs vies, par exemple, lorsqu'ils perdent l'essentiel de leurs économies. Obtenir une indemnisation volontaire d'un vendeur ou d'un conseiller peut prendre beaucoup de temps. Et l'investisseur qui a recours à l'arbitrage doit renoncer à toute poursuite devant les tribunaux. Pour toutes ces raisons, nous recommandons que le gouvernement ontarien revoie la question de la prescription de deux ans. Le forum a confirmé que les épargnants ont à la fois des doléances et des idées sur la façon de traiter avec eux. Il serait logique de profiter de leur expérience. La Commission des valeurs mobilières dispose de plusieurs organes consultatifs et va créer incessamment un groupe d'investisseurs qui lui fournira des conseils et des avis de façon permanente.

L'un des résultats les plus utiles de ce forum a été l'établissement du dialogue. Les épargnants ont le droit de relater leurs expériences et de donner leurs avis aux organismes responsables de la protection de leurs droits et de les tenir responsables dans le cadre d'un forum public. Les autorités de réglementation doivent les écouter relater leurs expériences dans leurs propres mots. Ce forum n'a pas été le dernier de la CVM pour les investisseurs. Nous en ferons un événement régulier, qui sera l'occasion d'un dialogue constructif entre les consommateurs et les autorités de réglementation. Je répondrai maintenant à vos questions, merci.

Le président : Merci, monsieur Brown.

Le sénateur Meighen : Vous avez dit dans votre exposé que ce n'était pas là le dernier forum des investisseurs de la CVM, et que celle-ci donnerait suite à d'autres questions, et cetera. Malheureusement, vous ne serez plus là dans 14 jours. Quelle assurance avons-nous que votre successeur sera désireux ou à même de donner suite à vos recommandations?

M. Brown : C'est une bonne question, et on me l'a posée pendant le forum. On avait l'air de dire que c'était une folie de ma part et que cette initiative serait vite oubliée. Une trentaine ou une quarantaine d'employés de la CVM ont assisté au forum afin d'entendre d'eux-mêmes les témoignages des investisseurs. Les deux vice-présidents, le directeur exécutif et plusieurs commissaires étaient là.

J'ai pu donner à tous l'assurance qu'il s'agissait d'un élan institutionnel qui se poursuivrait bien longtemps après mon départ. Je crois sincèrement que notre organisation est tout à fait décidée à maîtriser ces problèmes et à trouver des solutions.

Le sénateur Meighen : Un investisseur a déclaré à la presse qu'il attendait avec impatience le jour où l'on créerait un système quelconque pour contrôler la mise en œuvre des initiatives que proposera le groupe d'investisseurs. Est-ce que cela s'impose pour vous?

M. Brown : Oui, je crois que si nous voulons acquérir la crédibilité à laquelle nous aspirons, si nous voulons que les investisseurs lésés participent aux travaux du groupe, nous devons mettre en place un mécanisme qui leur donnera l'assurance qu'on écoutera leurs conseils et qui nous permettra de prouver au public que nous accordons à leurs conseils toute l'attention qu'ils méritent.

Le sénateur Meighen : D'après ce que j'ai vu, le public semble croire que le respect des lois est, sinon flou, sûrement à un niveau moindre dans notre pays qu'aux États-Unis, par exemple. Les sondages des diverses organisations semblent toujours indiquer que le respect des lois est la chose la plus préoccupante, et que nous, au Canada, nous ne prenons pas cela au sérieux comme nous le devrions. Je sais que le sénateur Keller, lors des audiences précédentes de notre comité, a mentionné la nécessité de coffrer plus de monde et de faire un exemple de ceux qui enfreignent la loi. Je crois pour ma part que, dans le public, on croit de manière générale que nous ne sommes pas aussi sévères que nous devrions l'être; qu'on punit les coupables en leur donnant des coups de mouchoir et pas plus, ou que les gens dont la conduite est inacceptable s'en tirent aisément.

Que répondez-vous à cela? Croyez-vous que la CVM, entre autres, a un problème d'image à cet égard?

M. Brown : Vous posez plusieurs questions à la fois. Je vais tâcher d'y répondre dans l'ordre.

Tout d'abord, le respect des lois est un aspect important de notre travail. Nous nous apprêtons à publier notre énoncé de priorités pour cette année, et notre première priorité est la création d'un système rigoureux, juste et efficace pour assurer le respect des lois. C'est notre priorité depuis de nombreuses années.

Une partie de cette perception remonte à de nombreuses années, et elle s'est peut-être ancrée solidement il y a plusieurs années de cela. Lorsque la commission a été transformée en une société d'État autofinancée, c'est-à-dire à peu près à l'époque où j'en suis devenu le président, il y avait 39 personnes dans notre service chargé de l'application de la loi. Nous en avons maintenant 94.

Le président : Quel est votre budget?

M. Brown : Le budget total de la commission se situe entre 55 et 60 millions de dollars.

Le président : Quelle est la part réservée à l'application de la loi?

M. Brown : Je ne peux pas vous donner de chiffre exact. Cependant, le gros de notre budget est consacré au personnel, et environ 25 p. 100 de notre effectif est affecté à l'application de la loi. Je dirais que 25 p. 100 est une estimation raisonnable.

Le président : Pardonnez cette interruption mais je crois qu'elle se situe dans le sens des questions que pose le sénateur Meighen.

M. Brown : Sénateur Meighen, votre question comporte de nombreux éléments.

Une partie du problème tient au fait qu'on nous compare sans cesse aux États-Unis, et on compare ici des autorités de réglementation des valeurs mobilières avec les services de police des États-Unis. Le procureur général de l'État de New York, Eliot Spitzer, est souvent présenté comme un modèle pour nous, organismes de réglementation du commerce des valeurs mobilières. C'est une comparaison injuste étant donné qu'il a des pouvoirs de police alors que nous ne sommes que des organismes de réglementation du commerce des valeurs mobilières.

Le sénateur Meighen : Et il a aussi des ambitions politiques, si je puis dire.

M. Brown : C'est vous qui l'avez dit, pas moi.

Nous avons compris il y a quelque temps que nous qui sommes les organismes de réglementation du commerce des valeurs mobilières, nous ne pouvions pas répondre à de telles attentes, et qu'il existait en effet des attentes valides et légitimes.

Au cours des dernières années, nous avons beaucoup collaboré avec la GRC. Nous avons créé à la commission des valeurs mobilières il y a quatre ans de cela un groupe de travail mixte sur les fraudes en matière de valeurs mobilières, où des membres de la GRC et des employés de notre commission sont réunis dans un même service. La GRC, faisant suite à la loi fédérale qui a été adoptée il y a un peu plus d'un an, vient de créer des équipes intégrées de la police des marchés. Pour autant que nous le sachions, ces équipes fonctionnent très bien à Toronto. Il y a beaucoup de collaboration entre les deux organisations. Nous détachons des gens à la GRC; celle-ci nous envoie ses gens. De nombreuses enquêtes sont en cours en ce moment.

Par conséquent, je crois que l'on s'est attaqué au problème, mais que l'élément temps joue. Nous avons peut-être commencé tard, mais il faut identifier les cas, faire enquête, pour enfin intenter des poursuites. Je crois que nous allons voir de plus en plus d'enquêtes.

Du point de vue de la commission des valeurs mobilières, pour ce qui est des choses que nous pouvons faire, nous faisons de nombreuses enquêtes. J'ai des statistiques que j'ai demandées à mon personnel d'extraire hier. En ce moment, la CVM a elle seule fait enquête dans 92 cas. Il y a 70 autres cas qui sont entre les mains de nos poursuivants et à diverses étapes, et ces affaires suivent leur cours. Nous avons intenté cinq poursuites devant les tribunaux, où nous demandons des peines d'emprisonnement pour manquement aux lois sur les valeurs mobilières. Nous avons ouvert 27 dossiers sur des émetteurs de valeurs, où nous soupçonnons que l'on a abusé de l'exemption pour créanciers porteurs de titres. Nous avons un grand nombre de cas qui font leur chemin dans le système en ce moment.

Il est intéressant de voir comment les médias traitent de ces questions. Nous publions maintenant des communiqués de presse à un rythme de deux ou trois par semaine sur des affaires qui ont été entamées, réglées ou finalisées. Ces affaires ne retiennent pas l'attention de la presse comme c'était le cas au début. La presse ne s'intéresse pas à bon nombre de ces cas.

Nous collaborons avec nos collègues des Autorités canadiennes des valeurs mobilières et publions semestriellement le résumé de toutes les affaires qui ont été mises au jour partout au pays, ne serait-ce que pour avoir une idée du nombre de cas où il y a eu intervention.

Le président : À ce sujet, monsieur Brown, notre comité aime bien les statistiques autant que les commentaires. Nous vous saurions gré de nous faire part de toutes les plaintes que vous avez reçues au cours de la dernière année ou des deux dernières années, ainsi que du nombre d'enquêtes, du nombre de poursuites — cela, vous nous l'avez dit — et du nombre d'enquêtes que vous avez amorcées et du nombre de poursuites qui ont abouti et ainsi de suite. Nous aimerions faire une analyse statistique de la quantité d'activités que vous générez, du pourcentage d'activités qui ont été mises en question et de la manière dont vous avez donné suite à ces plaintes.

Nous savons d'expérience que ces plaintes varient, qu'il s'agisse de personnes qui sont malheureuses d'avoir fait un mauvais placement ou de personnes qui ont de véritables doléances, dans les cas où il y a eu conduite scandaleuse. Si vous pouviez nous donner une idée de ce genre de choses, cela nous aiderait dans notre étude de la question.

M. Brown : Je peux vous donner un chiffre qui vous aidera, mais nous allons également vous faire parvenir des statistiques imprimées qui vous aideront.

Pour vous donnez tout de suite une idée, nous avons classé l'an dernier 293 dossiers. Il s'agissait de 293 plaintes qui motivaient à notre avis une enquête.

Le président : Sur un total de combien?

M. Brown : Nous avons un centre de contact que nous contrôlons, je peux donc vous obtenir ces chiffres.

Le président : Pouvez-vous nous donner un chiffre approximatif pour que le public puisse comprendre l'ampleur du problème?

M. Brown : Nous avons des milliers de contacts par semaine. Je ne peux pas vous dire combien d'entre eux sont des plaintes ni combien d'autres sont des demandes d'information. Encore une fois, nous suivons l'évolution de la situation et nous avons des statistiques; mais je ne les ai pas en mémoire. Nous avons un centre d'appels très perfectionné et un excellent système de pistage qui permet une mesure précise, mais je n'ai pas apporté cette information.

Le sénateur Meighen : Vous avez fait référence aux équipes intégrées de la police des marchés, qui relèvent du programme de la criminalité financière de la GRC. Vous avez signalé que vous avez intenté cinq poursuites. Pouvez- vous expliquer les rapports que vous avez avec la GRC? Est-ce vous ou la GRC qui portez des accusations? Quel est votre rôle une fois l'accusation portée?

M. Brown : Excusez-moi. Je vous remercie de me le signaler. Je mélange les torchons et les serviettes, et vous me donnez l'occasion de démêler le tout.

En tant qu'organisme de réglementation des valeurs mobilières, nous sommes plus ou moins habilités à intervenir devant la Cour provinciale. Lorsque nous jugeons qu'une conduite est suffisamment répréhensible pour justifier un emprisonnement ou une amende sans toutefois relever de l'activité criminelle, nous portons l'affaire devant les tribunaux.

Le sénateur Meighen : Qui prend la décision?

M. Brown : C'est notre division de l'application de la loi. À l'instar de la police, qui détermine les accusations à porter, nos enquêteurs qui travaillent sur une affaire peuvent la porter à l'attention de la commission des valeurs mobilières, qui ne peut prononcer que des sanctions de nature protectrice et préventive, ou ils peuvent se pourvoir devant la Cour provinciale s'ils estiment que la conduite est suffisamment répréhensible pour que le juge impose une amende ou une peine d'emprisonnement.

Le sénateur Meighen : Est-ce que vous ne risquez pas de vous faire reprocher d'être trop clément? Pourquoi ne pas présenter systématiquement l'affaire à votre commission?

Le sénateur Moore : Elle pourrait, à son tour, la renvoyer au bureau du procureur de la Couronne.

M. Brown : Nous déterminons ensuite si nous estimons que l'activité constitue une infraction au Code criminel. Le Code criminel relève de la compétence exclusive de la police. Au plan constitutionnel, il relève du Parlement fédéral, mais la répression des infractions à la législation fédérale est confiée aux corps de police qui sont au service des procureurs généraux des provinces.

Le président : Monsieur Brown, ne faut-il pas en conclure que vous avez la responsabilité de vous occuper des infractions à votre propre réglementation? Vous êtes essentiellement responsable des atteintes à votre réglementation.

M. Brown : C'est exact.

Le président : Il peut arriver, dans certains cas, qu'une atteinte à votre réglementation constitue également une infraction au Code criminel.

M. Brown : C'est exact.

Le président : En fait, il y a deux niveaux de protection du public : une contre les comportements criminels et une autre contre les infractions aux normes réglementaires.

Le sénateur Meighen : Qui est-ce qui en décide?

M. Brown : La décision est prise par notre division de l'application de la loi à la commission des valeurs mobilières. Si nous nous trompons, les tribunaux vont nous le dire. La décision est prise en fonction de l'information recueillie au cours de l'enquête. Nos procureurs, qui sont spécialement formés dans ce domaine, rassemblent les éléments qu'ils ont constatés et essaient de déterminer s'il s'agit d'une activité criminelle ou d'une infraction à la réglementation, auquel cas ils doivent ensuite déterminer si l'infraction est suffisamment grave pour qu'un tribunal puisse imposer une peine d'emprisonnement, ou s'il s'agit d'une infraction pour laquelle nous sommes habilités à imposer des sanctions de type protecteur ou préventif, comme la suppression d'un permis ou l'émission d'une interdiction d'opérations sur valeurs.

Le président a raison. Il y a en réalité trois niveaux distincts à considérer : l'activité criminelle, l'infraction à la réglementation, mais également le niveau de gravité qui amène la Cour provinciale à considérer l'activité comme quasi criminelle.

Le président : Comme vous le savez, monsieur Brown, nous allons entendre la GRC après vous. Si vous écoutez les questions des sénateurs, dont certains sont d'éminents avocats, vous verrez qu'ils nagent en pleine confusion; et si des avocats et des sénateurs de grande expérience nagent en pleine confusion, qu'en est-il du simple citoyen? Il s'agit là d'un sujet que nous tenons à approfondir.

Le sénateur Tkachuk : Je ne nage pas en pleine confusion. En revanche, je ne suis pas avocat.

Le président : Le sénateur Tkachuk est à l'abri de la confusion. Il sait exactement ce qui se passe.

Le sénateur Meighen : Permettez-moi de vider la question, parce que mes collègues veulent eux aussi intervenir.

Je ne peux pas m'empêcher, monsieur Brown, de penser qu'il doit arriver des incidents pour lesquels vous ne savez pas avec certitude s'il s'agit d'une simple infraction à la règlementation ou si l'on entre dans un domaine où la Cour provinciale pourrait constater l'existence d'une activité criminelle. Si vous n'en êtes pas absolument sûrs, ce qui doit sans doute arriver de temps en temps, est-ce que vous faites appel à un procureur de la Couronne ou à quelqu'un d'autre en disant : « Voici les faits; qu'en pensez-vous? »

M. Brown : Nous avons un comité consultatif de l'application de la loi. Même si nous ne discutons pas concrètement des dossiers avec les membres de ce comité, nous faisons appel à eux pour qu'ils nous indiquent la politique à suivre en matière d'application de la loi. Nous sollicitons leur avis pour savoir si nous sommes sur la bonne voie. Les procureurs de la Couronne ne peuvent pas intervenir dans ce genre de situations. Je ne suis pas certain qu'ils souhaiteraient le faire. Ils ont déjà suffisamment de travail de leur côté. Ils s'occupent du Code criminel, et non pas de la Loi sur les valeurs mobilières. C'est à nous de nous occuper de cette loi.

Il faut aussi tenir compte de nos pouvoirs d'enquête. Nous avons un pouvoir de contrainte, dont nous sommes investis en tant qu'autorité de réglementation, et non pas en tant que procureur. Lorsque nous invoquons notre pouvoir de contrainte, cela nous oriente généralement vers des procédures devant la commission, et non pas vers des procédures judiciaires.

Le sénateur Moore : Les gens qui s'occupent de l'application de la loi font-ils partie du personnel de la commission, ou s'agit-il de spécialistes indépendants dont vous retenez les services?

M. Brown : Non, ils font partie du personnel de la commission.

Le sénateur Moore : Est-ce que ce sont des avocats?

M. Brown : J'ai ici les statistiques à leur sujet. Au plus haut niveau de la division de l'application de la loi, ce sont des avocats, parmi lesquels on trouve des avocats d'affaires et des spécialistes du droit des sociétés.

Le président : En ce qui concerne la composition de ce comité, qui en nomme les membres et qui leur assigne cette responsabilité? Qui assure la surveillance de ce comité? Que se passe-t-il dans le cas d'un conflit interne qu'ils ne parviennent pas à résoudre?

M. Brown : Il y a deux types de comités. Nos commissaires sont nommés par la province. Il y a neuf commissaires à temps partiel et trois à temps plein, dont moi et deux vice-présidents. Ce sont eux qui s'occupent des dossiers soumis par le groupe de l'application de la loi. Nous avons une division de l'application de la loi, qui fait enquête, mais ce sont les procureurs du groupe de l'application de la loi qui soumettent les dossiers soit à un comité de commissaires, soit à la cour.

Nos commissaires ont déterminé les critères que doit appliquer le groupe de l'application de la loi pour décider des suites à donner dans chaque cas. Il s'agit d'un système de pointage très perfectionné qu'on applique aux différentes étapes de la procédure pour déterminer s'il y aura poursuite ou non devant la cour ou devant la commission.

Les avocats principaux du groupe de l'application de la loi travaillent avec moi, car j'interviens à ce niveau. Je n'interviens pas au niveau des comités, de façon à me réserver la possibilité de travailler en matière d'application de la loi. Avec le groupe de l'application de la loi, j'applique le système de pointage pour choisir les dossiers sur lesquels nous allons agir et pour décider de la procédure à appliquer.

Le président : Pour résumer, vous devriez nous présenter un organigramme. Supposons que quelqu'un porte plainte. Vous étudiez la plainte pour déterminer si elle semble à première vue suffisamment grave pour constituer une atteinte à la réglementation ou une infraction au Code criminel. Elle est ensuite transmise à un comité consultatif composé d'enquêteurs qui vont faire enquête dans certains cas ou fermer le dossier rapidement dans d'autres. Ils appliquent une procédure de détermination et d'enquête. Le dossier est ensuite transmis à un comité de commissaires des valeurs mobilières, puis à vous-même. Est-ce bien ainsi que les choses se passent?

M. Brown : Non, les commissaires des valeurs mobilières n'interviennent pas dans cette procédure. Lorsqu'un dossier est ouvert, il est adressé à notre groupe d'enquête, qui procède à une étude préliminaire pour déterminer s'il faut donner suite. Il existe au sein de la division de l'application de la loi un groupe d'employés qui détermine chaque semaine les affaires à traiter. Les dossiers actifs sont transmis à notre groupe du contentieux qui, avec l'enquêteur, commence à préparer le dossier pour voir s'il existe des preuves ou des témoins susceptibles d'en fournir, et qui examine toute la documentation.

Au fur et à mesure de la procédure, un groupe du service détermine s'il y a lieu de poursuivre l'affaire. C'est seulement lorsqu'il a été décidé d'intenter des poursuites et de soumettre le dossier à la commission qu'un groupe de commissaires intervient. Il constitue l'étape ultime, et non pas une étape intermédiaire.

Le sénateur Massicotte : Je n'ai pas assisté à tout votre exposé, et peut-être vous a-t-on déjà posé la question. Sur ce point particulier, le fait d'être à la fois juge et procureur est évidemment préoccupant. Il me semble que le rapport Crawford avait recommandé que l'on sépare ces deux responsabilités, et je pensais que la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario avait donné son accord.

M. Brown : Permettez-moi de vous présenter la chronologie des événements. Le rapport Crawford a recommandé au gouvernement d'envisager cette possibilité, mais il n'a pas fait de recommandation précise dans un sens ou dans l'autre.

Nous avons demandé à un comité présidé par un juge à la retraite, monsieur le juge Coulter Osborne, d'étudier la question pour nous. Il a dit qu'on avait l'impression, sur le marché, que notre structure nous exposait à la partialité, puisque nos commissaires forment le conseil d'administration qui détermine la politique de la commission en matière d'application de la loi, alors qu'ils font aussi partie des groupes chargés de juger les dossiers.

L'affaire a été soumise au Comité permanent des finances et de l'économie de l'Assemblée législative ontarienne. Il s'agit d'un comité réunissant tous les partis. Il a recommandé au gouvernement de créer une commission nationale des valeurs mobilières et d'en faire une priorité absolue. La recommandation comportait la création d'une commission et d'un tribunal distincts, plutôt qu'une commission dotée d'un tribunal intégré.

Deuxièmement, dans l'éventualité où le gouvernement n'aurait pas progressé dans ce dossier au bout d'un an, il devait envisager la création d'un tribunal distinct de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. Nous avons étudié la question avec le ministre. Le principal modèle considéré au Canada est celui d'un tribunal intégré à l'autorité de réglementation. Les barreaux et les conseils disciplinaires de l'Ordre des médecins sont tous des tribunaux intégrés. C'est de cette façon que le système fonctionne au Canada. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas lieu d'envisager sérieusement un tribunal séparé.

Tous les commentateurs s'empressent de dire que personne n'a relevé des faits montrant qu'il y a partialité. On s'inquiète simplement de la façon dont le système est perçu, ce qui pourrait occasionner une perte de confiance.

[Français]

Le sénateur Plamondon : J'aimerais parler de votre mandat de protection du consommateur.

Je ne suis pas avocate; avant d'être sénateur, j'étais protecteur du consommateur. Je sais, pour avoir siégé au Bureau des services financiers du Québec et à d'autres instances, que tout repose sur la confiance entre le client et le courtier. Cela repose sur toutes les règles nécessaires à la connaissance de la clientèle. Une fois que ces règles ont été observées comme il se doit, une autorisation est donnée par l'investisseur à son courtier pour qu'il puisse investir. Ensuite, il y a les transactions et la déception, tel que vous l'avez entendu lors des assemblées générales. Est-ce que cela prendra des assemblées générales tout au long de l'année pour que vous puissiez être sensibilisé à ce que les investisseurs vivent au niveau de leurs déceptions?

Cela prend du temps avant qu'un consommateur sache où s'adresser. Vous avez dit vous-même dans votre présentation que ce système est fragmenté et complexe.

Si je me fie à ce que nous ont dit M. Lauber ainsi que d'autres ombudsmans qui ont comparu devant nous, la personne qui a un problème commence par se plaindre à l'intérieur de son industrie; ensuite, c'est transmis à l'ombudsman, M. Lauber en l'occurrence. Mais le temps file et la période de deux ans est presque écoulée. Supposons que cela arrive chez vous. Est-ce que l'ombudsman des services financiers, M. Lauber, vous envoie beaucoup de plaintes de fraude? Est-ce qu'ils sont habilités à découvrir la fraude et à vous l'envoyer?

Seriez-vous d'accord à ce qu'une fois qu'une plainte est déposée, soit au bureau de l'ombudsman ou à votre bureau, cela suspende les limites de la prescription? À ce moment-là, le consommateur pourrait en toute confiance attendre que l'enquête ait eu lieu. C'est la première chose. C'est la chose la plus importante.

Est-ce que vous vérifiez aussi si la connaissance de la clientèle est respectée? Si tel était le cas, on n'aurait pas tous ces problèmes et les autorisations seraient éclairées. Dans le moment, les consentements donnés par les consommateurs sont basés sur la confiance mais ne sont pas éclairés. On ne sait pas à quoi on s'engage et jusqu'où va le risque. On donne des autorisations tous azimut à un courtier qui est pressé de faire la transaction.

[Traduction]

M. Brown : Permettez-moi de répondre à ces questions en sens inverse.

La troisième question concerne la règle de la connaissance du client. On peut aussi parler de règle de la pertinence. Il est admis dans l'ensemble du pays que les courtiers et les conseillers ont l'obligation de déterminer si les investissements qu'ils concèdent à leurs clients ou si les opérations d'achat et de vente qu'ils font pour eux leur conviennent. Cela signifie que les courtiers doivent connaître non seulement la nature de l'investissement, mais également la situation et les objectifs de leur client.

Une bonne moitié des problèmes rencontrés par des petits investisseurs et dont nous avons à nous occuper concernent l'application de cette règle de la connaissance du client, ou règle de pertinence. C'est un problème que les commissions des valeurs mobilières prennent très au sérieux. Ces règles doivent être observées et nous allons vraisemblablement devoir apporter des changements. Nous avons travaillé avec l'industrie et avec nos collègues des organismes canadiens de réglementation sur une proposition appelée modèle d'opération équitable. Son principe oblige le courtier à préciser sa relation avec son client de façon que les choses soient claires au moment de l'ouverture d'un compte. Nous reconnaissons qu'il y a du travail à faire à ce niveau.

Dans l'immédiat, nous veillons à ce que les commissions des valeurs mobilières qui surveillent périodiquement la conduite de leurs membres prêtent attention aux problèmes et fassent en sorte que cette obligation soit respectée.

Deuxièmement, la confusion des consommateurs qui veulent exercer un recours est tout à fait réelle. C'est notamment pour cela que nous avons organisé un forum de discussion auquel j'ai moi-même participé, en compagnie de l'ombudsman Michael Lauber et des présidents de l'Association des courtiers en fonds mutuels et de Association des courtiers en valeurs mobilières. Selon les circonstances, la principale responsabilité incombe à l'un de nous.

Lorsque nous avons écouté les investisseurs, nous nous sommes rendu compte de leur confusion. Le seul fait que 500 personnes aient assisté à ce forum, alors que nous étions quatre sur la scène, montre bien la confusion des investisseurs.

Nous avons entendu des gens qui ne savaient pas où s'adresser, ou bien qui savaient, mais ne faisaient pas confiance au système. Certains se sont fait dire, par un ami ou un collègue, de ne pas perdre leur temps car de toute façon, ils ne pouvaient pas récupérer leur argent. Nous avons deux problèmes à régler et nous devrons simplifier le système de façon que les gens sachent où s'adresser pour obtenir des réponses.

L'Ombudsman des services financiers bancaires et des investissements, M. Michael Lauder, considère que les gens doivent d'abord s'adresser à son service, mais il est limité dans ses moyens d'action car il ne peut pas donner d'avis ni intervenir au nom de ceux qui s'adressent à lui. Nous allons devoir vérifier si quelqu'un peut jouer ce rôle de défenseur et de conseiller pour guider les investisseurs à travers les méandres du système.

Le sénateur Plamondon : Quelqu'un qui puisse les aider.

M. Brown : La Commission ontarienne en est consciente et elle considère les modèles appliqués ailleurs. Le modèle australien semble très intéressant : une entité s'interpose entre le courtier et son client en cas de conflit, pour aider le client à se frayer un chemin à travers le système aux frais du courtier.

Quant à votre troisième question, comme je l'ai indiqué, nous avons entendu des commentaires concernant la limite de deux ans. Nous n'en avons entendu parler que quelques semaines avant le forum de discussion. C'est notamment pour cela qu'il faut tenir régulièrement de telles tribunes, pour que ces préoccupations puissent être exprimées.

En Ontario, la prescription de deux ans cesse de courir si, au cours de la période, l'investisseur sollicite un arbitrage ou s'adresse aux tribunaux. Il n'est pas absolument certain qu'elle cesse de courir si l'investisseur s'adresse à l'ombudsman et que celui-ci sollicite un avis juridique.

La prescription ne cesse pas de courir si l'investisseur s'adresse à nous.

Le sénateur Plamondon : Vraiment?

M. Brown : Non. Voilà encore une question à régler.

Le président : En réalité, monsieur Brown, vous soulevez cette question, mais elle relève de la compétence provinciale, et non pas de nous.

M. Brown : C'est une question de compétence provinciale. Je dois dire que toutes les provinces, sauf trois, ont adopté cette prescription de deux ans. Bien que le problème se manifeste en Ontario, nous savons qu'il se pose aussi dans l'ensemble du pays, sauf dans les trois provinces en question.

Le sénateur Plamondon : Même si la question concerne les provinces, il est important que le consommateur en soit informé. Les investisseurs veulent savoir de combien de temps ils disposent pour exercer un recours ou pour prendre toute autre mesure indispensable.

Est-ce que le mandat de la Commission ontarienne l'oblige à protéger l'investisseur?

M. Brown : La Commission des valeurs mobilières de l'Ontario a un double mandat : assurer la protection des investisseurs et favoriser la confiance envers les marchés canadiens des capitaux. En ce qui concerne la protection des investisseurs, comme je l'ai dit au forum de discussion, nous consacrons l'essentiel de notre temps à la transparence des sociétés, à leur gouvernance, à la fonction de vérification, et cetera. Peut-être n'avons-nous pas consacré suffisamment de temps à la relation entre l'investisseur et les intermédiaires financiers, car c'est le sujet qui donne lieu au plus grand nombre de plaintes.

Le sénateur Plamondon : Seriez-vous d'accord pour que le produit des amendes imposées aux courtiers soit versé dans un genre de fonds de fiducie qui permettrait d'organiser plus souvent des forums de discussion et de rendre service à un plus grand nombre d'investisseurs?

M. Brown : Nous sommes très heureux de financer les forums de discussion à partir de notre budget général, car ils ne coûtent pas très cher à la Commission.

L'argent que nous percevons des règlements et des avances est versé dans le fonds d'information des investisseurs de la Commission. C'est l'un des outils les plus perfectionnés d'information des investisseurs dont nous disposons. La Commission va continuer d'alimenter ce fonds car l'essentiel de notre mandat de protection de l'investisseur consiste à faire son éducation.

Le sénateur Massicotte : Vous avez dit que les gens ne savent pas où s'adresser et ne font pas véritablement confiance au système actuel. Vous dites également que la Commission considère un modèle australien. À votre avis, serait-il dangereux que la partie intermédiaire ait également le pouvoir ou le mandat d'imposer une amende ou un correctif, en plus de l'avis qu'elle peut donner? Seriez-vous favorable à un tel système?

M. Brown : Nous ne sommes pas aussi avancés dans notre réflexion, mais nous avons mis en place un service d'ombudsman. Depuis un peu moins de deux ans, il s'occupe de l'élément des valeurs mobilières sur les marchés financiers. Nous sommes en train de mesurer son efficacité.

Par ailleurs, l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières applique depuis plusieurs années une formule d'arbitrage. Elle ne propose pas de tribunaux arbitraux, mais elle soumet les dossiers à un tribunal arbitral autonome. Quoi qu'il en soit, les deux systèmes sont en place. La Commission s'est fait dire que leur fonctionnement ou leur interaction n'est pas aussi efficace qu'il devrait l'être. Nous allons devoir envisager de les rendre plus efficaces avant de décider s'il y a lieu de s'en débarrasser et de les remplacer par autre chose.

Le sénateur Tkachuk : J'aimerais poursuivre dans la même veine que le sénateur Plamondon. Tout d'abord, j'ai des questions d'ordre général. J'ai assisté hier, à l'Université d'Ottawa, à une conférence sur la certification des directeurs financiers. Un représentant de Cognos a parlé de ce qu'il en coûtait pour se préparer aux questions découlant de la loi Sarbanes-Oxley. Il a donné des chiffres pour les banques et les institutions qui font affaire aux États-Unis. Il semble que la législation actuelle soit axée sur les entrepreneurs. Quelle la valeur totale des transactions effectuées chaque année à la bourse de Toronto?

M. Brown : Je crois que c'est environ 1,3 billion de dollars.

Le sénateur Tkachuk : Et quel a été le montant total des fraudes l'année dernière?

M. Brown : Je ne peux pas vous le dire de mémoire.

Le sénateur Tkachuk : À quand remonte le scandale Bre-X? Était-ce il y a 10 ans, 12 ans?

M. Brown : Il y a près de 10 ans.

Le sénateur Tkachuk : Par rapport au montant total des transactions de l'année dernière, combien y a-t-il eu d'incidents relevant de l'activité criminelle? Combien y a-t-il eu de cas où quelqu'un n'aurait pas fait une déclaration obligatoire, ce qui n'est pas un acte criminel? Je veux dire que si nous adoptions toutes les lois nécessaires, nous pourrions occuper des milliers d'employés, mais cela n'améliorerait pas le système pour autant. Je ne veux pas dire que nous réagissons avec excès, mais j'aimerais connaître les chiffres pour m'assurer que nous ne le faisons pas. Les employés qui sont au bas de la pyramide peuvent aussi commettre des vols.

M. Brown : La Commission ontarienne effectue des mesures de la confiance des investisseurs. Nous parlons de confiance des investisseurs parce que nous avons voulu repartir du bon pied après que les événements déplorables survenus aux États-Unis eurent sérieusement entamé la confiance des investisseurs. Ces événements ont débordé en territoire canadien. Les mesures ne se limitent pas à la fraude.

Le président : Excusez-moi, monsieur Brown, Bre-X a précédé Enron d'au moins cinq ans; et il y a eu d'autres scandales au Canada.

M. Brown : Je veux dire que les mesures mises en place par la Commission ontarienne ne visent pas uniquement les fraudes, mais certaines d'entre elles auraient sans doute permis une détection plus précoce de certaines fraudes si elles avaient été mises en place plus tôt.

Nous savons que les personnes déterminées à frauder peuvent se révéler très subtiles et très intelligentes.

De façon plus générale, nous tentons, par ces mesures, d'améliorer la transparence et la qualité de l'information aussi bien sur le marché qu'au niveau des dirigeants de sociétés.

Je sais qu'aux États-unis, la loi Sarbanes-Oxley a suscité de nombreux commentaires. Ne serait-on pas allé trop loin? Comme vous avez dû l'apprendre dans les journaux, la commission des valeurs mobilières des États-unis a un nouveau président, et personne ne sait ce qu'il a l'intention de faire.

Nous avons organisé des forums de discussion non pas pour les investisseurs, mais pour les principaux intervenants. Il y en a eu trois au cours des trois dernières années, à l'intention des directeurs financiers, des PDG et des présidents de comités de vérification. La dernière s'est tenue il y a quelques semaines; elle portait sur les contrôles internes, qui ont suscité récemment une vive controverse.

Nous avons invité des représentants des principales banques, qui ont déjà dû se conformer à la réglementation américaine. Ils disent tous que cela leur coûte très cher, mais qu'ils sont bien contents de s'y conformer. Ils étaient persuadés d'avoir les meilleurs systèmes de vérification interne, et ils ont été bien étonnés de tout ce qu'ils y ont trouvé.

Ceux qui n'ont pas encore effectué le changement nous disent qu'il leur semble trop cher. Ceux qui l'ont déjà fait nous disent que le changement leur a coûté cher, mais qu'il en a valu la peine.

Le sénateur Tkachuk : C'est très bien. Est-ce que vous pourriez me faire parvenir les chiffres que j'ai demandés? J'aimerais connaître la gravité du problème par rapport au montant total des transactions, pour ma propre information et pour celle des autres sénateurs.

Les entrepreneurs sont des gens qui prennent des risques. Ils ne sont pas nécessairement comptables ou avocats. Ils engagent des avocats et des comptables. Lorsque leur entreprise est cotée en bourse, ils ont des comptables agréés. La plupart d'entre eux sont honnêtes, et s'ils ne le sont pas tous, il en va de même pour l'ensemble de la population.

Ensuite, il y a le secteur des transactions boursières, avec les courtiers, les maisons de courtage, les gestionnaires de fonds communs de placement et les investisseurs. Parmi toutes ces personnes se trouvent des avocats et des comptables. Ce sont les entreprises, les sociétés et les entrepreneurs créateurs de richesses qui en supportent les frais.

Dans l'immédiat, où se trouve la solution? Faut-il multiplier les comptables? On fait déjà une vérification tous les trimestres. Ceux qui causent les problèmes sont les mêmes que ceux qui s'efforcent de les résoudre.

Comment se fait-il que les spécialistes, les banques et les maisons de courtage n'aient pas vu ce qui se passait. Voilà la cause du problème. Ce n'est pas Bre-X. Ce sont tous ceux qui profitaient du système et qui ont peut-être commis des actes criminels, mais toutes les maisons de courtage au Canada vendaient des actions de Bre-X. Et qui est allé en prison? Quel courtier, quel banquier a été accusé et emprisonné? Que s'est-il passé aux États-Unis? Pourquoi les spécialistes et les courtiers n'ont-ils pas vu que des épargnants se faisaient escroquer?

M. Brown : Permettez-moi de vous parler de Bre-X, puisque vous soulevez la question. Bre-X était une société de Calgary qui n'était pas cotée à la bourse de Toronto ni aux États-unis, et qui ne faisait pas d'affaires au Canada. Les activités de Bre-X étaient toutes en Indonésie. Aucune accusation n'a été portée contre le personnel de Bre-X. Nous sommes le seul organisme de réglementation au monde qui ait un procès en cours dans l'affaire Bre-X. Il existe d'autres cas où nous sommes les seuls à continuer les poursuites.

En ce qui concerne les entrepreneurs, il faut faire une distinction importante. De façon générale, nos règles ne s'appliquent pas aux petites entreprises. Nous appliquons délibérément une réglementation proportionnelle. Nous reconnaissons que le respect de certaines de nos règles comporte un coût qui serait prohibitif pour de petites sociétés. La plupart des règles dont vous parlez ne s'appliquent pas aux petites sociétés ni aux sociétés cotées à l'indice TSX Venture Exchange.

La plupart des règles dont vous avez parlé ne s'appliquent qu'aux grandes sociétés, celles qui sont inscrites à la Bourse de Toronto. Nous essayons de procéder de façon graduelle. Dans le cas des grandes sociétés, nous savons qu'en raison de leur taille et de la fréquence des transactions, tout problème peut entraîner des pertes graves pour les investisseurs et même poser un risque systémique. C'est pourquoi nous axons nos efforts sur ces sociétés.

Le sénateur Tkachuk : Je suis contrarié de voir que l'on mette l'accent sur les entreprises et les gens d'affaires alors qu'on insiste peu sur les conseillers des clients et le système lui-même. Par exemple, un grand nombre de courtiers avaient probablement conseillé à leurs clients d'acheter des actions de Bre-X. Et pourtant, Bre-X n'a jamais rapporté un sou. Il s'agissait d'actions spéculatives dont la valeur est passée de zéro à plus de 100 $ l'action. Ceux qui ont investi dans ces actions n'ont-ils jamais eu de doute, y compris les gestionnaires des fonds mutuels? Aucun chercheur n'a dit qu'il y avait un problème? Comment toutes ces personnes ont-elles été amenées à faire cet investissement et comment cette magouille a-t-elle pu se produire? Les promoteurs ont vendu ces actions, sachant qu'il n'existait rien pour les justifier.

Le sénateur Massicotte : Sénateur Tkachuk, combien d'argent avez-vous perdu dans cette affaire?

Le sénateur Tkachuk : Je n'y ai jamais investi d'argent.

Le président : Sénateur Massicotte, nous avons un programme à respecter et c'est une question fondamentale car il s'agit de savoir si les consommateurs font confiance au système. La protection et la confiance des consommateurs sont au cœur même de notre examen.

Le sénateur Tkachuk : Ce que je veux dire, c'est que ce sont les entreprises et les gens d'affaires qui sont punis, alors que c'est l'industrie elle-même qui devrait l'être car elle a trompé les investisseurs légitimes. Que fait-on pour essayer de résoudre ces problèmes? C'est bien beau de tenir un forum avec les investisseurs, mais qu'est-ce que ça change? Comment peut-on améliorer cet aspect de l'industrie afin que les investisseurs puissent croire à la validité de ce qu'on leur dit au téléphone?

M. Brown : Je crois que l'on parle de deux choses différentes.

Les assemblées locales ou forums visent à orêter main-forte aux investisseurs qui ont à se plaindre des intermédiaires financiers du système. Ce que veulent ces investisseurs, principalement, c'est récupérer leur argent lorsqu'ils croient que leurs instructions n'ont pas été suivies dans des transactions ou lorsque leur argent a servi à de mauvais placements. Voilà pour le premier élément, et nous avons parlé des dossiers que nous suivons à ce sujet.

Ce dont vous parlez se situe à l'échelle des entreprises et des courtiers. Dans le cas des entreprises, nous avons mis en place un certain nombre de règles pour éviter qu'un autre cas comme celui de Bre-X puisse se reproduire. Dans les quelques années qui ont suivi l'affaire Bre-X, nous nous sommes dotés de normes de présentation de l'information pour le secteur minier. Nous venons de les mettre à jour. Nous estimons avoir les normes les plus rigoureuses au monde dans ce domaine. La Bourse de Toronto vous dira qu'elle est devenue la bourse de choix pour toutes les sociétés minières du monde.

Nous avons également mis en place des exigences en matière de régie et d'indépendance des vérificateurs. Nous avons pris de nombreuses mesures destinées aux vérificateurs. Nous nous sommes maintenant tournés du côté des analystes, car comme vous l'avez dit, certains se demandent ce que faisaient les analystes lorsque ce problème s'est produit.

Nous avons travaillé à l'échelle internationale à la création d'un nouveau code pour les agences d'évaluation du crédit. Ce code est maintenant en place. Nous avons corrigé les problèmes dont vous avez parlé, sans nous concentrer uniquement sur les sociétés, mais aussi sur tous ceux qui ont eu un rôle à jouer et qui auraient pu rectifier la situation au moment opportun, mais ne l'ont pas fait. Nous nous sommes attaqués à ces problèmes et nous essayons de corriger tous les éléments du système qui auraient pu contribuer à certains des problèmes dont vous avez parlé.

Le sénateur Tkachuk : Je suis offusqué, monsieur le président, lorsqu'un autre sénateur croit que je défends des intérêts personnels. Ce n'est pas le cas. Je n'ai jamais acheté d'actions. Je m'intéressais au sort des consommateurs. J'en suis indigné.

Le président : Je crois qu'il plaisantait.

Le sénateur Tkachuk : Bien sûr qu'il plaisantait.

Le président : Je suis persuadé que le sénateur Massicotte va retirer ses propos et nous allons pouvoir continuer.

Le sénateur Massicotte : Je les retire.

Le président : Monsieur Brown, le sénateur Tkachuk soulève une question importante. Nous avons tous les deux l'impression que le système ne comporte pas assez de mécanismes de contrôle. Allez-vous doter votre système de ces mécanismes afin de bien équilibrer le besoin de réaliser un bénéfice et la protection du consommateur tout en protégeant la légitimité de l'ensemble du système? Il s'agit d'une question fondamentale. Je crois franchement que ses préoccupations sont partagées par tous les membres de notre comité et par le public. Allez-vous mettre en place ces mécanismes de contrôle assez rapidement? Nous avons l'impression que vous accusez un certain retard à ce niveau-là.

M. Brown : Je crois que vous avez ciblé la question la plus importante qui a été exposée de façon très concrète avec Enron, WorldCom et d'autres échecs semblables. Les mécanismes de contrôle que nous pensions avoir pour protéger les investisseurs n'ont pas fonctionné. Nous avons constaté une série d'échecs. Nous avons tenté de les identifier et de mettre en place des améliorations qui semblent bien fonctionner à présent. La plupart sont déjà en place. Comme je l'ai dit, nous avons des nouvelles règles pour les vérificateurs et pour les comités de vérification. Ces comités doivent maintenant être indépendants. Les vérificateurs doivent être indépendants. Les vérificateurs relèvent des comités de vérification, et non du PDG et du COF. Le PDG doit fournir une attestation personnelle quant à l'exactitude des états financiers.

Le président : Monsieur Brown, ces exemples se rapportent tous aux sociétés. Nous parlons de mécanismes de contrôle pour régir les activités des conseillers en investissement au sein du marché des valeurs mobilières. Est-ce que ces mécanismes au sein de ce marché vous semblent adéquats? Par exemple, il y a un conflit si un analyste en recherche conseille l'achat d'une action qui est vendue par son entreprise. Existe-t-il des mécanismes de contrôle dans le système, et non seulement par rapport à Sarbanes-Oxley? C'est ce qui nous intéresse pour l'instant.

M. Brown : Nous avons effectivement mis au point tout un ensemble de règles qui gouvernent les analystes en recherche, leur indépendance et leurs liens avec les courtiers, non seulement pour essayer d'éliminer certains conflits d'intérêts, mais aussi pour identifier tous les conflits pour eux et pour l'investisseur. Oui, nous avons donc depuis deux ans un nouvel ensemble de règles pour les analystes en recherche. Nous l'avons fait de concert avec les États-Unis afin de nous assurer que nos règles sont aussi robustes que les leurs.

Le président : Et les conseillers?

M. Brown : Nous nous penchons actuellement sur la question des conseillers. Cela fait partie de la phase que je viens d'expliquer au sénateur Plamondon, de ce que nous faisons à l'heure actuelle pour garantir que les clients comprennent bien le lien qui existe entre eux et leurs conseillers, et ce que les conseillers peuvent faire pour eux, afin de s'assurer que ces conseillers comprennent. Cela fait partie de la règle de la « notoriété du client » et de la pertinence. Nous sommes sur le point de les raffermir.

Le sénateur Plamondon : Une précision, je croyais qu'il s'agissait de la CVMO, mais c'était plutôt l'Association minière du Canada qui avait demandé une enquête sur Bre-X. Ai-je raison?

M. Brown : Je regrette, c'était avant mon temps. Je ne le sais pas. Je sais cependant que les nouvelles règles minières sont le résultat d'un effort conjoint mené par la Bourse de Toronto et la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario.

Le sénateur Plamondon : À la demande de l'Association minière du Canada?

M. Brown : Peut-être. Je ne sais pas.

Le sénateur Moore : Le président vous a posé une question au sujet de votre budget. Vous avez dit qu'il s'agissait de 55 millions à 60 millions de dollars par an. D'où viennent ces fonds?

M. Brown : Tous nos frais d'adhésion proviennent de nos investisseurs sur les marchés des capitaux. Notre grille tarifaire nous permet de tirer environ 70 p. 100 de nos recettes des soi-disant commissions de participation. Les émetteurs qui comptent sur le marché de l'Ontario pour leurs besoins en capitaux versent une commission de participation une fois par an, et le montant représente un pourcentage de leur capital investi. Les sociétés de fonds mutuels nous versent un pourcentage des valeurs dont elles sont responsables, et pour les courtiers, il s'agit d'un pourcentage de leur revenu total. Cela représente à peu près 70 p. 100 de notre budget. Les 30 p. 100 qui restent sont des commissions de mouvement de comptes que nous exigeons pour les services que nous fournissons en réalité. Si quelqu'un dépose un prospectus, nous sommes dédommagés pour le temps qu'il nous faut pour l'examiner et l'étudier en détail.

Le sénateur Moore : J'ai trouvé intéressants les commentaires du sénateur Plamondon au sujet de la période limite de deux ans. Si on accordait plutôt trois, quatre ou cinq ans — et je note que vous avez suggéré au gouvernement de l'Ontario d'y jeter un autre coup d'œil — croyez-vous que vous auriez un plus grand nombre de cas à traiter? Quel serait le pourcentage d'augmentation, le cas échéant, si les gens savaient qu'ils avaient plus de temps pour déposer leurs plaintes?

M. Brown : C'est en quelque sorte une dichotomie. Les investisseurs nous disent qu'ils ne font pas confiance au système, et ne s'en serviraient pas, tout en demandant une période plus longue. Je crois qu'effectivement, le nombre de cas irait en augmentant. Je crois que dans certains cas, des investisseurs se sont rendus compte trop tard que la période limite les empêchait d'agir. Je crois que nous aurions un plus grand nombre de cas si les délais étaient prolongés. Autrefois, il s'agissait de six ans dans tout le pays. Il s'agit maintenant de deux ans. Il faut se demander si nous devrions revenir à la période de six ans.

Le sénateur Moore : Est-ce qu'une plus longue période aurait une incidence positive sur la qualité des enquêtes menées par votre personnel?

Le président : Notre enquête n'est pas limitée. Notre enquête peut durer six ans. Ce ne sont que les droits d'intenter une action entre investisseurs qui sont limités.

Le sénateur Moore : Il vous faut combien de temps en moyenne pour traiter un dossier ordinaire?

M. Brown : Nous avons fait un effort systématique pour réduire les délais. Il nous faut maintenant moins d'un an pour chaque dossier. Il n'en a pas toujours été ainsi. Nous essayons de réduire encore davantage les délais.

Le sénateur Kelleher : Monsieur Brown, vous avez dit que vous travaillez étroitement avec la GRC sur certains dossiers. Je ne veux pas que l'on pense que je critique la GRC, mais croyez-vous que la GRC dispose actuellement d'un budget suffisant pour combattre la fraude des cols blancs?

M. Brown : Je suis heureux de constater que vous avez formulé la question au temps présent, parce que je crois qu'à l'heure actuelle, la GRC dispose de suffisamment de ressources. Elle pense peut-être avoir besoin de plus d'argent, mais c'est son affaire. Selon ce que nous avons constaté, et dans le travail que nous effectuons avec la GRC, nous sommes très satisfaits du niveau d'activité et de leur capacité de réagir aux cas que nous lui soumettons au fur et à mesure que nous les découvrons au cours de nos enquêtes.

Le sénateur Kelleher : Certains m'ont dit que lorsque des compagnies se présentent à la GRC avec des cas de fraude de cols blancs, on leur dit que la GRC ne dispose pas de suffisamment de ressources. Qu'en dites-vous?

Le président : Pour préciser, un témoin nous a suggéré que c'est comme ça que ça se passait. Il n'a pas pu obtenir réparation. On a critiqué notre comité parce qu'on ne lui a pas accordé assez de temps pour s'expliquer. Je tiens à lui dire, ainsi qu'à vous, que c'est une de nos préoccupations. Le sénateur Kelleher soulève une question importante au sujet de l'affectation des ressources.

Permettez-moi d'apporter une correction. Si j'ai bien compris, vous avez dit que près de 20 millions de dollars de votre budget sont réservés aux poursuites; est-ce exact?

M. Brown : C'est exact.

Le président : Selon ce que nous a dit le sénateur Meighen, pour une entreprise avec un chiffre d'affaires de 1,3 billion de dollars par an, si nous combinons les deux principaux mécanismes de protection des consommateurs, avec les 30 millions de dollars annuels que nous venons d'accorder aux EIPMF — et nous entendrons bientôt la GRC — et vos 20 millions de dollars, cela nous donne 50 millions de dollars pour une activité d'une valeur de 1,3 billion de dollars. C'est une distorsion, parce que 1,3 billionde dollars représente le total, mais le pourcentage de recettes pour l'industrie doit être assez considérable. Je ne me souviens pas du chiffre exact. Mais même avec un montant important, cela représenterait seulement une petite portion des recettes totaesl de l'industrie des valeurs mobilières qui serait affectée à la protection des consommateurs. La question est plus large que celle qu'a posée le sénateur Kelleher — et je m'en excuse. Veuillez s'il vous plaît répondre à sa question, ensuite à la mienne.

M. Brown : Pour répondre au sénateur Kelleher, ce que nous faisons conjointement avec la GRC ne représente pas tous les aspects de la fraude commise par ceux qu'on appelle les cols blancs. Il ne s'agit que des aspects des infractions commerciales qui touchent les marchés financiers. Il s'agit surtout de la manipulation des marchés, des transactions entre initiés, et des cas semblables. Comme je vous l'ai dit, nous n'avons pas à nous plaindre de la GRC à ce niveau-là. Nous collaborons très étroitement sur un projet conjoint. Ça ne répond pas à toutes vos préoccupations, sénateur, mais je ne peux pas vous en dire plus.

Le président : Et votre propre budget?

M. Brown : Pour ce qui est de notre budget, nous croyons que les montants affectés à l'application sont, pour l'instant, suffisants. J'aimerais aussi souligner que lorsque vous faites le calcul de tous les montants affectés à l'application, il faut aussi jeter un coup d'œil sur les autres commissions de valeurs mobilières ailleurs au Canada. Ces commissions ont aussi leur propre budget. Je ne peux pas vous dire quels en sont les montants. Ils seraient probablement moins importants que les nôtres. J'ai l'impression que si vous les additionnez, vous verrez que le chiffre cumulatif serait à peu près équivalent à notre budget. Il y a ensuite les OAR, le IDI, le MFDA et Regulatory Services Inc. qui participent également. Les montants, bien que moins importants que ce que vous souhaiteriez, sont quand même plus importants que ce que vous avez suggéré.

Nous sommes effectivement des agents de réglementation. Nous nous sommes penchés aujourd'hui sur l'application et sur la réparation des consommateurs, mais nous sommes néanmoins une agence de réglementation. Il nous faut réglementer les marchés tout en offrant une plate-forme qui permette aux entrepreneurs d'avoir accès au marché et aux sociétés de trouver des capitaux; et il faut qu'elle soit intéressante pour les investisseurs. Bien que nous nous penchions sur le côté application, lorsque nous examinons la place que le Canada occupe dans le monde, nous voyons qu'il s'agit d'un partenaire à part entière. Les participants étrangers nous disent que le Canada se débrouille fort bien et représente un endroit intéressant. Tout compte fait, nous constatons que nous ne sommes pas trop loin de la cible.

Le sénateur Kelleher : Je crois comprendre que, fort heureusement d'ailleurs, vous appuyez la notion d'une seule agence de réglementation pour le Canada. J'ai deux questions qui découlent de cette constatation. Premièrement, pourriez-vous nous donner un rapport d'étape sur cette question? Deuxièmement, si nous avons tous les deux raison, c'est-à-dire qu'il serait utile d'avoir une seule agence de réglementation, croyez-vous que cela serait utile pour régler les plaintes dont nous vous avons fait part aujourd'hui?

M. Brown : Je vais commencer par la première question, sur l'agence unique de réglementation. J'ai déjà indiqué très clairement qu'une agence unique de réglementation pour le Canada est absolument essentielle. Les médias répètent souvent que nous sommes le seul pays développé qui n'ait pas d'agence de réglementation nationale. Je crois que nous sommes le seul pays au monde qui n'en a pas.

Le président : L'OCDE dit la même chose.

M. Brown : Nous accusons un grand retard dans ce domaine.

Notre système ne peut fonctionner que grâce à la bonne volonté et aux ressources des diverses commissions du pays. Nous nous en accommodons. Nous avons fait beaucoup de travail en coulisses, mais quels que soient les efforts que nous déployons, nous n'arrivons pas à mettre en place un régime réglementaire efficace en ce qui a trait aux coûts, aux échéances et aux temps de réaction. Il y a trop d'intervenants pour que ce soit possible. Il est temps, et même plus que temps, de résoudre ces problèmes.

Il y a pour cela une grande volonté politique, tant au gouvernement fédéral qu'au gouvernement de l'Ontario, et des négociations se poursuivent avec d'autres provinces du pays. À mon avis, nous faisons plus de progrès que par le passé, mais ces progrès demeurent lents. Je dis toujours aux gens que nous avons franchi le point de non-retour et il ne faut plus maintenant se demander si le problème sera réglé, mais plutôt quand il le sera et comment.

Le sénateur Kelleher : Si ces mesures étaient appliquées, croyez-vous qu'elles permettraient de résoudre bon nombre des plaintes que vous recevez aujourd'hui?

M. Brown : Elles seraient grandement utiles. Bon nombre de ces plaintes sont locales et même s'il y avait un organisme de réglementation national, elles seraient encore traitées à l'échelle locale. Elles seraient traitées par le bureau local de l'organisme de réglementation des valeurs mobilières.

S'il y avait un organisme national de réglementation, je crois qu'il y aurait plus d'uniformité et moins de confusion et de fragmentation pour les investisseurs. À l'heure actuelle, les investisseurs font des transactions dans d'autres provinces. Les gens de Toronto investissent dans des sociétés de l'Ouest, par exemple. Un organisme national de réglementation permettrait de réduire la confusion.

Comme je l'ai dit en réponse au sénateur Grafstein, on dépense de l'argent d'un bout à l'autre du pays pour faire respecter les lois. Il existe une certaine coordination, mais cet argent serait employé de façon plus efficace s'il était rassemblé et confié à un seul organisme de réglementation.

Le sénateur Meighen : Si la solution idéale est d'avoir un organisme national de réglementation, dans quelle mesure serait-on plus près d'atteindre cet idéal s'il y avait un organisme pour le Québec et un autre pour le reste du Canada?

M. Brown : Il y aurait deux organismes de réglementation au lieu de 13, et donc nous serions mathématiquement dans la bonne voie. Mais pour être réaliste, si une décision était prise dans ce sens, il se pourrait que les provinces, à l'exception du Québec, forment ensemble un organisme de réglementation.

Il serait possible à mon avis de créer une interface entre l'organisme de réglementation du Québec et celui du reste du pays, et tout cela pourrait fonctionner de façon harmonieuse. Ce serait plus facile que d'essayer d'utiliser l'interface qui existe maintenant. Ce serait une amélioration. Ce ne serait pas l'idéal, je crois, mais ce serait un pas dans la bonne direction.

Le sénateur Fitzpatrick : Monsieur Brown, je suis désolé de ne pas avoir été ici pour entendre vos remarques préliminaires. Ma question vise à obtenir de vous un commentaire plutôt qu'une réponse absolue. J'ai de la difficulté à trouver le juste milieu entre la création d'un code de conduite ou d'éthique au sein de l'industrie, d'une part, et la dépendance à des règles et au respect des règles, d'autre part, qu'il s'agisse de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario ou des bourses. On a parlé de l'affaire Bre-X, et vous avez mentionné les nouvelles exigences en matière de divulgation de renseignements sur les ressources minérales. À mon avis, il est important que les règles de divulgation de ces renseignements soient mieux définies.

Malgré ces règles, il est encore possible d'être malhonnête, de frauder les investisseurs et les employés de sa propre entreprise.

Je crois savoir qu'à l'heure actuelle, la Bourse de Toronto confie à des sous-traitants l'examen de ces règles au sujet des ressources minérales. Par exemple, si un expert-conseil ou votre propre entreprise a découvert une ressource minérale, il lui est impossible de discuter de cette ressource avec le service chargé du respect des règles. Peut-être est-on allé trop loin dans l'autre sens. Je ne suis pas certain qu'il existe de solution parfaite, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Je vous félicite de l'information que vous communiquez au public, mais il me semble qu'on devrait accorder plus d'attention au calibre des personnes en cause et aux exigences, plutôt que de s'en remettre à des règles qui peuvent être contournées ou violées.

M. Brown : Sénateur, vous avez commencé par parler de juste milieu. Vous avez touché l'élément le plus important. Un système qui ne se fonde que sur des règles est menacé de nombreux dangers. Les gens trouvent toujours le moyen de contourner les règles. Un système uniquement fondé sur un code de conduite ou sur des principes présente aussi des dangers car on ne peut jamais les faire appliquer. Et il faut certainement faire appliquer les codes de conduite ou les principes.

Nous avons examiné comment certaines de nos règles ont vu le jour. Elles ont principalement été mises en place en raison des pressions exercées par ceux qui doivent respecter des principes, quels qu'ils soient. Ces gens veulent savoir ce qu'ils doivent faire. Ils doivent savoir avec certitude s'ils respectent ou non les règles.

Il faut effectivement un juste milieu. Il faut pouvoir articuler les principes afin que les gens les comprennent et puissent avoir une idée d'où se situent les limites. Il faut cependant compléter ces principes au moyen de lignes directrices, de règles ou d'autres mesures afin que les gens puissent être certains de l'endroit où ils se situent au sein de la structure; et il faut aussi pouvoir faire respecter ces règles. Dans le cas de l'application des règles, nous devons prouver à un tribunal que la conduite était contraire aux règles, soit au-delà de tout doute raisonnable, soit selon la prépondérance des probabilités. Il nous faut des critères. À mon avis, nous avons trouvé ce juste milieu, mais nous devons toujours l'ajuster.

Votre deuxième question était de savoir qui examine les normes. Je ne saurais parler au nom de la Bourse de Toronto, mais la commission possède à l'interne des experts du secteur minier. Lorsqu'une société minière dépose des prospectus et des documents, nos experts de ce secteur les examinent. Nous complèterons ces ressources au besoin, mais pas au moyen de sous-traitance; nous embaucherons des gens.

Le sénateur Fitzpatrick : Existe-t-il un rapport quelconque entre la société — l'entrepreneur — et la commission pour ce qui est d'interpréter les règles ou de définir une ressource?

M. Brown : Tout à fait; les sociétés déposent souvent des documents préalables afin que nous puissions y réagir ou que nous puissions leur donner des conseils. Il existe un dialogue.

Le sénateur Fitzpatrick : Vous estimez donc que c'est important?

M. Brown : Tout à fait.

Le sénateur Massicotte : Au cours des dernières années, la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario a été beaucoup plus proactive, grâce probablement à vos efforts. À mon avis, vous vous orientez dans la bonne voie.

Les conseils d'administration sont l'un des outils qui permettent de bien gérer une société. Vous avez adopté des directives — 13 ou 17 directives — qui servent à guider les chefs d'entreprise vers une meilleure gouvernance. Il y a aussi un débat constant sur la capacité limitée des actionnaires d'exprimer leurs vœux. Comme vous le savez, il y a eu un long débat à ce sujet à la SEC. On a eu un groupe de discussion, elle a adopté diverses positions, puis elle s'est effacée. Un grand nombre d'actionnaires ont le sentiment qu'on les entend mal et qu'ils sont mall représentés au sein des conseils d'administration.

Au Royaume-Uni, il existe une disposition permettant un vote consultatif non exécutoire sur la rémunération des cadres, par exemple. Quelles mesures pourrait-on ou devrait-on prendre pour garantir que les actionnaires puissent mieux exprimer leur volonté et pour que le conseil représente leurs intérêts au lieu d'être complice de la direction?

M. Brown : Ces questions ne font pas actuellement partie de nos priorités. C'est dû en partie au fait que le débat fait rage dans d'autres pays. Nous n'avons pas reçu d'indication claire dans un sens ou dans l'autre.

Nous avons pris certaines décisions et nous continuons d'y travailler. Par exemple, nous exigeons maintenant que les fonds mutuels identifient leurs investissements. Nous exigeons que les sociétés communiquent les résultats des votes de leur conseil d'administration. Je sais que c'est minime.

En ce qui a trait aux valeurs mobilières, l'octroi de pouvoirs plus grands aux actionnaires ne retient pas actuellement notre attention. La Loi canadienne sur les sociétés par actions a récemment été modifiée afin de permettre plus de communication entre les principaux actionnaires et d'éviter les écarts aux règles qui régissent les procurations. Le gouvernement de l'Ontario a annoncé qu'il examinait sérieusement cette question et qu'il a l'intention de présenter à l'automne une série de mesures législatives visant à résoudre ce problème et d'autres.

Le président : Nous avons entendu des plaintes au sujet de montants énormes de rémunération approuvés par de soi- disant conseils d'administration indépendants, des sommes bien supérieures à ce que permettrait le prix des actions. Vous avez également entendu parler de ces cas. On en trouve des exemples tous les jours dans les pages du monde des affaires des journaux.

Nous croyons, et je suppose que c'est ce que dit le sénateur Massicotte, qu'il s'agit d'une question de réglementation et de gouvernance. En fin de compte, le public se tourne vers l'organisme de réglementation, et non vers les mécanismes internes de l'entreprise, pour corriger ce problème. Le débat fait rage à ce sujet en Australie, en Allemagne, en France et en Angleterre, mais nous n'en trouvons pas d'écho ici. Je ne voudrais pas faire dire au sénateur Massicotte ce qu'il n'a pas dit, mais cela devrait être à mon avis une question hautement prioritaire pour l'organisme de réglementation principal du Canada. Sénateur Massicotte, excusez-moi, j'espère que je n'ai pas mal interprété vos propos.

M. Brown : Vous avez mentionné deux éléments de réglementation qui sont déjà en place à notre avis. Il y a d'abord l'échelon de la gouvernance lui-même. Nous avons principalement voulu nous assurer que cet échelon est robuste. Nos directives exigent maintenant qu'il existe un comité de la rémunération totalement indépendant de la direction ou du conseil d'administration.

Nous avons voulu nous assurer qu'il y ait en place des systèmes de gouvernance solides indépendants du PDG; toutefois, s'il existe un conseil indépendant et un comité de rémunération, nous savons que nous devons nous fier à leur discernement dans leurs décisions.

Nous nous fondons également sur la transparence. Nous avons des règles selon lesquelles les sociétés sont tenues de divulguer le montant de la rémunération. Nous venons de régler certains aspects de ce domaine, surtout en ce qui a trait au régime de pensions, afin que des coûts qui étaient auparavant cachés en matière de pension soient maintenant visibles.

Nous comptons sur le fait que la gouvernance et les forces éclairées du marché exerceront les pressions nécessaires pour obtenir les résultats dont vous avez parlé.

Le sénateur Massicotte : J'ai une observation à ce sujet. Je suis sûr que nous avons tous lu les mêmes articles. Même dans le cas de la rémunération, on ne sait pas très bien s'il faut faire rapport des sommes payées ou des sommes cumulées. Une firme, le CN ou le CP, je crois, a obtenu une solution plus avantageuse. Il est très difficile de comprendre quel est le montant total de la rémunération des personnes parce que les options sont comptabilisées comme si elles avaient été exercées.

La seule observation que je ferai pour insister sur l'importance de ce sujet c'est que, si vous examinez les sondages réalisés auprès des consommateurs ou des épargnants, on constate une baisse marquée de leur confiance dans les chefs d'entreprise. Ils expliquent cette baisse par deux raisons : il y a d'abord les divers scandales Enron de ce monde, mais en outre, l'épargnant moyen a l'impression que la rémunération des cadres est ecessive. Je suis d'accord pour qu'on délègue des pouvoirs aux conseils d'administration, mais il faut voir à ce que ces conseils tiennent compte de l'opinion des actionnaires et pas seulement de leurs relations étroites avec la direction, ce qui est trop souvent le cas.

M. Brown : J'ai oublié de mentionner quelque chose tout à l'heure au sujet de la comptabilisation des options. Nous avons à ce sujet une longueur d'avance sur les États-Unis. Il y a eu un énorme débat aux États-Unis au sujet de la comptabilisation des options, un débat alimenté par le cas de Silicone Valley. On ne sait pas vraiment si les Américains régleront le problème grâce à la règle qui existe chez eux.

Au Canada, nous exigeons maintenant que l'on révèle les dépenses concernant les options d'achat d'actions.

Le président : Monsieur Brown, j'ai une dernière question. Nous nous sommes attaqués à la question de la lenteur à mettre sur pied une commission des valeurs mobilières. Nous sommes tous du même avis. Le gouvernement fédéral travaille à ce dossier depuis plus de 40 ans — j'y travaille moi-même — et nous n'avons pas fait grand progrès dans la création d'une autorité centrale.

Notre autre option, qui permettrait un progrès lent mais certain et probablement inévitable, serait d'accélérer la création d'un mécanisme central de poursuites, puisque le Code criminel nous y autorise clairement. Nous allons tout à l'heure en entendre davantage à ce sujet de l'EIPMF.

Que penseriez-vous d'un mécanisme fédéral central de poursuites doté d'information venant des diverses commissions de valeurs mobilières et de bourses comme la vôtre, et appuyé par ces groupes de travail, afin de mieux concentrer les efforts?

M. Brown : Je ne comprends pas comment cela rendrait les choses différentes. La GRC est une agence fédérale d'exécution des lois. J'aurais cru qu'à ce titre du moins elle correspondrait à votre définition d'une autorité centrale.

Le président : C'est le cas.

M. Brown : Proposez-vous que le procureur général fédéral reprenne les fonctions des procureurs généraux des provinces en ce qui a trait aux poursuites?

Le président : Ce dont je parle, c'est d'un mécanisme de poursuites plus centralisé. Je ne dis pas qu'il relèverait du procureur général du Canada, mais ce mécanisme central pourrait être coordonné par le gouvernement fédéral avec les provinces, puisque des procureurs fédéraux et provinciaux oeuvrent à l'application des mêmes lois. En cas d'infraction au Code criminel, chaque province peut intenter des poursuites, tout comme les procureurs fédéraux. Dans certains cas, il s'agit d'une responsabilité partagée. Le but serait de réunir toutes les compétences en un même endroit afin que tout cela soit plus rentable, comme vous l'avez dit.

M. Brown : Je peux répondre à votre question en vous parlant de notre expérience à titre d'organisme de réglementation des valeurs mobilières. Il y a quelques années, nos gens chargés de l'application pancanadienne des règles se réunissaient rarement. Lorsqu'ils le faisaient, c'était au moyen d'appels téléphoniques de conférence qui duraient plusieurs heures. Ils se réunissent maintenant très fréquemment. Leurs réunions durent généralement deux jours et ils manquent toujours de temps en raison du nombre de questions que nous coordonnons maintenant pour l'ensemble du pays. C'est l'une des raisons pour lesquelles il est aussi important de créer une commission nationale. Nous constatons qu'il y a un besoin accru de coordination dans l'ensemble du pays.

Je crois que cette analogie peut vous aider dans votre réflexion.

Le président : Vous avez fait tout ce que vous pouviez. Je vous en remercie.

Monsieur Brown, nous voulons vous féliciter des efforts que vous avez faits en Ontario. Nous comprenons la complexité des problèmes et le besoin d'harmonisation. Notre comité étudie la productivité, et nous croyons que notre incapacité à créer une commission des valeurs mobilières nuit à la productivité de notre pays. Nous vous demandons de continuer votre lutte, même si vous quittez vos fonctions officielles. Vous avez été la voix de la raison et un vrai leader dans cette lutte pour susciter une volonté politique en vue de résoudre certains de ces problèmes systémiques. Nous vous souhaitons bonne chance dans votre carrière future.

Madame Dey, merci à vous aussi d'être venue. Vous avez été éloquente par votre silence.

Nous allons maintenant entendre à titre de représentant de la GRC un surintendant principal qui est également directeur général d'un groupe de travail spécial sur les crimes financiers et les fraudes, ce qui n'est pas sans rapport avec le secteur des valeurs mobilières.

C'est avec grand plaisir que nous accueillons à nouveau le surintendant principal German et le surintendant John Sliter. Ils ont déjà témoigné devant nous. Nous leur avons demandé de revenir pour répondre à des questions. Nous avons déjà le témoignage complet qu'ils ont présenté à leur dernière comparution. Comme vous le savez, nous faisons une étude continue des questions relatives à la protection des consommateurs dans le secteur financier.

Vous avez entendu nos préoccupations quant à savoir si deux problèmes ont été bien réglés afin que le secteur financier de l'économie canadienne soit non seulement efficace mais aussi juste et équitable. Ces deux problèmes sont le manque de centralisation, dont nous avons entendu parler aujourd'hui, et le manque de ressources.

Les sénateurs auront probablement des questions à vous poser, mais j'aimerais que vous répondiez à celle-ci. Devrions-nous avoir une commission centrale et devrions-nous augmenter les sommes qui vous sont attribuées?

La dernière fois, surintendant German, vous nous avez dit que vous aviez reçu vos 30 millions de dollars et que vous étiez en bonne voie d'utiliser cet argent, mais que vous n'aviez pas eu l'occasion de l'adopter. Comme on l'a dit précédemment aujourd'hui, il s'agit d'un secteur de 1,3 billion de dollars. Et pourtant, on consacre moins d'un centième de un pour cent à la protection des consommateurs contre des actes criminels flagrants.

C'est mince en comparaison. D'après les chiffres que nous avons entendus, vous recevez 30 millions de dollars, on octroie 20 millions de dollars à la Bourse de Toronto et un montant semblable à chacune des autres bourses. Par conséquent, la somme consacrée à lutter contre les actes criminels représente au total 70 millions de dollars pour un secteur de 1,3 billion de dollars par an.

Ma première question est la suivante : est-ce suffisant?

Le surintendant principal Peter M. German, directeur général, Criminalité financière, Gendarmerie royale du Canada : Merci de nous entendre de nouveau, monsieur le président. Nous apprécions beaucoup votre invitation. Nous avons été heureux de comparaître devant vous la dernière fois et je suis sûr qu'il en sera ainsi aujourd'hui. Nous vous aiderons dans toute la mesure du possible. Nous apprécions le travail de votre comité. Nous visons tous le même objectif.

Permettez-moi de vous situer dans le contexte avant de répondre à votre question. Quand vous m'avez présenté, vous avez dit que j'étais chargé d'un groupe de travail. C'est un peu plus que cela et c'est un peu plus complexe.

Je suis le directeur général de la Direction de la criminalité financière. Je suis chargé de trois directions. La première est celle de la criminalité commerciale classique. Cette direction s'occupe de tous les crimes dans ce domaine. Pour ceux qui ne connaissent pas très bien le sujet, il s'agit entre autres de la fausse monnaie, des enquêtes sur la corruption, de fraude d'entreprise, des fraudes de sécurité mobilière, des fraudes de télémarketing, des fraudes contre le gouvernement fédéral et de celles contre les gouvernements provinciaux, des fraudes générales et du vol d'identité. C'est un domaine très général.

La seconde direction est celle du produit de la criminalité, qui lutte contre le blanchiment d'argent, une activité étroitement associée au crime organisé. Cette direction est chargée de suivre des pistes administratives pour recouvrer le produit de la criminalité. Le troisième secteur, le plus récent, est celui des équipes intégrées de la police des marchés financiers. Ces équipes ont été mises sur pied au Canada après l'affaire Enron.

Les chiffres dont vous avez parlé visent l'EIPMF. Les divisions du produit de la criminalité et des crimes commerciaux ont un financement distinct.

Le président : Ces sommes sont-elles toutes associées aux EIPMF?

M. German : Oui. Ces 30 millions de dollars financent un partenariat intégré avec le ministère de la Justice. La participation de la GRC représente environ les deux tiers de ce montant, soit environ 20 millions de dollars pour les EIPMF. Je crois savoir que vous ne vous préoccupez pas nécessairement des fraudes d'entreprise de haut niveau. Vous vous intéressez davantage aux questions relatives aux investisseurs qui relèvent probablement du domaine des délits commerciaux, dont s'occupe la direction chargée de tous ces crimes, d'une façon générale.

Pour dresser un tableau financier général, je dirais que nous disposons d'environ 100 millions de dollars à la GRC pour lutter contre les crimes financiers dans ces trois domaines. Les enquêtes sur les produits de la criminalité reçoivent environ 40 millions de dollars et environ 20 millions de dollars sont attribués aux EIPMF. Il reste donc environ 40 millions de dollars pour la Direction des délits commerciaux. Nous pouvons vous donner une ventilation plus précise, si vous le souhaitez.

En ce qui concerne les questions relatives à la gouvernance des entreprises, j'ai dit lors de notre dernière comparution que les EIPMF en sont à la dernière année d'un processus de mise en œuvre de trois ans. Nous attendons maintenant l'approbation du Conseil du Trésor pour la mise sur pied de nos dernières équipes. Ensuite, nous pourrons fonctionner à pleine capacité.

J'ai été encouragé d'entendre M. Brown dire qu'il était heureux de ce qui avait été fait jusqu'à présent dans les EIPFM. Nous en sommes satisfaits nous aussi, mais rien n'est sans difficulté et rien n'est parfait. Nous travaillons très fort pour que ce soit efficace. Une fois que ces équipes fonctionneront à la fin de la période de trois ans, nous pourrons évaluer si nos ressources sont suffisantes.

Toutefois, la situation actuelle de la Direction des délits commerciaux est une question entièrement différente.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Je suis content de voir que les budgets sont suffisants. En tant qu'homme d'affaires, je vois beaucoup de pratiques douteuses tels le blanchiment d'argent et l'évasion fiscale. Personnellement, je crains que ces nombreuses pratiques illégales n'entraînent de la méfiance de la part des citoyens vis-à-vis le milieu des affaires et même de notre système judiciaire. Le volume de ces transactions est beaucoup plus important qu'on peut le croire.

Pouvez-vous nous offrir l'assurance que vous vous occupez de ces problèmes très répandus? Si oui, à quelles difficultés vous butez-vous et de quelle façon vous y attaquez-vous?

[Traduction]

M. German : Nous sommes tout à fait au courant de la situation. Comme je l'ai dit la dernière fois, nous ne manquons pas de problèmes auxquels nous attaquer. Nous recevons beaucoup plus de plaintes que nous ne pouvons possiblement en traiter. Je crains que cela fasse partie de la nature des enquêtes sur les fraudes.

Nous disposons d'un système assez perfectionné, semblable à celui de la CVMO, pour sélectionner les cas sur lesquels nous sommes mieux en mesure de faire enquête. Nous ne faisons pas enquête sur la plupart des plaintes que nous recevons. Même si on augmentait énormément nos ressources, ce serait encore impossible. Il suffit de voir les statistiques brutes du projet PhoneBuster. Il y a de nombreux cas de fraude de télémarketing et de vol d'identité, et nous essayons de traiter ces problèmes de façon intelligente. Nous savons que nous ne pouvons pas traiter tous les cas de fraude. Nous essayons d'établir des modèles et de trouver des organisations et des personnes que nous pouvons cibler.

Pour ce qui est de résoudre le problème, cela dépend entièrement des ressources qui nous sont affectées. Nous faisons de notre mieux pour régler efficacement le problème en fonction des moyens dont nous disposons. J'ai déjà expliqué la situation des EIPMF.

Par contre, les problèmes au Canada ne sont pas nécessairement différents de ceux des autres nations. La fraude n'est pas un crime particulier au Canada. C'est un problème mondial, tout comme le blanchiment d'argent et la corruption. Notre pays n'est pas nécessairement une cible pour ce genre d'activités.

Il y a probablement ici plus de télémarketing frauduleux, et c'est déplorable. Mais dans d'autres pays, il y a un plus grand nombre d'autres délits commerciaux. Nous ne sommes pas les seuls à connaître ces problèmes, mais le Canada offre de nombreuses cibles.

[Français]

Le sénateur Massicotte : En ce qui concerne la contrefaçon de la monnaie, le volume des contraventions a augmenté énormément depuis cinq ans bien que la Banque du Canada émette des billets de plus en plus difficiles à imiter afin de se prémunir contre ce crime. Le problème est que les peines sont minimes pour les fraudeurs qui se font prendre. Y a-t- il moyen de faire comprendre à la population à quel point les conséquences de ces fraudes nuisent à l'économie en général?

[Traduction]

M. German : Nous avons mis au point une stratégie de lutte contre la fausse monnaie, de concert avec la Banque du Canada, pour régler ce problème. Il existe des liens étroits entre notre commissaire et le gouverneur Dodge. Nous nous sommes réunis et nous avons examiné le problème.

Il y a eu une grande augmentation dans la quantité de fausse monnaie au cours des dernières années, une augmentation qui a même faussé nos statistiques nationales sur le crime.

La solution ne pose pas vraiment de problème. Notre direction des délits commerciaux n'a pas été en mesure de consacrer beaucoup de ressources à ce problème depuis dix ans en raison du grand nombre de problèmes dont elle s'occupe. C'est l'un des dossiers qui réclame des mesures, comme c'était le cas de la gouvernance des entreprises avant la création des EIPMF.

Nous avons une stratégie et la Banque du Canada nous appuie. À l'heure actuelle, nous cherchons du financement pour cette stratégie. Tout nous laisse croire que le gouvernement appuie notre orientation. Nous croyons que nous pouvons régler le problème de la fausse monnaie du point de vue de l'application des lois au moyen de deux ou trois équipes bien ciblées.

Je dois dire que la Banque du Canada examine d'autres éléments de solution, entre autres la prévention et l'éducation. Nous participons activement à cet effort. En outre, la banque a modifié le dessin et les éléments de sécurité de notre devise, et nous espérons que cela sera utile. Le problème ne peut pas être réglé simplement par des efforts policiers.

L'un des problèmes de la fausse monnaie, c'est que le crime organisé n'est plus cloisonné. On le trouve dans le trafic de la drogue, dans les fraudes de valeurs mobilières et dans tout ce qui peut rapporter de l'argent. Comme ils obtiennent de meilleurs résultats lorsqu'ils collaborent, les groupes du crime organisé constituent des partenariats, tout comme les services policiers. Nous avons constaté que la production de fausse monnaie ne met plus seulement en cause quelques bons imprimeurs; elle est devenue une activité organisée et ses exploitants continueront de produire jusqu'à ce que ce ne soit plus rentable.

Le président : Pourriez-vous donner au comité des chiffres afin que nous puissions évaluer l'ampleur du problème?

M. German : Je n'ai pas les chiffres de Statistiques Canada sous les yeux, mais nous estimons qu'il y a eu une augmentation de 400 à 500 p. 100 de la production de fausse monnaie depuis dix ans.

Le président : Est-ce un chiffre général?

M. German : Je ne saurais dire combien cela représente au total en dollars. Je devrai chercher ce chiffre, et je pourrai sans doute l'obtenir facilement. Il s'agit de millions de dollars, mais le problème le plus grave, c'est la perte de confiance dans la devise. Par exemple, que ce produit-il lorsqu'un magasin n'accepte plus les billets de 50 $ ou de 100 $? On peut se demander quand les magasins cesseront d'accepter les billets de 20 $. Même si l'inquiétude est totalement sans rapport avec les chiffres, il est important que les citoyens fassent confiance à la devise.

Le sénateur Massicotte : La meilleure preuve en est que des dépanneurs n'acceptent plus les billets de 50 $. La perte de confiance des citoyens dans leur devise pose un énorme problème pour l'économie nationale.

Le sénateur Kelleher : Je ne veux pas parler des questions relatives aux EIPMF, car M. Brown a rassuré le comité à cet égard. Je suis toutefois préoccupé par les crimes dits de cols blancs en général. Vous avez dit je crois qu'il n'y a pas d'enquête sur la majorité des plaintes. D'après mes sources, je crois savoir que c'est parce que la GRC n'a pas les ressources nécessaires pour faire ces enquêtes.

Pourriez-vous quantifier ce problème afin de préciser ce qui en est? Qu'entendiez-vous par « la majorité des plaintes »? S'il n'en tenait qu'à vous, de combien d'argent auriez-vous besoin pour résoudre ce problème?

M. German : En tant qu'ancien solliciteur général, sénateur Kelleher, vous connaissez bien les priorités en concurrence qu'il faut financer; nous le reconnaissons également. Dans le domaine des fraudes et des délits commerciaux, nous sommes nombreux à nous partager les mêmes dollars; et nous le reconnaissons également. Il est impossible de quantifier la somme que nous aimerions avoir. Tout ce que je puis dire, c'est que nous avons essayé de procéder de façon professionnelle et systématique. Prenez le cas des faux billets; il n'y a pas d'enquête sur la plupart des incidents. Un agent se rend au magasin, il saisit un billet et l'inscrit dans l'inventaire, mais il n'y a pas d'enquête. Le billet s'ajoute à la collection générale des faux billets saisis. Nous faisons une analyse pour déterminer s'il y a des similarités avec un modèle, mais c'est à peu près tout. Il n'y a généralement pas de suspect et nous ne pouvons pas consacrer des ressources policières à une enquête.

Il arrive parfois cependant qu'un incident mette en cause des suspects. Par exemple, on peut reconnaître les plaques minéralogiques d'un véhicule. Cela pourrait nous mener à d'autres indices. Nous examinons ces cas, mais nous ne pouvons pas les examiner tous car ce ne serait pas une bonne façon d'utiliser l'argent des contribuables. Nous devons procéder de façon intelligente et systématique. Nous avons besoin de ressources suffisantes pour poursuivre les suspects.

Nous avons de cinq à dix employés à plein temps qui travaillent à notre stratégie de lutte contre la fausse monnaie au Canada. C'est tout. Nous estimons que pour faire du bon travail dans ce domaine en collaboration avec les policiers locaux, qui sont essentiels à la stratégie, pour procéder de façon intégrée, il nous faudrait probablement 30 personnes de plus. Ce n'est pas un nombre énorme. Nous ne cherchons pas non plus à engager de nouveaux agents, car nous verrons comment nous pouvons redistribuer à l'interne les ressources que nous avons déjà. La stratégie actuelle consiste à utiliser le mieux possible les ressources dont nous disposons déjà. Tous ces domaines sont différents, du télémarketing à la gouvernance d'entreprise. Il est impossible de fournir au comité un chiffre exact sans examiner d'abord chacun de ces domaines.

Je vais demander au surintendant Sliter de fournir au comité des chiffres au sujet de « la majorité des plaintes » et de décrire comment nous faisons le tri pour choisir les cas à traiter. Le surintendant Sliter sait comment ces plaintes sont reçues et comment les enquêtes se déroulent.

Le sénateur Kelleher : Malheureusement, je continue de recevoir ces plaintes.

Le surintendant J.R. (John) Sliter, directeur, Programme de l'équipe intégrée de la police des marchés, Opérations fédérales et internationales, Gendarmerie royale du Canada : Pour ce qui est de classer par ordre de priorité toutes les plaintes que nous recevons, je dirai que sur les quelques 5 000 plaintes relatives à des crimes économiques, 200 sont transférées à l'EIPM.

Nous classons les cas par ordre de priorité et nous utilisons un système de points semblable à celui décrit par le président de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. Comme le surintendant principal German l'a décrit, il s'agit de déterminer dans quel cas il sera plus possible de recueillir des preuves et quel cas mérite une enquête. Cela nous permet de déterminer quels sont nos besoins en matière de ressources. Par exemple, nous avons pu utiliser une étude de KPMG de 1998 dans le programme des EIPMF afin d'établir que les cas hautement prioritaires auxquels nous consacrons dix heures ou moins ne nécessitent pas une enquête. On pourrait supposer que ces cas étaient suffisamment prioritaires pour donner lieu à une enquête, même si cela n'a pas été le cas, et on pourrait ainsi en arriver à une méthode scientifique pour déterminer les exigences en matière de ressources.

Nous avons utilisé cette méthode pour les EIPMF et nous avons calculé qu'un effectif de 106 personnes répondrait à nos besoins.

Le sénateur Kelleher : Ce que je veux savoir, c'est le nombre total des cas qui ne font pas l'objet d'une enquête. Ce chiffre est-il disponible?

Le président : Nous sommes revenus au modèle statistique du nombre de plaintes par rapport au nombre d'enquêtes. Dans quelle mesure le public participe-t-il aux plaintes qui vous sont transmises?

M. German : Nous pouvons peut-être parler des appels reçus par le programme PhoneBusters, le centre d'appel anti- fraude du Canada.

Le président : Compte tenu du temps disponible, donnez-nous une idée du nombre de plaintes qui arrivent, du nombre de plaintes traitées et de celles que vous laissez tomber. Ce qui intéresse le comité, c'est le secteur des services financiers.

M. Sliter : Dans le cadre des échanges d'information sur les crimes économiques, nous recevons toute une gamme de plaintes par l'entremise du programme PhoneBusters et de la direction des délits commerciaux. Il y a aussi les plaintes que des citoyens déposent en personne à un détachement. Ces plaintes peuvent être renvoyées à l'une des commissions des valeurs mobilières ou à des services policiers.

Pour vous donner une idée des chiffres, je dois revenir aux pourcentages des EIPMF.

La vaste majorité des plaintes sont renvoyées à des organismes extérieurs car les services policiers provinciaux ou municipaux peuvent être mieux en mesure de faire enquête.

En gros — et je vais encore utiliser les EIPMF uniquement pour montrer les proportions — il peut y avoir 200 plaintes à l'entrée de l'entonnoir et huit à la sortie. Ces 200 plaintes sont celles que nous recevons et qui pourraient être renvoyées à d'autres services. Vers le milieu de l'entonnoir, nous enquêtons dans une certaine mesure pour déterminer s'il faut faire un suivi; et une fois le suivi effectué, nous devons décider s'il faut tenir une enquête complète. À la sortie du tunnel, il reste huit enquêtes, celles auxquelles nous consacrerons tous les efforts et dans lesquelles nous investirons nos ressources.

Un peu comme dans le domaine des crimes économiques en général, les plaintes à l'entrée de l'entonnoir peuvent être de simples appels d'épargnants qui ont perdu les économies de toute leur vie dans une fraude par téléphone. Cela peut sembler sans importance, mais il faut reconnaître que la personne a perdu toutes ses épargnes. Si une personne a perdu 1 000 dollars et que nous recevons 1 000 plaintes semblables, l'affaire monte rapidement dans notre ordre de priorité et pourrait justifier une enquête.

Le président : Pourriez-vous nous envoyer par écrit le nombre de plaintes, comment les plaintes sont traitées, et cetera? Vous nous en avez donné une idée générale, mais nous voudrions une analyse plus statistique afin d'en faire un examen indépendant.

M. German : Nous ferons de notre mieux. D'après mon estimation, moins de 5 p. 100 des plaintes pour fraude donnent lieu à une enquête.

Le président : L'un des témoins que nous avons entendus a dit qu'il avait présenté des plaintes aux autorités — tant à la commission des valeurs mobilières que chez-vous — et qu'il n'avait reçu aucune réponse. J'aimerais que vous nous écriviez pour nous dire pourquoi vous n'avez pas fait enquête dans ce cas. C'est M. Kyle, je crois, qui en a parlé, et cela le préoccupe encore. Il a eu l'impression que nous le traitions de façon cavalière. Ce n'était pas notre intention. Vous avez néanmoins là une occasion de répondre, à votre choix.

Le sénateur Moore : J'ai deux questions. Qu'est-ce qui peut déclencher la stratégie d'intervention rapide? Pourrait-il s'agir d'une enquête renvoyée aux EIPMF par un service extérieur, par exemple un service policier municipal ou provincial, ou la CVMO, ou s'agit-il d'une plainte sur laquelle on finira par enquêter en raison de vos propres méthodes internes — après avoir franchi toutes les étapes et après que vous ayez établi la nécessité de tenir une enquête? Comment cela fonctionne-t-il?

M. German : La stratégie d'intervention rapide est une nouveauté que nous utilisons dans les EIPMF. C'est de cette façon que nous essayons de couvrir l'ensemble du Canada avec quatre équipes. Ces quatre équipes sont situées à Montréal, à Calgary, à Toronto et à Vancouver. Que se passe-t-il s'il y a un problème important dans une entreprise dans une autre région?

L'idée consiste à composer une équipe d'environ 10 personnes et de l'amener dans cette autre région pour régler le problème. Comme l'a dit le surintendant Sliter, nous recevons des plaintes de diverses sources, et une plainte qui nécessiterait une intervention pourrait bien venir de l'extérieur de ces quatre villes.

Nous avons une intervention rapide en cours à l'heure actuelle. Le cas nous a été transmis par l'une de nos sections des délits commerciaux qui n'était pas en mesure de le traiter. La section nous a dit que le problème était important dans la province et nous a demandé de l'aide. Nous avons analysé l'affaire pour voir si elle était en relation avec d'autres cas et nous avons jugé bon d'intervenir.

Nous réunissons une équipe spéciale composée d'environ 10 personnes provenant du programme des EIPMF. Il ne s'agit pas seulement d'agents de la GRC, mais aussi de certains de nos partenaires; même la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario a contribué à ces opérations, tout comme la Organized Crime Agency de la Colombie- Britannique, par exemple. Nous avons amené tout le groupe sur place et il y a travaillé suffisamment longtemps pour régler la majeure partie du dossier et le renvoyer ensuite à la section locale des délits commerciaux.

Le sénateur Moore : De la GRC?

M. German : Oui. En fait, ces cas sont choisis de la même façon que les autres. Ils doivent répondre aux mêmes critères. C'est une stratégie que nous n'utilisons que rarement, pour régler des cas à l'extérieur des quatre villes.

Le sénateur Moore : Je remarque que quand des personnes sont choisies — et il semble que le processus de sélection soit très complexe — ces personnes doivent s'engager pour un minimum de trois à cinq ans. Quand vous procédez à des détachements, comme vous l'avez mentionné dans votre document, la durée de ces détachements était limitée à celle de l'enquête ou ces détachements servent-ils aussi à doter les EIPMF? Vous attendez-vous à ce que les personnes détachées s'engagent aussi pour une durée de trois à cinq ans?

M. German : Nous essayons d'innover autant que possible. Nous sommes prêts à accepter toute disposition qui satisfait les EIPMF. Ces équipes essaient toutes sortes de solutions nouvelles et différentes, et nous espérons pouvoir les utiliser aussi dans d'autres domaines du crime économique.

Je répondrai en bref que nos détachements sont permanents. Par exemple, les bureaux de nos EIPMF comptent des représentants de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario et de la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique; ils travaillent à plein temps avec les équipes. La durée de leur embauche dépend d'un protocole d'entente signé avec ces organismes. Je crois pouvoir dire — et le surintendant Sliter peut me reprendre si je me trompe — que nous espérons pouvoir les compter parmi les nôtres à peu près aussi longtemps que nos propres enquêteurs; c'est entre autres une question de continuité. La beauté de ces partenariats est qu'ils nous permettent de bénéficier de connaissances très utiles sur certains marchés et certains lieux.

Le sénateur Meighen : Quel pourcentage des membres des EIPMF sont des civils et quel pourcentage des agents de la GRC?

M. German : En dernière analyse, je dirais que c'est moitié-moitié, si l'on tient compte des adjoints aux enquêtes, des conseillers juridiques, des comptables judiciaires et des détachements.

Le sénateur Meighen : Ce pourcentage vous satisfait-il ou représente-t-il ce que vous obtenez? Souhaiteriez-vous qu'il soit différent?

M. German : Cela nous satisfait. Nous avons commencé à augmenter le nombre des civils, parce que nous ne vivons plus à l'époque où l'on pensait qu'un policier peut tout faire. Nous devons compter sur des experts. Nous ne pouvons pas insister pour que ces experts passent par des camps d'entraînement. Nous avons besoin d'enquêteurs qualifiés, mais nous avons aussi besoin de comptables judiciaires, d'avocats, et cetera. Les proportions au sein des EIPMF semblent fonctionner. Nous aimerions que cette répartition s'applique davantage dans nos autres secteurs plus traditionnels des délits commerciaux et économiques.

[Français]

Le sénateur Plamondon : D'abord, je dois vous dire que je suis scandalisée par le fait que seulement 5 p. 100 des plaintes que vous recevez soient enquêtées. Lorsque j'étais à la tête d'un groupe de consommateurs, j'avais vu dans une publicité trompeuse que l'on n'avait jamais de nouvelles de certaines plaintes. On a su par la suite que les plaintes sur lesquelles on avait enquêté étaient celles qui pouvaient servir d'exemple à travers le Canada.

La personne qui s'adresse à vous s'attend à ce que vous fassiez quelque chose. Vous avez un prestige, la Gendarmerie royale du Canada est une autorité. Nous dites-vous aujourd'hui que 95 p. 100 des Canadiens qui s'adressent à vous ne devraient jamais s'adresser à vous parce que vous ne les enquêtez pas?

Ma seconde question concerne la protection de la vie privée. Que faites-vous avec l'information? La mettez-vous dans une banque de données? La partagez-vous avec quelqu'un? Une fois que vous avez fait un embryon d'enquête qui n'a pas abouti, la remettez-vous au consommateur afin qu'il puisse continuer ailleurs? À quoi cela peut servir de s'adresser à vous si la personne n'est pas dans le 5 p. 100?

[Traduction]

M. German : J'ai parlé de 5 p. 100 pour vous donner une idée générale. C'est vraiment difficile à évaluer. Si l'on examine ces divers domaines — les plaintes reçues au programme PhoneBusters relativement à des fraudes de télémarketing, les plaintes sur la fausse monnaie, et cetera — dans les faits, nous ne pouvons pas actuellement enquêter sur plus de 5 p. 100 des plaintes. Je peux me tromper, le pourcentage est peut-être de 8 à 10 p. 100, mais de toute façon, ce n'est qu'un faible pourcentage.

Mais nous prenons des mesures. Il y a aussi des efforts de prévention et d'éducation.

Lorsque des gens appellent au programme PhoneBusters pour se plaindre d'avoir perdu de l'argent dans une fraude de télémarketing, par exemple, les employés du programme leur parlent et leur proposent divers recours. Nous avons même des employés plus âgés qui aident les victimes à résoudre divers problèmes. Mais vous avez raison, cependant, nous ne pouvons traiter qu'un certain pourcentage des plaintes.

Il faut aussi se rendre compte que les enquêtes sur les fraudes, comme toutes les autres enquêtes d'ailleurs, sont beaucoup plus complexes aujourd'hui qu'elles ne l'étaient auparavant. Il faut respecter les exigences de la Charte, plus particulièrement l'article 8, en ce qui a trait aux perquisitions. Ce sont des exigences relativement lourdes pour les policiers, lorsqu'ils cherchent à obtenir des documents, par exemple. Il en va de même pour la communication de renseignements. Nous consacrons beaucoup de temps dans le domaine de la communication de renseignements, par exemple. Les dossiers ne sont plus préparés aujourd'hui comme ils l'étaient il y a 10 ou 20 ans. On s'attend à beaucoup plus de la part des policiers. Je ne dis pas que ce soit une mauvaise chose. C'est probablement le contraire. Cela nécessite cependant beaucoup de temps et cela diminue nos ressources.

En ce qui a trait à la protection de la vie privée, nous sommes évidemment tenus de respecter les lois fédérales sur la protection des renseignements personnels et sur l'accès à l'information. Je crois que nous en respectons les dispositions de façon stricte. La Loi sur l'accès à l'information nous autorise à communiquer des renseignements à d'autres services policiers à des fins semblables. Et nous le faisons. Nous travaillons en étroite collaboration et de façon intégrée dans le domaine du produit de la criminalité, des EIPMF, et cetera. Il y a des échanges de renseignements. Nous ne pourrions pas faire notre travail autrement. Mais nous ne pouvons divulguer de renseignements personnels que dans la mesure où la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur l'accès à l'information nous y autorisent.

Le sénateur Plamondon : Que dites-vous aux consommateurs qui vous appellent, lorsque vous savez qu'il n'y aura pas d'enquête sur leurs plaintes? Leur expliquez-vous pourquoi? Leur dites-vous ce qu'il adviendra de leurs plaintes? Que leur dites-vous?

M. German : Nous nous attendons certes à ce que tous ceux qui traitent avec le public soient honnêtes. Je crois que nous le sommes. Par exemple, le surintendant Sliter et moi avons commencé notre carrière comme agents à battre le pavé. Les personnes avec qui nous faisons affaires sont des victimes, des citoyens moyens. C'est dans la nature même du travail des policiers. Nous nous sommes engagés à servir la population et nous faisons de notre mieux pour aider les citoyens. Je suis certain qu'il en va de même pour nos employés de première ligne. Ceux qui reçoivent les appels au programme PhoneBusters reçoivent une formation sur la façon de faire leur travail et comment traiter avec le public. Il faut être honnête quant aux attentes des gens. C'est difficile de dire aux gens qu'il n'y aura pas d'enquête sur leurs plaintes. Cela ne leur plaît guère.

Le sénateur Plamondon : Le dites-vous néanmoins?

M. German : Si nous ne leur disons pas, nous devrions le faire.

Le sénateur Plamondon : Le faites-vous?

M. German : Dans mon poste, je ne reçois pas personnellement les plaintes, mais je suis sûr que nos employés le leur disent. Sinon, s'il y a des cas où ils ne l'ont pas dit, ils l'auraient dû. La seule raison pour laquelle les agents de police ne fournissent pas aux gens tous les détails, c'est que c'est difficile. J'espère qu'ils le font. Nous devons éviter de créer des attentes qu'il y aura une enquête lorsque ce n'est pas le cas. Mais je ne saurais répondre pour tous ceux qui reçoivent des plaintes.

Le président : Merci, surintendant. Je veux que vous abordiez une question essentielle dont nous ont parlé un certain nombre de témoins, et surtout M. Brown, de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. Il s'agit de la centralisation de vos efforts par l'entremise des EIPMF. M. Brown a parlé de regrouper les commissions de valeurs mobilières en une seule commission. Nous sommes, je crois, le seul pays de l'OCDE qui ne possède pas d'organisme central de réglementation. Par conséquent notre économie nationale n'est pas aussi efficace qu'elle le devrait. Mais il y a des obstacles à cette mesure. Il a dit que nous faisions des progrès et que cette mesure était inévitable. Vous l'avez entendu dire que nous n'avons pas atteint cet objectif et que la volonté politique n'existe pas pour y parvenir.

Par contre, il nous est possible de centraliser les poursuites. On nous a dit qu'on a accéléré l'harmonisation des poursuites par l'entremise des divers organismes de réglementation du pays.

De l'avis de la GRC, serait-il efficient et efficace de centraliser les poursuites? Vous m'avez déjà entendu le dire. Je me demande si vous avez eu le temps d'y réfléchir. M. Brown s'est montré enthousiaste à cette idée, mais cela lui pose un problème du point de vue de la Constitution et des provinces. Nous avons tous entendu dire que ce serait plus efficace et plus efficient. On nous a dit que ce serait plus équitable pour les consommateurs. Si nous pouvions centraliser les poursuites, ce serait plus rentable. Qu'en pensez-vous?

M. German : Je suis peut-être encore plus prudent, mais par contre, je veux vous fournir une réponse aussi complète que possible. Il faudrait d'abord examiner quelques-uns des postulats de base, le premier étant d'ordre réglementaire plutôt que pénal. M. Brown travaille dans le domaine de la réglementation. Nous ne prétendons pas être un organisme de réglementation ou faire appliquer des règlements. Nous nous situons fermement dans le domaine pénal. Notre travail consiste à faire appliquer les lois en matière pénale.

Le président : Vous m'avez entendu expliquer les différences entre la réglementation et l'exécution des lois, entre ses responsabilités à l'échelle provinciale et le Code criminel.

M. German : Oui. Nous nous occupons de l'exécution des lois en matière pénale. La GRC est fermement d'avis que les EIPMF doivent s'occuper des dossiers qui sont principalement d'intérêt national. Nous ne nous sentons pas limités par les frontières provinciales quant aux dossiers que nous pouvons traiter. La même chose s'applique à notre section des délits commerciaux dans le cas des grandes sociétés. Si nous estimons que le dossier a une dimension nationale, nous faisons enquête, même si les actes criminels ont été commis en Ontario ou au Québec, deux provinces qui possèdent leurs propres services policiers. Heureusement, nous entretenons de bons liens de coopération avec la Sûreté du Québec et l'Escouade des crimes économiques de l'Ontario. Il ne faut pas oublier cet élément.

Nous travaillons en étroite collaboration avec toutes les commissions de valeurs mobilières avec qui nous traitons. Qu'il y ait une commission ou qu'il y en ait une douzaine, c'est à nos maîtres politiques d'en décider. Il ne m'appartient pas de répondre à cette question. Nous utiliserons le système tel qu'il est. Pour ce qui est de savoir s'il est plus facile de travailler avec une commission ou avec 12, chacun peut tirer ses propres conclusions. À l'heure actuelle, nous avons de bonnes relations avec les commissions de valeurs mobilières avec lesquelles nous travaillons.

Quand nous travaillons aux États-Unis, nous traitons avec la Securities and Exchange Commission. Aux États- Unis, il n'y a qu'un organisme de réglementation.

C'est en fait une question de politique et je ne suis pas en mesure d'y répondre.

Le président : Je comprends. Allons au cœur de la question et laissons de côté la décision politique. Voyons la chose sous l'angle d'un mécanisme de réglementation économique qui pourrait être plus efficace et plus efficient. Pourrait-on dire qu'il serait plus efficace, plus efficient, plus concurrentiel et meilleur pour la société et le marché dans son ensemble, d'avoir un système centralisé de poursuites, ou une équipe de poursuites, plutôt que de voir ces poursuites éparpillées d'un bout à l'autre du pays?

M. German : Encore une fois, sénateur, vous parlez du milieu réglementaire.

Le président : Non, je parle du milieu criminel.

M. German : Dans le milieu criminel, nous sommes déjà prêts à nous occuper des cas dans tout le pays. S'il s'agit de cas d'intérêt national, nous nous en occuperons et ferons ce que nous pourrons en fonction de nos ressources.

Nous devrions également tenir compte de l'aspect relatif aux poursuites. Je fais une distinction entre la police et les procureurs. Bien que la poursuite en vertu du Code criminel relève des provinces, des amendements récents ont engendré un virage important qui désormais permettent au gouvernement fédéral de poursuivre des cas de fraude. Étant donné que les protocoles avec les provinces sont toujours en cours, le gouvernement fédéral ne s'est pas encore prévalu de cette possibilité, mais cet outil nous donne, à certains égards, le meilleur des deux mondes. La police peut maintenant s'adresser aux provinces en leur demandant si elles sont prêtes à intenter des poursuites, et si la réponse est négative, elle peut maintenant demander la même chose au gouvernement fédéral. Le ministère de la Justice fait partie des EIPMF, où il joue le rôle de conseiller juridique et se prépare à engager des poursuites là où les provinces ne sont pas prêtes à le faire.

Le président : Pourrait-on dire que nous nous dirigeons forcément vers un système de poursuites plus efficace?

M. German : Pour ce qui est de l'aspectn ce qui concerne le volet criminel, je dirais que oui, monsieur le président.

Le président : S'il n'y a plus de questions ou d'observations, j'aimerais vous remercier, surintendant principal German et surintendant Sliter. Vous faites un travail de pionnier. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il s'agit d'un travail important et que vous travaillez aussi vite que possible mais nous aimerions vous voir mettre les bouchées doubles parce que nous sommes ici pour protéger le consommateur et pour accroître la confiance de nos investisseurs étrangers et canadiens dans notre économie. Votre travail est un élément essentiel qui permet de donner à notre économie une certaine légitimité et crédibilité. Nous vous remercions de votre travail et de vos efforts. Continuez ce beau travail. Nous exercerons une certaine pression sur les autorités pour renforcer cette volonté politique qui rendra votre travail encore plus efficace et efficient.

M. German : Je vous remercie de nous avoir invités, messieurs les sénateurs.

Le président : Il faut remercier le commissaire. En permettant votre témoignage devant le comité, il a été très utile.

M. German : Entendu, monsieur. Nous avons également l'intention de donner suite aux deux questions que vous avez soulevées. Nous donnerons notre avis sur la question concernant M. Kyle et nous tâcherons de vous fournir de plus amples statistiques.

Le président : Je vous en saurais gré. Merci beaucoup.

La séance est levée.


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