Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 17 - Témoignages du 19 octobre 2005
OTTAWA, le mercredi 19 octobre 2005
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 15 h 45 pour étudier, afin d'en faire rapport, les changements démographiques qui se produiront au Canada d'ici une vingtaine d'années.
Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Mesdames et messieurs, nous avons maintenant notre groupe complet d'experts et nous sommes ravis que vous soyez des nôtres aujourd'hui.
En plus de notre premier groupe de témoins de notre deuxième table ronde, je tiens à souhaiter la bienvenue aux membres de notre auditoire et à tous ceux qui nous regardent partout dans le monde sur Internet et qui assisteront à la retransmission de nos délibérations sur CPAC dans l'ensemble du pays.
Notre comité a pour mandat d'examiner les questions qui touchent non seulement les banques et le commerce, mais notre économie dans son ensemble. C'est la deuxième table ronde qu'organise notre comité cette année sur les questions clés qui touchent l'économie canadienne.
La première table ronde était consacrée à la productivité. Je crois que notre rapport de juin dernier a contribué à inciter les décideurs des secteurs public et privé à intégrer la productivité comme facteur clé de notre avenir économique.
La deuxième table ronde est consacrée à la question des changements démographiques, le facteur clé qui influera sur notre économie dans son ensemble dans un avenir rapproché.
Les objectifs de ces audiences sont simples : encourager les débats publics et privés et proposer des politiques pour donner suite aux incidences économiques et financières possibles du vieillissement de la population canadienne.
En dix ans seulement, on prévoit que le Canada se trouvera dans une situation sans précédent. Le Canada comptera beaucoup plus de personnes âgées, de 65 ans et plus, que de jeunes de moins de 15 ans. Dans 30 ans, il y aura au moins 2,5 personnes en âge de travailler, c'est-à-dire de 15 à 64 ans, pour chaque aîné — la moitié du ratio actuel d'environ cinq personnes en âge de travailler pour chaque citoyen âgé.
Ces tendances démographiques ne sont pas propres au Canada. Un grand nombre d'autres pays de l'OCDE vivent des changements similaires.
M. David Dodge, notre expert et excellent gouverneur de la Banque du Canada, a récemment prononcé un discours dans lequel il a insisté sur l'importance pour les décideurs d'agir dès maintenant pour s'assurer que les politiques structurelles appropriées du gouvernement soient en vigueur pour permettre de relever les défis des dix à vingt prochaines années. Cette politique essentielle devrait être en vigueur aujourd'hui. C'est une question dont il faut s'occuper dès maintenant.
Nous entendons des hypothèses contradictoires à propos des incidences possibles du vieillissement de la population sur les finances des gouvernements fédéral et provinciaux, la croissance économique, les marchés du logement, les soins de santé, le système de soins de santé, les pensions de retraite, les marchés financiers et l'épargne personnelle.
Nous avons l'intention d'entendre le point de vue d'une vaste gamme de spécialistes et d'intervenants afin de fournir au comité et à l'ensemble des Canadiens une meilleure idée des tendances démographiques futures et de leurs incidences sur l'économie et la société canadienne en général.
Nous espérons que notre étude stimulera de nouvelles réflexions et des idées stratégiques différentes et donnera lieu à des recommandations efficaces sur la façon de se préparer à ce défi démographique.
Avant de commencer, j'aimerais rappeler à ceux qui nous regardent en direct sur Internet et ceux qui écouteront la rediffusion de nos délibérations sur CPAC que nous voulons aussi connaître votre opinion. Les questions démographiques auront un impact énorme sur la vie de chaque Canadien et sur l'économie canadienne. Si vous — tous ceux qui nous écoutent — avez des commentaires à faire sur ce que vous voyez ou des réflexions à nous communiquer sur la façon d'améliorer la productivité ou sur cette question de démographie, nous vous invitons à nous envoyer un courriel à l'adresse suivante bankingbanque@senateparl.gc.ca. Cette adresse se trouve sur l'écran maintenant et paraîtra plusieurs fois au cours de nos tables rondes des deux prochains jours.
Nous tenons à ce que les Canadiens — les spécialistes et les simples Canadiens — nous envoient par courriel leurs points de vue à propos des témoignages qu'ils entendront aujourd'hui ou demain. Nous tenons à entendre vos préoccupations, vos idées et vos solutions.
Un dernier mot à propos de la personne qui nous a inspiré la tenue de ces audiences : l'honorable Paul Massicotte nous a convaincus qu'il s'agit d'un sujet indispensable que le comité devait étudier. Nous le remercions de sa proposition. Nous le félicitons de ses pouvoirs de persuasion et d'avoir réussi à convaincre le comité d'étudier cette question.
Notre premier témoin est Pamela White, directrice de la Division de la démographie à Statistique Canada. Notre deuxième témoin est Benoît Robidoux, directeur, Direction de la politique économique et fiscale, Division des études économiques et de l'analyse de la politique, à Finances Canada. Enfin, nous avons deux spécialistes provenant du cœur même de notre gouvernement — le Bureau du Conseil privé, le projet de recherche sur les politiques — Terrance Hunsley, qui est directeur principal de projet, et Alain Denhez, qui est directeur adjoint de projet.
Vous avez la parole.
Pamela White, directrice, Division de la démographie, Statistique Canada : Je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir invité Statistique Canada à comparaître devant vous aujourd'hui. Ma présentation mettra l'accent sur les enjeux démographiques auxquels doit faire face le Canada au XXIe siècle.
Je décrirai les principaux thèmes démographiques qui sont présentés de façon plus détaillée dans les documents que nous vous avons fait distribuer avant la réunion. Ces enjeux auront une influence majeure sur le portrait que présentera la population canadienne au XXIe siècle.
Le président : Madame White, s'agit-il du document intitulé « Les enjeux démographiques du Canada au début du XXIe siècle »?
Mme White : C'est exact.
Entre 1996 et 2005, la population canadienne a enregistré son plus faible taux de croissance. Pour la première fois depuis un siècle, le taux canadien est inférieur à celui des États-Unis, en raison surtout de la plus forte fécondité des femmes américaines. Toutefois, le rythme de croissance de la population canadienne reste élevé.
Il est nettement supérieur à celui des populations de l'Europe de l'Ouest et du Japon et parmi les pays du G8, le Canada présente le second plus haut taux de croissance démographique.
[Français]
L'accroissement naturel a longtemps été considéré comme le principal contributeur de la croissance démographique. Depuis le début des années 1990, ce n'est plus le cas au Canada. L'immigration internationale au Canada est devenue la principale source de croissance. Depuis 2000, plus de 60 p. 100 de la croissance de la population vient de la migration internationale. L'accroissement naturel pourrait du reste devenir négatif entre 2025 et 2030 si la fécondité se maintient au faible niveau actuel, soit environ 1,5 enfants par femme; un indice de 2,1 est requis afin de remplacer les générations.
Le Canada affiche une fécondité sous ce seuil depuis 1971. Bien que la fécondité des Autochtones demeure nettement plus élevée que celle d'autres Canadiens, la population autochtone représente seulement 3 p. 100 de la population canadienne et contribue à 7 p. 100 de la croissance démographique nationale.
[Traduction]
L'importance accrue de l'immigration dans l'accroissement démographique est une tendance lourde qui aura des effets importants sur la structure de la population en raison des caractéristiques et des comportements des immigrants.
Ceux-ci proviennent de plus en plus de l'Asie et du Moyen-Orient et ils ont tendance à s'établir dans les trois plus grandes régions métropolitaines, notamment Toronto, Vancouver et Montréal, ce qui entraîne une modification rapide de la composition ethno-raciale de leur population. Selon les projections démographiques, d'ici 2017, un Canadien sur cinq pourrait appartenir à une minorité visible, la proportion atteignant 50 p. 100 à Toronto et à Vancouver. Une proportion similaire des habitants de ces régions métropolitaines sera composée d'allophones, c'est-à-dire de personnes dont la langue maternelle n'est ni le français ni l'anglais.
L'intégration socio-économique des immigrants représentera un défi crucial pour le pays. Par exemple, le taux de faible revenu est plus élevé chez la plupart des nouveaux immigrants. En plus, on observe une détérioration de la situation économique des immigrants, et cette détérioration est apparue malgré le niveau de scolarité plus élevé des nouveaux immigrants par rapport aux Canadiens de naissance.
Le vieillissement de la population résulte de la faible fécondité et, dans une moindre mesure, de la réduction de la mortalité alors que les Canadiens vivent plus vieux en moyenne. Alors que l'immigration contribue à l'accroissement de la population, son effet sur le vieillissement démographique est marginal. De plus en plus de personnes parviennent à 65 ans, et une fois cet âge atteint, les gens vivent plus longtemps que jamais, ce qui est un immense progrès. L'espérance de vie des Canadiens atteint 77 ans et celle des Canadiennes 82 ans.
Elles se situent parmi les plus élevées au monde, seuls le Japon et quelques pays d'Europe de l'Ouest et du Nord présentent des espérances de vie plus élevées.
La proportion de personnes âgées est passée de 8 p. 100 en 1971 à 13 p. 100 aujourd'hui. Lorsque les premiers baby- boomers atteindront le groupe d'âge des 65 ans et plus, en 2011, on assistera alors, autre tendance lourde, à une augmentation rapide de la proportion de personnes âgées au sein de la population canadienne. Selon les projections, en 2031, près d'un Canadien sur quatre aura 65 ans ou plus.
D'autres pays comptent présentement une forte proportion de personnes âgées au sein de leur population. En 2001, le Royaume-Uni et la France comptaient 16 p. 100 de personnes âgées, une proportion que le Canada n'atteindra qu'en 2015.
En 2002, le Japon et l'Italie avaient 18 p. 100 de personnes âgées, une proportion que le Canada atteindra en 2020.
[Français]
Le départ à la retraite imminent des baby-boomers devrait avoir des conséquences importantes sur le marché de l'emploi au Canada. La nature exacte de ces effets est difficile à prévoir car il y a des différences importantes entre les caractéristiques du travailleur âgé d'aujourd'hui et celles de celui de demain qui auront une scolarité moyenne supérieure et un taux d'activité intérieur plus élevé, particulièrement chez les femmes.
Les habitudes de santé et le comportement sur le marché de l'emploi des personnes âgées de 55 ans et plus seront un déterminant important du fardeau du vieillissement. En résumé, depuis l'an 2000, plus de 60 p. 100 de la croissance démographique est attribuable à la migration internationale, composante qui deviendra le seul facteur de croissance si la fécondité demeure faible.
Bien que l'immigration compense le faible accroissement naturel, elle a peu d'effets sur le vieillissement de la population.
[Traduction]
Je vous remercie de votre intérêt pour la question. Je répondrai avec plaisir aux questions que vous pourriez avoir sur les enjeux démographiques que je vous ai présentés aujourd'hui.
Benoît Robidoux, directeur, Direction des politiques économique et fiscale, Division des études économiques et de l'analyse de la politique, ministère des Finances Canada : Voici un aperçu de ce que vous pouvez trouver dans ce document qui est le plan budgétaire de 2005. Je vous renvoie à l'annexe 3 du plan budgétaire, qui se trouve aussi sur notre site Web.
Le président : L'avez-vous ici?
M. Robidoux : Je ne le crois pas, car je n'avais pas compris que vous souhaitiez avoir le document en entier. Mais je pourrais vous le faire parvenir.
Le président : Très bien.
M. Robidoux : Comme l'a expliqué Mme White, le vieillissement de la population est dû à la baisse du taux de fécondité qui a suivi le baby-boom au Canada et, dans une certaine mesure, à une augmentation constante de l'espérance de vie. Il est important de comprendre que cela signifie une augmentation du nombre de personnes âgées — c'est-à-dire de 60 ans et plus — par rapport à la population active, de 14 à 64 ans. Cela déclenche toute une série de conséquences d'ordre économique et financier.
Comme l'a dit Mme White, il s'agit d'un phénomène mondial, et le Canada n'est pas le seul à le ressentir. En effet, tous les pays industrialisés et en voie de développement verront vieillir leur population. Même si, comme l'a expliqué Mme White, le Canada est un pays jeune à cet égard, les conséquences du vieillissement de la population se feront sentir plus durement au Canada que dans la plupart des autres pays industrialisés.
Parmi les pays de l'OCDE, il est probable que le Canada connaîtra la hausse la plus marquée, la sixième, du ratio des aînés à la population en âge de travailler, ce qui représente des défis de taille pour les processus financiers et économiques du Canada. Tout simplement, cela se traduira du côté financier par des pressions sur les dépenses gouvernementales liées à l'âge de sa population, comme les régimes universels de pension et de soins de santé.
Du côté économique, ce phénomène exercera des pressions à la baisse sur les centres de vie exprimées en fonction du PIB par habitant — soit la projection globale de l'économie divisée par le nombre de Canadiens participant à l'économie. Cette pression à la baisse surviendra simplement parce qu'une proportion moindre de la population travaillera. Les deux phénomènes sont liés directement.
Quelles sont les conséquences du point de vue de la politique? Nous devons tenter de réduire le fardeau de la dette le plus possible, afin d'élargir notre marge de manœuvre financière pour faire face aux pressions. Nous devons tenter de réformer les régimes de pension de l'État afin qu'ils soient soutenables sur le plan financier. Notre régime public de soins de santé doit être efficient. Notre marché du travail devra être de plus en plus englobant, puisque moins nous aurons de main-d'œuvre active, plus nous aurons une population vieillissante. Ainsi, nous pourrons faire en sorte que tous ceux qui souhaitent continuer de travailler ne soient pas confrontés à des désincitations institutionnelles ou financières. Au Canada, cela veut dire ouvrir le marché du travail aux nouveaux immigrants, aux Autochtones et aux travailleurs plus âgés qui peuvent y participer à la mesure de leurs moyens.
La dernière conséquence du point de vue politique est peut-être la plus importante : il s'agit pour le gouvernement de se fixer une politique qui soutienne la croissance de la productivité. Le sénateur Grafstein a expliqué que la table ronde précédente avait mis l'accent sur la productivité. Un pays dont la population vieillit doit miser sur la productivité pour augmenter son niveau de vie et non pas sur le marché du travail ou sur la croissance de l'emploi. Le Canada devra donc miser sur la croissance de sa productivité. Lorsque la population vieillit, il est encore plus important qu'à d'autres moments pour le gouvernement de faire en sorte que ses politiques gouvernementales soutiennent la croissance de la productivité.
En ce qui concerne les réorientations politiques, rappelons-nous qu'en 1997, le Canada a réformé le Régime de pension du Canada et le Régime de rentes du Québec.
Le fardeau de la dette du Canada diminue maintenant depuis de nombreuses années, et les travailleurs âgés prennent une part de plus en plus active au marché du travail. Au cours des dix dernières années, le taux de participation des travailleurs âgés au marché du travail a augmenté de dix points de base, ce qui est un bon rendement. La croissance de notre productivité a augmenté au cours de la dernière décennie, même si d'autres pays nous dépassent à ce point de vue. Nous faisons mieux qu'avant, mais nous pourrions faire encore mieux pour relever les défis d'un vieillissement de la population.
[Français]
Terrance Hunsley, directeur principal de projet, Projet de recherche sur les politiques : Monsieur le président, nous nous excusons de vous avoir fait attendre, mais l'horaire indiquait 16 heures.
[Traduction]
C'est peut-être un exemple de l'élasticité de la population par rapport à la main-d'œuvre disponible. C'est l'une des questions que nous aborderons avec vous.
Je crois que vous avez reçu notre nouveau rapport qui comporte beaucoup de renseignements sur les changements et les tendances démographiques. Comme vous connaissez sans doute déjà ces tendances, je ne vous les expliquerai pas en détail. J'insisterai plutôt sur des aspects de la main-d'œuvre disponible ainsi que sur la question du vieillissement de la population. Notre rapport s'intitule Encourager les choix touchant le travail et la retraire.
Le Projet de recherche sur les politiques, qui fait partie du BCP, a collaboré avec un groupe de représentants de 10 ministères et organismes à la préparation de ce rapport. Nous sommes partis du point de départ qui a été mentionné à deux reprises, soit des ratios de dépendance. Qu'on tienne compte du ratio de dépendance global ou du ratio de dépendance des personnes âgées par rapport à la population en général, il est bien évident que le segment de la population qui va croître, c'est celui des personnes âgées.
Il ne convient cependant pas de présumer qu'on constatera le même changement dans la proportion du nombre de travailleurs sur lequel s'appuiera cette population sans prendre en compte deux ou trois importantes tendances secondaires. La première de ces tendances secondaires est l'augmentation de la participation des femmes dans la population active au cours du dernier quart de siècle. Cette tendance a modifié le nombre de travailleurs composant la population active en âge de travailler. Le nombre d'heures de travail dans ce groupe d'âge a donc augmenté.
La deuxième tendance secondaire est qu'à mesure que le niveau de scolarisation de la population augmente, le nombre d'heures passées au sein de la population active par travailleur pour toute la vie augmente. Le document qui vous a été remis comporte un graphique intéressant à cet égard. Nous avons étudié le cas des hommes, mais les mêmes conclusions s'appliquent dans le cas des femmes. Les personnes qui obtiennent un diplôme universitaire travaillent habituellement pendant leur vie quatre ans de plus que les personnes qui n'ont pas terminé leurs études secondaires.
Cette tendance secondaire peut sembler étonnante parce qu'on pourrait penser que les personnes qui n'ont pas terminé leurs études secondaires entrent sur le marché du travail plus tôt et le quittent plus tard. Or, diverses raisons comme le chômage et l'existence d'incapacité expliquent cette situation.
Ces deux tendances secondaires ont pour résultat de modérer les pénuries prévues de main-d'œuvre. Nous constaterons une diminution de l'offre globale de main-d'œuvre par rapport à la population en général, mais cette diminution sera moins marquée que pourraient le laisser penser les tendances démographiques. L'offre relative de main-d'œuvre diminuera de 5 p. 100 entre 2010 et 2040. Malgré cela, cette diminution globale de l'offre de main- d'œuvre posera de graves problèmes. Nous croyons cependant qu'il ne s'agira pas d'une crise, mais d'un défi à relever. C'est sans doute la plus importante constatation de notre rapport.
Nous concluons que le vieillissement de la population pose un grave problème au Canada et qu'à compter de 2010, compte tenu du fait que la taille relative de la population active commencera à diminuer, ce phénomène aura des conséquences négatives pour les revenus du gouvernement ainsi que le taux de croissance de l'économie.
Il deviendra donc important d'optimiser l'offre en main-d'œuvre. Notre rapport insiste donc par la suite sur la façon d'encourager les travailleurs âgés à demeurer au sein de la population active.
Notre étude conclut qu'on offrira davantage d'incitatifs aux travailleurs âgés pour les inciter à demeurer au travail. Si nous pouvons éliminer certaines des dispositions de nos régimes de retraite publics et privés incluses dans la Loi de l'impôt sur le revenu et qui découragent les travailleurs âgés de demeurer au travail, nous devrions pouvoir accroître l'offre en main-d'œuvre, ce qui permettrait de réduire la pénurie de main-d'œuvre prévue, mais non de l'éliminer.
Nous répondrons volontiers aux questions qu'on voudra nous poser sur les différents sujets que nous avons abordés.
Le président : C'est le sénateur Massicotte, celui qui a proposé la tenue de cette Table ronde, qui ouvrira la période de questions.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Merci d'être présents aujourd'hui pour cette discussion très importante. Ce sujet prendra de l'importance pour notre pays d'ici cinq à dix ans et il va nous affecter pour les prochains 20 à 30 ans. Juste pour nous permettre d'apprécier cette importance, j'aimerais que vous parliez un langage plus simple. On peut lire dans vos rapports qu'on parle potentiellement de notre PIB de 0,5 p. 100 par année. On parle d'une augmentation des coûts de support de la vieillesse mais pour la personne moyenne, qu'est-ce que cela veut dire? Une augmentation des taxes? En langage très simple, quelles sont les conséquences pour démontrer que ce ne sont pas seulement des chiffres? Qu'est-ce que cela veut dire? Quel est l'impact pour le Canadien moyen?
[Traduction]
M. Hunsley : L'impact va surtout se faire sentir sur les gouvernements qui seront confrontés à des changements d'ordre financier. Il y aura épuisement rapide de la main-d'œuvre dans certains secteurs et les employeurs auront besoin de renouveler rapidement leurs effectifs.
Il sera à l'occasion difficile pour les employeurs de recruter de nouveaux travailleurs ou de former de nouveaux travailleurs pour des industries particulières.
De façon générale, je ne pense cependant pas que cette situation pose un grave problème économique, sauf dans les cas où les changements démographiques coïncideront avec certaines parties du cycle économique. Il sera donc à l'occasion difficile aux employeurs de trouver de la main-d'œuvre.
Pour ce qui est de la population en général, nous constatons tout un ensemble de changements. Je préférerais que ce soit mon collègue du ministère des Finances qui réponde cependant à la question de savoir si ces changements se traduiront par des augmentations d'impôt.
Le marché du travail sera différent de celui que nous connaissons actuellement et la main-d'œuvre sera moins abondante. Les travailleurs disposeront d'un pouvoir de négociation accru parce qu'il y aura pénurie de travailleurs. Les entreprises chercheront à accroître leur productivité en ayant recours à divers moyens, notamment en remplaçant les activités à forte concentration de main-d'œuvre par des activités automatisées et par l'impartition. Je crois que le marché réagira de diverses façons à la situation et je viens de vous en donner deux.
Mme White : Tout ce que je peux dire au sujet de la politique en matière d'impôt ou de l'effet sur le PIB, c'est que nous avons constaté récemment que les gens travaillent de plus en plus longtemps après l'âge de 55 ans. Il est difficile de dire si cette tendance va se maintenir. C'est très possible.
[Français]
M. Robidoux : Très brièvement, dans un horizon de 10, 15 ou 20 ans pour les Canadiens, si on ne crée pas l'espace financier nécessaire, si on veut payer pour ces pressions financières de la santé ou des pensions publiques, cela peut vouloir dire deux choses : augmenter les taxes ou avoir des pressions à la baisse sur les autres dépenses. Il n'y a pas moyen de s'en sortir. Ce sont des contraintes sur les dépenses ou des pressions à la hausse sur les taxes. Je pense que dans ce contexte, l'ampleur de ce mouvement est très incertaine. Il reste que c'est la direction à laquelle on ne peut pas échapper. Dans ce que cela veut dire pour le Canadien moyen, cela dépend de l'ampleur de la situation personnelle de chacun. Ce n'est qu'un des effets, il y a plusieurs autres effets. Il y a des effets positifs pour le marché du travail. Ce sera plus intéressant pour le travailleur. Les salaires devraient être relativement plus élevés qu'autrement, il sera plus intéressant de s'éduquer parce que le rendement devrait être plus élevé. Il y a des éléments pour certains segments de la population qui ne sont pas nécessairement déplaisants.
Le sénateur Massicotte : Un de nos rapports, pas un des vôtres, suggère que si on prend l'hypothèse du statu quo qui existe aujourd'hui et le nombre de travailleurs diminuant beaucoup dans les prochaines années, que les taxes et impôts que les gens devront payer augmenteraient des trois quarts, donc 75 p. 100, si toutes les hypothèses demeurent les mêmes.
Autre commentaire important; Statistique Canada a fait trois scénarios et presque tous les centres urbains, à l'exception de Montréal, Toronto et Vancouver, vont subir une diminution de travailleurs. Il y a une migration rurale vers les villes importantes, entre autres, ces trois-là. C'est très grave pour toutes les infrastructures de la communauté, de la société. Il va peut-être y avoir une population plus grande mais le nombre de travailleurs diminuera de façon importante. On parle des changements majeurs dans la gestion des finances publiques, au point de vue des particuliers. Avez-vous des commentaires?
M. Robidoux : Encore une fois, je ne sais pas à quelle étude vous référez mais il faut faire attention. On peut dépeindre des portraits très pessimistes et des portraits optimistes. Ce sont des prévisions hautement incertaines et cela dépend en grande partie de la situation dans laquelle le gouvernement se place. Si on parle des études de dix ans faites pour le Canada où le ratio dette/PIB était nettement plus élevé, ces études montreraient des résultats complètement différents que la même étude avec les mêmes hypothèses qui seraient faites aujourd'hui avec le même PIB. La préparation faite par le pays, si on parle du Japon, est assez dramatique avec l'augmentation de leur PIB. Ils sont déjà coincés. Ils ne sont pas préparés. Cela dépend des hypothèses qui sont faites. Par exemple, les hypothèses sur la productivité, son implication sur les dépenses de santé, c'est extrêmement incertain.
La seule chose que je puisse dire, c'est que la direction des pressions est assez claire sur les finances publiques, sur l'activité économique et sur l'accroissement du PIB per capita. C'est encore plus important que l'activité économique qui est effectivement une mesure assez brute, mais quand même, cela donne une mesure de l'augmentation du bien-être de la population, de l'augmentation moyenne des Canadiens. Sur ces deux éléments, la pression est assez claire. Dans un cas à la baisse et dans un autre cas à la hausse. Sur l'ampleur, c'est autre chose. Mais les directions sont assez claires.
Pour ce qui de votre question sur la force de travail, est-ce que la proportion de la population de 15 à 64 ans va décliner ou augmenter par régions? Cela dépend en grande partie de l'immigration qu'on aura.
Le sénateur Massicotte : Je crois que Statistique Canada a fait des projections. Quelles sont les conclusions pour les régions du Canada? Vous avez préparé trois scénarios. Que disait le scénario moyen sur le plan des régions, des villes urbaines pour le nombre de travailleurs?
Mme White : En ce qui concerne le nombre de travailleurs, il y a des composantes pour les secteurs urbains. Je n'ai pas de chiffres en tête. Je vais consulter mon collègue qui a développé des projections. Il s'agit d'Alain Bélanger, démographe responsable des protections. Il s'occupe maintenant des composantes des projections qui concernent les effectifs du secteur urbain et interprovincial. Il est mieux placé que moi pour répondre à cette question.
Alain Bélanger, Coordonnateur, Recherche et analyse, Division de la démographie, Statistique Canada : J'ai commis ces projections. Pour ce qui est de votre question, disons que de façon générale, l'immigration fait partie des facteurs qui seront importants pour la population active ou en âge de travailler des différentes régions. Elle est fortement concentrée dans les grandes régions métropolitaines du Canada, c'est-à-dire Montréal, Toronto et Vancouver, un peu moins dans les autres villes moins grandes comme Ottawa, Calgary et Edmonton. Elles reçoivent aussi un certain nombre d'immigrants. La migration interne est importante entre les régions pour les Canadiens déjà en place. À ce niveau, les régions de l'Alberta sont très attirantes. Elles attirent beaucoup de Canadiens de Terre-Neuve et de l'Ontario. Donc lorsque le marché du travail est très favorable, la migration interne peut aussi répondre en partie à des besoins de main-d'œuvre localisés.
Par contre, les régions plus excentriques, les petites villes, les régions qui ne sont pas urbaines ne peuvent bénéficier de l'apport de l'immigration dans le futur — on peut difficilement voir comment les immigrants pourraient changer leur façon de choisir leur lieu de résidence au Canada — ni bénéficier de l'apport de la migration interne puisqu'en fait, depuis déjà longtemps, elles perdent beaucoup dans les migrations internes. Pour ces régions, il pourrait être difficile d'avoir une force de travail qui se renouvelle.
[Traduction]
Le sénateur Angus : J'adresse ma question aux représentants du Bureau du Conseil privé.
Vous avez dit que la population active compterait davantage de travailleurs âgés. Songez-vous à des personnes de plus de 65 ans? Qu'entendez-vous par « travailleurs âgés »?
M. Hunsley : Nous avons eu recours à divers jalons, mais la question que nous voudrions vraiment poser c'est celle- ci : « À quel âge les gens prennent-ils leur retraite? » Il est cependant presque impossible de répondre à cette question au Canada parce qu'une personne peut prendre sa retraite plusieurs fois au cours d'une vie, étant donné qu'elle peut changer plusieurs fois d'emplois.
Nous constatons une grande élasticité dans la participation à la population active chez les travailleurs qui sont dans la cinquantaine et au début de la soixantaine et même, ce qui peut surprendre, chez les travailleurs de plus de 65 ans. Il y a quelques années, j'aurais dit que les gens prenaient habituellement leur retraite à 65 ans, mais ce n'est plus la tendance que nous constatons.
C'est le groupe d'âge des 55 à 65 ans qu'il faudrait viser par des incitatifs pour les inciter à demeurer au travail.
Le sénateur Angus : Vous ne songez pas ou vous ne proposez pas des incitatifs pour amener les gens à travailler au- delà de 65 ans. Pour prendre notre exemple, nous travaillons jusqu'à 75 ans.
M. Hunsley : Nous étudions diverses options qui pourraient être offertes aux personnes de 65 ans. À l'heure actuelle, il n'est pas avantageux pour les Canadiens de travailler au-delà de 65 ans et c'est en particulier le cas pour les personnes qui touchent le SRG.
Le sénateur Angus : Il est bien évident que la situation n'est pas la même dans tous les secteurs et dans tous les groupes. Pour ma part, je constate que l'âge auquel les gens prennent leur retraite dans les grands cabinets de comptables, lesquels comptent beaucoup d'employés, est 60 ans. Je sais que les cabinets de comptables ne comptent pas autant d'employés que General Motors, mais il s'agit tout de même d'employeurs importants.
Prenez les grandes entreprises, là encore ce sont de gros employeurs; cependant, elles ont des politiques de retraite obligatoires qui semblent être dans le bas de la fourchette par rapport aux normes actuelles. Ces politiques s'appliquent à des employés de moins de 60 ans ou d'environ 60 ans. Ce serait un domaine à explorer. Je pense que vous avez utilisé le terme « subtil », et vous avez également parlé d'incitatifs et de désincitatifs.
Pourriez-vous nous décrire ces différents aspects?
M. Hunsley : L'un des désincitatifs bien connus est une disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu qui stipule que pour les régimes de pension agréés, on ne peut pas continuer de travailler, toucher ses prestations de retraite, et continuer de contribuer au régime afin de faire augmenter ses prestations de retraite. Cette disposition existe depuis un certain temps.
Les employeurs se sont adaptés à cette situation. Dans de nombreuses entreprises, lorsqu'un salarié arrive à l'âge de la retraite, on lui propose un certain nombre de possibilités. Mais lorsqu'il part à la retraite, il part pour de bon. On ne peut pas travailler à temps partiel. Si un employé décide de faire cela, son revenu baisse, et donc le calcul de sa pension baisse également. Il y a en effet désincitatif lorsqu'il s'agit de partir à la retraite graduellement plutôt que de quitter la vie active complètement.
Le sénateur Angus : C'est un très bon exemple. On pourrait retoucher le régime fiscal ou la législation en matière de retraite.
M. Hunsley : On peut examiner cette question du point de vue des mesures législatives qui touchent l'impôt sur le revenu ainsi que du point de vue des politiques des employeurs et des conventions collectives. On peut créer des incitatifs par le biais de ces éléments.
Il existe également un désincitatif dans le Régime de pensions du Canada, qui a probablement moins d'incidence. Le régime exige un arrêt de travail. Je pense qu'il faut s'arrêter pendant deux mois seulement, mais on doit arrêter de travailler, et cela veut dire une coupure, et très souvent dans ce cas une coupure avec l'employeur.
Combien de personnes souhaitent devenir travailleur autonome après avoir travaillé en tant que salarié pendant de nombreuses années? Voilà encore un autre désincitatif que l'on retrouve dans le Régime de pensions du Canada.
En plus, je ne pense pas que l'on puisse continuer à contribuer à ce régime afin de faire augmenter ses prestations une fois qu'on commence à toucher les prestations de retraite. On ne peut donc pas toucher des prestations et continuer d'accumuler des crédits en même temps.
Nous avons recensé un certain nombre de domaines qu'il serait intéressant d'examiner. Nous pensons que cela pourrait avoir un impact positif significatif pour certaines personnes. En même temps, les marchés vont également dans la bonne direction, dans la mesure où les employeurs proposent de plus en plus de mesures incitatives pour garder leurs salariés. Cela donnera un peu plus de marge de manœuvre aux salariés pour ce qui est des négociations en matière de retraite graduelle et d'autres arrangements similaires.
D'une certaine façon, il existe une occasion de faire correspondre les politiques publiques aux réalités du marché afin d'atteindre des objectifs utiles.
Le sénateur Angus : L'une des mesures qui a été prise en France, et de façon marginale dans notre pays, c'est la semaine de quatre jours. J'ai entendu des témoignages contradictoires à ce sujet. Je pense que c'est une mesure populaire — surtout, comme vous l'avez dit, auprès des femmes sur le marché du travail. Est-ce une solution efficace au problème ou est-ce un leurre?
M. Hunsley : Je ne pense pas que nous ayons suffisamment de renseignements ou d'études à propos de l'expérience en France pour pouvoir dire si oui ou non elle est efficace. Cependant, je pense qu'il est important de donner aux gens une vaste gamme de choix et plus de flexibilité en ce qui a trait à leur vie professionnelle.
Pour ce qui est des femmes, notamment en ce qui concerne une flexibilité accrue en matière de garde d'enfants, je pense que leur donner plus d'options représenterait une bonne politique gouvernementale qui permettrait d'augmenter la main-d'œuvre disponible.
Je ne sais pas si, en fin de compte, l'approche adoptée par la France fera augmenter ou diminuer la main-d'œuvre totale disponible.
Le sénateur Angus : Madame White, vous avez dit, je crois, dans votre déclaration préliminaire, que les problèmes dont vous nous avez parlé se retrouveraient dans tous les pays de l'OCDE. Cependant, j'ai le sentiment que les États- Unis ne partagent pas nos problèmes, et qu'ils sont l'exception flagrante à la règle. Est-ce vrai, ou bien est-ce que je me fais des idées?
Mme White : Les États-Unis ont un taux de fécondité plus élevé que nous. De ce fait, leur population ne vieillit pas au même rythme.
Le sénateur Angus : Cela fait une grande différence.
Mme White : Oui, en effet.
Le président : Pouvez-vous nous donner une idée de cette différence en pourcentage? Nous avons inclus ce pourcentage dans notre étude sur la productivité, et nous souhaiterions savoir si la question de la fécondité a une incidence sur la productivité. De toute évidence, c'est le cas.
Avez-vous des chiffres à nous donner sur la différence qui existe entre le Canada et les États-Unis en termes de fécondité?
Mme White : Le Canada a un taux de fécondité qui est de 1,5 enfant par femme en moyenne depuis 1999. En 1971, le taux de fécondité atteignait le seuil de renouvellement de la population, mais il ne cesse de décliner depuis. Aujourd'hui nous sommes clairement en dessous du seuil de renouvellement de la population.
Une des principales raisons pour lesquelles la croissance aux États-Unis est plus rapide qu'ici, c'est leur taux de fécondité beaucoup plus élevé. Non seulement leur taux de croissance est plus élevé, mais leur structure démographique est telle que leur population ne vieillira pas aussi rapidement que la nôtre.
Le sénateur Angus : Ai-je raison de dire que les États-Unis représentent une exception quant à ce problème qui touche tous les autres pays? C'est particulièrement important dans la mesure où ce sont nos voisins et que nous sommes interdépendants à de nombreux niveaux.
Mme White : Oui, vous avez tout à fait raison.
Le sénateur Angus : Y a-t-il des raisons ethniques et culturelles particulières qui permettent d'expliquer ces chiffres?
Mme White : Le taux de fécondité aux États-Unis est plus élevé au Canada pour trois raisons. Premièrement, le taux de fécondité élevé chez les adolescentes. Les États-Unis ont l'un des taux de fécondité les plus élevés parmi les pays industrialisés chez les femmes âgées de 15 à 19 ans. Ce n'est pas forcément une situation enviable dans la mesure où cela veut dire que des jeunes femmes doivent remettre leurs études à plus tard ou les arrêter, et cela entraîne également la création de familles monoparentales qui connaissent des difficultés importantes sur le marché du travail et des problèmes socio-économiques.
Deuxièmement, les femmes de 20 à 29 ans aux États-Unis ont un taux de fécondité qui est beaucoup plus élevé que les femmes canadiennes du même âge. Cela permet d'expliquer environ deux tiers de la différence du taux de fécondité entre le Canada et les États-Unis.
Les femmes canadiennes ont des enfants plus tard. Aux États-Unis, une femme a son premier enfant à l'âge de 24 ou 25 ans en moyenne. Au Canada, c'est plutôt à la fin de la vingtaine. De ce fait il y a une différence importante en termes de fécondité.
Le sénateur Angus : Cela veut-il dire que nous avons besoin de plus de tempêtes de verglas ici?
Mme White : Je ne sais pas.
Certains pays européens connaissent une augmentation de la fécondité, en France par exemple, et dans certains pays scandinaves. Il serait peut-être intéressant d'examiner quelles politiques favorisent la création de familles.
Le sénateur Angus : N'êtes-vous pas satisfait du fait que j'aie pu poser cette question?
Le président : Oui.
Vous avez parlé d'un troisième facteur. Avez-vous énoncé les trois facteurs?
Mme White : Oui. En fait, c'est vraiment cette catégorie des femmes dans la vingtaine qui explique les deux tiers de la différence en matière de fécondité.
Le sénateur Massicotte : Madame White, je pensais que les taux de fécondité élevés auxquels vous faisiez référence s'appliquaient principalement au sud et à l'ouest des États-Unis. Je pensais que la situation dans le nord-est des États- Unis était similaire à la nôtre.
Mme White : Aux États-Unis les femmes blanches éduquées ont un taux de fécondité d'environ 1,8 enfant par femme, ce qui est tout de même plus élevé que le taux moyen canadien de 1,5. De nombreux facteurs entrent en jeu. Il y a des différences ethniques, cependant cette tendance se retrouve dans tous les groupes ethniques aux États-Unis.
Le sénateur Angus : Ce n'est donc pas uniquement dû aux Hispaniques.
Mme White : Non, ces chiffres ne s'expliquent pas uniquement en se fondant sur la population hispanique ou afro- américaine. Les femmes blanches avec un diplôme universitaire ont plus d'enfants en moyenne que les femmes canadiennes.
Le président : Peut-être qu'il n'est pas approprié pour un homme de poser cette question. Est-ce que l'attitude culturelle envers l'avortement est différente au Canada et aux États-Unis? Est-ce que cela a une incidence?
Mme White : Ce qui est intéressant à ce propos, c'est que les États-Unis ont eu un taux d'avortement bien plus élevé qu'au Canada au cours des 20 dernières années.
Le sénateur Fitzpatrick : Je suis désolé d'avoir raté le début de l'exposé. Je me trompe peut-être, mais j'ai entendu tout l'exposé de M. Hunsley. J'ai eu l'impression, à tort ou à raison, que vous ne semblez pas particulièrement préoccupé par ce problème.
J'ai été un peu étonné de vous entendre dire que les gens ont tendance à travailler plus longtemps. Avez-vous des renseignements à ce sujet?
Pourriez-vous nous donner des exemples précis de services ou d'incitatifs que le gouvernement pourrait offrir pour que les gens continuent de travailler?
On a parlé d'incitatifs fiscaux, mais d'autres types d'incitatifs pourraient aussi donner de bons résultats. Dans quelle mesure le gouvernement fédéral peut-il influer sur ces incitatifs?
Je viens d'une région rurale du Canada et ce qui m'intéresse, c'est de voir comment ces incitatifs pourraient s'appliquer à notre population rurale.
Enfin, pourriez-vous nous dire quel effet tout cela aura sur la productivité?
M. Hunsley : Je vais commencer par répondre à la question sur la participation des travailleurs âgés à l'économie. M. Robidoux a mentionné que jusqu'au milieu des années 1990, il y avait constamment une légère tendance à la baisse, et les gens prenaient généralement leur retraite ou cessaient de travailler plus jeunes. Au cours des 10 dernières années, et plus particulièrement des cinq dernières, pourrait-on dire, cette tendance s'est modifiée. À mon avis, cela signifie qu'il y a une réaction à la situation du marché. D'une part, les travailleurs relativement plus âgés sont en meilleure santé et plus instruits; ils veulent continuer de travailler d'une façon ou d'une autre. D'autre part, il existe un autre groupe qui ne bénéficie pas des régimes de prestations de pension selon la définition traditionnelle. Ce n'est peut-être pas une bonne idée de prendre sa retraite pour recevoir une rente lorsque les taux d'intérêt sont faibles et que les obligations à long terme rapportent peu. Les réactions d'un marché actif modifient la façon générale dont les gens envisagent leur retraite.
Le sénateur Fitzpatrick : À mon avis, les baby-boomers travaillent plus longtemps. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi? C'est peut-être parce qu'il est plus coûteux de prendre sa retraite. Avez-vous des observations à ce sujet? Existe-t-il des différences dans la psychologie de ce groupe?
M. Hunsley : D'une façon générale, les baby-boomers arrivent à la retraite dotés de bonnes économies qu'ils ont réalisées sur des salaires élevés. Si votre salaire est élevé, vous serez davantage tenté de continuer de travailler. À mon avis, l'effet se fait davantage sentir chez certains groupes pour ce qui est de l'incitatif, mais il y en a qui se trouvent entre les deux extrêmes.
Lorsque les travailleurs à très faible revenu prennent leur retraite, le régime canadien du revenu garanti leur vient en aide. Dans bon nombre de cas, leur revenu n'est pas inférieur à ce qu'il aurait été s'ils avaient continué de travailler. Je parle des gens qui gagnent de très faibles revenus.
Il y a toutefois des travailleurs à revenu modeste qui sont très sensibles aux fluctuations du marché, à leurs économies et à ce dont ils disposent.
[Français]
Alain Denhez, directeur adjoint de projet, Projet de recherche sur les politiques : Si je peux ajouter quelques commentaires sur les mesures incitatives que le gouvernement peut mettre en place, premièrement, il faut tenir compte du marché. Il ne faut pas l'oublier. Le marché devrait bonifier les conditions de travail des travailleurs âgés en leur fournissant une meilleure rémunération et en adaptant leur milieu de travail de façon plus appropriée à leur âge. Deuxièmement, les gouvernements pourraient investir davantage auprès des travailleurs rendus à mi-carrière en leur offrant les outils nécessaires qui leur permettraient de travailler plus longtemps s'ils le désirent. On peut aussi penser, comme le disait M. Hunsley, à modifier les programmes de sécurité du revenu et de supplément de revenu garanti de sorte que ceux qui prennent leur retraite à 65 ans puissent continuer à travailler sans pénalité en faisant des ajustements actuariels, par exemple. Même si ce n'est pas un point majeur, il faudrait aussi penser à éliminer la retraite obligatoire à 65 ans, sauf dans les cas où les conditions de travail imposent une limite d'âge.
[Traduction]
Le sénateur Fitzpatrick : Existe-t-il à votre avis des différences entre les conditions de travail en milieu urbain et en milieu rural? Dans nos régions rurales, surtout dans le secteur de l'agriculture, les gens arrêtent de travailler assez jeunes.
Le président : Est-ce en raison du vieillissement ou par manque de capacité? Arrêtent-ils de travailler plus jeunes ou ne sont-ils pas disponibles? Dans votre optique, qu'est-ce qui serait utile?
Le sénateur Fitzpatrick : Il y a un peu des deux. Il est certes plus difficile à une personne qui prend de l'âge de travailler en milieu rural parce que les emplois associés aux régions rurales sont plus exigeants physiquement.
Le président : Cela fait partie de la nature de ce marché.
Le sénateur Fitzpatrick : Peut-être bien, ou c'est peut-être en raison de la santé de ces travailleurs ou des soins de santé qu'ils reçoivent pour des raisons d'indemnisation ou pour d'autres motifs.
M. Hunsley : Dans une publication récente de Statistique Canada, on faisait remarquer que 26 p. 100 des personnes qui ont pris leur retraite auraient continué à travailler si elles n'avaient pas eu des problèmes de santé. Si je le mentionne, c'est pour dire que le travail qu'une personne a fait au cours de sa vie est un facteur important pour déterminer la durée de sa participation à la main-d'œuvre active ainsi que les possibilités dont cette personne dispose pour se retirer de la main-d'œuvre active.
Le vieillissement de la population entraînera des scénarios différents selon les régions et selon qu'il s'agit de secteurs urbains ou ruraux. Mme White peut vous parler de la différence entre les zones urbaines et les zones rurales, mais la diminution générale de la main-d'œuvre active en proportion de la population fluctuera certainement selon les régions. Les prévisions relatives à la diminution du nombre de travailleurs varient grandement : 4 p. 100 en Ontario, 8 p. 100 au Québec et 34 p. 100 à Terre-Neuve. Ces pourcentages entraînent de graves inquiétudes.
Si l'on ajoute ces préoccupations aux pressions exercées sur les gouvernements en général, par exemple pour maintenir les soins de santé et les autres services offerts à une population âgée, il pourrait y avoir convergence de deux problèmes qui pourraient être plus graves dans certaines régions que dans d'autres. C'est une question importante.
Le sénateur Fitzpatrick : Le recours aux services d'une population vieillissante pourrait-il nuire à la productivité? En vieillissant, on perd une partie de sa rapidité de mouvement et de penser.
Le président : Sur quoi fondez-vous cette affirmation, sénateur Fitzpatrick? À mon avis, nous devenons plus productifs en vieillissant. Le sénateur Fitzpatrick semble croire que nous sommes moins productifs. Qu'en pensez-vous, monsieur Hunsley?
M. Hunsley : Les études montrent que les deux sont vrais, et vous devrez donc faire votre propre choix.
Le président : Votre réponse a satisfait tout le monde.
M. Hunsley : Ressources humaines et Développement des compétences Canada a prévu qu'il y aurait des gains de productivité au cours des prochaines années. Cette prévision tient probablement compte tant de la productivité de la main-d'œuvre que d'autres facteurs de productivité économique. La diminution du nombre de travailleurs fera en sorte qu'il y aura plus de capitaux à investir par travailleur, et on pourra s'attendre à une augmentation de la productivité.
Au fur et à mesure que les travailleurs âgés commencent à prendre leur retraite et que les employeurs peuvent modeler leur main-d'œuvre future au moyen de mises à la retraite et de remplacements, vous pouvez être certains que les employeurs trouveront des moyens d'accroître leur productivité grâce à une meilleure organisation de leur main- d'œuvre.
Il est exact cependant que le cheminement des baby-boomers au sein de la main-d'œuvre active n'est pas le seul facteur. C'est toute la main-d'œuvre qui sera plus âgée à l'avenir.
Le sénateur Tkachuk : La vieillesse n'est qu'une question de temps. Il semble qu'on accorde beaucoup d'attention au vieillissement de notre population alors que l'on ne discute pas de la cause réelle du problème, c'est-à-dire le manque de jeunes qui arrivent sur le marché du travail.
Dans le document Encourager les choix touchant le travail et la retraite, on trouve un tableau qui illustre l'espérance de vie jusqu'à l'âge de 65 ans. Dois-je comprendre que les personnes qui atteignent l'âge de 65 ans vivent aussi longtemps en moyenne?
En 1967, lorsque le RPC a été mis en place, l'espérance de vie moyenne d'un homme était de 65 ans et elle était de quelques années de plus pour les femmes.
Quelle était l'espérance de vie en 1927? Était-elle de 10 ans de moins?
Le sénateur Angus : Les chiffres se trouvent dans le document.
Le sénateur Tkachuk : Non, ils ne s'y trouvent pas.
M. Hunsley : Il existe une énorme différence entre l'espérance de vie à l'âge de 65 ans et l'espérance de vie en général.
Le sénateur Tkachuk : La différence n'est pas bien grande entre les hommes qui avaient 65 ans en 1978 et ceux qui ont 65 ans maintenant; le résultat est de 78 ans pour le premier et de 78,6 années pour le second.
Ce que je veux dire, c'est qu'il n'y avait pas de grand problème à cette époque. J'ai l'impression que l'espérance moyenne de vie en 1927 était largement inférieure à 67 ans. Mais on ne discutait pas de cette question, car il y avait alors de nombreux enfants pour assurer la productivité.
Nous avons ce problème parce que dans les années 1960, nous avons fondé nos programmes sociaux, entre autres le RPC et le Régime des soins de santé, sur la théorie du professeur Samuelson, selon laquelle il n'y aurait jamais plus de personnes âgées que de jeunes. Cette théorie est maintenant renversée et nous avons maintenant plus de personnes âgées que de jeunes. Il y aura plus de personnes âgées, moins de jeunes, et les programmes sociaux ne pourront pas fonctionner. Évidemment, nous n'avons pas les moyens de payer la note des soins de santé parce que le postulat sur lequel le programme était fondé est maintenant faux.
Pourquoi n'abordez-vous pas les véritables problèmes du régime de pensions du Canada? Nous cherchons une solution en augmentant les cotisations. Cela ne marchera pas. Le fait que nous vivions plus vieux devrait nous inciter à vanter les mérites de notre santé, de notre technologie, de notre structure sociale, et cetera. Pourtant, nous prétendons résoudre le problème en augmentant le nombre d'immigrants.
Je ne vois pas d'inconvénient à l'arrivée d'immigrants, mais nous ne pouvons pas résoudre le problème avec des immigrants dont nous ignorons tout du système d'enseignement. Que faire alors? Existe-t-il un moyen d'augmenter la population?
Le sénateur Goldstein : Nous sommes tellement occupés à nous réunir que nous ne pouvons pas faire plus d'enfants.
Le sénateur Tkachuk : Dans le rapport du Projet de recherche sur les politiques, intitulé Encourager les choix touchant le travail et la retraite déposé ici aujourdhui, plus particulièrement sous la rubrique « Options pour le Canada », je constate que tous les chiffres qui y figurent se fondent sur une population vieillissante.
Comment pouvons-nous changer le régime fiscal, changer la culture, pour que nous ayons des familles plus nombreuses — peut-être trois enfants ou plus? C'est une façon de résoudre notre problème.
Nous pourrions peut-être songer à porter l'âge d'admissibilité au RPC à 69 ans. Nous pouvons tous comprendre ce genre de solution simple qui, pourtant, ne figure pas dans le rapport.
Le président : Je pense que le sénateur Tkachuk a un bon argument. Certains d'entre nous ont connu le début des années 1960 quand l'espérance de vie se situait entre 65 ans et 70 ans, ce qui est devenu le point d'admissibilité au RPC.
Le sénateur Tkachuk : La pension était versée au moment de la mort. L'âge moyen des décès était de 67 ans. Cela arrangeait tout le monde.
Le président : C'était la théorie pour le RPC dans l'intérêt public. Désormais, l'espérance de vie est repoussée et le même régime est en place. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas reporter l'admissibilité d'un an ou deux. Cela serait extrêmement bénéfique pour combler l'énorme écart entre la masse des travailleurs et le groupe des véritables retraités à qui on doit verser des pensions.
Vous travaillez au Bureau du Conseil privé. Pourquoi alors ne pas souffler ce conseil pratique au gouvernement? C'est un conseil pratique facile à appliquer.
M. Hunsley : Nous proposons des rajustements au RPC mais cela n'aura pas une énorme incidence sur les candidats à la retraite. Pour une grande partie des candidats à la retraite, le RPC est un facteur dans leur revenu, mais ce n'est pas un très gros facteur.
Le président : J'ai interrompu le sénateur Tkachuk car je pense qu'il a présenté un bon argument. Il y a des changements démographiques qui ne s'accompagnent pas de changements de politiques. Je pense que c'est ce qu'il voulait dire.
M. Robidoux : Le Régime de pensions du Canada est solide et repousser le taux d'admissibilité n'est pas un problème. D'autres pays n'ont pas modifié leur régime public et l'avenir leur réserve bien des contraintes. Ils ne disposent essentiellement pas des sommes nécessaires pour verser ces pensions. Nous avons modifié ce taux en 1970 et augmenté les cotisations à un niveau moindre que si nous avions attendu plus longtemps, de sorte que le régime est durable.
La seule contrainte que nous aurons proviendra du coût de la sécurité de la vieillesse et du supplément de revenu garanti, programmes qui sont universels à l'âge de 65 ans. Nous ne nous inquiétons pas de la durabilité du RPC ou du RRQ.
Le président : Vous avez élargi la portée de la question. Il ne s'agit pas uniquement du RPC mais également de l'incidence sur la productivité, la croissance et le maintien de la courbe de croissance, ainsi que la façon de remplacer les travailleurs. Il y a également le tandem taux de fécondité culturel ou délibéré. Vous avez soulevé toute une gamme d'autres enjeux et le sénateur Tkachuk essayait d'en savoir plus long.
M. Robidoux : Si nous réussissons à augmenter le taux de fécondité dès à présent, nous serons aux prises avec un problème de vieillissement en même temps que les coûts d'éducation d'un grand nombre d'enfants. Ainsi, aux deux extrémités de la courbe d'âge, il y aura des contraintes. Il serait logique d'augmenter notre taux de fécondité plus tard, quand nous aurons résolu les problèmes plus urgents du vieillissement.
L'objectif en matière de fécondité est qu'elle soit telle que la population demeurera stable et ne décroîtra pas, l'immigration mise à part. Ainsi, un taux de 2,1 maintiendra la stabilité de la population. Personne ne prétend qu'il faille toujours maintenir une augmentation de population. Une population décroissante à long terme soulève une question philosophique quant à l'avenir du monde, mais cela, c'est autre chose. Le problème se posera plus tard sans pour autant devoir revenir au taux de fécondité des années 1950 et 1960.
Le sénateur Tkachuk : Le fait que nous devions assurer notre descendance, cela se discute-t-il? Nous ne pouvons pas nous attendre à prendre notre retraite si d'autres travailleurs ne viennent pas nous remplacer. Sur les plans analytique ou intellectuel, une société ne peut exister si elle n'est pas renouvelée. C'est une question de politique publique dont nous devrions discuter. C'est un débat orwellien : plus tard plutôt que maintenant. Il faut beaucoup de temps pour persuader les gens qu'une chose est avantageuse, et nous avons tendance à éviter de parler de ce sujet important.
J'ai du mal à considérer le vieillissement de la population comme un problème car selon moi c'est une occasion. C'est un signal providentiel adressé à notre société. Nous devrions pouvoir travailler plus longtemps et cela devrait nous être bénéfique. Nous sommes en meilleure santé que jamais. Nous devrions parler des débouchés qu'offre le vieillissement.
M. Robidoux : C'est un défi qui pourrait être un débouché. C'est un défi économique et financier auquel nous devons nous préparer. Ce n'est pas un désastre, ni une crise, et d'autres sujets connexes nous interpellent également.
[Français]
Le sénateur Plamondon : Dans la plupart des documents qu'on a reçus, on parle de la population âgée; on y dit qu'on devrait la garder à l'emploi et favoriser l'emploi. Les gens qui s'en vont à la retraite nous disent qu'ils veulent voyager. Ils ont économisé, ils veulent voyager, ils ont des projets pour dépenser ce qu'ils ont économisé.
Cela signifie que si vous les gardez encore en emploi, vous allez affaiblir un autre secteur de l'économie, celui des voyages, du tourisme, et peut-être aussi le bénévolat. Personne n'en a parlé comme apport économique, dans tous les documents que j'ai vus — et j'en ai lu plusieurs.
Il faudrait me montrer où on a parlé de bénévolat, car maintenant on a de la difficulté à avoir des bénévoles dans bien des endroits. En effet, les gens qui reçoivent des prestations d'assurance-emploi se doivent de chercher un emploi et ne peuvent pas faire de bénévolat au risque de se voir réduire leurs prestations. Dans toutes les associations, on constate un manque de bénévoles. Si vous faites travailler les gens assez longtemps, ils ne voyageront pas, ils vont accumuler plus, peut-être, mais sur une plus longue période; il y aura moins d'investissements payants et puis il y aura — un aspect intéressant — un patrimoine à laisser à leurs enfants.
En effet, en devenant bénéficiaire d'une pension à 60 ou à 55 ans, il n'y a pas de patrimoine, puisqu'on le dépense. Ce qu'on entend dire c'est : « je l'ai accumulé, je vais le dépenser pendant que je suis en santé. » C'est une première chose, autrement dit il me semble que, lorsqu'on parle de garder les gens en emploi, il me semble qu'on n'a pas examiné tous les aspects.
L'autre chose est qu'on a établi des scénarios comme si la population canadienne n'était pas à l'abri d'une pandémie. On parle beaucoup de la pandémie possible de la grippe aviaire et on parle en même temps de productivité, de démographie et des personnes âgées qui sont un fardeau pour le système de santé. Advenant une pandémie, ce sont probablement ceux que le gouvernement considère dans ses calculs comme un fardeau qui partiraient les premiers. On l'a vu à Toronto, lorsque un virus ou une maladie arrive dans une maison de personnes âgées, il y a beaucoup de mortalité.
Je me demande donc si vous avez fait des scénarios qui tiennent compte des menaces qui pèsent sur les Canadiens comme sur bien d'autres.
Autre question : vous avez parlé d'immigration. Les immigrés nous arrivaient autrefois de pays qui avaient notre culture. J'ai regardé les graphiques; de plus en plus ces pays vivent les mêmes problèmes que nous. Il faudra donc aller puiser dans d'autres pays, qui n'ont pas la même culture, autant en ce qui concerne le travail, la productivité, l'éducation, les reconnaissances de diplômes, et cetera.
Il faudra penser à autre chose qui représente peut-être une dépense supplémentaire, à savoir comment les intégrer plutôt que les laisser aller dans un ghetto et attendre les conflits sociaux qui pourraient s'ensuivre.
Vous parliez de Toronto qui sera bientôt à 50 p. 100 allophone. J'ai rencontré à Toronto une dame — qui travaille au gouvernement — qui me disait : «On ne peut pas se faire servir en anglais.» Je lui ai fait la remarque que cela a été longtemps comme cela chez nous en français et nous avons réglé notre problème — peu importe. Cette dame découvrait que, ayant grandi et vécu en anglais, à un moment donné elle ne pouvait pas se faire servir en anglais. C'était un quartier intéressant à Toronto, dans lequel les gens ne parlaient ni anglais ni français. Il va falloir penser aussi à ces coûts d'intégration.
[Traduction]
Le président : Sénateur, il est important de laisser aux témoins du temps pour vous répondre. Vous avez soulevé au moins quatre ou cinq sujets qui s'imbriquent les uns dans les autres. Auriez-vous l'obligeance de répéter deux ou trois questions à l'intention de nos témoins?
[Français]
Le sénateur Plamondon : Je voudrais que vous me parliez des critères qui ont été resserrés pour accorder l'invalidité à certaines personnes. Un document nous en a parlé aussi comme un moyen. C'est ce que j'appelle des pressions à la baisse sur les dépenses.
M. Hunsley : Vous avez effectivement touché des points très intéressants. Nous n'avons pas élaboré de scénarios tenant compte de la possibilité d'une pandémie. Ce sujet n'a pas été abordé dans nos recherches, mais c'est certainement quelque chose qui mérite d'être considérée plus en profondeur.
[Traduction]
Il est important de se rappeler que les travailleurs âgés n'intègrent pas la population active seulement pour la rémunération qu'ils touchent. Ces travailleurs jouent trois rôles très importants et productifs dans la société. Tout d'abord, ils sont intégrés à la population active. Deuxièmement, ils sont un bassin utile pour le bénévolat dans les organismes non gouvernementaux et leur travail est extrêmement important. Quand on analyse l'incidence pour le bénévolat, on constate qu'il y a des avantages si les gens travaillent plus longtemps. En troisième lieu, leur rôle de pourvoyeurs de soins est un troisième domaine de productivité.
Nous pensons que cette approche donne à ce groupe plus de souplesse. Leur apport est capital pour la société, à la fois pour l'économie et pour la santé et la qualité de vie de la société. La génération des baby-boomers va devenir une génération de fournisseurs de soins car nombre d'entre eux ont encore des parents vieillissants qui sont encore en relativement bonne santé. Ils sont actifs dans le secteur du bénévolat et sur le marché du travail.
Le sénateur Plamondon : J'aimerais savoir combien de gens touchent un supplément en vertu du Régime de pensions du Canada parce qu'ils ne sont pas riches. Si on songe à supprimer ce supplément, il y aura des difficultés.
M. Hunsley : Nous avons envisagé la possibilité qu'à l'âge de 65 ans, des gens souhaitent continuer à travailler et, le cas échéant, ils perdraient de la sorte leur supplément étant donné la façon dont les choses sont calculées. Nous pourrions songer à une exemption de gains pour ceux qui souhaitent continuer de travailler, pour leur permettre ainsi de gagner plus sans renoncer à ce supplément.
[Français]
Le sénateur Goldstein : J'aimerais ajouter mes remerciements à ceux de mes prédécesseurs pour l'excellence de vos présentations écrites et verbales.
[Traduction]
L'augmentation des divers incitatifs — notamment les allocations familiales et les allocations pour garde d'enfants — aurait-elle une incidence marquée sur le taux de naissance?
Ma question porte maintenant sur votre conclusion, à savoir que les choses ne vont pas si mal que cela. Je ne peux pas comprendre que vous affirmiez cela quand je constate que le coût de la sécurité de la vieillesse et les paiements au titre du supplément de revenu garanti vont augmenter de 100 p. 100 en fonction de notre produit intérieur brut et quand je vois que le coût des soins de santé va plus que doubler entre maintenant et 2040, sans qu'il y ait une augmentation apparente ou même concrète de notre productivité. Je sais que les ressources humaines prévoient 1,8 p. 100 en moyenne, mais l'Institut C.D. Howe n'est pas aussi optimiste. En outre, les autres centres de recherche privés ne sont pas très optimistes.
Comment concevoir un programme ou une politique sociale qui va encourager les naissances et faire augmenter le taux des naissances? Comment résoudre le problème que pose la possibilité que la productivité ne soit pas au diapason du coût des programmes sociaux?
Le président : Il fut un temps où le gouvernement avait pour politique active d'encourager les familles nombreuses et vous pouvez peut-être nous dire si cette politique a donné des résultats.
M. Robidoux : Le Québec est encore en train d'analyser cette politique et l'incidence sur la génération des baby- boomers a été nulle ou négligeable.
Le Québec a un réseau de garderies mieux développé que les autres provinces. Le Québec accuse le taux de fécondité le plus faible au Canada. Quand les femmes ont intégré la population active et que le pays s'est enrichi, le taux de fécondité a chuté.
Les dépenses en matière de santé qui figurent dans notre document indiquent une très grosse augmentation mais ces dépenses ne doubleront pas comme vous le dites. Il y aura assurément des pressions. Il est important de s'y préparer.
Il y a des tendances technologiques qui parfois aboutissent à des épargnes et peuvent contribuer à l'élargissement de la palette des services, mais il y a un prix à payer. Un régime public de soins de santé représente plus de contraintes pour les finances publiques.
Dans le cas des travailleurs âgés, entre 55 et 65 ans, on n'a pas besoin d'offrir plus d'incitatifs mais plutôt de supprimer les éléments dissuasifs.
Il ne s'agit pas de forcer les gens à travailler plus longtemps mais de leur offrir le choix de le faire s'ils le souhaitent. Il nous faut supprimer les règles qui faussent le cadre financier.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Madame White, on parle toujours des régimes de retraite privés. Quel pourcentage de la population qui a un emploi participe dans les fonds de pension privés?
Mme White : Je n'ai pas de chiffres avec moi.
Le sénateur Massicotte : Est-ce que 22 p. 100 serait un chiffre possible?
[Traduction]
M. Robidoux : C'est environ 40 p. 100.
M. Hunsley : C'est environ 40 p. 100 mais vous avez parlé du secteur privé. Le régime privé de pension est plus répandu dans le secteur public que dans le secteur privé, mais c'est un enjeu révélateur.
Dans le secteur privé, par exemple, il n'y a que 21 ou 22 p. 100 des sociétés qui offrent le régime traditionnel, c'est-à- dire 2 p. 100 pour chaque année de service.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Quand on fait le commentaire et qu'on donne le ratio de gens âgés alors que l'offre ou la demande va être différente et qu'il va peut-être y avoir moins de gens disponibles pour travailler, c'est normal dans ces circonstances que le coût des entreprises ou le coût de la main-d'œuvre va augmenter. Est-ce qu'il y a une conséquence sur le fait que nos compagnies canadiennes vont être moins compétitives mondialement, par exemple, comparé aux Indes ou il y a un taux d'activités de 3,1 p. 100? Est-ce qu'il y a une conséquence économique vu que le coût de la main- d'œuvre augmentera? On va investir plus dans le capital; mais est-ce néfaste pour l'économie canadienne?
[Traduction]
M. Hunsley : Il y a deux façons de répondre à cette question. Si les pressions continuent de s'accentuer pour augmenter les salaires, il sera alors plus attrayant d'investir davantage dans le capital pour augmenter la productivité. En outre, les travailleurs seront plus encouragés à développer leurs compétences, à acquérir formation et instruction. Ils subissent la même pression pour augmenter leur productivité également. C'est là qu'on constate que les travailleurs sont incités à devenir plus productifs.
En même temps, on sera tenté de plus en plus d'impartir le travail dans d'autres pays. Dans la plupart des cas, c'est la main-d'œuvre la moins productive qui sera remplacée ainsi, de sorte que la main-d'œuvre qui demeurera ici sera un peu plus productive.
Le sénateur Angus : La question que je vais poser sur le processus porte sur ce projet de recherche sur les politiques, lancé à l'initiative du Bureau du Conseil privé. C'est une excellente initiative. Je signale pour la gouverne non seulement des gens qui sont dans cette salle mais pour les téléspectateurs de CPAC et les internautes, que vous êtes tous des fonctionnaires — vous représentez Statistique Canada, le ministère des Finances, le Bureau du Conseil privé, lequel est plus ou moins le ministère du chef du gouvernement. À qui revient la paternité de ce projet?
Je constate que c'est une approche horizontale qui touche un vaste éventail de ministères et organismes du gouvernement. Il est clair que quelqu'un a décidé que le temps était venu de s'attaquer à ce problème et de se préparer à l'avenir. Ce serait intéressant pour nous de savoir et de consigner publiquement la manière dont il a été décidé de mener cette étude.
M. Hunsley : J'ai l'avantage d'être au Conseil privé depuis seulement un an et je n'en connais pas très bien l'historique. Le Projet de recherche sur les politiques a été créé il y a à peu près dix ans.
Le sénateur Angus : Sur cette question précise?
M. Hunsley : Non, le travail sur le vieillissement a commencé il y a deux ans et demi. Un certain nombre de ministères en étaient arrivés à la conclusion qu'il s'agissait d'une vaste question qui ne relevait pas expressément de leur compétence, mais qui touchait tout un éventail de politiques gouvernementales. Le Bureau du Conseil privé a donc décidé de faire du travail sur cette question parce que cela touchait tous les éléments de la politique gouvernementale.
Le sénateur Angus : Est-ce très prioritaire?
M. Hunsley : Le vieillissement de la population est prioritaire pour le Projet de recherche sur les politiques, oui.
[Français]
Le sénateur Biron : Pourriez-vous dire le pourcentage de personnes ayant un régime de retraite privé tant au gouvernement qu'au public?
M. Hunsley : En 2002, dans le secteur privé, c'est 29 p. 100, mais cela inclut les programmes des bénéfices définis et les programmes de contribution définie.
Dans le secteur public, dans la même année, nous avons un total de 86,6 p. 100 et encore pour la plupart, 81 p. 100 des gens dans la fonction publique sont couverts par des programmes des bénéfices définis.
Le sénateur Biron : Quatre-vingt-un pour cent mais dans le total de la population, cela veut dire qu'il y aurait 29 p. 100 de la population qui aurait un plan de pension du secteur privé?
M. Hunsley : Dans le secteur privé, 29 p. 100 des travailleurs ont un programme de pension.
Le sénateur Biron : Quatre-vingt-un pour cent de ceux qui travaillent pour le gouvernement.
M. Hunsley : Quatre-vingt-six pour cent.
[Traduction]
Le sénateur Moore : Je m'excuse d'être en retard.
Je m'intéresse aux commentaires sur la fécondité. C'est peut-être une question sociologique, mais est-ce que l'importance de la cellule familiale a augmenté ou diminué? En tenez-vous compte dans vos recherches? Si son importance a diminué, cela a-t-il une incidence négative sur le taux de fécondité et sur la croissance démographique?
M. Hunsley : Nous en savons très peu sur les fluctuations du taux de fécondité. Il y a au Canada deux tendances qui semblent coïncider, la baisse du taux de fécondité et des changements dans la structure familiale. C'est très difficile à quantifier.
Le sénateur Moore : Je trouve parfois que nous n'accordons pas assez d'importance à la famille et que cela a entraîné une baisse.
Le président : Quand j'examine deux des graphiques de Statistique Canada, je constate un changement culturel immense. Nous l'avons déjà vu dans nos villes et cela va s'accélérer de façon spectaculaire.
Si l'on regarde les chiffres, d'ici 2017, plus de 50 p. 100 de nos collectivités seront composées de minorités visibles, pour la plupart nouvelles. En dix ans ou moins, au Canada, la langue maternelle des immigrants a beaucoup changé; l'anglais est passé de 45 p. 100 à 17 p. 100; le français de 5 p. 100 à 3,6 p. 100; et aujourd'hui, près de 79 p. 100 des immigrants n'ont ni l'anglais ni le français comme langue maternelle. Cet immense changement culturel va se produire pendant une très brève période. Avez-vous des politiques définitives pour composer avec cela du point de vue du coût? Il est évident que le réétablissement des immigrants coûtera énormément cher.
Le sénateur Moore : Pourrions-nous dire « intégration »?
Le président : Je n'aime pas utiliser le mot « intégration ». Ce n'est pas un mot pertinent au Canada. Je parle d'un processus de réétablissement. Je ne veux pas me lancer dans un débat terminologique, mais cela exige une acculturation au Canada. C'est un coût énorme qui n'apparaît nulle part dans un budget ministériel. Ce coût est-il pris en compte dans le budget des finances en termes de nouveaux coûts ou d'une autre manière?
M. Robidoux : Vous devriez en discuter avec Citoyenneté et Immigration Canada.
Le président : J'en discute avec le Bureau du Conseil privé.
M. Hunsley : Je ne peux pas vous parler de cela du point de vue du coût réel ou du budget de l'immigration. Vous avez toutefois évoqué deux points relatifs à l'immigration : premièrement, la question de savoir s'il y a lieu d'augmenter le nombre d'immigrants; et l'autre question tout aussi importante, c'est de savoir à quel point les immigrants et leurs familles s'adaptent rapidement et participent à l'économie.
Nous savons qu'au cours des 10 ou 15 dernières années, le processus a été beaucoup plus difficile pour beaucoup d'immigrants. Nous pourrions augmenter notre offre de main-d'oeuvre et réduire nos coûts sociaux en faisant du meilleur travail dans ce domaine.
Le président : Je remercie nos témoins pour leurs présentations pertinentes et leurs témoignages enrichissants ce soir.
J'accueille notre prochain groupe de témoins à cette table ronde sur les changements démographiques.
Le groupe comprend M. Paul Darby, économiste en chef adjoint au Conference Board du Canada; M. William B.P. Robson, premier vice-président et directeur de la recherche à l'Institut C.D. Howe; et deux représentants de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, nommément M. Richard Fahey, vice-président pour le Québec, et Rob Taylor, analyste principal des politiques, Affaires nationales.
Au début de la journée, nous avons entendu les conseillers du gouvernement. Nous avons entendu des gens de Statistique Canada, du ministère des Finances et du Bureau du Conseil privé, qui est le service administratif à la disposition du premier ministre. Nous entendrons maintenant des gens du secteur privé pour voir si vous êtes d'accord ou en désaccord avec les commentaires que vous avez entendus tout à l'heure.
Paul Darby, économiste en chef adjoint, Le Conference Board du Canada : Merci beaucoup, monsieur le président. C'est un grand plaisir d'être ici aujourd'hui.
Nous, au Conference Board du Canada, croyons que la question du vieillissement de notre population et de son incidence sur notre offre de main-d'oeuvre est une question cruciale pour laquelle le Canada devra élaborer une politique appropriée si nous voulons continuer de connaître le succès comme société. C'est une question qui est un peu en veilleuse en ce sens qu'à l'heure actuelle, elle n'exerce pas beaucoup de pression sur notre productivité, mais elle le fera de façon radicale d'ici 2010.
Nous sommes troublés et sidérés par le manque d'intérêt témoigné par le secteur privé envers cette question et nos sondages indiquent que nos clients du secteur privé s'en fichent éperdument.
Nous essayons désespérément de faire l'éducation de nos membres du secteur privé et de leur faire comprendre que dans cinq ou six ans, ils auront peut-être de la difficulté à trouver des travailleurs pour remplacer ceux qui s'apprêtent à prendre leur retraite.
Le seul aspect qui semble accrocher quelque peu les gens, c'est bien sûr toute la question de la non-durabilité des régimes de retraite privés à prestations déterminées. Ce sujet capte leur attention car on leur présente la problématique dans une perspective financière.
Cependant, nous sommes troublés et renversés de voir à quel point on y accorde peu d'attention parmi les dirigeants du monde des affaires. Ils n'ont fait aucun effort pour changer la manière dont ils traitent actuellement leurs travailleurs âgés et mettre en place des stratégies pour composer avec les pénuries de main-d'oeuvre et les problèmes de recrutement. Cette situation existe dans l'ensemble des quelque 15 000 organisations qui sont en contact avec le Conference Board du Canada.
Le président : Merci, monsieur Darby. C'est justement la raison d'être des audiences que nous tenons. Notre comité considère que cette question est une bombe à retardement pour l'économie canadienne. C'est une bombe à mèche lente, mais la mèche brûle inéluctablement et nous ne sommes pas prêts. C'est la raison pour laquelle nous avons convoqué des audiences publiques et, ce faisant, nous espérons changer l'état d'esprit des médias et du public et leur faire comprendre que c'est une question gravement préoccupante.
William B.P. Robson, premier vice-président et directeur de la recherche, Institut C.D. Howe : Je sais que les questions et réponses peuvent être plus divertissantes que les exposés, et je serai donc bref. Je souscris aux observations quant à l'importance de cette question. Nous avons eu la réforme du RPC et du RRQ, mais à ces deux exceptions près, il y a eu remarquablement peu d'action dans ce dossier.
Nous avons beau nous regarder dans le miroir tous les jours, nous savons que les changements que nous ne constatons pas nécessairement d'un jour à l'autre peuvent avoir à la longue des effets cumulatifs considérables.
Je trouve que votre comité a fait preuve d'à-propos et de sagesse en entreprenant cette étude.
Vous avez reçu notre mémoire et je ne vais certainement pas le lire. Je veux mettre en lumière la raison pour laquelle nous énonçons un modèle très simple qui se conforme à ce que beaucoup d'économistes soutiennent. Les économistes croient qu'il est utile de réfléchir au fait que les revenus et les extrants dans l'économie sont créés par la main-d'oeuvre, l'épargne et les investissements qui créent de la richesse et font croître la productivité, ce qui avec le temps contribue à augmenter notre niveau de vie, comme ce fut le cas au cours des générations passées. J'insiste sur ce cadre conceptuel en partie parce qu'il est utile pour énoncer nos préoccupations.
Le mémoire présente deux scénarios. Je ne mettrais pas ma main au feu pour les défendre. C'est un modèle simple qui aide à mettre en lumière les éléments clés de nos préoccupations. Nous sommes préoccupés par les changements dans le taux de participation de la main-d'oeuvre vieillissante. Si nous proposons des hypothèses tout à fait crédibles quant au taux d'épargne national et au taux auquel nous accumulons de la richesse, et si nous faisons ensuite de simples projections fondées sur la croissance de la productivité dans le passé, nous obtenons des revenus réels par personne dont la croissance est considérablement plus lente que celle à laquelle nous sommes habitués.
Le président : Monsieur Robson, je vous demanderais de ralentir.
M. Robson : Je vais ralentir de manière proportionnelle au ralentissement de la croissance du revenu réel.
Un scénario intermédiaire nous donne une croissance du revenu réel inférieure, mais tout de même positive. Nous craignons toutefois qu'une population plus âgée épargne moins et que la croissance de la productivité dans l'ensemble de l'économie puisse être plus lente.
Il est important à la fois pour la prospérité du secteur privé et pour la capacité du secteur public d'offrir des programmes à un coût raisonnable en termes de fiscalité pour s'attaquer à certains éléments sur lesquels nous pouvons agir à notre avis.
Je voudrais faire quelques observations sur chacun de ces trois facteurs. Comme je l'ai dit, je ne vais pas reprendre mon mémoire point par point.
Il y a eu une très bonne discussion avec le groupe précédent au sujet du taux de participation de la population active. Je voudrais attirer votre attention sur un fait étonnant qui ressort de nos projections démographiques; ce calcul n'a pas été fait à temps pour être inclus dans le mémoire.
Au cours des 25 dernières années, si l'on prend l'augmentation totale de la population que l'on considère normalement comme étant en âge de travailler, disons entre 18 et 64 ans, environ le quart de l'augmentation nette de cette population en âge de travailler était composé de personnes âgées de 55 à 64 ans. Il s'agit de la dernière décennie de vie professionnelle et il est certain qu'à cet âge-là, la plupart des gens se rapprochent de la retraite.
Au cours des 25 prochaines années, plus de 90 p. 100 de l'augmentation nette de la population en âge de travailler se situera dans ce groupe d'âge. C'est un simple calcul arithmétique. Évidemment, certaines de ces personnes ont atteint l'âge de 55 ans pendant cette période. Essentiellement, c'est là que se situera la totalité de la croissance nette de la population en âge de travailler. Pour les employeurs et pour les affaires publiques, cela permet de circonscrire très nettement la difficulté.
Beaucoup des éléments dont on a discuté tout à l'heure, que ce soit les forces qui incitent à la retraite, les gens à revenu modeste qui risquent de subir une ponction fiscale considérable s'ils continuent de travailler, beaucoup de lois fiscales et d'autres règlements qui influent sur la rémunération dans le secteur privé, tout cela aura énormément d'importance.
Je voudrais m'attarder sur le problème particulier des retraites anticipées dans le secteur public, problème qui existe aussi dans le secteur privé mais qui a atteint un plateau depuis le milieu des années 90. Quoi qu'il en soit, des pans entiers de capital humain quittent les secteurs de la santé et de l'éducation. Quand on songe aux encouragements qui sont offerts aux gens pour les inciter à rester dans la population active ou à en sortir, l'un des principaux points de friction est le secteur public. Il faut bien voir que nous devons changer l'environnement non seulement du secteur privé, mais aussi du secteur public, parce que si la tendance se maintient, le système de santé subira de trop lourdes pressions.
Au sujet de l'épargne et de l'investissement, il y a un argument qui saute aux yeux, et qui a été en partie évoqué au cours de la discussion de tout à l'heure sur la productivité. Et cela rejoint aussi les encouragements au travail en ce qui a trait à l'épargne, parce que l'épargne-retraite est très importante dans l'ensemble de la richesse nationale. Il est certain que les lois fiscales pourraient être plus favorables à l'épargne dans le secteur privé.
Si l'on se tourne vers le secteur public, le financement plus généreux des régimes de retraite du Canada et du Québec a certainement aidé. Cela a réduit l'ampleur du problème financier, mais nous sommes quand même confrontés à d'autres difficultés dans ce domaine et les soins de santé sont un cas particulièrement épineux.
Le gouvernement fédéral est mal placé pour trouver des solutions aux problèmes de soins de santé parce que c'est au niveau provincial qu'ils se manifestent. À mon avis, plus les provinces dépendent des paiements de transfert du gouvernement fédéral en matière de santé, plus il sera difficile pour elles de faire face aux pressions qui s'exercent.
Vous savez que l'Institut C. D. Howe a récemment publié des informations sur le lien entre les systèmes d'imposition et les investissements ainsi que sur la position relative du Canada à cet égard.
Pour ce qui est de la productivité, je dirais tout simplement que plus le marché du travail est dynamique et plus on encourage l'épargne et l'investissement, plus la productivité augmentera. On s'en rend compte avec le recul, au bout de quelques années. Il est difficile d'influencer la productivité si on la traite de façon isolée, mais si on la conçoit par rapport à ce qui se passe sur le marché du travail et dans le domaine de l'investissement, à ce moment-là c'est toute autre chose.
Sur ce, je vous remercie de nous avoir invités. Nous serons ravis de répondre à vos questions.
Richard Fahey, vice-président, Québec, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante : Merci de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Je dois vous avouer que je suis un peu stressé parce que c'est le sénateur Goldstein qui donnait le cours sur la faillite quand j'étais à l'Université de Montréal. Nous sommes justement ici pour parler de cette question, à savoir comment éviter les faillites dans le secteur des PME.
Évidemment, la population canadienne vieillit et depuis quelque temps on parle principalement de l'impact de ce phénomène démographique sur les politiques sociales ainsi que sur les secteurs de la santé et de l'éducation.
La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a décidé de s'intéresser à toute autre chose. Au lieu de mettre l'accent sur les dépenses, nous nous sommes penchés sur les revenus qui sont générés par les dirigeants des PME et les emplois qui sont générés dans ce secteur, qui se chiffrent à 70 p. 100 des nouveaux emplois créés chaque année. D'ailleurs, notre structure socioéconomique est presque entièrement fondée sur le secteur des PME. C'est un fait peu connu que 75 p. 100 de toutes les sociétés ont à leur emploi moins de cinq personnes, on parle alors de très petites entreprises, et que 98 p. 100 des entreprises emploient moins de 50 personnes.
La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a publié un rapport en juin dans lequel elle indique que 40 p. 100 des petits entrepreneurs prendraient leur retraite au cours des cinq prochaines années. On risque de vous dire que cinq ans, ça laisse suffisamment de temps, mais quand on sait que ça prend de trois à cinq ans pour assurer une transition réussie, on se rend compte qu'on n'a plus le temps de planifier et qu'il faut passer à l'action. À plus long terme, c'est-à-dire dans 10 ans, 70 p. 100 de ces entrepreneurs auront pris leur retraite et auront vendu leur entreprise à quelqu'un d'autre.
Je suis d'accord avec le sénateur Massicotte; on ne peut continuer à accepter que les deux tiers des petits entrepreneurs n'aient pas encore commencé à planifier leur relève. Chez ceux qui ont effectivement commencé, la majorité l'ont fait de façon informelle sans en informer le successeur potentiel.
[Français]
On constate qu'une très grande majorité des dirigeants de PME — près de 58 p. 100 — prévoient prendre leur retraite dans deux ans mais n'ont même pas encore identifié de successeur.
[Traduction]
Nous savons que 58 p. 100 des entrepreneurs ont l'intention de prendre leur retraite d'ici deux ans mais n'ont pas encore pensé qui reprendra leur entreprise. C'est un problème grave qu'il faut résoudre de toute urgence.
Dans notre rapport, nous avons indiqué que deux millions d'emplois étaient en péril au Canada. Pourquoi ce chiffre de deux millions d'emplois? Sans préparation, les petits entrepreneurs ont tendance à vendre leur entreprise à rabais à leurs concurrents, à des intérêts étrangers, ce qui augmente les risques de cessation d'activité. Permettez-moi de vous donner deux exemples, l'un positif et l'autre négatif.
Je commencerai par l'exemple négatif, celui du fabricant de cercueils sur la côte sud du Saint-Laurent. En fait il y a trois fabricants de cercueils en Amérique du Nord, dont deux sont situés aux États-Unis. La société québécoise n'avait pas de plan de succession ni de successeur. L'entrepreneur a donc vendu son entreprise à un concurrent qui a racheté la part de marché pour ensuite mettre la clé sous la porte. Il y a eu des mises à pied et c'est maintenant les sociétés américaines qui ont le monopole de ce marché. Ça, c'est l'exemple négatif.
Heureusement qu'il y a des exemples plus réjouissants. Par exemple, celui du fabricant de machines à la fine pointe de la technologie dans le secteur énergétique à Moncton qui s'est trouvé dans la même situation. L'entrepreneur a reçu une offre très généreuse de la part d'une entité américaine. Pendant qu'il négociait l'offre, l'entrepreneur a posé des questions sur le potentiel de croissance et l'avenir de son entreprise. C'est là que l'acheteur lui a dit qu'il avait l'intention de fermer la boîte. Par conséquent, l'entrepreneur a refusé de vendre sa société.
Il est évident que cet entrepreneur-là comprend les avantages de la planification de la relève et voilà, nous voulons mettre l'accent sur la bonne planification. Il est clair que c'est l'entrepreneur qui doit en assumer la responsabilité, mais en même temps le gouvernement a aussi un rôle à jouer.
Nous avons six recommandations qui permettront de faciliter le processus de passation.
D'abord, comme l'a dit mon collègue M. Darby, il faut sensibiliser les gens. Il faut qu'on sensibilise les gens quant aux bonnes méthodes de planification de la relève en rendant disponible des informations par le biais de Service Canada.
Nous sommes d'avis que nous devrions organiser au Canada une conférence sur la question de la relève dans le secteur des PME, étant donné l'importance de leur rôle économique. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante participerait à une telle conférence.
Pour ce qui est des mesures fiscales, il faudrait augmenter le montant de l'exonération cumulative des gains en capital sur la vente des exploitations agricoles et des actions de petites entreprises. L'exonération, qui se chiffre à 500 000 $, est en vigueur depuis 1987. L'exonération devrait être indexée pour atteindre de 750 000 à 800 000 $.
La deuxième recommandation de nature fiscale, c'est le report des impôts sur les gains en capital émanant du transfert de l'entreprise aux enfants de l'entrepreneur. Ainsi, si l'entrepreneur cédait son entreprise à ses enfants, les enfants ou le propriétaire pourraient reporter les impôts sur les gains en capital.
La troisième recommandation porte sur les programmes gouvernementaux et l'intervention du gouvernement par le biais de ses organismes. Actuellement, on ne devrait pas s'intéresser à la création de nouvelles entreprises mais plutôt à la survie des sociétés qui ont déjà vu le jour.
Enfin, par le biais du réseau d'organismes de développement économique financés par le gouvernement du Canada, nous devons encourager le développement d'une culture d'entrepreneurship en collaborant avec les organisations d'encadrement des étudiants et de développement d'activités éducatives.
[Français]
La relève de nos entrepreneurs se trouve actuellement sur les bancs d'école. Il faut encourager nos jeunes à se lancer en affaires. Dans la plus récente étude du Global Entrepreneurship Monitor, il est démontré que le Canada est en retard sur cette volonté de se lancer en affaires. Il faut donc insister.
Notre rapport suggère de ne pas faire de recommandations seulement au gouvernement. La responsabilité première revient aux dirigeants d'entreprises. Nous avons offert nos recommandations aux professionnels qui conseillent les dirigeants des PME. Nous recommandons à toutes les institutions financières, compagnies d'assurance et autres de revenir au secteur de la PME. Les banques ont délaissé ce secteur au fil des ans. Le taux de refus des prêts aux PME est en forte augmentation. Il faut que les institutions financières aident nos entreprises à passer à travers cette transition.
En conclusion, il est rentable de préparer la relève, parce qu'il est reconnu que cela augmente la valeur et les revenus de l'entreprise tout en contribuant à sa stabilité financière. Préparer les jeunes aux rôles qu'ils auront à jouer dans le futur de s'assurer que les 2 millions d'emplois à risque au Canada seront conservés ne peut qu'augmenter leur productivité.
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de votre présentation et de votre rapport, qui est très bien fait. Monsieur Darby, lorsqu'on parle de croissance économique et de PIB, en termes très techniques, mais au plan de la croissance démographique, si la tendance se maintient, qu'est-ce que cela signifie pour les Canadiens et les Canadiennes?
[Traduction]
M. Darby : Lorsque nous préparions les prévisions à long terme pour le Canada, les représentants d'Hydro-Québec nous ont accusés de ne pas avoir suffisamment pris en compte l'impact du vieillissement de la population sur la population active. Cela a eu pour moi l'effet d'une douche froide.
Lorsqu'on a ventilé les données démographiques pour créer différentes cohortes, et qu'on a pris en compte les fluctuations dans le temps de la population active pour chacune de ces cohortes afin de prévoir l'avenir, on a découvert que ce serait en 2017 qu'on atteindrait un taux de chômage négatif.
Je ne peux pas vraiment me permettre de publier un taux de chômage négatif. J'adore les prévisions à long terme parce qu'on se rend compte que si on maintient notre rythme actuel, le système s'effondrera, et c'est là qu'on peut vraiment tirer des leçons importantes.
On s'est vite rendu compte que les politiques sur l'emploi et les approches actuelles ou relatives à la production des richesses au Canada ne sont pas viables. Il faudra y apporter des modifications. Le groupe de discussion précédent a consacré pas mal de temps à ces ajustements, qui comprennent notamment l'augmentation des salaires, l'investissement en capital et le replacement du travail par le capital, face au rétrécissement de la population active. Peu importe l'optique adoptée, nous savons que la croissance au Canada va passer de 3 p. 100 à 2 p. 100 environ d'ici 2025, c'est-à- dire au cours des vingt prochaines années.
On ne peut que conclure que la pénurie de travailleurs, surtout à partir de 2010, va limiter de façon importante la croissance au Canada. Il faut qu'on en soit conscient.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Le gouverneur de la Banque du Canada, M. Dodge, a parlé récemment des conséquences possibles qu'entraînerait l'utilisation des épargnes chez un pourcentage très élevé de la population qui doit subvenir à ses besoins, ce qui signifie moins de capital disponible pour l'investissement. Selon vous, est-ce dangereux?
[Traduction]
M. Robson : C'est un des facteurs importants les moins connus mais il comprend un risque. Pour le Canadien moyen, si l'on pense au taux de croissance des revenus, cela se traduira par un niveau de vie qui évoluera au ralenti. Pour beaucoup de groupes, cela veut dire qu'il y aura stagnation alors que même s'ils ne se portaient pas aussi bien que d'autres, ils jouissaient par le passé d'une certaine croissance. La stagnation mènera à des conflits lorsque les gouvernements tenteront de redistribuer les richesses et d'imposer les revenus des particuliers pour assurer la prestation de services.
L'incidence sur l'épargne est certainement l'un des facteurs de cette perspective qui me préoccupe. Il est possible d'imaginer une situation où un pays attirerait l'épargne étrangère, comme le Canada l'a fait pendant de nombreuses années, et continuerait à fournir de nouveaux outils à ses travailleurs et générerait ainsi une croissance de la productivité.
Il a toujours été vrai, et cela reste vrai encore aujourd'hui, que l'épargne des citoyens de ce pays génère les investissements que ce pays peut entreprendre. Par exemple, je suis davantage disposé à investir dans l'entreprise de M. Fahey parce que je le connais et je sais ce qu'il fait. C'est tout à fait différent d'investir à l'autre bout du monde.
Cette question de l'épargne est très importante pour moi. Il est important que le secteur public veille à ce que le profil chronologique des programmes puisse être maintenu. Si l'écart entre nos impôts et nos dépenses s'élargit, nous devrons assurer un préfinancement, comme nous l'avons fait pour le Régime de pensions du Canada.
Pour ce qui est du secteur privé, nous ne savons pas de quelle manière les habitudes d'épargne des particuliers vont évoluer. David Dodge a souligné un risque particulier. Nous devons utiliser les leviers que nous contrôlons. C'est pourquoi j'ai souligné l'importance d'accorder un traitement aussi favorable que possible à l'épargne-pension.
Le sénateur Angus : Je m'adresse d'abord à M. Darby, même si cela vous étonne.
Je crois savoir que le Conference Board du Canada est un groupe de réflexion privé.
M. Darby : C'est exact.
Le sénateur Angus : C'est le secteur privé, où vous recrutez vos membres, qui néglige ce problème.
M. Darby : Oui, vous avez raison.
Le sénateur Angus : Votre organisme a publié un rapport intéressant qui confirme les risques pour la prospérité et le niveau de vie au Canada.
À ce propos, je tiens à féliciter chacun d'entre vous. C'est un excellent document que vous avez préparé.
D'après votre rapport sur les 12 grands pays industrialisés, le Canada est passé du troisième rang, au sixième, pour se retrouver maintenant bon dernier. En d'autres mots, notre rendement s'est détérioré. Cela doit intéresser vos membres et ils doivent être scandalisés et étonnés que le pays semble être en chute libre. Nous devons renverser la situation.
Est-ce que le vieillissement de notre population est un facteur de ce déclin?
M. Darby : Le vieillissement de notre population y contribue dans une certaine mesure, mais pour le moment, ce n'est pas un facteur très important. S'il est difficile d'attirer l'attention du secteur privé à cette question, c'est en partie parce que ce n'est pas un problème urgent, à l'exception de la viabilité des prestations déterminées des régimes de pension. Les derniers des post-boomers — la génération qui suit celle des baby-boomers — arrivent sur le marché du travail et le secteur privé n'a donc aucune difficulté à recruter. Le taux de chômage est faible, et il y a de graves problèmes de compétences; il y a un manque de concordance entre les compétences et les emplois disponibles. Toutefois, pour ce qui est du nombre de personnes sur le marché du travail, nous sommes encore loin de la crise qui nous attend dans cinq ans.
Le sénateur Angus : J'ai été étonné par votre affirmation parce que depuis cinq ans, on n'entend parler que de notre système de soins de santé.
On nous a dit qu'il dépassait nos moyens à cause du vieillissement de la population et de la pénurie d'intervenants essentiels comme les infirmières et infirmiers et les techniciens.
Les entreprises du secteur privé doivent certainement y prêter attention puisqu'une plus forte proportion de nos impôts servent à le consolider. Pouvons-nous continuer à le maintenir comme nous le faisons maintenant? Probablement pas. Qu'est-ce qu'un partenariat public-privé et comment est-ce que ça fonctionne? C'est la question de l'heure.
L'Institut C.D. Howe, le Conference Board du Canada et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante s'intéressent à ces questions et j'espère que la population prêtera attention à vos rapports.
Vous étiez tous présents lorsque les autres témoins ont comparu. L'un de ces témoins a confirmé que ce problème n'existe pas aux États-Unis. Or, notre économie et bon nombre des facteurs qui ont contribué à notre merveilleux niveau de vie et à notre taux de croissance économique, passeront de trois à deux en 12 ans environ, selon vos prévisions, et cela fait peur. Le modèle américain nous a touchés, mais voilà un secteur où la différence est totale. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
À mon avis, il y a là une anomalie. Nous vivons à côté d'un éléphant; lorsqu'il prend froid, nous attrapons une pneumonie. Voilà un secteur critique pour notre avenir et vous êtes étonnés.
M. Darby : En ce qui concerne le rendement américain, la grande différence est due au très grand nombre d'immigrants latino-américains dont les taux de fertilité sont plus élevés qu'au Canada. Je ne suis pas sûr, mais il serait peut-être utile de déterminer pour quelle raison les taux de fertilité parmi ce grand nombre d'immigrants latino- américains aux États-Unis sont restés si élevés.
Le président : Nous avons posé la question ce matin à un expert de Statistique Canada qui nous a dit que ce n'est pas seulement une question multiculturelle ou ethnique, mais que c'est vrai pour l'ensemble de la population.
Le sénateur Angus : Les femmes américaines ont des enfants à 25 ans alors que les femmes Canadiennes attendent jusqu'à la fin de leur vingtaine.
Le président : C'est ce que nous pensions intuitivement, mais nous avons posé la question et nous avons été surpris d'apprendre que ce n'était pas le cas. Il y a réellement une différence entre le Canada et les États-Unis en ce qui concerne la manière d'aborder la question de la fertilité.
M. Darby : J'ai examiné les données des Afro-Américains et des immigrants d'origine latino-américaine aux États- Unis et leur taux de fertilité est bel et bien plus élevé que le taux de fertilité moyen du reste de la population américaine.
Aux États-Unis, le taux de fertilité des femmes caucasiennes ou des femmes appartenant aux minorités non visibles est plus élevé qu'au Canada, mais les différences ne sont pas aussi grandes. Dans l'ensemble, le taux est plus élevé, mais je crois néanmoins qu'il serait utile d'examiner certains aspects culturels — l'attitude envers la famille et les enfants qui pourrait expliquer les différences dans les taux de fertilité.
Le sénateur Angus : N'ai-je pas dit que M. Taylor et les trois autres souhaitaient intervenir?
Le président : J'aimerais simplement poser la question, puis vous pourrez répondre. Y a-t-il une relation entre la participation des femmes dans la population active et les taux de fertilité? Avez-vous examiné la possibilité qu'il y ait un lien entre ces deux choses — la différence entre les taux de participation ici ou dans les régions du Canada comparativement aux taux de participation aux États-Unis?
M. Darby : Des données européennes semblent indiquer que l'intuition selon laquelle un taux de participation moins élevé des femmes serait associé à des taux de fertilité plus élevés est fausse. Nous avons des données pour un certain nombre de pays européens où il y a eu un déclin du taux de participation des femmes, parfois encouragé par des politiques gouvernementales natalistes, sans que le taux de fertilité augmente.
Les attitudes des femmes dans la plupart des pays développés et dans de nombreux pays en voie de développement, comme la Chine et l'Inde, sont influencées par leur éducation et la disponibilité de méthodes de contraception bon marché. Le fait qu'une femme reste à la maison ou pas n'est pas un facteur aussi important.
M. Robson : J'aimerais répondre à la question au sujet du secteur privé. Il est vrai que lorsque nous interrogeons les dirigeants d'entreprise sur ce qu'ils font à cet égard, très souvent on nous répond qu'ils n'y ont pas songé sauf peut-être en ce qui concerne la crise que M. Darby a mentionnée. L'une des données les plus intrigantes des récentes statistiques sur l'emploi, du début de 2001 jusqu'à aujourd'hui, c'est l'augmentation nette de l'emploi. Plus de la moitié de la population active est âgée de 55 ans et plus. Dans le secteur privé, il y a une adaptation en cours. Les employeurs constatent que le milieu de travail répond mieux aux besoins des travailleurs plus âgés en raison des nombreuses mesures qu'ils ont prises pour améliorer les conditions de travail, par exemple pour les personnes handicapées, et cetera. En examinant cette question, vous découvrirez peut-être des moyens indirects d'atteindre ces objectifs stratégiques.
Nous n'avons pas fait beaucoup de recherche sur les taux de fertilité. Dans son étude, Kevin Milligan a constaté que le programme nataliste du Québec a donné des résultats, mais qu'il a coûté environ 15 000 $ pour chaque naissance qui n'aurait pas eu lieu sans cette prestation. Cela peut sembler élevé, mais compte tenu des impôts et des contributions que cet enfant versera tout au long de sa vie, c'est peut-être une aubaine. Ce n'est pas le dernier mot à ce sujet, et je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure solution. J'espère que ce comité examinera certaines politiques natalistes dans le cadre d'un ensemble de mesures, c'est une question délicate sur le plan politique, mais il ne fait aucun doute que c'est ce qu'il faut faire si l'on veut que la société se maintienne à long terme.
Rob Taylor, analyste principal en matière de politiques, Affaires nationales, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante : Pour ce qui est de la reconnaissance de ce problème par le secteur privé, les entreprises se préoccupent davantage de leur survie au jour le jour et c'est pourquoi nous leur en parlons. Nous collaborons avec un certain nombre d'organismes, comme les comptables agréés, pour les sensibiliser à la nécessité de planifier et aux avantages de préparer la relève.
Le sénateur Angus : J'ai été surpris, même si j'ai trouvé que c'était faire preuve d'imagination que d'aborder le problème sous l'angle des revenus, monsieur Fahey. À mon avis, ça n'a rien à voir avec le vieillissement de la population ni la question démographique. Le propriétaire de petite entreprise espère toujours soit prendre de l'expansion ou faire fortune et se retirer pour couler des jours heureux à Palm Springs, ou alors que ses enfants ou ses petits-enfants reprennent l'entreprise familiale. Je pense que c'est les deux scénarios que vous avez décrits.
Il y a un autre problème, qui intéresse grandement votre organisme. La structure financière du Canada n'est pas attirante. Lorsque quelqu'un réussit à trouver le capital de risque et tous les fonds nécessaires pour lancer une entreprise et la faire fonctionner, il n'a rien de plus pressant que de trouver une entreprise américaine, britannique ou allemande pour la racheter.
C'est quelque chose qui se produit. Je pense que vous avez décrit l'autre problème également. S'il y a trois entreprises dans un secteur — et c'est beaucoup plus courant que je ne le croyais — une entreprise étrangère rachète l'entreprise canadienne pour obtenir ses parts de marché. Puis, en général, l'entreprise canadienne ferme ses portes. Je ne pense pas que cela ait un rapport quelconque avec le vieillissement de la population.
M. Fahey : La personne qui prend la décision finale, c'est-à-dire le propriétaire de l'entreprise, qui vieillit lui aussi. Il a peut-être des ennuis de santé. Il n'a peut-être personne pour lui succéder. C'est un des éléments clés de cette recherche : lorsqu'on examine les habitudes d'épargne du propriétaire de PME, on constate qu'il économise pour sa retraite en misant sur la valeur de son entreprise. Son régime de retraite, c'est son entreprise. Au fil des années, il a investi dans l'équipement, dans l'entreprise, dans ses employés. Avant de partir pour le désert ou pour Palm Springs, il doit réaliser son entreprise.
Vous avez mentionné que la structure financière impose un défi aux PME, mais il ne faut pas sous-estimer non plus le fardeau réglementaire. Nous avons effectué une étude au Québec et le Fraser Institute a également chiffré ce fardeau. Le Fraser Institute a déterminé que les propriétaires de PME dans toutes les régions du Canada dépensent 12 milliards de dollars pour préparer de la paperasse pour les fonctionnaires.
Au Québec, nous avons effectué l'étude d'une manière différente. Nous avons montré que chaque employé consacre trois heures par semaine à la paperasse et aux formalités administratives. Nous avons expliqué que 75 p. 100 des petites entreprises ont moins de cinq employés, ce qui fait que chaque entreprise consacre 15 heures par semaine à la paperasserie.
Cela se répercute bien entendu sur le temps nécessaire pour préparer sa succession. C'est pour cette raison que nous demandons au gouvernement de modifier non pas seulement ses politiques fiscales, mais aussi sa réglementation et ses programmes afin que le climat soit plus propice pour les petites entreprises et qu'elles puissent, comme c'était le cas autrefois, être la plus grande source de création d'emplois et de richesse au Canada.
Le sénateur Massicotte : Monsieur Robson, vous avez dit que les politiques incitatives avaient donné de bons résultats au Québec, mais M. Darby, dans son rapport, dit expressément que de telles politiques n'ont fait aucune différence au Québec. Où est la vérité?
M. Darby : De notre point de vue, le taux de fécondité a baissé pendant que le programme était en vigueur. Il y a peut-être d'autres facteurs qui sont entrés en ligne de compte, mais l'initiative avait précisément pour objectif d'accroître le taux de fécondité, mais c'est le contraire qui est arrivé. Après deux ou trois ans, le gouvernement du Québec a en fait accru le montant des prestations, et le taux de fécondité a continué de baisser. Le gouvernement a fini par renoncer tout à fait à l'initiative. Cela ne donne pas l'impression que le programme a été une réussite.
Le président : Le montant des incitatifs s'élevait à 15 000 $ ou 16 000 $ par habitant, n'est-ce pas?
Le sénateur Massicotte : Monsieur Robson, interprétez-vous les chiffres de la même façon?
M. Robson : Si nous étions aux prises avec une maladie et que le taux de mortalité augmentait, et qu'il continuait à augmenter, et ce, en dépit des médicaments donnés à la population, nous ne conclurions pas nécessairement à l'inutilité des médicaments.
Ce qu'il faut faire pour ce genre d'analyses, c'est d'essayer de déterminer qui est touché et de faire ensuite une comparaison avec des personnes semblables qui se trouvent dans des circonstances semblables.
Kevin Milligan a conclu que le programme avait fait certaines différences. Il n'avait pas suffi à changer la tendance, mais il y a d'autres mesures que nous pouvons prendre.
Je vous répète ce bon mot que j'ai entendu et dont je voudrais bien pouvoir m'attribuer le mérite, à savoir que le régime fiscal canadien traite les enfants de ceux qui ont un revenu moyen ou supérieur comme s'il s'agissait d'« embarcations de luxe ». Les enfants sont un article de consommation et les parents doivent payer des impôts sur la part de revenu qu'ils consacrent à l'éducation de leurs enfants jusqu'à ce qu'ils arrivent au niveau postsecondaire, après quoi ils ont droit à une certaine aide.
C'est sûr que le Canada pourrait rajuster son régime fiscal et les autres transferts de manière à tenir davantage compte des besoins des familles. Nous ne savons pas quelle différence cela ferait. Kevin Milligan a pour sa part conclu que cela ferait une différence. C'est certainement un des éléments sur lesquels nous voulons nous pencher dans le cadre de l'étude que nous avons entreprise. Au bout du compte, le problème ne pourra pas être réglé uniquement par le biais de l'immigration. Si l'économie nationale se porte tant bien que mal et que le fardeau fiscal augmente, nous nous trouverions ainsi à dire à beaucoup d'immigrants : « Venez chez nous pour vider nos bassins de lit et nous allons vous faire payer des impôts faramineux », ce qui n'est guère susceptible de les attirer.
Le sénateur Massicotte : Qu'a-t-on fait en France?
M. Darby : Il ne fait aucun doute que, si l'on prévoit un incitatif assez important, on réussira à changer les comportements pour ce qui est des taux de fécondité. Ce qu'il faut en fait savoir, c'est à partir de quel montant on peut vraiment voir une différence. Les programmes qui ont été mis en place au Québec ont manifestement eu une petite incidence, mais ils étaient loin d'être assez intéressants pour que la famille québécoise moyenne, quelle que soit la réalité qu'englobe ce terme, songe sérieusement à changer de comportement pour ce qui est d'avoir des enfants.
Cela coûte cher de donner une bonne éducation à ses enfants et de leur offrir de bonnes perspectives de carrière, et le simple fait d'élever un enfant coûte aussi très cher. Si l'on tient à faire une différence ici, on peut le faire, mais cela coûtera cher.
M. Fahey : J'ai eu le privilège de participer à un forum sur l'incidence de notre population vieillissante. Le ministère des Finances a démontré que l'effet était marginal et qu'il n'était pas assez important pour renverser la tendance à la baisse des taux de fécondité.
Le comité a examiné les politiques natalistes de divers pays d'Europe et d'Amérique du Nord. Même s'il remporte la palme en fait de générosité envers les familles, le Québec n'a pas le taux de fécondité le plus élevé au Canada. D'après les recherches du ministère des Finances, il faut injecter des sommes considérables pour convaincre les gens d'avoir des enfants. Une analyse coûts-avantages ne suffit pas.
[Français]
Le sénateur Plamondon : J'aimerais revenir sur le sujet de la famille. Lorsqu'on lit les documents qui nous ont été fournis, on pense à ce qui est mesurable comme les revenus, la productivité, mais jamais au bonheur des familles. On ne mesure pas le bonheur, c'est ce qu'on disait dans Le Devoir d'aujourd'hui. À quand une étude pour mesurer le bonheur?
On peut vous donner une garderie, mais si cela prend le salaire des deux parents, si les deux parents sont obligés de travailler pendant huit heures, aller très tôt le matin reconduire les enfants à la garderie, arriver exténués le soir, avoir à peine le temps d'assister aux devoirs et aux leçons des enfants, donner les bains, et avoir un peu de temps pour eux, ce n'est pas le montant d'argent qui va compter; l'important serait de transformer le marché du travail afin de permettre aux parents de jouir de la présence des enfants. Cela, on ne l'a pas fait. On n'a pas pensé au bonheur des familles. C'était mon commentaire.
Ma question portait plutôt sur l'immigration. Vous pourrez commenter sur la stabilité des familles. On ne fait pas d'enfants si on ne sait pas si on va rester avec le même partenaire toute sa vie. Après un divorce ou une séparation, une femme prend du temps avant de décider d'avoir un autre enfant.
Je me demande s'il y a une compétition dans les pays qui font appel à l'immigration. Avez-vous fait des études là- dessus? Quelle est la façon pour aller chercher les immigrants? Est-ce que les immigrants qu'on reçoit investissent au Canada ou si ces immigrants épargnent pour ensuite retourner dans leur pays quand la situation politique ou économique est meilleure? Autrement dit, est-ce qu'ils viennent pour travailler, économiser et s'en retourner ou s'ils viennent vraiment pour participer à part entière comme Canadien?
M. Fahey : En fait, je vais commenter sur votre propre commentaire au sujet du bonheur. Des travaux sont en cours sur l'évaluation du bonheur. Pierre Fortin, un économiste renommé au Québec, a fait des travaux très intéressants à ce sujet, et justement, il fait un index sur le bonheur.
Vous avez tout à fait raison. La décision d'enfanter n'est pas facile; ce n'est pas une décision monnayable. Avoir un enfant apporte du bonheur; cela apporte des responsabilités aussi. Et l'encadrement social que l'on donne à cet enfant, aussi généreux puisse-t-il être, doit se payer, se monnayer, et est relié, en quelque sorte, aux impôts et taxes perçus par les différents gouvernements afin d'assurer ce filet d'encadrement pour les enfants et pour la famille.
Je vais vous présenter l'immigration du point de vue du dirigeant d'entreprise. L'immigration est en train de devenir un moyen, pour les dirigeants de PME, de faire face à la pénurie de main-d'œuvre qualifiée. En ce moment, on estime qu'il y a environ 250 000 emplois au Canada, dans le secteur de la PME, qui ne sont pas comblés depuis plus de quatre mois. Nous nous inquiétons de voir que la pénurie de main-d'œuvre que l'on ne prévoyait que dans cinq, dix ans, est déjà en train de se réaliser. On voit la pointe de l'iceberg et on sait que le grand défi va venir dans dix ans. Cependant, l'immigration est vue comme une façon de contrer cette pénurie de main-d'œuvre, de contrer cette pénurie de personnes dans la population active au Canada.
On a constaté au Québec que l'on assiste à une plus grande proportion d'immigrants investisseurs. L'immigrant voit la possibilité d'investir au Canada. Il l'a parfois fait de l'étranger, il le fait parfois en étant présent au Canada. Et à ce sujet, je vous dirais que le défi collectif que l'on a par rapport à l'immigration en est un d'intégration. Au Québec, le gouvernement a introduit une nouvelle politique d'immigration basée sur l'évolution de la population active. Donc, il regarde les besoins de main-d'œuvre dans différents secteurs et va chercher les immigrants en fonction de ces besoins. Cela a été une démarche initiée par le ministre Coderre à l'époque, suite à des discussions avec les autres gouvernements des provinces. Et le gouvernement du Québec a adapté cette approche, ce qui nous permettra d'aller chercher des immigrants qui pourront répondre aux besoins de notre main-d'œuvre, de notre économie.
Le défi est maintenant de reconnaître leurs diplômes et leurs compétences. Il n'est pas normal — je vais prendre l'exemple du Québec — qu'un avocat de l'étranger doive travailler cinq ans en cabinet avant de pouvoir pratiquer, alors que d'obtenir un baccalauréat en droit et faire ensuite son Barreau ne prend que quatre ans.
Il faut reconnaître les diplômes. Combien d'ingénieurs haïtiens ou maghrébins, à Montréal, sont chauffeurs de taxi? Ce n'est pas normal. Il faut permettre à ces gens de contribuer à l'économie, les intégrer — pas juste dans les grands centres mais dans les régions du Canada — pour faire en sorte que l'on aura de la main-d'œuvre qui nous aidera à passer au travers du défi du vieillissement de la population.
[Traduction]
M. Darby : Les immigrants sont une denrée qu'on s'arrache, et la tendance ne fera que s'accentuer. Le Canada aura plus de mal à attirer des immigrants dans les 10 ou 20 prochaines années. La population de la Chine, d'où proviennent la plupart de nos immigrants, vieillit. Le taux de fécondité y est de deux, et le taux de fécondité baisse en Inde. L'Europe ne fournit plus tellement d'immigrants au Canada. Il deviendra difficile d'attirer des travailleurs spécialisés chez nous à l'avenir. Nous savons que l'immigration n'est pas la solution au problème du vieillissement, mais il sera difficile d'y recourir même pour palier à la pénurie de main-d'oeuvre.
Le sénateur Plamondon : Et aussi de retenir les immigrants chez nous.
M. Darby : Oui.
M. Robson : J'ai bien dit que certaines de mes projections se fondent sur la prémisse que nous serions plus heureux si notre revenu augmentait plus vite. C'est là une hypothèse audacieuse. Les recherches sur le bonheur, qui se sont multipliées ces dernières années, révèlent un certain nombre de faits intéressants. De manière générale les gens sont moins heureux au milieu de la quarantaine, puis ils deviennent plus heureux. C'est là un des avantages qu'il y a à vieillir.
Le fait d'être marié semble être un facteur qui contribue au bonheur. Par contre, le simple fait d'avoir des enfants ne semble pas vraiment faire de différence.
Le président : Êtes-vous en train de nous dire que les enfants sont des bateaux à moteur?
M. Robson : Les gens ne semblent pas penser que le fait d'avoir des enfants contribue beaucoup à leur bonheur, mais il en résulte des coûts qui annulent les avantages qu'on peut en tirer.
C'est sûr qu'on s'interrogera toujours dans une certaine mesure sur le choix à faire entre rester au foyer pour élever son enfant et occuper un emploi rémunéré. Nous ne pouvons pas faire semblant que la question ne se posera plus. Idéalement, il faudrait que chacun se sente à l'aise de choisir la formule qui lui convient.
En ce qui concerne l'immigration, je souscris pour une bonne part à ce que vient de dire M. Darby. Le Canada est depuis toujours, comme dans le cas des investissements, un des rares pays que tout le monde considère comme un endroit où il ferait bon vivre ou investir. C'est encore le cas aujourd'hui, mais les immigrants qui sont arrivés ici dernièrement n'ont pas réussi aussi bien que leurs prédécesseurs, comme on l'a signalé dans la discussion qui a précédé celle-ci. C'est en partie parce que, pour la première fois, au début des années 1990, le ralentissement économique n'a pas été suivi d'une réduction des taux d'immigration. Nous avons accueilli beaucoup d'immigrants d'un seul coup alors que le marché du travail se portait plutôt mal, et il semble que nous en ressentions encore les effets.
Au chapitre des titres de compétence, l'on entend souvent remarquer que les diplômes étrangers n'ont plus autant de valeur. Nous savons que la valeur d'un diplôme universitaire varie selon le pays où il a été obtenu. Il faut prendre garde de ne pas conclure simplement à une erreur de notre part. Il se peut bien que les titres de compétence qui peuvent paraître d'une valeur égale sur papier, n'aient pas la même valeur dans les faits, quand les gens arrivent ici. Auquel cas notre politique d'immigration doit bien sûr en tenir compte.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Au sujet des incitations à la natalité, en France on peut observer qu'ils ont augmenté le taux de natalité avec des incitations financières. Peut-être M. Robson peut me répondre : qu'ont-ils fait en particulier et pourquoi cela a-t-il marché dans ce pays-là?
[Traduction]
M. Robson : Je ne sais pas, mais c'est moi qui ai dit que nous pourrions peut-être prendre des mesures à cet égard, et je suis donc heureux de recevoir un certain appui.
Peut-on dire que 15 000 $ c'est beaucoup d'argent? Le Canadien moyen paie quelque 15 000 $ d'impôt chaque année. Ce n'est peut-être pas un mauvais investissement du point de vue strictement de la situation fiscale.
Le sénateur Massicotte : Encore faut-il que cela donne des résultats.
M. Robson : Bien sûr, en supposant que c'est le prix à payer.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Monsieur Darby, qu'a-t-on fait en France?
[Traduction]
M. Darby : Je sais que cela a donné de bons résultats en France. Mais je croyais que les montants étaient beaucoup plus élevés que ceux qui ont été offerts au Québec.
Le président : Si j'ai bien compris — et vous pourrez le confirmer ou l'infirmer —, il n'y avait pas que des incitatifs à la naissance d'un enfant, mais il y avait aussi une foule d'incitatifs spéciaux sur le plan notamment de l'éducation. Comme l'a fait remarquer notre greffier, il ne s'agit pas simplement de prévoir des incitatifs à la naissance d'un enfant. Il s'agit aussi de pouvoir élever l'enfant et d'avoir un régime fiscal qui tienne compte des besoins des familles au fur et à mesure que les enfants grandissent. Il y a certaines mesures qui ont un effet de dissuasion, comme l'a indiqué M. Robson. Ce qui avait été mis en place en France, sénateur Massicotte, si je me souviens bien, c'était une politique cohérente qui prévoyait non pas seulement des incitatifs à la naissance d'un enfant, mais qui faisait en sorte d'assurer aux familles toute une panoplie de soins par la suite.
En revanche, cela représente des coûts sociaux élevés et freine leur économie, donc il y a des coûts-avantages à considérer également. Ai-je raison?
M. Fahey : Oui, et nous devrions également considérer les États-Unis, qui ne donnent pas beaucoup aux familles et dont le taux de natalité est plus élevé qu'en France.
Le sénateur Massicotte : La question n'est pas pécuniaire, elle est culturelle, à mon avis, et c'est là que se trouve la véritable réponse.
En France, je pense qu'il s'agit du troisième enfant, plus que le premier et le second.
Est-ce que quelqu'un peut m'aider à comprendre les choses. Nous avons souligné dans les rapports antérieurs l'éducation et l'éducation continue. Nous lisons également des sondages indiquant que ceux qui prennent leur retraite sont très influencés par les épargnes qu'ils ont pu accumuler. Si vous avez une profession libérale et que vous avez réussi, vous avez plus d'épargnes et donc vous prenez votre retraite plus tôt. En d'autres termes, nous disons que la solution se trouve dans l'éducation, mais il semblerait que plus vous êtes éduqué, plus vous prenez votre retraite tôt. Alors comment cela fonctionne-t-il? Où est la solution à tout cela?
M. Darby : Dans le travail économétrique que nous avons fait sur la décision de prendre sa retraite, un travail difficile, une des conclusions évidentes, qui ne surprendra personne, c'est que plus vous faites de l'argent, plus vous avez tendance à prendre votre retraite tôt. Le déterminant le plus important de loin pour l'âge de la retraite au Canada était les épargnes accumulées combinées à ce que vous vous attendiez à gagner d'un régime de pension.
Il ne s'agit pas d'un sondage scientifique, mais j'étais à Toronto la semaine dernière et je donnais un exposé à 80 professionnels des ressources humaines. Le vice-président de notre service des ressources humaines au Conference Board du Canada a mentionné qu'il serait important d'essayer de supprimer quelques incitatifs du système, pour éviter la retraite précoce. Le facteur le plus évident c'est que le RPC vous permet de prendre votre retraite dès 60 ans. Dans la plupart des pays européens, ils remontent l'âge de la retraite à 61 ans, 62 ans, 63 ans au fur et à mesure, parce que cela est ridicule. La levée de bouclier que j'ai reçue du public quand j'ai dit ça, m'a donné envie d'aller me cacher. C'est une question très politique, très culturelle ou très sociale. Si vous avez l'argent pour prendre votre retraite, ce sera difficile de vous convaincre de continuer de travailler après 65 ans, voire après 60 ans. Ce ne sera pas facile.
Le président : J'ai un commentaire factuel. Notre analyste de la Bibliothèque m'a dit que nous recevrons des documents qui comparent notre système fiscal au système fiscal américain et il m'a dit se rappeler que le système américain tenait plus compte des enfants et des incitatifs dans les systèmes éducatifs et les systèmes de logement. Nous aurons l'avantage des résultats de cette analyse également.
Le sénateur Massicotte : Monsieur Robson, vous parlez beaucoup de réduire les taxes, tout particulièrement sur le capital d'investissement. Vous êtes également pour des incitatifs plus importants, pour encourager l'épargne. Certains rapports suggèrent que le fait que le gouvernement n'ait pas relevé les cotisations maximales aux REER et aux régimes de pension a encouragé les gens à travailler plus longtemps et cela représente une solution partielle à ce problème sérieux. Voudriez-vous répondre à cela?
M. Robson : Nous ne savons pas vraiment si payer quelqu'un davantage le poussera à rester sur le marché du travail plus longtemps ou à prendre sa retraite plus tôt, et pour ce qui est de l'épargne, c'est la même difficulté, on ne sait pas si les épargnes vont faire en sorte que les gens s'arrêtent d'épargner ou non.
Ce qui me rassure c'est lorsque nous regardons la participation de la main-d'oeuvre vieillissante au marché du travail, elle correspond avec l'éducation. Je ne sais pas si ces gens très éduqués ont perdu tout leur argent, parce qu'être intelligents ne les a pas rendus riches. Je pense qu'il existe un moment précis pour décider de prendre sa retraite, puis, de plus en plus, nous verrons ces gens revenir sur cette décision. Beaucoup d'entre eux sont des fonctionnaires qui ne voulaient plus être à la retraite. Bien que les statistiques les indiquent comme étant des retraités, ils sont redevenus actifs et ont décidé de revenir sur le marché du travail.
La motivation des gens sera fonction de choses que nous ne pouvons pas facilement mesurer, mais s'ils sont éduqués et en bonne santé, ils voudront continuer à faire des activités.
Ma propre recherche ne couvre pas le sujet, mais cela a été dit plus tôt et c'est que le bénévolat et la participation au marché du travail semblent aller ensemble jusqu'à un certain point. Les gens actifs dans l'un sont généralement actifs dans l'autre. Ce n'est pas une règle en béton, mais peut-être que cela indique que nous pouvons avoir quelque chose du meilleur de ces deux mondes.
Il me semble que l'on peut dire que plus on a fait du travail, plus on a d'épargnes et plus nous avons de choix. Je n'aime pas l'idée de voir plus de personnes âgées soumises à de faibles revenus. Ce groupe arrive au point où le SRG veut retirer ce qu'ils ont épargné ou les revenus supplémentaires de travail qu'ils ont pu obtenir. C'est une décision rationnelle que de convertir vos économies en une forme qui ne peut pas être reprise par le gouvernement et sortir du marché du travail rémunéré.
Moins il y a d'incitatifs, et mieux nous nous porterons, et après cela, nous pouvons nous préoccuper des gens qui sont trop confortables.
Le président : J'ai l'impression que vous dites que nos politiques sont pratiquement contre-intuitives. Vous avez tous dit que nous avons encouragé, sans parler des syndicats bien sûr, des retraites anticipées. Nous disons à nos enseignants, à nos infirmières, à nos fonctionnaires et à nos partenaires dans des cabinets d'avocats ou des cabinets comptables de prendre leur retraite plus tôt. Le sénateur Angus et moi-même en discutions hier soir, de cette demande de retraite anticipée. À une époque, plus un comptable ou un avocat était vieux, plus ils étaient sages et meilleur était leur cabinet.
La levée de bouclier dont vous parliez, c'était sans doute des gens qui disaient : « C'est terrible, je veux que la société me fournisse une bonne retraite tôt. » Toutes nos politiques semblent inadaptées à cette bombe économique qui plane au-dessus de nos têtes.
Considérant la position de M. Richard Fahey, cela me rappelle l'incroyable débat entre les sociétés américaines et les sociétés japonaises. Quand les grandes sociétés permettaient à leurs employés de prendre leur retraite à l'âge de 55 ans, elles ont mis sur pied un processus qui permettait aux employés de participer à des petites entreprises auxiliaires afin qu'ils restent actifs sur le marché du travail pour dix ans supplémentaires.
Il me semble que nous devons convaincre les syndicats, le gouvernement, les fonctionnaires, le Parlement et le secteur privé que, si nous voulons que l'économie continue de croître, les gens doivent rester au travail, et nous devons trouver des moyens créatifs de faire en sorte qu'ils travaillent plus longtemps et mieux. Est-ce exact?
M. Fahey : Vous avez absolument raison. Comme le disait M. Darby, dans de nombreux pays européens, ils relèvent l'âge de la retraite pour les employés du secteur public. Il semble aussi qu'une retraite précoce était la préférence autrefois. Cependant, en faisant cela, nous nous tirons une balle dans le pied. Il nous faut corriger cette situation, pas nécessairement en établissant des dissuasifs à la retraite précoce, mais un incitatif à une retraite progressive, et le secteur privé doit également adopter cette politique.
Les gens de plus de 60 ans qui veulent continuer de travailler vont probablement préférer travailler trois jours par semaine et recevoir une retraite partielle pendant les deux jours où ils ne travaillent pas, afin d'augmenter le salaire qu'ils reçoivent de leurs employeurs. Notre système actuel ne permet pas ce genre de choses. Vous n'avez pas le droit de recevoir de pension si vous travaillez. Manifestement, cela doit changer. Il y a eu des discussions, du moins entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral, sur une retraite progressive, où l'on permettrait à des employés plus âgés et en bonne santé qui veulent continuer de travailler, de recevoir de l'argent du fonds de pension ainsi qu'un salaire.
Le président : Monsieur Robson et monsieur Darby, êtes-vous d'accord?
M. Robson : Oui. J'avais un tableau qui représentait exactement ce que je pense. Il indiquait que l'écart entre ce que vous obtiendrez si vous ne travaillez pas et ce que vous obtiendrez si vous travailliez, se rétrécie de façon abrupte à un certain âge dans la vie. Ce rétrécissement est ce qui fait que de nombreuses personnes quittent le marché du travail. Il est inévitable, mais il y a moyen de l'adoucir pour qu'il ne soit pas aussi brutal qu'aujourd'hui.
Il serait désirable d'avoir des dispositions dans la Loi de l'impôt sur le revenu en ce qui concerne ces transformations en rentes forcées ou ces choses qui signifient qu'à une certaine date les gens se retrouvent face à un mur. J'aime bien les ajustements actuariels dans le Régime de pensions du Canada et dans la Régie des rentes du Québec. Ça je ne le changerais pas. Ce serait bien s'ils étaient plus importants, mais dans ce cas peut-être est-ce que le mieux est l'ennemi du bien. Pourquoi n'avons-nous pas ces ajustements actuariels dans le Programme de sécurité de la vieillesse et du Supplément du revenu garanti pour les gens qui en retardent la perception? C'est un exemple de situation où les gens font face à un rétrécissement brutal plutôt qu'à une pente douce.
Nous avons des preuves selon lesquelles les gens qui travaillent plus longtemps vivent plus longtemps, peu importe ce qui les a poussés à continuer de travailler, donc ce peut-être une bonne chose pour cette raison.
Je voudrais présenter une idée plus subtile au comité. Nous savons que l'une des raisons pour lesquelles nous encouragions autrefois les travailleurs plus âgés à quitter le marché du travail était que nous croyions que nous avions besoin de places pour les jeunes. La question se posera moins à l'avenir, car il y aura moins de jeunes travailleurs. J'ai toujours l'impression que ce raisonnement était faux. Je crois que les travailleurs plus âgés et les travailleurs plus jeunes se complètent, tout comme différentes séries de compétences se complètent. Forcer des grands nombres de travailleurs plus âgés à sortir du marché du travail, n'a pas, semble-t-il, abaissé le taux de chômage des plus jeunes; c'est un marché du travail plus difficile qui a produit ce résultat. C'est une autre raison encore de se débarrasser de certains de ces systèmes.
Le président : Monsieur Darby, avez-vous un commentaire?
M. Darby : Je suis tout à fait d'accord. Il me semble que 65 ans pour l'âge de la retraite remonte à Otto von Bismarck en Allemagne lorsqu'il a instauré le régime de pension d'État en 1864. Nous vivons plus longtemps et, en général, nous avons des vies beaucoup plus saines que les ouvriers des manufactures allemandes en 1864. Ce modèle d'établissement de l'âge de la retraite est de nos jours complètement dépassé.
Nous avons à l'heure actuelle de nombreux incitatifs encourageant les gens à prendre leur retraite tôt et cela ne sera pas facile à changer. Honnêtement, si je peux prendre ma retraite à 62 ans avec un salaire pratiquement intégral, ce sera difficile de me convaincre de ne pas le faire.
C'est un véritable défi. Oui, les politiques sont inadaptées. Les chiffres actuariels du Régime de pensions du Canada sont très bons, comme M. Robson le disait. On pourrait les modifier, afin d'encourager un petit peu ou de rester neutre en ce qui concerne la retraite précoce, mais l'incitatif n'est pas énorme. Il vaudrait mieux considérer la façon d'encourager des emplois de transition, auxquels M. Fahey a fait référence. Au Japon, ils ont bien réussi. Comment encourager le travail au-delà de l'âge de la retraite par l'intermédiaire de politiques, d'incitatifs, comme des subventions?
De plus, si l'on se fie aux activités en Europe, nous avons besoin d'une approche plus holistique de cette question. Nous ne pouvons pas changer un aspect puis un autre. Les leçons apprises en France en ce qui concerne le taux de natalité sont claires à ce sujet.
Le meilleur modèle pour garder les gens plus longtemps sur le marché du travail semble être le modèle finnois, qui est basé sur une approche holistique.
Le président : D'ailleurs, la Finlande est l'un des pays les plus productifs du monde. Ils sont toujours dans les premiers 10 p. 100, donc ils ont manifestement résolu quelques problèmes.
M. Darby : Je sais qu'ils font de la publicité à la télévision. Ils changent les incitatifs financiers des régimes de pensions d'État en ce qui concerne les retraites précoces. Il y a beaucoup de subventions et d'incitatifs pour ceux qui veulent lancer leurs sociétés et qui ont plus de 65 ans. Il y a des questions difficiles d'équilibre entre la vie professionnelle et la vie familiale. D'autre part ils encouragent également les naissances.
M. Darby : Nous pouvons tirer des leçons des modèles existants si nous leur accordons une plus grande attention. La solution au problème, c'est une approche globale et holistique.
Le sénateur Moore : Une importante préoccupation a été soulevée par nos témoins en ce qui concerne la culture de la retraite à l'âge de 60 ans. Nous exerçons une concurrence sur le marché mondial et pas plus tard que la semaine dernière, l'Union européenne a publié un document encourageant les travailleurs à continuer de travailler jusqu'à l'âge de 85 ans. Je crois que nous finirons par nous situer entre ces deux âges, mais il me semble que 60 ans c'est assez jeune. C'est également un gaspillage de talent et de connaissances qui pourraient être transférés aux travailleurs plus jeunes.
M. Robson : J'ai constaté plus tôt que lorsqu'on examine d'où viendra la croissance nette de la population active au cours des décennies à venir, il est clair que si nous n'utilisons pas ce segment de la population active, alors nous allons rater le coche. Je tiens à répéter ce que j'ai dit plus tôt en ce qui concerne M. Darby. Il veut prendre sa retraite avec sa pleine pension à l'âge de 62 ans, et j'espère qu'il pourra le faire, mais je suis prêt à parier qu'il ne passera pas 10 heures par jour sur un terrain de golf. Il y aura d'autres personnes comme M. Darby qui prendront une retraite partielle de leur premier emploi mais demeureront actives de diverses façons en exerçant un travail rémunéré et bénévole.
Dans une perspective stratégique, il faut s'assurer que les employeurs et les employés disposent de la plus grande marge de manœuvre possible lorsqu'il s'agit de conclure un marché qui fonctionnera. Les lois fiscales et les règles d'emploi qui prévoient une forme quelconque de relations ou de régime de pension élimineront inévitablement certaines des mesures que nous aimerions voir adopter. Il est fort possible qu'un grand nombre de travailleurs âgés à l'avenir tiennent à recevoir certaines formes de prestations de santé et d'assurances pour des soins de longue durée qu'il est difficile pour les employeurs d'offrir aujourd'hui. Ils seront moins intéressés par la rémunération et plus intéressés par les avantages sociaux. Dans une telle perspective, nous tenons à nous assurer que les employeurs disposent de la plus grande marge de manœuvre possible pour conclure un marché qui sera efficace pour eux.
M. Fahey : Les 11 p. 100 de propriétaires de PME qui veulent prendre leur retraite disent qu'ils sont prêts à lancer une nouvelle entreprise. Nous ne serons pas tous pénalisés par le départ à la retraite des propriétaires de PME parce qu'ils voudront quand même continuer à travailler à titre de consultants auprès de ceux qui leur succéderont ou à titre de propriétaires d'une nouvelle entreprise.
[Français]
Le sénateur Plamondon : Est-ce que qu'il y a déjà eu des études sur le réservoir de sagesse et d'expérience que constituent tous les retraités? Y a-t-il des pays qui utilisent mieux ce réservoir?
Avant d'être sénateur, j'étais dans le domaine de la consommation. J'avais un petit comité ad hoc de ceux qui connaissaient la construction pour les consommateurs qui avaient des problèmes avec leur maison. Ils étaient contents. Au sein de ce comité il y avait un ancien contracteur, un ancien plombier, un ancien couvreur. Ces gens étaient contents de mettre à contribution ce qu'ils savaient et ce que personne ne leur demandait.
M. Fahey : Je n'ai pas vu cette étude sur la valeur de ce bassin de compétences. Je vous dirais que j'ai déjà fait une conférence à la FADOC, qui avait travaillé là-dessus. Je sais qu'ils y ont déjà réfléchi.
[Traduction]
M. Darby : Nous avons des indications de la part d'un certain nombre d'entreprises un peu partout dans le monde selon lesquelles leurs clients aussi vieillissent. Il leur incomberait de prévoir des communications avec ces clients pour leur permettre de partager leurs valeurs et leurs préoccupations.
Le magasin le plus productif de Home Depot est celui où deux éléments sont en place : ils ont d'excellents programmes d'encadrement des jeunes travailleurs par les travailleurs plus âgés, qui, bien souvent, les ont également recrutés. Nous avons d'excellents témoignages d'innombrables entreprises qui appuient ce que M. Robson a dit à propos du fait que la combinaison la plus productive est celle où des travailleurs plus âgés et des travailleurs plus jeunes travaillent ensemble.
Le client dans la cinquantaine qui vient au magasin a de la facilité à établir des liens avec une personne de son propre âge qui vit les mêmes expériences. Nous avons des exemples de nombreuses entreprises qui commencent à reconnaître cette réalité démographique et l'atout que représente sur le plan concurrentiel le fait d'avoir une main-d'œuvre qui peut facilement communiquer avec des clients de cet âge. Il faut diffuser ce message de façon beaucoup plus vaste.
Le président : La sœur cadette de ma mère avait 88 ans lorsqu'elle a pris sa retraite comme vendeuse dans une boutique de vêtements du centre-ville de Toronto. Ses dix dernières années ont été très productives parce que tout le monde lui demandait conseil.
Je remercie nos témoins pour leur témoignage. Chacun de vous a mentionné à tour de rôle comment la fiscalité pourrait régler cette politique — cette bombe à retardement qui nous attend. Chacun de vous n'a cessé de parler d'impôt. Le vice-président et moi-même en avions parlé et nous croyons que nous devrions nous pencher éventuellement sur un examen du système fiscal et de ses incidences sur ces politiques. Vous venez de confirmer nos impressions.
Nous voulons savoir ce qu'en pense le public. Les anciennes opinions stéréotypées ne s'appliquent plus et j'espère que vos présentations ont servi à changer l'opinion publique. Si nos témoins ont d'autres commentaires à ajouter, ils pourront les faire parvenir au greffier du comité.
La séance est levée.