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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 18 - Témoignages du 26 octobre 2005


OTTAWA, le mercredi 26 octobre 2005

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 16 h 2 pour examiner, en vue d'en faire faire rapport, la situation actuelle du régime financier canadien et international.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, honorables sénateurs. Je souhaite la bienvenue à tous les hommes et les femmes qui sont dans la pièce avec nous et à tous les membres de notre auditoire qui nous écoutent sur Internet. Monsieur le gouverneur, nous sommes maintenant diffusés partout dans le monde. Vos propos et votre sagesse seront à la disposition non seulement des Canadiens au Canada, mais des gens dans le monde entier, y compris à Washington, D.C. et à New York. Nous souhaitons la bienvenue à tous. Nous serons peut-être également diffusés en différé sur le réseau CPAC.

Ceci est la 42e réunion du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce au cours de la législature actuelle. Nous poursuivons aujourd'hui nos audiences sur la situation actuelle du régime financier canadien et international en ce qui a trait au Canada. Nous avons une fois de plus l'honneur de recevoir l'éminent gouverneur de la Banque du Canada, M. David Dodge, ainsi que le sous-gouverneur, M. Paul Jenkins.

Monsieur Dodge, comme on l'a dit tout à l'heure, les dirigeants des banques centrales font les manchettes des journaux. Nous discuterons tout à l'heure de ce qui est arrivé à nos amis au sud de la frontière.

Comme vous le savez, monsieur le gouverneur, notre comité fait partie intégrante de l'histoire du Sénat depuis la toute première séance du Parlement en novembre 1867, plusieurs mois après la Confédération. Nous sommes le plus ancien comité du Sénat toujours en existence.

Le comité est réputé pour ses travaux sur notre système financier. L'un des rôles clés du comité est la supervision de l'économie dans son ensemble. Nous sommes le comité des banques, mais aussi du commerce. Notre comité a convenu d'étendre nos activités afin d'y inclure intégralement notre mandat.

Notre comité a une longue tradition pour ce qui est d'étudier les politiques, programmes et autres initiatives qui influent sur la croissance économique de notre pays. Nous sommes en faveur d'une forte croissance économique susceptible de déboucher sur la prospérité et la productivité que nous souhaitons tous et que nous croyons mériter. Il est clair que la santé de l'économie canadienne relève des responsabilités du gouverneur de la banque et que c'est un facteur clé dans l'établissement de la politique monétaire du Canada.

Les membres de notre comité suivent attentivement vos déclarations, monsieur le gouverneur. Vous comparaissez habituellement deux fois par année devant notre comité, accompagné du sous-gouverneur. Nous nous en réjouissons.

Cette année, le comité a été actif dans certains dossiers clés qui touchent l'économie dans son ensemble. Au printemps, le comité a complété une étude sur la productivité, dont vous avez fait mention dans votre dernier rapport. J'espère que nous en discuterons aujourd'hui. Dans notre rapport déposé en juin, le comité a conclu qu'un élément clé d'un plan fédéral visant à renforcer la productivité est un examen approfondi du régime fiscal touchant les sociétés et les particuliers afin de s'assurer que les mesures incitatives intrinsèques à ce système ne sont pas nuisibles et qu'elles débouchent au contraire sur les résultats que nous souhaitons tous.

Au début du mois, le comité a entendu un témoignage qui nous a donné matière à réflexion sur l'évolution démographique, phénomène que vous avez vous aussi porté à l'attention nationale et qui aura une incidence pour nous, au Canada, au cours de la prochaine décennie, et sur la manière dont notre société doit réagir à ce changement si nous voulons nous attaquer correctement à ce problème. Il est clair pour nous tous que les changements démographiques auront une immense incidence sur l'économie canadienne et pourraient être catastrophiques si nous ne passons pas à l'action tout de suite.

Dans notre prochain rapport, nous recommanderons des mesures que le gouvernement fédéral pourrait prendre pour éviter ce que certains qualifient de bombe à retardement. J'appelle cela la bombe à retardement économique.

Au cours des prochaines semaines, le comité entendra des experts sur les barrières commerciales intérieures et interprovinciales au Canada. Nous avons entendu des plaintes selon lesquelles l'économie canadienne est trop fragmentée et pas suffisamment efficiente pour être vraiment productive. Nous allons continuer d'avoir à l'esprit la productivité quand nous entendrons des témoins qui viendront nous parler du démantèlement de ces barrières au commerce intérieur et des changements qui sont nécessaires pour renforcer la productivité chez-nous.

Nous entendrons aujourd'hui le gouverneur et le sous-gouverneur de la Banque du Canada et nous savons qu'ils sont certainement en mesure de discuter de beaucoup des questions qui préoccupent notre comité depuis environ un an.

Avant de céder la parole au gouverneur et à son collaborateur, je veux rappeler à tous ceux qui suivent nos travaux en direct sur Internet et sur CEPAC que nous voulons connaître votre point de vue également. Les questions dont nous discuterons aujourd'hui ont une profonde incidence sur l'économie dans son ensemble. Si vous avez des commentaires quelconque sur ce que vous entendrez et verrez aujourd'hui, je vous exhorte à nous envoyer un courriel à l'adresse suivante : banking-banques@sen.parl.gc.ca. Cette adresse, que je n'ai pas très bien énoncée, paraîtra à l'écran plusieurs fois pendant nos discussions.

Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le gouverneur, et à vous, monsieur Jenkins.

David Dodge, gouverneur, Banque du Canada : Merci, monsieur le président. Nous, à la banque, n'avons pas une tradition qui ne remonte pas tout à fait aussi loin que celle de votre comité. En fait, notre histoire est probablement environ deux fois moins longue que celle du comité. Néanmoins, j'espère pouvoir vous être de quelque utilité aujourd'hui.

Nous apprécions la possibilité que nous avons, deux fois l'an, de vous rencontrer à la suite de la parution du rapport sur la politique monétaire. Ces réunions nous sont utiles pour obtenir votre point de vue. Nous espérons qu'elles vous sont utiles, à vous et à tous les Canadiens, en aidant les gens à comprendre les objectifs de la politique monétaire et les mesures que nous prenons pour les atteindre.

Lorsque M. Jenkins et moi-même nous sommes présentés devant vous en avril, nous vous avons indiqué que l'économie semblait tourner un peu en deçà des limites de sa capacité de production. Nous ne nous attendions pas à ce qu'elle remonte à son plein potentiel avant le second semestre de 2006. Toutefois, dans le numéro du rapport sur la politique monétaire paru jeudi dernier, nous expliquons que la croissance économique a légèrement dépassé les prévisions au premier semestre de l'année. En effet, l'expansion des économies mondiale et canadienne s'est poursuivie à un rythme solide, et l'économie de notre pays semble maintenant fonctionner aux limites de sa capacité.

Les fluctuations passées et récentes des cours de l'énergie et des taux de change du dollar canadien, de même que la concurrence livrée par la Chine et les autres pays nouvellement industrialisés, donnent lieu à d'importants ajustements au sein de l'économie canadienne. Compte tenu de ces ajustements et de la faible progression de la productivité ces dernières années, que vous avez signalés dans votre récent rapport, la banque a légèrement réduit son estimation de la croissance de la production potentielle au Canada pour 2005 et 2006.

Nous prévoyons que l'économie progressera au même rythme que la production potentielle, ce qui représente une croissance moyenne d'environ 2,8 p. 100 cette année, 2,9 p. 100 l'année prochaine et 3 p. 100 en 2007.

[Français]

Étant donné que l'économie fonctionne à la limite de sa capacité et que les cours de l'énergie ont monté, les pressions à la hausse sur les prix à la consommation se sont un peu renforcées depuis la parution de la mise à jour de juillet. Si, comme on le suppose, les coûts de l'énergie s'alignent sur les prix actuels des contrats à terme, l'inflation mesurée se situera autour de 3 p. 100, en moyenne, jusqu'au milieu de 2006, puis elle redescendra à la cible de 2 p. 100 au deuxième semestre de l'an prochain. L'inflation mesurée par l'indice de référence devrait se maintenir sous 2 p. 100 au cours des prochains mois et remonter à 2 p. 100 d'ici le milieu de 2006.

La banque a haussé son taux directeur à 3 p. 100, le 18 octobre. À la lumière de notre projection, nous pensons qu'il faudra encore réduire le degré du taux monétaire pour maintenir l'équilibre entre l'offre et la demande globale au cours des quatre à six prochains trimestres et pour garder l'inflation au niveau visé. Les risques à court terme, qui entourent ces prévisions, semblent équilibrés.

Toutefois, le risque que la correction du déséquilibre économique mondial s'accompagne d'une période de faible expansion à l'échelle internationale nous semble plus grand à partir de 2007.

[Traduction]

À la lumière de ce qui précède, la banque continuera d'évaluer les ajustements et les tendances sous jacentes au sein de l'économie canadienne, ainsi que la résultante des risques, afin de mener la politique monétaire de manière à atteindre l'objectif visé pour l'inflation à moyen terme.

Monsieur le président, nous nous ferons maintenant un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur le gouverneur.

Le sénateur Tkachuk : Bienvenue à vous.

Monsieur Dodge, les journaux ont rapporté que durant votre témoignage devant le Comité des finances de la Chambre des communes hier, vous avez dit qu'il n'y a pas de solution magique qui va résoudre le problème de productivité du Canada. J'en déduis que vous conviendrez qu'il n'y a pas non plus une seule et unique cause de ce problème. Le Conference Board du Canada a déclaré que la faiblesse du dollar avait rendu les entreprises canadiennes paresseuses et leur avait donné une fausse impression de sécurité quant à la productivité de notre pays.

La banque assume-t-elle une responsabilité quelconque à l'égard de ce problème qu'elle aurait contribué à créer en appliquant dans les années 1990 sa politique de dévalorisation du dollar?

M. Dodge : Sénateur, nous avons lu le rapport de votre comité, et j'en retiens qu'il n'y a essentiellement pas de solution magique unique. C'était un rapport sur la productivité extraordinairement utile.

Il est intéressant de constater que certaines des années au cours desquelles notre productivité a été à son meilleur ont été celles où le cours du dollar était extrêmement bas. Le taux de change Canada-États-Unis évolue en fonction à la fois des réalités dans le monde réel et dans le monde des finances. Cela nous a aidés à traverser une période d'adaptation difficile, au cours des années 1990, surtout après 1997, lorsque le prix des matières premières s'est effondré au lendemain de la crise asiatique. Il n'était pas imprévu que nous ayons une relance du taux de change Canada-États- Unis au moment où le prix de beaucoup de nos exportations, et particulièrement des matières premières, était très élevé.

Le sénateur Tkachuk : Je ne suis pas sûr de comprendre. Je vais passer à ma deuxième question et, s'il me reste un peu de temps, je reviendrai à la première.

Vous avez dit hier que l'un des secteurs que vous surveillez de près et qui vous préoccupe est le secteur des services financiers, qui, étonnamment, a fait piètre figure ces dernières années. Dans quelle mesure attribuez-vous cette mauvaise performance à l'indécision continue du gouvernement relativement aux fusions des grandes banques?

M. Dodge : Je précise d'abord que nous commençons à peine notre travail sur ces questions et que nous ne discernons pas clairement du tout pourquoi notre performance, relativement en tout cas à la performance de ce secteur aux États-unis, n'a pas été aussi vigoureuse qu'on aurait pu s'y attendre. Cela pourrait, en partie, être dû à une illusion statistique. Toujours en partie, cela pourrait être parce que la composition du secteur est nettement différente dans les deux pays. Ce pourrait aussi être, toujours en partie, comme vous le dites, qu'il y a des règles ici, au Canada, qui empêchent la productivité du secteur de croître aussi rapidement que possible. Nous ne connaissons pas la réponse à cela pour l'instant, et c'est pourquoi nous faisons ce travail. Nous tâchons de trouver la réponse.

Le sénateur Tkachuk : Je reviens à ma première question. Nous avons longuement discuté de cette question au sein de ce comité-ci et, à de nombreuses reprises, avec l'ex-gouverneur, M. Thiessen. Nous avons été nombreux à dire que cette politique persistante de dévalorisation du dollar entraînerait des problèmes de productivité à l'avenir, et c'est précisément ce qui s'est produit. La banque n'accepte-t-elle aucune responsabilité à cet égard? La banque dit-elle que cette politique de faible valeur du dollar n'a pas du tout causé les problèmes de productivité que nous connaissons? Sinon, qu'est-ce qui les cause?

M. Dodge : Tout d'abord, soyons clairs, en matière de politique monétaire nous n'avons qu'un seul instrument et qu'un seul objectif. Cet objectif, c'est de maintenir l'inflation à environ 2 p. 100 à moyen terme. Pour parvenir à ce résultat, il nous faut absolument un cours de change flottant. Nous ne visons donc pas le taux de change. Nous prenons pour cible le niveau d'inflation, et le taux de change évolue au fil du temps en fonction des fondamentaux, comme nous l'avons dit dans le RPM de janvier, bien que, de temps en temps, il puisse y avoir d'autres facteurs qui le font évoluer. Il est évident que, lorsqu'il y a d'autres facteurs qui le font évoluer, nous devons les prendre en ligne de compte pour établir notre politique monétaire.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Permettez-moi tout d'abord, monsieur Jenkins, monsieur Dodge, de vous remercier, un nom du comité, de votre présence ici aujourd'hui. Votre témoignage est toujours apprécié. Vous êtes pour nous et pour nos auditeurs une source d'information précieuse.

En réponse à la question du sénateur Tkachuk, et comme votre rapport l'indique à la page deux, l'indice de référence est d'environ 2 p. 100, il demeurera à ce niveau et peut-être même atteindra un niveau inférieur au cours de l'année 2006. Cependant, votre rapport laisse croire que les taux d'intérêt continueront d'augmenter.

Pourquoi les taux d'intérêt augmenteraient-ils, puisque vous semblez indiquer que l'indice de référence atteindra un niveau inférieur au taux de 2 p. 100 visé?

M. Dodge : Je commencerai à répondre à votre question, puis je céderai la parole à M. Jenkins.

Comme vous le savez, nous devons toujours considérer non pas le présent mais l'avenir, car les effets de la politique monétaire prennent un certain temps à se faire sentir, soit entre 18 et 24 mois.

En considérant l'avenir, si notre projection pour la croissance de l'économie canadienne s'avère juste, les pressions risquent de se trouver à la hausse sur l'inflation. Par conséquent, il faut agir dès maintenant pour éviter ou réduire ces pressions et garder l'inflation future à 2 p. 100.

Monsieur Jenkins voudra peut-être ajouter à mes propos.

Paul Jenkins, premier sous-gouverneur, Banque du Canada : Comme le gouverneur l'a souligné, l'inflation à venir est cruciale pour l'application de la politique monétaire. Avec une économie qui opère près de sa capacité de production de biens et services, il est important que les taux d'intérêt demeurent à un niveau qui maintienne l'équilibre, dans l'économie, entre l'offre et la demande.

Notons également que l'IPC global est le but pour l'application de la politique monétaire. En ce moment, le taux d'inflation de l'IPC global se situe à 3 p. 100.

Le sénateur Massicotte : Des rapports récents indiquent que le taux d'endettement des consommateurs est très élevé. Les transferts économiques se basent davantage sur le consommateur qui dépense que sur l'investissement corporatif de notre société.

D'autres rapports notent cependant que le niveau d'équité de la famille typique est plus élevé et que le taux d'épargne, quant à lui, a énormément diminué. Certains rapports indiquent même un rendement négatif.

Quel est l'impact de l'endettement des consommateurs sur l'économie et quelles sont les conséquences prévisibles d'une hausse des taux d'intérêt?

M. Dodge : Il y a deux ans, nous avons publié une étude sur la croissance de l'endettement sur hypothèque et nous avons conclu que le niveau d'endettement par rapport au revenu des ménages est très élevé et que la capacité de payer les intérêts sur les dettes est, à ce moment-ci, inférieure que la moyenne des 20 dernières années.

On peut envisager une hausse de 100 ou même 200 points de base des taux d'intérêt avant d'en arriver à une situation où le pourcentage du revenu des ménages, consacré au service de la dette, atteigne le niveau moyen des deux dernières décennies.

En moyenne, nous avons conclu qu'il n'existait pas de difficulté ou de risque pour les ménages.

[Traduction]

Le sénateur Angus : Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes toujours ravis de vous recevoir ici. Comme l'a dit le président, nous avons des contraintes de temps. Je vais donc entrer dans le vif du sujet et aborder deux ou trois questions.

Monsieur le gouverneur, vous êtes probablement au courant de l'article publié en première page du Financial Post du 27 décembre de l'an dernier, où l'on vous félicitait pour avoir traité des préoccupations des entreprises et avoir mis en relief certaines questions dont la classe politique ne s'occupait pas.

Le président : Voulez-vous que ce document fasse partie du compte rendu écrit?

Le sénateur Angus : Absolument.

Le président : De cette façon, il ne sera pas cité hors contexte.

Le sénateur Angus : Je voudrais vous en lire une partie, qui est en contexte. Elle porte sur les déclarations du gouverneur au sujet du bilan médiocre de notre pays en matière de productivité.

L'incapacité du gouvernement à indiquer s'il autorisera ou non les fusions de banques et la mauvaise réputation du Canada à l'étranger en manière de réglementation des valeurs ne font peut-être pas partie des choses dont Paul Martin, le premier ministre, et les autres libéraux au pouvoir veulent entendre parler. Toutefois, les observateurs économiques sont ravis de voir qu'une personne ayant l'importance de M. Dodge soit prête à parler de questions que d'autres préféreraient éviter.

Le président : Monsieur le gouverneur, nous sommes certainement tous d'accord avec cette déclaration.

Le sénateur Angus : Vous connaissez cet article. Si je comprends bien, vous ne contestez pas ce qui y est dit?

M. Dodge : Nous devons dire les choses comme nous les percevons.

Le sénateur Angus : Ce que je tiens à dire, pour voir si vous et le sous-gouverneur en conviendrez, c'est que vous avez déclaré devant nous à de nombreuses occasions que le seul outil technique à votre disposition pour gérer l'économie et pour essayer d'assurer la stabilité et l'intégrité de notre système financier, c'est la politique monétaire. Pour compléter cela, selon moi, vous avez un autre outil, dont vous vous servez d'ailleurs, à savoir la capacité de vous exprimer sur diverses questions et de dire comment vous envisagez les choses à ce moment-là, comme vous l'avez fait hier s'agissant de la productivité et comme vous l'avez fait ici, sur les fusions des banques, lors de notre réunion d'avril.

Une des questions qui nous préoccupent aujourd'hui, ce sont les fiducies de revenu. Vous aurez peut-être noté que nous avons tenu des audiences ici les 28 et 29 septembre. De nombreux témoins nous ont dit qu'à l'origine, c'est la Banque du Canada qui avait soulevé la question. On nous a renvoyé à un grand document publié par votre organisme déjà au début de 2003. Dans le contexte de la nécessité d'assurer la certitude et la stabilité dans notre économie — principe que vous avez énoncé à de nombreuses reprises — pouvez-vous nous dire comment cette question des fiducies de revenu a été présentée et comment, peut-être malheureusement, elle a mené à une incertitude et une instabilité dans le marché?

M. Dodge : J'aurai beaucoup de difficulté à faire cela, sénateur. Exception faite de la recherche que nous avons effectuée au début de la décennie actuelle et d'une petite expérience en politique sociale dans les années 1980, je n'ai pas vraiment les connaissances nécessaires pour traiter de cette question.

Le sénateur Angus : Tout en restant dans les limites de votre savoir — qui, à l'instar du nouveau président désigné de la réserve fédérale américaine, inclut des études à Princeton — je suis sûr que vous pouvez au moins faire quelques déclarations perspicaces sur la question des fiducies de revenu. C'est une question à laquelle on ne peut pas échapper. Elle fait la une des journaux pratiquement tous les jours. C'est un dossier qu'il faut régler. Qu'en pense la Banque du Canada?

M. Dodge : Je le répète, nous n'avons fait aucune étude récente là-dessus. Je ne peux voir les choses qu'en rétrospective. À l'origine, les mesures législatives visaient essentiellement les fonds fiduciaires de placements immobiliers et les fonds de redevances. L'analyse que nous avons faite au cours des années 1980 nous portait à croire que cela rééquilibrerait le système de sorte que les entreprises qui avaient un portefeuille immobilier important ne se sentent pas poussées à faire encore plus de placements ou que les pétrolières ne se sentent pas obligées de creuser des trous supplémentaires dans le sol simplement parce qu'elles disposent de liquidités. De ce point de vue, je crois que l'idée d'une fiducie de revenu était logique, puisqu'elle permettait d'égaliser les chances.

Manifestement, depuis l'époque, et surtout au cours des dernières années, l'utilisation de cet instrument s'est considérablement répandue. Franchement, nous n'avons pas fait de travail sur l'incidence de ce phénomène à si vaste échelle, du point de vue des placements et de la neutralité. D'après les études que nous avions faites plus tôt, relativement aux secteurs que nous visions à l'origine, je crois que cet instrument reste encore utile pour égaliser les chances entre les investisseurs. Toutefois, j'éprouve une très nette difficulté à en dire plus. Je n'ai simplement pas étudié la question.

Le sénateur Moore : Ma première question concerne également les fiducies de revenu. J'ai lu le rapport. On y parle d'une productivité forte. La croissance est essentielle pour les revenus et elle est cruciale pour parvenir à une productivité accrue au cours des années à venir afin de contrebalancer la réduction de la main-d'œuvre. Si je comprends bien le concept des fiducies de revenu, l'argent est retiré à l'entreprise et distribué aux détenteurs de parts du fonds fiduciaire.

Nous avons tenu des audiences à ce sujet et diverses personnes ont dit craindre que ces entreprises se trouvent démunies de l'argent à investir dans l'usine et dans le matériel, investissement qui aurait mené à de meilleurs niveaux de productivité. Avez-vous examiné cela et avez-vous des observations à faire là-dessus?

M. Dodge : Comme je l'ai dit en répondant à la question du sénateur Angus, nous considérons cela précisément dans deux domaines. L'un est le secteur du pétrole, du gaz et des ressources naturelles, le second concerne le secteur de l'immobilier.

Le sénateur Moore : Vous n'avez pas considéré le secteur manufacturier?

M. Dodge : Non. Nous n'avons pas fait d'analyse détaillée de ce secteur.

Le sénateur Moore : Avez-vous l'intention de le faire?

M. Dodge : Nous n'avons pas l'intention de le faire. C'est dans les compétences du ministre des Finances.

Le sénateur Moore : Jusqu'à la cessation des décisions anticipées, les inscriptions à la cote de la Bourse de Toronto augmentaient rapidement et sont devenues une partie importante. Peut-être que cela relève simplement du ministre des Finances. Cependant, si vous considérez les autres aspects, je ne vois pas pourquoi vous ne pouvez considérer cela par rapport au dilemme auquel nous faisons face, c'est-à-dire une diminution de la productivité.

M. Dodge : Nous nous sommes penchés essentiellement sur les marchés financiers et leur efficacité. L'une des questions que nous nous sommes posée, et sur laquelle nous continuons de travailler, est la question de savoir pourquoi il n'existe pas de marché financier lucratif au Canada, tel qu'il existe aux États-Unis. De nombreuses sociétés canadiennes n'ayant pas une cote élevée de solvabilité, quand elles ont besoin de trouver du capital, vont vers les États- Unis.

Dans un certain sens, un marché lucratif comble les mêmes besoins en capitaux que ceux comblés par le marché des fiducies de revenu. Ce sont deux outils très différents, mais dans un certain sens, ils fournissent du capital à une industrie composée de sociétés n'ayant pas une cote élevée de solvabilité, même si leurs mécanismes sont différents. Lorsque nous avons essayé de comprendre pourquoi nous n'avons pas un marché d'obligations à haut risque ou d'investissements de sociétés sans cote élevée de stabilité ici au Canada, nous avons découvert que cela découle en partie de l'appétit d'achat, c'est-à-dire, il n'y avait pas le même appétit d'achat pour ce type d'émissions qu'il y a sur le marché américain. Deuxième chose, d'une manière générale, nos sociétés sont plus petites. Par conséquent, leurs émissions seraient de 100 à 150 millions de dollars. Ce sont de petites sommes sur ce marché et il semble mieux fonctionner pour de grosses sociétés.

Le sénateur Moore : À la page 17, note technique 2 de votre rapport, vous affirmez :

L'essoufflement récent de la productivité reflète un net ralentissement de l'intensification du capital et des gains et des gains d'efficience tirés de l'utilisation du capital et du travail.

Pourquoi un moindre investissement en capital? Est-ce que le fait que les fonds ne sont pas disponibles pourrait être causé par le fait qu'il existe des fiducies de revenu, ou bien les gens n'offrent pas de valeurs mobilières, d'émissions, ou bien est-ce que les gens ne veulent pas les acheter? Si nous avons besoin de stimuler la productivité, alors pourquoi ne faisons-nous rien à ce propos, par exemple, encourager le réinvestissement?

Le président : Intégrer tout cela à un cadre d'incitatifs, d'incitatifs ciblés, de sorte à attirer le capital de cette façon?

Le sénateur Moore : Merci, monsieur le président.

M. Dodge : Nos modèles pour l'économie canadienne sont des modèles pour l'économie américaine. Si vous considérez ce qui se passe dans le monde en ce moment, en Amérique du Nord, en Europe et au Japon, les investissements sont en deçà de ce que nous pourrions nous attendre à avoir et en deçà de ce que nos modèles pourraient prédire, étant donné l'investissement en immobilisations.

Le Canada, les États-Unis, l'Europe et le Japon ont tous moins d'investissements que ce à quoi ils s'attendaient actuellement. Étant donné la croissance de la demande et le fait que les taux d'intérêt sont faibles, cette liquidité des marchés est très importante et on s'attendrait à voir des niveaux d'investissement plus élevés dans ces pays que nous l'avons à l'heure actuelle. C'est difficile de comprendre pourquoi il n'y a pas plus d'investissements, mais cela n'est pas propre au Canada.

Le sénateur Oliver : Ma question est un petit peu différente de celle des autres, mais elle est un développement de la première partie de la question du sénateur Angus.

Cela a rapport avec votre mandat. Votre travail de gouverneur est difficile, parce que vous êtes indépendant. Cependant, certains universitaires et certains auteurs disent que peut-être votre mandat, tel que défini par la Loi sur les banques, est plus large. D'autres disent que peut-être vous l'interprétez trop étroitement, en soulignant surtout les cibles de l'inflation. En vertu de la Loi sur les banques, vous avez le pouvoir de réglementer le crédit et la monnaie, de contrôler et de protéger l'unité monétaire nationale, qui constitue la politique monétaire, et à la fin, on trouve le passage : « d'une manière générale, promouvoir le bien-être économique du Canada ». Ce passage semble vous donner beaucoup de pouvoir discrétionnaire.

Est-ce que les circonstances récentes vous ont poussé à changer votre interprétation des divers mandats que vous avez en vertu de la Loi sur les banques?

Ce qui me pousse à poser la question, c'est ce qu'a écrit Terry Corcoran, dans le National Post du 1er juin 2005, à propos de la façon dont vous interprétez votre mandat :

Sous le règne de M. Dodge, bien sûr, la limite entre la politique libérale et la politique de la Banque du Canada est de plus en plus vague. La banque est censée être une agence indépendante distancée du pouvoir politique. Son travail est de mettre en œuvre le cœur de son mandat juridique restreint, juguler l'inflation. Récemment, cependant, la banque a fait des déclarations sur un certain nombre de questions pour lesquelles elle n'a aucune responsabilité. Nous avons eu des remarques concernant la gouvernance des sociétés, la réglementation des valeurs mobilières, la garde des enfants, les fusions bancaires, la réforme des retraites. Maintenant, M. Dodge a commencé à exprimer des commentaires sur la Chine.

Que pensez-vous de l'interprétation de M. Corcoran de votre mandat et pouvez-vous nous dire comment vous marquez les limites afin que vous restiez justement dans les limites de votre mandat tel que vous le concevez?

M. Dodge : Je ne me permettrai pas de commenter sur l'approche irresponsable qu'il prend vis-à-vis de la vie.

Laissez-moi plutôt dire...

Le président : Monsieur le gouverneur, pouvez-vous reformuler ce que vous venez de dire? Vous allez sinon devoir payer pour ce genre de déclaration.

M. Dodge : J'utilise le terme « irresponsable » dans le sens qu'en donne le dictionnaire, mais permettez-moi de répondre directement à la question sur les mesures que nous prenons.

Tout d'abord, en ce qui concerne la politique monétaire, nous avons appris d'une expérience difficile ici au Canada au cours des années et de l'observation que nous avons faite d'autres pays, que le mieux que nous puissions faire est d'essayer d'ancrer les attentes à l'égard de l'inflation. Nous faisons cela par l'intermédiaire d'un accord avec le gouvernement, à savoir que nous allons tenter de maintenir l'inflation à 2 p. 100 à moyen terme. Il s'agit du travail restrictif de la politique monétaire. Cependant, la Loi sur les banques est écrite en termes plutôt généraux, comme vous l'avez constaté.

Nous essayons de remplir ce mandat plus large et pour nous aider à remplir notre mandat de politique monétaire, nous effectuons des recherches dans un certain nombre de domaines qui affectent directement l'économie, en particulier, dans les marchés financiers, parce que c'est le domaine précis dans lequel nous travaillons.

Manifestement, nous ne pouvons effectuer un travail sur la politique monétaire sans comprendre le fonctionnement de l'économie canadienne, sans comprendre la capacité et donc la nature de la productivité. Nous ne pouvons faire notre travail sans comprendre le fonctionnement du marché du travail. Nous devons considérer l'économie réelle ainsi que l'économie financière, afin d'arriver au meilleur jugement possible sur la façon d'organiser la politique monétaire pour rester sur la bonne voie.

Bien sûr, nous avons d'autres tâches, nous sommes la banque du gouvernement, et cetera, mais en termes de politique monétaire, il s'agit de notre travail.

Nous devons couvrir un large éventail de domaines dans notre recherche.

M. Jenkins et moi-même et tous les membres du Conseil de direction, nous nous basons sur cette recherche. Nous publions cette recherche, d'abord, puis nous nous basons sur cette recherche quand nous faisons des déclarations, comme lorsque nous venons comparaître devant votre comité ou lorsque nous faisons d'autres choses.

Le président : Sénateur Oliver, nous vous reviendrons lors du second tour de questions. Tout cela était très long.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Vous avez parlé de plusieurs facteurs qui affectent la productivité. J'aimerais parler du secteur de la main-d'œuvre active. Le taux de chômage n'est pas inquiétant, mais le taux de participation l'est quand on voit les résultats démographiques. Je n'ai pas à vous dire que le manifeste publié au Québec récemment inquiète nos penseurs au Québec. Je me situe peut-être dans les penseurs qui s'inquiètent du vieillissement de la population.

Dans cette perspective, le gouverneur de la Banque du Canada pourrait-il considérer la possibilité de garder les personnes actives plus longtemps dans le marché du travail, c'est à dire tous ceux qui ont de l'expertise et de l'expérience — comme vous le savez, l'expérience ne s'achète pas — et cela leur permettrait de contribuer au régime d'épargne retraite jusqu'à l'âge de 75 ans. On pourrait garder un certain nombre de personnes actives. Croyez-vous que cela aurait un impact positif pour assurer une transition sur le plan démographique?

M. Dodge : La réponse très brève est oui. Une augmentation du taux de participation des gens âgés de 60 ans et plus, aiderait beaucoup. Il est important — comme vous l'avez entendu au cours des autres séances de ce comité — de ne pas avoir de barrières à cette participation. Nous sommes en train de faire un peu de travail à ce sujet, mais c'est surtout le taux de participation « at the aggregate level » que l'on étudie et les fonds de pension qui sont très importants dans nos marchés de capitaux.

M. Jenkins : J'aimerais soulever un autre point, un point qui est aussi un thème dans notre rapport sur la politique monétaire, et c'est celui de l'importance d'avoir une économie très flexible. Cela aide beaucoup le marché du travail.

En ce moment, il y a des ajustements importants dans l'économie canadienne, par exemple à cause des mouvements volatiles des prix de l'énergie et la flexibilité dans tous les marchés. Les marchés du travail et les marchés du capital sont absolument critiques. À mon avis, cela aide aussi la participation dans le marché du travail.

[Traduction]

Le président : Monsieur Dodge, je voudrais vous présenter les deux prochaines personnes qui vous poseront des questions. Ce sont deux nouveaux sénateurs : le sénateur Segal, suivi du sénateur Goldstein.

Sénateur Segal, bienvenue à ce comité. Nous sommes impatients d'entendre votre première question.

Le sénateur Segal : Monsieur Dodge, certains de vos prédécesseurs étaient d'avis que la politique monétaire était l'un des outils à la disposition du gouverneur, lorsqu'il y avait une anxiété quelconque en ce qui concerne la politique financière. Nous nous rappellerons que, lorsque des dépenses considérables ont créé des poussées inflationnistes en Ontario par le gouvernement provincial au moment où le taux d'inflation était bien supérieur à celui d'aujourd'hui, le gouverneur Crow pensait qu'il était dans l'obligation d'agir. Il a agi avec détermination, comme vous vous en rappellerez.

Une question souvent discutée est la politique financière actuelle du gouvernement, qui semble s'améliorer et réduire le pourcentage du rapport de la dette au PIB, mais s'engage à des dépenses énormes de l'ordre de plusieurs milliards de dollars pour la défense, la santé et la péréquation, dépenses qui ne poseraient pas de problème dans le contexte d'une économie à croissance continue. Cependant, je suppose que vous-même et vos collègues de la banque considérez le risque et ce qui se passerait dans le contexte d'un taux de croissance en constante diminution.

Pouvez-vous nous indiquer comment vous évaluez ces risques, tout particulièrement en ce qui a trait à la productivité et aux commentaires que vous avez proposés tout à l'heure, ce que cela peut signifier quant à notre capacité de créer des richesses et donc votre capacité à équilibrer les risques pour soutenir une politique monétaire solide?

M. Dodge : Sénateur Segal, et c'est un très grand plaisir que de vous appeler sénateur, nous avons clairement établi dans nos rapports que nous croyons ce que disent les gouvernements fédéral et provinciaux quant à leur politique financière, c'est-à-dire qu'ils vont essayer d'équilibrer leur comptabilité à l'avenir. Il est certain que cela rend notre tâche beaucoup plus facile à la banque, lorsque les gouvernements fonctionnent de cette façon.

C'est même précisément ce qu'a dit le gouverneur King de la Bank of England, lors de son allocution hier à la Chambre des lords.

Nous avons également informé les ministres des finances fédéral et provinciaux que nous pensons qu'avec l'amélioration de nos conditions commerciales, les revenus nationaux canadiens sont supérieurs aux extrants à l'heure actuelle et que donc les revenus du gouvernement sont supérieurs à ce qu'ils devraient être dans le cadre d'une croissance économique de 3 p. 100. Le gouvernement devrait s'assurer de ne pas supposer que la croissance du revenu va continuer à ce rythme avec la croissance future de l'économie.

À mesure qu'inévitablement les prix de ressources naturelles à moyen terme vont baisser et que les conditions commerciales vont se renverser, les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent se retrouver dans une position où la croissance du revenu croît moins rapidement et donc dans une situation où il faut trouver un moyen de faire correspondre les dépenses à cette faible croissance future.

Nous avons exprimé également qu'au cours de cette période et jusqu'à l'année 2012, 2015 ou 2010, nous ne sommes pas certains mais au début de la prochaine décennie, il serait prudent que les gouvernements du Canada remboursent leurs dettes, ou que le service de la dette coûte moins cher, pour qu'ils se retrouvent dans une position où ils pourront faire face aux besoins croissants sans avoir à relever les taux d'imposition. Ce sont les deux points importants que nous avons présentés.

Le sénateur Goldstein : Merci, monsieur le gouverneur, pour vos remarques toujours intéressantes.

Vous connaissez sans doute l'étude de la Banque Manuvie publiée à la fin de l'année dernière, indiquant que les consommateurs étaient très préoccupés par leur capacité à payer le service de la dette. Si je me rappelle cette étude, 70 p. 100 de ceux qui ont répondu aux questions étaient préoccupés par leur capacité de gérer leurs dettes et étaient encore plus préoccupés à ce sujet, si les taux d'intérêt allaient augmenter.

La diminution des économies au cours des vingt dernières années a été si importante qu'au cours des premier et second trimestres de 2005, et je suppose également au cours du troisième trimestre, bien que ces chiffres n'aient pas été publiés, les Canadiens avaient des économies négatives. Il est possible qu'il y ait d'autres augmentations du taux d'intérêt à des fins de politique monétaire et politique financière, et cela ne me dérange pas, étant donné l'importance de votre mandat. Cependant, dans le contexte de votre mandat de promotion du bien-être économique du Canada et je suppose du bien-être économique des Canadiens, y a-t-il moyen d'alléger ce fardeau? Est-il possible d'imposer une discipline quelconque à ces fournisseurs de crédit, tout particulièrement à ces fournisseurs de cartes de crédit, afin qu'ils augmentent leurs paiements mensuels minimums de 5 à 10 p. 100, comme cela se fait aux États-Unis? Y a-t-il quelque chose de semblable que nous puissions faire au Canada, pour atteindre un meilleur équilibre que celui que nous avons à l'heure actuelle?

M. Dodge : Tout d'abord, les ménages canadiens sont très sages et chaque ménage est sage de se préoccuper des niveaux d'endettement. Il s'agit d'une gestion financière prudente au niveau du ménage, tout comme nous nous attendons à ce que les gouvernements exercent une gestion financière prudente. Je considère que c'est un signe de la vitalité des ménages canadiens lorsque, comme l'a indiqué l'étude Manuvie, 70 p. 100 d'entre eux sont préoccupés par cette question.

Nos chiffres sont des moyennes, et comme nous le soulignons constamment, cela peut poser des difficultés en ce sens que nous n'avons pas de très bons renseignements. En moyenne, le ratio d'endettement par rapport à la richesse des ménages canadien n'a pas vraiment beaucoup changé. La richesse a augmenté approximativement au même rythme que l'endettement. En fait, pendant un certain temps, elle a augmenté un peu plus rapidement que l'endettement des ménages.

Le bilan moyen des ménages s'améliorait sans l'épargne provenant du revenu disponible. Dans ce genre de cas, il n'est pas étonnant que le taux d'épargne mesurée, qui ne reflète pas les changements dans la valeur des avoirs, qu'il s'agisse d'avoirs fonciers ou financiers, ait nettement diminué.

De toute évidence, si le niveau de richesse change à cause d'une baisse du prix de l'immobilier, d'une baisse sur le marché des valeurs mobilières, ou à cause d'une diminution des prix des obligations, il faudra qu'il y ait un certain niveau d'épargne provenant du revenu actuel pour conserver ce ratio d'endettement par rapport à la richesse, et nous nous attendons, et effectivement le comportement des ménages l'indique, que c'est ce qui se produirait. Cela signifie une diminution de la consommation et une moins grande demande dans le secteur économique. En particulier, nous avons signalé que cela risque de se produire d'abord au sud de la frontière, où les prix de l'immobilier ont augmenté beaucoup plus rapidement qu'ici au Canada, d'où une augmentation plus rapide de l'endettement hypothécaire. Quoi qu'il en soit, ce risque existe ici également.

Le sénateur Stratton : J'aimerais passer maintenant à la question de la gouvernance d'entreprise. Comme vous le savez, un grand nombre d'entreprises dans l'ensemble de l'Amérique du Nord et ailleurs se tournent vers la gouvernance d'entreprise pour éviter que se reproduisent des scandales comme celui d'Enron. Le gouvernement du Canada vient de présenter une déclaration de principe préparée par le président Alcock du Conseil du Trésor sur les mesures qu'il entend prendre pour éviter que se reproduisent des événements tels que ceux qui ont donné lieu à l'enquête Gomery. Le Comité sénatorial des finances, présidé par le sénateur Oliver, examine comment gérer la gouvernance ministérielle au sein du gouvernement canadien.

Quelles sont les initiatives de la Banque du Canada à cet égard au cours des dernières années, et plus récemment?

M. Dodge : Comme M. Jenkins s'occupe de cette question directement et de façon quotidienne pour la banque, je lui demanderais de répondre à la question.

M. Jenkins : Au cours des cinq dernières années et plus, la Banque du Canada a pris des mesures pour consolider sa gouvernance. Je commencerai par l'importance d'établir un processus ferme de planification stratégique et budgétaire, ce que nous faisons.

Nous avons consolidé les mécanismes de contrôle de la gestion du risque financier à la Banque du Canada ainsi que le règlement sur les conflits d'intérêts. Nous avons pris des mesures dans un certain nombre de domaines pour consolider la gouvernance interne de la Banque du Canada et nous en constatons une claire reconnaissance dans l'ensemble de l'organisation.

C'est une mesure importante pour la gestion des fonds publics en tant que société d'État, mais c'est aussi important d'avoir ce genre de discipline au sein de votre organisation pour favoriser une bonne prise de décision.

Le sénateur Stratton : N'êtes-vous pas toujours aux prises avec certains problèmes pour ce qui est de la gestion? On peut lire dans l'Ottawa Citizen que vous continuez d'enfreindre vos propres règles.

M. Jenkins : Par l'intermédiaire de notre Conseil de direction, nous avons un comité de vérification indépendant et un vérificateur interne. Le vérificateur interne examine régulièrement les mécanismes de contrôle que nous avons instaurés. En ce qui concerne l'article dont vous parlez, à la suite d'une demande d'accès à l'information, nous publions régulièrement nos rapports de vérification. Il est important de souligner que la direction a réagi au rapport en question du vérificateur interne et que des mesures ont été prises pour rectifier la situation.

Le sénateur Stratton : Par conséquent, ces problèmes ont été réglés?

M. Jenkins : Tout à fait.

Le sénateur Harb : J'ai une question à propos de l'infrastructure des institutions du secteur financier en général.

En 2002, je crois que vous avez tenu des discussions avec le secteur financier et que vous avez parlé en particulier du genre de mécanisme qu'il devait instaurer pour assurer la viabilité du système.

Tout d'abord, pouvez-vous nous indiquer ce qui s'est passé depuis et nous dire ce que le Parlement ou le gouvernement peut ou devrait faire, le cas échéant au niveau législatif, pour faciliter votre travail? Y a-t-il des besoins qui existent au niveau du secteur financier et auxquels le Parlement pourrait donner suite?

M. Dodge : Je pense qu'il serait préférable que vous demandiez au surintendant des institutions financières de vous fournir des recommandations détaillées.

Cependant, l'aspect sur lequel nous avons tous mis l'accent, c'est les méthodes de gestion du risque qui existent dans les institutions financières — pas seulement dans les banques, mais dans toutes les institutions financières.

Il ne fait aucun doute que les banques et les compagnies d'assurance ont pris de nombreuses mesures pour améliorer leur gestion du risque. Les conseils d'administration de ces institutions insistent maintenant beaucoup plus pour que leurs cadres supérieurs établissent des méthodes appropriées de gestion du risque.

Des changements ont été apportés aux règles de comptabilité qui mettent davantage l'accent sur cet aspect. De toute évidence, le principal objectif à Bâle était de présenter un nouvel accord qui mettra davantage l'accent sur la gestion du risque, tant en ce qui concerne les règles de fonds propres et le deuxième pilier comme on l'a appelé, afin que les superviseurs y accordent une plus grande importance. Je dirais que non seulement au Canada mais partout dans le monde, on a accordé beaucoup plus d'importance à cet aspect et les institutions ont réagi.

Cela ne signifie pas que nous n'aurons jamais de problème; mais aujourd'hui on met beaucoup plus l'accent sur la gestion du risque qu'on ne le faisait il y a trois ans à peine.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Je me mets à la place des gens ordinaires, qui écouteront l'émission sur les ondes du réseau CPAC ou sur Internet. Je n'ai pas votre compétence, mais vos réponses ne me satisfont pas. Laissez-moi vous citer le domaine qui me préoccupe et vous pourrez m'expliquer plus clairement afin que je puisse comprendre.

On dit que l'endettement s'accroît et que les Canadiens sont inquiets parce qu'ils sont endettés. Or je crois comprendre de vos propos, surtout lorsque vous parlez des prêts hypothécaires, que les Canadiens peuvent se permettre de s'endetter encore de quelques points sans que la situation ne soit inquiétante.

Lorsqu'on dit que l'épargne est sous zéro pour le moment, vous répondez que ce n'est pas inquiétant parce qu'au fond la richesse s'accroît du fait qu'on achète des biens.

Parlons d'investissements. Les retraités n'ont pas de retour sur leurs investissements et ils sont en train de puiser à même leur capital. Par conséquent, le Canadien que je connais s'appauvrit. Toutefois, vos réponses ne sont pas encourageantes pour ces Canadiens. Quel rôle pourriez-vous jouer pour redonner espoir aux Canadiens? C'est ma première question.

Deuxièmement, selon votre rapport, les taux d'intérêt payés aux États-Unis diffèrent de ceux payés au Canada — on parle de 3,75 p. 100, d'une part, et de 3 p. 100, de l'autre. Est-ce que vous suivez le Canadien qui désire investir aux États-Unis dans des fonds américains? Est-ce que certaines grosses corporations investissent massivement aux États- Unis quand ils voient que c'est plus payant? Faites-vous un suivi des déplacements de fonds? Est-ce qu'il y a quelque chose qui vous inquiète en ce sens, lorsque des fonds sont investis à l'étranger alors qu'il n'est pas assez payant d'investir au Canada? J'aimerais savoir si quelqu'un au Canada suit cette question.

Ma dernière question est la suivante. Dans votre rapport sur la politique monétaire, vous mentionnez que l'économie canadienne fonctionne aux limites de sa capacité. En même temps, vous prévoyez qu'elle progressera. Comment expliquer qu'elle progressera si elle est aux limites de sa capacité?

M. Dodge : Je ne comprends pas exactement la dernière question. Je céderai donc la parole à M. Jenkins.

M. Jenkins : Pour répondre à votre troisième question, je dirai que c'est la différence entre le niveau d'activité dans l'économie et le taux de croissance à l'avenir. Après une analyse de tous les indicateurs, c'est l'opinion de la Banque du Canada que le niveau actuel d'activité, au sens global, est équivalent à celui de la capacité. Toutefois, dans l'avenir, nous croyons que le taux de croissance de l'économie atteindra près de 3 p. 100. Par conséquent, nous pensons que l'économie continuera d'augmenter au rythme de près de 3 p. 100.

Le sénateur Plamondon : Parlez-vous d'un secteur particulier ou en général?

M. Jenkins : Nous parlons en général. Voilà la réponse à votre troisième question, qui était excellente d'ailleurs.

Le sénateur Plamondon : Avez-vous une réponse à ma première et ma deuxième question?

M. Dodge : Je répondrai tout d'abord à votre deuxième question. On a parlé plus tôt de gestion du risque. Il est important que les fonds de pension et tous les fonds, incluant ceux des grandes corporations, soient gérés en fonction du risque de façon appropriée. Cela veut dire, pour les fonds de pension et même pour les individus, qu'il faut une diversification dans des industries à travers le monde afin de minimiser le risque.

Notre économie, au Canada, offre de grandes possibilités dans certains domaines mais pas dans d'autres. Il est donc important, pour avoir un portefeuille diversifié, d'avoir des investissements à travers le monde. Du point de vue de la gestion du risque, pour les individus et pour les fonds, je crois qu'il est important qu'un pourcentage des investissements se trouve à l'extérieur du pays. Pour les entreprises, il est important de saisir les opportunités qui se présentent sur les marchés mondiaux. Il importe d'investir au Canada, naturellement, mais également dans les activités à l'étranger.

En réponse à votre première question, il est absolument vrai que, pour certaines personnes, les investissements n'offrent pas un rendement croissant au niveau du revenu.

Et malheureusement, il y en a encore quelques-uns qui sont bien investis et qui peuvent vivre, pas nécessairement à l'aise mais bien, et les autres dont les investissements ne vont pas si bien. C'est pour cette raison que nous avons des pensions publiques.

Le sénateur Plamondon : J'ai une question supplémentaire à vous poser. On indexe souvent les pensions publiques en tenant compte du taux d'inflation. Vous ne tenez pas compte de la hausse du coût de la nourriture et de l'essence dans le taux d'inflation. Cela ne compte pas? Pourquoi? Il est écrit dans le document qu'il y a huit éléments volatils, dont l'essence et la nourriture, qui ne comptent pas pour évaluer le taux d'inflation. Si un élément envoie les consommateurs dans le trou, c'est bien le coût de l'essence.

M. Dodge : L'IPC inclut tout. C'est absolument vrai que c'est pour la moyenne. Il y a des familles qui ont des paniers de consommation différents de la moyenne, mais la moyenne inclut la nourriture, l'essence, et cetera.

Le sénateur Biron : Dans vos remarques préliminaires, vous parlez de la concurrence livrée par les autres pays nouvellement industrialisés. Compte tenu de ces ajustements et de la faible production de ces dernières années, la banque a légèrement réduit son estimation de la croissance de la production potentielle. Lorsque vous parlez de production, vous voulez parler de la production industrielle ou de la production de toutes les activités économiques potentielles?

M. Dodge : De tout.

Le sénateur Biron : Dans un autre ordre d'idées, l'évolution démographique a un impact immédiat sur l'économie du Canada. Celle-ci va s'accentuer et aura un effet dans les prochaines années sur la politique monétaire canadienne. Le fait qu'il y aura beaucoup plus de personnes âgées, est-ce une préoccupation pour l'avenir?

M. Dodge : C'est plutôt une préoccupation pour l'avenir. La situation des prochaines cinq ou dix années concerne le baby boom des 50 à 65 ans. C'est dans ce groupe d'âge qu'on anticipe un taux d'épargne assez élevé pour préparer la retraite. Ce qui nous inquiète un peu, c'est que les populations ne vieillissent pas seulement au Canada et aux États- Unis, mais aussi en Europe, au Japon et cela viendra en Chine un peu plus tard. Il y a un risque que l'épargne désiré par les ménages dans les 10 à 15 prochaines années soit plus élevé que l'investissement planifié. Il est possible qu'il y ait une demande mondiale et que l'économie mondiale puisse avoir un taux de croissance assez faible. Ce ne sera pas une bonne nouvelle au Canada. C'est pour cette raison que nous avons mentionné ce risque dans notre rapport.

[Traduction]

Le président : Tout d'abord, gouverneur Dodge, je tiens à vous remercier de vos aimables observations à propos de notre étude sur la productivité. Je crois que c'est une question à laquelle nous avons tous deux sensibilisé le public et qui est en train de faire partie du dialogue et du débat public.

Je tiens aussi à remercier mes collègues d'avoir appuyé le sénateur Angus qui nous a donné l'idée de cette étude, et le comité pour avoir préparé un rapport qui a été bien accueilli. Comme vous le savez, dans cette étude, nous avons recommandé une importante réforme fiscale. Le sénateur Angus m'a rappelé l'autre jour que nous n'avions pas examiné la réforme fiscale dans ce pays depuis M. Carter, dans les années 1960. Le comité envisage de nouvelles attributions qui comprendraient entre autres un examen du système fiscal. Il ne s'agirait pas d'une étude exhaustive mais ce sera certainement une étude en table ronde. Nous prévoyons en faire la proposition au comité et au Sénat sous peu, et je suppose que c'est une initiative dont vous vous réjouirez.

Je dis cela dans le contexte des États-Unis où il est proposé que votre collègue, M. Bernanke, devienne le président de la Réserve fédérale, qui est le pendant de votre organisation. J'ai eu le privilège de rencontrer M. Bernanke il y a plusieurs semaines à Washington et j'ai étudié certains des commentaires qu'il a faits récemment. J'aimerais vous parler de deux questions pour savoir si vous êtes d'accord ou non avec M. Bernanke.

Mes deux prochaines questions concernent les réductions d'impôt et l'objectif en matière d'inflation. Je traiterai brièvement des réductions d'impôt. Le 11 octobre de cette année, au National Economic Club à Chicago, M. Bernanke — qui est toujours président du Conseil économique du président, et de toute évidence l'homme du président mais qui adopte maintenant une position indépendante — a indiqué qu'il appuie les séries de réductions d'impôt proposées et adoptées selon le plan Bush. D'après une analyse rigoureuse, nous savons également que les commentaires faits précédemment par M. Greenspan correspondent à l'opinion de M. Bernanke. Tous deux en fait appuient les réductions d'impôt passées et futures aux États-Unis. Je tiens à savoir si vous êtes d'accord avec cela et dans quelle mesure vous divergez d'opinion avec lui, si tel est le cas, tant en ce qui concerne l'ampleur de ces réductions que leurs répercussions. Nos économies sont relativement différentes, mais elles sont étroitement liées.

Deuxièmement, le débat parmi les divers candidats aux États-Unis à la présidence de la Réserve fédérale porte sur le ciblage transparent d'inflation. Lorsque je regarde la déclaration que vous avez faite aujourd'hui, vous dites que nous ciblons un taux d'inflation de 2 p. 100 à moyen terme. Aux États-Unis, le débat se situe entre 1 et 2 p. 100, et M. Bernanke croit que le ciblage d'inflation devrait être transparent. M. Greenspan a été un peu plus vague à ce sujet. Disons qu'il a été plus souple.

Dans votre déclaration, vous avez parlé de « ciblage d'inflation ». Aujourd'hui, le Financial Times, dans une étude comparative de l'inflation dans notre pays et ailleurs, à l'exclusion des États-Unis, a indiqué que notre taux d'inflation cette année, c'est-à-dire en 2005, était de 2,2, et dans votre déclaration, vous dites que l'inflation sera de 3 p. 100 jusqu'au milieu de 2006, donc cela n'est pas très éloigné. Ce taux est certainement supérieur au taux de 1 ou 2 p. 100.

Puis vous poursuivez — et c'est une question qui nous préoccupe grandement — en disant qu'au-delà de 2007, vous prévoyez un déséquilibre économique à l'échelle mondiale. Il s'agit de deux questions et j'ai pris trois minutes.

M. Dodge : Par conséquent, je répondrai brièvement. À la banque, nous considérons important de pouvoir parler de l'équilibre fiscal. C'est une question qui a une grande influence sur nos activités. Nous croyons que le niveau des services gouvernementaux et par conséquent le niveau d'imposition nécessaire pour payer ces services, est une décision qui relève des gouvernements et par conséquent il n'est pas vraiment indiqué que nous fassions des commentaires à ce sujet. Nous avons parlé parfois de questions concernant la structure de la fiscalité. Nous considérons qu'il n'est probablement pas indiqué que nous fassions des commentaires sur les niveaux d'impôt et de dépenses.

Lorsque Ben Bernanke était président du Council of Economic Advisers, son travail consistait à parler de réductions d'impôt. Maintenant qu'il revient à la Réserve fédérale, il considérera peut-être comme nous qu'il s'agit de la prérogative du gouvernement et non de la banque.

Pour ce qui est du ciblage, tout d'abord nous croyons que le système du ciblage d'inflation, qui a débuté la première fois par le biais d'un accord avec le gouvernement en 1991, s'est avéré extrêmement utile pour notre pays. Depuis 1994, nous avons visé une fourchette de 1 à 3 p. 100 dont le point médian était de 2 p. 100. Nous ciblons une inflation de 2 p. 100. De façon générale, depuis cette époque, nous avons atteint la cible de 2 p. 100.

Cela ne signifie pas que nous pouvons l'atteindre à volonté. D'ailleurs, nous n'essayons pas de le faire, car cela risquerait de provoquer ce que nous appelons « une instabilité de l'instrument ». Si nous essayons d'établir une cible d'inflation trop précise, cela entraînerait une trop grande fluctuation des taux d'intérêt.

Lorsque nous recevons un choc, comme cela a été le cas avec l'augmentation des prix du pétrole et du gaz, cela augmentera l'IPC pendant un certain temps. S'il y avait une brusque augmentation du prix des aliments, l'IPC augmenterait pendant un certain temps. À un certain moment, nous recevrons des chocs, comme cela a été le cas au cours de cette période, qui nous amèneront bien en deçà de notre cible.

Nous tâchons de rétablir l'inflation au niveau ciblé à moyen terme. Nous tâchons d'examiner les facteurs extrêmement volatils. C'est la raison pour laquelle nous utilisons l'inflation de base — mais nous ne ciblons pas l'inflation de base — à titre d'indication du taux sous-jacent de l'inflation dans l'économie.

Le sénateur Tkachuk : J'aimerais revenir à votre commentaire selon lequel il n'existe pas d'unique solution magique qui nous permettra de régler le problème de productivité du Canada. De combien de solutions magiques avons-nous besoin? Quelles sont-elles? Est-ce que la réduction d'impôt promise pour les grandes sociétés lors du dernier budget, promesse qui n'a d'ailleurs pas été tenue, en fait partie?

M. Dodge : Quelles sont-elles? Il m'est impossible de répondre simplement à cette question. Vous avez présenté dans votre rapport toute la gamme de questions dont il faut s'occuper. J'insisterai simplement sur le fait que l'accroissement de la productivité se fait en milieu de travail, au niveau de l'entreprise. Il est important que nous reconnaissions tous ce fait — qu'il s'agisse des PDG de sociétés privées, de syndicats ou de nous qui travaillons dans une société d'État.

Deuxièmement, la structure fiscale est importante. Ce qu'on a remarqué avec le temps et à l'échelle internationale, c'est qu'il vaut mieux augmenter ses revenus en ayant une assiette fiscale large mais des taux d'imposition relativement bas. Tous les impôts ou taxes ont un effet de distorsion sur l'économie, mais c'est la combinaison assiette fiscale large et bas taux d'imposition qui cause le moins de distorsion.

[Français]

Le sénateur Massicotte : J'ai deux brèves questions à vous poser. Lorsqu'on regarde l'économie canadienne, il y a quelques tensions entre certaines régions du Canada, qui ont une économie plus prospère que d'autres. Dans votre modèle de projection, pour les deux ou trois ans prochaines années, prévoyez-vous un autre conflit important avec l'Alberta et le prix du pétrole très élevé où celle-ci pourrait avoir une croissance importante tandis que d'autres régions du Canada pourraient se demander pourquoi augmenter le taux d'intérêt, puisque nous avons déjà une croissance au ralenti?

Le panier de produits de consommation, c'est l'indice de référence. Certaines banques centrales se concentrent de plus en plus sur le prix des valeurs et même sur le prix des maisons. La Banque du Canada arrive-t-elle à ces mêmes décisions ou à inclure cet aspect dans ses décisions de politique monétaire?

M. Dodge : Ce qui est important, en ce qui concerne la première question, c'est que l'économie canadienne soit flexible. Plus l'économie canadienne est flexible, plus les bénéfices des forts taux de croissance dans certains secteurs, dans certaines régions s'étendent à toute l'économie.

Il est vrai que, pour le moment, il y a des régions, surtout dans l'Ouest, qui vont croître un peu plus vite que les autres. Il y a des industries qui vont croître plus vite que d'autres, mais plus nous sommes flexibles, plus les bénéfices augmentent.

En ce qui concerne la deuxième question, nous sommes en train de renouveler notre accord avec le gouvernement fédéral sur l'inflation. Nous faisons les recherches sur les prix des actifs et les mouvements des prix des actifs qui peuvent nous aider à gérer notre régime pour atteindre notre cible d'inflation.

Il y a peut-être des informations qui sont importantes, mais comme moyen d'y arriver, nous ne croyons pas que cela soit approprié pour une banque centrale.

[Traduction]

Le sénateur Angus : Monsieur le gouverneur, quand vous avez comparu en avril, vous avez dit, si je ne m'abuse, que vous vous inquiétiez particulièrement des déséquilibres économiques mondiaux. Vous nous avez expliqué ce que vous entendiez par là.

Dans le discours que vous avez fait circuler, et hier devant le comité des finances de la Chambre des communes et aujourd'hui, vous parlez de la correction des déséquilibres économiques mondiaux. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris ce que vous entendez par là ni pourquoi, ci cette correction se concrétise dans trois ou quatre ans, ce serait nuisible et risquerait de se traduire par une période de croissance économique mondiale faible.

M. Dodge : Vous trouverez la réponse complète à votre question dans un discours que j'ai prononcé à Spruce Meadows. Le texte est affiché sur notre site Web et je vous inviterais à le lire. Mais en deux mots, si le taux d'épargnes aux États-Unis augmente, et il faudra que ça se fasse un jour ou l'autre, et que ce phénomène n'est pas accompagné d'une augmentation de l'absorption nette dans les autres pays, la demande mondiale augmentera moins rapidement que l'offre. Par conséquent, il y aura des pressions à la baisse sur la croissance.

La croissance ralentie de l'économie mondiale se traduira par un ralentissement de la croissance au niveau national. C'est sur ce risque que nous avons mis l'accent.

Le sénateur Angus : J'ai une question de nature sémantique : comment la correction des déséquilibres se manifeste-t- elle?

M. Jenkins : On fait référence aux déséquilibres des comptes qui existent actuellement. En effet, aux États-Unis, la balance des paiements est largement déficitaire. Il faut que ce phénomène soit contrebalancé d'une façon ou d'une autre. C'est essentiellement en Asie qu'on trouve le surplus, mais pas exclusivement. La question fondamentale, c'est comment ces déséquilibres peuvent-ils se métamorphoser pour qu'ils soient plus viables à long terme.

Nous nous attendons à ce que les déséquilibres se corrigent naturellement. Par contre, nous voulons faire comprendre qu'il y a un risque que ce ne soit pas le cas.

Le sénateur Moore : La baisse des investissements en capital à l'échelle mondiale constitue-t-elle un des facteurs de ce que vous qualifiez à la première page de votre rapport d'« économies nouvellement industrialisées » en Chine et en Inde? Est-ce qu'on a accès dans ces pays-là à des équipements nouveaux et efficaces qui coûtent moins cher qu'à l'étranger, ce qui expliquerait la baisse des investissements dans les pays occidentaux, notamment au Canada?

M. Dodge : C'est tout à fait le cas pour certains secteurs. Dans d'autres secteurs, l'évolution technologique s'est traduite par la baisse des prix et une surabondance de l'offre. Les investissements qui perdureront ne seront plus consacrés à l'accroissement de la capacité mais plutôt à la diminution des coûts de production.

Je ne pourrais pas vous expliquer pourquoi le taux d'investissement a ralenti à l'échelle mondiale, ce qui est contraire à ce à quoi on s'attendait, étant donné la croissance mondiale relativement forte. En effet, la croissance mondiale s'est chiffrée à 4 p. 100 pendant trois années consécutives, ce qui est très bien. La plupart des pays jouissent de taux d'intérêt bas en termes nominaux et de liquidités abondantes. Dans de telles circonstances, on pourrait s'attendre à des niveaux d'investissement plus élevés.

Le sénateur Oliver : Au départ, ma question portait sur votre mandat. Je vous ai demandé comment vous interprétiez et faisiez avancer de façon générale le bien-être économique de la population canadienne. Vous avez mentionné au sénateur Tkachuk l'intérêt que vous manifestiez à l'égard du secteur financier et de la production, entre autres.

Vous intéressez-vous actuellement à d'autres dossiers, comme celui de la productivité dans les secteurs des services financiers, étant donné la situation mondiale et la situation économique du Canada?

M. Dodge : Nous avons publié notre plan de recherche. J'aurai dû en apporter un exemplaire aujourd'hui. Vous le trouverez sur notre site Web.

Le sénateur Oliver : Y a-t-il de nouveaux dossiers auxquels vous vous intéressez?

M. Dodge : Je ne sais pas exactement ce qui est nouveau et ce dont on a déjà parlé.

Nous consacrons beaucoup de temps à l'ordre monétaire international, pas seulement à la situation à l'échelle de notre pays. Nous nous penchons également sur le rôle des fonds de pension sur les marchés de capitaux. Cette année, nous avons effectué des recherches qui s'imposaient pour renouveler nos cibles en matière d'inflation. Je vais m'assurer que vous recevrez un exemplaire de notre programme de recherche.

M. Jenkins : Les documents sur notre programme de recherche présentent les thèmes généraux ainsi que les sujets abordés.

Le sénateur Segal : Un des aspects importants de la correction des déséquilibres, c'est la réévaluation de la monnaie chinoise et la relation entre cette réévaluation et la réalité économique.

Dans le contexte de vos propres mesures de gestion des risques, quels seraient d'après vous les impacts à moyen terme sur notre conjoncture monétaire?

M. Dodge : Nous avons longuement discuté avec les autorités chinoises et avons d'ailleurs été en Chine à quelques reprises cette année.

Nous estimons que la façon la moins onéreuse de faire certains de ces ajustements, ce serait de procéder à une appréciation nominale du RMB par rapport au dollar américain. Nous l'avons d'ailleurs dit clairement et publiquement aux autorités chinoises.

Nous leur avons également dit, et ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd, qu'il fallait qu'elles réagissent pour accroître la demande nationale afin d'absorber davantage de leur propre production ainsi que de la production étrangère.

Nous estimons que ce serait une bonne chose que la valeur du RMB s'apprécie à un rythme accéléré par rapport au dollar américain à court terme.

Le sénateur Goldstein : Monsieur le gouverneur, j'aimerais revenir à la question que je vous ai posée au départ ainsi qu'à votre réponse, qui semblait indiquer que vous ne vous inquiétez pas particulièrement de l'endettement, qui augmente au même rythme que la richesse.

Par contre, dans votre rapport, vous avez indiqué qu'on pouvait s'attendre à ce que le taux du financement à un jour augmente, ce qui se traduirait par l'augmentation du coût des emprunts, notamment pour les particuliers. Étant donné que nous sommes apparemment dans une bulle immobilière qui s'effondrera tôt ou tard, quels seront les effets de ces phénomènes convergents?

En d'autres termes, la valeur des maisons chuterait et les dépenses courantes augmenteraient, sans parler de ce qui semble être une augmentation importante à l'échelle du Canada des impôts fonciers.

M. Dodge : Je vais demander à M. Jenkins de répondre. Je vous inviterais à vous reporter à la page 20 du rapport, qui vous aidera à comprendre sa réponse.

Je tiens à ajouter que je n'ai jamais parlé de bulle immobilière.

Le sénateur Goldstein : C'est moi qui en ai parlé.

M. Dodge : À quelques exceptions locales près, les prix de l'immobilier au Canada sont conformes à nos attentes, étant donné la croissance des revenus et de la population canadienne.

M. Jenkins : Le graphique 14 illustre un point simple mais important; l'ajustement des taux d'intérêt à court terme ne se traduit pas toujours par des fluctuations des taux d'intérêt à moyen et à long termes selon la courbe des rendements.

Pour revenir au mandat de la Banque du Canada et pour répondre à la première question du sénateur Massicotte, c'est en maîtrisant l'inflation qu'on peut garantir des taux d'intérêt bas et stables. Les taux d'intérêt à court terme fluctueront en fonction des circonstances, mais si les prévisions en matière d'inflation sont bien fondées, les taux à moyen et long termes resteront bas et stables. Ce qui se répercute directement sur les taux hypothécaires. C'est un facteur critique.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Vous avez parlé, ce matin, de votre préoccupation au sujet de la productivité des institutions financières. Est-ce que je peux conclure que vous faites une étude à ce sujet ou si c'est seulement une préoccupation générale? Est-ce que l'étude est faite ou va-t-elle être faite?

M. Dodge : Nous sommes en train de la faire.

Le sénateur Hervieux-Payette : J'aimerais que vous me confirmiez que vous allez regarder attentivement le rôle qu'a la réglementation sur la productivité de nos institutions financières, et la comparaison avec les autres pays de l'OCDE. J'ai l'impression qu'il y a un gros facteur de ralentissement de la productivité relié à la réglementation. J'ai l'impression que nos règlements sont comme les hommes qui portent des ceintures avec des bretelles. Lorsque vous parlez de gestion du risque, il n'y a pas beaucoup de risque de perdre ses culottes si on a les deux. Mais je pense qu'un seul élément serait nécessaire.

J'aimerais que cette question soit bien étudiée, parce que lorsqu'on regarde de près l'intrusion dans le management quotidien de toute la réglementation, c'est absolument aberrant.

M. Dodge : Oui, nous étudierons cet aspect.

[Traduction]

Le président : Monsieur le gouverneur, nous avons rapidement examiné certaines études lors de nos travaux sur la productivité. La Banque mondiale a fait une étude comparative de différentes réglementations en matière de faillites et d'autres systèmes juridiques de recouvrement, entre autres. Cette étude nous a été très utile. Elle se penchait sur les chiffres canadiens, et ces chiffres n'étaient pas mauvais. Ils n'étaient pas aussi précis qu'on l'aurait souhaité, cependant, cela pourra nous aider car je pense que le sénateur vient de soulever un point important. Nous essayons de comprendre quels sont les éléments qui sous-tendent la productivité, et comment les améliorer. Nous devons examiner cela.

Le sénateur Harb : Ma question concerne la Chine et le RMB. De nombreuses entreprises européennes et américaines ont ouvert des installations en Chine. Elles produisent des biens en Chine, puis les envoient aux États-Unis où ils sont vendus. Lorsque nous discutons de la balance commerciale entre les États-Unis et l'Asie, et plus particulièrement la Chine, prenons-nous en compte le fait que certaines entreprises américaines produisent des biens en Chine qu'elles vendent ensuite aux États-Unis?

Y a-t-il des études qui examinent les investissements étrangers ainsi que les flux d'investissement, et qui utilisent la même norme de mesure que nous en matière de commerce? Quelle quantité d'investissement se fait là-bas, et quelle quantité ici? Quel rôle jouent ces investissements pour ce qui est de la balance commerciale?

Dans le cadre d'une économie mondialisée, c'est important dans la mesure où on peut dire qu'on ne croit pas ces chiffres qu'on avance, à savoir que les Chinois vendent pour 100 milliards de dollars de produits de plus aux Américains que les Américains aux Chinois. En effet, je pense que si on regarde ces chiffres de plus près, on découvre qu'une grande part de ces biens sont produits par des entreprises américaines en Chine qui les vendent ensuite à Wal- Mart et d'autres entreprises aux États-Unis.

Je souhaiterais entendre vos observations à ce sujet.

M. Dodge : Il est vrai que les investissements américains à l'étranger ont des rendements beaucoup plus élevés que les investissements étrangers aux États-Unis. C'est certain.

Les facteurs qui expliquent cela sont très complexes. Cependant, on sait qu'il peut y avoir un déficit des transactions courantes pour les États-Unis ou un excédent en faveur des pays bénéficiaires de capitaux tels que la Chine sur de longues périodes grâce aux écarts entre les taux de rendement.

Néanmoins, il est normal de penser que sur de longues périodes, ces écarts entre les taux de rendement devraient diminuer pour aboutir à un plus grand équilibre de la balance commerciale. Cela peut se faire graduellement sur une longue période, ou de façon brusque et soudaine. Nous soulignons le fait que plus le déséquilibre persiste, plus la probabilité est grande — même s'il y a peu de chances que cela se produise — d'avoir un processus d'ajustement brusque qui mènerait à une période de croissance mondiale lente.

[Français]

Le sénateur Plamondon : À la page six de votre rapport, en français et en anglais, en haut du graphique numéro 1, dans la phrase suivante :

Tenant compte de sa projection et du fait que l'économie semble maintenant fonctionner aux limites de sa capacité, la banque estime qu'il faudra encore réduire le degré de détente monétaire [...]

Je voudrais savoir ce que veut dire « le degré de détente monétaire ». Est-ce que cela veut dire augmenter l'intérêt ou le réduire?

M. Dodge : L'augmenter.

Le sénateur Plamondon : Pourquoi ne pas l'avoir écrit clairement?

[Traduction]

Le président : Il faut bien comprendre que le gouverneur a de plus grandes responsabilités que de simplement répondre à nos questions particulières. À mon avis, lorsqu'il s'exprime à propos de ces questions, cela affecte l'économie toute entière. Nous ne devrions donc pas essayer de mettre le gouverneur au pied du mur et de le forcer à dire quoi que ce soit.

Le sénateur Plamondon : Non. Dans la version anglaise, on peut lire « some further reduction of monetary stimulus ». C'est hermétique. Je n'arrive pas à savoir si cela signifie une augmentation ou une baisse du taux d'intérêt.

[Français]

M. Dodge : Il est important de le mentionner. Il faut réduire le degré de détente monétaire. À ce moment-ci, notre politique monétaire est expansive. Il restera la détente monétaire.

[Traduction]

Le sénateur Segal : Nos collègues du monde bancaire nous disent souvent que les crédits aux entreprises ne sont pas rentables, car le commerce de détail est important mais pas essentiel. Nombre d'entre eux ont participé à des fonds spéculatifs, de façon constructive, appropriée, avec une prise de risque mesurée et équilibrée. Nombre d'entre eux ont investi dans le marché des devises afin d'obtenir un bon rendement pour leurs actionnaires.

Votre rôle central concerne la liquidité du système bancaire. Quand vous évaluez les risques que comportent certaines de ces activités plutôt exotiques, êtes-vous inquiet au sujet de l'ensemble des risques et en particulier, des liquidités? En tant que banquier de dernier recours, c'est évidemment une des questions fondamentales dont vous vous occupez.

M. Dodge : D'après nos pourparlers avec les grandes banques canadiennes, je sais que plusieurs d'entre elles se retirent de ces activités que vous avez qualifiées d'exotiques.

Pour peu que l'on observe ce qui se passe dans le monde, il est évident que pour gérer les risques liés à certaines de ces activités — en particulier, les produits dérivés de crédit — les institutions doivent être de grande envergure et professionnelles, et elles doivent effectuer ces activités d'une façon assez fréquente.

Il n'est donc guère étonnant que certaines de nos banques, après s'être engagées dans cette voie, aient décidé de la délaisser dans une certaine mesure. Cela témoigne d'une bonne gestion des risques.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Dans votre modèle d'affaires, vous avez émis l'hypothèse du taux de notre valeur canadienne par rapport à l'américaine. Les États-Unis sont un partenaire très important. Peut-on savoir quelle est l'hypothèse du taux de change entre nos deux pays. Si vous vous trompez de 1 p. 100, ou d'un cent, quel est l'effet sur notre économie canadienne?

M. Dodge : Cela dépend. C'est pour cette raison que nous avons eu la « petite boîte » dans le rapport de janvier. Si une augmentation ou une diminution de la valeur du dollar canadien a lieu vis-à-vis le dollar américain à cause de changements dans la demande globale de nos produits et services, des changements de prix du pétrole brut, du gaz naturel, et cetera, cela peut avoir un effet minime sur la politique monétaire. Mais s'il y a dépréciation du dollar américain vis-à-vis toutes les monnaies du monde, notre dollar canadien y compris, cela a une autre implication pour la politique monétaire.

S'il y a une forte dépréciation du dollar américain vis-à-vis le dollar canadien sans une autre cause, cela a des implications pour notre politique monétaire et cela implique que nous devons considérer ce point, à savoir une diminution du taux d'intérêt.

Le sénateur Massicotte : Si on a une variation de 1 p. 100 de notre dollar canadien, cela représente quel pourcentage de la croissance du PIB?

M. Dodge : C'est impossible de le dire.

Le sénateur Massicotte : Si on donne une variation, c'est entre quel pourcentage?

M. Jenkins : Je peux mentionner une règle dans les modèles; un mouvement de 10 p. 100 du dollar représente ceteris paribus un impact de 2 ou 3 p. 100 sur le PIB dans deux ou trois ans, à cause des délais.

Le sénateur Massicotte : Merci.

M. Dodge : Il est extrêmement important de savoir la cause de cette appréciation ou dépréciation.

[Traduction]

Le président : J'ai deux brèves questions. Premièrement, pourriez-vous aider notre comité en lui donnant votre avis sur le phénomène des prêts sur salaire? Cette activité semble avoir pris une ampleur démesurée dans le domaine des services financiers, car elle n'existait pas il y a à peine cinq ans. La valeur de ces prêts est passée de 1 milliard à 5 milliards de dollars et cela a engendré des coûts exorbitants pour certains consommateurs. Nous n'avons pas de preuve directe indiquant la nature du problème, mais les prêts sur salaire semblent injustes envers une catégorie de consommateurs, ceux qui ont besoin de tels prêts à court terme. Que pensez-vous des prêts sur salaire?

Deuxièmement, nous vous serions reconnaissants de nous faire part de vos idées relativement au débat en cours au sujet des paiements de transfert et du déséquilibre fiscal. Vous avez entendu les griefs exprimés par certaines provinces. Que faudrait-il faire à votre avis pour améliorer la productivité de l'ensemble de l'économie?

M. Dodge : Je n'ai pas de réponse à cette question. Je peux cependant réitérer ce que j'ai déjà dit, à savoir que les provinces ont accès à la plupart des sources de revenu et à des ressources dont le gouvernement fédéral ne dispose pas. Il est vrai, par ailleurs, que le gouvernement fédéral a accès à au moins une source de revenu qui n'est pas à la disposition des provinces. Les provinces et le gouvernement fédéral ont la même responsabilité d'établir leur régime fiscal en fonction des revenus dont ils ont besoin.

Le président : Monsieur le gouverneur, je vous remercie, de même que le sous-gouverneur, d'avoir bien voulu participer à cette franche discussion. Vous aurez sans doute remarqué que cette réunion a fait salle comble et que certains auraient souhaité poser plus de questions. J'espère que vous-même ou l'un de vos collègues pourrez assister à notre prochaine audience sur les obstacles au commerce interprovincial. Notre comité essaie d'élucider les bases de la productivité économique. Nous sommes persuadés qu'il y a trop d'obstacles au commerce interprovincial qui nuisent à l'économie du Canada. Si vous ne pouvez assister à cette réunion, nous vous prions de nous donner accès à vos études. Nous espérons d'avoir bientôt le plaisir d'échanger de nouveau avec vous.

M. Dodge : Merci, monsieur le président.

La séance est levée.


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