Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 19 - Témoignages du 3 novembre 2005
OTTAWA, le jeudi 3 novembre 2005
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 50, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les questions concernant les consommateurs dans le secteur des services financiers.
Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour, messieurs. Je vous remercie vivement d'avoir accepté de témoigner avec si peu de préavis. Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous, aux témoins, à mes collègues du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, aux hommes et femmes présents dans la salle et aux Canadiens et Canadiennes qui suivent nos audiences sur l'Internet. De plus, nos délibérations seront diffusées en différé sur la chaîne CPAC. Soyez tous les bienvenus ce matin.
Aujourd'hui, nous allons conclure nos audiences sur les questions concernant les consommateurs dans le secteur des services financiers, et c'est donc avec plaisir que nous accueillons à ce sujet des porte-parole de l'Institut canadien des actuaires, du Bureau d'assurance du Canada et de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes.
Je tiens à nouveau à vous remercier d'avoir accepté de venir témoigner ainsi, à pied levé, et de nous fournir une documentation aussi complète.
Comme vous le savez, le comité fait partie de l'histoire du Sénat depuis la création du Parlement du Canada, en 1867. Il est un des plus vieux comités au Canada et le plus ancien et plus important comité du Sénat. Il est bien connu pour ses travaux sur le système financier canadien. Il a pour principe depuis longtemps d'examiner les orientations, les programmes et les initiatives qui touchent le secteur financier ainsi que d'autres questions importantes relatives à la croissance économique et à la productivité du Canada.
La productivité est notre raison d'être et notre objectif. Nous souhaitons que le pays soit plus productif afin de relever le niveau de vie de tous les Canadiens. Nous sommes bien soutenus par des marchés de capitaux efficaces, par un secteur financier en bonne santé et par une forte croissance économique qui nous mènera à la prospérité souhaitée.
Cette année, le comité s'est chargé de plusieurs grands dossiers. Au printemps, il a achevé une étude de la productivité qu'il a ensuite rendue publique et diffusée sur son site Web. Le mot « productivité » est sur toutes les lèvres. On a entendu plusieurs ministres fédéraux, représentants du milieu des affaires, groupes et organismes s'intéressant à des questions sociales, premiers ministres, ministres des Finances et membres du secteur privé en parler et il est devenu, faut-il l'espérer, un véritable jalon de l'amélioration du niveau de vie de tous les Canadiens.
Le comité a entendu des témoignages alarmants et incitant à la réflexion au sujet des changements démographiques qui nous toucheront durant la prochaine décennie et de la nécessité d'y réagir dès maintenant. Il est clair que les changements à venir au sein de la population auront un énorme impact sur l'économie, et c'est tout de suite qu'il faut agir pour prévenir la catastrophe.
Dans le rapport que nous présenterons sous peu, nous recommanderons au gouvernement fédéral et au secteur privé de prendre certaines mesures pour désamorcer ce que certains qualifient d'éventuelle bombe économique à retardement.
Le comité projette d'entendre le témoignage d'experts au sujet des barrières canadiennes au commerce intérieur et interprovincial. Nous en avons entendu se plaindre de notre économie fragmentée qui manque de l'efficacité voulue pour être vraiment productive.
Nous allons continuer de nous concentrer sur la productivité et nous ferons rapport au gouvernement fédéral et au grand public canadien des obstacles au commerce intérieur au Canada et des changements qui s'imposent pour rendre notre économie nationale vraiment productive.
Aujourd'hui, nous poursuivons nos travaux et conclurons, je l'espère, notre examen des questions concernant les consommateurs dans le secteur des services financiers en nous arrêtant plus particulièrement à la réassurance, c'est-à-dire à l'assurance prise par les compagnies d'assurance.
Nous nous intéressons plus particulièrement à la transparence et à la comptabilité, à savoir s'il faudrait rendre des comptes au sujet d'accords parallèles secrets qui pourraient affecter les contrats de réassurance, y compris sur le plan matériel, et qui engagent peu ou pas de transfert de risque, en tant que contrats ou arrangements d'assurance, et de quelle façon ces liens affectent le choix des consommateurs et le prix des assurances.
L'importance de la question dans le cadre de l'examen actuel vient du fait que certains consommateurs ne font leur choix qu'après avoir évalué la solvabilité financière des diverses compagnies d'assurance. Nous craignons que l’usage des contrats de réassurance par une compagnie d’assurance pourrait limiter l’habileté des consommateurs d’évaluer correctement la solvabilité financière des compagnies.
Le comité est conscient de la valeur précieuse des témoignages qu'il entendra aujourd'hui puisqu'il doit amorcer ses délibérations la semaine prochaine ou la semaine suivante en vue de faire rapport au Sénat.
Vous serez les derniers témoins que nous entendrons, et nous vous sommes reconnaissants d'avoir répondu à notre invitation.
Avant de céder la parole au premier témoin, j'aimerais rappeler à tous ceux qui suivent nos audiences sur l'Internet, de l'étranger et en version différée sur la chaîne CPAC que votre opinion nous intéresse. Ces questions ont beaucoup d'impact sur la vie de tous les Canadiens et sur l'économie en général. Si vous avez des commentaires à nous soumettre, je vous invite instamment à nous les communiquer par courriel.
Je crois savoir que vous avez une brève déclaration à nous faire. Nous avons reçu vos mémoires. Vous excuserez cette longue entrée en matière, mais les spécialistes de la télévision m'ont informé que chaque émission est distincte, et nous voulions que les téléspectateurs comprennent bien la raison d'être de ces audiences.
Randy Bundus, vice-président et directeur juridique, Bureau d'assurance du Canada : Je vous remercie de nous offrir l'occasion de rencontrer le comité. Le Bureau d'assurance du Canada ou BAC est l'association commerciale qui représente les assureurs généraux privés du Canada. Nos membres représentent 90 p. 100 des assureurs de biens et de dommages non-vie et non gouvernementaux au Canada, c'est-à-dire de ceux qui offrent l'assurance de biens, l'assurance automobile et l'assurance couvrant la responsabilité civile.
Le 21 avril, nous avons comparu devant votre comité pour vous exposer nos vues au sujet des questions concernant les consommateurs dans l'industrie des services financiers. Nous revenons aujourd'hui, à votre demande, pour fournir un supplément d'information sur le recours à la réassurance finie au sein de l'industrie canadienne de l'assurance.
M. Fredette est le vice-président principal et directeur général de la Caisse centrale de réassurance et il assume la présidence du Conseil de recherche en réassurance du Canada. Il se tient à votre disposition pour répondre à toute question de nature technique portant sur l'industrie canadienne de la réassurance et sur les produits qu'elle offre.
Je signale par ailleurs qu'il deviendra sous peu membre du conseil du Bureau d'assurance du Canada en tant que représentant du CRR.
La réassurance finie est un produit financier complexe qui a suscité bien des débats aux États-Unis durant la dernière année. Les instances de réglementation australiennes et européennes sont également en train d'examiner la question. Soyons clairs : le débat a gravité autour de la manière dont ces transactions complexes sont communiquées aux investisseurs dans les états financiers. L'enjeu n'est donc pas le produit comme tel, mais bien la meilleure façon d'en rendre compte.
Ma déclaration d'aujourd'hui vise à décrire au comité l'industrie canadienne de la réassurance et à situer dans leur contexte les questions techniques. La réassurance est une assurance que prennent les compagnies d'assurance. Elle est une composante de l'industrie canadienne de l'assurance des biens et des dommages. Elle représente un des nombreux outils utilisés par les assureurs directs pour faire en sorte d'avoir les ressources financières requises pour payer les réclamations. Grâce à un contrat normal de réassurance, l'assureur limite le risque couru par son portefeuille en transférant le risque excédentaire à son réassureur.
Ainsi, un rôle courant du réassureur est de fournir à l'assureur une protection additionnelle contre les catastrophes naturelles. Imaginez la situation d'un assureur qui vend de l'assurance à tous les propriétaires de maison d'une même rue. Si une tornade, un ouragan ou un séisme frappait, toute la rue serait probablement touchée. L'assureur se sert donc de la réassurance pour gérer le risque. Il achète une protection contre les catastrophes. En vertu d'un pareil arrangement, si une catastrophe naturelle se produisait, le réassureur fournirait à l'assureur des ressources financières supplémentaires pour lui permettre de régler les réclamations. Le réassureur assume le risque d'une perte catastrophique en retour d'une partie de la prime. Les réassureurs sont habituellement des organismes internationaux qui répartissent leur risque à l'échelle mondiale.
Au cours des dernières années, les réassureurs ont aidé les assureurs à payer les réclamations issues de plusieurs catastrophes survenues au pays, par exemple du verglas de 1998, des incendies de 2004 qui ont ravagé la Colombie-Britannique et de l'ouragan Juan qui a frappé dans le Canada atlantique.
J'aimerais souligner qu'une industrie de la réassurance en santé est essentielle au succès, à la viabilité et à la capacité d'adaptation à long terme de l'économie canadienne. Parmi les nombreux produits offerts par les réassureurs, un seul a incité les instances de réglementation des États-Unis à jeter un second regard sur la manière dont les accords de réassurance sont décrits dans les états financiers. Je parle de la réassurance finie.
La réassurance finie est quelque peu différente de la réassurance habituelle dont je viens de vous parler. Sous un régime de réassurance finie, l'assureur continue d'assumer une partie du risque. L'importance et la nature du risque ainsi assumé varient selon le contrat. La réassurance finie est un produit financier légitime, licite, éthique et convenable qui aide les organismes à gérer le risque d'éventuelles pertes imprévues comme celles que causent les catastrophes naturelles. Les questions soulevées à son sujet aux États-Unis concernent surtout la façon dont on en rend compte aux investisseurs. Le procureur général de l'État de New York, Eliot Spitzer, a été le premier à parler de présumées pratiques comptables non conformes relativement aux contrats de réassurance finie.
Quand ils sont bien décrits dans les états financiers, les contrats de réassurance finie peuvent fournir aux investisseurs et à la direction de l'entreprise des renseignements précieux sur les risques assumés par l'organisme. Ils informent les investisseurs que la direction a pris des mesures pour se protéger contre d'éventuelles pertes imprévues importantes qui pourraient compromettre la survie de l'entreprise. Cela revient essentiellement à inclure dans les états financiers des risques hors-bilan. Il s'agit-là d'une pratique utile qui peut fournir des renseignements supplémentaires aux investisseurs.
À New York, le principal point en litige concernait le fait que certains assureurs ont peut-être inclus ces produits dans leurs états financiers de manière à donner une fausse idée du risque que continuait d'assumer l'entreprise. Ils auraient prétendu avoir transféré certains risques alors que c'était faux. Donc, ce n'est pas le recours à la réassurance qui est en cause, mais la façon d'en rendre compte.
Le présumé manque de divulgation de la part de la direction au conseil d'administration est aussi une source de préoccupation. Aux États-Unis, l'enjeu est la communication de renseignements financiers, pas la réassurance.
L'expérience américaine a incité tant les instances de réglementation que l'industrie canadienne de l'assurance à examiner nos pratiques pour vérifier que les intérêts des assurés canadiens étaient bien protégés. Au Canada, c'est le Bureau du surintendant des institutions financières, c'est-à-dire le BSIF, qui réglemente la solvabilité des assureurs. Il a envoyé le 6 juin 2005 un questionnaire à plusieurs assureurs et réassureurs de biens et de dommages pour s'informer du recours à la réassurance finie et de la façon d'en rendre compte.
Pour connaître les résultats de cette enquête, il faudrait s'informer auprès du BSIF, qui a demandé que le conseil d'administration des entreprises reçoive un exemplaire des réponses au questionnaire et que le gestionnaire du BSIF responsable des relations avec l'entreprise en reçoive aussi copie.
Le BAC a tenu des réunions informelles avec ses membres au sujet de l'enquête. Le principal résultat est que le recours à la réassurance finie ne semble pas être une pratique courante au Canada. Jusqu'ici, les assureurs canadiens de biens et de dommages ont eu tendance à avoir recours à d'autres genres plus simples de réassurance. Par conséquent, la réassurance finie ne pose pas, selon nous, de risque important pour les assurés. Nous reconnaissons toutefois que c'est au BSIF d'en juger.
L'Association internationale des contrôleurs d'assurance a publié cette année un document sur la réassurance finie dans lequel elle fait plusieurs recommandations.
Nous croyons savoir que les pratiques actuelles du BSIF sont conformes à ces recommandations. Le BSIF a également demandé à l'Institut canadien des actuaires d'examiner la question. L'Institut a créé un groupe de travail qui fournira des conseils quant à la meilleure façon de traiter les contrats de réassurance au Canada, et le BAC participe à ces discussions. Nous visons à faire en sorte que les normes qui s'appliquent à l'établissement des rapports financiers à cet égard tiennent compte de la nature distincte du produit de l'assurance des biens et des dommages.
L'Institut canadien des actuaires doit témoigner ici, ce matin, et devrait pouvoir vous en dire plus au sujet des travaux de ce groupe.
Plusieurs membres du comité ont probablement vu l'article paru dans l'édition du National Post du 6 octobre dernier, sous le titre : « Canada's insurers must reveal data : OSFI reinsurance move ». Le BSIF nous a avisés que l'article comporte des inexactitudes, et nous encourageons le comité à en obtenir confirmation directement du BSIF.
Je vous remercie beaucoup de nous avoir donné l'occasion de comparaître. Nous demeurons à votre disposition, si vous avez des questions.
Le président : Je vous remercie d'avoir attiré notre attention sur cet article. Nous allons certainement le regarder de près.
Le BSIF ne sera pas des nôtres aujourd'hui parce ses représentants devaient se présenter à une autre audience et que nous devons respecter notre calendrier. Cependant, il nous a présenté un mémoire détaillé dont nous pouvons vous envoyer un exemplaire.
M. Bundus : Je vous en serais reconnaissant.
Le président : C'est donc ce que nous allons faire. Je vous demanderais de nous faire connaître votre réaction le plus vite possible, quand vous l'aurez reçu.
[Français]
James Brierley, président et président de Munich Re Canada, Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes : Monsieur le président, l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personne se réjouit de l'occasion qui lui est donnée de se présenter à nouveau devant le comité.
[Traduction]
C'est avec un grand intérêt que notre industrie a suivi votre examen des questions concernant les consommateurs dans le secteur des services financiers. Notre association a eu l'honneur, en mai, de présenter un mémoire au comité sur le cadre complet de protection de notre clientèle, allant des éventuels clients à nos titulaires de police d'assurance-vie et d'assurance-maladie.
Nous sommes ici aujourd'hui pour décrire au comité le rôle joué par la réassurance dans le milieu de l'assurance vie et maladie du Canada.
Le sénateur Tkachuk : Désolé de vous interrompre, mais il va encore être question de réassurance finie et je n'ai pas tout à fait saisi la différence entre la réassurance et la réassurance finie. S'il doit encore en être question, j'aimerais bien qu'on m'éclaire.
M. Brierley : Je vais en parler dans ma déclaration.
Le sénateur Tkachuk : Merci.
Le président : C'est un domaine compliqué. Nous souhaitons faire en sorte que les membres du comité et du grand public comprennent bien l'objet de la discussion.
Sénateur Tkachuk, je vous remercie d'avoir demandé cette précision.
M. Brierley : Nous sommes venus entretenir le comité de cette question justement et répondre à ses questions concernant la réassurance finie.
En plus d'être président de l'Association, j'assume également la présidence de la succursale de l'assurance vie et de l'assurance maladie de Munich Re au Canada et dans les Antilles et je suis un ex-président de l'Institut canadien des actuaires. Je suis accompagné de M. James Witol, vice-président, Fiscalité et recherche.
Munich Re est la plus importante compagnie de réassurance au monde et la plus grande entreprise d'assurance vie et d'assurance maladie au Canada. C'est en effet à elle qu'est versée plus de la moitié des primes d'assurance-vie et d'assurance-maladie au Canada. Nous offrons de la réassurance pour plusieurs produits, dont l'assurance-vie individuelle, l'assurance-invalidité, l'assurance durant une maladie critique, les soins de longue durée et l'assurance vie et maladie collective.
Je suis bien placé pour commenter les pratiques actuelles en matière de réassurance vie et maladie au Canada. Cependant, je ne m'aventurerai pas à commenter les autres branches d'assurance ou ce qui se fait à l'étranger, sauf pour comparer nos régimes d'établissement de rapports financiers et de comptabilité à d'autres afin d'expliquer les raisons pour lesquelles j'estime que les actionnaires et les consommateurs canadiens sont bien servis au Canada.
La réassurance a pour fonction principale de répartir le risque assumé par l'assureur direct au nom de ses assurés. Il est question ici du risque que les frais réclamés et versés dépassent les revenus ou ce qui avait servi de scénario pour fixer les primes. Le risque de fluctuation d'année en année des montants réclamés et d'une mauvaise évaluation des hypothèses de prix occasionne des pertes.
En réduisant le risque grâce à la réassurance, l'assureur peut aussi réduire ses besoins de fonds, qui sont fonction du niveau de risque qu'il continue d'assumer. Cela signifie également des coefficients de solvabilité plus élevés pour les compagnies de souscription directe et une plus grande capacité de souscription. Par ailleurs, le réassureur utilise son expertise et sa connaissance du marché pour aider les assureurs directs à développer des produits et à fixer leurs prix. Le transfert du risque est une notion centrale de la réassurance.
Dans son manuel de comptabilité, l'ICCA dit que les transactions de réassurance incluent uniquement celles qui engagent un transfert de risque. Les transactions qui reviennent à une forme de financement sont exclues.
Je comprends l'intérêt suscité par les répercussions de la réassurance finie, également appelée la réassurance limitée ou la réassurance structurée et par la manière dont elle touche à la fois les consommateurs et les investisseurs. Toute réassurance, peu importe à quel point elle est fondamentale, a ses limites, c'est-à-dire qu'elle est finie. Par exemple, les réassureurs ne partageraient pas les risques associés à des dommages-intérêts exemplaires ou à d'autres frais attribuables à des inconvenances commises par l'assureur direct ou ses employés.
La forme la plus courante de réassurance vie transfère le risque de mortalité au réassureur, de sorte que l'assureur direct continue d'assumer les risques d'investissement, de renouvellement et de dépenses. Par ailleurs, la couverture de la réassurance pourrait être limitée quant à sa durée ou à la mesure dans laquelle les pertes peuvent être refilées au réassureur. Que je sache, après 30 années dans le métier de la réassurance, il n'existe pas de définition claire et concise de la « réassurance financière » parce toute réassurance est, jusque dans une certaine mesure, limitée.
Le président : Si je puis en revenir au point que faisait valoir le sénateur Tkachuk, toute réassurance comporte des limites. La réassurance finie représente une sous-catégorie de la réassurance. Nous tentons de saisir la différence entre les deux et le barème des prix des deux.
M. Brierley : L'assurance non-vie est un peu plus simple à comprendre, du fait que le contrat est d'un an et représente une forme classique de la réassurance de base. Dès qu'on en retranche une partie, elle devient « finie ». Les contrats d'assurance-vie ont une durée de 40 ans. Nous transférons rarement tous ces risques au réassureur; ils sont toujours limités, mais la ligne de démarcation n'est pas toujours aussi nette. Il existe bien des formes différentes de réassurance-vie. Je vais essayer de vous faire comprendre.
Le sénateur Angus : Est-ce dû au fait qu'il existe tant de formes différentes d'assurance-vie, comme l'assurance à terme, l'assurance générale et les plus récentes formes qui représentent un investissement?
M. Brierley : C'est une des principales raisons de la complexité. Une autre est représentée par ce que l'entreprise essaie d'accomplir. Certaines compagnies d'assurance se sentent plus à l'aise d'assumer les risques d'investissement, d'autres, ceux de la mortalité et d'autres encore, du renouvellement. Certains risques sont plus flous, comme vous l'avez laissé entendre au sujet des produits les plus récents. Chaque compagnie continuera d'assumer les risques qu'elle croit bien gérer et réassurera les risques avec lesquels elle se sent moins à l'aise. D'où les nombreuses structures différentes.
Les capitaux requis pour offrir de l'assurance-vie au Canada sont très importants. Si vous transférez suffisamment des risques au réassureur, vous pouvez réduire les fonds propres dont vous avez besoin pour demeurer en affaires. Ce genre de financement des nouveaux produits est un important moteur de la réassurance-vie au Canada.
Comme l'ont souligné les collègues de l'assurance non-vie, l'important, c'est le traitement comptable.
Le président : Je m'excuse d'enfreindre nos règles, mais le sénateur Fitzpatrick a une question à poser. Nous allons d'abord tenter de comprendre la nature du problème, après quoi vous pourrez terminer votre déclaration et nous vous poserons d'autres questions.
Le sénateur Fitzpatrick : Pour ce qui est de la définition de « réassurance financière », ces limites sont-elles précisées dans les polices que les gens achètent ou est-ce que seulement les membres de l'industrie savent que ces risques peuvent être transférés?
M. Brierley : Voilà une très bonne question. Le contrat entre le consommateur et la compagnie d'assurance exige que la compagnie d'assurance assume entièrement toutes les obligations prévues dans la police. Le contrat de réassurance, lui, intervient entre le réassureur et l'assureur direct seulement. La seule préoccupation du consommateur est l'assureur direct, parce que c'est lui qui assume toutes les obligations à son égard.
Le sénateur Tkachuk : Serait-ce également vrai pour les profits?
M. Brierley : Je le crois, bien que je ne sois pas vraiment un expert de cet aspect des assurances.
Le président : Monsieur Brierley, nous vous avons interrompu. Vous voudrez bien nous en excuser. Poursuivez votre déclaration, je vous prie.
M. Brierley : D'autres juridictions, dont surtout les États-Unis, se sont donné beaucoup de peine pour définir le transfert de risque requis pour qu'une transaction soit réputée être un contrat de réassurance, ce qui aurait mené à la rédaction de contrats qui satisfont peut-être à cette règle ou à ce critère de transfert de risque, mais dont le traitement comptable serait considéré comme n'étant pas tout à fait exact et transparent.
J'ai la ferme conviction que nous n'avons pas ce problème au Canada dans l'industrie de l'assurance des personnes. Il n'y a pas chez nous de régime fondé sur des règles, mais plutôt sur des principes, dans le cadre duquel l'actuaire et le vérificateur nommés sont responsables de faire en sorte que tous les risques et mouvements de trésorerie associés au contrat de réassurance sont décrits honnêtement et entièrement dans les états financiers tant de l'assureur direct que du réassureur.
La structure actuelle d'établissement des rapports financiers représente l'aboutissement de nombreuses années de dur travail et de coopération extraordinaire entre les Instituts canadiens des actuaires et des comptables agréés, l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes et le ministère de l'Assurance d'alors, c'est-à-dire l'actuel BSIF. Je crois que c'est un excellent modèle dont pourrait s'inspirer la communauté internationale.
On a accusé la réassurance finie de servir à masquer des pertes et à surévaluer l'avoir propre et les bénéfices. Ce sont là, à mon avis, de fausses accusations et, que je sache, les régimes comptables en place au Canada ne permettent pas de le faire. Toutefois, il n'y a rien de mal à essayer de gérer les bénéfices ou de régulariser le revenu en répartissant les risques de pertes, mais uniquement si ces risques de pertes éventuelles sont vraiment transférés au réassureur.
Nul ne contesterait le droit d'une compagnie d'assurance de protéger ses assurés et ses actionnaires contre les fluctuations ou la détérioration de ses résultats en transférant les risques de pertes à un réassureur. Cela peut devenir problématique lorsque les pertes sont transférées au réassureur après leur réalisation ou si le traitement comptable de ces contrats n'est pas transparent ou honnête. Toutefois, de pareils contrats n'auraient aucune valeur au Canada parce qu'il faudrait aussi évaluer les remboursements ultérieurs au réassureur pour respecter le principe selon lequel tous les mouvements de trésorerie associés au contrat sont inclus dans les états financiers.
J'aimerais conclure en disant que le transfert de risque est essentiel à la réassurance. Il n'est pas cependant l'élément clé de bons rapports financiers. L'important, pour bien informer les titulaires de police, les actionnaires et les consommateurs, est de refléter tous les mouvements de trésorerie associés à un contrat, quel que soit le montant du risque transféré.
[Français]
Monsieur le président, c'est ainsi que se terminent mes remarques d'ouverture.
[Traduction]
Le président : Monsieur Brierley, je ne suis pas certain que nous avons bien saisi ce que vous venez de dire parce tous les sénateurs ont des questions à vous poser. J'espère qu'ils vont vous poser des questions pertinentes et que vous répondrez avec tout autant d'à-propos. Nous voulons vraiment comprendre.
Le premier va être le sénateur Angus, celui qui a attiré notre attention sur la question. Nous avons lu des articles à ce sujet dans les journaux et, en raison de la confusion qui entoure cette question, nous avons cru que nous pourrions faire un bref réexamen de votre industrie.
Le sénateur Angus : Merci. Il est particulièrement réconfortant de voir que vous avez sorti les gros canons aujourd'hui. La profession d'actuaire m'a toujours semblé nébuleuse, mais le fait que vous soyez ici pour nous transmettre un peu de votre savoir me réconforte.
Je tiens à souligner que notre étude porte sur les mécanismes en place pour protéger les consommateurs qui utilisent les divers produits de notre secteur des services financiers. Quand nous avons amorcé notre étude, l'industrie de l'assurance subissait, à tort ou à raison, les attaques de l'ambitieux M. Spitzer.
Les deux questions qui nous semblaient avoir de la pertinence pour les consommateurs dans votre secteur étaient ces commissions contingentes qui ont été mises en relief au début. Tout d'abord, on a prétendu que les primes payées par les assureurs, surtout aux membres de l'association de M. Bundus, étaient peut-être surévaluées.
De plus, il n'y aurait peut-être pas, si je puis l'exprimer ainsi, la diversité voulue de souscripteurs pour faire des prix en raison des liens qui existent entre les courtiers et les assureurs.
L'autre source de préoccupation est la question de la solvabilité de l'assureur qui souscrit en fin de compte le risque. C'est alors que prend toute son importance la réassurance. Je crois que ce sont les réassureurs qui dictent le niveau de protection prévu dans les polices d'assurance, surtout sur les marchés fermes. Ils affirment qu'il est essentiel que les risques de pertes dues à un accident nucléaire, à une attaque terroriste et ainsi de suite soient exclus.
Nous avions cru avoir fait le tour de la plupart de ces questions lors de votre première comparution, mais M. Spitzer a depuis lors fait des déclarations qui nous ont incités à vous inviter à revenir répondre à d'autres questions.
Monsieur Bundus, le groupe Fairfax fait-il partie de votre association?
M. Bundus : Oui. Certaines entreprises de Fairfax en sont membres.
Le sénateur Angus : Nous savions que Fairfax, la propriétaire du groupe, est une entreprise canadienne cotée à la Bourse de Toronto et qu'elle a beaucoup de clients au Canada. Nous estimions que cela ajoutait peut-être une dimension canadienne. C'est pourquoi nous vous avons invité à venir témoigner.
Votre description des divers produits est utile. La question est compliquée. Nous ne souhaitons pas la compliquer davantage inutilement. Nous souhaitons seulement profiter de votre sagesse collective.
Pouvez-vous nous suggérer des points à inclure dans notre rapport qui donneraient au consommateur l'assurance qu'il existe effectivement des mécanismes pour le protéger?
Chaque baril a sa ration de pommes pourries. Il existe aussi des abus, ce à quoi M. Spitzer a décidé de s'attaquer, et il les a peut-être en fait cernés. Nous avons entendu parler du truquage des soumissions. Nous avons entendu parler de la question de la réassurance consentie à des entreprises en retour de certains services. Il est facile pour le consommateur de lire des articles à ce sujet et de prendre peur. Les consommateurs nous envoient des lettres et des courriels.
Nous ne sommes pas ici pour devenir des actuaires ou pour faire un doctorat en réassurance. Nous aimerions être rassurés. En fait, s'il existe des points susceptibles d'être améliorés, pourriez-vous nous les souligner?
André Fredette, président, le Conseil de recherche en réassurance du Canada : Vous avez soulevé beaucoup de points. Nous pouvons peut-être parler de quelques-uns d'entre eux.
Je ne suis pas un expert de l'assurance directe puisque je suis un réassureur. Pour ce qui est des commissions contingentes et de la propriété des firmes, je crois que le BAC s'est efforcé d'y injecter de la transparence, de sorte que lorsque le consommateur achète une police d'un courtier et que 60 p. 100 de la maison de courtage sont la propriété d'une entreprise, le consommateur en sera informé.
Quant à la solvabilité, le BSIF s'est comporté en très bon chien de garde. Il surveille la solvabilité des réassureurs au Canada et exige une liste des avoirs qui servent à rembourser les pertes.
Pour en revenir à la question de la réassurance finie, je crois savoir que 99,9 p. 100 de vos contrats de réassurance de biens et de dommages sont du genre classique. Il se peut qu'il y en ait un faible nombre dans le secteur de la réassurance finie.
Je vais vous donner une explication simple du mot « finie ». Vous savez ce qu'est le transfert de risque quand on parle d'une transaction de réassurance normale.
Tout gravite autour de la notion du transfert de risque. L'assureur assume un risque. Il le gère en le transférant à un réassureur solvable qui le prend en charge.
M. Fredette : En agissant ainsi, l'assureur évite les trop fortes variations dans son bilan et retranche d'importantes pertes d'année en année.
Il existe un transfert limité du risque en réassurance finie, dont un élément sert en quelque sorte de marge de crédit. Vous connaissez tous, je crois, le fonctionnement d'une marge de crédit. Si vous souhaitez faire des rénovations chez vous, vous demandez une marge de crédit. Si vous ne vous en servez pas, elle ne vous coûte rien. Par contre, si vous l'utilisez, vous devez à la banque le montant utilisé, plus l'intérêt. Votre maison prend de la valeur, mais en contrepartie, vous devez plus d'argent à la banque.
Le président : Si vous êtes un homme d'affaires, monsieur Fredette, vous savez qu'il faut parfois payer un droit d'usage pour conserver la marge de crédit. C'est la partie du processus comptable qui nous intéresse.
M. Fredette : En réassurance finie, c'est à ce moment qu'est ajoutée au contrat une disposition qui prévoit le remboursement du réassureur s'il ne récupère pas la perte. Cela se rapproche d'un prêt. C'est là que M. Brierley avait raison de dire que l'essentiel est la manière d'en rendre compte. Il faut dire que c'est un prêt et il devrait figurer dans votre bilan comme un prêt ou une marge de crédit, non pas comme un transfert de risque.
D'après ce que j'ai compris, les réassureurs qui l'ont fait sont conscients de la manière d'en rendre compte. S'il y en a, ils consultent des firmes comptables pour faire en sorte que tout est fait selon les règles. Nul ne souhaite perdre sa réputation pour avoir commis une inconvenance. Ce n'est pas très intelligent, comme pratique. Les compagnies que je connais, du côté de l'assurance des biens et des dommages, sont professionnelles et connaissent les règlements.
Pour ce qui est des risques d'attaques nucléaires et terroristes, nous en avons discuté. La loi sur l'assurance dit qu'il faut au moins offrir de l'assurance contre les incendies provoqués par de telles attaques.
Le sénateur Angus : Pourriez-vous nous expliquer cela? Il se trouve que je sais ce que cela veut dire. Le feu consécutif est celui qui résulte d'un péril assuré qui n'est pas un incendie, mais qui en cause un.
M. Fredette : C'est juste. La loi sur l'assurance a été rédigée il y a longtemps, quand ce genre de danger n'existait pas. Quand vous parlez de nucléaire, il est question d'une attaque nucléaire terroriste.
La raison pour laquelle nous avons soulevé la question en tant que réassureurs, c'est qu'elle remet en cause l'exclusion. Habituellement, dans les contrats de réassurance, les incidents nucléaires sont exclus pour la simple raison qu'on ignore comment en mesurer les effets. Il ne sert à rien d'offrir une garantie si vous n'avez pas les avoirs vous permettant de la respecter. Ce serait de la fraude.
Il est impossible d'évaluer le risque nucléaire. Il a toujours été exclu. Le fait que vous devez couvrir le feu consécutif signifie que, si un incident nucléaire survenait, il n'est pas certain que vous auriez à payer les réclamations et à mettre ainsi en faillite les entreprises.
Le feu consécutif est une question très actuelle en Colombie-Britannique où il y a des séismes.
L'exclusion des attaques terroristes est aussi une question brûlante. Si un feu se déclare à la suite d'un acte terroriste, l'exclusion s'appliquera-t-elle? Nous nous efforçons de clarifier la situation parce que nous ne souhaitons pas offrir une protection que nous sommes incapables d'assumer. Nous essayons de régler ces questions.
Voyez ce qui se passe actuellement aux États-Unis. Les assurés disent qu'ils sont protégés contre les ouragans, mais pas contre les inondations. Mais comment départager les dommages causés par l'ouragan de ceux qui ont été causés par les inondations consécutives?
Le sénateur Angus : Le fait que vous utilisiez l'expression « garantie financière » m'intéresse parce qu'elle a d'énormes répercussions en termes de transfert de risque. Je crois savoir que chez Lloyd's, à Londres, il est interdit d'utiliser l'expression sur papier ou, en d'autres mots, de prétendre qu'un produit est de l'assurance quand il s'agit en fait d'une garantie financière.
M. Fredette : J'ai peut-être mal choisi l'expression. J'aurais dû parler de la capacité de respecter les engagements pris dans les polices d'assurance ou de la capacité de payer la réclamation s'il y a une perte assurée. C'est ce que je voulais dire. Il s'agit en fait d'une garantie financière.
Le président : Vous ne nous avez pas suggéré de recommandation à inclure dans notre rapport pour faire en sorte que cette question ne devient pas problématique. Je ne suis pas sûr de ce que vous proposeriez pour donner au grand public l'assurance que cela ne pose pas de problème au Canada.
M. Fredette : Le BSIF a envoyé un questionnaire à toutes les compagnies de réassurance. Pour connaître exactement le nombre de contrats en existence, il serait préférable selon moi d'interroger le BSIF sur le genre de contrats, du moins de contrats d'assurance des biens et des dommages.
Le sénateur Angus : Faut-il que le réassureur soit autorisé?
M. Fredette : Oui.
M. Brierley : Il faut qu'il le soit si l'entreprise veut faire l'inscription de la réassurance à son crédit. J'aurais une observation à faire au sénateur Angus. Il faudrait que le comité prenne garde de ne pas démolir tout ce qui s'est fait de bien au Canada. Suite à des problèmes survenus aux États-Unis, il est à la recherche de règles et d'une définition qui sont fonction du transfert de risque.
Je sais d'expérience que les entreprises débordent d'imagination quand vient le temps de contourner les règles. Si vous fixez une ligne de démarcation, elles la franchiront, et vous n'aurez pas le traitement comptable honnête, clair et transparent que vous recherchez.
Je suis très fier de ce que nous avons fait au Canada, du régime fondé sur des principes que nous avons mis en place. Si vous transférez 6 p. 100 du risque, les comptes affichent un transfert de risque de 6 p. 100. Les principes mis en oeuvre au Canada règlent le problème et, si les États-Unis nous imitaient, ils règleraient aussi le leur. Cependant, de nombreux obstacles les empêchent de le faire.
Le Canada a la bonne solution. Nous devrions être fiers de ce que nous avons mis en place et le renforcer plutôt que de nous tourner vers des solutions moins élégantes.
Le sénateur Angus : Nous avons en place un régime de réglementation s'appliquant à votre industrie. Je crois comprendre que, depuis quelques années, vous êtes en train de préparer une réforme de la réglementation. On dit que le coût élevé de l'assurance au Canada est dû à une réglementation et à des exigences administratives inutiles. On prétend que le prix de l'assurance est plus élevé en raison du régime de réglementation canadien, par opposition à celui du Royaume-Uni, berceau de l'assurance.
Est-ce vrai? Cela semble contredire, monsieur Brierley, ce que vous venez de dire.
M. Brierley : Je parlais du régime comptable, non pas du régime de réglementation. N'importe quel regroupement industriel préférerait être soumis à moins de réglementation, mais j'estime que le BSIF est dans une catégorie à part en tant qu'instance de réglementation internationale.
Le BSIF dirige l'Association internationale des contrôleurs d'assurance dans sa quête de normes internationales de réassurance, et nous devrions en être très fiers. Cela ne signifie pas que tout est parfait, mais le régime de réglementation canadien est excellent.
Le président : Nous avons entendu nombre de vos collègues dire, au début de notre examen des questions concernant les consommateurs, que des recommandations visant à resserrer les règles de protection du consommateur auraient dû être présentées plus tôt et, pour la première fois, nous avons entendu des commentaires favorables à l'idée d'accroître la surveillance réglementaire assurée par des tiers. Nous avons entendu des vues équilibrées à ce sujet.
Le sénateur Massicotte : Je suis d'accord avec vous pour dire que différentes parties peuvent décider de ce qui est préférable comme risque commercial. Je ne trouve rien à y redire. Il appartient à ces deux parties, qui ont les connaissances et le flair voulus, de décider de la meilleure façon de négocier le niveau de risque qu'elles souhaitent assumer et à quel prix.
L'enjeu, c'est la divulgation.
Comment faire en sorte que les gens connaissent le niveau de risque que vous assumez et que vous radiez?
Comment donner au grand public l'assurance que vos rapports financiers ne sont pas trompeurs et sont un juste reflet de la situation?
J'ai été étonné de lire que l'ICCA n'a aucune opinion à cet égard. La décision quant à la façon de renseigner sur ces risques limités se prend au sein même de votre association.
D'après ce que j'ai compris de votre réponse au BSIF, l'enjeu est de savoir s'il s'agit d'un risque d'assurance, d'une espèce de transfert compliqué, d'un prêt ou de je ne sais trop quoi encore.
Pourquoi l'ICCA n'a-t-il pas rédigé des lignes directrices claires à ce sujet? Je reconnais que les règles des principes comptables généralement reconnus de l'ICCA se fondent sur des principes plutôt que sur des règles, mais je m'étonne que l'industrie ne se soit pas entendue sur la question.
M. Brierley : Pour ce qui est de l'assurance-vie, il n'était pas nécessaire de le faire puisque nous avons élaboré les principes comptables canadiens il y a quinze ans. Je ne puis parler du secteur non-vie, mais du côté de l'assurance-vie, nous avons un régime qui permet la divulgation entière, exacte et honnête du contrat de réassurance parce qu'il inclut tous les éventuels mouvements de trésorerie, les ententes accessoires et tout le reste.
L'ICCA a bien fait. Je ne vois pas pourquoi il faudrait qu'il revienne là-dessus maintenant. L'industrie et, selon moi, la profession comme telle sont satisfaites et estiment que les règles s'appliquant à l'assurance-vie sont bonnes.
Le sénateur Massicotte : Cela s'applique-t-il aussi à l'assurance des biens?
M. Fredette : Les actuaires sont en train d'essayer de trouver une définition. Cela semble leur poser problème aux États-Unis. Ils essaient de cerner la teneur du contrat, non pas de trouver une définition légaliste qu'ils pourraient utiliser.
Il y a beaucoup de zones grises. Il existe de nombreux produits d'assurance et de réassurance traditionnels qui sont assortis de limites. Par exemple, vous pouvez avoir un contrat de réassurance qui s'appuie sur une échelle mobile où, au fur et à mesure que le rapport de pertes augmente, les commissions, elles, diminuent. Cette formule réduit, dans une certaine mesure, la volatilité du contrat. Est-ce qu'on peut considérer ce produit comme un contrat de réassurance finie?
Autrement dit, ils essaient de trouver une définition précise et au Canada et aux États-Unis, mais comme il existe des variantes, il est impossible pour l'instant d'arriver à une définition claire et concise.
Le sénateur Massicotte : Dans vos industries respectives, y-t-il des vérificateurs qui ont laissé entendre que les états financiers ne reflétaient peut-être pas fidèlement la situation financière de l'entreprise?
M. Fredette : Les compagnies d'assurances et de réassurances au Canada sont assujetties à un contrôle très strict : elles font l'objet de vérifications et d'examens par les pairs qui sont effectués par des sociétés d'actuariat. Quand un problème se pose, on essaie de le régler de la façon la plus discrète possible.
Le sénateur Massicotte : Le BSIF a indiqué, dans la lettre datée du 22 février, qu'il se posait des questions au sujet des rapports. Vous avez répondu, en juillet, que vous vous penchiez là-dessus.
Quand croyez-vous être en mesure de présenter un exposé de principe qui répond aux préoccupations du BSIF?
M. Fredette : Je ne peux parler au nom du BSIF.
Le sénateur Massicotte : D'après les lettres que j'ai vues, le BSIF attend une réponse de l'industrie.
M. Fredette : Parlez-vous de l'Institut canadien des actuaires?
Le sénateur Massicotte : Oui.
M. Fredette : Je ne peux parler au nom de l'Institut, car je représente la Caisse centrale de réassurance. Il y a un comité qui se penche là-dessus, mais je ne sais pas quand il prévoit déposer son rapport.
Le président : Vous pourriez peut-être nous dire si vos membres ont tous répondu à la demande du BSIF. Nous essaierons ensuite de voir ce que compte faire le BSIF. Comme l'a mentionné le sénateur Massicotte, s'il y a un problème, il faut que les parties concernées s'y attaquent et qu'elles indiquent au consommateur canadien que la situation a été corrigée.
Le sénateur Massicotte : J'aimerais poser une question de détail. Dans le cas de biens immobiliers importants, le rôle de l'assureur d'origine et les risques qui sont transférés à un deuxième assureur sont clairement définis.
Vous avez dit que l'assureur d'origine est responsable de la totalité des pertes subies, même si la police d'assurance précise que la perte est limitée à un million de dollars, par exemple, et que la partie qui a souscrit à l'assurance est pleinement consciente de cette limite. J'ai trouvé votre réponse étonnante
M. Brierley : Je m'exprimais au nom de l'industrie d'assurance-vie, qui applique un montant nominal fixe qui, lui, est versé en totalité par la société d'assurance directe.
Le sénateur Tkachuk : Faites-vous mention, dans votre rapport, du pourcentage de réassurance qui, lui, indique que la compagnie est adéquatement réassurée?
Je suis certain que les choses se font différemment dans les secteurs de l'assurance-vie et de l'assurance-dommages. Toutefois, dans le cas d'une réclamation, quel est le pourcentage du passif qui serait dorénavant réassuré?
Y a-t-il un pourcentage qui s'applique à l'ensemble de l'industrie et que vous prenez en considération quand vous préparez un rapport sur la compagnie?
M. Brierley : C'est une question fort intéressante qu'on me pose très souvent.
Encore une fois, et je m'exprime uniquement au nom des compagnies d'assurance-vie, le montant que la société d'assurance directe doit conserver dépend de ses fonds propres, du niveau de risque que ses actionnaires sont prêts à accepter et de la capacité de la société à gérer ce risque. Cela varie d'une compagnie à l'autre. .
Il n'existe pas de formule mathématique, bien que de nombreux actuaires aient tenté d'en établir une. Je suis moi-même actuaire. Professionnellement parlant, je trouve qu'il s'agit là d'une question d'affaires, non pas d'une question d'ordre technique.
Certains actionnaires sont prêts à prendre plus de risques, ce qui veut dire que la volatilité des gains est plus grande, que les risques de perte sont plus élevés, mais les risques de hausse aussi, s'ils effectuent des placements à long terme.
Si nos clients émettent des polices d'assurance, nous voulons qu'ils prennent en charge suffisamment de risques, pour des raisons de prudence, et qu'ils évitent de nous transmettre de mauvais risques. Voilà comment nous assurons la rétention des clients.
Il existe une protection offerte par l'Institut canadien des actuaires. Elle est prévue dans la version la plus récente de la Loi sur les assurances. L'actuaire est tenu d'examiner la situation financière de la compagnie et, ce faisant, d'analyser des scénarios futurs afin de voir si elle sera en mesure, grâce à ses excédents, d'absorber les contrecoups des événements indésirables qui pourraient se produire. Ce facteur intervient pour beaucoup dans les décisions que prennent les conseils au sujet de la rétention des clients.
Le sénateur Tkachuk : Comment les analystes s'y prennent-ils quand vient le temps de soumettre des rapports aux actionnaires éventuels?
Autrement dit, la personne qui achète des actions d'une compagnie d'assurance se fie peut-être aux rapports financiers des analystes. Est-ce que les analystes savent que la compagnie est instable, qu'elle présente des risques élevés? Si oui, le disent-ils? Ont-ils accès à des renseignements qui ne sont portés à l'attention de l'actionnaire que lorsqu'un ouragan majeur se produit, étant donné que c'est une fois confronté à des problèmes qu'il se rend compte que la compagnie n'est pas réassurée?
M. Brierley : Je parle ici d'assurance-vie, non pas d'ouragans.
Le sénateur Tkachuk : Alors parlons des nombreuses personnes qui perdent la vie dans un grand accident.
M. Brierley : Nos risques sont beaucoup plus faibles, mais nous avons un plus grand nombre de réclamations à régler. Le secteur des assurances multirisques peut être appelé à intervenir quand il y a ouragan majeur qui se produit, alors que nous, nous pouvons être appelés à composer avec des centaines de décès et, partant, des réclamations moins importantes.
Vous pouvez jeter un coup d'œil aux états financiers antérieurs de la compagnie. S'ils étaient instables, le recours à la réassurance était sans doute moins grand. Vous pouvez également demander à la direction ce qu'elle pense de l'importance du risque assumé par l'entreprise.
Le sénateur Tkachuk : Le BSIF peut-il intervenir et dire que le niveau de risque est trop élevé, que la couverture en réassurance est insuffisante?
M. Brierley : Oui. Le BSIF peut examiner ce genre de chose. À ma connaissance, il ne l'a jamais fait. J'aurais peut-être plus de clients s'il le faisait.
M. Bundus : Les commentaires de M. Brierley visent surtout l'industrie des assurances multirisques. Le montant de réassurance que l'assureur original prend en charge dépend essentiellement de la stratégie d'affaires. Les nouvelles compagnies ont tendance à avoir une plus grande couverture en réassurance que les entreprises établies qui possèdent une plus grande expérience du milieu.
Le sénateur Tkachuk : Et peut-être plus d'argent.
M. Bundus : C'est exact. Souvent, c'est l'organisme de réglementation de la solvabilité des entreprises qui demande que les compagnies de démarrage soient davantage réassurées pour faire en sorte qu'il y ait un bailleur de fonds qui soit en mesure de les épauler. Il s'agit là essentiellement d'une stratégie d'affaires pour diverses entreprises. Les organismes de réglementation surveillent la situation de près. S'ils estiment que la couverture de réassurance n'est pas suffisante, ils peuvent exiger que l'entreprise débloque des fonds additionnels en vertu du critère de capital minimum pour s'assurer qu'elle a suffisamment de capitaux en main pour soutenir ses activités. Elle peut également réduire le montant de souscriptions qu'elle effectue dans le but de ramener ses réserves à un niveau adéquat.
M. Brierley : J'aimerais ajouter une autre précision. Les exigences de capital minimum établies par le BSIF sont liées au niveau de risque pris en charge par la compagnie. Si la compagnie augmente son niveau de risque, le BSIF va exige qu'elle ait plus de capitaux en réserve pour protéger le consommateur.
Le président : Je tiens à dire à nos auditeurs que le BSIF est le Bureau du surintendant des institutions financières. C'est un organisme de surveillance fédéral.
Messieurs, vous avez reçu une lettre du surintendant des institutions financières. Nous allons vous poser des questions là-dessus. La lettre n'est pas très longue. Vous pourriez y jeter un coup d'œil pendant que le sénateur Moore pose ses questions.
Le sénateur Moore : Monsieur Bundus, dans votre déclaration liminaire, vous avez dit qu'un réassureur accepte de prendre en charge une partie du risque applicable à la prime. Qu'entendez-vous par cela? Vous travaillez dans le domaine de l'assurance maison et auto. Si je possède une assurance-maison et que la prime est de 1 000 $, je dois verser ce montant à la compagnie qui assure ma propriété.
Est-ce que la compagnie d'assurance va verser le 1 000 $ à une compagnie de réassurance et lui offrir 200 $ si elle accepte de prendre en charge une partie du risque? Pouvez-vous nous décrire le processus? Je ne pense pas que les consommateurs comprennent comment cela fonctionne.
M. Bundus : Je vais vous l'expliquer. La compagnie d'assurance prend les 1 000 $ et décide ensuite, dans le cadre d'un examen interne, qu'elle veut uniquement prendre en charge une partie du risque éventuel. Supposons que vous avez une assurance-responsabilité de 2 millions de dollars. L'assureur original est peut-être prêt à payer 500 000 $ dans le cas d'une réclamation éventuelle dont vous pourriez faire l'objet. Une partie du 1 000 $ sert à couvrir cette responsabilité. Une autre partie sert à payer le réassureur qui accepte de verser le montant de responsabilité supérieur aux 500 000 $ à l'assureur original, pour qu'il ait les fonds nécessaires pour régler la réclamation.
Le sénateur Moore : Dans cet exemple, le réassureur est responsable du montant supérieur à 500 000 $.
M. Bundus : Oui, jusqu'à la limite fixée par la police. Si la couverture-responsabilité de votre police est de 2 millions de dollars, le réassureur versera entre 500 000 $ et 2 millions de dollars.
Le sénateur Moore : Est-ce que l'on procède au cas par cas? M. Brierley, si je ne m'abuse, a laissé entendre, quand il a parlé de l'assurance-vie, que vous vous concentrez sur les contrats d'une durée de 40 ans. Qu'est-ce que cela veut dire? Est-ce que cela signifie que chaque fois qu'un agent assure une propriété, une compagnie de réassurance sera appelée à prendre en charge une partie du risque? Est-ce qu'on procède de la même façon quand l'agent achète un bloc de polices? Qu'est-ce qui se passe dans ces cas-là
M. Bundus : Cela dépend.
M. Fredette : Je vais essayer de simplifier les choses en utilisant votre exemple. Il existe différents types de réassurance. De manière générale, une bonne partie de la prime est réassurée par voie de traité.
Le sénateur Moore : Ce qui veut dire?
M. Fredette : Un traité est un contrat qui couvre une partie précise du portefeuille.
Le sénateur Moore : De l'assureur original?
M. Fredette : S'il s'agit d'un risque spécifique, on parle d'une « réassurance facultative ». De manière générale, les compagnies d'assurances négocient des contrats avec les réassureurs par voie de traité. Par exemple, une petite compagnie d'assurance qui dispose de capitaux limités pourrait avoir un « traité de réassurance en quote-part » ou encore un « traité de réassurance proportionnelle », en vertu duquel elle cède un pourcentage convenu à l'avance de tous les risques au réassureur. Cela pourrait être 20 p. 100, 30 p. 100, mais cette façon de procéder aide la petite compagnie d'assurance dont les capitaux sont limités.
De façon plus générale, les compagnies mieux établies achètent des contrats d'excédent de sinistres. Elles sont conscientes du fait qu'elles peuvent subir une perte énorme découlant d'un risque particulier, par exemple, une perte totale découlant d'un incendie. Elles veulent limiter la perte individuelle, ce qui fait qu'elles achètent des contrats d'excédent de sinistres qui sont fonction du risque. Toutefois, cela s'applique à l'ensemble du portefeuille de la compagnie ou à certains segments ou catégories d'activités du portefeuille de la compagnie.
Parfois, il peut y avoir des sinistres catastrophiques causés par un ouragan, un tremblement de terre, des tempêtes, des feux de forêt. Une compagnie peut acheter un traité de réassurance pour couvrir les sinistres catastrophiques : elle détermine combien de millions de dollars elle peut conserver sous forme de perte nette pour tout type de sinistre et acheter une couverture au-delà de ce montant, par le biais d'une compagnie de réassurance.
Le sénateur Moore : Combien y a-t-il de compagnies de réassurance au Canada?
M. Fredette : Il y a une vingtaine de compagnies de réassurance agréées au Canada.
Le sénateur Angus : Il y a de nombreuses compagnies qui ne sont pas agréées.
M. Fredette : Celles qui sont présentes au Canada doivent l'être. Sinon, elles ne peuvent faire des affaires.
Une compagnie non agréée peut être une compagnie étrangère, mais sur le plan comptable, vous ne recevez aucun crédit pour la transaction. La compagnie étrangère peut être solide, mais le client ne reçoit aucun avantage comptable.
Le sénateur Moore : Le contrat de réassurance pourrait être mis en vigueur en vertu des lois canadiennes.
Le sénateur Angus : Il n'existe aucun lien direct entre l'assuré et le réassuré. C'est le traité qui sert de lien contractuel.
Le sénateur Moore : Monsieur Brierley, vous avez dit que la Munich Re Canada est la plus grande compagnie de réassurance au monde.
M. Brierley : La Munich Reinsurance Company à Munich est la plus grande compagnie de réassurance au monde. Munich Re Canada est la plus grande compagnie de réassurance au Canada.
Le sénateur Moore : Est-ce que les compagnies de réassurance sont assurées?
M. Brierley : Oui.
Le sénateur Moore : Qui les assure?
M. Brierley : Les rétrocessionnaires, les réassureurs de second rang. Habituellement, les compagnies de réassurance assurent les réassureurs. Toutefois, certaines sociétés d'assurance directe négocient des contrats de rétrocession.
Le président : Vous êtes en train d'ébranler notre confiance.
M. Brierley : La Munich Reinsurance Company n'a pas tellement recours à la rétrocession.
Le sénateur Moore : Autrement dit, il faut protéger nos investissements.
Y a-t-il des rétrocessionnaires au Canada? Est-ce que certains d'entre eux représentent des compagnies internationales?
M. Brierley : Si un réassureur agréé présent au Canada veut effectuer une rétrocession, il doit négocier un contrat de rétrocession ou de réassurance auprès d'un rétrocessionnaire agréé.
Le sénateur Moore : Est-ce que la preuve de cette couverture doit être déposée auprès du Bureau du surintendant des institutions financières?
M. Brierley : Si le rétrocessionnaire est agréé, alors la compagnie est considérée comme une institution financière autorisée au Canada. Elle est tenue de fournir ses états financiers au BSIF, tout comme un réassureur est obligé de le faire s'il veut conserver son permis.
Le sénateur Fitzpatrick : Je viens de Kelowna, en Colombie-Britannique. Nous avons connu, il y a quelques années, une tempête de feu. Je tiens à signaler que, de manière générale, la région était bien assurée. Il n'y a pas eu un seul problème majeur. J'ai de l'assurance depuis de nombreuses années, et les compagnies d'assurances ne me doivent plus rien.
Dire que le sujet d'aujourd'hui est complexe est un euphémisme. J'ai plusieurs questions à poser.
Comment le consommateur peut-il arriver à comprendre ce système fort complexe?
Si vous souscrivez à une police auprès d'une compagnie d'assurance, il est important de connaître la politique de réassurance de cette société.
Combien de compagnies d'assurances font faillite? Combien de déclarations de sinistres ne sont pas réglées?
Je présume que ce facteur prend plus d'importance aujourd'hui, étant donné les catastrophes potentielles majeures auxquelles nous sommes exposés.
Vous avez dit, si je ne m'abuse, qu'un petit pourcentage de compagnies au Canada ont recours à la réassurance finie. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet?
Qu'en est-il des compagnies d'assurance-auto? Est-ce qu'elles ont recours, elles aussi, à ce type de réassurance? Bien entendu, la responsabilité civile rattachée à l'assurance-auto est très importante.
M. Fredette : Je vais essayer de répondre à vos questions dans l'ordre. Si j'en oublie une, n'hésitez pas à m'interrompre.
Concernant les compagnies d'assurances qui font faillite, je pense que le BSIF effectue de l'excellent travail de réglementation du fait qu'il surveille les sociétés au jour le jour. Je ne m'attends pas, si l'on se fie aux cycles habituels d'assurance, qu'il y ait beaucoup de compagnies qui connaissent des difficultés.
Le seul problème qui pourrait se poser du côté des assurances multirisques, ce sont les sinistres catastrophiques qui pourraient résulter d'un tremblement de terre à Vancouver. Ce genre de sinistre dépasse largement les prévisions que peut faire une compagnie. Toutes les compagnies aujourd'hui utilisent des systèmes automatisés de modélisation des risques. Le problème, c'est qu'ils ne sont pas infaillibles. Vous pouvez souscrire à une assurance, mais Dame nature peut nous surprendre. Nous avons vu ce qui est arrivé en Nouvelle-Orléans. Les pertes ont été beaucoup plus considérables que prévu.
Pour ce qui est de l'acheteur d'une police d'assurance au Canada, je dirais que le sinistre catastrophique contre lequel il s'assure serait d'une ampleur inimaginable. Les médias en ont parlé.
Je suppose que tout continuerait de tourner normalement, si l'on tient compte des règlements auxquels les compagnies d'assurances doivent se soumettre. Par ailleurs, les actuaires doivent effectuer diverses analyses de solvabilité techniques auprès de leurs compagnies.
Le sénateur Fitzpatrick : Est-ce que le consommateur peut s'adresser à n'importe quelle compagnie d'assurance et acheter de l'assurance sans avoir à faire enquête sur la société pour savoir si elle est réassurée?
M. Fredette : Les compagnies d'assurances ne sont pas toutes égales. Mais dans l'ensemble, les organismes de réglementation font de l'excellent travail au Canada.
Manifestement, certaines compagnies vont afficher des bilans plus solides que d'autres. On peut consulter les rapports de ces compagnies. Il y a une entreprise locale qui effectue une analyse détaillée des compagnies d'assurances. N'importe quel analyste peut trouver de l'information sur la santé financière d'une compagnie.
Il n'existe pas de données disponibles sur le petit nombre de traités de réassurance finie qui existent au Canada. Habituellement, le réassureur et la compagnie d'assurance s'échangent ces données. Elles ne sont pas divulguées parce que le réassureur estime que le libellé du contrat lui appartient, étant donné les recherches et le travail qu'il a lui-même effectués.
Si vous voulez avoir plus de précision là-dessus, le BSIF est le seul organisme qui peut vous fournir ces réponses. Vous avez posé une autre question sur l'assurance provinciale.
Le sénateur Fitzpatrick : L'assurance-auto. Est-ce que les compagnies participent à ce processus?
M. Fredette : Lequel?
Le sénateur Fitzpatrick : Le processus de réassurance au niveau provincial.
M. Fredette : Oui. Parce que toutes les compagnies d'assurances au Canada, que ce soit à l'échelle provinciale ou fédérale, achètent de la réassurance.
Le sénateur Fitzpatrick : Y compris les compagnies d'assurances provinciales?
M. Fredette : Les compagnies provinciales comme ICBC et MPIC achètent de la réassurance.
M. Brierley : J'aimerais répondre brièvement la question qu'a posée le sénateur Fitzpatrick au sujet de l'assurance-vie. C'est d'ailleurs une excellente question : est-ce que le consommateur comprend comment tout cela fonctionne?
Concernant la réassurance, il n'est pas nécessaire que le consommateur comprenne ce principe, tant et aussi longtemps que le traitement comptable est clair et précis. Cela ne veut pas dire qu'il ne devrait pas faire preuve de diligence raisonnable à l'égard des compagnies auprès desquelles il souscrit une assurance.
Comme l'ont dit mes collègues qui travaillent dans le domaine des assurances IARD, le même principe s'applique à l'assurance-vie. Le BSFI fait de l'excellent travail. Il règlemente la solvabilité de l'industrie.
La société CompCorp vient en aide aux entreprises qui font faillite ou qui sont liquidées par le surintendant. Elle offre également une protection importante aux consommateurs.
Le sénateur Angus : Est-ce que cette compagnie est similaire à la Société d'assurance-dépôts du Canada?
M. Brierley : Oui. J'aimerais faire un autre commentaire au sujet de l'assurance-vie. C'est le secteur des assurances IARD qui a laissé entendre qu'il y a un petit pourcentage de contrats de réassurance finie au Canada.
Il est très difficile de définir cette notion dans le domaine de l'assurance-vie. Je pourrais dire que toutes nos opérations relèvent de la réassurance finie. Je pourrais aussi prétendre le contraire. Toutefois, je pense que le concept est très clair. C'est ce qui compte pour le consommateur.
Le sénateur Angus : Je vais céder ma place au sénateur Tkachuk.
Le sénateur Tkachuk : J'aimerais enchaîner là-dessus. L'édition du 6 octobre du National Post comprend un article d'un analyste inconnu qui se plaint du fait que l'existence des contrats de réassurance est rarement divulguée. Il signale aux lecteurs que le secteur de la réassurance est très actif et qu'on possède très peu de renseignements à ce sujet.
Êtes-vous d'accord avec lui? Je sais qu'on peut dire ce qu'on veut, mais j'aimerais avoir votre avis là-dessus.
M. Brierley : J'ai lu le même article et j'ai eu du mal à comprendre, pour être franc avec vous.
Nous fournissons au BSIF les mêmes rapports financiers que les souscripteurs directs. Nous communiquons tous les renseignements. Les souscripteurs directs font état de leur bilan autant en ce qui concerne les primes brutes souscrites que les montants nets réassurés.
Cet analyste a peut-être eu du mal à comprendre un contrat de réassurance en particulier, plutôt que la façon dont l'entreprise utilise en général la réassurance. La vaste majorité des compagnies d'assurance-vie en activité au Canada sont des assureurs autorisés.
Le sénateur Tkachuk : Si j'allais dans le site Web d'une compagnie d'assurance-vie comme la SunAlliance pour vérifier ses états financiers, pourrais-je vérifier sa situation en matière de réassurance? Je ne suis pas comptable, comme la plupart des gens.
M. Brierley : Les informations s'y trouvent. J'imagine que cela va dépendre de votre niveau de connaissance du domaine financier.
Le rapport va préciser la valeur nominale des polices d'assurance émises par la compagnie et le montant investi pour réassurer le risque. Il va indiquer la valeur brute des primes souscrites et la valeur des primes versées pour la réassurance.
Les renseignements que vous cherchez s'y trouvent. Il n'y a rien de caché. Les réserves actuariales des montants bruts et des montants réassurés sont aussi communiquées.
Le sénateur Angus : Le greffier a fait circuler une lettre datée du 2 novembre dans laquelle le BSIF s'excuse de ne pas pouvoir venir nous rencontrer aujourd'hui. La lettre est signée par le surintendant, Nick Le Pan. À la deuxième page, il explique que chaque compagnie d'assurance-vie a un actuaire désigné selon le processus de réglementation. Chaque année, il faut produire un document dans lequel la compagnie doit fournir certains renseignements.
Dans le haut de la page 2, il est écrit :
Cette année, six changements ont été apportés. Désormais, le BSIF va exiger notamment que tous les contrats de réassurance limitée soient communiqués.
C'est pour répondre à la question du sénateur Tkachuk. Ils n'étaient peut-être communiqués auparavant, et c'est peut-être pourquoi cet analyste non identifié a tenu ces propos plutôt désobligeants.
Pourriez-vous nous indiquer quels sont ces six changements? Vous ont-ils causé des problèmes? Les acceptez-vous? Sont-ils utiles ou non?
Le président : Ont-ils été mis en oeuvre?
M. Brierley : Je ne suis pas au courant des détails. Peut-être que M. Witol et M. McLeod de l'ICA pourraient vous répondre. Je n'ai pas lu cette note. Je ne suis pas l'actuaire désigné de la compagnie. Je sais, par contre, que notre actuaire désigné n'avait aucune inquiétude au sujet des questions posées cette année. Nous n'avons aucun problème avec ce que le BSIF nous demande. C'est son rôle de savoir ce qui se passe au sein de notre entreprise.
Cela ne m'inquiète pas du tout. Il sera difficile de déterminer ce qui est limité et ce qui ne l'est pas.
Le sénateur Angus : Comme vous dites, vous pourriez considérer tous vos contrats ou traités comme étant de la réassurance limitée, ou le contraire. Ce doit être facile d'escamoter le problème.
Le président : Il y a une différence entre les risques que vous assumez vous-mêmes et ceux que vous transférez à une tierce partie. Dans le cas de la réassurance, je m'attends à ce que vous en indiquiez la portée.
M. Brierley : Il est très difficile pour nous de déterminer ce qui est limité. Nous recourons très peu à la rétrocession.
Chaque année, le surintendant envoie une note aux actuaires désignés pour leur expliquer les petits changements apportés. Ce document peut avoir 100 ou 200 pages et, à ma connaissance, les demandes formulées par le surintendant ne nous ont jamais causé de problèmes.
Monsieur Witol, avez-vous des détails à ce sujet?
James S. Witol, vice-président, Fiscalité et Recherche, Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes : Malheureusement, je ne me rappelle pas des six changements en question, mais peut-être que Charles McLeod, de l'Institut canadien des actuaires, peut vous répondre. On modifie chaque année la formule sur les exigences concernant le capital, et les actuaires peuvent avoir des explications à fournir là-dessus.
Par exemple, il y a eu pas mal de changements qui ont été apportés aux exigences concernant le capital pour le risque de mortalité assumé par les compagnies. Les exigences concernant le capital pour les fonds réservés ont aussi subi des modifications. On a peut-être demandé à l'actuaire d'indiquer ce qu'il faisait à propos de ces changements. Il reste qu'il s'agit de modifications assez mineures.
Le président : Nous allons recevoir un autre témoin qui représente l'Institut canadien des actuaires, et il qui pourra répondre à certaines de nos questions. Il est dans la salle. J'espère qu'il écoute attentivement. Cela nous fera gagner du temps.
Le sénateur Massicotte : Je crois que c'est le rôle du BSIF de veiller à ce que la solvabilité soit garantie et que les consommateurs soient protégés.
Surtout dans le cas de l'assurance-vie, certains diront que les consommateurs qui ne peuvent pas lire les états financiers ne sont pas en mesure d'évaluer la solvabilité des compagnies. Les grosses compagnies semblent donc en profiter. Comment les reconnaître? Elles offrent des garanties.
Des experts auraient deux remarques à faire à ce sujet. D'abord, que la situation nuit à la concurrence dans le cas de certains produits d'assurance-vie, ou crée un oligopole, ce qui réduit la concurrence, de sorte que les prix ne sont pas toujours dans l'intérêt des consommateurs.
Ensuite, que le BSIF craint que les faillites nuisent à l'innovation, à l'esprit d'entreprise et aux nouvelles sociétés.
Pourriez-vous nous donner votre avis sur ces deux aspects?
M. Brierley : Pour ce qui est de la concurrence dans le secteur de l'assurance-vie, elle est féroce et acharnée.
Les marges de profit sont extrêmement minces dans le secteur et c'est pourquoi on fait beaucoup appel aux réassureurs. Je parle en tant que réassureur. La concurrence est vive. Il est possible que quelques grandes compagnies n'innovent pas assez, mais le secteur canadien a toujours eu la chance d'avoir un certain nombre de petites compagnies d'assurance habiles. Elles cherchent un appui financier auprès des réassureurs. Le vide est vite comblé par de plus petites compagnies. Si un courtier ou un agent — parce que ce n'est pas tellement les consommateurs qui le font — ne trouve pas auprès des grandes compagnies les nouveaux produits et services qu'il recherche pour ses clients, il va rapidement se tourner vers de plus petites sociétés parce qu'il sait très bien qu'elles sont soutenues financièrement par un réassureur.
Je crois que le consommateur canadien est bien servi parce que les produits d'assurance-vie qui lui sont offerts sont à la fois concurrentiels et novateurs. Par rapport à l'Europe et à d'autres pays, le secteur de l'assurance-vie est d'avant-garde chez nous et offre des produits spécialisés.
Le sénateur Massicotte : Si l'industrie était aussi concurrentielle qu'on le dit, le rendement offert aux investisseurs serait assez satisfaisant par rapport au risque encouru. Au Canada et aux États-Unis, certains investisseurs habiles, propriétaires de compagnies d'assurance-vie, estiment évidemment que le rendement est très intéressant. Depuis 15 ans, leurs investissements rapportent de façon phénoménale.
Si la concurrence est si féroce et si acharnée, pourquoi se fait-il que, dans au moins deux ou trois cas, ce soit certains des investisseurs les plus réputés dans le monde qui soient propriétaires de ces compagnies?
M. Brierley : Vous avez bien fait de dire dans le monde. Les exigences concernant le capital au Canada sont très sévères. Les gains potentiels ou le rendement sur les capitaux pour les entreprises établis au Canada sont limités.
Les grandes compagnies d'assurance-vie du Canada ont des organisations très actives sur la scène internationale. C'est la complexité, la qualité et la concurrence des marchés au Canada qui permettent aux compagnies canadiennes d'être aussi florissantes sur les marchés internationaux, où la concurrence n'est pas aussi vive et la réglementation sur les investissements pas aussi sévère.
La plupart de nos grosses entreprises comptent sur l'étranger pour assurer leur croissance et leurs gains futurs.
Le sénateur Massicotte : Devrions-nous alors nous inquiéter des risques que ces compagnies canadiennes peuvent assumer à l'étranger? Ces risques pourraient-ils mettre en péril la confiance que nos consommateurs accordent à ces compagnies?
M. Brierley : Le BSIF réglemente les transactions internationales des compagnies canadiennes, pas seulement leurs activités au pays — je ne parle pas des succursales de compagnie mais des sociétés canadiennes.
Le président : Si une société étrangère détient des filiales pour le compte d'une compagnie canadienne, est-ce que ses activités sont réglementées ou surveillées par le BSIF pour ce qui est des exigences concernant le capital et des rapports? Autrement dit, c'est une filiale à part entière, même si elle est établie à l'étranger.
Le sénateur Angus : Prenons l'exemple de Manulife à Bangkok.
M. Brierley : Je crois que c'est comptabilisé dans l'état financier canadien. Je ne pense pas que le BSIF régirait l'application des politiques des Bahamas, des États-Unis ou de la Chine; elles seraient du ressort de l'organisme de réglementation locale. L'Association internationale des contrôleurs d'assurance veille à ce qu'il y ait une réglementation internationale, et il faut féliciter le BSIF de jouer un rôle de premier plan au sein de cet organisme.
Le président : M. Le Pan nous a bien expliqué sa participation et son rôle dans le secteur canadien. Le bureau canadien est considéré comme un leader au sein de cette association internationale.
Le sénateur Massicotte : Un investisseur américain influent a écrit un certain nombre d'ouvrages sur le sujet. Quel est le nom de l'entreprise?
M. Fredette : Je crois que c'est Gen Re.
Le sénateur Massicotte : Il fait valoir principalement que les compagnies d'assurance-vie ont beaucoup d'argent. Les gens paient des primes pour des paiements qui sont reportés à beaucoup plus tard. Évidemment, l'enjeu consiste à faire rapporter cet argent au-delà du taux actuariel du risque assumé. Si l'investisseur est assez habile pour dégager des bénéfices supplémentaires sur ces capitaux, le propriétaire s'enrichit beaucoup.
Des rendements élevés supposent habituellement des risques élevés. Vous dites que nous réglementons et supervisons bien la situation au Canada, mais il faut reconnaître l'existence d'un lien entre un risque élevé et un rendement élevé. Les personnes risquent d'être laissées en plan si elles ont payé une prime pour un service qu'elles n'obtiendront jamais. Pouvez-vous me donner votre avis là-dessus?
M. Brierley : Vous avez raison. Les compagnies d'assurance-vie reçoivent de l'argent aujourd'hui pour des demandes d'indemnisation qu'ils vont verser dans 20, 30 ou 40 ans. Quand il calcule le passif, l'actuaire doit tenir compte des engagements réels. Si vous aurez à faire un paiement de 100 000 $ dans un an avec une obligation de 100 000 $ qui va alors arriver à échéance, vous ne courez pas de risque, mis à part peut-être un risque de crédit sur cette obligation. Par contre, si l'obligation arrive à échéance dans six mois, son réinvestissement comporte un risque. Vous devrez réinvestir cet argent pour six autres mois, et les actuaires doivent tenir compte de ce décalage entre les actifs et les engagements. S'il n'y a pas de correspondance, d'autres engagements actuariels sont prévus dans les comptes.
C'est prévu par les principes actuariels généralement reconnus. Nous examinons tous les risques et toutes les liquidités, et nous nous assurons que tout figure dans les états financiers. Le système est excellent.
Le sénateur Moore : Monsieur Brierley, au sujet du secteur de l'assurance-vie, vous avez dit que vous vous fondiez sur des contrats de 40 ans. Que voulez-vous dire?
M. Brierley : Un contrat d'assurance-vie s'étend habituellement sur toute une vie. La compagnie promet de vous offrir une protection pour les 40 prochaines années, ou tant que vous vivrez, et garantit habituellement vos primes pour la même période. L'assurance à laquelle vous souscrivez pour une maison ou une voiture, est habituellement d'une durée d'un an. L'assureur ne promet pas nécessairement de vous couvrir l'année suivante et, s'il le fait, il ne peut pas garantir le tarif.
On peut faire une réclamation durant l'année pendant laquelle l'assurance multirisques s'applique. Dans le cas d'une assurance-vie, la demande peut être faite n'importe quand au cours de la vie, et j'ai parlé de 40 ans à titre d'exemple. Par conséquent, il faut s'assurer que nos prix vont être appropriés pour la période de 40 ans et que la prime que nous promettons aujourd'hui de payer pendant 40 ans sera suffisante.
Le sénateur Moore : C'est dans le cas des polices dont la prime est fixe.
M. Brierley : Oui, même si la prime peut augmenter.
Le sénateur Moore : Certaines sont révisées à tous les cinq ans ou à certaines étapes de la vie, mais d'autres restent les mêmes pendant toute la durée de la police.
M. Brierley : C'est exact. Pour la grande majorité des produits vendus au Canada, le tarif de la prime peut être échelonné, de sorte que vous payez plus tous les cinq ou dix ans, mais l'augmentation est établie au moment de la signature du contrat.
Il y a une exception quand le contrat est lié à un certain moyen de placement. Vous pourriez choisir un contrat à capital variable, selon lequel la prime baisse si les taux d'intérêt montent, et vice versa.
Le président : Merci beaucoup. Si vous voulez préciser l'une ou l'autre de vos réponses quand vous prendrez connaissance de la transcription de votre témoignage, sentez-vous bien libre de le faire. N'hésitez pas non plus à commenter le témoignage du prochain témoin ou le document que nous avons reçu aujourd'hui du BSIF.
Nous voulons faire les choses dans les règles pour que tout le monde puisse exprimer son point de vue. C'est un sujet qui nous préoccupe et que nous n'avons pas encore fini d'approfondir. Tous vos commentaires peuvent nous être utiles. Nous espérons terminer nos travaux d'ici trois ou quatre semaines.
Bienvenue, monsieur McLeod. Nous continuons d'examiner les questions concernant les consommateurs dans le secteur des services financiers. Nous nous intéressons à l'assurance, à l'assurance limitée et aux aspects complexes de ces deux sujets. Comme vous l'avez entendu plus tôt aujourd'hui, nous nous concentrons plus particulièrement sur la portée et la nature de l'assurance limitée et son incidence sur le choix des consommateurs.
Charles McLeod, président, Institut canadien des actuaires : Le poste que j'occupe à l'Institut canadien des actuaires est un poste élu et non rémunéré, et je suis maintenant un travailleur à la retraite. Par souci de transparence, je vous signale que jusqu'en mars dernier, j'ai travaillé à la RGA Reinsurance Company, qui est une compagnie multinationale de réassurance-vie. Je fais encore quelques contrats pour la RGA, qui me donne accès à un bureau pour m'aider à m'acquitter de mes fonctions de président de l'Institut canadien des actuaires.
Le président : Quelle est la place de la RGA Reinsurance Company dans l'ensemble de l'industrie? Est-ce une compagnie de premier plan?
M. McLeod : Contrairement à Munich Re, elle vend seulement des produits de réassurance-vie et est probablement la troisième plus importante compagnie de réassurance-vie dans le monde.
Le président : Et au Canada?
M. McLeod : C'est la troisième plus importante compagnie au Canada.
L'Institut canadien des actuaires, l'ICA, est l'organisme national de la profession actuarielle au Canada. Il réunit à peu près 2 750 membres.
Les actuaires sont des professionnels qui appliquent des méthodes mathématiques aux problèmes financiers. Ils font appel à leurs connaissances spécialisées des mathématiques, des finances, des statistiques et de la théorie des risques pour examiner les problèmes auxquels les compagnies d'assurance sont aux prises. On fait appel aux actuaires pour l'assurance-vie ou l'assurance multirisques, les régimes de pension, la réglementation gouvernementale, les programmes sociaux et pour des besoins personnels. La plupart des actuaires travaillent dans le domaine de l'assurance et des pensions.
La Loi sur les sociétés d'assurances oblige toutes les compagnies d'assurances à nommer un actuaire qui devra, entre autres, évaluer les « engagements actuariels et autres de la société au cours de l'exercice ». En termes simples, l'actuaire détermine combien d'argent la compagnie doit mettre de côté pour pouvoir répondre aux futures demandes d'indemnisation et autres indemnités de ses clients.
L'Institut canadien des actuaires a établi des normes de pratiques courantes que tous les actuaires doivent suivre. Une partie de ces normes traitent de l'évaluation des obligations aux termes des polices d'assurance, et certaines autres s'appliquent précisément à la réassurance.
Le travail de l'actuaire d'une compagnie est soumis périodiquement à un examen externe. De plus, à partir de l'an prochain, le travail de l'actuaire sera assujetti à l'examen du vérificateur externe de la compagnie.
Comme certains témoins précédents l'ont dit, presque tous les traités de réassurance sont motivés par des raisons financières. Tout comme le particulier qui s'assure pour se protéger en cas d'une éventuelle perte financière importante, les compagnies d'assurance achètent de la réassurance pour se protéger advenant de grosses pertes. Beaucoup de compagnies d'assurance ont décidé de réassurer des parties considérables de leurs activités pour remplacer des demandes d'indemnisation fluctuantes par des primes de réassurance connues et stables. La compagnie d'assurance est prête à se réassurer pour pouvoir déclarer des gains plus réguliers à ses actionnaires. Ce sont deux utilisations valables de la réassurance. Le risque est ainsi transféré de la compagnie d'assurance au réassureur.
Aux États-Unis, certaines transactions de réassurance peuvent avoir été réalisées principalement pour que les résultats financiers semblent différents de ce qu'ils sont réellement. Je dirais, tout comme les actuaires canadiens en général, que, s'il n'y a pas de transfert de risque, les résultats financiers déclarés de l'assureur ne devraient pas changer. Comme d'autres témoins vous l'ont dit précédemment, beaucoup de transactions de réassurance sont exceptionnelles et parfois très complexes.
J'aimerais souligner certaines différences entre le Canada et les États-Unis. Au Canada, les relevés prescrits d'une compagnie d'assurance, c'est-à-dire les relevés qui sont déposés auprès de l'organisme gouvernemental de réglementation, comme le BSIF, sont préparés selon les mêmes principes comptables généralement acceptés que les relevés présentés aux actionnaires.
Aux États-Unis et dans d'autres pays, les relevés déposés auprès de l'organisme de réglementation sont préparés différemment de ceux qui sont remis aux actionnaires. Ce n'est pas le cas au Canada.
Les normes actuarielles et comptables canadiennes, surtout à l'égard de l'évaluation des engagements actuariels de la société, sont différentes des normes américaines pour les relevés prescrits et les relevés aux actionnaires. Comme les témoins précédents l'ont indiqué, les normes comptables et actuarielles canadiennes sont davantage fondées sur des principes que sur des règles.
J'aimerais vous expliquer maintenant comment les engagements actuariels des sociétés sont évalués au Canada. Je vais employer des termes simples. Quand l'actuaire essaie de déterminer combien d'argent la compagnie devrait mettre de côté pour les futures réclamations, il veut connaître le montant des primes qu'elle reçoit, comme les revenus de placement. Il demande combien d'argent la compagnie s'attend à verser dans l'avenir à ses clients, quelles seront ses dépenses et ses commissions, et ce qu'elle doit payer à la compagnie de réassurance et recevoir d'elle. Les normes exigent de tenir compte des engagements pris par la compagnie en matière de réassurance.
S'il n'y a pas de transfert de risque, une transaction de réassurance ne devrait avoir aucun effet sur la taille des engagements actuariels. Si vous payez 100 $ à un réassureur et que vous comptez ravoir ce montant de 100 $ plus tard, ce qui serait un prêt comme certaines personnes l'ont dit, alors, votre rentrée de fonds est nulle et cela ne devrait avoir aucun effet sur vos engagements actuariels.
Il y a eu un échange de correspondance entre l'organisme gouvernemental de réglementation, le BSIF, et l'Institut canadien des actuaires, et je crois que certaines lettres ont été distribuées aux membres du comité.
Le président : Monsieur McLeod, je m'excuse, je croyais que vous aviez reçu copie du document du BSIF qui nous a été distribué à la séance de ce matin. Nous en avons fourni copie aux témoins précédents. Nous allons vous en remettre un exemplaire si vous ne l'avez pas.
M. McLeod : J'en ai un, mais j'y ai seulement jeté un coup d'œil rapide.
Le président : Je veux tout simplement m'assurer que vous avez tous les documents en main.
M. McLeod : En février de cette année, le BSIF a fait parvenir une lettre à l'Institut canadien des actuaires. Il affirmait dans celle-ci que :
D'après le BSIF, l'Institut doit modifier ses normes de pratique afin d'y inclure des directives sur la réassurance.
L'Institut canadien des actuaires a répondu en disant,
Nous concluons respectueusement que les normes de pratique actuelles de l'ICA, lorsqu'elles sont appliquées de façon appropriée, sont suffisantes quant au traitement de la réassurance.
Nous avons posé deux autres gestes. En juin, nous avons envoyé une note de service à tous les membres. Je pense que vous en avez reçu des copies. Nous avons rappelé, entre autres, aux actuaires des compagnies d'assurances que :
Lorsqu'une société d'assurance cédante prend un crédit pour de la réassurance, il devrait y avoir un transfert de risque relativement important. Lors de l'évaluation du niveau de transfert de risque, le traité de réassurance et toute disposition distincte (lettres distinctes) devraient être pris en compte.
Nous avons également créé un groupe de travail — le mandat, si je ne m'abuse, vous a été distribué. Nous avons demandé au groupe de travail d'examiner les normes de pratique de l'Institut à la lumière des observations formulées par le BSIF, et de nous indiquer si nous devons modifier nos normes ou encore préparer des notes éducatives.
Je ne vous relirai pas le mandat. Le rapport doit être déposé en juin 2006.
Au Canada, les pratiques touchant le traitement de la réassurance ne sont pas les mêmes que celles utilisées aux États-Unis. Compte tenu des normes que nous appliquons, les problèmes qui sont survenus aux États-Unis ne devraient pas se produire au Canada. J'ai cependant réfléchi, au cours des derniers jours, aux difficultés qui pourraient surgir ici.
Supposons que le traité de réassurance comporte une entente distincte, une lettre distincte, dont l'actuaire ne connaît pas l'existence. Il ne pourrait, dans ces circonstances, prendre en compte ce facteur au moment d'évaluer le passif. Supposons qu'un cas extrême de fraude se produit et qu'un PDG possède une telle lettre dans son bureau. Je n'ai aucune preuve de son existence. Toutefois, en tant qu'actuaire, j'imagine le genre de problèmes que cela peut causer.
Le président : Au début du printemps, vous avez indiqué au BSIF que votre groupe avait bien évalué le risque applicable à la réassurance et qu'aucun changement ne s'imposait. Est-ce exact?
M. McLeod : Nos normes de pratique sont adéquates. Toutefois, nous allons nous pencher là-dessus et voir s'il y a lieu de fournir des conseils supplémentaires aux actuaires.
Le président : Dites-moi si j'ai tort ou raison. Le 30 septembre, le BSIF a envoyé une lettre aux actuaires désignés de chaque entreprise, ainsi qu'à tous vos membres. Il insistait, dans celle-ci, sur la nécessité de révéler l'existence de toute entente sur la réassurance finie, et je présume que cela comprend les lettres distinctes. Le BSIF a envoyé cette lettre après que l'ICA eut affirmé que ses pratiques étaient adéquates.
M. McLeod : Ce qui est en cause ici, ce n'est pas la façon dont l'actuaire calcule le passif, mais le rapport qu'il soumet au BSIF. En deux mots, l'actuaire peut dire, « Le passif de cette entreprise s'élève à 100 millions de dollars. »
Le président : Si j'ai bien compris, le BSIF souhaite que l'actuaire divulgue ces renseignements, qu'il ne se contente pas uniquement de s'assurer que les risques sont couverts. Nous nous entendons là-dessus. Or, le BSIF exige maintenant qu'il y ait de la transparence. Est-ce exact?
M. McLeod : Oui.
Le président : Pour terminer, le 21 octobre, le BSIF a publié un document intitulé, « Guidance Paper on Risk Transfer, Disclosure and Analysis of Finite Insurance. »
Les représentants du BSIF ne sont pas ici, mais j'espère que vous allez me corriger si je me trompe. LE BSIF a d'abord demandé que l'on apporte des changements, et a ensuite fait paraître un document d'orientation.
Dans le troisième paragraphe de cette lettre, le Bureau affirme avoir préparé un document d'orientation à l'intention des actuaires sur le transfert de risques, la communication de renseignements et l'analyse des risques. Est-ce exact?
M. McLeod : J'aimerais apporter une petite précision. C'est l'Association internationale des contrôleurs d'assurance qui a publié ce document, le 21 octobre.
Le président : Nous avons rencontré M. Le Pan, qui est un membre actif de cette association. Il travaille à l'élaboration de normes internationales. C'est de lui que nous tenons ce renseignement. Toutefois, comme il fait partie de cette association, il a lui aussi distribué ce document.
M. McLeod : Oui, en tant que membre de l'association.
Le président : C'est le BSIF qui, essentiellement, fait cette demande, mais par le biais de ses membres au sein de l'Association internationale des contrôleurs d'assurance.
M. McLeod : L'Association internationale des contrôleurs d'assurance envoie ses rapports à des organismes comme le BSIF dans d'autres pays du monde. Les actuaires canadiens sont régis par les directives émises par le BSIF qui, lui, peut choisir d'adopter ou non certaines recommandations de l'Association internationale des contrôleurs d'assurance. Toutefois, ce document n'est pas automatiquement envoyé aux actuaires canadiens.
Le président : Je présume que tous les actuaires le connaissent, puisqu'il se trouve sur le site Web de l'Association.
M. McLeod : Il se trouve sur le site Web de l'AICA. Je ne sais pas si les actuaires en ont pris connaissance, le document étant assez récent.
Le président : Le BSIF a demandé que l'on révèle l'existence des ententes de réassurance finie. Je présume que cela englobe les lettres distinctes. Manifestement, si une lettre distincte modifie les modalités d'un traité ou d'une entente de réassurance, il faut qu'elle soit communiquée ou prise en compte.
M. McLeod : Absolument.
Le président : Honorables sénateurs, étant donné qu'aucun représentant du BSIF n'est présent, j'essaie de clarifier la nature des nouvelles demandes de renseignements et de transparence.
Le sénateur Angus : Merci d'être venu nous rencontrer, monsieur McLeod.
Vous êtes le président de l'association des actuaires, un poste pour lequel vous n'êtes pas rémunéré. Avez-vous des employés?
M. McLeod : Oui. Nous avons un bureau à Ottawa qui compte 18 employés.
Le sénateur Angus : C'est un gros bureau. Savez-vous à combien s'élève votre budget?
M. McLeod : Nous avons un budget d'environ 4 millions de dollars par année.
Le sénateur Angus : Je crois comprendre que les 2 750 membres sont tous des actuaires. Savez-vous combien d'entre eux travaillent pour le BSIF? Sont-ils nombreux?
M. McLeod : Ils sont moins de 20, probablement moins de 10, à travailler pour lui.
Le sénateur Angus : La plupart des actuaires travaillent pour des compagnies d'assurance-vie, ou encore comme conseillers en régimes de retraite. Est-ce exact?
M. McLeod : Oui. Ils travaillent également pour des sociétés d'assurances multirisques.
Le sénateur Angus : Est-ce qu'ils évaluent les réclamations?
M. McLeod : Entre autres. Ils aident aussi à établir les primes.
Le sénateur Angus : Vous étiez présent quand les autres groupes ont témoigné ce matin.
M. McLeod : Oui.
Le sénateur Angus : Ont-ils fait des déclarations ou fourni des explications avec lesquelles vous n'étiez pas d'accord? Y a-t-il quelque chose que vous pourriez ajouter?
M. McLeod : Rien d'important.
Le sénateur Angus : Est-ce que le montant de la réassurance souscrite par les assureurs d'origine est suffisant?
M. McLeod : Je ne saurais vous le dire. Je pense qu'il l'est, mais ce n'est pas à moi qu'il faut poser la question.
Le sénateur Angus : Peut-on raisonnable s'attendre à ce que le BSIF, en tant qu'organisme de réglementation, se prononce là-dessus?
M. McLeod : Oui. Il examine tous les aspects des activités des compagnies, y compris les contrats de réassurance.
Le sénateur Angus : On nous a parlé des différences qui existent entre le système américain, qui est fondé sur des règles, et le système canadien. Nous représentons le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. La surveillance du système bancaire fait partie de nos sujets d'étude. Manifestement, le Royaume-Uni et le Canada ont tendance à utiliser un système fondé sur des principes, et les États-Unis, un système fondé sur des règles qui, d'après ce qu'on nous dit, donne des résultats très différents.
Or, s'il donne des résultats très différents, c'est parce qu'il y a cent fois plus de banques aux États-Unis. Je me demande si un système axé sur des principes peut être efficace quand on compte un si grand nombre de joueurs et d'institutions qui doivent être réglementés et supervisés. Il est peut-être nécessaire d'avoir des règles.
M. McLeod : Vous posez là une question intéressante. Il y a, manifestement, moins de compagnies d'assurances au Canada qu'il y a 10 ou 20 ans. Nous utilisons un système fondé sur des principes depuis plusieurs années. Nous le faisions déjà il y a 10 ou 20 ans, quand les compagnies d'assurances étaient plus nombreuses. Le système semble fonctionner.
Le sénateur Angus : Quand nous sommes allés en Angleterre il y a quelques années, Sir Eddie George et le directeur de la FSA nous ont expliqué comment fonctionne leur système dans les faits. Par exemple, quand la Banque de Hong Kong et de Shanghai a acheté une des grandes institutions bancaires britanniques, ils ont regardé les nouveaux propriétaires droit dans les yeux et leur ont dit que le siège social allait être déplacé de Shanghai à Manchester. C'était fort intéressant.
Est-ce que l'on procède de la même façon dans le secteur des assurances?
M. McLeod : Je dirais que les rapports entre le secteur des assurances et l'organisme de réglementation gouvernemental sont excellents. Nous avons parlé du BSIF. Il existe également des organismes de réglementation à l'échelle provinciale.
Il existe un fort degré de confiance de part et d'autre. L'Institut canadien des actuaires s'est doté de normes de qualité au fil des ans. J'admire la compétence des personnes qui ont travaillé et qui travaillent pour le BSIF. Le système fondé sur les principes fonctionne quand le degré de confiance est élevé. Quand celui-ci est inexistant, il ne fonctionne pas.
Le sénateur Angus : Cet élément de confiance a été brisé aux États-Unis, si l'on se fie aux mesures qu'a prises M. Spitzer.
M. McLeod : C'est exact.
Le sénateur Angus : C'est ce qui nous a menés à entreprendre cette étude. Nous songeons non seulement aux pauvres titulaires de polices d'assurance-vie, mais à tous les titulaires de polices. Sommes-nous en train de nous faire exploiter? Payons-nous le double de ce que nous devrions payer? Ce sont là des questions légitimes.
Vous étiez ici quand j'ai posé ma première question, ce matin. Nous ne voulons pas nous embarrasser de détails techniques, mais est-ce que les Canadiens qui achètent ces produits d'assurance peuvent dormir sur leurs deux oreilles?
M. McLeod : Votre question comporte deux volets. Est-ce que l'entreprise est solvable? Est-ce que les consommateurs paient trop?
Pour ce qui est de savoir si les compagnies risquent de s'exposer à des difficultés financières, je dirais que le citoyen moyen n'a pas lieu de s'inquiéter, et ce, pour plusieurs raisons.
D'abord, il y a des organismes de réglementation gouvernementaux comme le BSIF qui surveillent les compagnies d'assurances. Je travaille dans le domaine de l'assurance-vie, pas dans le domaine des assurances multirisques. Toutefois, la dernière fois qu'une compagnie d'assurance-vie a fait faillite, c'était en 1994. Il s'agissait de la Confederation Life. Diverses mesures de protection ont, depuis, été adoptées, de sorte qu'il y a peu de chances qu'un autre cas comme celui-là se produise.
Il y a, en plus des organismes de réglementation, des agences de notation qui analysent de près les résultats financiers d'une entreprise et qui publient les tarifs exigés par les grandes compagnies d'assurances.
Le sénateur Angus : Je pense que c'est M. Brierly qui a parlé, entre autres, de AM Best et de Standard & Poor's. Est-ce que ce sont des agences de notation?
M. McLeod : Oui.
Les sociétés Manuvie et Sun Life sont cotées en bourse. Les analystes examinent leurs résultats financiers de façon beaucoup plus détaillée qu'ils ne le faisaient quand elles étaient des sociétés mutuelles. Ils rencontrent les dirigeants, leur posent des questions difficiles au sujet des résultats. Il existe, en plus de la vérification externe, différents niveaux de vérification.
Je ne pense pas que le citoyen moyen devrait s'inquiéter de la solvabilité de ces entreprises.
Le sénateur Angus : Il y a eu beaucoup de démutualisations ces dernières années. Cette transformation a touché de grandes entreprises comme Manuvie et Sun Life, qui existaient depuis de nombreuses années. La société Standard Life, une entreprise écossaise que vous connaissez bien, est en train, elle aussi, de se démutualiser.
Est-ce que cette démutualisation a favorisé la transparence, étant donné que ces compagnies sont maintenant assujetties aux règles du marché boursier? Est-ce que les sociétés mutuelles discrètes qui existaient jadis sont maintenant surveillées de près par le marché?
M. McLeod : Oui. Elles font l'objet d'une analyse et d'une surveillance plus étroite que lorsqu'elles étaient des sociétés mutuelles.
Le sénateur Angus : Est-ce que les changements apportés récemment y sont pour quelque chose?
M. McLeod : Oui. Vous m'avez également demandé si les gens payaient trop.
Je ne m'occupe pas des frais d'assurance. Toutefois, la concurrence au Canada étant assez vive, il est peu probable que les consommateurs se fassent exploiter. Cela peut arriver à l'occasion dans les marchés à créneaux, mais le citoyen moyen profite, en fait, de la concurrence qui existe.
Le sénateur Angus : Je sais que les gestionnaires de risques sont des acheteurs avertis, qu'ils connaissent les agences de notation et qu'ils font probablement souvent affaire avec les grandes maisons de courtage. Marsh Inc., Aon Corporation et Willis North America Inc. ont toutes connu des difficultés. Les gestionnaires de risques savent comment composer avec ces grandes maisons de courtage. Ils exigent des niveaux de garantie ou de solvabilité très élevés.
Il faudrait également tenir compte des petits joueurs, des PME, c'est-à-dire des petites et moyennes entreprises au Canada qui doivent acheter de l'assurance pour se protéger contre le feu, le vol, les détournements. En anglais, on les appelle ces entreprises des SME. Les petites entreprises vont suivre les conseils de leur courtier. Est-ce qu'elles connaissent l'existence des commissions sur les bénéfices, de la réassurance finie? Peut-être pas. Si cela ne leur pose pas de problème, alors tant mieux.
M. McLeod : Je ne suis pas un spécialiste en la matière. Il serait préférable que le témoin précédent réponde à la question.
Personnellement, je crois que la présence d'un grand nombre de compagnies d'assurances au Canada devrait favoriser la concurrence.
Le sénateur Angus : L'assurance est un domaine complexe. C'est un secteur de portée internationale qui compte de gros marchés aux Bermudes et à Londres, par exemple. Il semble y avoir des lacunes au Canada, certains intermédiaires chargés de fournir des produits aux consommateurs étant mal informés. Quelles mesures, s'il en est, pouvons-nous recommander pour protéger les clients?
M. McLeod : Encore une fois, cela ne relève pas de ma compétence. Je m'exprime ici à titre personnel.
Je crois comprendre que la réglementation des intermédiaires, à tout le moins, la vente de polices d'assurance aux particuliers, relève des provinces.
Je ne sais pas jusqu'où souhaite aller le comité, mais vous pourriez peut-être parler aux organismes de réglementation provinciaux et obtenir leur point de vue sur la question.
Le sénateur Angus : C'est la réponse que j'espérais avoir. Monsieur le président, c'est quelque chose que nous devrions peut-être envisager de faire.
Le sénateur Massicotte : Avez-vous parlé de la lettre du 22 février 2005 que le BSIF a adressée à M. Mark?
M. McLeod : Oui, dans ma déclaration.
Le sénateur Massicotte : Avez-vous jeté un coup d'œil à la dernière phrase du premier paragraphe? Voici ce qu'elle dit :
Nous savons également que certains accords de réassurance finie ou financière ne prévoient pas, en fait, un niveau de transfert de risque suffisamment adéquat pour justifier une baisse du passif des polices de la société d'assurance cédante.
Est-ce que votre association a pris des mesures pour répondre aux préoccupations du BSIF?
M. McLeod : Vous avez en main la lettre que nous avons envoyée en juin 2005 au Bureau, dans laquelle nous affirmons que :
Nous concluons respectueusement que les normes de pratique de l'ICA, lorsqu'elles sont appliquées de façon appropriée, sont suffisantes quant au traitement de la réassurance.
Le président : Vous avez cité la lettre dans laquelle le BSIF insiste sur la nécessité de révéler l'existence de toute entente de réassurance finie. Les témoins nous ont dit que cela englobait les lettres distinctes.
Le sénateur Massicotte : J'allais aborder la question.
Le président : Nous en avons déjà discuté. Merci.
Le sénateur Tkachuk : Le sénateur Angus vous a posé une question au sujet des systèmes qui sont fondés sur des principes et des règles. Il a également parlé de la santé et de la stabilité des compagnies. Vous avez dit que le consommateur n'avait pas lieu de s'inquiéter, et vous avez fourni quatre raisons en guise d'explication. Qu'avons-nous que les États-Unis n'ont pas?
M. McLeod : D'abord, au Canada, c'est le gouvernement fédéral qui réglemente les compagnies d'assurances. Aux États-Unis, ce sont les États qui le font. La plupart des compagnies d'assurances au Canada sont réglementées au fédéral par le BSIF, mais pas toutes. Il y en a plusieurs au Québec et quelques-unes dans l'Ouest qui sont réglementées par la province.
Aux États-Unis, les compagnies d'assurances sont réglementées par les États et non par un organisme fédéral de réglementation. Cette dernière approche offre l'avantage de réaliser des économies d'échelle, puisqu'il est possible d'embaucher plus de personnes qui sont mieux qualifiées; ce ne serait pas le cas si chaque province devait avoir son propre organisme.
Le sénateur Tkachuk : Ne pourrait-on pas dire que l'organisme de réglementation serait plus proche? Est-ce un problème?
M. McLeod : Effectivement, si la compagnie d'assurances n'existait que dans un seul État, l'organisme de réglementation de l'État serait tout proche. C'est souvent la raison invoquée pour défendre un tel système.
Vous posez une question au sujet de la différence. Personnellement, je crois qu'il vaut mieux avoir un système fédéral, car vous devriez être en mesure d'employer davantage de gens hautement qualifiés, des personnes plus intéressantes et un plus grand nombre de gens chargés de réglementer les compagnies d'assurances que si vous répartissiez le tout entre plusieurs organismes de réglementation.
Le sénateur Tkachuk : Serait-ce la seule différence?
M. McLeod : Il y en a une autre, mais elle est difficile à quantifier. J'ai parlé de la confiance que l'on retrouve au Canada. J'ose espérer que si des représentants du BSIF étaient ici, ils diraient qu'ils respectent l'Institut canadien des actuaires. Je crois que c'est le cas. À l'ICA, nous respectons le BSIF et nous entretenons de bonnes relations avec lui. Nous pouvons soulever les questions avant qu'elles ne deviennent des problèmes.
Je ne suis pas sûr qu'il existe le même degré de confiance entre les organismes de réglementation aux États-Unis et la profession actuarielle américaine. C'est quelque peu subjectif, et je ne voudrais pas que vous me preniez trop au mot.
Le président : J'aimerais revenir à la question posée par le sénateur Moore au sujet de la réassurance limitée. Il semble que nous ayons fait le tour de la question. Selon nous, ce genre de réassurance fait partie d'une zone grise en quelque sorte ou peut-être manquons-nous simplement d'information à cet égard.
De toute évidence, le BSIF est maintenant du même avis et essaye de trouver une solution afin d'arriver à un point de vue précis et transparent au sujet du risque que représente la réassurance limitée.
Le sénateur Moore a soulevé une autre question fascinante dont aucun de nous n'avait parfaitement conscience, même les éminents spécialistes de notre comité, soit la question de la rétroassurance. Je ne suis pas sûr de l'appellation exacte, peut-être pouvez-vous me le dire.
M. McLeod : On parle de rétrocession.
Le président : Si je comprends bien, l'assurance de rétrocession impose des frais pour un risque donné.
La compagnie d'assurances prend à son tour une partie de ces frais et conclut une entente ou un traité avec une compagnie de réassurance pour un ensemble très précis de risques qu'elle transfère à cette compagnie de réassurance, la plus importante étant Munich Re.
Nous avons appris à notre grand étonnement — il y a certainement une réponse simple à la question, mais nous ne l'avons pas — que les compagnies de réassurance transmettent à leur tour le risque de réassurance par le truchement de ce risque rétrocessionnaire.
En tant qu'actuaires, le BSIF et l'ICA évaluent-ils ce risque? Si le risque est transmis à un tiers, nous évaluons le premier niveau de risque, ou du moins le croyons-nous. Nous n'en connaissons pas l'étendue. C'est le BSIF qui va le préciser. Toutefois, il existe un autre niveau de risque, soit la réassurance de la réassurance.
Cela nous inquiète, car nous nous demandons si toute la réassurance serait en mesure de compenser les pertes s'il s'en produisait toute une série catastrophique. C'est notre grand sujet de préoccupation.
Parlez-nous de la réassurance de la réassurance et dites-nous si vos actuaires s'en chargent.
M. McLeod : Je pense pouvoir vous assurer, mais je vais essayer de vous l'expliquer en vous donnant un exemple.
Le président : Nous parlons ici d'assurance et de réassurance.
M. McLeod : Supposons qu'il existe une compagnie d'assurances appelée Ottawa Life Insurance Company. Elle n'existe pas. Imaginons qu'elle émette une police d'assurance-vie de 50 millions de dollars par personne qui y a droit. Ottawa Life, à cause de à son capital social, décide qu'elle ne veut assumer ce risque qu'à hauteur de 5 millions de dollars; elle peut se permettre 5 millions de dollars si bien qu'elle réassure le reste, soit 45 millions de dollars.
Ottawa Life a deux possibilités. D'une part, elle pourrait demander à neuf compagnies de réassurance de la réassurer pour 5 millions de dollars chacune, soit un total de 45 millions, mais ce serait une perte de temps.
D'autre part, elle pourrait se tourner vers une seule compagnie de réassurance telle que Munich Re ou mon ancienne compagnie, AGA, afin de réassurer la part de ces 45 millions. À condition que celle-ci soit titulaire d'une licence au Canada, Ottawa Life pourrait porter les 45 millions de dollars réassurés dans la colonne crédit de ses états financiers.
Le réassureur, qui a le droit d'exercer au Canada, assume donc le risque lié aux 45 millions.
Le président : Ottawa Life doit-elle obligatoirement choisir une compagnie canadienne pour se charger de cette réassurance?
M. McLeod : Non. Mais, par exemple, si Ottawa Life choisit comme réassureur Australia Life, compagnie qui n'est pas autorisée à exercer au Canada, elle lui transfère le risque, sans toutefois être en mesure d'en porter la somme à son crédit lors du calcul de ses provisions techniques.
Le sénateur Tkachuk : Cela signifie-t-il qu'elle ne pourrait pas faire état de ces 50 millions?
M. McLeod : Elle aurait à le faire, mais dans ce cas, l'actuaire devrait considérer qu'en cas de décès de l'assuré, la compagnie serait tenue de verser 50 millions de dollars, et non 5 millions. Vous me suivez?
Le président : Je crois que oui, continuez.
M. McLeod : Ottawa Life a émis une police de 50 millions de dollars dont elle assume le risque à hauteur de 5 millions, et rétrocède les 45 millions restants à une compagnie de réassurance canadienne.
Sans doute cette dernière peut-elle régler une réclamation jusqu'à concurrence de 10 millions de dollars, mais elle ne souhaite pas débourser les 45 millions en entier. Par conséquent, elle rétrocède 35 millions à plusieurs compagnies de réassurance. Certaines d'entre elles peuvent être titulaires d'une licence au Canada, d'autres non. Le montant se répartit comme suit : 5 millions pour Ottawa Life, 10 millions pour le réassureur canadien et 35 millions en rétrocession.
Sur ces 35 millions de dollars, supposons que 15 millions vont à d'autres compagnies de réassurance canadiennes et que 20 millions sont rétrocédés à des compagnies européennes qui ne sont pas autorisées à exercer au Canada.
Dans ce cas, lorsqu'elle fait son calcul de provisions, la compagnie de réassurance canadienne ne peut pas porter à son crédit les 20 millions réassurés auprès des compagnies européennes. Elle doit présumer qu'elle devra verser non seulement sa part de 10 millions, mais également les 20 millions réassurés par les compagnies européennes en cas de réclamation de décès.
Le président : Est-ce l'actuaire attitré de la compagnie qui définit ce plan d'action?
M. McLeod : Oui.
Le président : Ainsi, c'est à la discrétion de l'actuaire et il ne s'agit donc pas d'une opération transparente que le BSIF peut superviser, réglementer, ou à laquelle il peut avoir accès.
M. McLeod : L'actuaire est le principal responsable. Le BSIF, en tant qu'organisme de réglementation, peut jouer un rôle d'observateur à ce stade de l'enquête, mais la responsabilité incombe tout d'abord à l'actuaire de la compagnie.
Le président : Monsieur McLeod, souhaitez-vous ajouter quelque chose avant de terminer?
Monsieur McLeod : J'ai fini, merci.
Le président : Je vous remercie. Veuillez nous excuser d'achopper sur un sujet aussi obscur.
Monsieur McLeod, nous sommes ici parce que nous nous intéressons aux consommateurs et non aux grandes compagnies. Nous voulons parler des consommateurs ordinaires, des gens d'affaires peu avertis, et non des grandes compagnies qui ont le personnel et les capacités pour débusquer et évaluer le risque.
Si je pense à toutes les polices d'assurance auxquelles j'ai souscrit jusqu'ici, je ne me rappelle pas avoir jamais demandé à un agent d'assurance automobile et d'assurance des biens de prendre ces risques à ma place.
Peut-on s'attendre à ce que le mandataire ou le courtier d'assurance dont on paie les services évalue les risques pour nous?
M. McLeod : Encore une fois, cela outrepasse les limites de ma compétence. Parmi les courtiers et les vendeurs d'assurance, il y en a d'excellents et de très qualifiés, mais comme dans n'importe quel secteur, certains sont probablement moins compétents que d'autres.
Je ne suis pas en mesure de me prononcer sur le niveau de qualité général. Il me manque des renseignements, des faits. La question est délicate, et je ne suis pas le mieux placé pour y répondre.
Le président : Nous essayons de donner aux consommateurs un moyen d'accéder à l'information. Je peux vous dire qu'à l'heure actuelle, nous sommes nombreux à nous demander si nous avons correctement évalué nos propres risques par rapport à une question cruciale comme celle de l'assurance. Nous ne cessons de nous interroger.
Nous vous sommes reconnaissants, à vous et aux témoins précédents, de nous avoir aidés à clarifier la nature des problèmes sur lesquels nous devrons nous pencher dans l'avenir.
Encore mille mercis. C'est ainsi que nous allons conclure nos travaux, sauf si le comité doit de nouveau tenir des audiences publiques sur la protection des consommateurs dans le secteur financier.
Merci d'avoir été notre tout dernier témoin et d'avoir eu l'amabilité de répondre à notre invitation.
La séance se poursuit à huis clos.