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Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule 5 - Témoignages du 1er décembre 2004 (après-midi)


WINDSOR, le mercredi 1er décembre 2004

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 13 h 56 afin d'examiner la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité pour le Canada et de faire rapport à ce sujet.

Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. J'ai le plaisir de vous souhaiter la bienvenue au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Aujourd'hui le comité recevra des témoignages dans le cadre de son examen de la politique de défense du Canada. Je m'appelle Colin Kenny. Je suis sénateur de l'Ontario et je suis président du comité. Nous accueillons cet après-midi M. Andrew Richter. Il est professeur adjoint des sciences politiques à l'Université de Windsor. Ses principaux domaines de recherche sont la politique de défense canadienne étrangère, la prolifération, et l'incidence des technologies de pointe sur l'emploi de la force. Son plus récent livre s'intitule Avoiding Armageddon : Canadian Military Strategy and Nuclear Weapons. Bienvenue au comité, professeur. Je crois savoir que vous avez une courte déclaration liminaire à nous faire, et nous vous cédons immédiatement la parole à cette fin.

M. Andrew Richter, professeur adjoint, Relations internationales et études stratégiques, Université de Windsor : Honorables sénateurs, distingués visiteurs, mesdames et messieurs, je voudrais tout d'abord remercier les membres du comité, et surtout le président, le sénateur Colin Kenny, de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Je voudrais aussi vous souhaiter la bienvenue à Windsor, et j'espère que vous allez profiter de votre séjour dans le sud de l'Ontario.

J'ai quelques brèves remarques liminaires à faire au sujet des choix qui s'offrent au gouvernement sur les questions liées à la défense nationale, après quoi je serai à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le Canada se trouve aujourd'hui à un tournant dans son histoire. Il peut soit recommencer à réinvestir dans ses forces armées et donc à reconstituer ses capacités de défense, soit déterminer qu'il n'a plus besoin de forces armées « polyvalentes et aptes au combat », pour reprendre l'expression du Livre blanc sur la défense de 1994, et procéder par conséquent à l'établissement d'une force constabulaire, comme l'ont recommandé de nombreux observateurs au moment du dernier examen de la politique de défense en 1994.

Je vous présente tout de suite ma position pour qu'il n'y ait pas d'équivoque possible. Un pays internationaliste riche et soi-disant actif comme le Canada, dont les traditions militaires remontent à plus d'une centaine d'années, qui est membre fondateur de l'Alliance de l'Atlantique et partenaire des États-Unis dans la défense de l'Amérique du Nord, et qui a fait d'énormes sacrifices au cours du dernier siècle, un pays comme celui-ci, dis-je, exige et mérite des forces armées modernes et bien financées. En fait, de plus en plus, les gens de toutes les allégeances politiques se rendent à l'évidence.

Ainsi il n'y a pas que les Conservateurs et les gens de droite qui revendiquent actuellement l'accroissement des dépenses au titre de la défense au Canada, de nombreux membres du Parti libéral et même du Parti néo-démocrate font cette même demande, puisque nous nous rendons tous compte qu'il y aura des conséquences — des conséquences négatives graves — si nous avons des forces armées faible et sous-financées.

Ceci dit, permettez-moi d'en venir tout de suite à mon principal argument. Depuis quatre décennies, les dépenses militaires, en tant que pourcentage des dépenses gouvernementales et du produit intérieur brut, sont en baisse au Canada. Ainsi le déclin actuel n'a pas commencé, comme semble le croire beaucoup de gens, en 1994, lorsque l'ancien premier ministre Chrétien a imposé les premières restrictions d'une longue série de contraintes budgétaires douloureuses touchant nos forces armées, mais plutôt dans les années 60, alors que les dépenses militaires ont été à toutes fins pratiques bloquées.

Cet état de choses a été le résultat des actions de premiers ministres libéraux et conservateurs, et en réalité, il n'y a pas eu de grande différence entre les mesures prises par les chefs des deux partis en ce qui concerne la défense — même si les premiers ministres conservateurs ont systématiquement parlé davantage des dépenses militaires que les premiers ministres libéraux, ce qui m'amène justement au présent.

Le ministère de la Défense nationale dispose d'un budget d'environ 13 milliards de dollars, grâce auquel il équipe et entretient un effectif d'environ 52 000 militaires. Il est clair qu'il s'agit là d'une somme considérable, et que les critiques ont tort de dire que c'est une misère. Ceci dit, le budget de défense correspond à seulement 1 p. 100 du PIB canadien, c'est-à-dire l'un des pourcentages les plus faibles du monde.

De plus, sur ces 13 milliards de dollars, environ 20 p. 100 — soit un peu plus de 2 milliards de dollars par an — sont réservés pour les biens d'équipement — c'est-à-dire 2 milliards de dollars pour acquérir de nouveaux avions, navires, pièces d'artillerie, d'hélicoptères, et équipement de surveillance et de reconnaissance, c'est-à-dire tout ce que requièrent des forces armées modernes. Donc, même si plusieurs milliards de dollars représentent beaucoup d'argent, cette somme n'est pas tellement considérable dès lors qu'on parle d'équipement militaire.

Le matériel militaire moderne coûte terriblement cher, et le budget canadien actuel au titre des biens d'équipement militaire est à peine suffisant pour permettre au Canada de moderniser ses forces armées. Les biens d'équipement que nous achetons maintenant doivent être payées sur de très longues périodes, ce qui permet d'expliquer les raisons pour lesquelles il n'est pas prévu que les sous-marins de la classe Victoria soient complètement remis en état avant 2010. Ainsi, il arrive souvent au Canada que l'équipement soit dépassé au moment où il devient opérationnel, étant donné que de nombreuses années se sont écoulées depuis que ce bien d'équipement est arrivé sur le marché pour la première fois.

À moins que le budget global du MDN ne soit considérablement augmenté dans les années qui viennent, les conséquences seront dramatiques. Déjà le ministère a annoncé un moratoire sur de nouvelles missions de maintien de la paix, étant donné que notre force terrestre est déjà utilisée au maximum. En plus des contraintes au niveau de notre effectif, la situation de notre marine et de notre armée de l'air est de plus en plus difficile. Les CF-18 de l'armée de l'air, même s'ils étaient modernes et performants au moment où on les a achetés, un peu plus d'une vingtaine d'années, sont actuellement tout à fait dépassés, et continueront de l'être, même après que le programme actuel de modernisation sera terminé.

Quant à la marine, même si j'ai affirmé par le passé dans mes écrits que c'est elle qui s'en sort le mieux par rapport aux trois éléments, là, aussi, il y a de graves problèmes d'équipement. Ses destroyers ont 35 ans et devront être mis hors service à la fin de cette décennie. Même les frégates, qui sont à bien des égards la fierté de nos Forces armées canadiennes dans leur ensemble, sont maintenant vieilles de plus de 10 ans, et tous s'accordent à dire qu'elles vieillissent plus rapidement que prévu.

Comme le savent bien tous les membres du comité, bien qu'il soit enfin question de remplacer les Sea King, ces hélicoptères qui sont déjà vieux de 40 ans devront rester en service pendant encore cinq ans avant que leurs remplaçants soient mis en service.

Le choix auquel le Canada est confronté est clair. Le MDN bénéficiera-t-il d'une augmentation importante de son financement, afin qu'il puisse commencer à reconstituer ses forces armées, ou son budget restera-t-il relativement inchangé, auquel cas le Canada ferait peut-être mieux d'opter pour une force constabulaire, puisque d'ici cinq à 10 ans, les biens d'équipement sur lesquels reposent les capacités militaires des Forces armées canadiennes seront véritablement rouillés.

Même si je reconnais que le gouvernement a de nombreuses dépenses prioritaires, il s'agit là à mon avis d'un secteur où nous n'avons vraiment pas beaucoup de choix. Tous les alliés du Canada et la plupart de nos ennemis dépensent davantage pour la défense que nous. Si, en tant que pays, nous voulons être pris au sérieux au XXIe siècle, notamment dans la foulée des événements du 11 septembre, et si nous souhaitons jouer, à l'échelle mondiale, les rôles que les Canadiens n'arrêtent pas de dire aux sondeurs qu'ils privilégient pour notre pays, nous n'aurons pas vraiment le choix : il faudra bien augmenter le financement de nos forces armées.

Je sais bien que ce n'est pas la première fois que le comité entend ce message, mais les Canadiens et leurs élus politiques doivent bien comprendre que nous commençons à manquer de temps. Parfois les États prennent des décisions, non pas par les mesures qu'ils prennent, mais par le refus de prendre des mesures. Je crains que le Canada soit sur le point de prendre une telle décision en ce qui concerne ses forces armées.

Il n'est pas trop tard pour changer le résultat, mais il est certain que nos Forces canadiennes en arrivent au point où certaines capacités de base disparaîtront bientôt, et une fois que ce sera produit, la décision aura été prise. Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le sénateur Cordy : Il est certain que notre comité a préconisé un accroissement du budget des forces armées, et comme je suis de Halifax, une collectivité militaire, je comprends très bien de quoi vous parlez. À votre avis, il nous faut combien d'argent pour bien financer nos forces armées, et quelles sont les grandes priorités? Si nous devions bénéficier tout d'un coup d'une injection de fonds au MDN, que devrions-nous acheter ou faire en premier lieu, ou faut-il surtout accroître l'effectif — ou encore toutes ces choses-là?

M. Richter : Les dépenses militaires au Canada diminuent depuis si longtemps qu'il est difficile de citer un chiffre quant au montant du budget approprié. Il y a quelques minutes, j'ai indiqué que les dépenses militaires correspondent à 1 p. 100 du PIB. La moyenne pour l'OTAN est de l'ordre de 2,2 p. 100. La plupart de nos alliés y consacrent plus de 2 p. 100. Les États-Unis dépensent systématiquement entre 3 et 4 p. 100. La plupart de nos ennemis sont au-dessus de 5 p. 100, et même 10 p. 100, dans bien des cas.

Un budget correspondant à 5 p. 100 du PIB représenterait une augmentation de 500 p. 100. Cela permettrait de faire monter le budget de la défense à environ 65 milliards de dollars. Mais cela ne se produira jamais; si l'on passait à 3,5 p. 100 du PIB, pour que ce soit à peu près ce que font les Américains, cela supposerait une augmentation de 350 p. 100. Cela nous amènerait à environ 45 milliards de dollars. Mais cela ne se produira pas non plus. Même si on voulait atteindre un niveau à peu près comparable aux budgets français et britannique, qui correspondent à un peu plus de 2 p. 100 du PIB, il faudrait un peu plus que doubler le budget actuel, de sorte qu'il se situe entre 25 milliards et 30 milliards de dollars.

Voilà qui me semblerait être un chiffre raisonnable. Pour les besoins du compte rendu, permettez-moi d'affirmer qu'un budget correspondant à 2 p. 100 du PIB me semble raisonnable. Je devrais sans doute vous dire cela. Je sais très bien qu'il est fort peu probable que nous ayons un tel budget, et donc je sais que cela ne se produira pas dans l'immédiat. Je sais aussi que ce comité, et d'autres encore, revendiquent depuis longtemps une augmentation des dépenses militaires, mais qu'il ne s'est rien passé. Par conséquent, je ne sais vraiment pas quoi vous dire. Tout le monde est d'accord. Non seulement ce comité sénatorial et d'autres comités sont d'avis que les dépenses militaires devraient être sensiblement augmentées, mais les universitaires et la communauté militaire sont généralement d'accord aussi.

Mais je ne sais pas exactement où cela nous laisse. C'est une question épineuse. J'aimerais que le budget soit sensiblement augmenté. Avant les élections, certains porte-parole du Parti libéral — et je ne me rappelle vraiment plus le nom de ces personnes pour le moment — déclaraient publiquement que les dépenses militaires devraient être sensiblement augmentées, mais cela ne s'est pas produit.

Le sénateur Meighen : M. Pratt.

M. Richter : Oui, qui était, si je ne m'abuse, le président du comité de la Chambre.

Le sénateur Cordy : En fait, il a été ministre de la Défense.

M. Richter : Oui, ministre de la Défense. C'est ça.

Le sénateur Cordy : Un exemple serait justement David Pratt, qui a fait des déclarations publiques à ce sujet. Il était ministre de la Défense et président du Comité de la défense nationale de la Chambre des communes, et il a certainement déclaré publiquement qu'il était très favorable à l'idée de relever les dépenses militaires, mais il n'a pas été réélu. Si c'est le cas, c'est peut-être à cause de la situation dans sa circonscription électorale, mais il est vrai que nous devons absolument tenir compte de l'opinion du peuple canadien quant à l'opportunité d'augmenter considérablement les dépenses militaires; comme vous le savez, nos comités de la défense sont d'accord pour reconnaître que nos forces armées ont besoin d'une injection de fonds, et pas juste ponctuels; il faudrait un financement approprié qui soit stable.

M. Richter : C'est pour cela que je ne sais pas dans quelle mesure il est utile que je vous dise combien nous devrions dépenser, parce que nous sommes tous d'accord ici, me semble-t-il. Ceci dit, vous soulevez un point important. M. Pratt n'a pas été réélu. Bien que je ne sois pas sûr que sa défaite ait été causée par sa revendication d'une augmentation des dépenses militaires, la question plus générale est celle de savoir quel niveau de budget conviendrait à la population canadienne, et j'ai un peu peur d'avoir à admettre que les Canadiens sont généralement assez d'accord pour garder le budget actuel, qui correspond à environ 1 p. 100 du PIB. En tout cas, je ne vois pas beaucoup de protestataires dans les rues d'Ottawa qui revendiquent la hausse immédiate du budget du MDN. En tout cas, je n'ai pas vu ça.

Mais cela ne veut pas nécessairement dire grand-chose, car parfois les sondages vous donnent les réponses que souhaitent obtenir les sondeurs. Par exemple, le National Post, un journal conservateur, a mené de nombreux sondages auprès des Canadiens qui indiquent que ces derniers souhaitent qu'on dépense plus pour la défense, selon la façon dont la question est formulée. Si on pose la question que voici : « Étant donné que la capacité militaire actuelle du Canada ne lui permet pas de faire grand-chose, seriez-vous en faveur d'une hausse du budget de la défense si cela devait nous permettre d'entreprendre des opérations de maintien de la paix dans les pays en développement et donc de contribuer plus efficacement à la sécurité de l'Amérique du Nord? », les répondants disent oui.

Le sénateur Cordy : Mais les Canadiens comprennent-ils vraiment que les opérations de maintien de la paix supposent que nos forces armées aient une capacité offensive? À mon avis, beaucoup de Canadiens pensent, quand on parle d'opérations de maintien de la paix, qu'il suffit de se rendre dans un autre pays et de montrer le drapeau, et que tout ira bien; je ne pense pas qu'ils comprennent vraiment que cela nécessite des forces armées solides et bien équipées. C'est quoi l'expression — qu'être Casque bleu n'est pas un travail de soldat, mais que seul un soldat peut être Casque bleu? Je ne suis pas sûre que les Canadiens comprennent bien cette réalité. Ils pensent que les opérations de maintien de la paix ne supposent pas des activités très structurées et qu'on n'a donc pas besoin de compétences militaires pour ce travail.

M. Richter : C'est en partie en raison de l'image des Casques bleus créée au fil de nombreuses décennies. Pendant longtemps, c'était partiellement vrai. Pendant plusieurs dizaines d'années, dans l'environnement de l'après-guerre, c'était vrai le plus souvent. Les Casques bleus ne portaient que des armes légères. Ils travaillaient dans une situation où une convention d'armistice était en place et où les parties antagonistes n'employaient pas la force.

Mais cet environnement a cessé d'exister après la guerre froide. On l'a vu dans plusieurs cas notoire, comme l'ex-Yougoslavie, la Somalie et la Bosnie, et depuis lors — je suis d'accord avec vous — il y a cette disjonction entre la réalité des opérations de maintien de la paix et l'image qu'en ont les Canadiens.

Mais ce n'est pas entièrement la faute du gouvernement. L'ex-ministre Axworthy parlait de rétablissement de la paix, de consolidation de la paix et d'imposition de la paix, avec l'idée de sensibiliser le public canadien au fait que la signification de ces termes évoluait, mais je ne pense pas que les Canadiens aient vraiment bien compris ce message. En même temps, même si l'ex-ministre Axworthy en a parlé, il était aussi responsable en partie des réductions budgétaires massives imposées systématiquement au ministère. C'est lui qui était ministre des Affaires étrangères. Même si ce n'était pas sa responsabilité précise, il a certainement joué un rôle. Le ministre disait que le Canada devait être plus actif dans ce domaine, mais en même temps les forces armées étaient privées des ressources dont elles avaient besoin, et comme tous les membres du comité le savent déjà, c'est entre 1994 et 1999 qu'il y a eu les plus fortes réductions budgétaires.

Je viens de vous dire que les compressions budgétaires sont une réalité depuis une quarantaine d'années, alors on ne peut pas dire qu'elles sont relativement récentes, bien que nous ayons connu les plus fortes compressions budgétaires pendant les années 90. Elles étaient effectivement massive, et non seulement elles ont été douloureuses mais elles ont eu des répercussions significatives. Nous arrivons à peine maintenant au point où nous dépensons environ ce que nous dépensions avant les compressions budgétaires.

Le sénateur Cordy : Pour en revenir à ce qu'on disait tout à l'heure, le public n'a pas tellement protesté devant ces compressions budgétaires.

M. Richter : Non, pas du tout.

Le sénateur Cordy : Je vous ai demandé tout à l'heure si vous aviez une priorité. Si vous aviez le pouvoir de déterminer le montant des dépenses militaires et que vous receviez une forte injection de fonds, quelles seraient votre ou vos plus grandes priorités?

M. Richter : Je me suis demandé à un moment donné si je devrais vous communiquer un article que j'ai rédigé pour une revue américaine il y a environ un an. J'ai décidé de ne pas le faire, parce que je pensais me cataloguer en quelque sorte, mais c'est peut-être ça que je devrais faire pour répondre à cette question. Mon article portait sur la nécessité d'accorder la priorité à la marine. Je l'ai rédigé pour une revue de défense américaine, et donc je disais essentiellement que le Canada ne dépense pas assez, comme je viens de vous le dire, bien entendu. Comme cela n'est pas susceptible de changer très bientôt, le ministère aura forcément des choix difficiles à faire. Je préfère qu'il n'ait pas à faire des choix difficiles, mais il sera probablement obligé de le faire si son budget n'est pas relevé.

J'ai indiqué dans cet article qu'à mon avis, la marine était sans doute l'élément le mieux équipé actuellement, comme je viens de vous le dire. Plusieurs raisons sous-tendent cet état de choses. Premièrement, elle a eu de la chance. La modernisation de la marine a tiré à sa fin juste avant les compressions budgétaires massives des années 90. Par exemple, comme chacun le sait, les frégates sont entrées en service vers la fin des années 80 et au début des années 90.

L'autre facteur important est le fait que les forces navales sont, de par leur nature, plurifonctionnelles, si bien qu'on peut les utiliser dans une vaste gamme de missions et d'opérations et ce, à mon avis, plus que les forces terrestres ou les forces aériennes — même si je ne suis pas sûr qu'on puisse vraiment soutenir cette position avec argument à l'appui, et on peut supposer que quelqu'un voudrait le faire. Par conséquent, on permet au gouvernement de définir plusieurs réponses différentes et on organise les forces navales en fonction des exigences.

Donc, ma réponse serait sans doute que la marine doit être la grande priorité, mais cela ne veut pas dire que je ne souhaite pas que le Canada possède une force aérienne ou une armée moderne et performante, et en fait, comme vous le savez, c'est au sein de l'armée qu'on va chercher les Casques bleus, et non pas au sein de la marine.

Le sénateur Cordy : Je n'ai pas votre document sous les yeux, mais à votre avis, devrions-nous nous spécialiser davantage?

M. Richter : Si le budget n'est pas sensiblement augmenté, je dirais que oui. Il faut que je dise oui. Il faudrait alors opter pour ce que certains qualifient de capacité « de créneau ». Je déteste cette expression, car à mon avis, le Livre blanc sur la défense de 1994 n'est pas tellement dépassé, bien qu'il ait 10 ans. C'est vrai qu'il y a eu depuis les événements du 11 septembre, et que ces événements ont eu des conséquences énormes, mais bon nombre des conclusions qu'on y retrouve sont probablement encore bonnes.

Je maintiens toujours que le Canada a besoin de forces polyvalentes qui soient aptes au combat. Sur le plan des menaces, l'environnement actuel n'est pas clair. La gamme de nos réponses et interventions doit être variable, et voilà pourquoi je préconise ce type de force.

Le sénateur Cordy : Ce qui semble se passer à l'heure actuelle, c'est qu'on accorde un certain budget au ministère de la Défense, et que nous nous organisons ensuite autour de ce budget. Je pense que vous seriez d'accord avec ce que nous disons — à savoir qu'il faut d'abord établir un plan, et ensuite fixer le budget qui correspond à ce plan. Plusieurs membres du comité — je n'en faisais pas partie — ont participé à l'élaboration des recommandations faites au gouvernement au début des années 90.

M. Richter : En 1994?

Le sénateur Cordy : Oui.

M. Richter : En 1994, le débat portait sur une vaste gamme de questions, y compris, évidemment, sur le type de forces dont le Canada devrait se doter, et beaucoup de témoins ont conclu ou plutôt proposé que le Canada opte pour une force constabulaire — c'est-à-dire, une force qui mènerait essentiellement des opérations de maintien de la paix. Le comité a finalement décidé que ce n'était pas une bonne idée et a donc préconisé le concept d'une force polyvalente apte au combat, mais le financement accordé ne cadrait pas avec cette conclusion-là. Le Livre blanc recommandait la création d'une force de ce genre, mais l'absence de soutien financier suffisant a essentiellement fait échec à cette recommandation.

Le sénateur Atkins : Quand nous avons publié notre premier rapport, qui recommandait une augmentation de 4 milliards de dollars et un effectif militaire de 75 000 personnes, quelle a été votre réaction?

M. Richter : C'était quand?

Le sénateur Atkins : L'an dernier.

M. Richter : J'étais évidemment en faveur. Ma principale inquiétude était de savoir si cet investissement de 4 milliards de dollars était purement ponctuel, et s'il serait retiré petit à petit par la suite. Ou cet investissement devait-il progresser dans les années futures?

Le sénateur Atkins : Oui, il devait progresser.

M. Richter : Dans ce cas, je peux dire que je suis tout à fait en faveur.

Le sénateur Atkins : Quand vous regardez l'état actuel de nos forces armées, diriez-vous qu'elles sont plurifonctionnelles? J'ai une autre raison de vous poser cette question.

M. Richter : Très bien. Allez-y.

Le sénateur Atkins : Nous sommes présents en Afghanistan, et en Haïti aussi. À votre avis, nos forces armées sont-elles suffisamment bien entraînées pour pouvoir faire face à deux situations si différentes?

M. Richter : En général, oui, mais si j'ai marqué une pause avant de vous répondre, c'est parce que ce n'est pas une question simple. Au fil des années, le Canada a effectivement cessé de mener des opérations de guerre à haute intensité. Nous ne participons plus à ce genre d'activités. Nous n'avons plus les capacités voulues pour le faire. Je dirais qu'il n'est pas sûr, d'ailleurs, qu'on puisse même participer à une mission exigeant des opérations de combat d'intensité moyenne. Je sais que la politique du MDN veut qu'on participe à de telles missions. Mais je ne suis pas tout à fait sûr qu'on soit encore en mesure de le faire.

Tout dépend de l'environnement qui existe sur le terrain dans le cadre de ces missions. Dans les deux exemples que vous citez — l'Afghanistan et Haïti — nos forces sont suffisantes, d'après moi, mais il est possible qu'une situation se présente où cela ne serait sans doute pas le cas — c'est-à-dire où nos forces seraient insuffisantes.

Par conséquent, les dirigeants des Forces canadiennes, qui sont excellents, à mon sens, font bien attention en choisissant le type de missions d'engagements auxquels peuvent participer les Forces armées canadiennes.

Le sénateur Atkins : Quant à la force plurifonctionnelle qui existe actuellement, on peut dire qu'une bonne partie de son matériel serait maintenant considéré comme étant dépassé ou archaïque ou comme ayant gravement besoin d'être modernisé. Si vous aviez la possibilité de choisir, dans quels types de matériels vous investiriez pour garantir nos capacités militaires futures?

M. Richter : Si nous voulions avoir une force véritablement polyvalente — et je tiens pour acquis que votre question repose sur cette hypothèse-là — il y aurait des exigences en matière de modernisation pour chacun des services. Comme je viens de vous le dire, la force aérienne et l'armée sont les plus mal équipées à l'heure actuelle, par rapport à la marine. Le matériel de cette dernière est en meilleur état, comparativement aux deux autres services. Le principal aéronef utilisé par la force aérienne est évidemment le CF-18, et elle possède également l'aéronef de transport Hercules.

L'Hercules est tout à fait dépassé à l'heure actuelle. Ces aéronefs ont maintenant plus de 40 ans. Les besoins en matière d'entretien sont énormes pour les garder en état de navigabilité. Ils sont trop petits. Tous les membres du comité savent qu'ils sont trop petits pour transporter une bonne partie du matériel des Forces canadiennes. On n'a pas pu s'en servir pour aller en Afghanistan. On a dû faire transporter notre matériel par les Américains. Voilà donc un besoin important, mais le fait est que les CF-18 ne sont guère en meilleur état.

Les CF-18 étaient la version originale A/B. Je ne sais pas dans quelle mesure le comité est au courant des différents programmes de modernisation américains. En tout cas, il s'agit du modèle A/B original. On a acheté ces avions au début des années 80 et on les a reçus vers le milieu des années 80. Les Américains se servent actuellement du modèle Super Hornet, c'est-à-dire de la version E/F. Vous aurez peut-être remarqué que j'ai dit « E/F », ce qui veut dire que je n'ai même pas parlé de la version C/D — c'est-à-dire le modèle qui a précédé celui dont ils se servent actuellement. Une fois ce programme de modernisation terminé, dans environ cinq ans, nous aurons à peu près atteint la norme C/D. Nous aurons donc atteint la norme que la marine américaine a abandonnée en 2000, parce que le F-18 est un aéronef naval.

Le sénateur Atkins : Et l'armée de terre?

M. Richter : Il y a eu énormément de changements au sein de l'armée ces dernières années, et bon nombre de ces changements ont été très positifs. L'armée est maintenant dotée du VBL III et du Coyote qui, d'après tout ce que j'ai lu à ce sujet, sont des véhicules très performants, et comme les Américains en achètent justement un certain nombre, en ce qui me concerne, c'est un peu comme un sceau d'approbation. Ils doivent être très bons. De plus, ils mettent de plus en plus l'accent sur une force dotée de véhicules sur roues en optant pour le Striker, un système de défense qu'adopte également l'Armée américaine. Donc, ils semblent être pleinement engagés dans un programme de modernisation, mais je ne suis pas sûr que le financement requis sera disponible.

Je n'ai pas vraiment de critique à formuler au sujet d'aucun de ces programmes. L'armée a pris la décision d'abandonner les blindés lourds, c'est-à-dire les chars d'assaut lourds. Ils ont encore les Léopards, mais ces véhicules sont maintenant dépassés et ils ont pris la décision de ne pas acheter de remplaçants. Je n'ai rien à dire à cette décision, parce qu'il me semble très peu probable qu'on demande au Canada de jouer un rôle qui exige la présence de blindés lourds.

Du côté de l'armée, donc, ça ne va pas si mal. Cela nous laisse la marine, et la marine s'en tire assez bien. Comme je vous l'ai déjà dit, les frégates sont en assez bon état, mais elles vieillissent. Je suis convaincu que le comité a déjà entendu tout cela. D'après ce que j'ai pu comprendre dans mes discussions avec des responsables de la marine, les frégates vieillissent un peu plus rapidement qu'on l'aurait cru au moment où on les a acquises. On dirait qu'elles vont avoir une durée de vie de 20 ans, ce qui veut dire qu'il leur reste encore 10 années, mais elles sont très bonnes. Les destroyers ne seront plus utilisés à compter de la fin de la présente décennie. Les destroyers sont importants parce qu'ils ont une capacité de commandement et de contrôle qui permet aux bâtiments de guerre canadiens de jouer un rôle de direction dans le cadre de groupes de travail multinationaux.

Si vous perdez les destroyers, vous perdez forcément cette capacité. Mais il est maintenant question que la marine transfère une partie de cette capacité de commandement et de contrôle à certaines frégates. Je ne prétends pas être un expert naval — je tiens à vous le dire — mais d'après ce que j'ai comprendre, ce serait possible mais difficile. Les frégates ont 20 p. 100 de moins d'espace que les destroyers. Il faudra donc bien entasser les choses pour tout faire entrer dans un plus petit navire.

La marine prend également des mesures à l'égard des navires de ravitaillement, qui sont essentiellement des bâtiments polyvalents. Il est prévu que ces derniers assument le rôle des navires de réapprovisionnement qui sont maintenant dépassés — je crois qu'il s'agit de la classe Protecteur — et qu'ils remplissent également d'autres fonctions liées, entre autres, au transport naval. Ils ont trouvé cette idée parce qu'ils craignaient de manquer de financement par la suite. Je sais que la marine étudie aussi les différents types de bâtiments qui pourraient être introduits après la mise hors service des frégates, mais ce ne sera pas avant 10 ans, et nous avons d'autres besoins plus pressants à remplir d'ici là.

En ce qui concerne les hélicoptères, d'après les meilleures évaluations que j'ai vues jusqu'à présent, ils entreront en service vers la fin de la présente décennie, ce qui veut dire que les Sea King auront été utilisés pendant 45 ans. Voilà qui devrait nous mettre dans l'embarras, mais je n'en dirai pas plus.

Le sénateur Atkins : Avons-nous pris la bonne décision en ce qui concerne le nouvel hélicoptère?

M. Richter : Je n'ai pas de raison de croire que nous avons pris la mauvaise décision. La procédure suivie pour adjuger le contrat avait de nombreuses faiblesses. Il est clair que différents responsables politiques ont beaucoup influencé les décisions prises au fil des années, et je suppose que le comité a déjà discuté de ce problème-là. Par exemple, vers la fin des années 90 ou au début du présent siècle, le contrat était séparé en deux parties : la première pour l'électronique, et la deuxième, pour la cellule. Tout le monde a dit à l'époque que ce n'était pas la meilleure solution, mais quoi qu'il en soit, tout cela est derrière nous maintenant, et j'ai l'impression que la décision qui a été prise était la bonne. Je n'ai pas de raison d'en douter.

Le sénateur Atkins : Et que feriez-vous en ce qui concerne les avions Hercules? Comment feriez-vous pour les remplacer, et est-ce que vous les remplaceriez?

M. Richter : Oui, je les remplacerais, mais uniquement s'il y avait l'argent nécessaire pour le faire. Il faut absolument disposer d'une somme suffisante. L'avion Hercules coûte cher. Il y a plusieurs possibilités. Encore une fois, je ne sais pas si le comité en a déjà discuté. Je suppose que oui, Premièrement, il y a une version plus moderne du C-130.

Le sénateur Atkins : Il est plus gros.

M. Richter : Il est plus gros, et plus cher, bien entendu; je pense que cet aéronef coûte 100 millions de dollars pièce, mais ne me citez pas. Il est plus gros, mais ce n'est tout de même pas un gros avion. Les Américains ont opté pour le C-17 fabriqué par Boeing, qui s'appelle le Globemaster, si je ne m'abuse. Il a été mis sur le marché il y a environ cinq ans. Cet avion coûte environ 250 millions de dollars pièce.

Je sais qu'il a été question que le Canada participe aux frais avec d'autres pays, mais voilà longtemps que je n'en entends plus parler. J'ai l'impression que cette proposition est lettre morte. Cela me semblait être une solution de remplacement raisonnable. De cette façon, chaque pays évite d'avoir à faire cette grosse dépense d'un seul coup, et de plus, la nature de cet aéronef est telle qu'on ne l'utilise pas très souvent. Donc, cette solution me semblait très sensée, mais j'ai l'impression qu'elle n'est plus à l'étude.

Le président : Vous avez dit tout à l'heure : « Ne me citez pas. » Je voulais simplement vous rappeler que ces audiences sont publiques et que vos propos sont transcrits. Par conséquent, si vous voulez nuancer un peu ce que vous avez dit il y a quelques minutes, je vous donne l'occasion de le faire tout de suite. C'est une réunion publique et les transcripteurs sont assis immédiatement à votre droite.

M. Richter : Non, je ne pense pas. Y a-t-il une information en particulier que vous pensiez que je voudrais éventuellement corriger?

Le président : Non, ce que vous avez dit me convient parfaitement, si telle est votre opinion. J'ai simplement relevé le fait que vous avez dit : « Ne me citez pas ».

M. Richter : Je voulais simplement dire par là que certains des chiffres que je vous donne peuvent ne pas être exacts.

Le président : C'est bien ce que j'avais compris, mais je voulais m'assurer que vous aviez bien compris la dynamique de cette réunion.

M. Richter : Oui, je comprends. C'est tout à fait raisonnable.

Le sénateur Atkins : Ma dernière question porte sur la Force de réserve. Comment s'inscrit-elle dans la structure militaire globale en ce qui concerne leur rôle futur?

M. Richter : À mon avis, la Force de réserve a un rôle important à jouer. On y a eu beaucoup recours au cours des 10 dernières années à cause de la réduction des effectifs militaires. Ces derniers sont en baisse depuis le milieu des années 80, étant passés de 80 000 ou de 90 000 à environ 52 000, si bien qu'il a fallu avoir recours à la Force de réserve pour combler l'écart. J'estime que cette dernière a des capacités intéressantes qu'il faudra maintenir à plus long terme, et il est donc important qu'elle soit bien financée, elle aussi.

Le sénateur Atkins : À votre avis, pourrait-elle accomplir des tâches spéciales dans un contexte national, ou doit-elle continuer à suppléer à une force plurifonctionnelle?

M. Richter : Comme beaucoup de gens, j'estime que l'idéal serait que la Force de réserve continue de constituer une force à laquelle on peut avoir recours en cas de besoin, et surtout pour remplir certaines fonctions intérieures. On ne devrait vraiment pas continuer à s'en servir, comme on le fait depuis une dizaine d'années, pour compléter notre force régulière ou pour participer à bon nombre de nos missions de maintien de la paix. Je ne connais pas le nombre exact, mais je sais que l'on introduit de plus en plus de réservistes dans la force régulière pour faire partie de forces de maintien de la paix. Telle n'était pas l'intention au départ, mais cela s'est produit simplement parce que la force régulière a sensiblement diminué en nombre.

Le sénateur Forrestall : Je suis un peu surpris de vous entendre dire que la Réserve ne devrait pas jouer le rôle d'une force d'appoint ou servir à compléter notre force régulière. J'aimerais qu'on en discute pendant quelques minutes encore, même si ce n'est peut-être pas très juste envers vous, car vous n'avez peut-être pas beaucoup réfléchi à cette question. Comment aurions-nous réussi à respecter les obligations à l'étranger contractées par les Forces canadiennes, de même que les différents rôles et tâches qui leur ont été accordés par le gouvernement, si nous n'avions pas pu faire appel à la Force de réserve pour renforcer nos effectifs? Aurions-nous été en mesure d'accepter les différents rôles que nous avons joués au cours des 10 dernières années, par exemple?

M. Richter : Non, pas du tout.

Le sénateur Forrestall : Et quelles en auraient été les conséquences, selon vous?

M. Richter : Les conséquences de ne pas avoir utilisé la Réserve?

Le sénateur Forrestall : Oui.

M. Richter : Eh bien, nous aurions été dans l'impossibilité d'accepter bon nombre de missions de maintien de la paix que nous avons entreprises. Je comprends votre question. Je ne voulais certainement pas laisser entendre que la Force de réserve n'est pas importante. Au contraire, je crois avoir dit qu'elle est importante.

Le sénateur Forrestall : Non, je n'avais pas compris que vous disiez qu'elle n'était pas importante, mais j'avais tout de même la nette impression que d'après vous, on ne devrait pas y avoir recours dans un contexte de combat.

M. Richter : C'est-à-dire que l'idéal serait de ne pas y avoir recours pour ces fins-là. L'idéal serait que la force régulière puisse jouer ce rôle. La Réserve doit surtout servir pour des tâches intérieures. Au cours des 10 dernières années, on a eu recours aux membres des Forces canadiennes pour remplir toutes sortes de tâches — pour l'intervention d'urgence lors d'inondations ou de tempêtes, et cetera. La liste est longue, et il est important de conserver certaines capacités militaires au Canada, et c'est la Réserve qui devrait normalement jouer ce rôle.

Le sénateur Banks : Je voudrais revenir sur les questions que vous posait le sénateur Cordy. Si vous étiez membre de la majorité — c'est-à-dire pas juste assis de ce côté-ci de la table, mais responsable ministériel — vous diriez en réponse à nous tous qui revendiquons plus d'argent pour les forces armées, y compris à ce comité, « Oui, tout le monde aime cette idée à part les citoyens. » Tout le monde approuve cette idée à part les citoyens, car comme vous l'avez dit vous-même tout à l'heure, quand le gouvernement a imposé des restrictions budgétaires, les gens ne sont pas descendu dans les rues pour protester, il n'y a pas eu d'éditoriaux dans les journaux à ce sujet, et on aurait dit que les Canadiens s'en fichaient un peu.

Ensuite nous avons parlé de sondages, et vous savez mieux que moi, j'en suis sûr, qu'on peut formuler des questions de façon à obtenir exactement les réponses qu'on veut obtenir dans un sondage d'opinion publique. Par exemple, comme vous l'avez signalé, si vous demandez aux gens : « Devrait-on mieux financer nos forces armées pour qu'elles soient mieux équipées et qu'elles puissent faire plus de choses? », tout le monde va évidemment vous répondre : « Oui, absolument. »

M. Richter : Oui.

Le sénateur Banks : Seulement, si vous leur posez la question qui découle logiquement de la première, à savoir : « Seriez-vous prêt à payer cette injection de fonds en réduisant les dépenses consacrées à d'autres programmes gouvernementaux? », la question piège par excellence, ou encore « Voulez-vous payer plus d'impôt? » ou une autre question encore, vous obtiendrez une réponse tout à fait différente de la part de vos répondants. Tout d'un coup. Ce ne sera plus une aussi grande priorité. Je sollicite vos commentaires à ce sujet. Il est vrai que les hommes et femmes politiques réagissent face aux pressions politiques. C'est l'évidence même, et dans des pays comme celui de nos voisins du Sud ou de nos voisins en Australie, qui sont conscients de la présence de danger très clair pour leurs nations, ils sont tout à fait disposés à soutenir ce genre d'initiative, y compris s'il faut payer plus d'impôt pour mieux défendre leur pays. Nous n'avons pas encore subi les contrecoups des menaces qui pèsent sur notre monde, et donc, accepterons-nous, en tant que nation, de supporter cette dépense avant de devenir nous-mêmes victimes?

M. Richter : Il n'y a pas de réponse facile face à cette situation. Les Canadiens ont de la chance de ne pas faire l'objet de menaces directes. D'ailleurs, voilà longtemps que c'est le cas. Bien sûr, on peut soutenir que le terrorisme constitue peut-être une menace directe, mais c'est une menace un peu moins immédiate que d'autres. Nous avons donc le luxe de vivre dans un environnement relativement sûr — certainement plus sûr que dans la grande majorité des pays, ce qui veut dire que nous avons jusqu'à un certain point le luxe de ne pas consacrer beaucoup d'argent à la défense.

Nous avons également le luxe, depuis 50 ou 60 ans, de pouvoir profiter de la structure globale de défense des États-Unis. Bien qu'on n'en ait pas beaucoup parlé, je pense que tout le monde avait bien compris ça, c'est-à-dire que les Américains nous défendraient. Ils nous défendraient qu'on le veuille ou non, je suppose, ce qui nous a, encore une fois, donné une certaine latitude.

Il est donc difficile de savoir combien d'argent les Canadiens devront consacrer à la défense, étant donné que nous ne faisons pas l'objet du même genre de menaces militaires que perçoivent d'autres pays ou d'autres citoyens, si bien qu'ils décident de réagir à ces menaces. Vous avez parlé il y a quelques instants de l'Australie. L'Australie a considérablement augmenté son budget de la défense ces dernières années. De fait, l'Australie a consacré plus de crédits à la défense, en tant que pourcentage du PIB, avant les événements du 11 septembre que nous, mais son budget correspond à présent à environ 2,5 p. 100 de son PIB.

Je ne sais pas si c'est ce que vous suggérez nécessairement, mais j'aimerais faire un commentaire plus général, à savoir que la répartition des deniers publics est une tâche difficile au Canada. J'en suis tout à fait conscient, et je sais que tout le monde en réclame. J'en suis parfaitement conscient. Quand vous demandez aux Canadiens : « Souhaitez-vous qu'on penche davantage pour la défense si cela signifie qu'il y aura moins de crédits pour le système de soins ou l'éducation? », par exemple, ils vous répondent par la négative. Je comprends très bien cette réalité.

Ce que nous pourrions faire — et là je m'écarte un peu du sujet — c'est prévoir une plus grande marge de manoeuvre au sein de notre système de soins de santé; ce serait possible, à mon avis. Le Canada est doté d'un système de soins de santé entièrement public. Tout le monde le sait. Nous consacrons 12,5 p. 100 de notre PIB au système de soins — le deuxième plus fort pourcentage du monde. Cet énorme gorille consomme des ressources faramineuses, et la demande va continuer à augmenter. Ça, c'est clair. Tant que cet animal sera à côté de nous, je dois dire que je suis d'accord avec votre analyse. Je ne sais pas où on trouvera l'argent pour accroître les dépenses militaires. Je ne vois pas trop comment ce sera possible, mais si l'on avait un peu plus de souplesse au niveau des dépenses sanitaires — c'est une possibilité parmi d'autres — de façon à avoir plus de marge du côté des dépenses, la situation serait un peu différente. Je ne pense pas qu'on envisage cette solution. Et je comprends très bien.

De plus, je vous fais remarquer que tous les grands partis politique au Canada, y compris le Parti conservateur du Canada, sont en faveur de l'actuel système de soins de santé, et par conséquent, ce que je viens de proposer ne se réalisera pas. Ce n'est pas possible.

Le sénateur Banks : Certains vous diraient que cette solution aurait peut-être pour conséquence de répercuter les coûts sur les citoyens.

M. Richter : Oui, je suppose.

Le sénateur Banks : La situation et l'attitude militaires d'un pays doivent — du moins en théorie — dépendre de ses politiques nationales, et s'agissant de missions extraterritoriales ou de corps expéditionnaires, là aussi, les décisions devraient normalement découler de la politique étrangère.

M. Richter : C'est exact.

Le sénateur Banks : Si cela est vrai, quelle est la politique national du Canada à cet égard à votre avis, et quelle devrait être sa politique; et le troisième élément de cette question est celui-ci : pensez-vous que nous devrions participer à des corps expéditionnaires, ou est-il préférable de nous concentrer sur la tâche quasi impossible — on a presque envie de rire — de défendre le Canada?

M. Richter : C'est une excellente question. Pour moi, les corps expéditionnaires sont encore importants, et nous devrions maintenir cette capacité. Je pense l'avoir même dit tout à l'heure, et cela va de pair avec une force plurifonctionnelle apte au combat. Ce que vous dites concernant le fait que la politique étrangère sous-tend la politique de défense est parfaitement vrai. La définition des forces de défense doit reposer sur la politique étrangère.

Le sénateur Banks : Eh bien, vous étudiez ce genre de choses. Disposons-nous d'une politique étrangère bien définie qui s'applique dans ce contexte?

M. Richter : Non, pas vraiment. D'autres vous diraient que oui. Depuis une dizaine d'années, notre politique étrangère est plus ou moins fondée sur les concepts de la sécurité humaine et du pouvoir discret. Ces termes ont été introduits dans notre langage par l'ex-ministre des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy, entre le milieu et la fin des années 90. Je ne sais pas dans quelle mesure le gouvernement y accorde beaucoup d'attention en ce moment. J'étudie ce genre de choses, et je peux vous dire honnêtement que je ne sais pas dans quelle mesure ces principes sous-tendent notre politique étrangère actuelle. Je ne suis même pas sûr qu'ils aient jamais sous-tendu notre politique étrangère, même à l'époque où on les défendait couramment, soit entre le milieu et la fin des années 90. Je n'en suis pas sûr, mais cela mis à part, je dois dire que je n'ai pas une idée bien définie de ce en quoi consiste notre politique étrangère. Vraiment pas.

Peut-être qu'elle commence à se définir un peu plus, étant le discours prononcé par le premier ministre il y a quelques mois — c'était devant les Nations Unies? Je ne me rappelle pas exactement.

Le sénateur Banks : Sur le droit d'intervention?

M. Richter : Oui, sur le droit d'intervention...

Le sénateur Meighen : À condition d'avoir les forces requises pour intervenir.

M. Richter : Oui, à condition d'avoir les forces requises; mais on parle tout de même du droit d'intervenir en cas de crises humanitaires et du fait que le Canada ne devrait pas respecter aveuglément la souveraineté d'un État, si cette dernière doit l'empêcher d'entreprendre ce type de mission. À propos, je vous fais remarquer — comme je l'ai fait il y a un an et demi — à mon sens, si l'on avait vraiment pris au sérieux cette question de la sécurité humaine, le Canada aurait sans doute dû soutenir les mesures d'intervention en Iraq, car aucune autre population nationale n'avait plus besoin d'intervention étrangère que la population de l'Iraq. Mais ça, c'est un lien qu'aucun membre du gouvernement n'était prêt à faire. Je vous dis cela en aparté. Je pense que c'est cela qui était peut-être évoqué dans l'allocution prononcée devant — était-ce devant l'Assemblée générale?

Le sénateur Meighen : Oui.

M. Richter : C'est ce concept qui est peut-être renouvelé maintenant, mais le sénateur Meighen a raison. Il faut posséder les forces requises pour faire quelque chose, quoi qu'il en soit.

Le sénateur Banks : À condition d'être prêt à enfreindre la règle 1 de la Charte des Nations Unies.

M. Richter : Oui, mais c'est de ça justement que parlait le premier ministre dans son allocution, n'est-ce pas? C'est-à-dire, la nécessité de contourner cette règle. Cette question suscite des préoccupations depuis une soixantaine d'années, car les Nations Unies reconnaissent la souveraineté des États par-dessus tout. C'est le facteur le plus important qui doit être respecté en tout temps.

Le sénateur Banks : Et tu n'interviendras pas.

M. Richter : Tu n'interviendras pas.

Le sénateur Meighen : Bienvenue, professeur. Je constate que l'après-midi passe très vite et que je suis dans un état un peu euphorique quand j'écoute quelqu'un dont les opinions correspondent généralement à la mienne, et je dois vous dire que j'ai beaucoup aimé votre exposé.

Pour revenir sur la question soulevée par le sénateur Atkins au sujet de la réserve, comme vous le savez, il y a cette vieille controverse concernant la loi américaine en vertu de laquelle les employeurs sont tenus de conserver le poste d'un réserviste — un peu comme cela se fait pour un congé de maternité, je suppose. Ils appellent ça un « congé militaire ». Au Canada, nous n'avons pas de telle loi, mais nous avons le conseil de liaison, qui semble faire du bon travail. Mais on continue à entendre les plaintes de certains qui nous disent : « Moi, je ne veux pas être réserviste. Je pourrais perdre mon emploi. » Quelle est votre position là-dessus?

M. Richter : Pour vous dire la vérité, je n'ai jamais entendu dire que cela posait problème au Canada. Si vous avez entendu autre chose, j'aimerais bien savoir quelles sont vos sources, parce que je ne suis pas au courant. Mais je sais de quoi vous parlez. Il y a effectivement une loi américaine qui a pris une très grande importance au cours de la dernière année, surtout que les réservistes sont actuellement déployés en Iraq.

Le sénateur Meighen : Oui, et ils restent longtemps là-bas.

M. Richter : Oui. J'ai lu beaucoup de choses concernant les difficultés que cela peut créer pour les employeurs si des cadres ou des dirigeants doivent s'absenter de leur emploi pendant des périodes de six mois à chaque fois, mais c'est ça que prévoit la loi aux États-Unis. Que je sache, cela ne pose pas problème au Canada, mais je suis peut-être mal informé.

Je devrais vous dire une chose, par contre. J'aurais peut-être dû le mentionner lorsque le sénateur Atkins me posait des questions à ce sujet. En toute sincérité, je n'ai pas fait beaucoup de lecture ni de recherche sur la réserve. Je voulais vous le dire. Je n'ai pas vraiment examiné en profondeur les problèmes liés à la réserve.

Le sénateur Meighen : C'est bien dommage que vous soyez obligé de partir pour donner un cours, car deux réservistes viennent justement nous parler tout à l'heure.

M. Richter : J'aurais certainement appris quelque chose.

Le sénateur Meighen : Il y a une école de pensée selon laquelle les États-Unis, étant la plus grande superpuissance du monde, et étant donné sa grande richesse, ont créé un écart technologique entre eux et les autres pays du monde que personne n'est en mesure de combler. Êtes-vous d'accord pour dire qu'ils auront beau essayer, personne n'arrivera dans un avenir prévisible à rattraper les Américains en ce qui concerne leurs capacités technologiques? Si vous êtes d'accord, ce n'est peut-être pas une si mauvaise chose que nous modernisions certains équipements militaires de façon à ce qu'ils atteignent le niveau de perfectionnement du matériel militaire américain il y a quatre ou cinq ans, car je suppose — je peux me tromper, et je vous invite à me dire ce que vous en pensez — que cette situation existe dans bien d'autres pays du monde, du moins dans l'Occident — et que ces autres pays sont, eux aussi, confrontés au problème qu'est cet écart qui se creuse.

Si c'est le cas, il s'agit de savoir ce que le Canada peut faire pour boxer dans une catégorie supérieure à son poids, comme on dit. Quand nous avons visité le CMR il y a quelques jours, on nous a dit que l'un des facteurs qui pourraient nous permettre de le faire serait d'avoir des forces armées très instruites, c'est-à-dire que tous les militaires auraient un grade universitaire et les officiers, des diplômes de deuxième ou de troisième cycle. Vous n'êtes pas sans savoir que c'est déjà le cas jusqu'à un certain point dans nos forces armées actuelles mais si on insistait beaucoup là-dessus, une telle orientation contribuerait à multiplier nos moyens d'action. Il y a peut-être d'autres mesures que nous pourrions prendre dont vous êtes au courant — par exemple, nous concentrer sur la guerre électronique. Je ne sais pas. Je vous lance des idées pour voir si vous avez quelque chose à proposer, à part une solution qui consisterait à trouver un créneau. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il nous faut une force plurifonctionnelle et apte au combat d'une certaine importance, mais pour que cette dernière puisse vraiment boxer au-dessus de son poids, il faut ajouter d'autres facteurs, tels que l'éducation, peut-être.

M. Richter : Votre question renfermait beaucoup d'éléments différents. J'ai bien noté tout cela. Il y a donc plusieurs choses que je voudrais vous dire. Il y a cinq ou six ans, j'ai fait une étude en profondeur de la RAM. C'est à titre de détenteur d'une bourse de perfectionnement postdoctorale à l'Institut des relations internationales de l'Université de la Colombie-Britannique que j'ai fait une étude de la réponse canadienne à la RAM.

Il s'agissait de l'une des premières études portant sur cette question. Je suis l'un des premiers universitaires canadiens à avoir examiné cette question. Voilà un moment que je n'ai pas réexaminé la question, et je ne sais pas si mes conclusions seraient tellement différentes aujourd'hui. Cet écart dont vous parliez est désigné par l'expression « révolution dans les affaires militaires » ou RAM au sein de la communauté de la défense et de la sécurité. J'ai d'ailleurs indiqué dans mon profil biographique que c'était l'un des domaines que j'avais étudié. Cela concerne l'emploi de la technologie pour les fins de la défense.

Les États-Unis sont essentiellement à l'origine de l'étude et de la mise en pratique de ce concept au cours des années 80 et 90. Vous avez demandé s'il existe un écart entre les Américains et les autres pays du point de vue du degré de perfectionnement de leurs technologies, et la réponse à cette question est oui, absolument; d'ailleurs, cet écart ne cesse de se creuser. Si je vous fais une telle affirmation, c'est parce que la RAM, le perfectionnement technologique et la conduite de la guerre dépendent de la présence de compagnies technologiques dans l'économie civile.

Dans le domaine des technologies de l'information, presque toutes les compagnies qui sont des chefs de file dans le monde sont américaines. Je peux aussi vous en citer une ou deux autres. D'ailleurs, à une époque, le Canada en avait une ou deux. Mais je ne pense pas que ce soit encore le cas. Nortel aurait été dans cette catégorie-là. Mais elle a ses propres difficultés actuellement et elle ne fait probablement plus partie de ce groupe. Ces compagnies américaines font ressortir l'importance de la révolution informationnelle qui donne lieu à RAM. Cet écart existe, et il est de taille.

Le Canada s'est mis tardivement à étudier la RAM. C'est l'un des éléments que j'ai examinés dans l'étude que j'ai menée il y a cinq ans. À mon avis, le ministère a été un peu long à y réagir, sans doute comme bon nombre d'autres pays. Les Américains avaient une bonne longueur d'avance — probablement cinq ou 10 ans d'avance — en ce qui concerne l'étude de la RAM, mais il reste que d'autres pays semblent avoir réussi à s'organiser plus rapidement que nous.

J'ai étudié le cas de l'Australie il y a cinq ans, et j'ai conclu que l'Australie avait non seulement étudié ce concept, mais avait élaboré un plan pour le mettre en pratique bien avant nous. Par conséquent, depuis environ 2000, le MDN étudie assez activement la RAM. Je tiens à vous le dire. J'ai fait la majeure partie de mon travail dans ce domaine en 1998 et 1999, avant que le MDN commence vraiment à insister là-dessus. Le travail d'analyse du ministère est bien entamé maintenant, mais il a tout de même été entrepris ici un peu plus tard que dans d'autres pays.

Dans votre dernière question, vous me demandez ce que le Canada peut faire face à ce problème. Eh bien, en réalité — et je tiens à ce que ce soit bien clair — le Canada est dans la même situation que bon nombre d'autres de ses alliés. Beaucoup de pays sont logés à la même enseigne. Les États-Unis sont en train de produire des forces armées supermodernes pour le XXIe siècle, et ils mettent leurs alliés au défi de faire comme eux. Ils nous disent essentiellement ceci : « Voilà les capacités de nos forces armées. Vous pouvez collaborer avec nous à des missions futures, mais il faudra que vos forces puissent interopérer avec les nôtres. » Cela ne suppose pas beaucoup de négociation, alors on peut soit accepter leurs conditions, soit décider de ne pas participer.

Il n'a pas toujours été ainsi. Les membres du comité savent sans doute que le Canada non seulement a participé à la guerre au Kosovo au printemps de 1999, mais a joué un rôle très important dans les missions de bombardement, mais ce qu'on a compris après coup, c'est que notre matériel de communications n'était pas à la hauteur. Les Américains ont dit haut et fort pas juste à cause des problèmes liés aux CF-18, parce qu'il y en a eu d'autres — que cela ne se produira plus jamais dès lors qu'il est question de coalitions. Cela ne les intéresse tout simplement pas de participer à des coalitions où ils doivent accepter que le matériel utilisé soit nettement inférieur à ses normes.

Dans les mois et les années qui viennent, il nous faudra définir notre rôle, mais c'est ce que devront faire tous les autres pays. Notre situation n'est guère différente de celle des autres, à l'exception peut-être du Royaume-Uni, car ce dernier est sans doute le deuxième pays du monde — avec les Israéliens, je suppose; ils sont donc trois — à fonder leurs forces armées sur les technologies de l'information. À part ces trois, les autres sont tous logés à la même enseigne. C'était une très longue réponse, et je ne sais pas si elle correspondait vraiment à ce que vous souhaitiez, mais j'espère que oui.

Le sénateur Meighen : Oui, tout à fait, sauf que vous n'avez pas réagi à l'affirmation qui nous a été faite par les responsables du CMR, selon lesquels l'une des façons de nous permettre de continuer de participer consisterait à avoir des militaires mieux instruits. Y a-t-il autre chose qu'on peut faire?

M. Richter : Vous avez parlé de militaires mieux instruits, mais jusqu'à un certain point, je pense que c'est déjà ça en réalité. Je n'ai pas de statistiques — je suis sûr que le CMR en aurait — sur le nombre d'officiers des Forces armées canadiennes qui possèdent un diplôme d'études supérieures. Je dirais que la proportion au Canada est sans doute l'une des plus fortes du monde. Elle est peut-être même la plus forte du monde, mais j'espère que le CMR pourra vous donner des statistiques précises à ce sujet.

Le sénateur Meighen : Est-ce une tendance qu'il faut encourager?

M. Richter : Je pense que oui. C'est quelque chose que nous avons déjà commencé à faire, et par conséquent, ce ne serait pas bien logique de changer d'orientation maintenant, alors qu'une bonne partie de cette infrastructure est déjà en place. Nous avons effectivement des forces militaires très instruites. Cela suppose nécessairement des frais de personnel, et nos officiers sont évidemment assez bien rémunérés. Mais comme la balle est déjà lancée, cela n'aurait pas beaucoup de sens de changer d'orientation maintenant et de passer à autre chose.

Le sénateur Meighen : On entend souvent la critique que le quartier général du MDN est trop lourd du haut. Je ne sais pas si cette critique est fondée ou non. Avez-vous une opinion à émettre à ce sujet?

M. Richter : Non. Quand vous dites « trop lourd du haut », voulez-vous dire que...

Le sénateur Meighen : Je veux dire par là qu'il y a beaucoup de double emploi, du côté à la fois civil et militaire, et que leurs procédures sont trop lentes et lourdes.

M. Richter : Je ne peux pas vraiment faire de commentaires à ce sujet. Ce n'est pas quelque chose que j'ai examiné de près. Ce que je sais, par contre, c'est que nous avons un grand nombre d'officiers ou de personnes au niveau supérieur, comme je l'indiquais tout à l'heure. C'est d'ailleurs ce qu'on appelle le rapport combattants/gratte-papier. Je suis sûr que vous en avez déjà entendu parler. Il s'agit du nombre d'officiers de cadre supérieur par rapport au nombre de combattants. Nous avons effectivement un grand nombre d'officiers supérieurs, comparativement aux membres de la force régulière; c'est ça le modèle.

Je ne sais pas si cette structure peut être considérée comme étant trop lourde du haut. Je ne suis pas en mesure de répondre à ce sujet.

Le sénateur Atkins : À mon avis, nous ne pouvons vous laisser quitter cette réunion sans vous poser la grande question de l'heure. Que pensez-vous du système de défense antimissile?

M. Richter : Vous n'êtes pas déjà au courant de ma position?

Le sénateur Atkins : Non.

M. Richter : J'ai écrit des articles à ce sujet. J'ai publié un article dans une revue britannique l'an dernier. J'en ai écrit un autre qui devrait bientôt être publié. Je suis en faveur du système de défense antimissile.

Le sénateur Atkins : Pourquoi?

M. Richter : Je pense que c'est dans notre intérêt à bien des égards. C'est dans notre intérêt stratégique. Le système de défense antimissile est axé spécifiquement sur la défense. C'est d'ailleurs cet élément-là qui entraîne souvent beaucoup de confusion chez les critiques de ce système. Ils pensent que c'est un système offensif, alors que le terme lui-même indique bien que c'est un système de défense.

Le Canada peut bénéficier d'un tel système. D'ailleurs, nous allons en bénéficier, que nous participions ou non à ce projet, car les Américains ont déclaré publiquement qu'ils défendront l'espace aérien canadien que nous collaborions ou non. Mais j'estime que les Canadiens devraient être des partenaires actifs, et non pas passifs, dans la défense de l'Amérique du Nord. Je pense que tous les membres du comité seraient d'accord là-dessus.

C'est donc dans notre intérêt stratégique, et ce qui est tout aussi important, c'est dans notre intérêt politique. La politique revêt une très grande importance dans le contexte du système de défense antimissile. Il est possible que les facteurs politiques soient aussi importants que les facteurs stratégiques.

Les Américains recherchent des partenaires politiques pour ce programme. Le gouvernement américain actuel — et là je m'écarte un peu du sujet — veut recruter des partenaires pour bon nombre de ses initiatives. Mais il est prêt à faire cavalier seul. Voilà pourquoi on les qualifie souvent d'unilatéralistes. Je ne pense pas qu'ils soient vraiment unilatéralistes. Ils veulent avoir des partenaires, mais ils veulent des partenaires qu vont essentiellement être d'accord avec ce qu'ils proposent. Les conditions ne sont pas souvent négociables, mais cela ne signifie pas qu'ils ne veulent pas de partenaires. Ils en veulent, et à mon avis, ils en veulent surtout dans le contexte du système de défense antimissile. Ils veulent pouvoir dire aux Européens que le Canada est avec eux. Les États-Unis se feront alors bien voir.

Ceci dit, le Canada en profiterait beaucoup, lui aussi, car à mon sens, nos relations politiques, militaires et économiques sont toutes étroitement liées, et je suppose qu'on a dû vous dire cela hier quand vous parliez de la frontière. Il y a des liens qui sous-tendent notre relation, et notre participation nous coûte rien, essentiellement. Ils ne nous demandent pas du terrain. Ils ne nous demandent pas des ressources financières. Ils nous demandent simplement un engagement politique.

Le sénateur Atkins : Ils nous demandent de mener des opérations de technique de localisation, n'est-ce pas?

M. Richter : Selon la structure actuelle, non. Il est possible qu'il ait besoin par la suite de se servir de notre territoire canadien, mais selon le système actuel, qui est déjà en voie de déploiement en Alaska, comme vous le savez certainement, la participation du Canada n'est aucunement prévue.

Le sénateur Atkins : Êtes-vous convaincu qu'ils réussiront à perfectionner suffisamment leur technologie pour qu'elle marche?

M. Richter : Oui, tout à fait. Je pense que c'est également leur principale préoccupation. C'est toujours là-dessus que portent les critiques formulées à l'égard du système de défense antimissile. On dit qu'il ne marchera pas. Eh bien, ce sont les Américains qui investissent dans ce système, alors qu'on les laisse déterminer s'il marche ou non. Comme je vous l'ai déjà dit, ils ne demandent ni nos ressources financières, ni notre expertise technique. Si c'était ça qu'ils nous demandaient, cette préoccupation serait peut-être fondée, mais ce sont les États-Unis au contraire qui fournissent la totalité des ressources.

À mon sens, il y a de fortes chances pour que ça marche, peut-être pas à 100 p. 100, mais à un degré suffisant pour que ce projet ait valu la peine.

Le sénateur Atkins : Ils ont eu des problèmes avec le missile Patriot.

M. Richter : Oui, en effet.

Le sénateur Atkins : Qui marchait bien, selon eux.

M. Richter : Oui, c'est vrai. Vous avez parfaitement raison. Je ne veux pas laisser entendre que ce système sera parfait. Il ne le sera pas. La technologie qui sous-tend le système de défense antimissile est extrêmement compliquée. Ils y travaillent depuis 45 ans, depuis la fin des années 50. Elle n'est pas encore parfaite, mais ils font sans arrêt des progrès.

Les Israéliens ont un système qui est utilisé pour protéger une bonne partie du périmètre du pays. Il s'agit du système Arrow, qui a été construit avec la collaboration et l'aide des Américains. Dans la mesure où ils en ont parlé publiquement, les Israéliens ont dit que ce système est assez efficace. Je suis convaincu que le système américain de défense antimissile se servira de certains éléments du système israélien.

Le sénateur Atkins : Avez-vous des commentaires à faire sur le NORAD?

M. Richter : Oui, je crois que le NORAD profite au Canada depuis 45 ans, et qu'il continuera à le faire. Le Canada doit être présent à la table du NORAD. Cette alliance nous apporte énormément d'avantages, et si jamais cette coopération cessait d'exister, ce serait à mon avis un bien triste jour pour le Canada.

Le sénateur Atkins : Si nous refusions de collaborer au projet de défense antimissile, pensez-vous que cela influerait sur notre relation en ce qui concerne nos discussions sur le NORAD?

M. Richter : C'est justement cette possibilité qui en inquiétait plus d'un il y a trois ou quatre ans, notamment que le NORAD soit affaibli au fil des ans, au point de n'avoir plus aucune raison d'être, si nous refusions de participer au projet de défense antimissile. Mais je n'en entends plus tellement parler, et ce pour plusieurs raisons. D'abord, les Américains ont créé plusieurs commandements militaires. Nous avons à présent NORTHCOM, qui est confronté à bon nombre de ces mêmes problèmes. Le Canada ne fait pas partie de NORTHCOM, mais nous y participons un peu à distance, si je puis dire.

De plus, le débat sur le système de défense antimissile n'est pas nouveau. La version actuelle du système de défense antimissile...

Le sénateur Atkins : Remonte à l'époque de Reagan.

M. Richter : Non, pas tout à fait. À cette époque-là, il s'agissait plutôt de l'IDS, mais la version actuelle de ce système remonte au milieu des années 90. Le rapport Rumsfeld est sorti en 1998. Ça, c'était avant que Donald Rumsfeld ne devienne secrétaire de la Défense. Il a présidé un comité chargé d'étudier les nouvelles menaces dont font l'objet les États-Unis en ce qui concerne l'utilisation des missiles.

Le président Clinton a adopté la National Missile Defense Act en 1998 ou 1999, si bien que cette question est à l'étude au Canada depuis environ six ans. Ce que je ne comprends pas, c'est que certains critiques de ce système disent qu'il ne faut pas se laisser bousculer et qu'on nous force à prendre une décision trop vite. Le fait est qu'on en parle depuis six ans.

Pour vous dire la vérité, en ce qui me concerne, les Américains ont fait preuve d'une patience extraordinaire à notre égard. Vous pouvez citer mes propos à cet égard — je maintiens ce que je dis. Ils ont fait preuve d'une patience extraordinaire en ce qui concerne la réponse du Canada au système de défense antimissile. Que je sache, ils ne nous bousculent pas du tout. Peut-être que ce comité en sait plus que moi, mais d'après tout ce que j'ai lu qui est du domaine public, ils ne font pas pression sur nous.

Le sénateur Forrestall : Je voulais vous poser une question ou deux au sujet de la réserve, et sur les éventuelles fonctions qu'elle pourrait remplir à l'avenir, à part celles qui consistent à soutenir les autorités civiles. Que pensez-vous de l'idée d'y avoir recours pour assurer la défense de nos côtes, et pour compléter les effectifs d'organismes de défense des transports maritimes comme la Garde côtière canadienne et la GRC? Vu l'importance de nos côtes, du fleuve Saint-Laurent et des Grands Lacs, la réserve pourrait-elle jouer un rôle dans la défense côtière?

M. Richter : Permettez-moi de répéter que je n'ai pas consacré beaucoup de temps à l'étude de la Force de réserve. Je suppose que ce serait possible. Le rôle de notre Force de réserve n'est pas à ce point clair qu'il serait impossible de l'élargir. Je sais que la situation actuelle de la Garde côtière canadienne est difficile. En juin dernier, j'ai assisté à la conférence sur la puissance maritime qui s'est tenue à Halifax. Peut-être que certains membres du comité sont au courant. Lors de cette conférence, il a beaucoup été question des gardes côtières américaine et canadienne et des différences entre les deux, qui sont assez considérables.

J'ai entendu une statistique intéressante que je devrais peut-être partager avec vous. À elle seule, la Garde côtière américaine constitue la quatrième ou la cinquième plus grand marine du monde. C'est ce que j'ai entendu à la conférence, alors si cette information est inexacte, je pourrai toujours blâmer le fonctionnaire qui m'a communiqué cette information.

La Garde côtière canadienne est évidemment loin d'être aussi importante, et cela suppose certaines conséquences. Les membres du comité ne sont certainement pas sans savoir que les frégates et les destroyers ont été utilisés pour mener des opérations de surveillance de la pêche. Ils sont bien obligés d'y avoir recours parce que la Garde côtière n'a pas suffisamment de navires pour lui permettre d'entreprendre de telles missions, afin de s'assurer que les eaux situées au large des Grands Bancs de Terre-Neuve ne font pas l'objet d'une surpêche. Nous devons avoir recours à nos navires de guerre pour remplir de telles fonctions.

Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question, mais disons que je n'ai pas d'opinion bien arrêtée au sujet de la Force de réserve.

Le président : Merci, monsieur Richter. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris le temps de nous rencontrer. Vos observations seront d'une grande utilité et nous vous remercions de votre aide.

Honorables sénateurs, nous accueillons maintenant notre prochain témoin, le lieutenant-colonel Ron Trottier. Il participe aux opérations des Forces armées canadiennes depuis plus de 38 ans. Il a participé aux mesures d'intervention locales chaque fois qu'on a eu recours à nos forces armées pour aider durant une crise, et il a été pendant deux semaines le commandant adjoint de la Compagnie de réaction rapide à Cornwall pendant la tempête de glace de 1999. Il est commandant du Régiment de Windsor depuis octobre 2003.

Nous accueillons également le lieutenant-colonel Phillip Berthiaume. Il s'est joint aux Forces canadiennes en 1971 à titre d'officier d'infanterie. Il a d'abord été affecté au Premier bataillon du Régime royale du Canada. Il a ensuite été muté à la Réserve primaire en septembre 2000, après plus de 28 ans de service. C'est à cette époque qu'il a entamé une deuxième carrière, à titre de coordonnateur de la gestion des urgences pour le comté de Essex. Il est commandant du Essex and Kent Scottish Regiment depuis juin 2001.

Nous accueillons également le Cdt Chris Ross. Le Cdt Ross a assumé le commandement du NCSM York en juillet 2004. Il avait été précédemment le commandant du NCSM Goose Bay, un bâtiment de défense côtière maritime. Pendant la période de son affectation au NCSM Goose Bay, il a participé à de nombreuses missions d'entraînement et opérationnelles aux Caraïbes, en Europe, et dans l'Arctique canadien.

Messieurs, permettez-moi tout d'abord de vous remercier d'avoir abandonné vos autres activités pour venir nous rencontrer. Nous comprenons à quel point les réservistes sont sollicités, et donc vous demander de comparaître à cette heure de la journée et, dans votre cas, commandant, dans cette ville, suppose des efforts considérables que le comité apprécie énormément. Nous croyons savoir que vous avez une brève déclaration à faire.

Le lieutenant-colonel Phillip Berthiaume (Rés.), Essex and Kent Scottish Regiment : Sénateur Kenny, comme le commandant Ross était le dernier arrivé, nous avons décidé que l'officier supérieur ferait d'abord sa déclaration, et nous suivrons l'ordre traditionnel par la suite.

Le président : Très bien. Vous avez la parole, commandant.

Le capitaine de frégate Chris Ross (Rés.), NCSM York : L'office supérieur se présente devant vous. Monsieur le président, sénateurs, et invités, merci de l'occasion de comparaître devant le comité. Je suis très heureux de participer à ce processus, et j'ai hâte de voir les résultats du travail du comité.

Je voudrais commencer par vous donner un bref aperçu de mes antécédents, pour que vous puissiez mieux comprendre l'expérience sur laquelle reposent mes réponses à vos questions. Je suis membre de la Réserve navale depuis plus de 18 ans, ayant été réserviste à temps partiel, appelé la catégorie A, à du NCSM Scotian pendant les huit premières années. Depuis maintenant 10 ans et demi, je suis réserviste à plein temps et j'ai passé presque huit ans au cours de cette période à bord de différents navires; depuis quatre ans, j'ai le plaisir d'être le commandant des navires de la classe Kingston.

Avec l'équipage de mon navire, j'ai dirigé des opérations intérieures de concert avec d'autres ministères gouvernementaux; j'ai pris part à je ne sais plus combien de déploiements pour des fin d'entraînement, y compris à un projet dans l'Arctique Sud; et j'ai participé à deux exercices multinationaux de lutte antimines, l'un au large de la côte des États-Unis, et l'autre, dans des eaux européennes.

Depuis que j'ai quitté mon dernier poste en mer — et ça fera malheureusement deux ans la semaine prochaine — j'ai occupé un poste d'état-major à Halifax, mais dès cet été, j'ai assumé le commandement du NCSM York, la division de la Réserve navale de Toronto.

La Réserve navale compte un peu moins de 4 000 membres. Ces hommes et ces femmes servent actuellement dans 24 divisions de la Réserve navale, dans cinq quartiers généraux, dans six écoles, à bord de 10 navires, et au sein de deux unités de plongée de la flotte, et ce dans toutes les régions du Canada. Environ 1 200 membres de la Réserve navale travaillent actuellement à plein temps dans un service de réserve de la classe B ou de la classe C.

La mission de la Réserve navale consiste à fournir au Commandement maritime du personnel qualifié lui permettant de doter ses unités combattantes et de soutien afin que le Canada puisse atteindre ses objectifs en temps de paix, de guerre et de crise. Il convient de noter que la Réserve navale joue un rôle unique au sein des Forces canadiennes, puisqu'elle apporte à la classe Kingston une expertise en matière de lutte antimines et de patrouille côtière. Cette expertise n'existe pas au sein de la force régulière. En l'absence de la Réserve navale, cette mission critique ne pourrait être remplie.

Il convient également de vous faire remarquer que la classification liée au contrôle naval de la navigation commerciale a récemment été modifiée et inclut désormais le poste d'officier du renseignement de la Réserve navale.

La Réserve navale s'est vu confier la tâche précise de fournir du personnel pouvant servir à bord de 10 navires et au sein de quatre unités non permanentes de coopération et d'orientation navales pour la navigation commerciale, ce qu'on appelle le CNNC, et de deux équipes permanentes et quatre équipes non permanentes de plongée chargées de l'inspection des ports. À titre d'information, les unités non permanentes ne sont pas dotées d'un effectif en tout temps. Elles sont mises sur pied au besoin, par suite de la réaffectation de personnel ayant rempli d'autres fonctions précédemment. Il s'agit de personnes émanant du service de la classe A, ou des réservistes à temps partiel.

Une deuxième mission de la Réserve navale, par l'entremise des divisions de la Réserve navale, consiste à représenter la marine dans tout le Canada. Nous nous acquittons de cette tâche en recrutant activement du personnel dans chacune des localités, afin de maintenir la présence navale grâce à nos relations avec la collectivité et le travail que nous effectuons de concert avec d'autres ministères fédéraux pour venir en aide aux citoyens lors d'urgence.

La Réserve navale assure une présence à Toronto depuis plus de 80 ans, et le NCSM York est entré en service en 1942. Je m'excuse de parler de Toronto alors que nous sommes à Windsor, mais c'est ma ville natale. L'effectif de Toronto comprend ceux qui travaillent à plein temps à bord du NCSM York ou ailleurs, et des gens qui, pour diverses raisons, sont provisoirement dispensés d'exercices militaires et d'entraînement avec les autres membres de l'unité.

Notre effectif comprend donc des officiers des opérations maritimes de surface et sous-marines comme moi-même, des officiers de la logistique, des officiers du CNNC ou des officiers du renseignement, de même que les différents métiers qui sont requis pour soutenir la mission première du NCSM York, à savoir la constitution d'une force, c'est-à-dire le recrutement et l'entraînement de personnel apte à remplir les missions de la Réserve navale.

Du côté du recrutement, les objectifs nationaux fixés en matière de recrutement cette année sont les suivants : 467 sous-officiers et 74 aspirants officiers. Quant au NCSM York, nous visons le recrutement de 25 sous-officiers et de deux aspirants officiers. Dans bien des cas, on nous permet de dépasser ce nombre, mais il faut à ce moment-là obtenir la permission du quartier général. Depuis le 1er avril, notre recruteur a eu des contacts avec 300 postulants. Au cours de cette même période, nous avons transmis 62 dossiers au Centre de recrutement de Toronto. Sur ce nombre, six personnes ont été recrutées, 15 dossiers sont encore en voie de traitement, et 41 dossiers ont été fermés, soit pour des raisons de retrait volontaire, soit parce qu'on estimait que les candidats n'avaient pas les qualités requises.

En ce qui concerne l'entraînement, voilà ce à quoi participent les nouvelles recrues lorsqu'elles se présentent au NCSM York. Nous organisons ce que nous appelons des « soirées d'entraînement » ou des « week-ends d'entraînement ». Nos membres assurent le soutien administratif requis pour les activités d'entraînement et dispensent l'enseignement, ou encore font partie des étudiants. Les différents types de formation sont comme suit : la formation distributive ou à distance, en prévision du prochain cours formel; la formation en cours d'emploi, qui permet de compléter le dernier cours formel suivi; et la formation continue ou opérationnelle, qui vise à maintenir les compétences déjà acquises.

La formation opérationnelle est continue et dispensée sur une base régionale et met l'accent sur la place qu'occupe le membre au sein de l'équipe. Cette formation peut être assurée au sein de l'ADRN, à un autre établissement de formation, ou en mer. Notre deuxième mission consiste à renforcer la présence de la marine à Toronto, dont je vous ai parlé tout à l'heure.

J'aimerais vous signaler rapidement ce qui constitue à mon avis des défis pour nous au NCSM York. Le recrutement pose problème. Le maintien en poste de personnel qualifié pose également problème, et il en va de même pour la fourniture de possibilités robustes de formation et d'entraînement, vu les ressources dont dispose l'unité de Toronto, le NCSM York et la marine en général.

En conclusion, le NCSM York et les autres divisions de la Réserve navale génèrent des réservistes navals pour les formations opérationnelles, soit les forces maritimes de l'Atlantique et les forces maritimes du Pacifique. Nous fournissons une expertise civile et militaire qui n'existe qu'au sein de la Réserve navale, nous permettant ainsi d'apporter une contribution critique à la sécurité intérieure et internationale.

Nous sommes actifs au sein de la ville de Toronto et cherchons constamment à nouer des liens avec d'autres entités locales, à la fois privées et gouvernementales, avec lesquelles nous partageons un intérêt pour la communauté maritime.

Le lieutenant-colonel Ron Trottier, Régiment de Windsor : Monsieur le président, je suis le commandant du Régiment de Windsor, soit le Corps blindé royal canadien. Je suis honoré d'avoir aujourd'hui l'occasion de comparaître devant le comité pour vous parler de mes expériences en tant que commandant au sein de la Réserve et pour répondre à vos questions sur le rôle des réservistes dans les opérations de défense.

Le Régiment de Windsor constitue l'une des 17 unités de reconnaissance blindée de la Réserve dans tout le Canada et l'une de seulement deux unités de reconnaissance blindées du 31e Groupe-brigade du Canada, dont le quartier général est situé à London. Ce régiment a été mis sur pied en 1936 à titre du premier régiment blindé canadien constitué à partir d'officiers et de sous-officiers supérieurs du Essex Scottish Regiment. Par conséquent, nos liens avec la collectivité et notre participation remontent au milieu des années 1800, par le truchement de notre unité mère.

L'une de nos grandes forces est le sentiment que nous avons tous à Windsor d'appartenir à une grande famille. Notre famille régimentaire élargie comprend trois, et bientôt quatre, corps de cadets affiliés. Nous avons le Corps de cadets no 202 des cadets royaux de l'armée canadienne dans la ville d'Amherstburg — ils élargissent actuellement leurs activités pour comprendre la localité d'Essex — le Corps de cadets no 1112 dans la ville de Tecumseh, le Corps de cadets no 2828 à Windsor.

Nous disposons donc d'une association régimentaire dynamique, d'un conseil régimentaire très actif, d'un conseil de SMR sortants, d'une étroite relation avec la Section 578 de la Légion royale canadienne, fondée par les sous-officiers supérieurs du Régiment de Windsor en 1956, et d'étroites relations avec les Royal Scots Dragoon Guards en Écosse. La devise de notre régiment qui est semper paratus, ce qui veut dire « toujours prêts » s'appuie sur la devise du Essex Scottish Regiment et elle est considérée comme la priorité des priorités dans tout ce qu'entreprend le régiment.

Ma mission consiste à gérer des soldats, à la fois des renforts individuels et des éléments de sous-unités bien entraînés pour mener des opérations intérieures et internationales.

Voilà ce que je considère comme étant mes premières responsabilités relatives à l'exécution de cette mission : former des soldats aptes au combat et perfectionner leurs compétences afin qu'ils puissent être intégrés de façon sûre et efficace dans les missions opérationnelles de la force régulière; être prêts à fournir des soldats pour les fins d'opérations intérieures, conformément au plan de circonstances RAPTOR; s'assurer que toute la formation est assurée de la manière la plus économique et efficace possible; fidéliser les soldats actuellement en poste et réduire le taux de départ en continuant à fournir des possibilités de formation et d'entraînement réalistes et intéressantes, conformément à notre plan de formation quinquennal régimentaire; accroître l'effectif de mon unité en recrutant des candidats de haut calibre, grâce à un programme dynamique d'initiatives de soutien et de recrutement intensifs dans les corps et de cadets et les garnisons, ce travail étant coordonné par le CRSC; coordonner et offrir des possibilités de formation et d'entraînement collectives qui mettent l'accent sur des tactiques interarmes; prioriser et dispenser des cours de formation individuels aux niveaux de l'unité et de la brigade, régionaux et nationaux, selon un système rigoureux de formation en fonction des besoins, et ce conformément au TEDRAT, soit le Tableau d'effectifs et de dotation de la Réserve de l'armée de terre, et aux exigences dans la Liste des qualifications de l'armée; favoriser et entretenir des relations positives avec l'ensemble des localités avoisinantes, grâce à une forte présence dans les localités et à une participation permanente aux activités de ces dernières, étant donné les liens entre le 31e Groupe-brigade du Canada et le programme communautaire; et enfin, continuer à élaborer et à peaufiner le plan de relève de l'unité et à favoriser le soutien des objectifs et des programmes du CLFC, au sein à la fois de l'unité et du milieu des affaires locales.

Je voudrais vous faire part de certains faits concernant le Régiment de Windsor : notre effectif total est actuellement de 118 soldats, soit 15 officiers. 16 sous-officiers supérieurs, et 87 autres rangs. Sur notre effectif total, nous avons 101 hommes et 17 femmes. À l'heure actuelle, nous avons également quatre membres de l'effectif organique de la force régulière, soit un officier, un adjudant, un sergent, et un caporal-chef; nous avons 109 soldats de la classe A. Nous avons également quatre soldats de la classe B, et cinq soldats qui travaillent en dehors du Régiment.

Le budget de fonctionnement du Régiment pour l'année financière 2004-2005 est de 976 817 $. Il est ventilé comme suit : les coûts de la formation et de l'entraînement individuels se montent à 395 000 $, soit environ 40 p. 100 de notre budget; les coûts de formation et d'entraînement collectifs se montent à 320 000 $, soit 33 p. 100 du budget; nos frais de fonctionnement et d'entretien, y compris pour notre salle de garnison et des rapports combinés, sont de 180 000 $, soit 19 p. 100; et enfin, notre formation de liaison communautaire, cérémoniale et obligatoire coûte 80 000 $, soit 8 p. 100 du budget.

Le Régiment de Windsor continue de soutenir les déploiements opérationnels en y contribuant des renforts individuels, comme l'indique la participation de trois de nos membres à l'opération ATHENA Rotation 0 en Afghanistan l'an dernier, et d'un membre à l'opération ATHENA, mais malheureusement, il nous a été impossible de contribuer des sous-unités qualifiées, en raison de la non-disponibilité de postes dans des corps blindés parmi les possibilités d'emploi actuellement offertes et qui concernent surtout l'infanterie.

Le personnel de notre régiment a grandement participé à l'ensemble des opérations intérieures, y compris un contingent de 20 hommes pour prêter main-forte à l'opération RÉCUPÉRATION pendant la tempête de verglas, et nous avons également contribué du personnel lors des inondations causées par la rivière Rouge et lors du Sommet de l'OEA tenu à Windsor en 2000.

En ce qui concerne notre régiment, parmi les grands défis que nous avons à relever, notons le maintien en poste et la fidélisation de nos soldats qualifiés, le recrutement annuel d'un nombre suffisant de candidats de calibre élevé qui resteront au sein du régiment pendant toute leur carrière, atténuant ainsi les effets de l'inévitable usure des effectifs causée par le départ de certains membres du personne pour occuper des postes civils ou pour faire des études, ou parce qu'ils sont mutés à la force régulière, et enfin l'obtention de l'appui des employeurs civils et gouvernementaux dans notre localité qui permettra aux réservistes de profiter pleinement des nombreuses possibilités qui existent actuellement.

Le principal rôle que joue la Force de réserve au sein de la collectivité consiste à promouvoir l'éthique militaire auprès de tous les citoyens, qu'ils soient jeunes ou vieux. Cette promotion passe par la formation et l'éducation de soldats et, indirectement, leurs familles et amis, à qui nous cherchons à communiquer ce que c'est que d'être des citoyens responsables de leur collectivité et de leur pays.

Au cours des 38 années que j'ai passées au Régiment de Windsor, j'estime avoir communiqué une attitude morale positive, le sens des responsabilités et la vraie signification de notre identité canadienne à plus de 11 000 jeunes et à d'innombrables amis et familles.

Le lcol Berthiaume : Monsieur le président, je peux maintenant admettre que je ne suis peut-être pas si fou que j'en ai l'air puisqu'en ayant permis aux régiments supérieurs de passer avant moi, je peux maintenant écouter mes remarques et me concentrer sur les différences entre nous, plutôt que les similitudes; et comme vous l'aurez certainement compris après avoir écouté les deux messieurs qui ont pris la parole avant moi, il y a énormément de similitude entre les différents services de la Réserve, qu'on parle des préoccupations de l'armée ou de la marine ou de la question centrale de la formation et de l'entraînement.

J'ai actuellement le privilège de commander une unité de réserve d'infanterie légère de l'Armée canadienne, l'une des six unités de réserve d'infanterie du 31e Groupe-brigade du Canada, dont le quartier général est situé à London. L'histoire de notre régiment remonte aux années 1700, mais officiellement à 1885. Je suis sûr que si le comité tient sa réunion dans la salle Dieppe avec, de l'autre côté de la rivière, un pays avec lequel nous partageons tant de choses depuis plus de 300 ans, ce n'est certainement pas une coïncidence. Notre devise est semper paratus, toujours prêts, et des régiments qui existaient autrefois ont été constitués le Régiment actuel des Essex and Kent Scottish ainsi que le Régiment de Windsor.

Notre mission, comme le colonel Trottier vous l'a déjà expliqué, consiste à générer des soldats pouvant entreprendre des tâches opérationnelles, au Canada et à l'étranger, à la fois des renforts individuels et des unités complètes, jusqu'au niveau du peloton. Mes principales responsabilités sont les mêmes que le colonel Trottier vous a déjà indiquées.

Dans mon unité, j'ai actuellement 142 soldats qui travaillent à partir de deux manèges, une nouvelle installation mixte de formation et d'entraînement que nous avons eu la grande chance d'obtenir ici dans la ville de Windsor, et un autre manège dans la municipalité de Chatham-Kent. Pour l'année de fonctionnement, de formation et financière 2004-2005, j'ai un budget de fonctionnement qui dépasse légèrement 1 million de dollars, soit 1 073 000 $. Quarante-sept pour cent de ce budget seront consacrés aux coûts de formation individuelle. Il s'agit de cours individuels et de formation de qualification pour nos soldats. Pour ce qui est de la formation collective, c'est-à-dire la formation donnée le week-end et celle qui porte sur les opérations combinées, 37 p. 100 de notre budget sont consacrés à cette activité-là. Nos coûts de fonctionnement et d'entretien correspondent à seulement 10 p. 100, et notre formation de liaison communautaire, cérémoniale et obligatoire représente 6 p. 100 de ce budget d'un peu plus de 1 million de dollars.

En exécutant la mission qui nous est conférée, soit de contribuer des renforts individuels et des unités complètes à la force régulière, les membres passés et actuels du régime ont participé à la plupart des déploiements à l'étranger des Forces canadiennes depuis la Seconde Guerre mondiale, y compris en Corée, à Chypre, au Moyen-Orient, en Croatie, en Bosnie, en Haïti, au Rwanda et en Afghanistan, de même qu'à des opérations menées ici au Canada, comme celles organisées pendant le tempête de verglas dans l'est de l'Ontario et au Québec, les inondations au Manitoba et au Saguenay, et nous avons également assuré des services de soutien lors du Sommet de l'OEA tenu à Windsor pendant l'été 2000.

En 2003-2004, 16 soldats du Régiment ont été envoyés en Bosnie pour participer à l'opération PALLADIUM, Rotation 13, et deux officiers ont participé à l'opération ATHENA, Rotation 0, en Afghanistan. Tous sont revenus. En 2004-2005, il est prévu qu'un officier et un soldat participent à l'opération BRONZE en Bosnie et que trois membres du régiment aillent en Afghanistan dans le cadre de l'opération ATHENA.

Quant à nos défis présents et futurs, ceux que je vois sont semblables à ceux mentionnés par le commandant Ross et le lieutenant-colonel Trottier, à savoir des programmes de recrutement, de formation et de fidélisation efficaces et efficients, et l'exécution de ces mêmes programmes dans notre collectivité. De façon générale, la première réserve et le régiment, en particulier, doivent assurer une très forte présence au sein des collectivités avoisinantes. À cette visibilité doit s'ajouter la crédibilité d'un organisme professionnel ayant des responsabilités locales, nationales et internationales bien reconnues.

Nous concurrençons d'autres employeurs pour nos recrues, si bien que nous devons pouvoir continuer de leur offrir des avantages particuliers en ce qui concerne le mode de vie, les compétences et les défis qui caractérisent une carrière militaire. Le salaire et les avantages sociaux ne sont pas suffisants pour les amener au centre de recrutement. Mais une fois qu'ils y sont et qu'ils ont démontré un certain intérêt pour la première réserve, je suis convaincu que nous sommes en mesure de répondre à leurs attentes en leur offrant des possibilités de formation et d'entraînement et de déploiement à la fois intéressantes et stimulantes, comme nous l'avons vu par le passé.

Notre capacité de les maintenir en poste et de les fidéliser est également directement liée à notre présence au sein du milieu local des affaires et à notre acceptation par ce milieu. En leur offrant des carrières stables et l'appui moral des familles et des employeurs, nous sommes en mesure de garder les recrues que nous choisissons parmi des étudiants de niveaux secondaire, collégial et universitaire, et de leur fournir un entraînement de base et avancé, de même que des promotions et des nominations, et donc de maintenir un noyau professionnel solide qui répond aux attentes et aux critères de leurs homologues de la force régulière, tout en assurant une très forte présence au sein de la localité. Pour toutes ces raisons, une bonne partie de mes tâches personnelles et de mes responsabilités consiste à obtenir et à maintenir l'appui de la collectivité et des employeurs qui est si critique pour la vitalité de mon régiment.

Le sénateur Forrestall : Je voudrais vous souhaiter à vous tous la bienvenue et remercier particulièrement le Cdt Ross. J'aimerais vous parler un peu de recrutement, de formation et d'entraînement, mais surtout de la conservation du personnel. C'est une question qui vous concerne tous les trois. Je vais laisser le soin aux sénateurs Meighen et Atkins de vous parler de la protection des emplois — puisqu'ils abordent religieusement la question en interrogeant les témoins — et j'aimerais aussi parler de renforcement, mais pourrais-je tout d'abord vous poser une question générale qui est celle-ci : Quel est le moral des troupes?

Le lcol Trottier : Le moral des troupes est très bon. Nous recevons du nouveau matériel, du matériel individuel. On vient de nous fournir des gilets tactiques. Les soldats en sont assez contents. L'équipement qu'ils nous donnent, les vêtements, et le programme « Habillez le soldat », sont assez bien reçus par les soldats.

Le lcol Berthiaume : Monsieur le président, il en va de même pour nous. Sénateur, nous venons de terminer un exercice d'entraînement de week-end et d'après ce qu'on me dit, le moral des soldats et très, très élevé — dans le cadre duquel les exercices d'entraînement qu'ils avaient à faire étaient extrêmement difficiles, surtout qu'ils ont passé tout le week-end à être exposés au vent et à la pluie dans le sud-ouest de l'Ontario. Quand j'entends ce genre de choses, je me dis tout de suite ou alors je fais très mal les choses, ou alors je les fais très bien, mais je peux vous garantir que l'entraînement que l'on leur fait faire est difficile. Comme je l'ai indiqué dans mes remarques liminaires, nous avons eu la grande chance de bénéficier récemment d'une installation de formation conjointe et d'un nouveau manège ici dans la ville de Windsor. Nous espérons qu'une nouvelle installation de formation sera bientôt disponible pour remplacer ce qui existe déjà dans le comté de Chatham-Kent.

Le colonel Trottier vous a déjà parlé de l'équipement, des véhicules et des vêtements qui ont été fournis. Nous avons fait beaucoup de progrès depuis le temps où on disait dans la force régulière, dont j'ai fait partie, que les réservistes étaient les cousins pauvres. Donc, je ne peux pas trop insister là-dessus.

Le cdt Ross : Je dirais que le moral des marins du York est bon. Je suis peut-être moins enthousiaste que mes amis à ma droite. Pour vraiment enthousiasmer les troupes et les faire faire ce qu'on veut qu'elles fassent — et c'est lié à la question de la conservation du personnel — il faut les envoyer en mer. Voilà ce que les marins veulent faire. Ils veulent aller en mer. Il est évident qu'on n'est pas en mesure de faire ça sur le lac Ontario, alors le défi pour nous consiste à les envoyer en mer sur les côtes, et j'aimerais qu'on puisse le faire plus souvent que ce n'est le cas actuellement. Le moral est bon, mais je pense qu'il pourrait être meilleur.

Le sénateur Forrestall : Et quel est votre effectif à l'heure actuelle?

Le cdt Ross : Officiellement, 175 personnes. En moyenne, nous en avons 90 un soir d'exercice, parce que différentes personnes sont absentes, du fait de servir à plein temps ailleurs ou sont dispensés pour d'autres raisons.

Le sénateur Forrestall : Depuis plusieurs années, j'essaie de ressusciter les Halifax Rifles, et je suis drôlement tenté de faire ma publicité auprès de vous trois, et surtout vous, commandant. Nous avons des milliers de kilomètres de côte, y compris dans la région de l'Arctique, et vous avez déjà une certaine expérience de la navigation dans cette région.

Est-il possible que certains régiments historiques qui ont été abandonnés ou relégués au second plan soient rétablis et éventuellement fusionnés avec des unités existantes, pour assurer la défense de nos côtes? Disons que la force terrestre est soutenue par la Réserve. Il a été proposé, bien entendu, que la Garde côtière soit organisée différemment pour qu'elle puisse effectuer une partie de ce travail, ou encore que ce soit confié aux Forces armées canadiennes. Pour ma part, j'ai un peu de mal à accepter qu'on ait recours à des navires océaniques pour remplir des fonctions de poursuite, alors que notre réserve navale n'est toujours pas bien équipées.

Pourrais-je donc vous demander à chacun de commenter brièvement — étant donné que nous n'avons pas beaucoup de temps — ce projet général qui ne repose en réalité que sur les voeux pieux de beaucoup de gens?

Le cdt Ross : S'agissant de défense côtière, c'est évidemment ce à quoi étaient destinés nos navires de classe Kingston. Beaucoup de temps a été consacré à l'entraînement jusqu'à présent, et ces navires sont encore en exploitation, notamment au large de nos côtes. Mais je pense qu'il serait effectivement important de leur redonner le rôle actif de défense côtière qu'ils sont censés jouer.

Le sénateur Forrestall : Colonel, pensez-vous pouvoir jouer ce même rôle même dans les lacs, qui ont après tout de très longues côtes?

Le lcol Berthiaume : Sénateur, je vous rappelle, tout d'abord, que les missions que nous exécutons nous sont évidemment conférées par le gouvernement, par l'entremise du bureau du ministre, selon la priorité qu'on donne à la sécurité. Nous sommes une unité d'infanterie légère. Si on nous affectait à la sécurité portuaire ou des installations critiques, par exemple, nous pourrions assurer la défense terrestre de telles installations, permettant ainsi aux forces navales d'exécuter ces autres tâches. Je pense que notre mandat et notre entraînement pourraient s'appliquer dans le cadre de certaines opérations intérieures, comme, par exemple, la sécurité portuaire ou la sécurité dans nos eaux côtières.

Le lcol Trottier : Dans le cadre de nos activités de reconnaissance, nous assurons la surveillance de grandes zones. Nous pourrions également travailler avec la force navale en mer de même qu'avec l'infanterie pour assurer la défense des points vitaux et la sécurité des communications dans une plus grande zone. Ça, c'est une possibilité. Cela fait déjà partie de notre mission à l'heure actuelle, pas nécessairement sur les côtes, mais nous effectuons des tâches d'observation et de vérification en tant que régiment de reconnaissance, si bien que de telles fonctions cadreraient parfaitement avec notre mandat.

Le sénateur Forrestall : Pourrais-je donc demander à l'un de vous deux — ou peut-être vous trois, comme ça doit être à peu près la même chose — d'aborder la question des problèmes que vous rencontrez au niveau de la conservation du personnel?

Le lcol Trottier : Le plus gros problème que nous rencontrons en matière de conservation du personnel concerne la possibilité pour les réservistes de faire autoriser des congés par leur employeur afin de pouvoir faire leur formation et leur entraînement. Si les soldats peuvent faire tout l'entraînement que nous offrons, ils restent. S'ils rencontrent des difficultés en raison de leur emploi civil ou de leurs études, si bien qu'ils ne peuvent pas participer à tous les exercices d'entraînement, il est évident que nous en perdons au fur et à mesure. L'entraînement est accessible à tous, mais ce n'est pas tout le monde qui peut participer tout le temps.

Il faudrait que les employeurs nous appuient beaucoup plus. Beaucoup de jeunes ont peur de demander congé à leur employeur. En ce qui nous concerne, il est toujours difficile des convaincre de demander congé pour pouvoir faire l'entraînement que nous offrons.

Le sénateur Forrestall : Monsieur le président, en faisant cette dernière observation, je vais aussitôt céder la parole au sénateur Meighen ou au sénateur Atkins qui voudront peut-être explorer d'autres aspects de la question. La prochaine fois que vous entendrez parler de cela, l'éclairage qu'on y apportera sera peut-être bien différent.

Le sénateur Banks : Merci de votre présence. Je voudrais adresser ma question à mon collègue, l'ex-fanfariste. Le colonel Trottier s'est joint aux forces armées au départ comme fanfariste, ce qui est à mon avis la meilleure raison de vouloir devenir membre des forces armées, et je regrette que nous n'ayons pas autant de fanfares militaires, à la fois dans la force régulière et dans la Force de réserve, que nous avions autrefois au Canada, puisqu'elles jouent un rôle important auprès du public au niveau de la représentation des forces armées.

Colonel Trottier, votre régiment est un régiment blindé, et j'aimerais vous poser une question qui concerne moins la milice que les forces permanentes, étant donné que les régiments blindés sont devenus des régiments de reconnaissance, comme vous venez de nous le dire. Ma question a deux volets. Vous avez parlé des exercices auxquels vous participez. Quand vous effectuez ces exercices, de quel genre de véhicules vous servez-vous, et sont-ils modernes? Avez-vous la possibilité d'utiliser des VBL? Ou des Coyotes? Voilà ma première question, et sur la question des véhicules blindés, les Forces canadiennes ont décidé d'abandonner les blindés lourds et les chars d'assaut en faveur des véhicules à chenilles, comme le Striker, par exemple, alors que vous êtes un officier de l'Arme blindée. Qu'en pensez-vous? C'est un fait accompli, je pense. Mais j'aimerais entendre vos vues sur la question.

Le lcol Trottier : Sénateur, pour répondre à votre première question sur le matériel, quand nous allons ailleurs pour faire notre entraînement, tout dépend de l'endroit où on se trouve. Dans cette région, par exemple, nous effectuons une bonne partie de notre entraînement aux États-Unis, parce que c'est plus économique. Les bases sont plus proches. Le voyage jusqu'au Fort Custer nous prend deux heures, alors que c'est quatre heures et demie pour se rendre à Grayling, dans le nord du Michigan. Quand nous allons aux États-Unis, nous pouvons le plus souvent nous servir de Hummer pour faire l'entraînement. Parfois nous emmenons nos propres véhicules. Nous faisons transporter nos véhicules jusqu'à Grayling à l'aide d'un wagon porte-automobiles, ce qui nous coûte très cher. Il y a deux week-ends, cela nous a coûté 10 000 $ pour faire transporter 10 Iltis jusqu'à Grayling, mais cette fois-là, les Hummer n'étaient pas disponibles.

Les forces n'ont pas suffisamment de matériel, en raison de contraintes budgétaires. Le matériel est donc partagé. Nous avons une réserve de matériel et tout le monde partage. Le matériel Recce est partagé avec l'effectif de Meaford, en Ontario, situé à six heures d'ici. Nous utilisons par conséquent le matériel qu'ils ont là-bas pendant un week-end, nous le rendons par la suite, et le week-end d'après, une autre unité s'en sert. Bien souvent, deux ou trois unités différentes veulent utiliser le même matériel un week-end pour un exercice de plus grande ampleur, ce qui pose parfois des problèmes, mais il y a généralement suffisamment de matériel pour que tous puissent en avoir et grâce à ce système de partage, nous pouvons entraîner nos soldats relativement efficacement.

Pour répondre à la deuxième question concernant les chars d'assaut, le fait que les Léopards se trouvent tous dans l'ouest à présent et ont donc été retirés des unités ontariennes et des RCD...

Le sénateur Banks : Et d'après ce qu'on nous a donné à entendre, ils ne seront pas remplacés.

Le lcol Trottier : Ils ne seront pas remplacés. Vous avez raison. Il s'agit là d'une décision politique et budgétaire. Ce n'est pas à moi de remettre en question le fondement de cette décision; cependant, je tiens à dire que les opérations qui sont actuellement en cours sont toutes menées dans le cadre d'une coalition, si bien qu'on n'est pas obligé de posséder toutes les différents types de matériel pour pouvoir participer. Le coffret de guidage de missile est aérotransportable, alors que les chars d'assaut ne le sont pas. Même les Américains n'acheminent pas leurs chars d'assaut par avion. Ils les transportent à bord de navires, et quand nous participons à de telles activités, nous transportons le matériel requis pour remplir les fonctions qui correspondent à notre expertise, c'est-à-dire notre matériel de surveillance. Le Coyote est un véhicule de calibre mondial. Les Américains nous envient nos Coyotes. Ils en achètent eux-mêmes. Nous avons du bon matériel, mais nous n'avons pas tout, étant donné que cela coûte très cher de soutenir toutes les activités.

Le sénateur Banks : Vous dites que la décision d'abandonner les blindés lourds, et notamment les chars d'assaut, était donc de ne pas remplacer les Léopards, est une décision politique, mais trouvez-vous normal que des élus politiques décident que l'Armée canadienne aura ou n'aura pas des chars d'assaut?

Le lcol Trottier : Cette question dépasse mon niveau, sénateur.

Le sénateur Banks : Colonel, je vous demande simplement votre opinion personnelle.

Le lcol Trottier : Mais les opinions personnelles exprimées dans un forum comme celui-ci...

Le sénateur Banks : Sont publiques.

Le président : Vous avez bien raison, colonel.

Le sénateur Banks : Peut-être pourriez-vous simplement dire : « Je préfère ne pas répondre à cette question-là. »

Le lcol Trottier : Je laisse le soin au commandant régional et au vice-chef d'état major de la Défense, que vous rencontrerez ultérieurement, de répondre à ces questions.

Le sénateur Banks : Quand vous avez recours à votre réserve centrale pour obtenir les véhicules partagés que vous employez pour votre entraînement, pouvez-vous avoir des Hummer?

Le lcol Trottier : Non, pas au Canada, mais nous allons aux États-Unis assez souvent, et nous trouvons plus économique d'utiliser leur matériel plutôt que de transporter le nôtre.

Le sénateur Banks : Oui, dans le contexte d'une activité intéressant la défense de l'Amérique du Nord, on peut suppose que les soldats américains devront se servir de leurs Hummer, ce jour-là. Vous dites que vos soldats font leur entraînement avec des Hummer, qu'ils n'auront pas utilisés en temps normal puisque nous n'en avons pas, alors à quoi ça sert?

Le lcol Trottier : Nos soldats font actuellement leur entraînement avec l'Iltis. C'est un véhicule du type Jeep, et nous allons recevoir huit VULR l'année prochaine, sans doute vers le mois de mai ou juin.

Le sénateur Banks : Quand vous dites « nous », vous parlez de la Réserve?

Le lcol Trottier : Non, là je parle de mon régiment. Les 17 régiments blindés de réserve sont maintenant des régiments de reconnaissance. Nous avions autrefois cinq régiments de reconnaissance, et à présent, ils ont enlevé les Cougar à tout le monde, puisque les Cougar ne sont plus utilisés.

Le sénateur Banks : Je vois.

Le lcol Trottier : Mais nous allons recevoir les VULR, et pour ma part, je vais en recevoir 16. Ils nous ont rendu 15 Iltis, qui sont en train d'être retirés du système, de sorte que nous continuons à faire notre entraînement avec les Iltis.

Le sénateur Banks : Ces 16 véhicules seront à vous. Resteront-ils chez vous?

Le lcol Trottier : Oui.

Le sénateur Banks : Ce sera une grande amélioration en ce qui vous concerne, n'est-ce pas?

Le lcol Trottier : Oui.

Le sénateur Banks : Je suis bien content de le savoir.

Le sénateur Meighen : Bienvenue, messieurs. Colonel Trottier, je devrais commencer par vous, puisque c'est vous qui avez dit, si ma mémoire est bonne, qu'au niveau de la conservation du personnel, vos soldats avaient parfois du mal à obtenir des congés de leur employeur. Comme je pose cette question à tous les réservistes, autant vous sonder là-dessus aussi. Comme vous le savez, il existe une loi américaine qui exige que les employeurs conservent les postes des réservistes qui doivent s'absenter pour des exercices d'entraînement ou pour participer à une mission. Nous n'avons pas de telle loi au Canada. Certains estiment que c'est mieux ainsi parce que si on adoptait une telle loi, bon nombre d'employeurs refuseraient d'engager des réservistes, sachant qu'ils devraient s'absenter pour participer à des missions. Qu'en pensez-vous?

Le lcol Trottier : Sénateur, les lois ne relèvent pas de mes compétences. J'ai participé en 1984 à des discussions sur le Livre blanc à Kingston, auxquelles ont assisté tous les adjudants-chefs et adjudants supérieurs de l'Ontario. Il s'agissait d'un cours de deux semaines qui portait surtout sur l'idée d'une loi protégeant les emplois et le fait de savoir si ce serait une bonne chose ou une mauvaise chose. À l'époque, le groupe était d'avis que ce ne serait pas une bonne chose, parce que les employeurs n'engageraient plus les réservistes.

Le sénateur Meighen : Mais cela remonte à 1984.

Le lcol Trottier : Oui, cela remonte à 1984, ce qui prouve que voilà longtemps que nous parlons de loi de protection des emplois et des avantages et inconvénients de ce type de loi. Pour ma part, j'ai travaillé chez Ford pendant une trentaine d'année. J'ai toujours réussi à obtenir des congés, mais j'ai dû me battre, et cela m'a coûté cher, notamment au niveau des promotions; voilà pourquoi je comprends très bien pourquoi les gens n'en veulent pas.

Le président : Sénateur Meighen, avec votre permission, je voudrais faire une petite intervention. Je pense que cette question est effectivement de votre ressort. Et ce que nous cherchons comme information, c'est le point de vue de chaque région au sujet d'une telle loi, car les attitudes varient d'une région à l'autre, et nous souhaitons connaître le point de vue des différentes localités à ce sujet.

Le sénateur Meighen : Oui, tout à fait. Pensez-vous que ce serait utile qu'une telle loi existe? Supposons que je sois le roi du Canada, et que je puisse dès maintenant adopter une telle loi. Serait-ce utile que je le fasse?

Le lcol Trottier : Personnellement, sénateur, je ne pense pas que ce serait une bonne chose, car les employeurs ne voudraient plus les engager. J'ai des soldats à l'heure actuelle qui sont policiers à Windsor, et nous avons de très bons rapports avec le chef de police de la ville. Il dit que quiconque veut prendre congé pour le faire, mais les soldats individuels qui sont agents de police ne veulent pas demander congé, parce qu'ils savent que leurs collègues devront couvrir. Il y a des conséquences pour leurs superviseurs immédiats. Même s'ils ont l'aval des cadres supérieurs, ils estiment que ce n'est pas une bonne chose à faire pour l'instant.

Le sénateur Meighen : Ce n'est vraiment pas facile pour vous?

Le lcol Trottier : Non.

Le sénateur Meighen : Les cadres supérieurs vous appuient, mais les agents ne les aident pas à vous appuyer. Est-ce le résultat du peu d'intérêt que les citoyens canadiens portent à nos forces armées?

Le lcol Berthiaume : Puis-je vous répondre, sénateur? C'est un peu des deux, à mon avis. Nous envisageons diverses solutions au problème du manque de soutien chez les employeurs pour nos réservistes. Si vous me permettez de faire un petit retour en arrière, lorsque j'étais encore membre de la force régulière et que je travaillais avec l'Essex and Kent Scottish, nous faisions notre entraînement à Fort Knox un week-end, et nous avions emmené avec nous un groupe d'employeurs sous l'égide du conseil de liaison des Forces canadiennes. C'était l'occasion d'initier les employeurs au travail que nous accomplissons.

Moi qui étais officier d'infanterie de carrière dans la force régulière, et qui me demandais comment mon métier pourrait m'aider à lancer une deuxième carrière — à part ma capacité de voir la position ennemie, de la prendre d'assaut et de la défendre, disons — je ne savais pas exactement ce que nous montrions aux employeurs ni ce qui pourrait les intéresser. J'ai donc été agréablement surpris de constater l'impact de cette visite sur les employeurs qui y ont participé. Ils étaient restés bouche bée, les yeux écarquillés, et ils avaient hâte d'aller parler aux soldats individuels pour leur poser des questions du genre « Que faites-vous? Quand aurez-vous fini vos études, et quand serez-vous disponibles? »

C'est la première fois que j'ai compris ce que nous offrons, du point de vue de la préparation à la vie active, de par l'entraînement militaire — le travail d'équipe, l'autodiscipline, la condition physique, la capacité de régler des problèmes et de gérer des crises, dans tous les différents contextes, notamment dans les pires scénarios possibles. Ça me rappelle votre question sur la nécessité d'une loi. Cela fait peut-être partie de la solution, mais ce qui me semble le plus essentiel, c'est que nous réussissions à vendre notre produit, comme je le disais dans mes remarques liminaires, car nous avons un excellent produit à vendre qu'on parle de la Réserve ou de la force régulière, produit qui reste caché du public canadien depuis fort longtemps. Je sais pertinemment que les bases où j'ai fait mon service font maintenant partie de la collectivité.

Nous devons donc vendre ce produit, et tel est notre mandat. Voilà ce que nous faisons par l'entremise du conseil de liaison des Forces canadiennes. Ici dans cette ville, avec un groupe d'amis du régiment, nous avons pris l'initiative de créer ce que nous appelons la Compagnie Delta, parce qu'elle va créer une sorte de delta ou passerelle entre ce que nous avons et ce que nous n'avons pas. Les dirigeants communautaires et les chefs d'entreprises cherchent à vendre activement le produit que nous offrons dans la réserve, notre produit militaire canadien, mais il faut d'abord les convaincre de sa qualité. Nous effectuons ce travail à la base, mais nous avons aussi de l'aide.

J'ai l'avantage de travailler pour un employeur qui a une politique sur les congés militaires. Cette politique a été mise en oeuvre il y a plus de deux ans, mais comme le colonel Trottier vous l'a dit, si je suis absent, quelqu'un doit faire mon travail. Il faut que quelqu'un me remplace, ce qui ajoute à la charge de travail de tous. L'adoption d'une loi ne réglera pas ce problème-là. La situation sera différente dans chaque milieu de travail. Est-ce que j'ai juste tourné autour du pot en vous répondant?

Le sénateur Meighen : Non, votre réponse est bien utile. En fait, je ne suis pas convaincu qu'une loi serait utile. Le contraire est peut-être vrai, et vous avez justement parlé du conseil de liaison des Forces canadiennes. Ce dernier fait un excellent travail, d'après ce que je sais de lui, et je suis heureux de vous entendre dire la même chose; mais en ce qui concerne la collectivité, la politique que nous avons adoptée au Canada, qui consiste à vous cacher au camp Borden ou à Petawawa ou Dieu sait où, loin des grands centres de population, m'a toujours inquiétée. Dites-moi, colonel Trottier, et vous aussi, lieutenant-colonel Berthiaume et le commandant Ross, vos soldats arrivent-ils au manège en uniforme et le quittent-ils en uniforme? Est-ce qu'on leur fait des difficultés?

Le lcol Trottier : Non, on ne leur fait pas de difficultés. Ils arrivent en uniforme. La plupart des jeunes possèdent une voiture de nos jours, et donc, ce n'est pas comme auparavant. Je suis entrée dans les forces armées en 1967, et pendant un certain temps, durant la guerre du Vietnam, il n'était pas possible de porter nos uniformes dans les autobus parce qu'on nous faisait des difficultés. Mais ce n'est plus le cas. On n'embête plus les soldats dans la rue autant que...

Le sénateur Meighen : Pouvez-vous nous le confirmer, commandant Ross?

Le cdt Ross : Je suis d'accord pour Toronto. Pour ma part, je viens de Halifax, et porter un uniforme dans la rue ne suscite aucune réaction. Personne ne remarque quoi que ce soit.

Le sénateur Meighen : Halifax ne suscite aucune réaction. Et Toronto?

Le cdt Ross : Non, Halifax suscite certainement une réaction. C'est le port de l'uniforme qui ne suscite pas de réaction, alors qu'à Toronto, les gens m'arrêtent souvent pour me demander si je suis policier? C'est une façon, un peu grossière peut-être, d'ouvrir un dialogue, mais pour vous répondre, non, nous n'avons pas de problèmes à Toronto.

Le sénateur Meighen : Quand nous étions à Vancouver il y a deux ans, nous avons visité le manège des Seaforth Highlanders. Ils nous ont dit qu'ils n'avaient pas de matériel et qu'ils n'étaient pas sûrs que les réservistes soient payés. La situation a-t-elle évolué depuis, ou peut-on dire que vous avez tout simplement beaucoup de chance dans le sud-ouest de l'Ontario?

Le lcol Berthiaume : Sénateur Meighen, en plus d'avoir de la chance, on peut dire que le système a évolué. Quand je suis arrivé sur la scène il y a six ans, en tant que membre de l'effectif organique de la force régulière qui était attachée à cette autre unité, nous étions payés sporadiquement. Tout était fonction d'un système tout à fait archaïque, et de l'efficacité des personnes chargées d'entre les données dans le système.

Le système de paie a donc été complètement réorganisé, si bien que depuis cinq ans — et je ne peux par vous parler des autres régions du pays — nos soldats sont payés à temps et reçoivent leurs fiches de paie à temps. De plus, toutes les demandes de rémunération du service temporaire sont traitées en temps opportun, et nous avons mis en place un système dans la salle des rapports nous permettant de repérer les problèmes ou les exceptions.

Le sénateur Meighen : Comme vous avez été membre de la force régulière, vous êtes bien placé pour répondre à cette question, lieutenant-colonel. Je me trompe peut-être, mais j'avais l'impression il y a quelques années que les relations entre les membres de la force régulière et les réservistes n'étaient pas très bonnes. J'ai maintenant le sentiment que ces relations se sont sensiblement améliorées au cours des dernières années. Êtes-vous d'accord ou non?

Le lcol Berthiaume : Je suis d'accord, sénateur, et encore une fois si je me fonde sur mon expérience personnelle, le fait est que nous n'avions pas souvent l'occasion de travailler avec les réservistes, depuis le moment où je suis entré dans les forces armées et pendant toute ma carrière, qui incluait des postes en Allemagne, à Winnipeg, mais la situation a changé depuis. Notre rythme opérationnel s'est accéléré. Par contre, notre capacité de fournir les effectifs nécessaires ne s'est pas nécessairement accrue et n'a donc pas suivi le même rythme. Par conséquent, nous dépendons de la réserve à présent.

En même temps — et je me fonde sur mon expérience à l'école de combat régimentaire — nous avons fait aligner les normes d'entraînement et celles de l'ensemble de nos cours sur celles de la force régulière, pour que les niveaux de compétence soient les mêmes. Il y a toujours eu et cela continuera d'être le cas sans doute, cette attitude de méfiance, en ce sens qu'on ne savait jamais qui on aurait comme renfort tant qu'ils n'étaient pas sortis de l'autocar.

Mais à l'heure actuelle, du côté à la fois de la force régulière et de la Réserve, nous comprenons très bien pourquoi il est impossible de savoir à l'avance qui va arriver, tant que l'autocar n'est pas là et qu'ils n'en sont pas sortis. Les réservistes ont à composer avec plus de distractions que les membres de la force régulière. Ils doivent jongler pour concilier leur carrière militaire à temps partiel et leur carrière civile à plein temps. Et leurs familles, quand ils les laissent derrière, ne sont pas visées par le système de soutien officiel qui existe dans l'ensemble des bases des Forces canadiennes, et qui plus est, ils ont constamment à jongler pour trouver du temps, et encore du temps. Donc, je ne trouve pas cela surprenant. C'est une sorte de constante, mais vous avez raison : les gens se disaient : « Pourquoi a-t-on besoin d'eux? » Mais maintenant, mes collègues de la force régulière diront plutôt : « On ne peut plus se passer d'eux ».

Le lcol Trottier : J'aimerais ajouter quelque chose si vous me permettez. Quand j'ai gravi les échelons des Forces canadiennes, les possibilités en matière de déploiement ou de tâches opérationnelles étaient très limitées. À l'heure actuelle, les réservistes jouent un si grand rôle dans le contexte de chaque déploiement qu'il n'y a plus de différence. Quand les gens vont rendre visite aux gens qui sont en affectation quelque part, ils ne sont pas en mesure de savoir qui est réserviste et qui est membre de la force régulière.

Ma fille, qui était caporal-chef, a servi en Bosnie il y a trois ans dans le cadre d'un détachement psychologique de deux personnes chargées d'opérations de renseignement spéciales, avec un capitaine de la force régulière, et il se trouve qu'elle était réserviste lorsqu'on lui a donné cette affectation, mais il aurait pu s'agir d'un membre de la force régulière. Il n'y a pas moyen de faire la distinction entre les deux parce que l'entraînement est le même et il existe un respect mutuel entre les membres de la Réserve et les membres de la force régulière. À mon avis, de part et d'autre, les gens se comprennent beaucoup mieux à présent, ne serait-ce qu'à cause du nombre de réservistes qui partent en affectation et travaillent avec la force régulière, et du fait que cette dernière a besoin des réservistes parce qu'elle ne suffit plus à la tâche.

Le sénateur Meighen : C'est très encourageant, mais on peut supposer que certains emplois, notamment dans la marine, commandant, exigent que l'entraînement soit assuré tout l'année ou à plein temps, étant donné que les opérations militaires reposent beaucoup de nos jours sur du matériel de haute technologie.

Le cdt Ross : C'est vrai pour certains emplois, et nous avons effectivement beaucoup de gens qui travaillent à plein temps. En fait, plus de 25 p. 100 des membres de la Réserve navale travaillent à plein temps et reçoivent donc cette formation. Il y a un mouvement régulier des gens entre la classe B et la classe C. Nous avons également organisé une bonne partie de la formation en fonction de modules, afin que les gens puissent faire ça par bloc de deux semaines. Nous essayons d'assurer cette formation tout de suite pendant les mois d'été, et nous faisons l'impossible pour les aider à recevoir cette formation.

Il m'est arrivé d'écrire des lettres à des employeurs — et là je reviens sur la question du personnel — de Toronto pour leur demander de donner congé à certains de nos membres pour leur permettre de suivre un cours très important, un cours dont ils ont besoin pour pouvoir profiter de possibilités de promotion et d'avancement. C'est un cours difficile et important. Nous essayons surtout de nous organiser pour que les membres de niveau supérieur qui ne peuvent pas bénéficier de la formation l'été, n'ayant pas l'été de congé, soient en mesure de suivre surtout les cours de niveau supérieur; c'est ainsi que nous réussissons à former tout le monde.

Le sénateur Meighen : Seriez-vous tous favorables à l'idée d'une plus forte participation des réservistes aux opérations d'intervention d'urgence relevant de la responsabilité d'autorités civiles?

Le lcol Berthiaume : Oui. Vu notre forte présence au sein de la collectivité, la participation aux opérations intérimaires correspond tout à fait, à bien des égards, au rôle que peuvent jouer nos soldats. Étant membres de la collectivité, les experts sur place, nous pouvons faire fonction de détachements précurseurs s'il faut envoyer des soldats en renfort pour compléter les membres de force régulière, dans le contexte d'opérations qui se déroulent dans une zone particulière. Nous possédons l'expérience requise dans ce contexte.

C'est le genre de tâche que nous pouvons accomplir dans l'exécution de notre mandat normal. Mais il faut aussi bien comprendre qu'en cas d'incident ou d'urgence touchant notre collectivité, il peut parfois nous être difficile de faire sortir nos réservistes car, encore une fois, ils peuvent avoir des obligations envers leur employeur en premier lieu. Bon nombre d'entre eux sont des agents de secours d'urgence. Bon nombre d'entre eux sont propriétaires d'une petite entreprise et devront donc s'occuper d'abord de leu entreprise et leur famille avant de pouvoir mettre en pratique leur expérience militaire en participant à des opérations dans leur région. Mais s'agissant d'assurer de l'aide ailleurs, nous avons déjà de l'expérience dans ce domaine, ayant prêté main-forte pendant la tempête de verglas et les inondations.

Le sénateur Cordy : J'aimerais vous poser une question sur le recrutement et le maintien de l'effectif des réservistes, et je constate, commandant, que vous avez lancé un programme d'emplois d'été pour étudiants. C'est sans doute une bonne façon d'intéresser les gens à la Réserve, mais j'aimerais savoir si vous trouvez difficile de recruter des réservistes et comment vous vous organisez pour le faire?

Le cdt Ross : Le recrutement constitue l'un des problèmes auxquels nous sommes constamment confrontés. Nous avons un recruteur au NCSM York, et cette personne est censée aller aux salons de l'emploi et dans les écoles et rencontrer des citoyens dès qu'elle en a la possibilité pour faire la promotion de la marine. Son travail consiste à nous mettre en valeur. Voilà ce que font ces gens-là; de plus, on s'attend à ce qu'ils se chargent du travail administratif, de la paperasserie, et il y en a beaucoup. Ils ont de l'aide pour faire ce travail, mais la personne dont je vous parle est très occupée.

Nous travaillons aussi de pair avec notre centre de recrutement local pour aller dans les écoles secondaires. Le NCSM York a une fanfare, sénateur, qui représente un outil de recrutement tout à fait étonnant, et nous y avons recours le plus souvent possible. Bien sûr, les fanfaristes veulent jouer, et nous essayons donc de la faire jouer pour l'ouverture d'un match des Raptors, par exemple, ou pour des manifestations de ce genre dans la région de Toronto. Voilà un outil très efficace auquel nous avons recours pour faire du recrutement.

Même si nous arrivons à leur faire passer la porte, nous rencontrons des difficultés quand il s'agit de faire traiter leurs dossiers. Il y a énormément de retard à cause des habilitations de sécurité, des examens médicaux, et ce genre de choses. Il faut plus d'un an en moyenne pour obtenir une habilitation de sécurité. Alors, l'un des éléments du problème, c'est qu'on dit aux postulants : « Très bien, merci beaucoup pour votre demande. À notre avis, vous avez les qualités requises », mais ensuite le dossier n'est pas traité avant très longtemps. Pendant qu'on attend d'avoir la réponse, cette personne peut décider qu'elle n'est plus intéressée ou trouver d'autres débouchés.

À mon avis, nous nous heurtons tous à cette difficulté-là, et il ne faut pas croire que je laisse entendre par là qu'il ne faut pas exiger des habilitations de sécurité; pas du tout. Un bon dossier nous revient normalement en deux ou trois mois, mais cela ne correspond pas à la moyenne, malheureusement.

Le lcol Trottier : Nous avons essentiellement les mêmes problèmes en matière de recrutement — c'est-à-dire d'assurer le suivi des dossiers. À l'heure actuelle, il y a énormément de programmes qui intéressent les jeunes. Il y a le remboursement de 2 000 $ par an pour chaque année d'études, jusqu'à concurrence de quatre ans. Cela leur permet de toucher 8 000 $. Voilà un programme qui attire beaucoup de gens. De plus, au cours de la dernière année, ils ont établi ce qu'on appelle les enrôlements provisoires, ce qui veut dire que si les candidats répondent à toutes les exigences, ils peuvent s'enrôler, la condition étant que si jamais leur dossier pose problème pour des raisons de sécurité ou médicales, on peut les obliger à quitter les Forces canadiennes. Donc, depuis six mois, ils cherchent à répondre à cette préoccupation-là.

Nous n'avons pas énormément de personnel médical. Il y a un ou deux médecins à Borden qui font tous les examens médicaux pour l'ensemble de l'Ontario. C'est-à-dire qu'ils ne sont pas obligés de faire tous les examens, mais ils doivent signer tous les formulaires pour indiquer que tout va bien et ils essaient de faire du bon travail. Nous avons un recruteur à plein temps. Toutes les unités disposent à présent de recruteurs à plein temps. Voilà qui coûte 45 000 $ par an à mon unité pour un caporal-chef. Mais c'est de l'argent bien investi.

Nous faisons moins de recrutement l'été qu'autrefois en vertu des programmes d'emploi d'été, comme le PEEE ou le PEAC — il y a eu toutes sortes de noms différents au fil des ans. Dans le cas de mon régiment, nous trouvons qu'une meilleure formule consiste à faire entrer les soldats à l'automne ou pendant l'hiver de sorte qu'ils puissent décrocher des emplois à plein temps pendant l'été. Bon nombre de nos recrues acceptaient un emploi d'été mais nous quittaient par la suite, et cela nous coûtait assez cher. On dépensait environ 14 000 $ par an pour envoyer une recrue à Meaford pour son entraînement, et si cette personne nous quittait à la fin de l'été, voilà qu'une bonne partie de notre budget était déjà utilisée; par conséquent, nous faisons l'entraînement à l'automne maintenant. À ce moment-là, il s'agit de leur emploi à temps partiel pendant l'année scolaire, ce qui améliorait notre situation en matière de recrutement.

Le lcol Berthiaume : Sénateur, notre situation est sensiblement la même, mais je voudrais ajouter quelques éléments à ce qu'il vient d'être dit. On vous a déjà expliqué qu'il n'est pas particulièrement difficile d'attirer des candidats. Nous arrivons à les faire venir chez nous. Le problème, c'est le temps qu'il faut pour traiter les dossiers, et chacun d'entre nous a créé différents mécanismes, à sa façon, pour s'assurer que les contacts sont maintenus car évidemment, une bonne proportion des personnes que nous ciblons iront tout de suite voir McDonalds, Burger King ou un autre employeur pendant l'année scolaire, si elles n'obtiennent pas des résultats assez rapidement.

Nous arrivons à soutenir leur intérêt grâce aux recruteurs que nous employons à plein temps. Nous avons aussi examiné nos méthodes de recrutement et les périodes pendant lesquelles nous faisons ce recrutement. Comme vous l'expliquait le colonel Trottier, nous essayons maintenant de les faire entrer à l'automne. De cette façon, nous pouvons leur dispenser des cours au manège pendant l'automne, l'hiver et le printemps, de façon à les initier à la Réserve, à la première réserve et aux forces armées; ainsi nous pouvons voir dans quelle mesure ce sont de bons candidats dans lesquels nous pourrions investir beaucoup d'argent pour leur donner des emplois à plein temps pendant l'été — car nous ne sommes plus obligés de garder tous ceux que nous recrutons. Il y a un processus de sélection, et nous réexaminons les candidats durant l'année.

Mon dernier commentaire, c'est que nous avons traditionnellement ciblé les étudiants des niveaux secondaire, collégial et universitaire. Depuis mon arrivée, j'essaie d'élargir ce groupe cible pour y inclure des gens qui vivent dans la collectivité et y travaillent à plein temps — et nous en avons justement un bon exemple ici à Windsor, avec les usines automobiles. Ce sont des personnes qui ont un horaire fixe et qui cherchent peut-être des activités un peu plus stimulantes, mais qui ne cadrent pas nécessairement avec leurs compétences professionnelles; disons qu'ils souhaitent peut-être s'intéresser à des activités autres que celles qu'ils mènent à l'usine, au bureau, ou sur la chaîne de montage.

Le sénateur Cordy : Les Forces canadiennes ont-elles pris des mesures pour régler le problème du long délai de traitement des dossiers?

Le lcol Berthiaume : Les responsables du programme de recrutement et du service des ressources humaines du MDN sont en train de trouver des solutions, sénateur. Ils essaient d'accélérer la procédure de traitement des dossiers, mais là où les problèmes sont causés par notre personnel médical limité, et ce genre de choses, je ne pense pas qu'il sera possible de les régler rapidement.

Le sénateur Cordy : Les recrues plus âgées sont-elles plus susceptibles de rester plus longtemps?

Le lcol Berthiaume : Sénateur, j'ai l'impression que nous recrutons en ce moment des gens qui n'ont pas nécessairement terminé leur année scolaire ou leur programme scolaire et qui cherchent un emploi ou une carrière à l'extérieur de Windsor ou du comté de Chatham-Kent. Ce sont des gens qui sont bien établis dans la collectivité. Leurs familles sont ici. Leur décision de devenir réserviste peut parfois susciter des discussions, même animées, au sein de leurs familles sur le temps qu'il convient de consacrer à la Réserve, mais le fait est que nous pouvons plus facilement garder ces personnes que des étudiants du niveau secondaire.

Le sénateur Cordy : Les réservistes peuvent-ils prendre un congé autorisé? Je constate que des gens au début de la vingtaine ont plus de temps libre que des hommes et des femmes qui ont de jeunes enfants à la maison, et dont les soirées ne sont plus libres, et je sais aussi que les week-ends sont des périodes particulièrement importantes pour les familles.

Le lcol Berthiaume : Sénateur, ce genre de congé existe dans nos unités militaires. Nous appelons cela un congé d'exemption d'exercice et d'entraînement, et nos réservistes peuvent se voir accorder un congé de trois mois, de six mois ou d'un an s'ils ont d'autres priorités relatives à leur emploi ou leur famille. Je trouve très positif qu'on puisse leur dire, si jamais une personne a besoin d'un plus long congé, de pouvoir lui dire : « Merci beaucoup. Dites-nous quand vous pourrez revenir, et nous reprendrons les démarches ». Je ne suis pas convaincu que les compétences acquises pendant la période d'entraînement se perdent complètement au cours d'une période équivalente.

Le sénateur Cordy : De toute façon, des cours de recyclage prennent moins de temps que de refaire l'entraînement depuis le début. Colonel, vous avez dit que vous consacrez 6 p. 100 de votre budget aux manifestations communautaires — soit environ 60 000 $ par an. Profitez-vous de ces manifestations communautaires pour faire du recrutement? Vous avez parlé tout à l'heure de fanfares, et je suis entièrement d'accord avec vous. Les fanfares et les défilés militaires offraient l'occasion rêvée de mettre en valeur nos forces armées. Il ne s'agit pas d'une dépense importante, mais je me demande simplement si vous profitez de ces occasions pour faire du recrutement?

Le lcol Berthiaume : Oui, sénateur, tout à fait. Dernièrement, les unités de la garnison de Windsor ont joué un rôle important dans les activités de commémoration du jour J pendant le week-end de la Fête de la Reine Victoria, puisque nous avons participé à des fanfares et des manoeuvres de parade, de même qu'à des expositions d'objets et des reconstitutions historiques, et nous avons aussi assuré du soutien pour l'utilisation de véhicules militaires qui sont venus en ville pour rendre hommage à nos vétérans du jour J. Nous avons également un comité composé de dirigeants communautaires et de représentants des unités qui essaient d'organiser des activités semblables en mai prochain, pour marquer l'anniversaire de la fin des hostilités de la Deuxième Guerre mondiale.

Un autre récent exemple est l'inauguration officielle de notre installation d'entraînement et de notre manège ici dans la ville de Windsor, car encore une fois, nous avions des fanfares et des contingents effectuant des manoeuvres de parade venant de chacune des unités, et nous avons organisé un grand défilé de véhicules anciens qui comprenait également des reconstitutions historiques, et ce entre l'ancien manège et le nouveau, nous permettant ainsi de relever un petit peu notre profil au sein de la collectivité. Chaque fois que nous en avons l'occasion, nous essayons de le faire.

Le lcol Trottier : Je voudrais ajouter, sénateur, que dans mon unité, j'ai su que sur les 31 membres de grade supérieur, soit les officiers et les sous-officiers supérieurs, 27 d'entre eux ont été cadets. Voilà pourquoi j'insiste beaucoup sur le corps des cadets et que j'essaie de lui assurer un maximum depuis. Bien que nous n'en ayons pas beaucoup, ceux qui nous viennent du corps de cadets ont tendance à rester. Ils savent dans quoi ils s'embarquent. Ils ont déjà pu s'habituer aux activités de l'unité, étant donné qu'ils travaillent tout le temps avec mes soldats, et que nous les appuyons beaucoup. C'est là que nous obtenons nos meilleures recrues, et comme ces gens-là savent ce qu'ils veulent, ils restent toute leur vie; 27 sur 31 correspond tout de même à un pourcentage important.

Le sénateur Cordy : Commandant, si j'ai bien lu votre curriculum vitae, vous avez toujours été réserviste à plein temps. C'est bien ça?

Le cdt Ross : Disons que j'ai occupé un poste à plein temps pendant plus de la moitié du temps que j'ai passé dans la Réserve.

Le sénateur Cordy : Quels sont les avantages d'être réserviste à plein temps, par opposition à un membre de la force régulière?

Le cdt Ross : Je dirais qu'il y en a peu; pour être parfaitement sincère avec vous. L'un des désavantages serait une rémunération inférieure, si je peux vous permettre de vous le dire.

Le sénateur Cordy : J'ai supposé que votre rémunération serait inférieure. Je me demande tout simplement pourquoi...

Le cdt Ross : Évidemment, ce sera utile de pouvoir toucher une pension l'année prochaine. Vous me demandez donc pourquoi je fais ça?

Le sénateur Cordy : On peut en parler de façon générale, si vous préférez; disons pourquoi quelqu'un voudrait-il faire cela?

Le cdt Ross : En réalité, je préfère vous dire pourquoi moi, je fais cela. J'ai commencé vers la fin ou le milieu des années 80, et cela m'a toujours beaucoup plu. J'ai eu beaucoup de chance en ce sens que j'ai acquis les compétences requises pour devenir officier de navigation au moment même où les navires de la classe Kingston entraient en service. Cela fait déjà 10 ans et demi, et j'ai toujours l'impression d'avoir un emploi d'été. J'ai envie de me lever le matin pour aller travailler. Donc, pour vous dire la vérité, je ne vois pas de raison de changer pour le moment. Dans la Réserve, si vous acquérez les qualités requises pour être commandant, vous pilotez un navire. Dans la force régulière, pas nécessairement. Donc, sur ce plan-là, il y a certains avantages. Certaines personnes préfèrent être un poisson moyen dans une petite mare, alors que d'autres préfèrent être un poisson moyen dans une grande mare. Pour ma part, je préfère la petite mare.

Le sénateur Cordy : Y a-t-il beaucoup de réservistes à plein temps?

Le cdt Ross : Il y en a 1 200 dans la Réserve navale.

Le président : Pour poursuivre la discussion sur le recrutement et la conservation du personnel, le comité s'est fait dire qu'il y a constamment des retards et des obstacles, et les gens en général critiquent la base des Forces canadiennes Borden et ce qui se passe là-bas. La question que je vous pose à vous trois est celle-ci : Pourrait-on créer une échelon intermédiaire, c'est-à-dire un poste de stagiaire pour la Réserve, afin de pouvoir faire entrer des gens qui ont l'air d'avoir de bonnes capacités, la condition étant que tous finissent par être approuvés par les autorités militaires, mais comme cela peut prendre un certain temps avant qu'ils obtiennent un poste permanent, ce serait un moyen de les intégrer dans l'équipe et de leur permettre de commencer tout de suite?

J'ai entendu parler de trop de bons candidats qui sont venus s'enrôler ou au moins ont fait savoir qu'ils étaient intéressés, pour ensuite se décourager et finir par décrocher un emploi ailleurs, où ils seraient en mesure de toucher leurs chèques de paie rapidement.

Le lcol Trottier : Comme je vous l'expliquais tout à l'heure, nous avons ce que nous appelons des enrôlements provisoires. Nous mettons à l'épreuve ce système dans le cadre d'un projet pilote d'un an, et grâce à ce type d'enrôlement provisoire, au bout de six semaines, les soldats commencent leur service. Ce projet a commencé en septembre seulement. Quiconque aurait contacté le centre de recrutement des Forces canadiennes avant cela était forcément visé par l'ancien système, mais on commence maintenant à faire entrer les gens à l'aide de ce système d'enrôlement provisoires, et...

Le président : Vous venez de nous expliquer cela? Mes excuses. Je suis désolé d'avoir manqué votre explication. Puisque vous en avez déjà parlé, je vais me contenter de lire le compte rendu. Je vous présente mes excuses.

Le cdt Ross : Pourrais-je faire une observation? Ce projet pilote concerne la Réserve de l'armée de terre. Dans la Réserve navale, nous n'en bénéficions pas pour l'instant. Je sais qu'il est question qu'on participe au même projet, et il est clair que ce genre de mesure nous aiderait énormément. Je dois dire que s'il est vrai que les nouvelles recrues commencent au bout de six semaines, je les envie beaucoup. Je trouve ça formidable.

Le sénateur Banks : Pourrait-il y avoir un problème de responsabilité à l'égard de ces recrues stagiaires, et a-t-on cherché à prévenir ce problème potentiel en faisant signer des documents aux candidats, au cas où certains d'entre eux soient du genre putatif? Si quelque chose se produit pendant les six premières semaines d'entraînement et qu'aucune vérification n'a encore été faite, qui doit payer?

Le lcol Berthiaume : C'est une très bonne question, sénateur. Pour prévenir ces difficultés, nous leur indiquons dès leur arrivée qu'il s'agit d'un enrôlement conditionnel ou provisoire, et que nous sommes très limités dans ce qu'on peut leur donner en matière d'entraînement, de formation et d'acquisition d'expérience. Sans nécessairement faire commencer leur instruction dès leur arrivée, nous cherchons à minimiser les dangers pour eux.

Par exemple, on ne peut pas les emmener sur le terrain. Je refuse de leur donner des affectations. Je ne peux pas leur assigner des tâches sur le terrain ni leur donner des armes et des munitions chargées. Ça c'est le scénario le plus extrême, et nous avons effectivement certaines préoccupations en ce qui concerne la responsabilité. Nous essayons de nous protéger dès qu'ils passent la porte, en leur faisant signer quelque chose qui représente un accord entre l'employeur et l'employé stagiaire. Mais en fin de compte, ce document nous protégera-t-il contre la possibilité d'aller en justice? Ça, c'est une bonne question.

Le sénateur Banks : Vous leur offrez un salaire comme celui qu'on toucherait chez McDonalds, par exemple, ou un peu plus?

Le lcol Berthiaume : Le salaire moyen d'une nouvelle recrue est de l'ordre de 100 $ par jour. Il progresse par échelon, selon les qualifications de l'intéressé et selon qu'ils sont confirmés ou non, de sorte qu'une recrue qui fait une demi-soirée ou une demi-journée un mardi, jeudi ou mercredi soir touchera entre 50 $ et 55 $ avant impôt.

Le sénateur Banks : C'est pareil dans la marine?

Le cdt Ross : C'est pareil.

Le sénateur Atkins : Seriez-vous en faveur du rétablissement du CTCU?

Le lcol Berthiaume : J'avoue que je suis entré directement dans la force régulière comme officier, c'est-à-dire que je suis entré tout de suite après avoir obtenu mon diplôme universitaire. À part mon expérience au Collège militaire royal, puisque j'y ai été officier d'état major de service pendant quatre ans, je ne peux pas vraiment me prononcer sur le CTCU et les avantages ou les inconvénients de ce cours.

Le sénateur Atkins : Vous ne voulez pas vous prononcer là-dessus?

Le cdt Ross : Je ne suis pas du tout au courant de ce programme.

Le sénateur Atkins : Vous n'êtes pas au courant du CTCU?

Le cdt Ross : J'étais rattaché à la DUIN.

Le sénateur Atkins : C'est pareil.

Le président : Dans ce cas, reformulez votre question.

Le sénateur Atkins : Colonel?

Le lcol Trottier : À mon avis, c'était un très bon programme. Mon beau-frère l'a suivi. Il a étudié à l'Université de Windsor. Il n'a pas fréquenté le CMR, mais on lui a payé ses études. Il a dû ensuite leur donner cinq ans de services. Il est maintenant vice-président d'une société pétrolière à Calgary. Il n'est pas resté après ses cinq ans. Il a quitté les forces armées pour faire son droit, mais j'estime que c'est un excellent programme et qu'il conviendrait de l'élargir.

Le sénateur Atkins : Est-ce que vous inciteriez vos recrues à étudier au CMR?

Le lcol Trottier : Oui, sénateur, nous les encourageons à poursuivre leurs études. Les réservistes peuvent étudier au CMR, mais uniquement dans le cadre de programmes de deuxième et de troisième cycles. Sinon, je ne pense pas qu'ils puissent le faire pour le moment, n'est-ce pas?

Le cdt Ross : Personne de York n'y étudie actuellement, mais lorsque j'étais à Halifax, le fils d'un collègue étudiait au CMR. Il était payé l'été comme réserviste, et il faisait son entraînement avec ses amis du CMR, mais après avoir fini, il n'était pas obligé de travailler pour eux. Ses études lui ont coûté moins cher que ce qu'on paierait normalement à l'Université Dalhousie, par exemple, mais on ne lui a pas payé ses études universitaires proprement dites.

Le lcol Berthiaume : Sénateur, j'ai fait mes études universitaires dans une université civile — l'Université de Windsor, mais j'y ai travaillé pendant quatre ans à titre d'officier d'état major, si bien que j'ai passé plus de temps au Collège militaire royal qu'à l'Université de Windsor. J'encouragerais non seulement les réservistes, mais tous les jeunes — d'étudier au Collège militaire royal, s'ils ont la possibilité de le faire. Son programme des quatre piliers menant à un grade est excellent; c'est un programme exceptionnel. Mon expérience personnelle me fait dire que c'est un programme difficile mais qui donne un résultat tout à fait phénoménal.

Le sénateur Atkins : Commandant Ross, dans le cadre d'un de nos voyages, nous avons visité le centre de formation de Québec. Envoyez-vous des recrues dans ce centre?

Le cdt Ross : Oui. L'École navale de Québec offre différents types de formation dans les métiers, et nous y envoyons des gens en été et en hiver. Ça c'est l'une des écoles qui existent, mais nous avons évidemment l'École navale d'Esquimalt et l'École d'opérations navales à Halifax.

Le sénateur Atkins : C'est très impressionnant ce qu'ils font là-bas.

Le cdt Ross : Oui, c'est un centre d'excellence.

Le sénateur Atkins : Oui. Colonel, vous disiez tout à l'heure que vous emmenez votre régiment dans une base américaine pour leur permettre de s'entraîner avec des Hummer. Y a-t-il d'autres types de matériel américain que vous employez quand vous y êtes?

Le lcol Trottier : Nous nous servons de tous leurs systèmes d'armes, qui sont essentiellement les mêmes que les nôtres, les C7, les C9 — les mitrailleuses, quoi. Ils ont le même type d'armes que nous, alors nous nous servons de leurs armes et de leurs munitions. Nous nous servons aussi de leurs véhicules et de tout leur matériel d'entretien. Ils sont tout à fait disposés à nous permettre de nous en servir, à condition de nous qualifier. Nous nous qualifions normalement à Fort Custer, qui se trouve à deux heures d'ici, au cours de l'année qui précède à un déploiement majeur, de sorte que quand nous sommes sur place, nous n'avons pas besoin de consacrer notre temps si précieux à une formation sur la façon d'utiliser leurs véhicules.

Le sénateur Atkins : Quand vous y allez, vous emmenez uniquement vos cadets. Vous n'emportez pas d'autres types d'équipement.

Le lcol Trottier : Oui, uniquement nos soldats. Nous sommes allés à Fort Hood, au Texas, l'an dernier. Nous avons emmené 72 soldats de mon régiment, et là-bas nous avons pu nous servir des Hummer et de tout leur matériel. Nous sommes allés en avion jusqu'à la base, où nous avions un détachement précurseur sur place. Ils avaient tous nos véhicules. Il nous ont fait signer un papier, en s'assurant que chacun avait un permis de conduire en bonne et due forme et les qualifications requises pour se servir des véhicules, et ils étaient tout à fait d'accord pour le faire.

Le sénateur Atkins : C'est un arrangement intéressant, me semble-t-il.

Le lcol Trottier : Tout à fait. C'est ce qu'on appelle une « vente de matériel militaire à l'étranger », et ils nous font donc payer 1 $ par jour pour chaque véhicule. Ce sont des frais symboliques. Ils ne nous ont pas fait payer les armes. Nous avons dû payer les munitions, de même que les rations, car à l'époque, ils ne nous permettaient pas d'utiliser des rations canadiennes, en raison de la maladie de la vache folle.

Le sénateur Atkins : Si vous deviez aller à la BFC Borden, auriez-vous...

Le lcol Trottier : Nous n'aurions pas accès à autant de matériel qu'ils ont là-bas. Ils en ont tellement. Et ils sont prêts à nous laisser utiliser ce qu'on veut. Ils sont disposés à nous donner des chars d'assaut si on les veut, mais à ce moment-là, nous devons avoir recours à leur personnel, et donc payer leurs soldats. Ce n'est pas si facile à faire.

Le sénateur Atkins : D'après vous, les personnes venant d'une famille militaire font-elles de bonnes recrues?

Le lcol Trottier : Oui. Beaucoup de membres de la force régulière entrent maintenant dans les unités de réserve. En fait, mon recruteur m'a dit avant que je vienne aujourd'hui qu'un simple soldat, un parachutiste d'un des régiments blindés vient de recevoir son offre aujourd'hui même. On lui donne un contrat de trois ans et le rang de simple soldat, parce que dans la force régulière, il faut avoir quatre ans de service avant de pouvoir devenir caporal. Dans la réserve, c'est seulement deux ans, si bien que dès qu'il entrera, il sera caporal.

Il y en a beaucoup qui nous viennent de la force régulière. Je pense qu'ils pourraient mieux faire leur travail dans la force régulière pour ce qui est d'informer leurs membres des possibilités qui existent lorsqu'il la quitte. Ce serait bénéfique pour la Réserve. Beaucoup de membres de la force régulière s'en vont sans jamais entendre parler de la Réserve et surtout des unités de réserve qui existent dans la région où ils s'établissent.

Le sénateur Atkins : L'entraînement de base et avancé d'une recrue qui entre dans la force régulière serait d'une durée d'environ six mois? Et ce serait quoi dans la Réserve?

Le lcol Berthiaume : Sénateur, une nouvelle recrue qui s'enrôle cet automne aura toutes les compétences requises d'ici le milieu de l'été prochain, et ce en faisant son entraînement le mardi soir, et peut-être un ou deux week-ends par mois. La période du congé de mars peut aussi être incluse si nous avons du rattrapage à faire, et ensuite en juin, ou à la fin des cours qu'ils suivent, ils auront leurs qualifications de base du soldat. Ensuite, s'ils peuvent passer ce qui reste de l'été à Meaford, Petawawa, Borden ou Gagetown, ils pourront peut-être acquérir d'autres qualifications.

Le sénateur Atkins : Ensuite, s'ils étaient détachés, ils entreraient dans la force régulière au niveau équivalent?

Le lcol Berthiaume : Normalement, oui, sénateur. Nos soldats rejoignent leurs homologues de la force régulière au début de la période d'entraînement en prévision du déploiement. Je suis convaincu que la qualité de l'entraînement dont ils bénéficient au moment où ils sont intégrés avec leurs homologues de la force régulière est très élevée, même s'il leur manque certains types d'entraînement, ils vont vite se rattraper. Je m'intéresse personnellement au sort des troupes que j'envoie là-bas, surtout qu'elles iront en Afghanistan avec mon fils l'année prochaine.

Le sénateur Atkins : Cela a des incidences sur la réputation de votre programme.

Le lcol Berthiaume : Tout à fait, sénateur — c'est-à-dire par rapport à notre capacité d'atteindre ou de dépasser le niveau requis en matière d'entraînement et aux objectifs que nous nous fixons.

Le lcol Trottier : Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, sénateur, lorsqu'un réserviste part pour une affectation à l'étranger, cette dernière dure six mois, mais c'est un peu comme un contrat de 13 mois, parce qu'ils sont obligés de recevoir l'instruction préalable au déploiement qui dure six mois, tout comme les membres de la force régulière. Il y a un petit écart qu'ils doivent combler par rapport aux membres de la force régulière, mais à la fin de la période d'instruction qui précède le déploiement, ils ont reçu exactement la même formation que les autres. En fait, les réservistes le font deux fois, parce qu'en temps normal, ils affectent systématiquement deux personnes au même poste, pour pouvoir ensuite choisir les meilleurs. Ils font leur entraînement à Meaford, et dans notre cas, ils vont ensuite à Petawawa pour faire l'instruction préalable au déploiement avec des membres de la force régulière.

Le sénateur Meighen : Je ne vais pas vous garder bien longtemps, messieurs; j'ai encore une ou deux questions à vous poser. Quelqu'un a parlé tout à l'heure des retards accusés relativement au travail administratif qui doit être accompli quand vous recrutez des réservistes. Y a-t-il les mêmes retards lorsqu'un membre de la force régulière entre dans la réserve?

Le commandant Ross a parlé de la question des pensions de retraite. Cela posait de gros problèmes pendant bien longtemps dans la Réserve, et je me souviens que lorsque nous étions à Victoria il y a quelques années, on nous en avait beaucoup parlé; cependant, d'après ce que vous semblez nous dire maintenant, le problème est réglé. C'est bien beau de vouloir encourager les membres de la force régulière qui la quitte à entrer dans la Réserve, mais s'il y a beaucoup trop de retard pour faire faire le travail administratif, ils vont se décourager, n'est-ce pas?

Le cdt Ross : Si je me fonde sur mon expérience personnelle, cela ne pose pas problème. Il est arrivé que des gens quittent la force régulière un dimanche et entre dans la Réserve lundi. La transition semble se faire sans heurts. C'est ironique, mais le problème se pose lorsque des réservistes veulent entre dans la force régulière. C'est à cause de la procédure suivie au centre de recrutement, mais personnellement, je ne comprends pas très bien pourquoi. Ces gens-là sont déjà entraînés et ont une habilitation de sécurité. Il est arrivé qu'une personne de quart à la passerelle — quelqu'un qui est qualifié pour faire le quart à la passerelle — et des gens qui se sont qualifiés comme commandant sont entrés dans la force régulière, et qu'il a fallu entre six et neuf mois pour traiter leurs dossiers. Cet aspect-là de la transition me semble très curieux.

Le lcol Trottier : Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, lorsqu'un membre qui quitte la force régulière sait qu'il veut entrer dans une unité de réserve, c'est bien simple. Cela prend très peu de temps.

Le sénateur Meighen : Oui, mais le commandant Ross a mis le doigt sur le problème qui continue d'exister lorsque le mouvement est dans l'autre sens.

Il est clair qu'a Windsor, vous avez été en quelque sorte des chefs de file, et vous semblez certainement l'être en ce qui concerne vos manèges et les moyens novateurs que vous avez trouvés pour obtenir un nouveau manège. Je crois savoir que la police et vous avez collaboré pour obtenir de nouvelles installations qui font office de centre de formation policière le jour, et de manège le soir, pour que vous puissiez en profiter.

C'est quelque chose de nouveau et de novateur. Qui a été à l'origine de ce projet? Et qu'est-ce qui vous a motivé à faire cela? Les manèges de l'ancien style ne conviennent-ils plus, ou se trouvent-ils dans un lieu peu approprié? Qu'est-ce qui vous a motivé à faire cela?

Le lcol Berthiaume : Sénateur, ayant participé au projet dès le départ, puisque j'en ai hérité peu de temps après mon arrivée ici, je vous dirai tout d'abord que nous étions au bon endroit au bon moment et que nous avions les bons besoins. Le manège de 1901 était devenu trop petit. Il n'était pas possible de se servir des nouvelles technologies dans cette installation. Elle avait été construite pour des exercices avec des fusils et pour l'administration de base, et en fait, la seule chose qui y avait été ajoutée était le terrain de parade, qui faisait également office d'enclos pour les chevaux. Voilà donc un peu l'historique de ce bâtiment.

Nous avons donc commencé à chercher de nouveaux locaux, pas nécessairement aussi grand ou grandiose, mais des locaux qui répondraient à nos besoins en matière d'instruction et d'entraînement. Nous avions une salle de classe pour les trois unités dans ce bâtiment et une très grande salle d'exercice. Les parois étaient très épaisses de sorte qu'il était impossible de mettre le câblage électrique qu'il faut pour pouvoir brancher des ordinateurs, et cetera.

En même temps, le Service de police de Windsor cherchait de nouveaux locaux de formation qui seraient situés au centre. Ils avaient un pas de tir dans l'est de la ville qui n'était plus utilisable. Ils avaient payé pour utiliser les locaux de formation du Collège St. Clair, de même que d'installations excédentaires dans les centres de conférence, au Holiday Inn Select, l'Auditorium Cleary, et ailleurs. Mais ils voulaient regrouper tout cela. Il se trouve qu'il y a eu une discussions au sujet de ce besoin lors d'une réception sociale, et je ne peux même pas vous dire si c'était avec un verre de scotch à la main ou non, mais à partir de là, la décision a été prise d'examiner la possibilité de synergie, et on a réalisé que tout le monde y trouvait son compte, et cela continue encore d'être le cas.

Depuis l'ouverture en juin et son inauguration officielle à la mi-octobre, ces installations sont utilisées à plein temps, jour et soir, entre 7 h 30 du matin et 10 ou 11 heures du soir. Bien sûr, nous nous en servons le week-end, comme d'autres, d'ailleurs. Comme il s'agit d'installations appartenant à la ville qui sont partagés, il est question de permettre à d'autres organismes — des organismes de soutien communautaire, d'autres paliers de gouvernement, les milieux scolaire et universitaire — d'utiliser toute éventuelle capacité excédentaire. Cela nous permet donc non seulement de travailler en synergie, mais de partager les frais de fonctionnement et d'entretien.

Ce partenariat s'est révélé tout à fait exceptionnel. Chacun fait ce qu'il a à faire, mais il y a certains éléments que nous pouvons tous partager. Je n'ai jamais fini d'en parler, mais je pense que ça suffit comme publicité.

Le sénateur Meighen : J'espère que cette initiative est bien connue dans d'autres régions du pays, parce que je suis sûr que l'âge de la plupart des manèges pose problème.

Le lcol Berthiaume : Sénateur, cette solution semble idéale, et nous avons d'ailleurs reçu la visite de beaucoup de gens, des élus municipaux et autres, de même que de nos ingénieurs divisionnaires, qui envisagent tous d'établir ce type de partenariat. Est-ce la bonne solution pour toutes les collectivités? Probablement que non, encore qu'on peut l'appliquer à des échelles différentes selon les besoins de la localité, mais je dois vous dire que cela donne d'excellents résultats ici, et nous espérons pouvoir en bénéficier pendant très longtemps.

Le sénateur Forrestall : Le sénateur Atkins vous a posé une question ou deux sur l'autre mouvement — et il a obtenu des réponses partielles — c'est-à-dire le passage de la force régulière à la réserve. Je vous souhaite beaucoup de chance dans vos efforts de recrutement, mais j'aimerais demander votre avis sur les difficultés dont on nous a parlé d'un bout à l'autre du pays, concernant les réservistes qui trouvent extrêmement difficile d'être mutés vers la force régulière? Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

Le cdt Ross : Dans le même ordre d'idées que tout à l'heure, les membres de la Réserve ont du mal à faire la transition vers la force régulière en temps opportun. À mon avis, ce sont des candidats qualifiés. Nous offrons certaines incitations aux candidats qualifiés dans le cadre de nos programmes de recrutement, et il s'agit là de gens que je considère sans aucun doute comme des candidats qualifiés. Ils ont une habilitation de sécurité. Ils ont passé un examen médical. Ils ont fait leur entraînement. Ils apportent des compétences qu'ils ont acquises dans les forces armées, et nous voulons les garder; par conséquent, le processus devrait mieux se dérouler que ce n'est le cas actuellement. Cela me touche, évidemment, parce que cela veut dire que mon soldat va ailleurs, mais ce sont les Forces canadiennes et la marine qui en profitent dans l'ensemble. Donc, cela pose effectivement problème, et je pense qu'il faut absolument y trouver une solution.

Le sénateur Forrestall : Et où se trouvent les obstacles?

Le cdt Ross : Mes collègues sont peut-être mieux renseignés que moi, mais je ne le sais vraiment pas, car le principal obstacle lorsqu'on veut recruter un civil et l'examen médical et l'habilitation de sécurité. Voilà les aspects du processus administratif qui prennent le plus de temps. Mais un candidat de la Réserve a déjà toutes les qualifications et il est déjà passé par toutes ces étapes. Le problème est peut-être causé par un manque de personnel dans les centres de recrutement, ou un manque de ressources tout simplement, mais je n'en suis pas sûr. Ce serait de la pure conjecture de ma part.

Le lcol Trottier : Sénateur, il est vrai qu'un réserviste qui veut entrer dans la force régulière attend très longtemps. Chaque année, nous en avons deux, trois ou quatre qui entrent dans la force régulière. Ils finissent par y entrer, mais cela prend longtemps. Ils doivent attendre de recevoir une offre. J'ai actuellement cinq membres de mon régiment qui ont demandé une mutation à la force régulière. Le processus n'est pas aussi simple que de faire entrer une recrue dans la force régulière, où l'entraînement de base constitue la première étape.

Ces personnes ont déjà les qualités requises. Mais le processus de dotation doit suivre son cours. Que va-t-on leur offrir? On va leur offrir un certain rang dans la force régulière. Normalement, on leur offre quelque chose à un et parfois deux rangs inférieurs, selon leurs qualifications. La grande majorité des mutations à la force régulière concerne le rang de caporal-chef, et le plus souvent, ils entrent au rang de caporal. Cela prend longtemps, mais ils restent dans la Réserve en attendant que la mutation soit autorisée. La plupart d'entre eux ont des postes civils ou font des études. Donc, ce n'est pas un si gros problème, même s'ils ont hâte d'être mutés. Mais ils continuent d'être membres des Forces canadiennes.

Le sénateur Forrestall : Colonel Berthiaume, rencontrez-vous les mêmes difficultés?

Le lcol Berthiaume : Oui, sénateur, et j'insiste sur le point soulevé par la commandant Ross, c'est-à-dire que nous perdons, d'une part, des personnes qualifiées que nous avons recrutées, mais d'autre part, nous encourageons les mutations. Si c'est cela qu'ils veulent faire, nous sommes très contents et fiers qu'ils choisissent cette profession-là, car en ce qui me concerne — et c'est ce que je dis à toutes mes recrues — c'est une initiation. C'est un aspect de la société canadienne que tout le monde ne voit pas, et cela ne convient pas non plus à tout le monde.

S'ils décident d'opter pour cette carrière-là, à plein temps ou à temps partiel, c'est très bien. Selon mon expérience personnelle, quand il s'agit d'une mutation de la Réserve à la force régulière, il y a beaucoup de dossiers qui doivent être traités par un système administratif qui n'a qu'une certaine capacité, et ils ont du mal à prévoir combien de dossiers ils vont recevoir, et donc quelle capacité supplémentaire peut être requise à certains moments. Je ne peux pas tellement leur faire de reproches pour ça.

Ce que je peux leur reprocher, toutefois, c'est le retard qu'ils accusent lorsque des soldats chez nous veulent entrer dans la force régulière. C'est maintenant qu'ils veulent entrer. S'ils doivent suivre certains cours, ils doivent pouvoir s'organiser, étant donné que nous ne pouvons accepter qu'un certain nombre de personnes à la fois, et que les cours peuvent être dispensés qu'une seule fois par an. Il arrive par conséquent qu'ils soient déphasés par rapport au cycle de formation. C'est une question d'équilibre, mais à mon sens, nous devrions à tout le moins communiquer avec les soldats et les informer de l'état d'avancement de leurs dossiers; c'est tout ce qu'on peut faire.

Le sénateur Forrestall : Commandant Ross, nous avons rencontré une situation inhabituelle sur la côte ouest qui concernait les vêtements de travail des femmes, notamment. On nous a expliqué la situation, et nous étions d'accord pour dire que c'était un problème. Ce problème a-t-il été corrigé depuis?

Le cdt Ross : Je n'ai jamais entendu parler de problèmes concernant les vêtements pour femmes, sénateur.

Le sénateur Forrestall : Je peux vous assurer que cette question donne lieu à des réponses assez étranges, par moment.

Le président : On voudrait savoir essentiellement si vos membres femmes se plaignent de ce que leurs vêtements sont conçus pour des hommes et ne leur vont pas bien?

Le cdt Ross : Je n'en ai aucune idée.

Le sénateur Forrestall : On peut supposer que le problème a été corrigé.

Le sénateur Atkins : Commandant Ross, touchez-vous une pension de retraite en tant que réserviste permanent?

Le cdt Ross : Pas encore. Le programme de pension de retraite à l'intention des réservistes entrera en vigueur l'année prochaine.

Le sénateur Atkins : Cela aura-t-il une incidence sur les réservistes qui demandent à entrer dans la force permanente?

Le cdt Ross : Non. Je ne suis pas un spécialiste des pensions — loin de là — mais d'après ce que j'ai pu comprendre, une fois que c'est cinq ans, mais ne me citez pas — vous êtes automatiquement inscrit au même régime de retraite que les membres de la force régulière, et que cela continue d'être le cas pendant toute votre carrière. D'après ce que j'ai pu comprendre, le processus administratif est parfaitement homogène.

Le sénateur Banks : Je vous ai peut-être mal compris. Vous êtes réserviste à plein temps depuis huit ans, vous dites?

Le cdt Ross : Dix ans.

Le sénateur Banks : Et toutes ces années n'ouvrent pas droit à pension?

Le cdt Ross : Non.

Le sénateur Banks : Et maintenant votre service ouvrira droit à pension?

Le cdt Ross : C'est exact.

Le sénateur Banks : Y a-t-il rétroactivité?

Le cdt Ross : Oui, si je rachète la pension pour les années d'ancienneté.

Le sénateur Banks : Mais vous devez les racheter.

Le cdt Ross : Je crois savoir — mais je ne pense pas que tout soit final encore — que l'employeur cotisera la même somme que moi.

Le lcol Trottier : Sénateur, si vous me permettez d'ajouter quelque chose à ce sujet, le régime de retraite et les indemnités de départ constituent un excellent outil pour conserver son personnel. Les soldats en tiennent compte. Ils ne partent pas. Ils calculent le nombre d'années de service qu'ils ont à faire et combien ils vont toucher. C'est un très bon programme. Comme je suis membre depuis 38 ans, j'ai atteint le maximum en ce qui concerne ma pension de retraite après 30 ans. Pour moi, cela ne change absolument rien. Je ne pense pas qu'il me soit avantageux de racheter mes services validables étant donné que je n'ai pas vraiment beaucoup travaillé à plein temps. Je n'ai jamais été en affectation. Pour moi, cela ne vaudrait pas la peine, mais je sais que les soldats en tiennent compte, et que c'est un outil qui permet de les garder.

Le sénateur Banks : Vous avez parlé de cette incitation de 8 000 $. S'agit-il d'un salaire ou d'une prime?

Le lcol Trottier : C'est la somme qu'ils peuvent toucher pour des études. S'ils font des études postsecondaires au collège ou à l'université, l'armée leur donne 2 000 $ par an pendant un maximum de quatre ans pour les aider à payer leurs études.

Le cdt Ross : Ça, aussi c'est un excellent outil de recrutement. Nous devons tous l'exploiter au maximum.

Le président : Messieurs, merci infiniment. Nous vous sommes très reconnaissants d'être venus de Toronto pour nous voir, un jour de travail sans doute bien chargé. Mais il importe que nous ayons l'occasion de tenir ce genre de discussion avec vous. Nous entendons et nous apprenons toutes sortes de choses.

Pour nous, c'est une expérience d'apprentissage très valable. Et c'était également bien utile de vous inviter tous les trois ensembles, parce que nous avons remarqué que l'information de l'un complétait celle de l'autre, et cela nous a permis de faire des comparaisons. Je vais donc lever la séance, mais ne partez pas tout de suite, parce que nous avons quelque chose à vous remettre en témoignage de notre gratitude.

La séance est levée.


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