Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 9 - Témoignages du 31 janvier 2005 - séance du soir
SAINT JOHN, le lundi 31 janvier 2005
Le Comité sénatorial permanent de la Sécurité nationale et de la défense se réunit ce jour à 19 heures pour mener une étude et faire rapport sur la politique de sécurité nationale du Canada (réunion publique).
Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je souhaite la bienvenue à tout le monde. Les membres du comité sont très heureux de se retrouver à Saint John, et je suis personnellement ravi de vous accueillir à cette séance du Comité sénatorial permanent de la Sécurité nationale et de la défense.
Un peu plus tôt aujourd'hui, nous avons entendu les témoignages d'universitaires et de militaires et nous avons maintenant hâte de recueillir vos points de vue. Cette séance va nous donner l'occasion de vous écouter et d'apprendre de vous, ce qui est un élément important de tout l'exercice auquel nous nous livrons.
Je vais brièvement vous présenter les membres du comité. J'ai, à ma droite, le distingué sénateur de la Nouvelle- Écosse, Michael Forestall. Il est au service des résidents électeurs de Dartmouth depuis 37 ans, d'abord en tant que député puis, maintenant, en tant que sénateur. Pendant qu'il était à la Chambre des communes, il a été porte-parole de l'opposition sur les questions de défense, de 1966 à 1976. Il a également siégé à notre sous-comité des anciens combattants.
Un peu plus loin à droite se trouve le sénateur Tommy Banks de l'Alberta. Il préside le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, comité qui vient récemment de publier un rapport intitulé« Le Défi d'une tonne. Il est bien connu par les Canadiens parce qu'il a d'abord été un musicien et un homme de spectacle polyvalent. Il a notamment dirigé l'orchestre lors des cérémonies inaugurales des Jeux olympiques d'hiver de 1988. Il est officier de l'Ordre du Canada et il a reçu un prix Gémeaux.
À côté de lui se trouve le sénateur Jane Cordy de la Nouvelle-Écosse. Elle a d'abord mené une carrière distinguée en éducation et a énormément participé à la vie communautaire, puisqu'elle a notamment été vice-présidente de la Commission de développement du port de Halifax-Darmouth, qu'elle préside la délégation canadienne de l'Association des parlementaires de l'OTAN et qu'elle est aussi membre du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
Au milieu, vous avez le sénateur Norman Atkins de l'Ontario. Il a été nommé au Sénat après avoir passé 27 ans dans le milieu des communications. Il a été conseiller principal de Robert Stanfield, du premier ministre William Davis en Ontario et du premier ministre Brian Mulroney. Il est aussi membre de notre sous-comité des anciens combattants.
À ma droite, se trouve le sénateur Joe Day que beaucoup d'entre vous connaissent, j'en suis sûr. Joe vient en effet du Nouveau-Brunswick; il est aussi vice-président du Comité sénatorial permanent des finances nationales et il siège à notre sous-comité des anciens combattants. Il est membre des barreaux du Nouveau-Brunswick, de l'Ontario et du Québec et il est membre de l'Office de la propriété intellectuelle de l'Institut du Canada. Il a aussi été président et pdg de l'Association des produits forestiers du Nouveau-Brunswick.
Tout de suite à côté du sénateur Day se trouve le sénateur Pierre Claude Nolin du Québec. Il a présidé le Comité sénatorial spécial sur les drogues illégales qui a produit un rapport exhaustif sur la légalisation et à la réglementation du cannabis au Canada. Il est actuellement vice-président du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. À l'échelle internationale, le sénateur Nolin est vice-président de l'Association des parlementaires de l'OTAN
À l'extrémité de la table se trouve le sénateur Michael Meighen de l'Ontario. Avocat de profession, il est chancelier du University of King's College et ex-président du Festival de Stratford. Il préside actuellement notre sous-comité des anciens combattants et il est également membre du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.
Notre comité est le premier auquel la chambre haute a confié le mandat d'examiner les questions de sécurité et de défense. Le Sénat nous a en effet invité à déterminer si nous le Canada doit se doter d'une politique de sécurité nationale. Nous avons entamé cet examen en 2002 par trois rapports : L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense, déposé en février; La défense de l'Amérique du Nord : une responsabilité canadienne, déposé en septembre, et Mise à jour sur la crise financière des Forces canadiennes : UNE VUE DE BAS EN HAUT, déposé en novembre. En 2003, le comité a publié deux autres rapports : Le mythe de la sécurité dans les aéroports canadiens, en janvier, et Les côtes du Canada : les plus longues frontières mal défendues au monde, en octobre. En 2004 nous avons déposé deux autres rapports : Les urgences nationales : le Canada fragile en première ligne, en mars, et plus récemment, Le manuel de sécurité du Canada, édition 2005.
Notre comité est en train d'examiner la politique de défense du Canada. Dans les prochains mois, nous tiendrons des audiences dans chaque province afin d'appeler les Canadiennes et les Canadiens à nous préciser leur intérêt, à nous dire ce qu'ils considèrent comme étant les principales menaces qui pèsent contre le Canada et à nous indiquer comment, selon eux, l'État fédéral devrait y réagir. Le comité a l'intention de lancer un débat sur la sécurité nationale au Canada et de dégager un consensus sur le type d'armée dont les Canadiens veulent et dont ils estiment avoir besoin.
Nous sommes donc très heureux de nous retrouver à Saint John aujourd'hui, ville qui peut s'enorgueillir de son excellente tradition militaire. C'est en effet à Saint John qu'est rattaché le NCSM Brunswicker, que se trouvent le 31e bataillon de service, le 3e régiment d'artillerie de campagne, la 1re compagnie du Royal New Brunswick Regiment et le 722e escadron de communication dont le sénateur Day, membre de ce comité, se trouve être le lieutenant-colonel honoraire. Des milliers de jeunes hommes et de jeunes femmes de cette région ont servi dans les deux Guerres mondiales et en Corée et ceux de la génération actuelle continuent de contribuer à nos missions de maintien de la paix.
Notre comité est heureux de tenir cette réunion publique ici, ce soir. Celle-ci va nous donner l'occasion de vous entendre et de recueillir vos idées. Notre animateur sera Bernard Cormier. M. Cormier, qui est né, a grandi et a étudié à Saint John, est aujourd'hui responsable de l'animation culturelle de la Ville, poste qu'il occupe depuis plus de 17 ans. Il est premier vice-président du Royal United Services Institute du Nouveau-Brunswick, le RUSI, qui a été créé pour représenter les anciens membres de l'Armée, de la Marine, de l'Aviation et de la GRC. Lui-même a fait partie de la réserve aérienne et il a conservé son adhésion à la 250e escadre de Saint John.
Bienvenue à vous, monsieur Cormier. Merci pour le coup de main que vous allez nous donner ce soir. Si vous le voulez bien, je vais à présenter vous inviter à préciser les règles que notre auditoire va devoir suivre.
M. Bernard Cormier, président : Merci, sénateur Kenny. Merci à vous tous et à vous toutes de vous être déplacés ce soir.
Comme première règle, je vous demande d'éteindre vos cellulaires ou de les mettre en mode vibreur. Deuxièmement, vous aurez remarqué qu'il y a deux microphones à l'avant, numérotés 1 et 2. Si vous voulez faire des commentaires ou donner un exposé, alignez-vous en face de ces micros. Vous ne pourrez pas poser de questions. Vous serez invité à faire un exposé d'un maximum de trois minutes. Vous pourrez voir le temps qu'il vous reste en jetant un coup d'œil sur l'horloge qui est ici, à ma droite. Le voyant jaune s'allumera quand il vous restera une minute. Quand le voyant rouge s'allumera, votre temps sera épuisé. Un membre du Comité sénatorial pourra éventuellement vous poser une question afin de vous inviter à préciser vos remarques. Le cas échéant, vous aurez une minute et demi pour répondre. Le comité exige que les intervenants se présentent aux fins de la retranscription et pour qu'il soit possible de communiquer avec eux par la suite, si besoin était. Comme il s'agit d'une audience parlementaire, vous comprendrez que nous devons tenir des archives exactes.
À votre arrivée dans cette pièce, on vous a remis une fiche d'inscription. Veillez à la remettre au greffier quand vous vous présenterez au microphone. Si vous n'en avez pas, il y en a d'autres au fond de la salle. Cette réunion est interprétée dans les deux langues officielles et vous pouvez vous procurer des émetteurs-récepteurs au bureau d'inscription.
Le président : Merci, monsieur Cormier. Je vais maintenant inviter les personnes qui le désirent à s'aligner derrière l'un des deux micros et je leur donnerai la parole à tour de rôle. Nous allons commencer par Elsie Wayne.
Madame Wayne, je suis heureux de vous revoir. Vous avez trois minutes à partir de maintenant.
Mme Elsie Wayne, à titre personnel : Merci beaucoup, sénateur Kenny.
J'ai été députée fédérale, mais je m'exprime aujourd'hui à titre individuel. Je suis venue à cette réunion ce soir, parce que j'estime que vous traitez d'une question très importante. Comme vous le savez, j'ai siégé au Comité de la défense pendant 11 ans, à Ottawa. Les membres qui siégeaient à ce comité ne faisaient pas de petite politique. Ils voulaient vraiment faire ce qu'il y avait de mieux pour nos militaires et c'est pour cela que je suis ici ce soir.
Honorables sénateurs, nous nous devons, plus que jamais, d'accorder toute la priorité à nos forces armées. J'ai été à l'écoute de ce qui se passe. La Chambre vient de reprendre aujourd'hui. Je pensais que nos Forces se seraient retrouvées en première place et qu'on leur aurait donné les budgets nécessaires.
Sénateur Kenny, à l'époque où le gouvernement était en train d'acheter les sous-marins d'occasion, deux personnes m'ont appelé de Londres pour me demander de les interviewer. Pendant l'émission, elles ont déclaré que nous ne devrions pas acheter ces sous-marins d'occasion. Tandis que des gens à Londres nous déconseillaient de faire cela, le gouvernement, lui, décidait d'aller de l'avant et d'acheter ces sous-marins. Eh bien, on n'achète pas de sous-marins d'occasion! Nous avons des chantiers navals dans ce pays qui peuvent en construire. Nous avons construit nos propres bâtiments de guerre et nous allons y moderniser nos frégates.
Nous devons également remplacer nos Sea King et nous aurions dû retirer du service ceux qui volent encore. Un homme a perdu la vie dans l'écrasement d'un de ces Sea King non loin de Saint John. Je vous le dis carrément : il faut donner à nos hommes et à nos femmes qui servent sous l'uniforme les moyens de faire leur travail.
Le 11 septembre 2001, quelqu'un m'a appelé des États-Unis, quand j'étais à Ottawa. La personne m'a dit « Elsie, vous devez venir ici. Il y a 28 personnes qui ont fait une réservation sur le vol d'ici à Washington, mais elles ne se sont jamais présentées, elles n'ont jamais retiré leur billet ». Je m'en suis étonnée et on m'a répondu : « Oui, Elsie. Nous voulons vous rencontrer ». Je suis donc rentrée chez moi et j'ai rencontré mon interlocuteur qui avait enregistré les réservations en question. J'ai également rencontré un avocat. Je suis revenue à Ottawa avec le dossier en main et je l'ai remis à la GRC.
Je veux vous dire une chose, sénateurs : nous sommes la ville la plus proche de la frontière américaine, ce qui a forcément des conséquences. Une fois, un homme s'est rendu d'ici à Toronto sous une fausse identité. Quand il est arrivé à Toronto, on s'est rendu compte qu'il avait un faux passeport, que tout était faux, et les gens de là-bas nous ont appelés.
Il faut effectivement prévoir des fonds pour cela dans le budget, mais il faudra également suivre les recommandations qui ont déjà été formulées. J'ai en main un rapport, et je suis certaine que vous en avez des exemplaires, qui renferme 23 recommandations. Nous devrions veiller à ce que le gouvernement applique ces recommandations. Je vais vous inviter à vous assurer que le gouvernement les applique et s'il le fait, il devra remplacer les flottes d'aéronefs et de sous-marins et donner aux militaires les outils dont ils ont besoin pour faire leur travail.
Certains d'entre vous, honorables sénateurs, se souviendront de l'incident qui s'est produit un jour quand vous rentriez à bord d'un avion militaire. Quelqu'un a demandé aux militaires qui s'installaient à bord de retirer leurs bottes et quand ils s'en sont étonné, on leur a répondu « parce que nous n'en avons pas d'autres et que nous les allons les donner à ceux qui vont vous remplacer ». Je suis certaine que vous avez dû mourir de honte.
Le sénateur Meighen : Elsie, vous avez déployé beaucoup d'efforts à Ottawa pour essayer de maintenir les chantiers maritimes en vie. Toutefois, il apparaît impossible de maintenir une industrie de la construction maritime dans un marché soumis à de telles fluctuations.
Mme Wayne : C'est exact.
Le sénateur Meighen : Il faut adopter une approche coordonnée. À l'occasion de vos démarches, avez-vous déterminé ce que font les autres pays pour maintenir en vie leurs chantiers maritimes? Sommes-nous allé trop loin, au Canada, pour ranimer ce secteur?
Mme Wayne : À l'étranger, la construction maritime est un domaine auquel on accorde la priorité. Les chantiers maritimes étrangers continuent d'obtenir des contrats. On m'a dit qu'ils se tournent maintenant vers le Canada. Vous savez, les meilleurs chantiers maritimes du monde se trouvent ici même, au Canada. Voyez nos frégates, ce sont les meilleures du genre et elles ont été construites par des chantiers maritimes au Québec et au Nouveau-Brunswick. Nous n'aurions jamais dû arrêter de faire tourner les chantiers maritimes et c'est pour ça que nous devrions construire des sous-marins. Le temps est maintenant venu de moderniser les frégates. Où allez-vous faire faire le travail? Sans aucun doute à Halifax, mais pas ici où l'on aurait pourtant dû faire ce travail. Ce travail pourrait être fait en partie à Halifax.
Dans tous nos ports, que ce soit sur la côte ouest, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, à Montréal ou à Québec, nous disposons de la capacité voulue pour construire des navires militaires. C'est ce que nous pouvons et devons faire, ici, au Canada.
Le président : Merci beaucoup.
Le capitaine Ralph Wood, à titre personnel : Bien que capitaine, je m'exprime ici à titre individuel. Je tiens tout d'abord à vous remercier de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer devant vous ici ce soir.
Ces derniers temps, nos forces armées se sont admirablement comportées dans des situations particulièrement difficiles et éprouvantes et il y a lieu de les féliciter pour cela.
Je vais vous parler de chaque arme séparément. Je commencerai par l'Armée de terre. J'estime que cette arme est celle qui bénéficierait le plus d'une importante augmentation des effectifs, compte tenu de nos missions traditionnelles et de celles que nous risquons d'être appelés à remplir dans l'avenir. Personnellement, je souhaiterais que la FOI soit considérablement renforcée et que ses moyens soient améliorés. Cette force composée d'un personnel fort bien entraîné et très motivé qui est en mesure de porter des coûts beaucoup plus importants que ce qu'il représente en nombre, d'où son côté rentable pour le Canada.
J'aimerais que nous mettions sur pied une force d'intervention rapide interarmées, calquée un peu sur le modèle de la nouvelle force d'intervention des Britanniques. Elle devra être dotée de tout l'équipement nécessaire, notamment de véhicules blindés lourds, de pièces d'artillerie et d'un appui aérien offensif ainsi que du nécessaire sur le plan de la logistique. Je pense que l'acquisition des Stryker est excellente, mais ces véhicules ne remplaceront pas les blindés lourds parce que, si on ne renforce pas leur blindage ou si on ne les équipe pas d'un blindage réactif, ils ne résisteront pas à des tirs de RPG7, comme les Américains s'en sont récemment rendu compte à leurs dépens. J'espère très sincèrement que l'on va régler les problèmes de masse et de dimension de ces véhicules pour qu'il soit possible de les embarquer à bord des C-130.
Nous devons également moderniser notre artillerie de 155 millimètres pour améliorer sa portée et éventuellement ajouter des LRM qui pourraient être montés sur un châssis M113 redessiné. Nous devrions envisager d'acheter des chars Challenger ou M1A1 pour remplacer les Léopard, mais pas en nombre égal.
J'aimerais que les hélicoptères Griffin soient dotés d'une capacité offensive minimale, en plus des mitrailleuses fixes montées sur affût, s'il est hors de question d'acheter des hélicoptères antichars.
J'aimerais que nous achetions davantage de M113 que l'on peut maintenant équiper de missiles TOE, de missiles AA Star-streak ou de Stinger. Ils pourraient être utilisés par la force d'intervention rapide dont je propose la création.
S'agissant de l'Aviation, je souhaiterais que l'on continue d'améliorer l'avionique et l'armement des CF-18. Nous devrions nous doter d'un escadron supplémentaire doté des appareils actuellement en cocon. Il nous faudrait optimiser les opérations offensives en combinaison avec la Force d'intervention rapide. J'aimerais également que l'on dépense davantage dans le chasseur JTF américain dans l'intention de remplacer éventuellement le CF-18. Nous devrions également commander des avions de transport A400M.
M. Cormier : Votre temps est épuisé, capitaine.
Le président : J'ai remarqué que vous aviez un document.
Le capt Wood : Je vais le déposer.
Le président : Nous serons heureux de l'accepter.
Le sénateur Nolin : Dites-nous un mot des nouvelles bottes pour l'infanterie. Je crois que vous en parlez au dernier paragraphe de votre document.
Le capt Wood : Eh bien, monsieur, je dis ici que je suis tout à fait d'accord avec la décision annoncée par le gouvernement, soit de dépenser davantage sur nos forces armées afin d'augmenter nos effectifs et d'améliorer l'équipement.
Le président : Merci beaucoup, monsieur. Veuillez remettre votre document au greffier pour que nous en tenions compte.
M. Les Halloway, à titre personnel : Je m'appelle Les Holloway et je suis du Syndicat national de l'automobile. Je suis le représentant TCA des travailleurs des chantiers navals qui se trouvent principalement dans l'Atlantique.
Je tiens tout d'abord à vous préciser que notre syndicat aurait beaucoup aimé faire un exposé officiel parce qu'à la façon dont nous l'envisageons, cette question qui touche à l'infrastructure nécessaire pour disposer d'une défense maritime au Canada, est étroitement liée à la viabilité de l'industrie de la construction maritime. Cela, je pense, nous rappelle la question du sénateur. Il n'est pas trop tard pour changer de cap, mais nous sommes en train de faire fausse route en investissant 55 millions de dollars pour fermer l'un des chantiers navals les plus perfectionnés d'Amérique du Nord. Nous ne sommes pas les seuls à penser ainsi, c'est le point de vue toute de l'industrie au Canada.
Par ailleurs, vous avez sans doute entendu parler du rapport de Peter Haydon dont je vous ai fait remettre une copie. Il a été traduit, mais nous n'en avons pas d'exemplaire en français; nous pourrons vous en faire parvenir plus tard.
Les citations que je vais lire sont extraites de ce document. Voici ce qu'écrit Peter Haydon : « Le Canada doit retrouver sa capacité de production de navires modernes s'il veut lancer un programme de gestion progressive de modernisation et de construction. Malgré ce que pensent certains politiciens, un État souverain ne peut dépendre d'un autre pour ce qui est des ressources nécessaires à sa sécurité nationale. » S'agissant des forces navales du Canada, l'étude suggère en outre qu'il faudra se doter d'un programme quelconque de modernisation progressive, passant par une phase transitoire destinée à nous permettre de conserver nos moyens clés pendant que nous construirons de nouveaux bâtiments. Toutefois, le problème que pose la mixité de la capacité de la marine militaire ne sera pas réglé si l'on ne commence pas par relancer le programme national de construction maritime dont la fin a été décidée par les politiques.
Nous ne pourrons pas gagner sur les deux plans. Si nous voulons être une nation, cela va coûter cher et, compte tenu de la longueur de nos côtes — je pense que nous sommes le pays qui présente le plus long littoral au monde — nous avons besoin d'une solide défense maritime. Nous en avons besoin pour assurer notre souveraineté et lutter contre certains fléaux comme l'importation de drogue sur nos côtes et la pêche illégale dans nos eaux; nous en avons besoin pour garantir notre souveraineté et maintenir notre capacité sans devoir emprunter des navires à la Russie pour nous déplacer. Nous avons les ressources et la capacité nécessaires ici. Nous pourrions faire la différence si nous disposions d'une industrie de la construction maritime commerciale viable, car nous serions ainsi en mesure de répondre à nos besoins d'acquisition dans l'avenir.
Pour l'instant, notre Marine envisage de s'approvisionner en grande partie à l'étranger parce qu'elle craint que nous n'ayons pas la capacité voulue pour répondre à ses besoins, mais c'est à cause du gouvernement qui a réduit cette capacité. Je vous ai donné l'exemple de la cale sèche de Saint John dont la fermeture a coûté 55 millions de dollars. Le gouvernement l'a fermée et, maintenant, comment allons-nous répondre à nos besoins d'acquisition dans l'avenir? J'estime qu'il n'est pas trop tard pour changer cela est c'est ce que nous devons faire.
Mon exposé n'est pas aussi détaillé que je l'aurais souhaité mais, pour terminer, je vous remercie tout de même de nous avoir donné l'occasion de prendre brièvement la parole devant vous. Je m'entretenais avec Buzz Hargrove, un peu plus tôt aujourd'hui; au nom de notre syndicat, sachez que nous aimerions beaucoup à un moment donné vous faire un exposé officiel sur cette très importante question.
Le sénateur Day : Monsieur Halloway, nous serions heureux que vous nous remettiez un mémoire, si vous en avez un. Nous veillerons également à vous accorder un créneau, certainement pas à cette occasion, mais nous trouverons du temps pour entendre ce que vous avez à nous dire.
Nous avons tenu des audiences publiques toute la journée et il a notamment été question du problème dont vous venez de parler, celui de la politique nationale sur les chantiers navals, problème dont nous a entretenu le professeur Milner de l'UNB. Il nous disait que les frégates canadiennes sont arrivées en milieu de vie utile et que les navires de la défense côtière ne remplissent pas les missions qu'ils devraient.
Je vous pose donc cette question : à supposer que le chantier naval de Saint John ne soit pas rouvert, où pourrions- nous, tout de suite, faire construire les bâtiments dont vous parliez et faire réparer les frégates de patrouille?
M. Halloway : Je vous dirais ceci. Je vous dirais qu'il n'est jamais trop tard pour faire machine arrière. Peter Haydon dit que nous devons relancer l'industrie de la construction maritime au Canada, faute de quoi nous n'aurons pas de défense maritime. Un navire, ce n'est pas un avion que l'on peut faire construire en France pour l'importer ensuite. Un navire, c'est une énorme machine qu'il faut régulièrement entretenir. Nous devons nous assurer que nous disposerons non seulement de la capacité pour bâtir les navires dont nous aurons besoin mais que nous aurons également les moyens de les entretenir. Certes, il a été décidé de fermer la cale sèche de Saint John et si le gouvernement du Canada demandait à Irving de rouvrir cette cale sèche et de la garder opérationnelle pour répondre à nos besoins d'acquisition dans l'avenir, tout serait possible. Il serait possible, d'entrée de jeu, de consacrer les 55 millions de dollars à la relance de ce chantier naval. Que se passera-t-il si nous ne le faisons pas? Il y a eu le chantier naval de Davey qui est maintenant en liquidation, qui est sous la protection de la Loi sur la faillite. Il y a bien les chantiers navals de la côte ouest, mais qui sont dans une triste situation. Nous avons une certaine capacité au Canada, mais elle est très diminuée. Nous n'avons pas l'appui nécessaire. Pour parvenir à tout cela, il faudra davantage miser sur les projets commerciaux et c'est ce qui complique les choses étant donné le peu de temps que nous avons pour nous retourner. Il faudra trouver une façon de faire ce que les Américains ont fait. À la fin de la guerre froide, les Américains se sont organisés pour attirer davantage de projets commerciaux dans leurs chantiers navals afin de conserver leurs infrastructures, advenant qu'ils en aient besoin pour leur marine militaire.
M. Cormier : Merci beaucoup.
M. Halloway : C'est ce que les Américains ont fait, ils ont restructuré cette industrie chez eux. Ils l'ont fait et nous devons faire comme eux.
Le président : Merci, monsieur.
M. Habib Kilisli, à titre personnel : Comme vous le voyez à mon habillement et à la couleur de mes cheveux et comme vous l'entendez à mon accent, je ne suis pas né et je n'ai pas grandi ici. Il demeure que je suis Canadien depuis 21 ans. J'ai peut-être plus de raisons que n'importe qui d'autre dans cette pièce d'être fier d'être canadien. Je suis vivant et je dois mes deux beaux enfants au fait que nous habitons au Canada.
L'armée revêt deux visages : l'un est celui de la défense nationale et l'autre celui de l'offensive. Je suis personnellement victime du militarisme. Mon grand-père est mort à la guerre. Je n'ai jamais su où, ni quand, ni comment il est mort. Mon père a eu sept enfants qui sont devenus orphelins. Mon père a été appelé à servir sous les drapeaux. Il a servi trois ans avant de devenir handicapé. Nous avons été orphelins. Je n'ai pas reçu une bonne instruction. Je n'ai pas de diplôme universitaire, j'en suis honteux, mais ce n'est pas de ma faute.
Je vous exhorte à opter pour la défense de préceptes moraux et à vous dire que, si nous avons besoin d'une défense nationale, nous n'avons pas besoin d'être une puissance militaire.
Il y a des tas de récits que je pourrais vous raconter les uns après les autres. Au tournant du XIXe siècle, beaucoup de Philippins ont été tués. Le problème n'a pas été réglé. Au Vietnam, plus de 2 millions de personnes ont été tuées et le problème n'a pas été réglé. Depuis la chute du Shah d'Iran, qui était une marionnette impérialiste, plus de 2,5 millions de personnes ont été tuées en Iran et en Irak; le problème n'a pas été réglé. À l'heure de l'informatique, aucun pays n'est sûr. La seule sécurité, c'est celle de l'ordre moral. Nous devons protéger nos frontières contre des adversaires, contre des ennemis, mais je vous exhorte à opter pour l'ordre moral au nom de tous ceux qui, comme je le disais, sont les vraies victimes, du passé ou de l'avenir. Ne prenez pas de mesure qui aurait pour objet de créer un État militariste, de nous amener à lancer des guerres à l'étranger. Protégez nos frontières avec tous les moyens qu'il faudra, contre l'étranger et contre la menace intérieure. Je vous exhorte à miser sur votre âge, votre connaissance et votre dignité pour faire obstacle à ceux qui ont des velléités militaristes et pour vous tenir loin de l'aventure impérialiste américaine.
Le sénateur Forrestall : Je tiens à faire écho au sentiment évident d'appréciation qui se dégage de l'auditoire. Oserais- je vous demander si le Canada devrait, à condition qu'il en soit capable, accepter, moralement et intellectuellement, l'idée d'autodéfense, si nous ne devons plus nous en remettre aux États-Unis pour assurer notre défense de base, pour protéger nos libertés, pour préserver nos droits? Le néo-canadien que vous êtes trouverait-il cela valable?
M. Kilisli : Probablement. L'Amérique, que nous le voulions ou pas, fait partie du problème et pas de la solution. Je ne suis pas un fanatique religieux, je ne suis pas raciste, mais j'ai 56 ans. Soit dit en passant, cette cravate est celle de mon syndicat. C'est la deuxième fois que je la porte depuis que je suis au Canada. Je l'ai porté fièrement quand on m'a donné ma citoyenneté canadienne et c'est aujourd'hui le deuxième grand moment de ma vie de Canadien.
Les États-Unis font partie du problème, pas de la solution. Je vous invite très fortement à lire un livre intitulé Peter Mansfield : The Arabs, si vous ne l'avez déjà fait. Au cours des 100 dernières années, il ne s'est pas trouvé un seul pays arabe qui n'ait été envahi ou détruit. Al-Qaida existe-t-il ou non, Al-Qaida a-t-il ou non attaqué les États-Unis? Nous ne le savons pas, parce que le seul témoin du drame, c'est le témoin américain. Quoi qu'il en soit, même si nous croyons les Américains, 3 000 personnes sont mortes depuis la chute de Sadam mais, d'après les télévisions arabes, le nombre de victimes dépasserait maintenant les 150 000. Les Arabes sont des gens qui ont de grandes valeurs morales. Personne n'apprécie qu'on tue des membres de sa famille. Vous reviendrez.
Le sénateur Forrestall : Vous ferez un excellent Canadien, monsieur.
M. Kilisli : Merci. Je vous salue, honorables membres.
M. Ralph Forté, à titre personnel : Je suis un simple citoyen canadien, fier de l'être.
Sous les gouvernements qui se sont succédé, les Forces canadiennes n'ont cessé de perdre en efficacité. Si notre pays devait être menacé par un ennemi et que cette menace pèse sur l'ensemble du territoire, sur nos libertés, sur nos valeurs et nos infrastructures, j'affirme que nous ne serions pas en mesure de nous défendre. Récemment, nous n'avons pas été en mesure de transporter nos troupes. C'est inacceptable pour un pays de la taille du Canada. Selon moi, un pays aussi grand que le nôtre mérite de disposer d'une importante force de défense, une force farouche, respectée, bien équipe et bien rémunérée. Il y a ceux qui disent que nous n'en avons pas besoin, que nous sommes une nation de casques bleus. Mais pour être une nation qui fait respecter la paix, il faut d'abord être une nation qui sait instaurer la paix. Nous n'avons pas donné à nos forces armées la capacité d'intervenir pour instaurer la paix, nous n'avons pas le courage de décider quand il faut exercer la force, même si nous n'en avons pas le moyens. Regardez les videurs dans les bars. Ils sont là pour maintenir la paix, mais ils n'y parviennent que parce que la clientèle est consciente qu'ils ont les moyens d'instaurer la paix. C'est indiscutable et cela s'applique également à nos casques bleus canadiens. Il est temps que nous traitions nos forces de défense comme si elles étaient importantes au bien-être de ce pays. Il est temps de leur permettre d'être aussi farouches que l'ont été ces types-là ou que veulent l'être les types de derrière. Il est donc temps de commencer à gérer les forces de défense de façon sérieuse et pas en jouant avec elles. Ne faisons pas joujou avec nos forces armées comme nous le ferions dans un jeu d'ingénierie sociale.
Je sais que nous ne pouvons pas vous poser de questions, mais je vais tout de même en poser qui n'appellent pas de réponse, mais qui vous inviteront à réfléchir. L'expression « viabilité militaire », c'est-à-dire la capacité de l'armée d'exécuter de façon compétente les missions qui lui sont confiées et qui exigent de protéger ce qui est cher depuis longtemps pour les Canadiens, doit demeurer un critère essentiel pour juger des opérations à confier aux Forces armées. Si vous dites que vous êtes entièrement d'accord avec cela, c'est que vous êtes entièrement d'accord avec ce qu'a affirmé le Sous-comité sénatorial sur la défense nationale, en 1982.
Je vais vous citer quelques passages. Le chef d'état-major sortant, le général Baril, a déclaré ceci :
Pour l'année financière 1998-1999, le commandement de la force terrestre vise à recruter 1 000 personnes, dont 25 p. 100 doivent être des femmes. [...] Outre l'objectif de recrutement concernant les femmes...
Je vois que le voyant vient de passer au jaune et que je dois accélérer. Il dit ensuite que les Forces canadiennes ont établi d'autres objectifs et qu'il y a d'autres quotas de ce genre.
Le problème n'est pas là, le problème c'est que le major-général Leech a donné l'ordre d'abaisser les normes physiques dans certaines parties des forces. Désormais, les doctrines ou les pratiques qui sont incompatibles avec la notion de participation illimitée des groupes désignés vont être modifiées. C'est cela le problème.
Je vous le demande : Est-ce que les Forces armées doivent être visées par de telles dispositions? Devons-nous réduire les normes physiques pour ouvrir les Forces armées à ceux et à celles qui ne peuvent se conformer aux normes existantes? Convient-il, sur un champ de bataille, d'avoir des personnels qui ne répondent pas aux normes établies à l'origine?
Le sénateur Banks : Êtes-vous militaire, par hasard?
M. Forté : Non.
Le sénateur Banks : Si je vous ai posé cette question, c'est que les militaires parlent souvent de férocité. Quoi qu'il en soit, je vois où vous voulez en venir. La férocité est bonne quand, comme vous le disiez, elle sert à instaurer la paix et il ne fait aucun doute que des casques bleus doivent aussi être capables de mener des missions pour rétablir la paix. Les soldats doivent être capables de se battre et plusieurs témoins nous l'ont dit aujourd'hui. Il faut disposer du maximum de moyens pour cela, parce que qui peut le plus peut le moins, mais si l'on est dépourvu de moyens, on ne peut pas faire grand-chose. Ainsi, je dois vous dire que le comité est certainement d'accord avec l'essentiel de ce que vous avez avancé.
Je vais à mon tour vous poser une question qu'on nous adresse souvent, parce qu'on nous a exhorté à réclamer que plus d'argent soit investi dans la défense. On en est là, il faut plus d'argent pour permettre aux Forces canadiennes de s'acquitter des missions qu'on leur confie. Cela soulève la grande question : doit-on dépenser moins d'argent en santé ou en éducation ou dans les deux pour pouvoir en consacrer davantage aux dépenses militaires, ou alors devons-nous augmenter les impôts?
M. Forté : Je ne sais pas exactement, mais je vous dirais ceci. J'aime ce pays et j'aime tout ce qu'il représente. Je doute de notre capacité de nous défendre, pas parce que nos militaires n'en ont pas la volonté, mais parce que ceux qui sont censés les appuyer ne le font pas tout le temps de façon perceptible. Il va falloir que vous leur parliez.
Je ne connais pas ce qui se passe du côté des impôts. Je ne connais pas grand-chose non plus en matière de santé, mais je sais qu'un pays comme le nôtre, avec des valeurs comme les nôtres, doit se protéger et que nous devrions agir tout de suite. Nous avons des militaires qui peuvent le faire pour nous, à condition de le leur permettre, de leur donner la formation nécessaire pour cela et de les rémunérer suffisamment.
Le colonel James H. Turnbull, à titre personnel : Sénateur Kenny, sénateurs, je suis le colonel honoraire du 3e Régiment d'artillerie de campagne, la Loyal Company, qui est le plus vieux régiment d'artillerie au Canada puisqu'il a été fondé le 4 mai 1793.
Avant de commencer, je tiens à attirer votre attention sur le fait qu'un peu plus tôt, vous avez accueilli un témoin qui s'est inquiété de la disparition des fanfares militaires au Canada et qui vous a parlé de la suppression de la Musique du Royal Canadian Regiment de Gagetown. Je suis on ne peut plus d'accord avec lui sur le fait qu'il faut maintenir cette fanfare là-bas, mais je tenais, pour mémoire, vous dire également que le 3e Régiment a une fanfare fantastique et j'en sais quelque chose parce qu'elle m'a coûté quelques dollars en qualité de lieutenant-colonel honoraire.
Je suis soldat depuis 1936. À l'époque, je touchais 60 cents par jour et je devais m'acheter mes bottes. J'étais de service à mon régiment, pendant un entraînement d'été sur les canons de la défense côtière dans la région de Halifax, en août 1939, et j'étais sur l'île McNabb quand la Seconde Guerre mondiale a éclaté. Quand le régiment est rentré à Saint John, fin septembre, on m'a libéré sur-le-champ parce que je n'avais pas l'âge d'être mobilisé. Après avoir obtenu mon diplôme du secondaire et au bout de quelques mois de service, j'ai passé 33 mois au Royaume-Uni, en Italie et dans le nord-ouest de l'Europe. À mon retour au Canada, j'ai réintégré mon régiment en octobre 1946. Hormis quelques interruptions, je compte aujourd'hui plus de 60 ans de service. J'ai été actif pendant de nombreuses années à l'Association de l'artillerie royale canadienne et, plus tard, à la Conférence des associations de défense dont j'ai été le président pendant deux ans. Loin de moi l'idée de vous réciter la litanie de mes années de service, mais je voulais simplement vous indiquer l'intérêt que je porte aux affaires militaires.
Ce qui m'inquiète, c'est le manque d'intérêt et de sens des responsabilités du public qui refuse de voir qu'on ne peut protéger la paix qu'en faisant preuve de prévoyance et en se montrant fort. Les réalisations de nos forces combattantes lors des deux grandes guerres ont davantage contribué au développement de la nation canadienne et à sa reconnaissance sur la scène internationale que n'importe quoi d'autres. Pourtant, de toutes les traditions dont le Canada a hérité dans le domaine militaire, aucune n'est plus persistante que la désaffection du public et son manque d'intérêt pour les questions de défense nationale, jusqu'au moment où il y a une situation d'urgence.
Le sénateur Atkins : Merci pour vos remarques, colonel. Ce comité est effectivement confronté à la question que vous venez de soulever. Nous constatons l'apathie de la population. Aujourd'hui, quelqu'un a dit que l'armée ressemble à ce que le public semble vouloir de nos jours. Je pense que tout cela se ramène à une question de leadership et, à moins que le gouvernement ne décide de mener la parade, je ne pense pas que les choses vont changer. Qu'en pensez-vous?
M. Turnbull : J'ai tendance à me ranger à votre avis. Je me rappelle Barney Danson qui était ministre de la Défense quand on lui a posé la question : « Pensez-vous qu'il faille dépenser dans la défense ou dans les questions sociales? » Il a répondu « Oui » et son interlocuteur de lui rétorquer « Oui, mais quoi? ». C'est tout le problème de l'heure, il faut choisir entre les canons et le beurre. Ce n'est peut-être pas aussi grave que cela, mais je pense que les gens ne se rendent pas compte que les Forces armées sont une police d'assurance et que nous pouvons nous offrir la prime qu'elle représente.
Le président : Merci, colonel. Nous serions très heureux que vous nous laissiez votre document.
M. Greg Cook, à titre personnel : Monsieur le président, sénateurs, je suis orphelin de guerre. Merci de l'occasion que vous me donnez de vous parler au nom de Saint John People for Peace.
Saint John People for Peace est un mouvement de citoyens qui a été créé il y a plus de deux ans par des pacifistes qui se sont dit qu'il fallait s'opposer à l'invasion de l'Irak et à toute forme de participation du Canada sur ce théâtre d'opérations ou à toute autre opération qui serait contraire au droit international.
People of Peace demande à votre comité, tout d'abord, de verser des salaires raisonnables aux militaires canadiens afin qu'ils puissent se payer des logements décents; deuxièmement, nous vous demandons de leur fournir l'équipement adapté pour leur permettre de réaliser leur mission de défense civile et de maintien de la paix; troisièmement, donnez- leur une formation adaptée en maintien de la paix. Nous vous demandons également, au nom des 2 000 personnes au moins qui ont signé notre pétition adressée à la Chambre des communes plus tôt cette semaine, et au nom de la majorité des Canadiens, de reconnaître que la sécurité humaine ne dépend pas d'une technologie de pointe autodestructrice. La sécurité de l'humanité dépend plutôt du règlement de certaines questions comme la pauvreté, le logement, l'éducation, la santé et l'environnement.
Nous demandons que le Canada se retire de toute discussion portant sur la défense antimissile et sur l'arsenalisation de l'espace, et qu'il s'abstienne d'y participer. Nous sommes convaincus que la défense contre les missiles balistiques conduira inévitablement à l'utilisation de ce type d'arme et nous voulons que le Canada ne soit pas complice de l'actuelle politique étrangère de Washington, basée sur la peur, lancée lors du premier mandat de George W. Bush; nous ne voulons pas, non plus, être complices de l'abrogation, par l'administration Bush, en 2001, du traité de défense contre les missiles balistiques de 1972. Nous n'avons aucune raison de croire que la position du Canada sur les questions de défense aura un quelconque effet sur d'autres politiques, comme sur celle du commerce international. Ces questions sont déterminées par certains groupes d'intérêt aux États-Unis, et il est peu probable qu'elles soient liées aux questions de défense. Qui plus est, nous jugeons obscènes les dépenses annoncées de 800 milliards à 1,2 billion de dollars pour rendre ce système opérationnel, en 2015. On nous a dit que notre appui ne coûterait rien, mais je crains qu'avant la fin des pourparlers, ce qui nous en coûtera ne nous empêche de financer nos opérations de maintien de la paix, ici et à l'étranger. Le Canada peut s'enorgueillir d'avoir une tradition honorable, celle d'avoir dit « non » à l'arme nucléaire, celle d'avoir dit « non » à l'isolement de Cuba, celle d'avoir dit « non » à la guerre du Vietnam et « non » à l'invasion de l'Irak. Nous devons aujourd'hui dire non à un projet qui n'est qu'une excuse pour placer des armes dans l'espace. Il est d'ailleurs difficile de qualifier de « bouclier » ce qui est en fait une immense balle.
Le sénateur Cordy : Avant de vous poser des questions, j'aimerais profiter de l'occasion qui n'est donné pour vous remercier, vous toutes et vous tous, de vous être déplacés ce soir. Vous nous facilitez énormément la tâche quand vous vous déplacez en tel nombre, parce que nous ne pouvons prendre de décision politique que si nous écoutons d'abord nos compatriotes. C'est un plaisir pour moi que de me trouver ici. Comme résidente de la Nouvelle-Écosse, je suis très heureuse d'entendre ce que les résidents de la région de l'Atlantique ont à dire.
Merci beaucoup, monsieur Cook et merci à Saint John People for Peace. Vous défendez évidemment un idéal très noble et j'espère que vous allez continuer à agir ainsi. Je sais que vous étiez opposé à l'invasion de l'Irak et je suis d'ailleurs ravie que le premier ministre de l'époque a décidé de ne pas participer à cette opération.
Vous avez parlé de logements, de pauvreté et de santé comme étant les principaux problèmes qui se posent dans des pays comme l'Irak, problèmes qu'il conviendra évidemment de régler si nous voulons un jour vivre dans un monde en paix. Mais, dites-moi, comment estimez-vous que le Canada doit s'y prendre pour rebâtir des pays comme l'Irak? Les Américains parlent de reconstruction, mais la guerre se poursuit. Que penseriez-vous si le Canada déployait des effectifs dans des pays comme l'Irak ou d'autres pour participer à leur reconstruction, pour fournir des logements et apporter d'autres formes de réconfort?
M. Cook : Je dirais, sénateur, que le Canada se montrerait diplomatiquement responsable s'il regardait ce qui se passe ailleurs, s'il constatait tous les problèmes qu'il convient de régler avant d'aller réparer les conséquences de l'incurie de quelqu'un d'autre.
M. Dennis Driscoll, à titre personnel : Bonsoir, membres du comité. Je suis président provincial de la Légion royale canadienne. Au nom de la Légion royale canadienne, permettez-moi de remercier le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense pour l'occasion qu'il nous donne d'exprimer notre avis sur le type d'armée que nous devrions avoir au Canada.
La légion n'a pas changé d'avis par rapport à ce qu'elle a exprimé à divers comités parlementaires au fil des ans. Nous voulons d'une armée qui dispose d'un personnel apte, présent, nous voulons d'une armée qui soit bien entraînée pour les missions que nous serons appelés à remplir, une armée qui puisse se suffire à elle-même.
Le déploiement de nos forces dans le monde pose énormément de problèmes. Prenez, par exemple, ce qui s'est récemment passé en Asie avec l'équipe d'intervention en cas de catastrophe, DART, qui a été dépêchée là-bas pour porter assistance aux victimes du tsunami. DART est le principal outil, le plus adapté aussi, dont les Forces armées canadiennes dispose pour faire face à des catastrophes de cette ampleur, mais est-ce vraiment ce dont nous avons besoin ou ne ferions-nous pas mieux de consacrer nos fonds en finançant des organismes non gouvernementaux de ce genre?
Pour l'heure, notre armée a beaucoup de difficulté à intervenir à l'intérieur de nos frontières et encore plus ailleurs dans le monde, parce que nous ne disposons pas des moyens de transport stratégique nécessaires au déplacement du personnel et de l'équipement. Tôt ou tard, devrons entièrement retirer du service nos appareils Hercule et nous n'aurons alors plus aucun moyen de transport. Nous avons besoin de plus d'appareils et de plus de pilotes pour effectuer des missions de cet ordre.
Notre Marine fait un excellent travail, mais très peu de temps, elle ne disposera plus de moyens modernes de ravitaillement en mer pour appuyer ses opérations. Nous ne parlerons pas de la question des sous-marins, mais il est également très important que notre Marine dispose de tels bâtiments pour protéger notre souveraineté. Il y a aussi des problèmes d'effectif au sein de la Marine si nous voulons garder nos navires opérationnels.
L'Armée de terre elle aussi souffre de bien des maux que nous connaissons bien et qui vont des toiles aux vêtements en passant par la réduction des effectifs dans les forces de réserve et les forces régulières. Il y a longtemps, on disait que nous devions être en mesure de combattre au côté des meilleurs. Pourrions-nous le faire avec nos moyens actuels? Nous pensons que non. Au bout du compte, notre Armée a besoin de ressources professionnelles, importantes et renouvelables pour remplir les missions qui lui sont confiées. Par ressources, nous entendons le matériel et le personnel.
Il nous faut confier un mandat clair à nos forces armées. La question se pose donc de savoir si nous devons participer à toutes les missions de l'ONU. Il serait bien d'être en moyen de le faire, mais étant donné notre manque de ressources, nous n'y sommes pas parvenus dans un passé récent.
Le président : Monsieur Driscoll, le sénateur Meighen qui connaît fort bien la Légion puisqu'il a été président du sous-comité des anciens combattants, veut vous poser une question.
Le sénateur Meighen : Monsieur Driscoll, je pense que je vais vous poser la même question que celle du sénateur Atkins à M. Turnbull.
Notre comité a produit sept ou huit rapports dont la plupart, je pense, ont dû vous plaire puisqu'ils vont dans le sens de votre appel à un renforcement des Forces armées canadiennes. Nous estimons que cela est nécessaire pour défendre l'intérêt national du Canada, ici et à l'étranger. Si nous ne contribuons pas à la stabilisation de la situation mondiale, comme nous estimons devoir le faire, nous ferons peser une menace sur nos compatriotes. Or, le gouvernement du Canada a pour principale responsabilité de protéger les citoyens.
Cela dit, et comme le sénateur Atkins l'a suggéré à M. Turnbull, il semble que nous avons l'armée que nous voulons. Selon vous, vous qui travaillez au sein de la Légion présente dans chaque collectivité au Canada, comment se fait-il que, à quelques exceptions près, dont ici à Saint John, comment se fait-il donc que les gens ne semblent pas se soucier de cela? Ils ne semblent pas se rendre compte que des forces armées très mobiles, bien formées et bien équipées pourraient beaucoup contribuer à instaurer la paix et à la protéger. Pourquoi donc?
M. Driscoll : Je répondrai en un mot : le « laisser-aller ». Nous avons oublié. Les principales missions de La légion dans ce pays sont, premièrement, la protection de l'unité et, deuxièmement, l'entretien du souvenir, mais vous pourriez les présenter dans un ordre différent, sénateurs. Beaucoup trop d'années se sont écoulées sans que rien ne se passe. Soudain, nous avons ressenti le contre-choc du 11 septembre. Le Canada finira bien par être lui-même victime d'un 11 septembre, d'une façon ou d'une autre. Que ce soit ici ou dans le cadre d'une atrocité qui surviendra à l'étranger.
Nous demandons aux militaires d'apporter leur soutien au gouvernement et aux Canadiens et Canadiennes, mais il faut se demander si nos institutions appuient les militaires en retour. Cela répond en partie à votre question. Le comité pourrait effectivement renverser la vapeur et vous avez très justement, dans vos remarques passées, sénateur, appuyé nos forces armées; il est clair qu'il faut pérenniser leur présence, mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Soudain, un jour, nous passons à deux doigts de la catastrophe et nous nous retrouvons dans une situation qui nous oblige, politiquement ou moralement, à intervenir alors que nous n'avons ni les ressources ni la compétence technique pour le faire. Comme vous le disiez, nos responsables sont peut-être au courant de cette situation, mais au quotidien, le Canadien fait preuve de laisser-aller.
M. Pat Hanratty, à titre personnel : Je tiens à remercier le Comité sénatorial permanent de la Sécurité nationale et de la défense d'avoir décidé de tenir ces réunions publiques et de m'avoir ainsi permis de m'adresser à lui ce soir.
L'armée canadienne est très respectée par la majorité des Canadiens et par la plupart des résidents de la planète. Je comprends l'idée qu'il faille équiper nos militaires d'un matériel moderne et sûr, et je suis d'accord avec cette notion. Cela s'entend également de logements décents, de salaires décents et de bonnes conditions de travail. Or, depuis le milieu des années 80, le gouvernement du Canada ne donne pas aux militaires le soutien dont ils ont besoin pour remplacer des infrastructures et un matériel vieillissant. Cela a considérablement gêné nos forces dans sa participation à certaines missions, situation qui a été embarrassante pour notre pays, puisque nous n'avons pas pu contribuer aux efforts de maintien de la paix comme les Canadiens l'auraient souhaité.
La question posée par votre comité, « Quel genre d'armée le Canada devrait-il avoir? », est très importante. Personnellement, j'estime que la vaste majorité des Canadiens voit le Canada comme un pays pacifique. Nous ne voulons pas faire main basse sur un autre pays, ni imposer notre domination sur des territoires étrangers. Nous avons beaucoup de chance de disposer de toutes les ressources dont nous avons besoin pour croître et prospérer. Si le Canada continue à se concentrer sur les missions de maintien de la paix, sur l'aide humanitaire et sur la protection de sa souveraineté, nous ne serons pas perçus comme une menace par les États voyous ou par des groupes militaires qui évoluent de l'autre côté de la planète. Il est vital, pour notre sécurité et notre souveraineté, que nous n'apportions pas aveuglément notre appui à toutes les actions militaires des États-Unis. Si nous le faisions, nous nous exposerions à de graves périls, parce que nous serions perçus comme des agresseurs adhérant à la machine militaire américaine. Nous risquerions alors beaucoup plus de devenir la cible de ces groupes.
Le Canada, avec ses forces armées, joue un rôle non agressif sur la scène mondiale. Ce rôle nous amène à protéger les droits de la personne, pas uniquement en parole, mais également en actes.
Pour terminer, je vous exhorte à recommander que nous ne participions pas au programme de défense antimissile américain. Ce projet est mal conçu et si nous l'appuyions, nous trahirions notre réputation de pays pacifique.
Le sénateur Nolin : Monsieur Hanratty, je comprends ce que vous dites au sujet des États-Unis, mais nous devons notamment régler la question de la défense de notre continent, continent que nous partageons avec les Américains. Comment entrevoyez-vous cette collaboration? Comment celle-ci pourrait-elle évoluer positivement pour les Canadiens?
M. Hanratty : Eh bien, au vu des récentes mesures de sécurité qui viennent d'être prises, j'ai l'impression que les Américains viennent de faire un pas de plus dans le sens de l'unilatéralisme et, si le Canada a été consulté, on n'a pas manqué de lui dire : « C'est ainsi que les choses vont se passer aux États-Unis et, au nom de l'uniformité, il faudra que le Canada fasse la même chose ». Je pense que nous venons de dresser la table pour nous rapprocher davantage de nos voisins et je dirais que nous ne sommes peut-être pas prêts à aller aussi loin compte tenu de certaines de ces mesures. Cela ne revient pas à dire que nous n'avons pas de rôle à jouer dans la protection du continent et de nos côtes, mais que certaines des mesures prises ne sont peut-être pas nécessaires.
Le sénateur Nolin : Autrement dit, nous devons être plus résolus.
M. Hanratty : Oui.
M. Judson Corey, à titre personnel : Je représente une organisation locale qui s'appelle KIROS, Justice oecuménique. Nous collaborons avec People for Peace représenté par M. Cook. Je représente aussi une organisation nationale qui s'appelle Vétérans contre les armes nucléaires.
Je vais répondre à la question « Quels sont les points vulnérables du Canada et quel rôle notre armée devrait-elle jouer pour y parer? ». La principale vulnérabilité du Canada est sa perte de souveraineté. L'une des plus importantes menaces qui pèsent contre notre souveraineté est le programme de défense contre les missiles balistiques, BMD, que les États-Unis conçoivent comme un parapluie destiné à protéger tout le continent nord-américain. Le BMD s'inscrit en violation directe du traité de 1972 qui prévoyait l'interdiction du développement de missiles. Il s'agit du traité concernant la limitation des systèmes anti-balistiques, ou traité ABM. Il interdit la mise sur pied d'un système de défense antimissile à l'échelle d'une nation. Le traité ABM est une composante essentielle du contrôle des armements nucléaires, puisqu'il interdit les essais en vol de missiles militaires.
Le sénateur Douglas Roach a déclaré que le gouvernement du Canada était opposé au programme de défense contre les missiles balistiques. En 1995, le Canada s'est opposé à l'abrogation ou à l'affaiblissement du traité ABM, affirmant que celui-ci était absolument essentiel au maintien de la sécurité nucléaire internationale. En 1996, le Canada a ajouté qu'il était fermement engagé envers le traité ABM de 1972. L'Alliance canadienne pour la paix nous a prévenu que le programme de défense contre les missiles balistiques risque d'occasionner une prolifération nucléaire.
Le programme BMD américain consiste à répondre aux dangers que posent certaines armes en fabriquant davantage d'armes, ce qui incitera d'autres pays à renforcer leurs propres arsenals.
Le sénateur Roach a également affirmé que le gouvernement chinois avait émis une mise en garde : toute nouvelle course à l'armement nucléaire ferait exploser le continent asiatique. Le sénateur Roach nous a aussi prévenu que les Américains avaient l'intention d'accroître leur capacité militaire pour devenir la première nation militaire du monde au XXI+ siècle.
La BMD va dans le sens de la doctrine de frappe préventive, notion très dangereuse qui consiste à envahir a priori des nations souveraines. Comment les militaires canadiens pourront-ils nous aider? En continuant à assumer le rôle de casque bleu qui leur a valu leur réputation. Ceci est nettement préférable à toute autre façon qui nous associerait aux politiques agressives des États-Unis.
Le sénateur Day : Monsieur Corey, est-ce que votre groupe, Justice oecuménique, pense que nos forces armées devraient pouvoir participer à des activités autres que le maintien de la paix au côté de nos alliés internationaux étrangers?
M. Corey : Nous croyons dans des forces armées qui, sur un plan, ressembleraient à des forces policières; en revanche, elles ne serviraient pas à envahir un pays étranger comme l'Irak ou l'Iran ni à remplir le genre de missions récentes auxquelles nous avons assisté.
Le sénateur Day : En fait, vous estimez qu'il faudrait limiter nos forces armées à un rôle s'apparentant davantage à celui de police internationale. C'est ce que vous pensez?
M. Corey : Eh bien, ce n'est pas tout à fait cela, mais nous estimons que nos forces armées ne devraient pas participer à l'invasion d'autres pays.
Mme Leticia Adair, à titre personnel : Bonsoir. Je représente la section locale du Conseil des canadiens.
Monsieur le président, sénateurs, nous apprécions l'occasion qui nous est donnée de participer à cette audience. Il y a deux semaines, nous avons tenu une enquête publique semblable sur le thème de la sécurité et de la défense dans le contexte des relations canado-américaines et il est donc très intéressant que nous nous retrouvions ici devant vous, aujourd'hui. Je l'apprécie et, comme je le disais, nous y voyons une occasion.
Nous sommes très préoccupés de voir que l'actuel gouvernement semble vouloir se ranger au côté du milieu des affaires qui désire que les économies canadiennes et américaines soient davantage intégrées et que l'on tende vers une plus grande collaboration avec nos voisins sur les plans de la défense et de la sécurité. On nous demande de plus en plus de fondre nos intérêts respectifs et de les placer sous un seul et même commandement. Quant à nous, nous tenons à ce que nos ressources aboutissent dans des programmes spéciaux, comme la santé et l'éducation.
Nous sommes favorables à ce que le Canada adopte une autre politique de défense. Nous appuyons le rôle traditionnel de maintien de la paix des Forces canadiennes. Pour ce qui est de l'action de nos forces armées dans le monde, nous sommes d'accord avec l'image traditionnelle du casque bleu que nous projetons auprès d'autres pays et dont nous avons tout lieu de nous enorgueillir. Cela ne revient pas à dire qu'il faut cesser d'entraîner nos militaires aux questions de sensibilité culturelle afin qu'ils soient mieux outillés dans leur contact avec d'autres cultures et avec nos Autochtones.
Il faut publiquement réexaminer notre politique de défense et notre politique étrangère, et cette réunion s'inscrit d'ailleurs dans ce processus. Il faudra raisonner de façon plus critique et tenir d'autres discussions au sujet de notre rôle vis-à-vis des États-Unis et de ce que cela signifiera sur le plan de la politique étrangère et de la politique de défense.
Lors des audiences que nous avons tenues il y a quelques semaines, la professeure Jefferson de l'Université du Nouveau-Brunswick à Saint John est venue nous déclarer :
Ne passez pas à côté de ce rendez-vous historique qui consiste à réfléchir sur le genre d'ordre mondial auquel nous aspirons et en vertu duquel nous évaluerons nos décisions politiques — il s'agira d'élaborer une nouvelle vision que les Canadiens auront d'eux-mêmes, ce que nous réclament les Américains et d'autres.
Le gouvernement du Canada doit se montrer intéressé à maintenir de bonnes relations avec le reste du monde et à défendre sa souveraineté ou son économie et ses ressources. Nous sommes, à l'instar des autres intervenants, opposés à ce que le Canada intègre le projet américain de défense contre les missiles balistiques.
Le sénateur Forrestall : Madame Adair, il faudrait que je réfléchisse toute une journée à ce que vous venez de dire avant de pouvoir vous poser la question que j'ai en tête, mais je dois vous dire que ma petite expérience du monde m'a convaincu que la paix n'arrive pas seule. Il faut vouloir l'instaurer, parfois avec vigueur et parfois en franchissant certaines limites dans une action qui peut paraître offensive, pour nous et pour d'autres.
Rejetez-vous cette vision dans les objectifs que vous poursuivez?
Mme Adair : Je ne peux nier qu'il faut protéger les gens. Je travaille également au contact de réfugiés et j'estime que les casques bleus canadiens appuient et protègent les peuples. Nous sommes d'accord avec cela. Si c'est ce que vous me demandez, je vous dirais que c'est exactement ce à quoi doit ressembler notre rôle.
Nous pourrions également proposer notre programme au reste du monde pour que les droits des uns et des autres soient protégés et que l'on réponde aux nécessités premières des êtres humains en eau potable, en éducation et en santé. Ce faisant, nous éviterions les difficultés qui amènent certains peuples à sortir de leur frontière ou à créer les conflits.
Le lieutenant-colonel E. Neil McKelvey, témoignage à titre personnel : Monsieur le président, membres du comité, je suis lieutenant-colonel honoraire du 3e Régiment d'artillerie de campagne et je fais cet exposé au nom de mon régiment qui est le 31e Bataillon de service. Ces deux unités sont de Saint John.
Nous avons trois choses à dire : premièrement, je vais vous faire une description de la nature de la milice qui, je crois, est mal comprise; deuxièmement, je vous ferai des remarques sur les mesures à prendre pour inciter les employeurs à libérer les membres de la milice afin qu'ils participent aux journées d'instruction; troisièmement, je vous parlerai du risque qu `il y a de trop insister sur l'instruction de la milice axée sur la préparation aux situations d'urgence.
Le personnel de la milice est essentiellement composé d'étudiants qui peuvent être appelés pendant l'été et de soldats qui ont une famille et une carrière et qui ne sont disponibles que pour des entraînements de courte durée. Nous estimons que ce frein à la capacité de mobilisation à long terme des membres de la milice est mal compris par l'establishment à la Défense.
Deuxièmement, pour inciter les employeurs à libérer les membres de la milice afin de leur permettre de participer aux journées d'instruction, il conviendrait d'adopter une approche du type carotte, plutôt que du type bâton. Il faudrait adopter des mesures d'incitation pour amener les employeurs à libérer leurs employés; par exemple, on pourrait leur consentir des abattements fiscaux ou appliquer d'autres mesures plutôt que de leur imposer de libérer nos soldats par une loi. Certes, les Américains ont adopté l'approche législative, mais elle n'a pas très bien fonctionné parce que les employeurs renâclent à employer des membres des forces de réserve, en sorte que ces gens-là ont beaucoup de difficultés à trouver un emploi. Cette formule ne conviendrait pas au Canada.
Troisièmement, nous sommes d'accord avec le projet qui consiste à accroître la capacité de la milice pour lui permettre d'intervenir davantage dans les situations d'urgence nationale, comme cela est décrit au problème 4 du chapitre 8 de votre récent manuel, mais il faut veiller à ne pas trop en faire. L'entraînement aux situations d'urgence ne doit pas se faire aux dépens de l'instruction au combat en général. La milice doit être prête au combat, elle doit être prête à remplir des missions de combat si besoin est et il est toujours possible d'adapter une capacité générale au combat à l'exécution de missions d'intervention en situations de catastrophe nationale.
Enfin, nous félicitons le comité pour avoir recommandé d'augmenter le budget des Forces canadiennes, ce qui s'impose de toute évidence. Comme bien d'autres unités, notre unité ne peut faire le travail qu'on attend d'elle, si elle ne dispose pas du financement ni des ressources nécessaires.
Monsieur le président, membres du comité, j'ai remis au greffier un document exhaustif rédigé par le lieutenant- colonel Foote, commandant du 3e Régiment d'artillerie de campagne, document qui étaye ce que je viens de dire et qui formule des recommandations destinées à rendre la milice plus efficace. Je vous en courage à le lire.
Le sénateur Banks : Monsieur McKelvey, je pense pouvoir vous dire sans trop avoir peur de me tromper que, dans l'ensemble, la plupart des membres que je connais à ce comité seront d'accord avec ce que vous venez de dire.
M. McKelvey : J'en suis heureux.
Le sénateur Banks : C'est facile à dire, parce que je vous vous dites d'accord avec tout ce que nous avons nous- mêmes déclaré. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la durée de la mobilisation dans la réserve pour les périodes d'instruction, question dont vous dite qu'elle est mal comprise par l'establishment militaire? Dites-nous exactement ce que vous entendez par là.
M. McKelvey : Eh bien, nous avons l'impression que la force régulière, qui est en mesure d'imposer à tout le monde les conditions dans lesquelles elle dispense l'instruction, se montre déraisonnable en essayant d'imposer certaines conditions à la milice, par exemple, et qu'elle dit aux gens qu'ils doivent suivre un cours de six semaines pour obtenir une promotion ou des choses du genre. Ce n'est pas possible, sauf pour des étudiants qui se libèrent l'été ou pour des gens qui sont prêts à compromettre leur carrière dans le civil pour se mobiliser pendant de longues périodes.
Le sénateur Banks : Certes, mais s'il faut six semaines pour amener un artilleur au bon niveau, devrait-on tout de même offrir des cours d'instruction de quatre semaines quitte à produire des artilleurs qui seraient moins compétents?
M. McKelvey : Cela peut se faire en plusieurs étapes. Nous pourrions d'abord offrir un cours de deux semaines, puis un autre de deux semaines, suivi de deux semaines de plus.
M. John Steeves, à titre personnel : J'ai passé la plupart de ma vie adulte dans le journalisme et comme je n'envisageais pas de prendre parole, je vais essayer d'être bref.
Beaucoup, aujourd'hui, ont parlé d'équipement et d'effectif, aspects avec lesquels il est difficile d'être en désaccord, mais je pense utile de rappeler que, peu importe le gouvernement au pouvoir, qu'il soit conservateur ou libéral, il faut s'attendre à ce que l'armée canadienne soit notre ambassadrice dans de nombreuses parties du globe, surtout dans les points chauds, et qu'elle soit appelée à remplir ce rôle beaucoup plus encore que nos premiers ministres et nos députés. Cela, nous devons le reconnaître et je pense qu'il incombe au Canada d'envoyer des gens qui soient véritablement représentatifs de ce que nous sommes. Il y a plus de 40 ans, les forces armées étaient essentiellement une institution anglophone. C'est à cette époque qu'on a créé les militaires royaux, c'était pour représenter tout ce qu'il y avait de bon dans notre société. Depuis lors, nous sommes devenus une société globale. Bien des villes canadiennes sont principalement ou presque essentiellement composées de populations d'immigrants. La plupart de ces immigrants se sont réfugiés au Canada pour échapper aux militaires dans leur pays; ils viennent donc de régions où l'on craint l'armée, ce qui n'est pas le cas au Canada. J'estime qu'il incombe aux militaires de ne pas dépenser des sommes astronomiques, mais plutôt d'essayer d'inciter davantage de Sikhs, de Punjabis, de Noirs, de Jamaïcains et d'autres à intégrer leurs rangs, à essayer de les amener à comprendre qu'il est honorable de servir sous l'uniforme au Canada. Ce faisant, nous pourrions peut-être nous protéger nous-mêmes en présentant un Canada vraiment « global » quand nous envoyons nos militaires à l'étranger, plutôt que d'être, comme c'est actuellement le cas, une force essentiellement composée de blancs.
Le sénateur Atkins : Je crois avoir bien compris ce que vous avez dit et que l'armée n'est pas la seule concernée, mais que vos propos visent également les forces policières et les autres organisations chargées de notre protection. Vous avez dit, je crois, que des immigrants sont venus au Canada parce qu'ils ont voulu fuir les militaires et qu'ils évitent donc de revêtir l'uniforme. La question qui se pose est donc celle du recrutement. Comment pensez-vous que ces organisations devraient s'y prendre pour recruter davantage d'immigrants?
M. Steeves : Eh bien je pense que, dans les années 50 ou au début des années 60, quand les militaires royaux ont été mis sur pied, les mêmes genres de problèmes se posaient : comment accroître le recrutement après la Seconde Guerre mondiale? Comment recruter des francophones dans des postes de confiance au sein de l'armée?
Le sénateur Day et moi-même avons passé une année aux militaires royaux. J'étais au début de ma carrière et il y a maintenant des gens très connus, comme le général Roméo D'Allaire qui a vécu cette expérience au Rwanda. Sans qu'il soit nécessaire d'abaisser les normes ou de faire en sorte que l'armée soit plus proactive, je pense qu'il faudrait ouvrir le métier des armes aux immigrants et aux Canadiens de deuxième génération. Vous savez sans doute mieux que moi comment il faudrait s'y prendre, mais je pense qu'il faudrait y penser parce qu'il serait très important que nous puissions envoyer des troupes représentatives d'une société multiculturelle dans des endroits comme le Darfour — disons, pas le Darfour, mais la Serbie ou le Ceylan. Pour l'instant, je crois qu'une force essentiellement composée de blancs ne traduit pas vraiment le caractère ouvert de notre pays.
M. Roy Hobson, à titre personnel : Je réside dans les Maritimes depuis que j'ai deux ans, c'est-à-dire il y a très longtemps.
Je commencerais par vous parler de l'ONU. Dans très peu de temps, l'ONU ne prendra pas uniquement des décisions à caractère humanitaire, parce que la majorité des nations qui sont membres de l'ONU sont maintenant des dictatures qui sont fermement opposées à la démocratie et à la justice sociale. Le monde a donc besoin de policiers internationaux. C'est ainsi que les choses vont se passer et elles continueront à se dérouler jusqu'au retour du Christ sur terre, j'en ai bien peur.
Cela dit, le Canada a besoin d'une armée solide, pas uniquement pour défendre ses frontières, mais aussi pour contribuer aux missions de police dans le reste du monde et aux missions de maintien de la paix. C'est ainsi. Le monde est aujourd'hui plus violent qu'il l'était, il y a 50 ou 100 ans. Avec la technologie actuelle, il est même plus difficile de nous défendre.
Il a été, à plusieurs reprises, questions de notre capacité de transport. Pour l'instant, nous ne sommes même pas en mesure de transporter efficacement nos militaires à l'intérieur de nos frontières. Comment donc pourrons-nous les engager pour défendre nos frontières ou pour faire quelque chose d'utile à l'échelle internationale?
Il a également été question de l'état de nos navires. Il va falloir acheter de nouveaux bâtiments pour remplacer l'actuelle flotte de destroyers. Ces navires ont, depuis longtemps, dépassé leur durée de vie utile et même leur durée de vie après modernisation; ils sont arrivés au bout du peu de temps que leur dernière modernisation leur a ajouté et ils sont exploités sur du sang emprunté. Il va falloir passer ce genre de commande d'ici un ou deux pour que nous ayons des bâtiments à flot avant que les navires actuels ne touchent le fond.
J'ai personnellement l'impression que les Strikers sont une perte de temps et d'argent. Leurs défauts sont bien connus et leurs châssis sont trop légers pour transporter le canon dont ils sont équipés. Il est ridicule d'acheter ce genre de véhicule. C'est un véritable détournement de fonds par le cabinet fédéral et qui n'a pas laissé aux militaires professionnels le soin de prendre de bonnes décisions quant au genre de matériel à acheter. La meilleure façon d'utiliser les fonds destinés à l'armée consisterait à demander au gouvernement, par la voix du Parlement, de fixer le budget disponible, de définir les règles en matière de contenu canadien et de laisser ensuite le soin aux responsables militaires, à nos experts, de prendre les meilleures décisions possibles pour acheter le matériel, recruter le personnel et ainsi de suite, afin que l'armée puisse accomplir les missions qui lui sont confiées.
Le sénateur Cordy : Nous aussi, estimons qu'il faudrait considérablement augmenter le budget des forces armées pour leur permettre d'acheter de l'équipement, comme nous l'avons précisé dans nombre de nos rapports. Vous avez, je crois, dit au début que nous aurions besoin d'un corps policier international. Il est vrai que les Canadiens nous disent que nous avons besoin d'une force militaire solide, offensive et défensive, non seulement pour prendre part à la protection du Canada mais également pour intervenir dans le cadre de missions internationales, tandis que d'autres estiment que notre armée devrait se limiter à des missions de maintien de la paix.
Ce soir, quelqu'un a parlé de l'image des casques bleus et j'aimerais que vous me disiez vous-même comment vous définissez un soldat de la paix. On parle du Canada comme d'une nation qui contribue au maintien de la paix en envoyant des casques bleus dans d'autres pays, mais que devrait être le rôle de ces casques bleus et quelle formation devraient-ils recevoir?
M. Hobson : Pour ce qui est de la formation, j'estime que nos casques bleus doivent recevoir une instruction militaire les préparant parfaitement au combat, un peu comme la FOI et l'équipe d'intervention d'urgence de la GRC. Nos casques bleus doivent être extrêmement bien préparés pour affronter les pires situations dans lesquelles la communauté internationale pourrait les placer.
Prenez l'Irak où une minorité importante a décrété qu'il n'y aurait pas de démocratie et qui s'en prend à ceux qui estiment le contraire. Nos militaires doivent pouvoir faire face à ce genre de situation, à des ennemis de ce genre. Quant aux genres de missions que nous devrions remplir, eh bien idéalement, j'aimerais que les militaires canadiens fassent du maintien de la paix. Cependant, ce ne sera pas le cas tant que l'ONU n'aura pas modifié sa Charte pour que sa priorité soit le bien-être social de l'humanité plutôt que le maintien en place des gouvernements. Nous devrons forcément faire partie d'un corps policier international, au côté d'autres. Malheureusement, la triste réalité est que, ces dernières années, les forces de l'OTAN plutôt que celles de l'ONU ont assuré le maintien de la paix parce que, comme Ralph Forté le disait, il faut d'abord instaurer la paix.
Le président : Merci.
M. Hobson : C'est triste, mais c'est ainsi.
M. Bernie Ritchie, à titre personnel : Je suis commodore du Saint John Power Boat Club.
Je tiens tout d'abord à souhaiter la bienvenue à Saint John aux honorables membres de ce comité. Il est dommage que la météo ne soit pas davantage favorable à une sortie en mer, parce que nous aurions pris les dispositions pour vous faire profiter de nos installations portuaires. Il faudra que vous reveniez.
Je ne suis pas ici pour demander quoi que ce soit mais plutôt pour vous offrir quelque chose au nom du Power Boat Club. Notre club est niché dans Marble Cove, juste au-dessus des chutes Reversing, depuis une centaine d'années. En fait, nous allons bientôt fêter notre centenaire. Au fil des ans, nous avons offert nos services aux pompiers, à la police, à la marine, à la Garde côtière et à d'autres, à bien des égards, de la récupération de corps à la recherche de chargements de drogue transitant par le port. Notre grue mobile est capable de soulever des bâtiments de 20 tonneaux. Nous pouvons d'ailleurs soulever des navires beaucoup plus gros qu'à l'aide de la grue sur rail.
Pourtant, personne ne nous a demandé quel rôle nous pourrions jouer dans le port. Nous ne faisons pas partie du port, parce que nous sommes situés tout de suite au-dessus des chutes Reversing, mais nous sommes un point d'entrée pour les formalités douanières. Les navires qui viennent des États-Unis et d'autres coins de la planète passent par notre club nautique et c'est à partir de là qu'ils sont vérifiés.
Nous craignons maintenant qu'avec le genre de port qui se trouve à côté, certains problèmes de sécurité locale ne soient pas réglés et je suis venu ici pour vous annoncer que notre club nautique aimerait offrir ses services à nos installations, au gouvernement du Canada. Nous aimerions pouvoir faire tout ce que nous pouvons pour améliorer la sécurité locale ou pour apporter une aide quelconque. Nous serions heureux de travailler avec n'importe quel groupe, que ce soit la Garde côtière, la police ou autres. Nous avons également des installations qui permettent de mettre les embarcations à l'eau.
Nous n'avons pas encore parlé de cela à qui que ce soit et nous pensons que d'autres clubs nautiques côtiers au Canada seraient sans doute très heureux d'offrir leurs services et leurs équipements.
Le sénateur Meighen : Merci beaucoup, monsieur Ritchie. Ce n'est pas souvent qu'on nous propose de l'aide.
M. Ritchie : Nous sommes ici pour essayer de limiter les coûts.
Le sénateur Meighen : Et en plus, ce serait gratuit. J'aime votre prix.
Le sénateur Meighen : Je pense que vous avez abordé une question très importante. Bien des gens nous ont dit que nous ne pouvons pas nous permettre de tout faire, mais il est vrai que nous pouvons accroître notre efficacité en mobilisant différents segments de la société. Nos forces régulières peuvent remplir certaines missions et elles peuvent bénéficier de l'appui des réserves qui accroissent leur capacité; si l'on ajoute à cela des services comme ceux que vous proposez ou que proposeraient d'autres organisations, je pense que nous obtiendrions de merveilleux résultats.
Notre vice-président, le sénateur Forrestall, rappelle toujours l'importance des Halifax Rifles pour ce qui est des patrouilles le long de la côte. Sérieusement, il est vrai que la contrebande de drogue le long de nos côtes est très importante — en fait je ne devrais pas dire importante, mais elle est tout de même présente — parce que les trafiquants ne vont certainement pas accoster à Market Slip et annoncer leur arrivée. Ils sont beaucoup plus susceptibles d'accoster à Dipper Harbour ou ailleurs. Ainsi, moyennant un coût relativement minime, nous pourrions bénéficier des services d'organisations comme la vôtre.
Monsieur, avez-vous fait cette proposition aux autorités et, si oui, à qui?
M. Ritchie : Non, nous ne l'avons pas fait et je suis désolé si je vous ai amené à penser le contraire.
Le sénateur Meighen : J'ai dû mal vous comprendre. Nous allons donner suite à votre offre.
Mon autre question est la suivante : pourquoi d'autres n'ont-ils pas pensé à cela avant?
M. Ritchie : En fait, si je vous ai fait cette proposition, c'est en partie parce que je suis tombé sur le sénateur Joe Day, aujourd'hui, et que nous avons échangé quelques mots au sujet de cette offre.
Le sénateur Meighen : Joe sait comment obtenir des services gratuits.
M. Ritchie : Eh bien, j'ai travaillé avec Joe dans le passé, dans un autre domaine, et je suis parfaitement au courant du travail qu'il effectue auprès de l'autorité portuaire, notamment. En qualité de représentant du Nouveau-Brunswick c'est un homme très respecté et nous l'appuyons sans réserve. Nous aimerions mettre à sa disposition tout ce que nous pouvons pour l'aider.
Le président : Eh bien, vous pourriez alors écrire à Joe pour lui décrire votre proposition et nous disposerions ainsi d'un document qui nous permettrait de donner suite à votre offre.
M. Ritchie : Bien sûr.
Le président : Ce serait très aimable à vous. Merci, monsieur.
M. Ritchie : Merci.
Mme Gloria Paul, à titre personnel : Monsieur le président, sénateurs, merci beaucoup de vous être déplacés dans notre superbe province. Je suis née durant les bombardements de Londres par les V1, en 1940. Je sais ce qu'est un bombardement. Je sais ce que c'est que d'affronter un ennemi. Ce sont les deux mots que je déteste le plus au monde. En revanche, nous devons nous demander très sérieusement ce que signifie le mot ennemi de nos jours. Je lisais récemment que 60 000 enfants de Dresde ont été tués par nos bombardements. Nous savons combien sont morts lors de la Seconde Guerre mondiale. Lors d'un sondage Compass 2002, effectué sur les impôts et les dépenses des Canadiens, ce qui correspond précisément à la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui, seulement 7 p. 100 de la population a dit estimer que, dans le monde violent qui est le nôtre au lendemain du 11 septembre 2001, il faudrait accorder la priorité à la défense et à la sécurité contre le terrorisme. Seuls 7 p. 100 pensaient ainsi. Le Canada faisant partie du 10 p. 100 des nations qui consacrent le plus gros budget à la défense, dans un monde où l'on dépense environ 1 billion de dollars par an sur les forces armées, on ne peut pas vraiment dire que l'insécurité soit due à un manque de capacité militaire. J'aimerais que nos militaires servent aux opérations de maintien de la paix qui ne représentent environ que 5,8 p. 100 de toutes les missions actuelles, plutôt qu'à des missions d'instauration de la paix, à la fois pour des raisons internationales et des raisons locales.
Je crains beaucoup que la CFC Gagetown, située directement entre Saint John et Fredericton et qui mesure environ 30 kilomètres sur 45 — ce n'est actuellement pas la plus grosse base, parce que c'est celle-ci se trouve en Alberta qui est la plus importante pour les exercices de combat — ne finisse par être transformée en centre d'essai d'armement pour les Américains, surtout que nos voisins envisagent de faire des essais souterrains de minis bombes nucléaires.
Quarante pour cent des Néo-Brunswickois s'approvisionnent en eau grâce à des puits qui sont alimentés par des affluents prenant naissance dans le bassin hydrographique du Saint John et même à proximité de la Baie de Fundy. Il semble donc que la BFC Gagetown soit mal placée pour être utilisée à des fins de combat — les Américains y ont testé des bombes réelles et l'agent orange dans les années 60 et l'on y utilise des bombes réelles à têtes multiples, de classe 2 ou autres — maintenant que nous sommes au XXIe siècle, c'est-à-dire 50 ans après l'installation de cette base entre deux grandes villes et le fleuve Saint John.
Nous assistons maintenant, dans cette région, à une augmentation du nombre des cancers du cerveau, de leucémie, de lymphome, de défauts génétiques à la naissance et de maladies mystérieuses. L'épandage de milliers de litres d'herbicides chaque année, pour détruire la végétation envahissante, afin de voir où tombent les bombes, et cetera, n'est pas sans conséquences. Des tonnes de limons se sont accumulées dans des cours d'eau jadis réputées pour leur abondance en saumons. Les tests utilisés pour l'eau de nos puits ne portent pas sur les agents chimiques et sur les résidus de bombes utilisées lors d'exercices de combat réels. Quant aux herbicides, on change sans arrêt leurs ingrédients en sorte qu'il est impossible de les évaluer. Les brûlis effectués sur la base ont presque entièrement détruit le village de Gagetown en 1986, la base se trouvant trop près des résidences civiles pour que des unités américaines ou canadiennes de Bagotville ou ailleurs y effectuent des exercices d'envergure.
Et que dire de la mondialisation? N'importe qui désormais pourra-t-il utiliser notre territoire pour tester ses produits chimiques et sa puissance de feu nucléaire, ici, au Nouveau-Brunswick?
Comme l'a souligné le sénateur Douglas Roche —
Le président : Excusez-moi, madame Paul, mais votre temps est épuisé. Vous aurez peut-être la possibilité de poursuivre quand on vous posera une question. D'ailleurs, le sénateur Nolin vous vous en poser une.
Le sénateur Nolin : Pouvez-vous terminer votre dernière phrase et je vous poserai une question ensuite?
Mme Paul : Le sénateur Doug Roche a indiqué que les Américains dépensent 100 millions de dollars par jour pour maintenir leur arsenal nucléaire, et cela pour dominer un monde qui réclame à corps et à cri de la nourriture, de l'eau, des soins de santé et des programmes d'éducation. Ce n'est pas là une valeur canadienne.
Le sénateur Nolin : Je pense que ce que vous venez de dire est important. Vous reconnaîtrez cependant avec moi qu'il n'existait pas de processus d'évaluation environnementale à l'époque où se sont produits la plupart des événements que vous avez décrits. Il convient sans doute de dire que bien des choses ont changé depuis lors. Cela dit, estimez-vous que le Canada devrait jouer un rôle sur le plan de la défense à l'échelle internationale?
Mme Paul : Ce n'est pas une question à laquelle on peut répondre en trois minutes.
Je pense qu'il faudrait se pencher sur la question du commerce des armes. Si nous dépensons 1 million de dollars pour acheter un chasseur, et que les États-Unis dépensent 1 milliard de dollars pour certains de ses bombardiers, il faudra bien un jour que nous utilisions ce matériel. Nous devons forcément créer un ennemi qui soit à la hauteur des armes que nous avons achetées. L'industrie de défense est énorme et elle est synonyme d'énormes quantités d'argent. C'est par-là, selon moi, qu'il faut commencer. Avons-nous vraiment besoin de tous ces chasseurs? Qui est l'ennemi du Canada? Le Canada est actuellement adoré dans le monde, mais si nous allons larguer des bombes quelque part, je ne suis pas certaine qu'on continuera de nous aimer. Est-ce que l'industrie de l'armement vaut tout cela?
M. William John Steeve-Smith, à titre personnel : Je tiens à vous dire à quel point il est fantastique de pouvoir participer à un débat public et qui ne porte pas sur la clause nonobstant.
Quand j'étais étudiant en philosophie, c'est le sénateur Kinsella qui était mon professeur et j'ai travaillé pour Brenda Robertson quand elle était ministre de la Jeunesse et du bien-être au Nouveau-Brunswick. Mon père, lui, a servi dans la Marine. Mon frère a été casque bleu à Chypres. Il en est revenu complètement détruit sur les plans mental et physique. C'était sa vie ou celle de quelqu'un d'autre.
Je suis d'accord avec le programme de défense contre les missiles balistiques. J'estime qu'il est très bien que le Canada apporte son appui à quelque chose, pour une fois. Dans cette pièce, on compte très peu de gens de moins de 25 ans et c'est quelque chose qui me gêne beaucoup. Quand j'étais en neuvième année, au secondaire, le Canada ne m'a pas donné la possibilité, et il ne l'a pas donné non plus à d'autres comme moi, de poursuivre nos études tout en servant sous l'uniforme, ce que je regrette. C'est la première proposition que je vais vous faire aujourd'hui. Il est temps que les jeunes Canadiens aient la possibilité de poursuivre leurs études de la neuvième jusqu'à l'université tout en servant sous l'uniforme et puis, s'ils le désirent par la suite, qu'ils puissent poursuivre leur carrière dans l'armée. Il est grand temps que ce pays se dote d'un tel programme.
Deuxièmement, nous devrions éliminer la Loi sur les jeunes contrevenants. On devrait condamner tous les jeunes qui sont traduits devant un juge, quel que soit leur crime, à servir dans une section spéciale de l'armée, dans des services qui seraient répartis disons dans trois régions du pays. Ils pourraient être encadrés par des sergents exigeants. Vous avez vu le film Les douze salopards dans lequel jouent Lee Marven, Telly Savalas et quelques autres vedettes du grand écran. Plutôt que de permettre à des toxicomanes, à des alcooliques, à des meurtriers et à d'autres types de criminels de rester avachis sur le lit de leur cellule 12 heures par jour, nous devrions créer une base spéciale dans le grand nord pour y envoyer ces jeunes et les entraîner comme nous entraînions les hommes et les femmes qui ont servi dans les deux guerres mondiales.
Ce faisant, nous économiserions énormément parce que nous n'aurions pas à entretenir de prisons. Nous pourrions économiser énormément en essayant de désintoxiquer ces jeunes des drogues et du tabac, en leur inculquant la discipline, en leur donnant une formation, en leur donnant une éducation plutôt que de simplement leur fournir un abri et de leur permettre de regarder la télévision ou de jouer à des jeux vidéos et ainsi de suite. Je doute, en revanche, que ce projet voit le jour et cela me désespère. Je suis découragé de ne pas avoir eu la chance de servir mon pays sous l'uniforme. C'est ce que j'aurais voulu faire.
Le sénateur Day : C'est monsieur Smith?
M. Steeve-Smith : Steeve-Smith. Ma mère s'appelait Steeve et mon père Smith — Steeve-Smith.
Le sénateur Day : Merci beaucoup pour vos remarques, monsieur Steeve-Smith. Tout à l'heure, beaucoup d'entre nous regrettaient que le programme de formation d'officiers au niveau universitaire ait été supprimé. Nous avons eu toute une discussion à ce sujet, comme vous le savez sans doute. Mais ce programme concernait des universitaires et j'aimerais savoir pourquoi vous avez parlé de la neuvième. Je me demande si cette proposition est valable étant donné que la plupart des élèves peuvent continuer dans le système public, dans le cadre d'une éducation financée, jusqu'à ce qu'ils obtiennent leur diplôme du secondaire.
M. Steeve-Smith : Je vais vous dire ce qui s'est passé à Toronto, juste avant Noël. Un jeune homme du nom d'Andy Stewart se trouvait dans un restaurant, dans l'est de la ville, en compagnie de deux jeunes femmes. Ils ont été accostés par un groupe d'adolescents de 12 ans. Ils cherchaient une fille. M. Stewart a défendu son amie et l'altercation s'est poursuivie dans la rue. Andy Stewart a été poignardé à mort. Cela, c'était une semaine avant Noël, à Toronto. Entre le vendredi et le lundi, six jeunes ont été tués, assassinés dans cette même ville. La Loi sur les jeunes contrevenants entre en vigueur. À Montréal, à l'époque de Noël, une vieille dame se déplaçait à l'aide de sa marchette, devant son immeuble à appartements, quand elle a été agressée par quatre jeunes délinquants, comme on les appelle. Elle en est tout juste sortie vivant. Pourquoi la neuvième année? Vous savez, certains des jeunes dont je viens de parler étaient encore en sixième.
Le président : Merci, monsieur.
M. Steeve-Smith : Qui va faire la discipline si les parents ne sont plus là pour s'en charger?
M. Mike Collins, à titre personnel : Bonsoir, sénateurs. Je serai bientôt officier dans la Marine. Je tenais à prendre la parole devant vous aujourd'hui pour vous parler d'une situation qui concerne l'arme que je viens d'intégrer, mais un autre monsieur en a parlé avant moi, il s'agit de la situation de nos destroyers.
Ils sont en train de tomber en morceaux, ils sont arrivés au terme de leur durée de vie utile. Vous vous êtes sans doute entretenus avec Ken Summers dans le passé et vous avez entendu parler du rôle que la Marine a joué dans les années 90, pendant la guerre du Golfe où elle a assumé la fonction de Marine de commande et de contrôle. Notre Marine a commandé toutes les forces navales dans le Golfe et nous étions fiers de ce rôle qui avait été confié au Canada à l'époque. Cela a valu un grand honneur à notre pays et a donné une raison d'être aux militaires. Cette raison d'être, nous pourrions la retrouver dans l'avenir si nous veillions à nous doter de navires susceptibles de nous permettre de remplir des rôles de commandement et de contrôle au sein des forces de l'OTAN, que ce soit dans le cadre de grandes manœuvres ou d'un déploiement outremer, comme c'est actuellement le cas dans le Golfe persique.
Deuxièmement, je voudrais vous parler brièvement de la question de la défense côtière. Mon père travaille dans la Garde côtière et j'entends forcément beaucoup parler de la situation. D'après ce que j'ai cru comprendre en parlant avec d'autres personnes dans les Maritimes et le long de la côte est, notre rivage est actuellement très perméable. Le travail des différentes organisations n'est pas coordonné et nous manquons de moyens. J'estime que nous devrions envisager de confier à la Garde côtière la mission de garder nos côtes en leur fournissant de nouveaux bâtiments à faible tirant d'eau. Ils pourraient patrouiller le long de la côte et travailler de conserve avec les NDC que nous avons. Les NDC sont surtout armés par des réservistes, en sorte qu'ils ne peuvent pas toujours prendre la mer. Ils ne sont pas aussi rapides que certains des bâtiments que l'on peut actuellement trouver sur le marché pour patrouiller les côtes.
Étant donné que nous avons des côtes très longues, qui ne sont pas défendues et que notre souveraineté est en jeu, la défense nationale devient un enjeu très sérieux et nous n'aurons peut-être pas à attendre longtemps pour qu'un événement comme celui du 11 septembre se reproduise. Nous devons sécuriser notre zone économique de 200 milles pour la rendre davantage impénétrable en fouillant de façon aléatoire les navires qui y pénètrent. Toutefois, nous n'y parviendrons que si nous nous dotons d'un service de patrouille armée, à temps plein, en mesure d'intercepter tout bâtiment repéré par le radar à terre ou par des personnes surveillant nos côtes par radar. Ces bâtiments devront pouvoir intercepter les bateaux qu'ils voient arriver, plutôt que de demander à la marine de Halifax d'envoyer un NDC dans la Baie de Fundy pour essayer d'intercepter quelqu'un ou de voir si une embarcation de la GRC se trouve sur zone.
Voilà les deux aspects que je juge important de soulever aujourd'hui, deux grandes questions qui touchent à notre rôle futur et à notre défense côtière.
Le sénateur Forrestall : Eh bien, vous n'auriez pas pu me toucher davantage. En Nouvelle-Écosse, on a supprimé les Halifax Rifles parce qu'on n'avait plus de mission à leur confier. Je ne veux pas dire que certains régiments sont vieux, au Canada, ni quoi que ce soit du genre parce que certains sont très sensibles sur ces questions. En revanche, il est vrai qu'on trouve dans chaque province de grands plans d'eau qui mériteraient d'être surveillés de la sorte, comme les Grands Lacs, les grands fleuves du nord, la côte du Pacifique, la côte de l'Arctique et celle de l'Atlantique.
Nous pourrions très certainement employer à bon escient un service comme celui que vous avez décrit — et j'apprécie ce que vous nous avez dit — et cela nous permettrait de modifier grandement la façon dont est perçue la Garde côtière canadienne, parce qu'on lui retirerait son rôle actuel qui consiste à marquer les chenaux, à mouiller des bouées et à remplir d'autres corvées, certes utiles et nécessaires, comme le travail de brise-glace qui pourrait être assumé par le ministère des Transports, comme cela s'est fait dans le passé, et cela remonte bien avant l'époque de mon grand- père.
Estimez-vous que quelque chose nous empêche, tout de suite, d'envisager, à la fois de restructurer la Garde côtière canadienne et de la doter de nouveaux patrouilleurs, à faible tirant d'eau, présentant des coques modérément renforcées contre la glace, de bonnes dimensions et capables de patrouiller le long des côtes mais également au large pendant de longues périodes, sans toutefois devoir affronter le grand bleu. Ces bâtiments seraient dotés d'équipages aptes à aller en mer, mais il s'agirait de membres d'unités de réserve qui se relèveraient régulièrement. Cette idée vous semble-t-elle intéressante?
M. Collins : Tout à fait. En fait, je crois que les garde-côtes couvrent fort bien la quasi-totalité de nos eaux navigables. Ils patrouillent notre zone économique de 200 milles. Ils peuvent effectuer les missions de surveillance et de patrouille dans toute la zone et je ne pense pas qu'il faudrait faire un gros effort pour axer davantage sur ces garde- côtes, puisqu'il serait possible d'utiliser les petits ports et leur base de rattachement et de compléter cette flotte au besoin, comme vous le disiez, par des bâtiments rapides, à faible tirant d'eau, qui pourraient également être mouillés dans ses ports et qui couvriraient exactement les mêmes secteurs.
Nous connaissons déjà les secteurs qu'il faut couvrir aux fins de sécurité et nous disposons des ports et des installations nécessaires; il ne nous manque plus que de nouveaux bâtiments, différents, en mesure de conduire des opérations de défense d'un style différent, outre que nous devrons modifier le rôle et le mandat de la Garde côtière pour la transformer en « garde-côte ».
M. Phil Blaney, à titre personnel : Je suis associé à KIROS et au Conseil des Canadiens. Je vais cependant m'exprimer en mon nom personnel.
J'estime que vous devriez investir davantage d'argent dans nos forces armées. Cela est nécessaire pour défendre notre constitution, les Canadiennes et les Canadiens et notre intégrité territoriale et pour permettre à nos forces armées de conduire les missions que l'ONU lui demande d'exécuter dans le cadre de nos engagements internationaux et des accords que nous avons conclus. Je ne pense pas que nous devrions nous doter de forces armées qui seraient là pour faire écho aux craintes qu'éprouve l'Amérique ni pour appuyer le bouclier anti-missiles américain, qui est une vraie folie. Ce n'est pas moi qui le dit, ce sont 15 prix Nobel qui sont contre. Un professeur du MIT qui a été conseiller scientifique auprès du chef d'état-major de la marine américaine, affirme que ce bouclier ne fonctionnera pas. C'est infaisable, parce que les problèmes associés à la réalisation de ces systèmes sont insurmontables. Ce système ne sait pas faire la différence entre une tête militaire et un leurre. Si des adversaires des États-Unis pouvaient lancer un missile intercontinental, ils pourraient déployer des leurres ressemblant à un ballon spatial. Les militaires américains sont contre ce système parce qu'ils savent qu'il ne fonctionnera pas. On ne déploie pas une arme qui ne fonctionne pas. Ils ont peur que les frais associés à ce projet ne grugent leur budget militaire. Le moteur derrière tout cela, c'est la politique et l'idéologie.
S'agissant d'intégrité territoriale, le Canada a de quoi s'inquiéter à cause de la protection de ses eaux dans l'Arctique. Des sous-marins croisent dans ces eaux, plusieurs ayant été repérés par des résidents. Les Canadiens voient leur avenir quand ils se tournent vers le reste du monde, tandis que les Américains y voient leur fin. Tout cela est pure folie. J'affirme que nous devrions protéger notre pays et nos concitoyens et aller donner un coup de main à l'étranger quand nous y sommes invités.
La citation que je vais vous lire est de Richard Pearle. « L'histoire démontre qu'une fois qu'une arme a été mise au point, ce n'est qu'une question de temps avant qu'elle soit utilisée ». Les Américains disent que le bouclier anti-missiles ne sera pas une façon d'arsenaliser l'espace, mais c'est pourtant bien ce à quoi il va servir au bout du compte. Pearle a dit également « Si un pays doit un jour dominer militairement l'espace, ce sera les États-Unis d'Amérique ». Pearle n'arrive pas à imaginer que qui que ce soit d'autre soit en position de domination.
Le sénateur Banks : Eh bien, moi non plus je ne suis pas un fan de Richard Pearle. Notre comité n'a pas encore pris position au sujet du programme BMD et je vais donc vous poser une question purement théorique ou du moins vous inviter à jouer les avocats du diable.
Avant, tout le monde était sûr que les avions ne voleraient pas. En effet, on ne pouvait pas imaginer qu'une machine plus lourde que l'air puisse s'arracher de la terre. Tout le monde en était sûr. On disait également que l'on n'aurait jamais de téléphone cellulaire, qu'on en trouvait que dans les bandes dessinées de Dick Tracey ou dans l'imagination de certains créateurs. Tout le monde était sûr que la terre était plate. Tout le monde était sûr qu'on ne parviendrait jamais à glisser un ordinateur dans sa poche. Aujourd'hui, tout le monde est sûr que le programme de défense contre les missiles balistiques ne fonctionnera pas. Pourtant, il y a des gens très intelligents qui essaient de faire en sorte que ça fonctionne.
Pour ce qui est de la participation du Canada au programme de BMD, question que nous soulèverons à un moment donné, nous n'avons encore rien décidé à ce sujet, mais nous adopterons peut-être une position. Pour l'instant, la défense aérienne et la défense spatiale de l'Amérique du Nord sont confiées au NORAD, partenariat qui réussit plutôt bien depuis longtemps, puisque Canadiens et Américains y participent à 50-50. Des officiers canadiens étaient à la tête du NORAD le 11 septembre et ce sont eux qui ont pris les grandes décisions ce jour-là. Tout semble indiquer que le BMD deviendra réalité. Cela ne fait aucun doute. Si le Canada disait qu'il ne veut pas adhérer à ce programme, rien n'empêcherait les Américains de continuer. Le BMD sera contrôlé soit par un nouvel organisme appelé NORTHCOM, dans lequel nous n'aurons pas voix au chapitre, soit par le NORAD où nous sommes au moins présents. De toute façon, ce qui sera lancé contre l'Amérique va nous retomber dessus. Estimez-vous que nous devrions jouer les spectateurs et ne pas intervenir?
M. Blaney : Nous n'aurons pas notre mot à dire. Le président des États-Unis n'a de compte à rendre qu'aux Américains. S'il doit choisir entre les résidents de l'Arizona et ceux du Canada, il laissera détruire le Canada. Il ne va pas permettre qu'une ville ou un village américain soit bombardé pour sauver le Canada. Si je devais choisir entre M. Poastal du MIT et George Bush, qui croit que cela va fonctionner, j'opterais pour la thèse de M. Poastal. Je le préférerais à Dick Cheney ou à Donald Rumsfeld ou au président Bush.
C'est de la folie. Rien ne sert de nous associer aux Américains dans ce projet qui ne fonctionnera pas. Il suffit de lâcher un ballon dans l'espace pour tromper tout le monde, parce que le système ne fera pas la différence entre ce ballon et un missile ennemi. Il est possible que cela fonctionne dans 200 ou 500 ans d'ici, mais pour l'instant, c'est un vaste gaspillage d'argent et nous devrions nous préoccuper davantage d'intégrité territoriale. Les Américains sont intéressés à la libéralisation économique du Nord, du Nord de la Saskatchewan et, si notre armée ne protège pas ces régions, des étrangers vont y aller. Vous devriez davantage vous soucier de cela que d'investir de l'argent dans des armes comme celles de la guerre des étoiles qui ne fonctionneront pas.
Le capitaine Al Soppitt, témoignage à titre personnel : Je suis le président et pdg de l'autorité portuaire de Saint John.
Monsieur le président, membres du comité, merci de nous donner l'occasion de vous apporter notre témoignage ce soir. J'envisageais de vous parler de la sécurité portuaire dans le port de Saint John, parce que je pensais que ces informations auraient pu vous être utiles. Je me rends cependant compte que j'aurais été un peu hors sujet. Quoi qu'il en soit, je vais brièvement vous exposer mon propos, mais en établissant un rapport avec la dimension militaire.
Le port de Saint John est le plus important port du Nouveau-Brunswick, puisque 26 millions de tonnes y transitent chaque année. Nous sommes sans doute le troisième port en importance au Canada pour ce qui est du tonnage total. L'essentiel de ces 26 millions de tonnes est constitué de produits pétroliers, mais aussi d'autres produits importants comme la potasse, les produits forestiers et des marchandises diverses. Nous offrons un service essentiel à l'industrie du Nouveau-Brunswick.
S'agissant de la sécurité portuaire, je puis vous assurer que le port de Saint John et ses exploitants se conforment aux règles de sécurité du transport maritime de même qu'au code ISPS. L'autorité portuaire et les exploitants doivent assurer un accès contrôlé au port, garantir un périmètre de sécurité pour les installations portuaires et assurer l'interface de sécurité entre la terre, les installations et les navires en visite.
Les trois principaux ministères fédéraux qui s'occupent de sécurité sont Transports Canada, avec qui nous avons un lien étroit, Sécurité publique et protection civile Canada et le ministère de la Défense nationale.
Transports Canada est responsable de la sécurité du système de transport maritime. La protection civile est responsable de l'application de la loi et des services de police. Je pense que le ministère de la Défense nationale joue également un rôle. Pour ce qui est de notre rapport avec la défense nationale, je pense surtout à la Garde côtière, dont on vient de vous parler, qui assure la défense ou la protection des eaux canadiennes. J'estime qu'elle remplit une mission valable qui consiste à contrôler les navires qui transitent dans les eaux canadiennes et à remplir des missions de surveillance. Je pense donc que la Garde côtière a un rôle très important à jouer sur le plan de la sécurité du commerce, de nos jours, parce que nous devons veiller à instaurer un environnement favorable aux échanges commerciaux. Je pense donc qu'il est essentiel, pour nous tous, d'appliquer une approche intégrée afin d'optimiser l'utilisation des ressources disponibles.
Certains, ce soir, ont parlé de défense côtière et même de recourir aux clubs nautiques. Je pense que le gouvernement devrait envisager effectivement de recourir à ces solutions afin d'optimiser toutes les ressources dont nous disposons.
Le sénateur Atkins : Êtes-vous en contact avec Douanes et Immigration?
M. Soppitt : Tout à fait. Nous entretenons d'excellentes relations avec l'Agence des services frontaliers du Canada. Cette agence administre ce qu'on appelle des ententes de partenaires en protection dont nous sommes également signataires. Nous travaillons donc en étroite liaison avec l'ASFC. Il y a deux grands secteurs qui sont particulièrement concernés par le travail de l'ASFC, les conteneurs et les équipages. Nous ne sommes pas un gros port à conteneurs, mais nous travaillons tout de même en étroite liaison avec l'ASFC dans ces deux secteurs.
M. Patrick Donovan, à titre personnel : Je tiens à remercier le comité pour son travail sur la sécurité côtière. J'estime qu'il s'agit d'une question très importante et je vous suis reconnaissant de travailler aussi fort pour faire en sorte que tout cela devienne réalité.
Je me propose de faire deux petites suggestions à votre comité. Tout d'abord, je dois dire que je suis relativement préoccupé par le fait que le gouvernement du Canada n'ait pas encore adopté de moratoire sur l'élimination d'actifs maritimes qui pourrait s'avérer utile au chapitre de la défense côtière. C'est, par exemple, le cas de la base de la Garde côtière à Saint John et de celle de Charlottetown, sur l'Île-du-Prince-Édouard, que l'on prévoit de fermer. Or, celle-ci pourrait être utile dans deux ou trois ans d'ici, si nous avions davantage de bateaux. Je pense donc qu'il serait très important d'imposer un moratoire sur ces deux fermetures.
Les phares de la côte du Pacifique sont en cours d'automatisation. Or, les garde-côtes américains s'en servent souvent comme petits postes avancés ou petites stations, mais si nous les fermons et les détruisons, nous ne pourrons plus nous-mêmes nous en servir dans quelques années, si nous en avons besoin. Je trouve donc très important que le gouvernement arrête de liquider ses actifs et veille à disposer des fonds nécessaires pour les maintenir en état jusqu'à ce que nous en arrivions à la conclusion que nous en avons besoin ou pas, ce qui pourrait prendre quelques années.
Deuxièmement, je voulais vous parler de la situation tout à fait unique que nous connaissons ici, à Saint John, situation que connaît le sénateur Day. Le bâtiment de la réserve navale locale, le NCSM Brunswicker, sert également de plate-forme de recherche et de sauvetage pour la Garde côtière. Les deux groupes travaillent en étroite collaboration, ce qui est fantastique. Les deux parties en ont bénéficié et il serait très intéressant d'envisager de reproduire l'expérience ailleurs. C'est quelque chose que nous devrions faire. Cette formule donne d'excellents résultats, et les militaires et les membres de la Garde côtière qui s'entraident ont le plus grand respect les uns pour les autres.
Le sénateur Cordy : Il est difficile de remettre en question deux suggestions aussi bonnes que celles-là. J'ai en fait soulevé la question de l'élimination de nos actifs maritimes auprès de la Vérificatrice générale, quand elle a comparu devant notre comité, parce que je viens de Dartmouth où nous avons des terres à Shearwater, et où nous connaissons à peu près le même genre de situation que celle que vous avez décrite. Il ne sera pas possible de reprendre ces terrains dans 20 ans, quand quelqu'un y aura construit des condominiums. Je suis donc d'accord avec ce que vous dites.
C'est intéressant de voir que la réserve navale et la recherche et le sauvetage travaillent aussi bien ensemble. Comment cela se fait-il?
M. Donovan : Ce n'est pas de mon fait, sénateur.
Le sénateur Cordy : Cela tient-il aux personnalités des gens?
M. Donovan : Ça fonctionne bien. Les choses fonctionnent aussi en coulisse. Les gens s'entraident et les résultats semblent probants. Comme la Marine doit parfois participer à des exercices de sécurité portuaire, elle demande au patrouilleur de la Garde côtière de lui servir de bâtiment de commande et de contrôle. On sait, par ailleurs, que la Marine serait prête à donner un coup de main à la Garde côtière s'il se produisait un grave incident dans le port. Les deux unités entretiennent d'excellentes relations de travail. D'ailleurs, l'un des commandants de la Garde côtière enseigne la navigation aux officiers et aux cadets de la marine, sur son temps personnel. On peut donc dire que les choses fonctionnent bien.
Le sénateur Cordy : Nous devrions peut-être leur demander de nous rédiger un document.
M. Donovan : J'ai quelques autres remarques à faire. Puis-je vous les soumettre par écrit, par l'intermédiaire du greffier?
Le président : Bien sûr.
Le sénateur Cordy : Votre mot de la fin était excellent.
M. Donovan : Merci.
Le président : Avant de conclure, nous allons distribuer des questionnaires aux personnes présentes. Certains n'auront pas eu la possibilité de s'exprimer ou auront décidé de ne pas le faire, mais qu'ils nous remettent tout de même les questionnaires remplis. Nous sommes également disposés à prendre tous les mémoires que vous voudrez bien nous adresser par la suite.
Je tiens à remercier Bernard Cormier, qui a été l'animateur de la soirée. Merci de nous avoir aidé.
Au nom du comité, je tiens aussi à vous remercier, toutes et tous, pour être venu passer un peu de temps avec nous ce soir. Les réunions de ce genre ont une valeur inestimable. Elles sont une façon, pour nous, de garder le contact avec les Néo-Brunswickois et les résidents de Saint John, et l'on ne peut certainement pas s'attendre à produire une bonne politique de défense si l'on n'écoute pas ce que des gens comme vous ont à nous dire. Vous nous avez grandement récompensé ce soir. Vous vous êtes déplacé et vous nous avez donné un excellent éventail de points de vue dans une discussion qui a été très intéressante. Merci beaucoup, sachez que nous vous sommes reconnaissants de vous être déplacé ce soir.
La séance est levée.