Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 10 - Témoignages du 3 février 2005
ST. JOHN'S, le jeudi 3 février 2005
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 8 heures pour se pencher et faire rapport sur la politique nationale sur la sécurité pour le Canada.
Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Mesdames et messieurs, bonjour. Merci de participer à la réunion du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. C'est avec plaisir que nous nous retrouvons aujourd'hui à St. John's. Cette ville peut être fière de sa tradition militaire. Nous y retrouvons la Station des Forces canadiennes St. John's, le 1er Bataillon du Royal Newfoundland Regiment, le 56e Escadron de génie, le 36e Bataillon des services et le 728e Escadron des communications. Des milliers de jeunes hommes et de jeunes femmes de la région ont servi dans l'armée pendant les deux guerres mondiales et la guerre de Corée, et d'autres, depuis, dans les missions de rétablissement et de maintien de la paix.
Je vais rapidement vous présenter les membres du Comité.À ma droite, l'éminent Michael Forrestall, sénateur de la Nouvelle-Écosse. Il représente la circonscription de Dartmouth depuis 37 ans, d'abord à titre de député à la Chambre des communes, puis à titre de sénateur. À la Chambre des communes, il a été porte-parole de l'opposition pour la défense, de 1966 à 1976. Il est aussi membre de notre Sous-comité des Affaires des anciens combattants.
À ses côtés se trouve le sénateur Michael Meighen. En plus d'être avocat, le sénateur Meighen est chancelier de l'Université de King's College; il a aussi été président du festival de Stratford. Il détient des doctorats honorifiques en droit civil de l'Université Mount Allison et de l'Université du Nouveau-Brunswick. À l'heure actuelle, il est président du Sous-comité des anciens combattants et membre du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.
À ses côtés, le sénateur Tommy Banks de l'Alberta. Le sénateur Banks préside le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, qui vient de déposer son rapport intitulé « Le défi d'une tonne ». C'est un musicien polyvalent et un animateur bien connu des Canadiens. Il a assuré la direction musicale des cérémonies des Jeux Olympiques d'hiver de 1988. Il est officier de l'Ordre du Canada et lauréat d'un prix Juno.
À ma gauche, c'est-à-dire à votre droite, le sénateur Jane Cordy de la Nouvelle-Écosse. C'est une éducatrice accomplie qui a de nombreuses réalisations à son actif dans la collectivité; elle a entre autres été vice-présidente de laHalifax-Dartmouth Port Development Commission. Elle est présidente de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN et membre du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
Au bout de la table se trouve le sénateur Norman Atkins de l'Ontario. Il a accumulé 27 années d'expérience dans le domaine des communications avant d'être nommé sénateur. Il a été le conseiller principal de Robert Stanfield, du premier ministre William Davis de l'Ontario et du premier ministre Brian Mulroney. Il est un autre membre de notre Sous-comité des anciens combattants.
Je ne ferai pas l'historique des travaux du comité. Je vais tout de suite présenter les membres du comité d'expert.
Je vous présente M. Trevor Taylor, ministre des Pêches et de l'Aquaculture de Terre-Neuve-et-Labrador depuis novembre 2003. Il s'intéresse de très près et depuis longtemps au secteur de pêche, à plusieurs titres, et fait partie de la Chambre d'assemblée depuis janvier 2001. Si j'ai bien compris, M. Taylor assume des responsabilités politiques pour le Labrador.
M. John Hickey a été élu à la Chambre d'assemblée deTerre-Neuve-et-Labrador en octobre 2003. Il représente le district de lac Melville. Auparavant, il a occupé plusieurs postes au conseil municipal de Happy Valley-Goose Bay, dont il était récemment le maire. Le maire actuel, M. Leo Abbas, est aussi présent.
Messieurs, nous sommes très heureux de vous accueillir parmi nous. Nous savons que la collectivité est aux prises avec un grave problème. Nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à nous dire. Monsieur le ministre, je vous donne la parole.
L'honorable Trevor Taylor, ministre des Pêches et de l'Aquaculture et ministre responsable du Labrador, gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador : Merci. Messieurs les sénateurs et madame le sénateur, bonjour. Bienvenue à Terre- Neuve-et-Labrador, bienvenue à St. John's. Ce matin, je vais passer brièvement en revue un long exposé; le temps me contraint à ne pas le lire en entier. Si vous n'avez pas encore de copie, vous allez en recevoir une bientôt.
Le président : Si vous avez d'autres documents, j'aimerais bien qu'on me les remette; nous allons les examiner attentivement.
M. Taylor : Je crois que nous avons ici un certain nombre de copies; nous vous en remettrons à votre convenance.
Mon exposé d'aujourd'hui portera sur trois points : un aperçu de la présence militaire à Terre-Neuve-et-Labrador; les trois établissements militaires de la province et les questions connexes; des recommandations à soumettre à votre considération. Vous remarquerez que j'insiste particulièrement sur la viabilité future du programme d'entraînement des militaires étrangers de la 5e Escadre de Goose Bay. N'hésitez pas à m'interrompre si je parle trop vite.
Le président : Tout va bien jusqu'ici.
M. Taylor : D'accord. C'est un de mes problèmes.
Comme je viens de le dire, je ne lirai pas tout ceci. Je vais quand même brosser un court aperçu de la situation stratégique de Terre-Neuve-et-Labrador : depuis le 11 septembre 2001, toute l'attention se porte sur les menaces de terrorisme mondial et les nouvelles techniques de guerre, ainsi que sur l'évolution du contexte de sécurité. Un bon nombre de gouvernements ont entrepris de faire l'évaluation de leurs capacités, chez eux et à l'étranger, pour répondre de façon appropriée aux nouvelles exigences en matière de sécurité et de défense qu'impose notre époque. Compte tenu de notre situation géographique stratégique, par rapport au reste du monde, on ne doit pas se surprendre du nombre élevé de vols internationaux qui ont été redirigés vers les aéroports de notre province, le 11 septembre 2001.
La présence militaire a une longue histoire dans notre pays, comme le sénateur l'a mentionné dans son mot d'ouverture. Elle remonte certainement au XVIe siècle. Nous avons accueilli l'Air Force des États-Unis pendant plusieurs décennies du XXe siècle dans quatre établissements bien en vue : Goose Bay, Fort Pepperrell à St. John's, Stephenville, et Argentia. Plus près de nous, depuis une vingtaine d'années, la 5e Escadre Goose Bay accueille une forte présence militaire étrangère. Les forces aériennes britanniques, hollandaises, italiennes et allemandes y maintiennent des détachements permanents pour soutenir les programmes de formation militaire étrangère.
Les Forces canadiennes reconnaissent aussi la situation stratégique de la province comme le prouve leur engagement envers le NORAD, à Goose Bay, l'installation des radars des réseaux DEW et Pine Tree et le fait que le ministère de la Défense nationale a créé la 5e Escadre Goose Bay, qui est une base des Forces canadiennes, lorsque l'Air Force des États-Unis n'a plus eu besoin du site.
Pour vous mettre en contexte, je vais décrire très brièvement la participation de Terre-Neuve-et-Labrador aux Forces canadiennes, à laquelle le sénateur a fait allusion dans son mot d'ouverture. Les Forces régulières comptent environ 8 p. 100 de gens de Terre-Neuve-et-Labrador. C'est renversant : la province ne représente que 1,6 p. 100 de la population canadienne.Les gens de Terre-Neuve-et-Labrador comptent aussipour environ 9,1 p. 100 de la population nationale desélèves-officiers, environ 20 p. 100 des Forces maritimes et environ 3,1 p. 100 de la Force de réserve. Je crois qu'il est important de le rappeler, ce matin. Vous le savez déjà sans doute, mais quand on établit une comparaison avec le déploiement du personnel des Forces canadiennes et les dépenses consacrées par le ministère de la Défense nationale à la province de Terre-Neuve-et-Labrador, on constate un grand déséquilibre entre notre contribution aux Forces canadiennes, d'une part, et la présence du personnel des Forces canadiennes et les dépenses qui visent la province, d'autre part.
Pour l'exercice 2003-2004, les dossiers du ministère de la Défense nationale font état de 600 soldats de la force régulière, de 122 civils et de 1 022 réservistes stationnés chez nous; cela représente des dépenses nettes de 128 millions de dollars, soit 250 $ par habitant. Deux autres provinces canadiennesseulement, la Saskatchewan et l'Île-du-Prince- Édouard, obtiennent des résultats inférieurs. La présence militaire àTerre-Neuve-et-Labrador diminue depuis quelque temps; l'examen des programmes réalisé en 1996 par le gouvernement du Canada a eu des répercussions négatives et a déclenché une nette réduction des effectifs. En 1996-1997, par exemple, 267 personnes faisaient partie du personnel de la force régulière de la 5e Escadre; en 2003-2004, on n'en comptait plus que 94.
Il s'est passé la même chose à la 9e Escadre Gander : le personnel de la force régulière est passé d'environ 187 personnes à 134, et le personnel civil de la base a diminué de façon abrupte, toujours pendant la même période, passant de 97 à 29 employés.
Tout au long de mon exposé et des débats que nous aurons aujourd'hui, j'aimerais que nous nous attachions aux quatre catégories de priorités ministérielles que la Défense nationale a définies : s'adapter à un contexte de sécurité en évolution et renforcer les relations stratégiques; transformer et moderniser les Forces canadiennes; mettre en place et appuyer une Équipe de la Défense professionnelle, efficace et viable; maximiser l'efficacité de la gestion des ressources.
À partir de maintenant, je vais traiter des trois objectifs spécifiques définis par le ministère de la Défense nationale au regard de ses priorités : promouvoir d'autres relations clés en matière de défense et de sécurité, à l'échelle internationale; centrer sa planification stratégique sur les capacités requises; améliorer sa capacité d'intervenir efficacement dans des contextes interarmées, interorganismes et multinationaux. Nous croyons qu'une bonne partie de ses engagements pourraient se réaliser ici, dans notre province.
Je vais dire un mot sur la Station des Forces canadiennes St. John's et sur la 9e Escadre/BFC Gander. Selon mon expérience personnelle — et j'avoue tout de suite qu'elle est très limitée — , l'événement le plus prometteur, en ce qui concerne la Station des Forces canadiennes de St. John's a trait à la croissance du détachement de l'École de génie naval du Marine Institute. Depuis 2000, la taille du détachement a plus que doublé. Il compte environ 200 officiers en formation à l'institut. Les officiers de marine qui ont suivi ce programme et obtenu leur diplôme ont reçu l'une des meilleures formations du monde. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que des partenariats avec les établissements d'enseignement locaux seraient profitables et donneraient d'excellents résultats. Le Marine Institute estime que les répercussions économiques de ce programme particulier dépassent les 14 millions de dollars par année. Cet exemple reflète bien la priorité du ministère de la Défense nationale qui vise à mettre en place et à appuyer une Équipe de la Défense professionnelle, efficace et viable. Je ferai aussi remarquer à titre personnel, avant de présenter ma recommandation, qu'il est assez surprenant de constater que la présence militaire canadienne, dans notre province, se concentre surtout au Marine Institute, où se retrouvent 200 personnes. Compte tenu de ce que j'ai déjà dit sur la proportion des habitants deTerre-Neuve-et-Labrador parmi les rangs des Forces canadiennes, il est très révélateur que le plus important contingent des Forces canadiennes de la province soit en fait ici pour étudier et que nous ne disposions pas réellement, exception faite de la 9e Escadre, d'un contingent opérationnel digne de ce nom dans notre province.
C'est pourquoi nous recommandons que le ministère de la Défense nationale continue d'établir et de rechercher de nouveaux partenariats avec les établissements d'enseignement de Terre-Neuve-et-Labrador, conformément à la priorité du ministère de la Défense nationale qui consiste à mettre en place et à appuyer une Équipe de la Défense professionnelle, efficace et viable. Il devrait examiner les modèles qui donnent les meilleurs résultats, notamment le détachement de l'École de génie naval du Marine Institute, pour en dégager des pratiques exemplaires.
Aux fins du compte-rendu, j'aimerais aussi parler, en passant seulement parce que cela concerne la Base des Forces canadiennes Gander et en particulier la 9e Escadre, de des rumeurs qui circulent depuis quelques années au sujet du déménagement possible du 103e Escadron de recherche et de sauvetage, actuellement installé à Gander. Le gouvernement deTerre-Neuve-et-Labrador maintient et est convaincu que ce déménagement ne devrait pas se faire. Nous croyons que Gander a bien servi le 103e Escadron de recherche et de sauvetage, et que celui-ci a pu sans problème effectuer son travail à partir de la BFC Gander. Nous croyons que le 103 Esc SAR de Gander devrait maintenir sa présence ici encore longtemps.
Au risque de me faire tirer dessus par quelqu'un de St. John's, parce que c'est dans cette ville que le déménagement devrait se faire, si l'on en croit les rumeurs épisodiques, j'aimerais rappeler qu'il y a présentement à St. John's une forte présence d'hélicoptères exploités par le secteur privé pour soutenir l'industrie pétrolière extra-côtière, évidemment. Sachant cela, je crois qu'il serait avantageux pour toutes les parties d'avoir, stationnés en deux endroits, des hélicoptères capables d'intervenir en cas d'urgence dans la zone extracôtière et pour aider l'industrie de la pêche. Sur le plan opérationnel, cela serait beaucoup plus logique. Pour ces motifs, je crois qu'il faudrait que le 103e Escadron reste à Gander. Si jamais Gander n'était pas en mesure d'intervenir, St. John's pourrait prendre le relais, en s'appuyant sur le secteur privé; par contre, si les deux structures d'intervention étaient à St. John's, celle du 103e Escadron et celle du secteur privé, notre capacité d'intervention en cas d'urgence pourrait être diminuée. C'est tout ce que j'ai à dire pour le moment à propos de la 9e Escadre.
Mais ce qui préoccupe le plus le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador et certainement les électeurs du député Hickey et du maire Abbas, à l'heure actuelle, c'est l'avenir de la 5e Escadre Goose Bay.
Le programme d'entraînement des forces militaires étrangères de Goose Bay, exécuté en vertu d'un protocole d'entente de 10 ans (1996-2006), est l'un des principaux moteurs économiques de la région du Labrador. En 2002-2003, il a créé l'équivalent de 1 655 emplois à temps plein environ, fourni 85,95 millions de dollars au PIB de la province et généré 36,55 millions de dollars en recettes provinciales.
L'entente devrait arriver à échéance au début de 2006. Aucun partenaire de formation n'est désigné pour prendre la relève à la 5e Escadre après 2005. C'est un problème important, qui préoccupe beaucoup le gouvernement de Terre- Neuve-et-Labrador et la collectivité de Happy Valley-Goose Bay. Il a aussi attiré l'attention du premier ministre de la province, Danny Williams, du premier ministre Paul Martin et du ministre de la Défense nationale, l'honorable Bill Graham. Les premiers ministres fédéral et provincial ont dit publiquement qu'ils s'engageraient à défendre la viabilité future de l'entraînement des militaires étrangers à la 5e Escadre. De plus, la collectivité a mis sur pied un organisme de citoyens concernés, la Goose Bay Citizens' Coalition, qui a déjà rencontré les deux premiers ministres.
Avant 2004, le ministère de la Défense nationale affectaitde 35 à 40 millions de dollars chaque année, environ, à l'exploitation et à l'entretien de la 5e Escadre, y compris la composante des Forces canadiennes. Toutefois, le gouvernement du Canada récupère directement ou indirectement des sommes importantes — impôt sur le revenu des particuliers et des entreprises, autres retombées économiques — qui découlent de l'effet de multiplication de ce programme; ces sommes sont versées au Trésor, pas au budget du MDN. Par exemple, selon l'Estimation des dépenses du MDN par circonscription électorale et par province, dès l'exercice 2000-2001, le programme a permis de récupérer jusqu'à 65 millions de dollars en recettes.
Même si la 5e Escadre sert de base pour le déploiement desCF-18 du NORAD, des porte-parole de l'armée ont indiqué que la BFC Goose Bay ne fait pas partie des besoins opérationnels des Forces canadiennes. Du point de vue strictement militaire, donc, l'affectation de 35 à 40 millions de dollars sur le budget annuel du MDN pour Goose Bay ne constitue pas une dépense réellement utile au regard des besoins opérationnels des Forces canadiennes. Pour être franc, c'est à mon avis le nœud du problème. Nous croyons que la direction des Forces canadiennes considère que la BFC de Goose Bay comme une perte sur le plan financier. Elle ne répond à aucun besoin opérationnel, c'est pourquoi les Forces n'y sont pas réellement attachées. Sa raison d'être est le programme d'entraînement des forces militaires étrangères. Je ne veux surtout pas que vous pensiez que je parle en leur nom, mais je crois que c'est là le problème.Nous pouvons comprendre que le MDN réagisse ainsi. Mais si nous envisageons la situation sous l'angle du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador, et nous croyons que le gouvernement fédéral devrait l'envisager sous cet angle, lui aussi, cette somme de 35 à 40 millions de dollars, qui constitue un investissement ou une dépense, selon le point de vue, qui provient du ministère de la Défense nationale, amène quand même beaucoup d'argent étranger au pays, et il se dépense dans la province, dans le pays, et ici, à Happy Valley-Goose Bay. Ce programme fait beaucoup, et a beaucoup fait pour aider le Canada à respecter ses engagements relatifs aux forces militaires étrangères conclus dans le cadre de l'OTAN. Nous croyons que l'on devrait étudier la question dans cette optique.
Je vais rapidement passer nos en revue recommandations, parce que le temps est limité et que je sais que le député provincial, M. Hickey et le maire Abbas voudront faire quelques commentaires.
Madame le sénateur, messieurs les sénateurs, nous recommandons que la 5e Escadre Goose Bay continue de servir les Forces canadiennes en les aidant à réaliser leurs objectifs et ceux de l'OTAN en matière d'interopérabilité et d'intégration; voici les moyens que nous proposons.
En premier lieu, que le ministère de la Défense nationale reçoive des ressources financières adéquates pour garantir la viabilité du programme d'entraînement au vol des militaires étrangers, par exemple pour trois ans, de façon que le ministère puisse « faire mousser ses affaires » à la BFC Goose Bay.
Ensuite, il devrait offrir à la 5e Escadre d'autres activités de formation pour répondre aux nouveaux besoins des Forces canadiennes et des forces internationales. Nous reconnaissons que les besoins en entraînement au vol à basse altitude ont grandement diminué en cette période d'après-Guerre froide. Nous reconnaissons que les programmes d'entraînement évoluent, à la 5e Escadre. Nous croyons que le ministère de la Défense nationale doit faire un pas de plus en répondant aux exigences de formation et en offrant des débouchés à nos partenaires militaires étrangers qui, lorsqu'ils viendront à Goose Bay, y trouveront, comme on dit, la panoplie complète des jeux avec tous leurs accessoires.
Le ministère de la Défense nationale devrait aussi entreprendre une campagne de promotion ciblée pour la 5e Escadre Goose Bay. À l'heure actuelle, toute la promotion qui concerne le programme d'entraînement des militaires étrangers se fait de façon générale, selon le modèle des Forces canadiennes, mais nous croyons qu'il faudrait affecter des ressources financières et humaines spécifiques pour la 5e Escadre Goose Bay. Si l'avenir de cette installation est lié à la formation de militaires étrangers, si c'est ce que nous voulons, il faudra en fournir les moyens.
Enfin, lorsque cela est possible, les Forces canadiennes devraient organiser l'entraînement avec les partenaires de l'entraînement qui se trouvent à la 5e Escadre. Un militaire étranger a déjà mentionné qu'il avait été frappé par le fait que les Forces canadiennes n'utilisent pas Goose Bay, même si elles en font la promotion auprès des militaires étrangers. Même si aucune des forces aériennes militaires étrangères ne s'est engagée à s'entraîner à la 5e Escadre au- delà de 2005, ce n'est pas en raison de sa situation géographique. Si nous avons bien compris, les forces aériennes de l'Europe apprécient beaucoup la 5e Escadre Goose Bay. Pour elles, c'est un endroit extraordinaire, et les installations sont fantastiques. Il y a beaucoup d'espace aérien mis à leur disposition, et d'excitantes possibilités d'entraînement. Malgré tout, le gouvernement du Canada ne fournit pas, par le truchement du ministère de la Défense nationale, les ressources nécessaires et, à mon avis, ne fait pas preuve de la volonté nécessaire pour garantir l'avenir de la 5e Escadre et, par voie de conséquence, du programme d'entraînement des militaires étrangers à cet endroit.
Je m'arrête ici et, si vous êtes d'accord, monsieur le sénateur, je vais laisser la parole au maire Hickey.
Le président : Merci, monsieur Taylor. Vous avez la parole, monsieur Hickey.
M. John Hickey, député à la Chambre d'assemblée, lac Melville, Chambre d'assemblée de Terre-Neuve-et-Labrador : Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Monsieur le président, madame le sénateur, messieurs les sénateurs, laissez-moi d'abord vous souhaiter la bienvenue dans ce que nous appelons au Labrador les « grandes terres ». Je suis très heureux d'avoir l'occasion de parler, ce matin, de ce qui est probablement l'un des problèmes les plus pressants de la collectivité de Happy Valley-Goose Bay, c'est-à-dire la 5e Escadre Goose Bay. C'est le moteur économique de ma circonscription, le grand district de lac Melville. C'est un dossier qui me tient à cœur depuis 1985, dans ma jeunesse, quand j'ai commencé à me faire les dents en politique municipale et que je me suis intéressé à la municipalité de Happy Valley-Goose Bay, dont j'ai été le maire, comme vous l'avez dit un peu plus tôt, avant d'occuper mon présent poste.
Monsieur le président, madame le sénateur, messieurs les sénateurs, la base de Goose Bay a subi de nombreuses transformations au fil des ans. Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, puisque mon bon ami, le maire Abbas, aura certainement envie d'en parler plus en détail, connaissant très bien le dossier, je vais prendre quelques minutes pour vous faire un exposé général sur le Labrador. Le Labrador couvre 295 000 kilomètres carrés. Pour vous donner une idée de la taille de ce territoire du Canada, sachez qu'il peut contenir les provinces de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau- Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard ainsi que l'île de Terre-Neuve. C'est vraiment un très grand territoire.
Sur ce territoire sont érigées les installations de la 5e Escadre Goose Bay, qui ont coûté des milliards de dollars. On y trouve une piste de 11 500 pieds de longueur et une piste secondaire de 9 500 pieds. C'était sans aucun doute la principale zone d'étape, pendant la Seconde Guerre mondiale, et les Américains s'en sont servi pour réapprovisionner leurs troupes et ravitailler en carburant leurs avions.
Au moment où j'ai pris connaissance du dossier,en 1985, 1 200 civils travaillaient à la base. Aujourd'hui, nous nous battons de toutes nos forces pour conserver 350 emplois.
Nous avons fait l'historique de la base, et nous savons que les Américains l'ont délaissée. Pourquoi sont-ils partis? La réponse est claire. C'est notre gouvernement, le gouvernement du Canada, qui les a amenés à partir : il a entraîné une hausse des coûts pour la base. Même si ces installations nous ont été données par les Américains, nous les en avons chassés, à cause des coûts. Le départ des forces aériennes américaines a causé beaucoup de tristesse dans la collectivité de Happy Valley-Goose Bay.
Par la suite, comme le gouvernement canadien ne savait pas quoi faire avec cette base, il l'a confiée à Travaux publics Canada. On a proposé, en 1985, de faire de Goose Bay un centre d'entraînement de l'OTAN. À cette époque, on a discuté de la possibilité d'offrir l'infrastructure de Goose Bay à l'OTAN puisque le Canada s'était engagé à collaborer avec nos alliés et à fournir des espaces d'entraînement.
Ce qui fait la beauté du Labrador et de la 5e Escadre Goose Bay, c'est que nous y avons toute liberté de vol — nous disposons de 137 000 kilomètres carrés d'espace aérien. On pourrait faire entrer la Grande-Bretagne au complet dans cet espace aérien, que les forces alliées utilisent pour les vols à basse, moyenne et haute altitude. Sa situation géographique est très stratégique. J'insiste là-dessus, parce que cette question soulève à coup sûr les passions. Devant le désastre, le 11 septembre, la base de Goose Bay a été désignée première ligne de défense. On a envoyé sur la piste de la base des chasseurs F-18, tout prêts à servir. C'était la première ligne de défense mise sur pied pour le quadrant nord-est de l'Amérique du Nord. Encore un fois, notre situation était stratégique. Aujourd'hui, malgré les engagements pris par le premier ministre et le ministre de la Défense nationale, rien de concret ne semble se produire à Goose Bay.
Cela fait des années que je m'occupe de ce dossier, et j'ai rencontré une foule de personnes à son sujet. Je me rappelle, lorsque j'étais maire de cette collectivité, — et le maire Abbas vous en parlera sûrement lorsqu'il aura la parole, je me rappelle qu'en tant que maire, j'ai reçu nombre de généraux allemands, hollandais, britanniques ou italiens. Nous faisions pour eux l'éloge de notre collectivité, et nous les avons accueillis à bras ouverts. Une question revenait pourtant : nous volons ici, mais pourquoi votre pays, votre ministère de la Défense nationale, vos avions chasseurs, ne s'entraînent-ils pas à nos côtés? Quand on essaie de « vendre » sa collectivité à un groupe de personnes précis, il n'est pas facile de répondre à cette question — il n'y a vraiment aucune justification. Nous voulons jouer un rôle au sein de l'OTAN et du NORAD; mais si nous voulons jouer un rôle dans les conflits à l'étranger et sur la scène internationale, avec les autres pays, en participant par exemple à des opérations de rétablissement ou de maintien de la paix, nous devrons le faire avec nos alliés. L'interopérationnalité des forces aériennes et militaires est quelque chose de très important. C'est à notre avis une excellence occasion de nous entraîner avec nos alliés pour mettre au point cette interopérationnalité. De ce point de vue, le Labrador et la 5e Escadre Goose Bay sont uniques.
J'aimerais ajouter que, plus nous avançons, plus les occasions se multiplient. Notre pays, le Canada, et notre province peuvent réaliser de grandes choses, en particulier le Labrador et la 5e Escadre Goose Bay, en offrant plus de possibilités d'entraînement.
J'ai participé à un vol, cet hiver, avec les Britanniques. Nous avons passé la journée dans un avion Hercules qui volait à basse altitude pour larguer des fournitures aux forces spéciales qui passaient l'hiver au Labrador pour s'entraîner. Au moment où on se parle, 20 forces d'élite spécialisées, venant d'Allemagne, effectuent un entraînement au sol au Labrador. L'intérêt est manifeste. L'Allemagne utilise Goose Bay depuis 20 ans; je crois que 80 000 soldats s'y sont entraînés. Les alliés ont beaucoup dépensé et ont fourni de l'argent frais au gouvernement du Canada, aux alentours de 100 millions de dollars. Madame le sénateur, messieurs les sénateurs, Goose Bay ne fait pas perdre de l'argent, il permet d'en gagner.
J'aimerais vous faire comprendre, ce matin, que nous considérons les rapports que votre comité produira et les discussions que nous poursuivrons avec le gouvernement fédéral comme une occasion de revoir le rôle de la 5e Escadre Goose Bay et de la ville de Happy Valley-Goose Bay. La province deTerre-Neuve-et-Labrador, derrière son premier ministre, Danny Williams, s'est engagée à soutenir la défense antimissiles et le rôle que jouera le Canada dans ce dossier. Nous croyons que Goose Bay peut, sans aucun doute, fournir d'autres occasions de jouer un rôle clé, à l'avenir, pour renforcer la sécurité de notre pays et, je dirais même plus, celle de ce que nous appelons le quadrant nord- est de l'Amérique du Nord.
Je m'arrête ici. Je crois que mes commentaires font ressortir assez clairement nos sentiments, dans ce dossier très important. Je serais prêt à répondre à vos questions, un peu plus tard ce matin. J'aimerais maintenant vous présenter mon collègue et ami, le maire Leo Abbas, qui représente la ville de Happy Valley-Goose Bay.
Le président : Merci, monsieur Hickey. Monsieur Abbas, vous avez la parole.
M. Leo Abbas, Maire de Happy Valley-Goose Bay, Labrador : Je vous remercie. Monsieur le président, madame le sénateur, messieurs les sénateurs, c'est avec plaisir que je m'adresse à vous ce matin. Nous travaillons sur ce dossier depuis une semaine et demie; nous ne savions pas que vous alliez vous réunir dans notre province.
Je tiens à remercier M. Taylor et M. le député Hickey qui m'ont donné l'occasion de représenter la province avec eux, ce matin, et de vous présenter certaines des opinions défendues par la collectivité de Happy Valley-Goose Bay.
Je suis cependant déçu que vous n'ayez pas la possibilité de visiter les installations de la 5e Escadre Goose Bay. J'aimerais vous convaincre de le faire, parce que malgré tout ce que vous entendrez aujourd'hui, vous n'en aurez pas une bonne idée tant que vous ne l'aurez pas vue.
Je vais surtout parler d'engagement potentiel et de promotion. Du point de vue de la collectivité, la 5e Escadre Goose Bay de Happy Valley-Goose Bay offre une myriade de possibilités d'entraînement pour les militaires, non pas seulement pour les militaires des pays alliés, mais aussi pour la défense du Canada et le MDN.
J'ai eu la chance cet été de participer à une tournée d'information, fondée sur les leçons à retenir, avec 14 membres de ma collectivité. Nous avons visité cinq régions : Portage la Prairie, au Manitoba; Moose Jaw, en Saskatchewan; Summerside, à l'Île-du-Prince-Édouard; Chatham, au Nouveau-Brunswick et Cornwallis, en Nouvelle-Écosse. Ça a été une révélation pour moi. Nous avons voyagé de Moose Jaw à Portage la Prairie en avion. On nous a dit de regarder vers notre droite pour voir la base de Portage la Prairie. J'ai eu de la difficulté à en croire mes yeux. Pour vous l'expliquer comme je l'ai expliqué aux gens de chez moi, je dois utiliser une image : prenons une enveloppe, comme celle que vous utilisez pour payer vos comptes. Portage la Prairie serait le timbre, et la 5e Escadre Goose Bay serait tout le reste de l'enveloppe.
Nos installations sont immenses. L'infrastructure dela 5e Escadre Goose Bay n'est pas la même que dans les autres bases canadiennes. À Chatham, on nous a dit de nous débarrasser de notre infrastructure; mais nous ne parlons pas du même type d'infrastructure. Celle de la 5e Escadre Goose Bay a été érigée par les Américains. Elle réunit encore des installations de tout premier ordre. Il y a des hangars, et comme M. le député Hickey l'a mentionné, une piste sur laquelle peut atterrir tout ce qui emprunte le chemin des airs. Nous avons des espaces pour l'entraînement, et un polygone de tir à blanc. Dans les autres régions du pays, on ne se doute même pas de ce qu'on trouve ici. Les F-18 utilisés pour l'entraînement à Bagotville ne disposent pas d'un polygone de tir à blanc. Nous avons eu la chance, cet été, grâce à la province et au MDN, de recevoir à Goose Bayun F-18 qui faisait des essais de vol supersoniques. Mettez- vous à la place de notre collectivité : nous recevons un pilote qui effectue des tests, pour nous, et qui ne sait pas que nous disposons, à la 5e Escadre, d'un polygone de tir. Il n'y en a pas à Bagotville. Nous pouvons donc nous demander comment cela se passe à Bagotville, sans champ de tir et sans émetteur antiradars. Nous avons eu la chance d'obtenir un émetteur antiradars, cette année. Nous ne voulons pas faire concurrence aux autres bases canadiennes. Nous voulons en être le complément, nous voulons collaborer avec le MDN.
Le gouvernement de notre province a défendu avec beaucoup de dynamisme le dossier de la 5e Escadre Goose Bay; nous l'apprécions.
Personne ne manifeste un engagement aussi solide que les gens du centre du Labrador et, en fait, de tout le Labrador. Notre collectivité a grandi avec une présence militaire. Les militaires sont ici depuis 1941. Notre collectivité les a accueillis à bras ouverts. Nous avons collaboré avec eux. Laissez-moi vous donner l'exemple des fournisseurs de services qui travaillent pour la 5e Escadre Goose Bay. Les syndicats de ces fournisseurs ont accepté d'assurer la stabilité de la main-d'œuvre pendant toute la durée de vie du contrat, qui est bon pour encore pour dix années. Il n'y aura pas d'interruption de travail. Je crois que cela en dit beaucoup sur l'engagement de la main-d'œuvre de la 5e Escadre. C'est un message que nous envoyons aux forces alliées : il y a ici une main-d'œuvre compétente, prête à collaborer quelle que soit la situation.
Je crois que Happy Valley-Goose Bay, la 5e Escadre Goose Bay, est un merveilleux ambassadeur pour le Canada. Les forces alliées qui ont servi à la 5e Escadre en ont gardé de bons souvenirs et n'ont que du bien à dire de la région. Quant à l'entraînement, et au vol, nous n'entendons que des compliments sur les possibilités qu'offre Goose Bay. Mais c'est l'attitude du ministère de la Défense nationale qui nous fait déchanter. Comme M. le député Hickey l'a mentionné, il n'est question que des coûts et du manque de possibilités de croissance depuis dix ans, et c'est tout ce que l'on entend dans le centre du Labrador. On nous a dit qu'on ferait des changements, pour assurer la croissance des activités; nous n'avons vu aucune croissance. Nous avons vu que l'on démolissait des infrastructures, que l'on réduisait les effectifs et, je crois, nous avons surtout vu que les tarifs imposés forçaient nos alliés à s'en aller.
Il faut que le gouvernement canadien s'engage envers les installations de la 5e Escadre Goose Bay. Je vais citer le premier ministre. L'an dernier, le 19 janvier, une délégation de leaders communautaires s'est rendue à Ottawa. Le premier ministre et le ministre de la Défense d'alors, David Pratt, nous ont dit que le gouvernement du Canada étudierait toutes les options qui assureraient la viabilité de Goose Bay, de la 5e Escadre. Nous avons alors demandé au premier ministre de confirmer les mots exacts : « Avez-vous dit que vous alliez explorer toutes les options qui garantiraient la viabilité de la 5e Escadre? » Il a répondu clairement : « Nous allons explorer toutes les options pour garantir sa viabilité ». Nous croyions, en conséquence, que les ordres venaient d'en haut, du premier ministre et du ministre de la Défense. Mais quand nous sommes revenus chez nous, il ne s'agissait plus que de mots, des mots du premier ministre. Sur place, nous avons vu que l'attitude du ministère de la Défense nationale était restée la même. Il continuait à réduire les effectifs, à supprimer des éléments et à ôter à notre collectivité tout espoir de croissance.
Nous avons déjà eu un bureau à Ottawa. Vous le connaissez peut-être, c'était le Bureau de projet Goose Bay, le BPGB. Il n'existe plus, aujourd'hui. Je siège au conseil depuis maintenant huit ans. C'est une question qui revenait souvent, quand on parlait de la base. Que fait le BPGB? On nous a toujours répondu qu'il s'occupait de la promotion de la 5e Escadre Goose Bay. Pas de promotion : il y a un mois et demi, on a produit une brochure pour faire la promotion de la 5e Escadre Goose Bay. Il y a deux mois, un comité a été mis sur pied qui s'occupe de la promotion de Goose Bay. Des bénévoles de notre ville ont créé une association, la Goose Bay Citizens' Coalition, dont la ville, tous les intervenants et la Chambre de commerce sont membres. Depuis un an et demi, nous passons de plus en plus de temps dans des réunions comme celle-ci. Nous avons rencontré le premier ministre du Canada et le premier ministre de la province. Nous avons rencontré l'ancien ministre de la Défense, M. David Pratt. Nous avons rencontré le ministre associé, Mauril Bélanger. Nous avons rencontré, la semaine dernière, le ministre Bill Graham. Nous avons rencontré trois ou quatre fois le ministre John Efford. Nous avons rencontré notre regretté député, Lawrence O'Brien. Nous avons fignolé notre discours, nous avons dit ce que nous avions à dire, et les commentaires que nous avons entendus nous ont permis d'envisager l'avenir avec espoir.
La semaine passée, le ministre de la Défense a reprisquelques-uns de mes propos en disant qu'ils étaient un peu cyniques. Il n'y a aucun cynisme dans ce que je dis. Mes commentaires sont sincères. Je crois parler pour le compte de tous les habitants de Happy Valley-Goose Bay. Nous croyons que, pour le gouvernement, la 5e Escadre est une bonne occasion à saisir. Si vous voulez augmenter la sécurité nationale, la défense nationale et la sécurité du territoire, vous pouvez prendre la 5e Escadre pour point de départ. Vous y trouverez unemain-d'œuvre et une collectivité qui soutient l'entraînement des militaires. M. le député Hickey a parlé, après le 11 septembre, des F-18 de Bagotville. Je pense qu'en fait, les chasseurs quittaient Goose Bay pour retourner à Bagotville, mais on leur a ordonné de revenir. Avant le 11 septembre, ils étaient au sol. Ensuite on leur a dit de retourner à Goose Bay et d'y rester en alerte. Je dois répéter, pour ceux qui ne connaissent pas Goose Bay, qu'il s'agit d'une base à l'intérieure d'une base. La base a été mise sur pied par le gouvernement du Canada, et n'a jamais servi. Elle est toujours inoccupée, aujourd'hui.
Quand on parle d'améliorer la défense nationale et de la croissance de celle-ci en tant qu'entreprise, on pourrait prendre Goose Bay comme point de départ. Il y a peut-être un peu de peinture à refaire, mais les installations sont toutes prêtes et vous permettront d'améliorer la défense nationale et la sécurité du territoire. Il y a aussi la collectivité, qui a toujours affirmé publiquement qu'elle était prête à jouer un rôle dans la défense antimissiles. En ce moment même, des gens parlent à la ville et au fournisseur des services qui concernent la 5e Escadre au sujet de la possibilité de s'y installer.
Je ne sais pas ce qu'il faudrait que les gens du centre du Labrador disent ou fassent. Nous ne voulons pas la charité. Nous croyons que notre produit peut servir au gouvernement, mais le gouvernement doit changer d'attitude. Il doit être prêt à s'engager. Il pourrait par exemple, à mon avis, envisager d'intégrer la 5e Escadre Goose Bay aux besoins opérationnels. Cela peut se faire de toutes sortes de façons. On pourrait y stationner un escadron de recherche et de sauvetage formé d'aéronefs à voilure fixe. Cet été, on y a fait l'essai d'aéronefs sans pilote. Tout c'est bien déroulé.
Un des membres du comité parle d'une théorie de la conspiration. Hier soir, il y a eu une réunion à HappyValley- Goose Bay — évidemment, je me préparais à venir ici — et on nous a dit que l'avenir de la 5e Escadre était actuellement entre les mains du gouvernement canadien et que le dossier allait être piloté par Agence de promotion économique du Canada atlantique (APECA). Cette Agence collaborerait avec le MDN, et le bureau du ministre des Ressources naturelles du Canada, John Everett, est en train de trouver une utilité à la 5e Escadre Goose Bay en explorant les diverses possibilités. J'ai reçu un appel, hier soir, vers minuit trente. On m'a dit que les esprits s'étaient échauffés, hier soir, pendant cette réunion. Les gens ont peur, ils sont sceptiques, ils veulent des réponses. Ils veulent que le gouvernement canadien prenne des engagements.
Mes collègues m'ont dit de prévoir du temps pour les questions. Je vais donc m'arrêter ici. Je vais vous distribuer le texte d'un de mes exposés, vous pourrez en prendre connaissance. Au nom de la collectivité du centre du Labrador, je vous encourage à venir dans notre région pour y visiter les installations.
Le président : Je vous remercie beaucoup, monsieur Abbas. Je remarque que jusqu'ici personne n'a parlé, et c'est pourtant important, du fait que le sénateur William Rompkey, leader adjoint du gouvernement au Sénat, s'est beaucoup occupé de ce dossier, et que c'est grâce à lui que la réunion d'aujourd'hui a lieu. Il m'a même téléphoné personnellement pour en établir le programme. Il voulait être sûr que nous pourrons tous vous entendre, comme nous en avons eu le plaisir. Je crois qu'il faudrait inscrire au compte rendu qu'il soutient activement ce dossier à Ottawa, et qu'il a communiqué avec notre comité à quelques reprises.
M. Abbas : Je suis désolé. C'est un oubli de ma part.
Le président : Nous ne vous en voudrons pas. Le sénateur Rompkey sait ce qu'il en est.
M. Abbas : Je sais.
Le président : Le sénateur Rompkey travaille vraiment beaucoup sur ce dossier.
Le sénateur Forrestall : Merci, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue au ministre et à tous nos invités de marque. Vous avez dit que vous aimeriez que nous y allions. Je suis allé à Happy Valley à trois ou quatre occasions, la dernière fois dans le cadre d'une revue de l'Aviation royale du Canada. Vous en souvenez-vous, John? Les autres fois, il était d'abord et avant tout question de la viabilité et de l'avenir de la 5e Escadre, dans ce magnifique paysage. Il y avait des problèmes environnementaux, vous vous en souviendrez, à ce moment-là. J'aime beaucoup raconter cette anecdote, sur le fait qu'au lieu d'éliminer le troupeau de caribous, nous les encourageons à se multiplier, grâce aux vols à basse altitude.
Nous y sommes allés. Ça nous intéresse tous. Je suis sûr que le président y est allé aussi. Je ne sais pas si, parmi les membres du comité, quelqu'un n'a pas encore eu l'occasion d'aller à Goose Bay, pour une raison ou pour une autre. Je me fais l'écho du président, en ce qui concerne le travail de Bill Rompkey, qui ne laissera personne oublier Goose Bay, et pour regretter la perte de votre représentant au Parlement; personne plus que lui ne savait entretenir vos espoirs en se faisant le porte-parole à Ottawa.
Puis-je poser deux ou trois questions? Premièrement, j'aimerais peut-être, — mais je vous garantis que personne n'est votre ennemi, ici, qu'il s'agit vraiment d'une magnifique propriété. Habituellement, nous soutenons l'armée et la Défense, et nous sommes favorables à une intervention énergique dans ce type de dossier. Goose Bay est d'une valeur inestimable pour nos programmes nationaux et internationaux. Nous n'avons moralement pas le droit de ne pas l'intégrer à nos plans relatifs à la coopération internationale ou à la stratégie de défense, entre autres.
La dernière fois que j'y suis allé, j'ai posé une question fondamentale : combien en coûterait-il de fermer Goose Bay, et combien en coûterait-il de garder la base ouverte? Quelqu'un peut-il me répondre?
M. Abbas : On parlait, si je me rappelle bien, de plus de 500 millions de dollars.
Le sénateur Forrestall : Pour la fermer?
M. Abbas : Pour la fermer. Il faut prendre soin du patrimoine environnemental.
Le sénateur Forrestall : Combien en coûterait-il de garder la piste ouverte?
M. Abbas : L'ancien chef de la direction m'a dit que, si aucun vol n'était effectué à Goose Bay l'année prochaine, les dépenses s'élèveraient quand même à 75 millions de dollars. Je ne sais pas par quels calculs il y est arrivé, mais à mon avis, elles seraient de 40 à 65 millions de dollars.
Le sénateur Forrestall : Ça ne vaut donc pas la peine de se jeter de toute urgence en bas d'une falaise; nous ne sommes pas des lemmings. Ça coûtera donc moins cher de la conserver telle qu'elle est, si on ne peut pas trouver de réponse plus immédiate.
M. Hickey : J'aurais quelques remarques à faire, sénateur Forrestall.
On parle de fermer la base. Le maire a fait allusion aux problèmes environnementaux qui nous sont restés sur les bras après le départ de la force aérienne des États-Unis. Le gouvernement du Canada a certainement reçu autour de 100 millions de dollars pour nettoyer toutes ces saletés. Le gouvernement du Canada a pris ses responsabilités dans le dossier, et, à l'heure où on se parle, les mesures d'assainissement environnemental sont appliquées. Laissez-moi vous dire ceci : à notre avis, la fermeture n'est pas une réponse, c'est une solution vraiment inutile. Gardons à l'esprit que sa situation géographique est stratégique et pensons au nombre d'avions lourds qui atterrissent chaque année à Goose Bay en raison de problèmes cardiaques ou d'autres problèmes médicaux, de bris de moteur, ou de toute autre cause; pourquoi, à votre avis, viennent-ils à Goose Bay? Ils viennent à Goose Bay parce que sa piste de 11 500 pieds de longueur peut accueillir n'importe quel aéronef et que son équipe de sauvetage et d'intervention en cas d'écrasement ou d'incendie est la meilleure de toute la côte est de l'Amérique du Nord. L'équipe est la mieux formée : elle peut même pénétrer dans les avions. Très peu d'équipes d'intervention en cas d'incendie, où que ce soit dans le monde, possèdent cette capacité ou ont reçu la formation nécessaire pour entrer dans un appareil en feu et sauver des vies. La 5e Escadre Goose Bay est capable de tout cela.
On peut aussi étudier cela sous l'angle des civils. Quand nous parlons du Nord, et de notre souveraineté dans le Nord, le Canada doit s'assurer d'être présent. Il n'existe pas de meilleur endroit pour lancer des opérations vers le Nord. On l'a vu très clairement, l'été dernier, avec les essais des aéronefs sans pilote, qui sont restés en vol pendant quelque 53 heures. C'est un autre débouché pour la 5e Escadre Goose Bay. J'espère que le ministère de la Défense nationale étudiera minutieusement cette technologie particulière, puisqu'il n'y a pas que des débouchés et des opérations militaires à envisager, il y a aussi les débouchés pour les civils, en particulier la surveillance des zones extra côtières et de la surpêche par des étrangers qui, comme tout le monde le sait, s'effectue encore sur le nez et la queue des Grands bancs. On pourrait aussi surveiller la vidange des cales dans nos eaux côtières, et, en fait, sur toute l'île qui fait partie de la province, où de nombreuses catastrophes ont affecté les oiseaux de mer, notamment, et tout cela, à partir de la 5e Escadre Goose Bay.
Je crois que la fermeture de la base serait la plus stupide des décisions, pour parler carrément, que notre gouvernement pourrait prendre, compte tenu de tous les débouchés qui s'offrent.
Je vais prendre quelques minutes pour vous raconter une anecdote intéressante à propos des Italiens. Vous vous rappelez peut-être que lorsque les Italiens sont arrivés au Canada et à la 5e Escadre Goose Bay, c'est parce qu'ils n'avaient plus le droit de faire ce type de vol particulier dans leur propre pays, en raison d'un accident qui impliquait une télécabine et un appareil des forces aériennes des États-Unis. Les Italiens sont arrivés dans une collectivité qui les a accueillis à bras ouverts, en s'en faisant une fête. Ils n'auraient jamais cru possible de recevoir, où que ce soit dans le monde, l'accueil que notre collectivité leur a réservé.
Je suis désolé de m'étendre ainsi, mais ça m'arrive parfois. J'espère que j'ai répondu à votre question, sénateur.
Le sénateur Forrestall : Vous avez été quelque peu émotif, mais, comme l'a dit M. Abbas, le dossier suscite beaucoup d'émotion.
J'ai une seule question, après quoi se sera tout. On parle de placer des équipements qui nous permettront de mieux contrôler l'espace et de surveiller les missiles perdus qui se dirigent dans notre direction. Avez-vous discuté avec le gouvernement de cet emplacement? Les résultats en sont-ils positifs ou négatifs?
M. Abbas : Nous n'en avons pas réellement discuté avec le gouvernement. En principe, la ville est d'accord. Le député provincial, le regretté Lawrence O'Brien, s'est prononcé là-dessus. Le premier ministre de la province a aussi affirmé être en faveur de la défense antimissiles. L'ambassadeur des États-Unis, Paul Cellucci, est venu à Happy Valley-Goose Bay en septembre, et nous lui en avons aussi parlé. C'est une possibilité qu'il envisage. Il nous a aussi demandé où était le MDN et où étaient les Forces canadiennes.
Il n'y a donc pas eu de discussions officielles, mais une entreprise de notre région a exploré les possibilités de mise en place d'un système. Je ne crois pas qu'il soit possible d'en parler librement pour le moment. Ce qu'il faut comprendre ici, et je crois qu'il faut renseigner les gens à ce propos, c'est que nous envisageons d'installer des radars qui pourraient intercepter des missiles qui seraient dirigés vers nous. Mais, à HappyValley-Goose Bay et dans plusieurs régions du Labrador, on utilise depuis les années 40 des écrans radars qui ne sont pas réellement différents de ce qui existait auparavant. Il n'est pas question d'installer des ogives nucléaires ou des missiles sur notre territoire.
Le sénateur Forrestall : Les radars, c'est un autre dossier. Je me demandais si vous aviez entamé des discussions, et ça en vaudrait vraiment la peine. Quant à nous, monsieur, même si nous n'avons pas de chéquier, nous avons la possibilité de parler à nos collègues et à nos amis d'Ottawa, et je puis vous assurer que la plupart d'entre nous le feront.
M. Abbas : Je crois pouvoir m'exprimer au nom de ma collectivité : si nous pouvons jouer un rôle dans la sécurité nationale du pays, et même, de l'Amérique du Nord, nous sommes prêts à le faire. S'il s'agit de logements ou d'installations...
Le sénateur Forrestall : Merci, messieurs, et bonne chance.
Le président : Le sénateur Rompkey a déjà très longuement parlé de la question des radars devant plus de 20 députés.
Le sénateur Banks : Merci, monsieur le président. Je ne savais pas qu'il restait du temps. Nous avons encore une minute?
Le président : Le temps alloué est déjà dépassé, mais c'est un sujet important et je crois qu'il faudrait prolonger la séance pour que l'on réponde à nos questions.
Le sénateur Banks : J'ai une longue liste de questions, mais je n'en poserai qu'une.
Votre honneur, avez-vous été satisfait d'apprendre dans les actualités, comme vous nous l'avez dit ce matin, que l'APECA, qui a un esprit d'entreprise plus marqué que le MDN, a décidé de prendre part au débat? Est-ce que cela vous rassure? Vous avez un bon produit, mais à l'heure actuelle, il semble difficile de lui trouver un marché. Pensez- vous que ce que nous avons appris aux actualités sera utile?
M. Abbas : Ça me rassure, oui. Encore une fois, je n'étais pas à la réunion d'hier soir, mais j'ai reçu des informations. De plus, je suis membre d'un comité directeur qui collabore à l'échelle locale avec l'APECA. Je suis satisfait. Je ne vous cacherai rien, je crois que nous allons obtenir ce que nous avons demandé et que le premier ministre nous a promis; c'est-à-dire que nous allons explorer toutes les options qui garantiront la viabilité de la base. C'est l'ensemble de la collectivité qui fait preuve de cynisme. On a entendu bien des choses, dans le passé. Selon certains, c'est une façon de permettre au MDN de s'en aller. On met l'APECA à la barre, et le MDN peut s'éclipser. Il faut renseigner les gens de notre collectivité. Pour le moment, il y a une certaine confusion, comme si on voulait prendre deux directions différentes. Le gouvernement fédéral va d'un côté, et on demande à la collectivité d'aller de l'autre côté. Je ne sais pas comment on pourrait explorer les options relatives à la diversification de l'infrastructure de la 5e Escadre si on ne sait pas exactement ce que le gouvernement fait. On pourrait s'engager dans une voie qui nous réserve des possibilités d'avenir et se faire dire, au bout du compte, c'est impossible, cela ne peut se faire, parce que nous ne savons pas quelle route le gouvernement va prendre. Je reste optimiste. Je crois que les possibilités existent.
M. Taylor : Sénateur, j'aimerais faire un bref commentaire sur ce sujet, moi aussi. La ville et la province accueilleraient favorablement d'autres propositions de développement autour de la 5e Escadre Goose Bay, de la base. Nous savons que d'énormes portions de l'infrastructure pourraient servir à d'autres choses qu'aux entraînements en vol des militaires étrangers. C'est un peu comme un centre commercial. À notre avis, un centre commercial quelconque doit avoir un locataire principal. Je crois que pour la 5e Escadre et pour la ville de Happy Valley-Goose Bay, les militaires étrangers en entraînement constituent les locataires principaux. Ça peut sembler égoïste, mais si vous envisagez la situation en adoptant un point de vue national, si vous pensez à la défense aérienne de l'Amérique du Nord, à la défense du continent nord-américain, y a-t-il de meilleurs endroits? On trouve à Goose Bay la fine fleur des installations du nord-est de l'Amérique du Nord. Existe-t-il de meilleur poste?
Le sénateur Banks : Une question s'impose, monsieur le ministre, et je crois que c'est moi qui vais vous la poser.Êtes- vous d'accord avec l'opinion exprimée ce matin, selon laquelle les Italiens, les Britanniques, les Américains, les Hollandais et les Allemands ont quitté la base parce que les frais étaient trop élevés? Est-ce la seule raison de leur absence?
M. Taylor : Je ne sais pas si c'est la seule raison, mais il est évident que c'était un facteur déterminant de leur déploiement. Ils s'entraînent toujours en Amérique du Nord. Ils vont à Cold Lake. Ils vont aussi, dans une certaine mesure, aux États-Unis.Ils doivent respecter leur budget, tout comme nos militaires doivent respecter le leur. Évidemment, comme les pays européens réduisent leurs dépenses militaires, tout comme nous,c'est plus difficile pour les militaires de négocier un prix. La structure de coût de la 5e Escadre a un effet dissuasif, mais il ne faut pas oublier de tenir compte des besoins opérationnelsdes forces aériennes. On essaie constamment de corriger les lacunes des programmes d'entraînement. Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a décidé de ne plus soumettre à l'évaluation environnementale les paillettes et les leurres, et ce type de choses, de façon que l'on puisse améliorer la qualité de l'entraînement. Le coût reste quand même un facteur important.
Le sénateur Meighen : Je sais que nous n'avons plus de temps, merci quand même. La question que le sénateur Banks a posée était la mienne; il m'a enlevé les mots de la bouche.
J'aimerais creuser le sujet un peu plus. Avez-vous eu un débat de fond avec le ministère de la Défense nationale et avec le gouvernement? Seraient-ils prêts à réduire leurs tarifs?
M. Hickey : J'aimerais répondre à cette question. Je dois dire que, depuis quelques mois, la nouvelle structure tarifaire semble encourageante. J'en ai parlé au commandant britannique. Il m'a dit : « John, c'est bien dommage que l'on n'ait pas pu avoir cela il y a cinq ans. Goose Bay serait toujours la première base d'entraînement opérationnel de la force aérienne britannique ». Ce qui s'est passé, madame le sénateur, messieurs les sénateurs, c'est très simple. Le ministère de la Défense nationale cherche depuis des années une façon de sortir de la 5e Escadre Goose Bay. Vous avez dit un peu plus tôt, et vous aviez tout à fait raison, que quelques politiciens ont pris la défense de ce dossier, je parle de Lawrence O'Brien, du sénateur Rompkey, du premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, entre autres en en faisant l'une des trois priorités de notre Livre bleu, publié l'an dernier. Cela a attiré l'attention sur la base. J'aimerais que tous ceux qui m'écoutent ce matin me comprennent clairement : Goose Bay est la meilleure base d'entraînement du monde, toutes catégories confondues. J'ai parlé à des pilotes canadiens. J'ai parlé à des pilotes américains qui ont visité la base. J'ai parlé à tous les pilotes des forces aériennes. C'est un endroit extraordinaire. Quand on pense à nos alliés européens, il ne faut surtout pas oublier que ce qui se fait ici est impossible en Allemagne, en Italie ou en Grande-Bretagne. Ces pays n'ont pas accès à un tel espace. Où pourrait-on trouver un territoire de 137 000 kilomètres carrés que l'on peut survoler sans jamais voir personne de la journée?
M. Abbas : J'aimerais ajouter à la réponse; le prix est l'un des facteurs, mais il faut ajouter que le MDN s'est laissé dépasser en ce qui concerne les tactiques d'entraînement offertes aux alliés sur la base de la 5e Escadre Goose Bay; c'est un autre facteur. Nous avons demandé par exemple des émetteurs antiradars et toutes sortes d'autres jouets, comme on dit, pour les alliés. Le coût, c'est une chose. Nous avons maintenant un nouveau système de tarification. Le ministre Taylor a parlé des paillettes et des leurres, mais ils ne serviront à rien, sans émetteurs antiradars. On ne peut pas se servir des paillettes et des leurres quand on n'a pas d'émetteurs antiradars. Il faut de l'argent. Nous ne voulons pas faire concurrence à Cold Lake, mais la base de Cold Lake a reçu pour 120 millions de dollars d'émetteurs antiradars; Happy Valley-Goose Bay n'en a reçu aucun. L'an dernier, on a utilisé un émetteur antiradars portatif qui nous avait été prêté. Si on pouvait trouver trois émetteurs antiradars pour environ 10 millions de dollars, on récupérerait nos frais avec le temps. Le tarif, c'est une chose, mais les possibilités d'entraînement particulier en sont une autre. La province collabore étroitement avec le MDN, la collectivité et le gouvernement fédéral pour éliminer certains des obstacles.
Le sénateur Banks : À ce chapitre, le dossier du Canada n'est pas très bon. Nous faisons trop souvent des économies de bout de chandelle en adoptant des solutions à court terme. Il ne faut pas trop accabler le ministère de la Défense nationale. Les ordres courants viennent des dirigeants politiques, ne l'oubliez pas. Notre comité a déjà déclaré officiellement que, quand on parle de budget, nos forces armées crient famine. On doit malheureusement dire que les Canadiens, et je mets à part les gens de Terre-Neuve-et-Labrador, ont ce qu'il leur faut du côté militaire. Il y a eu une réunion du conseil communautaire, hier soir, et les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador sont on ne peut plus clairs. Ils ont besoin d'une armée qui défendra les intérêts nationaux du Canada, ils la veulent et sont prêts à payer pour elle. Nous avons pour tâche, entre autres, de le faire savoir à tous les Canadiens, et nous faisons tout ce que nous pouvons pour y arriver. Nous allons certainement transmettre leur message à Ottawa, mais je dois aussi vous souhaiter bonne chance parce qu'il faut que les politiciens qui iront défendre le dossier à Ottawa soient convaincants, parce que c'est vraiment de cette façon que le dossier se réglera, je crois, en dernière analyse. Merci de nous avoir donné des nouvelles fraîches. Merci, monsieur le président.
Le président : De la part des membres de notre Comité, j'aimerais vous remercier tous les trois de vous être présentés devant nous ce matin. Nous reconnaissons que le problème est grave. Merci d'avoir attiré notre attention sur ce dossier, encore une fois. C'est avec plaisir que nous recevrons votre mémoire, monsieur le maire, et nous avons pris note de tous les éléments que vous nous avez soumis.
Chers collègues, voici maintenant M. Richard Deering, chef du service de police de la Royal Newfoundland Constabulary, la RNC. C'est un agent de police de carrière, qui fait partie du service depuis maintenant 35 ans. Il a travaillé 31 ans pour la Police provinciale de l'Ontario et occupait le poste de surintendant principal lorsqu'il a pris sa retraite. En 2001, il a été nommé chef de la Royal Newfoundland Constabulary, dont le quartier général se trouve à Fort Townsend, à St. John's.
Je vous présente aussi le surintendant principal Bill Smith, qui est né et a grandi à Sidney, en Nouvelle-Écosse. Il a joint les rangs de la Gendarmerie royale du Canada en 1979. Au cours de sa carrière, il a travaillé pour les services généraux, les programmes des uniformes, les crimes graves, la patrouille routière, la police des Autochtones et des minorités visibles, les finances, l'administration, la formation, la protection des personnes de marque et la police criminelle. Le surintendant principal Smith a reçu une Mention du commandant, la Médaille d'ancienneté et l'Agrafe de bronze de la GRC ainsi que la Médaille du jubilé de la Reine.
Les membres du Comité vous souhaitent la bienvenue, messieurs. Nous sommes heureux que vous soyez ici. Vous avez semble-t-il un court exposé à faire.
Chef Deering, vous avez la parole.
M. Richard Deering, chef des Services de police, Royal Newfoundland Constabulary : Merci, monsieur le président, bonjour. La RNC est responsable des services de police et de la sécurité des résidents de Terre-Neuve-et-Labrador et elle existe, sous une forme ou une autre, depuis 1792. À l'heure actuelle, c'est l'un des deux services de police provinciale de Terre-Neuve-et-Labrador. Elle a établi des postes de police à St. John's, Mount Pearl, Conception Bay South, Corner Brook, Labrador City et Churchill Falls. J'ajoute pour les personnes qui ne connaissent pas bien la province que St. John's, Mount Pearl et Conception Bay forment en réalité ce qu'on appelle le nord-est de la presqu'île Avalon.
Le service actuel compte 330 membres en uniformeet 80 employés civils; son quartier général est situé à Fort Townsend à St. John's. Les relations de travail entre la Royal Newfoundland Constabulary et la Gendarmerie royale du Canada, l'autre service de police de la province, sont très positives et fondées sur la collaboration. Nous avons aussi établi un bon partenariat de travail avec les organismes fédéraux et provinciaux chargés par la loi de la réglementation et de l'exécution des lois dans la province.
La Police de Ports Canada était responsable des principaux ports de la province de 1967 à 1997. À St. John's et à Long Pond, en particulier, un important contingent d'officiers de St. John's assuraient les services de police dans les ports. Long Pond se trouve à Conception Bay, à environ 20 kilomètres d'ici.
La Police de Ports Canada a été dissoute le 30 novembre 1997, et la Royal Newfoundland Constabulary a été chargée des services de police. Selon l'un de mes prédécesseurs, il n'y a presque pas eu de consultation avant que la décision soit prise, et aucun financement supplémentaire n'a été versé à la province, qui venait d'être chargée de responsabilités supplémentaires au regard du maintien de l'ordre.
Depuis, c'est la Royal Newfoundland Constabulary qui assure le service de police dans les ports de St. John's, de Long Pond et de Corner Brook, sur la côte ouest; les interventions se font en fonction des priorités. Ces ports ne font pas vraiment l'objet de mesures proactives, et nous y sommes présents plutôt pour réagir.
La Royal Newfoundland Constabulary d'aujourd'hui s'est engagée à fournir des services de police de première ligne marqués au coin de la qualité et à maintenir l'ordre de façon intégrée en se fondant sur les renseignements accessibles. La collecte, l'analyse et la diffusion des renseignements de nature criminelle font partie intégrante de cette philosophie. C'est pourquoi, tous les jours, nous nous efforçons d'être le mieux positionné possible afin de pouvoir lutter de façon efficace contre la criminalité dans les collectivités que nous servons.
Encore récemment, la province de Terre-Neuve-et-Labrador était isolée du reste du monde et en tirait de nombreux avantages. La mondialisation a changé tout cela en fournissant de nombreuses occasions de croissance et de développement. Malheureusement, les différentes factions du crime organisé ont aussi pris conscience des possibilités de croissance. Nous observons une augmentation importante de l'activité criminelle liée directement au crime organisé.
Les conséquences en sont évidentes, comme le révèle l'augmentation marquée de plusieurs problèmes : importation de stupéfiants, toxicomanie, crimes contre la moralité, pornographie, méfaits perpétrés par voie électronique, contrebande de biens, stratagèmes frauduleux élaborés, extorsion et intimidation.
Évidemment, en général, les crimes ne sont pas commis dans nos ports. Mais les criminels organisés ne sont pas rattachés à un lieu unique et, comme vous le savez, ce sont des personnes intelligentes, avisées, logiques et bien équipées. Elles se jettent sur toutes les occasions qui s'offrent et profitent de toutes les vulnérabilités des services de police, surtout si la résistance n'est pas forte. Il est hors de doute que les groupes criminels organisés actifs dans notre province ont des liens avec nos ports.
Terre-Neuve-et-Labrador a joué un rôle important au lendemain du 11 septembre. Au moment d'élaborer la stratégie nationale sur la sécurité des ports, il semblait tout à fait logique d'affecter les ressources aux ports de Vancouver, Montréal et Halifax. Je crois que le soutien supplémentaire offert à ces ports a permis de régler quelques- uns de leurs problèmes de sécurité.
Je crois aussi que les criminels ont réagi et qu'ils ont choisi d'exercer leurs activités dans les autres grands ports du Canada. Cela inclut ceux de ma province. Je vous prierais de ne pas perdre ce fait de vue lorsqu'il sera temps d'analyser, du point de vue de la nation, l'efficacité des mesures que nous prenons pour assurer la sécurité dans nos ports.
Nos ports sont vulnérables. Le crime organisé semble vouloir s'installer pour de bon, même à petite échelle, dans nos ports; nous devons nous y attaquer le plus énergiquement possible à la première occasion qui se présentera.
Nous avons besoin de votre aide pour obtenir les ressources nécessaires et régler efficacement et pour de bon tous les problèmes de sécurité qui menacent nos ports.
Le président : Merci beaucoup, monsieur le chef de police. J'aimerais pouvoir dire comme vous que ça va mieux dans les autres ports, mais ce n'est certainement pas l'avis des autres membres du comité. Nous aimerions qu'il en soit ainsi, mais les ports du Canada font face à un problème de taille. Nous sommes heureux d'avoir pu vous entendre.
Nous allons maintenant vous prêter une oreille attentive, monsieur.
M. Bill Smith, surintendant principal, Gendarmerie royale du Canada : Bonjour, honorables sénateurs. Je suis l'officier responsable du Service divisionnaire de la police criminelle, Division B, pour Terre-Neuve-et-Labrador. À titre d'officier responsable, je m'occupe de tous les programmes opérationnels des services de police à contrat offerts dans les diverses collectivités de la province. Je supervise aussi les programmes fédéraux, notamment en ce qui concerne les lois sur les drogues ou la douane, la surveillance côtière et le renseignement criminel, pour la Gendarmerie royale du Canada.
Mon but aujourd'hui est de vous parler du rôle de la GRC à Terre-Neuve-et-Labrador en ce qui concerne la sécurité maritime et portuaire. Je vais exposer brièvement le cadre opérationnel de la province en mettant l'accent sur les ressources fournies à la GRC en vertu des protocoles conclus avec les organismes gouvernementaux concernés, grâce auxquelles la GRC peut assurer la sécurité maritime.
La GRC a adopté le modèle des « services de police intégrés » et met l'accent sur les partenariats et les décisions fondés sur le renseignement. Pour Terre-Neuve-et-Labrador, ce modèle suppose la mise en valeur du travail en étroite collaboration avec les organismes fédéraux et provinciaux, par exemple la Royal Newfoundland Constabulary, la Garde côtière canadienne, le ministère des Pêches et Océans, l'Agence des services frontaliers du Canada, Citoyenneté et Immigration Canada, le Service canadien du renseignement de sécurité, l'organisation des mesures d'urgence de Terre-Neuve-et-Labrador et les organismes municipaux chargés des enquêtes ou de l'exécution de la loi. Des partenariats solides permettent d'éliminer les obstacles et, parfois, de trouver des solutions innovatrices convenant aux deux parties. Les solutions et les mesures sont mises en application de façon intégrée, grâce aux ressources limitées de chacun des organismes, et visent un objectif commun.
L'intégration permet l'échange d'information et de renseignements. Munies de renseignements fiables et crédibles, nos équipes intégrées d'application de la loi permettent d'utiliser efficacement les ressources mises en commun, de façon coordonnée. Puisque le renseignement fait partie des objectifs stratégiques de la GRC, nous pouvons recueillir des renseignements et les échanger avec des organismes partenaires, qui nous offrent en retour les renseignements qu'ils ont réunis. On encourage chacun des membres de la GRC à échanger des renseignements par les voies modernes, et on s'attend à ce qu'ils le fassent. L'approche vaut aussi pour nos organismes partenaires.
Grâce à cette approche, la GRC et ses organismes partenaires de Terre-Neuve-et-Labrador ont la capacité d'intervenir efficacement et de manière coordonnée en cas de menace à notre sécurité nationale ou d'événements importants survenant dans notre territoire de compétence ou à l'extérieur de celui-ci. Pensons notamment à la coordination des mesures prises à la suite des attaques terroristes du 11 septembre, aux États-Unis : 77 avions des lignes commerciales internationales ont été détournés de façon inattendue. St. John's en a reçu 27, Gander, 37, Stephenville, 8 et Goose Bay, 5. Au total, 12 500 passagers et employés de bord ont échoué chez nous.
En ce qui concerne la sécurité maritime, je crois qu'il est important d'expliquer comment l'intégration et le cadre opérationnel se traduisent à l'échelle provinciale. La GRC a établi ses 48 bureaux de façon stratégique dans la province; 45 se trouvent dans une collectivité côtière. On demande à tous les employés de s'occuper constamment de la collecte des renseignements et de les diffuser rapidement. Les renseignements font l'objet d'évaluations et d'analyses; ils nous permettent de déterminer qui doit faire l'objet d'une enquête. On peut aussi les transmettre aux organismes partenaires, qui les versent à leurs dossiers ou s'en servent pour appliquer les lois. Les informations et les renseignements sont versés dans des bases de données spécifiques et pourront, plus tard, être récupérés par le personnel autorisé.
À Terre-Neuve-et-Labrador, la GRC est un partenaire important du Service canadien de renseignements criminels, le SCRC. Notre bureau, le Service de renseignements criminels Terre-Neuve (SRCTN) compte 4,5 employés, dont un membre de la Royal Newfoundland Constabulary. Ce bureau s'occupe en premier lieu du crime organisé. En plus de ces employés directs, le SRCTN peut compter sur deux organismes de premier niveau et sur 15 partenaires. Notre bureau participe activement au « cycle de production stratégique », selon lequel tous les organismes partenaires doivent identifier les groupes de criminels organisés de leur territoire de compétence. En vue de l'exercice d'évaluation de la menace relative au crime organisé et aux crimes graves, qui aura lieu en 2005, le SRCTN a identifié plusieurs des groupes de criminels organisés qui sévissent dans la province.
En 1997, afin d'améliorer et de rationaliser les opérations à l'intérieur de notre propre programme de renseignements, nous avons réussi à rassembler en une seule unité notre section de l'analyse criminelle et du renseignement criminel de notre division, le Service de renseignements criminels Terre-Neuve et la Section des enquêtes relatives à la sécurité nationale. Nous pouvons ainsi partager les rôles et les responsabilités et travailler de façon plus rationnelle et plus efficiente.
L'un des principaux objectifs de la GRC, à Terre-Neuve-et-Labrador, consiste à identifier les criminels organisés et à démanteler leurs gangs; leurs activités criminelles représentent une menace. Elles ont une incidence sur la stabilité et les valeurs de la société, sans parler de la viabilité économique du gouvernement.
Le Comité directeur du renseignement de la Division, CDRD, présidé par l'officier responsable de la Police criminelle, utilise un modèle d'évaluation des menaces reconnu pour cerner les domaines à l'égard desquels il faut obtenir des renseignements ou prendre des mesures d'exécution.
À l'échelon régional, le Comité directeur régional du renseignement, CDRR, dont je suis membre, est constitué de cadres supérieurs de toutes les provinces atlantiques. Le CDRR cerne les plus grandes menaces pour la région, et prend les mesures qui s'imposent.
Une récente enquête recommandée par le CDRR, l'opération « Bullwinkle » a connu un fort succès. Lancée à la lumière de renseignements de nature criminelle, l'enquête, menée par une équipe multipartite, ciblait une organisation criminelle exerçant ses activités sur la presqu'île Avalon. Les principales marchandises saisies des véhicules haut de gamme et des drogues illicites. Cette enquête de huit mois a mené à la saisie de 12 véhicules haut de gamme, et d'une grande quantité de drogues illégales et d'argent. À l'heure actuelle, 34 personnes de la Colombie-Britannique, de l'Ontario, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador sont devant les tribunaux pour une diversité d'accusations découlant de cette enquête.
Pour ce qui est de l'existence de plans d'action, il y en a quelques-uns dont vous devriez prendre note. L'un d'eux est le plan d'urgence de la Division B de la GRC, conçu pour réagir à des incidents d'envergure exigeant la mobilisation de ressources extraordinaires, de concert avec les organismes partenaires, les autres divisions de la GRC et le quartier général national. Le plan est fondé sur le plan national de mobilisation de la GRC. Le Plan national de lutte contre le terrorisme assure la sécurité publique en fournissant une réaction stratégique et opérationnelle efficace et coordonnée par le gouvernement, les organismes d'application de la loi et d'autres organismes ayant des responsabilités au chapitre de la sécurité publique. Le plan sert de complément au Plan d'urgence de lutte contre le terrorisme de la Division
Le Centre divisionnaire des opérations d'urgence, CDOU, situé dans le quartier général de la Division B, conserve également des copies à jour du plan d'urgence relatif aux ressources pétrolières et gazières en mer, et du plan d'urgence sur les aéronefs suspects. Le CDOU peut être activé en quelques minutes et peut fonctionner 24 heures sur 24, lorsque cela est nécessaire.
La GRC peut, au besoin, mobiliser les ressources de la Région atlantique pour réagir à une menace ou pour contribuer à des enquêtes.
Pour ce qui est des ressources humaines, on dispose d'environ 33,5 équivalents temps plein affectés aux activités maritimes et aéroportuaires, dont six au sein de la Section de l'exécution des lois fédérales; un dans le Programme de surveillance côtière; 17 dans la Section des douanes et de l'accise; 2,5 au sein de la Section des renseignements criminels; 1,5 dans la Section des enquêtes relatives à la sécurité nationale; et 5,5 dans la Section divisionnaire des analyses. On ne saurait passer sous silence le fait que la sécurité maritime et aéroportuaire compte parmi un grand nombre de responsabilités confiées à ces unités. Ce ne sont pas leurs seules responsabilités.
Le Programme de surveillance côtière est constitué d'un agent de la paix qui assure la coordination du programme pour l'ensemble de la province. Cette personne compte énormément sur le personnel de première ligne de la GRC pour informer le public et l'aider à reconnaître les éléments qui doivent être signalés.
La GRC à Terre-Neuve et au Labrador assure l'application des lois provinciales et fédérales sur les nombreux plans d'eau intérieurs. De plus, nous sommes également responsables de patrouiller les 28 956 kilomètres de côtes maritimes au moyen des actifs suivants. J'ai avec moi la liste des actifs. Pour aider le comité à gagner du temps, je peux la lire.
Le président : Si vous pouvez nous laisser la liste, monsieur Smith, nous vous serions très reconnaissants. Il serait plus avantageux de la soumettre que de la lire.
M. Smith : En ce qui concerne les relations entre la Garde côtière canadienne, le ministère de la Défense nationale, la GRC, et la Royal Newfoundland Constabulary, la GRC à Terre-Neuve-et-Labrador jouit d'une relation de travail étroite avec la Garde côtière canadienne, le ministère des Pêches et Océans, et la Royal Newfoundland Constabulary, tant à l'échelon de la direction que sur le terrain. La GRC, depuis un certain nombre d'années, utilise les vaisseaux de la Garde côtière et des Pêches dans le cadre d'activités d'exécution des lois, de recherche et sauvetage et de formation. La formation comprend les séances conjointes sur l'abordage de navires armés et l'utilisation de petites embarcations avec le personnel de la Garde côtière. On encourage également la formation et les scénarios terrestres conjoints avec la Royal Newfoundland Constabulary.
Même si aucun navire militaire n'est stationné à Terre-Neuve-et-Labrador, la GRC est toujours en mesure de tirer avantage de patrouilles côtières dans les navires du MDN. Plusieurs fois par année, des membres de la GRC montent à bord des navires du MDN et effectuent des patrouilles côtières de toutes les côtes de la province.
La Division B est dotée d'un Groupe tactique d'intervention, GTI, constitué de 12 postes, qui fait partie d'une équipe régionale de l'Atlantique comptant 45 membres. Les membres de l'équipe ont bénéficié d'une formation sur l'abordage de navires armés, et ils disposent de l'équipement nécessaire pour le faire. Au besoin, les équipes utiliseront les plates-formes de la Garde côtière canadienne et du ministère de la Défense nationale.C'est ce qui s'est produit pendant la « Guerre de la morue » en 1996, quand les GTI de la Division B et de la Division H de la Nouvelle-Écosse ont été utilisés en vue d'appréhender les membres du navire de pêche Estai, 260 milles marins au large, au sud-est de Terre-Neuve.
Pour ce qui est des obstacles à la sécurité maritime, le plus gros obstacle à la sécurité maritime et aéroportuaire est l'absence de ressources spécialement affectées pour couvrir l'ensemble de la province. Terre-Neuve est une île dotée de 9 871 kilomètres de côte. Le vaste territoire continental du Labrador offre une côte de 8 172 kilomètres donnant sur la mer du Labrador, dans l'océan Atlantique. Les nombreuses îles ajoutent 10 913 kilomètres de plus, de sorte que la province affiche un total époustouflant de 28 956 kilomètres de côte. À l'intérieur, les deux régions sont parsemées de milliers de lacs, d'étangs et de rivières d'eau douce. Par comparaison, les provinces de l'Île-du-Prince-Édouard, avec 1 260 kilomètres, de la Nouvelle-Écosse, avec 7 579 kilomètres, et du Nouveau-Brunswick, avec 2 269 kilomètres, affichent au total 11 108 kilomètres de côte maritime, soit environ le tiers de celle de Terre-Neuve-et-Labrador.
Bref, la GRC et les organismes partenaires sont incapables de surveiller l'ensemble de la province 24 heures sur 24, sept jours sur sept. La détection et l'intervention précoces sont absolument nécessaires si nous voulons réellement avoir un impact sur le crime organisé ou sur les groupes terroristes qui utilisent nos côtes.
La GRC de Terre-Neuve-et-Labrador est dotée d'un navire de patrouille, le Simmonds. Toutefois, ce navire est surtout affecté à l'exécution des douanes et de l'accise entre les îles françaises de Saint-Pierre-et-Miquelon et la côte sud de Terre-Neuve.
La GRC a besoin de ressources supplémentaires en matière de renseignements, afin de répondre au besoin d'obtenir continuellement des renseignements à l'égard de nos nombreux ports, et de combler des postes au sein de l'Équipe intégrée de la police des frontières, EIBF. À la suite des événements du 11 septembre, de nombreuses provinces ont obtenu des ressources supplémentaires, pour diverses raisons. Toutefois, la GRC de Terre-Neuve-et-Labrador n'a pas reçu de ressources supplémentaires, malgré le fait que la province soit entourée d'eau et constitue la première porte d'entrée à l'est du Canada. C'est également le cas de notre Section des renseignements criminels et de notre Section des enquêtes relatives à la sécurité nationale, constituées de 2,5 et de 1,5 postes, respectivement. Bref, une unité de renseignements de quatre enquêteurs couvre l'ensemble de la province.
Depuis le 11 septembre, on a écrit beaucoup de choses concernant le terrorisme dans une société mondiale.Les renseignements disponibles laissent croire qu'il est improbable que Terre-Neuve-et-Labrador soit le lieu direct d'une attaque terroriste. Toutefois, sa position géographique, ses vastes côtes isolées, et ses modestes ressources demaintien de l'ordre en font un point d'entrée et une zone d'étape de premier choix. Des organisations criminelles utilisent nos côtes depuis de nombreuses années pour décharger d'importantes quantités de drogues illégales, avec beaucoup de succès. Des terroristes pourraient également utiliser nos côtes de la même façon, mais pour une cause plus importante. À l'heure actuelle, Terre-Neuve-et-Labrador est une passerelle non défendue vers l'Amérique du Nord.
Lorsqu'il est question de sécurité nationale, notre nation, voire notre continent, n'est aussi fort que son maillon le plus faible. J'avancerais que, dans le cas qui nous occupe, ce maillon le plus faible, c'est Terre-Neuve-et-Labrador. Nos adversaires cherchent la voie où il y aura le moins de résistance, et ils percevront toute absence d'éléments dissuasifs comme une occasion de commettre leurs activités illicites.
Il y a de nombreux autres ports d'envergure dans la province à part celui de St. John's, lequel reçoit le plus d'attention parce qu'il est situé dans la capitale. Par exemple, les ports de Come By Chance et de Whiffen Head affichent le tonnage le plus élevé parmi les ports canadiens. De plus, Argentia est le seul port de la province qui accueille des porte-conteneurs étrangers qui n'ont pas déjà été traités par les ports de Halifax ou de Montréal. Tous les ports, où qu'ils soient situés dans la province, ne disposent pas des ressources nécessaires pour lutter contre le crime organisé.
Sur la question des initiatives actuelles et futures, la GRC continue d'intégrer pleinement ses activités à celles d'autres partenaires dans le but de dispenser des services uniformes. Nous tirons avantage de toute occasion de signaler clairement notre besoin de ressources supplémentaires, surtout en ce qui concerne l'intégrité des frontières.
La GRC de Terre-Neuve-et-Labrador a adopté des méthodes intégrées de maintien de l'ordre, et comme je l'ai démontré tout au long de mon exposé, elle a harmonisé ses activités avec celles d'autres organismes fédéraux et provinciaux. Cela a permis de nouer les relations et d'assurer la coordination qui suivent. La mise en commun de l'information et du renseignement avec d'autres organismes nous permet de cibler nos ressources limitées et nos efforts de façon efficace et efficiente. L'intégration des unités internes de la GRC permet de cibler et de simplifier le service. C'est ce qui se produit dans le cadre de notre Programme des renseignements criminels, où les enquêteurs et les analystes travaillent en partenariat au lieu d'être cloisonnés. Le Sous-comité fédéral de la sécurité, dont je suis le président, est doté d'un groupe d'évaluation des menaces, et vous trouverez de plus amples renseignements sur ce groupe dans votre trousse d'information. Vous trouverez également de la documentation sur une foule d'exercices visant à mettre à l'épreuve nos capacités d'intervention d'urgence, qu'il s'agisse de communications ou d'interventions réelles.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à votre comité sur la question de la sécurité maritime, et je serai heureux de répondre à toutes vos questions. Je vous remets une trousse d'information qui explique plus en profondeur les enjeux abordés aujourd'hui.
Le président : Merci, surintendant principal. Est-ce que je peux vous demander une précision avant qu'on passe aux questions? Vous avez mentionné le Simmonds. C'est un navire de classe Commissaire. Un témoin antérieur nous avait affirmé que ce navire n'est pas bien adapté aux activités de patrouille, qu'il s'agit plutôt d'un détachement mobile qui se rend constamment d'un endroit à l'autre. Avons-nous été mal informés?
M. Smith : Dans une certaine mesure. Les capacités du Simmonds sont limitées à certains moments de l'année. Pendant la saison estivale, il est capable de patrouiller l'ensemble de la région atlantique, au besoin, et c'est ce qu'il a fait à diverses occasions — à l'occasion d'incidents comme celui de Burnt Church, et d'autres choses du genre — dans le passé. L'été, il peut patrouiller toute la côte de Terre-Neuve-et-Labrador, s'il le faut. Nous tentons de planifier ces patrouilles, et nous en avions planifié une tout récemment, mais on a dû l'annuler pour s'attacher à d'autres opérations. Pendant l'hiver, ses capacités sont limitées. Je crois qu'il est limité à 20 milles marins d'un point de refuge, ce qui veut dire qu'il ne pourrait aller au-delà de 20 milles au large.
Le président : Merci de cette précision. Sénateur Meighen, vous avez la parole.
Le sénateur Meighen : Merci beaucoup d'être venu. Je ne sais pas toujours qui est le mieux placé pour répondre, alors je m'en remets à vous, si cela ne vous dérange pas.
Tout d'abord, je tiens à vous dire, surintendant principal Smith, que j'ai l'impression que vous pourriez donner des leçons à de nombreuses administrations canadiennes, vu les grands projets que vous avez réalisés à l'égard de l'intégration des activités de maintien de l'ordre. Si on peut prendre votre témoignage au pied de la lettre, et je suis certain que c'est le cas, ce que vous avez décrit aujourd'hui n'existe pas dans de nombreuses régions du pays, je puis vous en assurer. J'ai l'impression que vous connaissez le dossier de fond en comble. Êtes-vous aussi satisfait de la structure intégrée de maintien de l'ordre de la province que le laissent croire vos commentaires?
M. Smith : Je ne peux accepter tout le mérite à cet égard. Je sais que la RNC apporte également une contribution marquée à nos efforts.
Nous sommes plutôt satisfaits des progrès que nous avons réalisés. Mais nous n'avons pas terminé. Nous avons encore beaucoup de travail à faire, je crois. Une partie de notre examen postérieur au 11 septembre — je suis arrivé dans la province à cette époque — consistait à établir des comités et à créer des exercices qui favoriseraient la mise en commun et l'échange d'information ainsi que la préparation opérationnelle de l'ensemble de la province à l'égard de tout type de situation d'urgence. Toutefois, je ne crois pas que nous puissions nous reposer sur nos lauriers. Nous avons fait beaucoup de choses, mais nombre de ces relations doivent également être nourries.
Le sénateur Meighen : Si je comprends bien votre témoignage, vous avez vraiment besoin de ressources supplémentaires — financières et humaines — pour combler les lacune que vous avez décrites.
M. Smith : Nous serions très heureux d'obtenir cela.
Le sénateur Meighen : Qu'advient-il des secours d'urgence? Font-ils partie de ce modèle intégré? Chef Deering, il serait peut-être plus approprié de vous poser cette question.
M. Deering : Au chapitre des activités spécialisées de maintien de l'ordre, je suppose que si, mais de façon générale, je dirais que non. À la lumière de mon expérience en Ontario, l'intégration ici est relativement simple, car il n'y a que deux intervenants dans la province. Il est relativement simple de gérer les guerres de territoire et les egos. La réalité, toutefois, c'est que ni l'un ni l'autre ne dispose des ressources nécessaires pour faire le travail comme il devrait être fait. Nous sommes toujours à l'affût de moyens d'intégrer nos activités et de réaliser des économies en vue de peut-être pallier l'absence de ressources convenables pour faire notre travail.
Le sénateur Meighen : En ce qui concerne, par exemple, le service des incendies, y a-t-il une relation à cet égard? Êtes-vous doté d'un plan advenant une catastrophe, quelle que soit sa nature?
M. Deering : Oh, je suis désolé, j'ai pris le terme « secours d'urgence » dans le contexte du maintien de l'ordre. Oui, nous entretenons de bonnes relations de travail avec les autres fournisseurs de services d'urgence de la province. Il existe un certain nombre de plans, et ces plans sont régulièrement mis à l'essai. Pour ce qui est du Bureau des mesures d'urgence, BMU, on tient régulièrement des réunions de coordination. Tous les partenaires y participent, et nous travaillons en collaboration afin de veiller à ce que nous puissions réagir à une crise de façon efficace et efficiente.
Le sénateur Meighen : En ce qui concerne le port, effectuez-vous régulièrement une patrouille du port, ou le faites- vous seulement lorsqu'on vous appelle?
M. Deering : En général, nous patrouillons le port de façon ponctuelle. Le port de St. John's est au milieu de notre capitale provinciale, de sorte que nos agents en patrouille générale sont à proximité du port. Sur le plan de la visibilité, les gens voient nos autos de temps à autre, mais, en moyenne, nous répondons annuellement à 30 appels du port de St. John's qui exigeraient une enquête criminelle. Sinon, nous n'allons pas au port. L'autorité portuaire de St. John's dispose de deux agents de la paix qui, je crois, s'occupent de problèmes de stationnement sur le tablier, et de choses du genre. Ils assurent une présence appréciable dans le port, mais leurs pouvoirs et leurs ressources sont limités, de sorte qu'il n'y a pas vraiment de présence policière dans le port. Comme je l'ai déjà dit, nous répondons d'abord aux appels prioritaires, de sorte que si on nous appelle au port et qu'il y a un appel plus important dans la ville, le port devra attendre.
Le président : Excusez-moi, monsieur. Lorsque vous dites « agent de la paix » affirmez-vous qu'ils exercent leurs activités en vertu de la loi régissant la justice pénale et le maintien de l'ordre, ou s'agit-il d'un gardien de sécurité?
M. Deering : Je crois qu'il s'agit de gardiens de sécurité.
Le président : Merci, monsieur.
Le sénateur Meighen : Y a-t-il une clôture autour du port? Contrôle-t-on l'accès au port d'une façon ou d'une autre?
M. Deering : Non.
Le sénateur Meighen : Vous avez émis l'opinion selon laquelle le crime organisé aurait un pied dans le port de St. John's. Est-ce quelque chose qui s'est produit depuis le 11 septembre?
M. Deering : Je crois que c'est peut-être devenu plus visible parce que nous y prêtons une plus grande attention. Le crime organisé est bien installé dans le nord-est d'Avalon. Comme je l'ai dit dans mon exposé, il n'y a aucun doute quant au fait que les ports comptent parmi les endroits où le crime organisé cherche à s'infiltrer. On dispose de renseignements qui nous portent à croire que le crime organisé est actif dans les ports.
Le sénateur Meighen : Y a-t-il actuellement un effort de coopération avec l'autorité portuaire en vue d'améliorer la sécurité?
M. Deering : Non.
Le sénateur Meighen : Je comprends qu'il n'y a que 24 heures dans une journée, et que les ressources sont limitées, mais cette absence de coopération découle-t-elle d'une réticence, ou est-ce simplement qu'elle n'a pas encore été amorcée?
M. Deering : C'est strictement une question de ressources. À vrai dire, sénateur, j'éprouve de la difficulté à assurer un service de maintien de l'ordre de première ligne 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Ce n'est pas que nous faisons fi du port : le port n'est qu'une partie de l'une de nos zones de patrouille. Nous ne prêtons pas une attention particulière aux ports, à moins que des renseignements nous permettent de croire qu'il s'y passe quelque chose d'important, et c'est à ce moment-là que nous intervenons. Le surintendant principal Smith a mentionné l'opération « Bullwinkle ». Je crois que c'est un exemple parfait de situation où nous connaissons du succès en centrant nos énergies, les énergies limitées dont nous disposons, sur un problème précis. Au sein de ma collectivité, le crime est omniprésent, et est lié directement à la drogue.La marijuana que nous saisissons à Terre-Neuve provient de la Colombie-Britannique. Il n'y a que deux façons de faire entrer de la marchandise dans cette province : par avion ou par bateau. Ce que nous trouvons ne constitue que la pointe de l'iceberg. Nous n'avons probablement connaissance que de moins de 5 p. 100 des drogues illégales qui entrent dans la province, alors cela se produit tous les jours. À la lumière de mes 35 ans d'expérience dans le domaine, j'estime qu'une part importante de ces drogues entre par les ports. Cela dit, la marchandise qui entre dans notre port ainsi que dans celui de Long Pond provient, dans la plupart des cas, de Montréal ou de Halifax.
Le sénateur Meighen : De nombreux navires étrangers se rendent au port de St. John's. Ai-je raison de supposer qu'on ne sait pas nécessairement qui arrive à bord de ces navires?
M. Deering : Absolument. Nous accueillons quotidiennement des navires étrangers. Nous voyons l'équipage de ces navires dans notre localité, et nous interagissons avec eux de temps à autre, dans le cadre de nos activités professionnelles. La réalité, monsieur le sénateur, c'est que nous n'avons idée ni du nombre de personnes qui débarquent des navires et qui repartent, ni de l'identité ou des origines de ces personnes. En 2002, nous avons trouvé des restes humains tout près du port de Long Pond. Une enquête approfondie ne nous a pas permis de les identifier. Nous croyons maintenant qu'il s'agissait probablement d'un membre de l'équipage d'un navire étranger qui aurait été assassiné dans la province, et que les chances de résoudre ce crime sont relativement nulles. Encore une fois, je crois que cela témoigne du fait qu'en ce qui concerne les navires étrangers, nous ignorons totalement qui se trouve sur notre territoire à un moment donné.
Le sénateur Meighen : Connaissez-vous le Code international sur la sécurité des navires et des installations portuaires, le Code ISPS?
M. Smith : Oui, je le connais. Celui du 1er juillet, oui.
Le sénateur Meighen : Oui, je crois qu'il est entré en vigueuren juillet 2004. Transports Canada a déclaré qu'en septembre 2004, les installations maritimes canadiennes étaient conformes à 98 p. 100. À votre connaissance, le port de St. John's faisait-il partie des 98 p. 100 ou des 2 p. 100?
M. Smith : En ce qui nous concerne, nous tentons de cerner les répercussions éventuelles du Code ISPS sur nos ressources et nos résultats. Je ne peux me prononcer sur le degré de conformité des ports, mais je tiens à vous dire que le code n'a pas eu de répercussions majeures sur nos ressources jusqu'à maintenant, du moins en ce qui concerne les exigences. Ils ont établi divers niveaux que je ne connais pas bien — Inmarsat 2, 3 et 4 —, et c'est à certains de ces niveaux que le processus est enclenché, et les ressources policières sont affectées à une autre intervention.
Le sénateur Meighen : Faudrait-il que nous interrogions le personnel de l'administration portuaire pour savoir?
Le président : Vous parlez de répercussions majeures : Y a-t-il eu des répercussions?
M. Smith : Dès le début, comme vous le savez bien, c'était la bousculade. Nous avions reçu de nos quartiers généraux des communications selon lesquelles nous devions nous préparer à affecter des ressources à cette initiative, mais cela n'a pas eu de répercussions négatives, à ma connaissance.
Le sénateur Meighen : Aucune répercussion, donc?
M. Smith : Non.
Le sénateur Meighen : Je crois que je devrais céder la parole à certains de mes collègues. Merci beaucoup.
Le sénateur Cordy : Merci beaucoup. J'aimerais poursuivre dans la même veine que le sénateur Meighen, sur le sujet de la sécurité. S'il n'y a pas de clôture autour du port, à quel point est-il facile d'accéder à la marchandise et aux navires qui sont dans votre port? Il vaudrait peut-être mieux poser cette question aux autorités portuaires, mais vous êtes certainement la personne à laquelle on téléphonerait s'il y avait un problème.
M. Deering : Bien sûr, on peut toujours accéder au port par la mer. Pour ce qui est du côté terrestre du port, je crois que des mesures de sécurité sont en place autour du complexe Oceanex, c'est-à-dire l'endroit où la plupart des conteneurs arrivent, mais il y en a très peu dans le cas des autres quais. Je crois qu'il est intéressant de souligner que l'industrie pétrolière est florissante à Terre-Neuve-et-Labrador, et je crois savoir que nous produisons environ 40 p. 100 du pétrole brut léger au pays. Or, les principaux points d'accès aux navires qui font la navette entre ces puits et le port est au bout du chemin menant au quai Harvey. À ma connaissance, quiconque veut se rendre jusqu'au quai ou aux bateaux peut le faire.
Le sénateur Cordy : Ainsi, il serait extrêmement facile, avec un tant soit peu de planification, d'accéder à un conteneur pour y récupérer des choses qui auraient été envoyées d'un autre port, ou, de fait, pour cacher de la marchandise dans un conteneur ou sur un navire?
M. Deering : Oui, j'en ai bien l'impression. Et comme si ce n'était pas assez grave déjà, la Royal Newfoundland Constabulary n'a pas accès aux navires. S'il y avait un incident à l'égard des navires dans le port, nous n'aurions d'autre choix que de recourir à nos partenaires fédéraux ou provinciaux, ou de demander à un pêcheur local de nous prêter une embarcation afin que nous puissions mener une enquête.
Le sénateur Cordy : Quel ministère pourrait monter à bord d'un navire, le MPO?
M. Deering : Le MPO, la Garde côtière canadienne, ou la GRC, lorsque son navire est disponible.
Le sénateur Cordy : J'allais vous interroger au sujet de l'accès des employés, mais, en effet, si n'importe qui peut y accéder, alors je suppose que les employés n'auraient pas besoin de porter un insigne d'identification lorsqu'ils se rendent sur les lieux.
Je suppose que ma prochaine question fait également suite à celles du sénateur Meighen, et elle concerne l'immigration. Je suis originaire de Halifax, alors je suis certainement bien placée pour savoir que si une personne monte clandestinement à bord d'un navire, c'est sûrement à cet endroit qu'elle descendrait. Les avantages et les désavantages au premier point d'entrée seraient les mêmes pour tous les navires qui arrivent de l'étranger. Combien de gens, ou plutôt savez-vous combien de gens quitteraient leur navire à Terre-Neuve-et-Labrador en vue d'y rester?
M. Deering : Je ne peux vous fournir de chiffres précis, mais j'estime, de nouveau, que cela se produit, et je dirais que cela se produit assez régulièrement. Je ne peux parler au nom du ministère de l'Immigration, mais mes échanges avec mes collègues de ce ministère me laissent croire que leurs ressources sont aussi limitées que les nôtres. J'ai également l'impression que, de temps à autre, lorsque des navires étrangers arrivent ici, que l'immigration s'en remet peut-être à la bonne foi des répondants, ou à un système de rendez-vous. Je ne peux l'affirmer avec certitude, mais c'est mon impression. Encore une fois, lorsqu'un navire de pêche étranger s'arrête ici pour faire le plein de carburant ou de provisions, je ne suis pas certain, du point de vue de la sécurité, que quelqu'un sache vraiment qui débarque du navire et qui remonte à bord. Une fois débarqués, ils ont accès au Canada et, comme nous le savons assez bien, aux États- Unis, s'ils veulent passer par la petite porte.
M. Smith : Si je peux me permettre d'ajouter quelque chose, cela concerne non pas St. John's en particulier, mais plusieurs endroits mentionnés dans le document que je vous ai fourni. La page 21 parle d'immigration et mentionne plusieurs cas, ici même dans cette province, où des gens ont quitté leur navire. De plus, à la page 27, dans la section qui porte sur le port d'Argentia, on parle d'un incident, survenu en janvier 2004, où trois personnes, originaires d'Iran, d'Érythrée et d'Irak, respectivement, avaient déserté le MS Skogafoss. Alors la possibilité que cela se produise est énorme.
Le sénateur Cordy : Quel pourcentage des immigrants se présentent à l'immigration lorsqu'ils arrivent? Avez-vous connaissance de tels renseignements?
M. Deering : Je n'ai pas d'informations ni de chiffres à cet égard, et même dans le cas des personnes qui se présentent, nous constatons qu'elles se rendent sur le territoire continental avant d'amorcer le processus d'immigration. Certains, je suppose, ne le font jamais, ou mettent beaucoup de temps avant de le faire. Nous les perdons de vue ici.
Le sénateur Cordy : Quelles sont les responsabilités des transporteurs à l'égard des passagers clandestins? Je sais qu'il y avait un problème, il y a quelques années, lorsqu'on croyait que, de fait, un passager clandestin avait été jeté à la mer, et qu'on n'en avait jamais entendu parler, en raison des coûts que cela aurait supposés, lorsque le transporteur est arrivé au port. Quelles sont les responsabilités du transporteur si on trouve un passager clandestin ou si une personne quitte un navire?
M. Deering : Je ne serais pas en mesure de commenter cela avec certitude
Le sénateur Cordy : Quels sont les principaux problèmes au port? Je sais que vous avez mentionné le trafic de drogues? Est-ce la principale activité criminelle au port?
M. Deering : Il y a le passage de clandestins, la contrebande de drogues, de véhicules haut de gamme ou de toute autre marchandise offrant au crime organisé l'occasion de réaliser un profit.
Le sénateur Cordy : Le passage de clandestins est certainement la forme de contrebande qui connaît la croissance la plus forte et la plus rapide. Est-ce un phénomène que vous constatez àTerre-Neuve, ou est-ce que ces personnes se contentent de passer rapidement par Terre-Neuve, de sorte que vous ne savez pas qui passe par ici?
M. Deering : Nous savons que cela se produit, mais nous ignorons l'ampleur du phénomène. Encore une fois, je m'appuie sur mon expérience de surintendant principal responsable de l'est de l'Ontario. Puisque Akwesasne figurait sur mon territoire, je savais que le passage de clandestins était à la hausse, et j'ai l'impression que cela se produit ici. Malheureusement, pour l'instant, je ne peux vous donner une idée de l'ampleur du problème, mais j'ai l'impression qu'il existe.
Le sénateur Cordy : Et il est en croissance?
M. Deering : Et il est en croissance.
M. Smith : Je suis d'accord avec lui.
Le président : Monsieur le surintendant principal, dans votre exposé, j'ai cru vous entendre dire que l'Agence des services frontaliers du Canada, l'ASFC, faisait partie de vos équipes intégrées. Vous savez sûrement si l'Agence assure le contrôle à l'égard des personnes qui montent à bord des navires et de celles qui débarquent.
M. Deering : Je ne dis pas que certains échelons ne possèdent pas ces renseignements. Je n'ai pas connaissance, personnellement, des chiffres concernant le nombre de personnes ou la fréquence à laquelle cela se produit. Nous travaillons avec l'ASFC; nous échangeons effectivement de l'information.
Le président : Vous ignorez si l'Agence communique avec tous les navires qui arrivent au port en vue de déterminer qui quittera le navire et quelle est la marchandise qui passera en territoire canadien?
M. Deering : Je n'ai pas de connaissance à cet égard, non.
Le président : Alors, que fait votre équipe intégrée?
M. Deering : La plupart de ces projets avec l'ASFC s'attacheraient à des activités s'inscrivant dans une enquête que nous menons; il ne s'agit pas généralement d'une activité de portée générale. Pour l'instant, à vrai dire, nous nous efforçons de recueillir des renseignements à cet égard.
Le président : Lorsque nous parlons aux équipes intégrées des autres ports, elles peuvent nous fournir de tels renseignements, jusqu'au pourcentage de personnes qui travaillent dans le port et qui ont un casier judiciaire. Nous avons obtenu des renseignements très détaillés de la part de vos homologues des autres divisions.
M. Deering : J'en suis conscient, j'ai lu certains de ces témoignages. Nous ne possédons pas cette information ici, malheureusement.
Le président : Et pourquoi donc, monsieur?
M. Deering : Il y a des lacunes au chapitre du renseignement. C'est parce que nous n'avons pas de ressources à affecter aux ports. Comme j'ai dit plus tôt, 4,5 personnes sont affectées à la collecte de ces renseignements, et elles doivent se pencher sur une foule d'enjeux autres que la sécurité maritime. Il y a une lacune au chapitre du renseignement. Je dois l'admettre.
Le président : D'accord. Nous y reviendrons. J'ai interrompu la chaîne de questions.
Le sénateur Atkins : Merci, messieurs, d'être ici.
J'aimerais revenir à la question des drogues. Vous avez déclaré que c'est une partie importante de la criminalité dans la ville ou dans la province, et que la drogue arrive par avion ou par bateau. Pour ce qui est du transport aérien, croyez- vous qu'elle vous arrive à bord de petits appareils, ou qu'elle arrive par l'aéroport principal? Comment arrive-t-elle ici?
M. Deering : Il est possible qu'elle arrive ici dans de petits appareils. Nous ne possédons pas de renseignements permettant d'affirmer précisément où cela se produit. À mon avis, une large part de la drogue qui arrive dans cette province entre par les ports ou à bord de véhicules motorisés qui partent du territoire continental pour se rendre à Terre-Neuve par traversier. La vaste majorité de la marijuana que nous saisissons ici provient de la Colombie- Britannique. Les drogues illicites que nous saisissons ici ne sont produites ni à Terre-Neuve ni au Labrador, alors elles y arrivent par divers point d'accès. Si j'avançais une estimation très prudente, je dirais que 80 p. 100 des crimes contre les biens faisant l'objet d'une enquête par la Royal Newfoundland Constabulary sont directement liés au commerce de la drogue.
Le sénateur Atkins : Est-ce que cela signifie, en ce qui concerne votre responsabilité, que c'est l'une des principales activités de votre corps policiers?
M. Deering : C'est certainement un aspect important de nos activités, et nous luttons contre cela tous les jours. Nous menons actuellement des enquêtes, et nous effectuons continuellement des missions de reconnaissance. Sénateur, je crois que vous devez comprendre que notre service de police dispose de ressources financières minimales. Tous les jours, nous nous démenons pour trouver des moyens de mettre des patrouilleurs en service sans occasionner de dépenses liées aux heures supplémentaires; ainsi, tout doit être fait en fonction de ce que nous aimerions vraiment faire, et de ce que nous avons à faire. C'est une priorité, malheureusement, de réagir au crime. Nous sommes proactifs quand nous avons les moyens de l'être, mais la plupart du temps, nous réagissons. Voici un exemple tout à fait à propos : sur notre territoire, le nord-est d'Avalon, le nombre de vols à main armée a plus que doublé en 2004; le nombre d'introductions par effraction a augmenté de plus de 65 p. 100. Nous sommes aux prises avec un énorme problème de dépendance à des médicaments comme l'OxyContin, le Percocet et le Ritalin. Nombre de nos jeunes qui sont tragiquement dépendants de ces drogues se tournent vers la prostitution, le vol et d'autres méfaits. Malheureusement, il n'y a aucun établissement de traitement dans notre province. Nous devons tenter de trouver sur le territoire continental un endroit où envoyer nos jeunes pour qu'ils bénéficient de traitement contre cette tragique toxicomanie.
Le sénateur Atkins : On dirait que vous êtes en gestion de crise.
M. Deering : Tous les jours.
Le sénateur Atkins : Le surintendant principal a mentionné les ressources limitées de la police. C'est une question de financement. Depuis le 11 septembre, quelles ont été les augmentations annuelles de votre budget au cours des trois dernières années?
M. Smith : Du côté fédéral, elles étaient nulles.
Le sénateur Atkins : Aucune augmentation?
M. Smith : Aucune. Aucune ressource supplémentaire ne nous a été consentie après le 11 septembre. Nous avons probablement reçu de modestes sommes d'argent au chapitre du fonctionnement et de l'entretien, du F et E, pour nous aider dans le cadre de certaines enquêtes. Quant à une augmentation d'ensemble des ressources de renseignements ou du financement lié à la Sécurité publique et à la lutte contre le terrorisme, SPLT, nous n'en avons pas reçu.
Le sénateur Atkins : Et du côté contractuel?
M. Smith : Du côté contractuel, la province nous a donné, tout récemment cette année, 11 nouveaux postes, et on vient tout juste de nous attribuer un poste fédéral. Je crois que je devrais corriger ce que j'ai dit. En date du 1er janvier, nous avons eu un poste lié à la sensibilisation aux drogues au Labrador.
M. Deering : De mon point de vue — et n'oubliez pas que je participe aux activités du Service canadien de renseignements criminels et de l'Association canadienne des chefs de police à l'échelon national —, l'une de mes frustrations postérieures au 11 septembre, c'est que l'argent s'est arrêté à Halifax. Notre province n'a reçu absolument aucune aide. Cela me préoccupe, car les criminels organisés ne sont pas stupides. Ils vont là où il y a le moins de résistance. Le président m'a signalé que j'étaispeut-être un peu plus optimiste que lui en ce qui concernel'impact des forces de l'ordre dans certains ports. Lorsqu'on met de la pression sur Montréal et sur Halifax, le crime semanifestera ailleurs, c'est-à-dire probablement à Terre-Neuve, sur l'Île-du-Prince-Édouard ou dans d'autres port de laNouvelle- Écosse suscitant moins d'attention. Du point de vue du maintien de l'ordre, rien ne nous porte à croire que des fonds fédéraux ont été affectés à cette question depuis le 11 septembre. Je ne suis pas un expert du terrorisme, mais à mon avis, les terroristes sont des criminels qui ne se distinguent des autres que par leur motivation différente. J'ai de la difficulté à distinguer les deux.
Le sénateur Atkins : Cela porte à croire, donc, que Terre-Neuve est un passage vers le territoire continental.
M. Deering : C'est ce que je crois.
Le sénateur Atkins : Et comment entre-t-on sur le territoire continental à partir d'ici? Par camion?
M. Deering : Une fois ici, c'est assez facile de se rendre sur le territoire continental. On peut prendre l'avion à partir de l'un de nos aéroports, ou se rendre en voiture à Port-aux-Basques ou à Placentia, et prendre le traversier pour North Sydney, en Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Atkins : C'est très intéressant. Chef, combien d'appareils avez-vous?
M. Smith : Notre division est dotée d'un Twin Otter, stationné à Happy Valley-Goose Bay. C'est principalement en raison de l'isolement de nos détachements là-bas. Nous avons un certain nombre de personnes isolées au Labrador, qui...
Le sénateur Atkins : Vous en avez un?
M. Smith : Un Twin Otter, pour la division; à part le Twin Otter, nous n'en avons aucun. Nous avons un avion Pilatus, je crois que c'est un PC-12, à Moncton, qui sert d'avion régional pour les quatre divisions de l'Atlantique. Nous sommes également dotés d'un hélicoptère régional, un Eurocopter, qui fait également partie des actifs régionaux.
Le sénateur Atkins : On nous a dit qu'il y a un seul hélicoptère pour le Canada atlantique.
M. Smith : C'est exact. De plus, nous entretenons de très bonnes relations avec les gens des mesures d'urgence provinciales qui se chargent des recherches terrestres et des recherches sur les lacs et océans. Ils nous fournissent un appui aérien, au besoin. La Garde côtière canadienne s'est également montrée très généreuse en fournissant son aide quand nous en avons eu besoin.
M. Deering : Sénateur, si je peux revenir à la question du financement, j'ai dit que rien ne me laisse croire à l'existence d'un financement fédéral. Cela n'est pas tout à fait exact, car nous négocions actuellement avec l'autorité aéroportuaire de St. John's en vue de dispenser, à titre de sous-traitant, des services de maintien de l'ordre plus ciblés à l'aéroport. Cette initiative a été rendue possible par le financement consenti à divers aéroports de partout au pays par l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, l'ACSTA.
M. Akins : Quand vous préparez un budget, le préparez-vous pour la municipalité, ou pour la province?
M. Deering : Pour la province : le maintien de l'ordre dans notre province est une compétence provinciale. C'est une relation très intéressante, car j'ai tous ces clients que je m'efforce de bien servir, et je tente d'être à l'écoute de leurs besoins. Toutefois, au bout du compte, ils peuvent demander tout ce qu'ils veulent, mais de leur point de vue, ils ne paient pas directement pour ce service. Ils bénéficient du service de maintien de l'ordre que je dispense, et ce service est fonction du financement que j'obtiens de la province.
Le sénateur Atkins : Ce que vous nous dites à l'égard de votre demande, c'est que vous n'avez vraiment pas reçu ce que vous aviez demandé?
M. Deering : Nous ne bénéficions pas du financement que j'aurais souhaité, effectivement. Tout récemment, on nous a fourni une certaine aide budgétaire. Cela a permis d'ajouter des patrouilleurs, mais ils sont destinés aux services de maintien de l'ordre de première ligne. La réalité opérationnelle de mon organisation aujourd'hui, c'est que j'ai dû dissoudre mon unité vouée au trafic ainsi que mon unité de lutte antidrogue et forcer ces gens à revêtir l'uniforme de nouveau afin qu'on puisse assurer un niveau adéquat de maintien de l'ordre.
Le sénateur Atkins : Juste une dernière question : si on vous consentait des fonds supplémentaires, quelle serait votre priorité? S'agirait-il des ressources humaines, de l'équipement ou d'autres choses
M. Smith : En notre qualité d'organisme policier, nous devons composer avec une foule de contraintes, vous l'imaginez bien. En ce qui concerne les ressources fédérales, je mettrais probablement l'accent sur le renseignement et sur nos lacunes à ce chapitre, car il est très difficile de prendre des décisions en l'absence de renseignements solides. Les ressources dont nous disposons travaillent très dur en ce sens. Je crois qu'on a établi des équipes intégrées de la police des frontières partout au pays, et nous serions très heureux de voir de tels postes créés ici, si possible. Nous savons que nos relations avec Saint-Pierre-et-Miquelon sont également très bonnes — on le mentionne dans le document que je vous ai fourni — c'est tout de même un autre point faible. Je suis certain que ce n'est pas une grande préoccupation pour certains des autres partenaires de partout au pays, mais cela en est une pour nous. Nous devons vraiment nous asseoir et y réfléchir longuement, mais je dirais que le renseignement serait la priorité en ce qui concerne le côté fédéral de nos activités.
M. Deering : L'argent, je suppose, car cela me permettrait d'engager les gens dont j'ai besoin et de leur fournir l'équipement dont ils ont besoin. Toutefois, l'objectif de ces ressources supplémentaires devrait nous permettre d'assurer une présence valable, au chapitre tant de la visibilité que du renseignement, aux ports de St. John's et de Long Pond, ainsi qu'à l'aéroport de St. John's.
Le sénateur Banks : Je veux seulement m'assurer d'avoir bien compris, car je ne suis pas de Terre-Neuve. Ensemble, le RNC et la GRC assurent le service municipal de maintien de l'ordre partout à Terre-Neuve, c'est ça? Il n'y a pas de service de police de la Ville de St. John's? Qui est propriétaire du port de St. John's?
M. Deering : Je ne suis pas vraiment certain. L'administration portuaire de St. John's a, je crois, un lien évident avec la Ville de St. John's. Je crois également qu'il y a un lien avec la province, en ce qui concerne la gestion, mais je ne suis pas apte à articuler cela clairement. Je ne serais vraiment pas en mesure de faire cela.
Le sénateur Banks : Saviez-vous que — si je me souviens bien — les ports au Canada, en général, appartenaient à la Société canadienne des ports et étaient exploités par elle, de la même façon que tous les aéroports étaient exploités par le ministère des Transports? Ce transfert à des organismes communautaires du pouvoir opérationnel et de la capacité de location ou de propriété, dans certains cas, était non pas imposé à ces collectivités, mais plutôt quelque chose que ces collectivités semblaient souhaiter ardemment. Je décris quelque chose que je crois applicable au reste du pays, et je me demande si c'est le cas ici. Autrement dit : est-ce que la Ville de St. John's, de concert avec la province, était heureuse de prendre le port en charge et d'établir l'administration portuaire de St. John's?
M. Smith : Encore une fois, c'est ce que je croyais comprendre aussi. Je sais que l'administration portuaire de St. John's assure une présence, je crois, à Corner Brook. C'est le même mécanisme là-bas, et je crois que, tout récemment, l'administration portuaire de Port Harmon a pris en charge le port de Stephenville. J'ignore si les autres ports de la province relèvent d'une administration portuaire privée ou non, mais je crois que c'est le cas pour les trois que j'ai nommés. Je crois également que les groupes ont été invités à prendre les ports en charge, de la même façon qu'ils auraient pris en charge les aéroports de partout au pays.
Le sénateur Banks : Et ils étaient heureux de le faire?
M. Smith : Je le crois bien, oui.
Le sénateur Banks : La question difficile que je veux vous poser, et que j'ai posée ailleurs au pays auparavant, est la suivante : quand Transports Canada et Ports Canada assuraient le maintien de l'ordre dans ces installations, qu'ils possédaient et exploitaient, et qu'ils ont cédé la propriété et l'exploitation, ou, du moins, le titre de propriété, aux autorités locales, je crois qu'on avait également convenu de la cession des responsabilités en matière de sécurité pour ces installations aux autorités locales. Bref, j'ai l'impression que les autorités locales se sont dit : « Nous voulons le glaçage, mais vous continuerez de payer le gâteau. » On demande au gouvernement fédéral de faire sa part et de payer pour la sécurité de ces installations. Est-ce que cela vous semble acceptable?
M. Deering : Je ne tiens pas à débattre de la légitimité de cela, mais je peux vous dire que, de mon point de vue, j'aimerais qu'on détermine clairement qui est responsable, car il serait plus facile pour moi de tenter d'obtenir des ressources supplémentaires. Il me semble que le lien, en ce qui concerne le gouvernement fédéral, tient au fait que la sécurité nationale concerne les endroits où notre pays est le plus vulnérable. Il est clair que nos ports maritimes et nos aéroports internationaux sont de tels endroits.
Pour revenir à ce qui s'est produit, et cela s'est produit ici en 1997, avant mon arrivée, je crois comprendre que le 30 novembre à minuit, la responsabilité à l'égard du maintien de l'ordre au port de St. John's passait de la Police de Ports Canada à la Royal Newfoundland Constabulary. Je le répète : la relation entre la RNC et la Ville de St. John's est très nébuleuse, car nous assurons le maintien de l'ordre à St. John's, en vertu d'une entente conclue par la Ville avec la province de Terre-Neuve-et-Labrador, alors ce n'est pas vraiment clair, monsieur le sénateur.
Le sénateur Banks : Il s'agit, bien sûr, de responsabilités partagées. Je ne veux pas dire que le gouvernement du Canada n'a pas eu une responsabilité claire en ce qui concerne la criminalité, en particulier les infractions aux lois fédérales et aux infractions du genre, mais cela ne tient pas uniquement à lui, selon moi.
Chef, vous avez parlé de drogues.
Le président : Sénateur Banks, avant de passer à un autre sujet, pourrions-nous seulement mettre un terme à celui-ci?
Le sénateur Banks : Certainement.
Le président : Si la responsabilité appartient aux autorités portuaires de St. John's, elles sont responsables d'assurer le maintien de l'ordre. Si elles souhaitent bénéficier d'une présence policière, elles devraient passer un marché avec vous. Si elles ne le font pas, c'est qu'elles choisissent de réaliser des économies et de se passer de services de sécurité. La raison pour laquelle elles ont pris en charge le port, je présume — c'est, du moins, le cas dans toutes les autres collectivités —, c'est qu'elles veulent contrôler leur propre développement, et elles croyaient y voir un avantage pour leur collectivité. Vos relations, si vous en avez, devraient être avec l'administration portuaire, et ce n'est manifestement pas le cas. C'est ce qui laisse notre Comité perplexe. En réalité, cela ne nous laisse pas perplexe, car c'est une tendance qui sévit à l'échelle du pays : nous cédons la responsabilité à l'égard des ports, et les autorités locales ont choisi de se passer de la sécurité. C'est partout. Voilà pourquoi je vous ai dit, plus tôt, que je croyais que c'était un désastre. Nous sommes désolés d'apprendre que c'est également un désastre ici. Ce que vous semblez nous dire, c'est que ce n'est pas une nouveauté. Essentiellement, les membres du Comité secouent la tête et se disent : « Oh mon Dieu, une autre ville qui s'ajoute à la liste. » Nous ressentons aussi de la frustration lorsque nous vous entendons dire que vous êtes également aux prises avec ce problème.
Je suis désolé, sénateur Banks, et je m'excuse si mon intervention ressemble davantage à un éclat qu'à une question.
Le Comité a déclaré officiellement que la GRC devrait être responsable du maintien de l'ordre dans les ports et les aéroports de partout au Canada. Nous aimerions que cette responsabilité soit confiée partout à une seule entité, parce que nous voyons de la confusion. Franchement, cette responsabilité doit s'assortir des ressources nécessaires, et cela supposerait peut-être que l'on reprenne des responsabilités qui avaient été cédées dans le passé.
De toute façon, je suis désolé. Ce n'est pas de cette façon qu'une audience doit se dérouler. Vous êtes censé nous fournir de l'information, et je ne suis pas censé m'emporter de cette façon, et je m'en excuse.
Le sénateur Banks : Vous avez tout à fait raison, monsieur le président. S'il faut que le maintien de l'ordre dans les ports et les aéroports soit largement assuré au moyen de fonds fédéraux, et je crois que c'est le cas, en raison de l'interopérabilité et de la nature de l'information — comme l'échange d'information entre les aéroports de Vancouver et de St. John's, chose qui devrait avoir lieu — c'est plus facile si un seul organisme s'en charge. Toutefois, on ne peut raisonnablement s'attendre à ce que cela se produise si les installations et toutes les responsabilités connexes appartiennent à une autre entité. Tout le monde doit faire sa part. Je suis d'accord avec le président lorsqu'il dit que, bien souvent, les autorités portuaires et aéroportuaires ne le font pas.
Chef, vous avez mentionné la marijuana à plusieurs reprises, ainsi que d'autres problèmes de toxicomanie, notamment à l'égard des médicaments fabriqués. Est-ce que la marijuana constitue le gros du problème? Est-ce la plus grosse partie du problème? Vous avez parlé d'amphétamines, de barbituriques et d'autres choses du genre, mais qu'en est-il des autres stupéfiants ayant des effets plus graves, comme l'héroïne? Est-ce qu'ils font leur chemin jusqu'ici, ou est-ce que la majeure partie de votre problème est liée à la marijuana?
M. Deering : Non, mais la marijuana est un problème. Elle semble culturellement acceptée, et elle jouit d'une grande popularité ici. Notre plus gros problème, à l'heure actuelle, concerne les médicaments délivrés sous ordonnance, comme l'OxyContin, des drogues qu'on peut obtenir légalement. Par contre, on remarque également une présence plutôt marquée de la cocaïne. Nous ne voyons pas beaucoup d'héroïne ici, mais il y a de la cocaïne. J'oublie le nom de cette substance qu'ils consomment avec beaucoup d'eau, et qui les fait danser toute la nuit.
M. Smith : L'ecstasy.
M. Deering : La consommation d'ecstasy et de ce genre de choses est plutôt courante ici.
Je me sens obligé de dire quelque chose maintenant, et je tâcherai d'être bref. En réponse aux commentaires du sénateur Kenny, j'espère que le Comité ne recommandera pas des mesures qui, selon moi, mèneraient à un cloisonnement, qui viseraient à confier le maintien de l'ordre à un organisme fédéral qui serait indépendant du service de police local. La réalité actuelle, c'est que dans une collectivité comme la nôtre, les criminels qui sont actifs dans les ports le sont également dans la collectivité, de sorte que, si vous recommandez quelque chose, il faut que cela découle d'une perspective intégrée. Je serais très déçu de voir le Comité recommander que la GRC ou un autre organisme assume l'entière responsabilité à l'égard du maintien de l'ordre partout au pays. Nous devons travailler ensemble. Nos activités doivent être intégrées, car on ne peut créer des cloisons qui isolent le milieu de la Ville de St. John's et qui empêchent toute interaction, car ce sont les mêmes personnes qui commettent les mêmes crimes dans notre collectivité. Je crois que cela irait à l'encontre du but recherché. Je crois que nous devons envisager la question du point de vue de l'intégration.
Le président : Chef, je vous encourage à lire nos rapports. Il est clair, à vous entendre, que vous ne les avez pas lus. Nous serons heureux d'entendre vos commentaires lorsque vous aurez pris connaissance des rapports. Quand les sénateurs Banks et Forrestall auront terminé, j'aurai d'autres questions à vous poser.
Le sénateur Banks : Oui, c'est une bonne idée, chef, de prendre connaissance de ce que nous avons dit. Il y a un vide à cet égard, et tout ce que nous disons, c'est qu'il faut le combler, et, je regrette, mais personne d'autre ne le fait. C'est aussi simple que cela.
Le sénateur Forrestall : Je m'en remets au président, si je puis me le permettre. Mes préoccupations vont dans le même sens que celles du président; plus précisément, elles portent sur le partage du renseignement en l'absence d'un organisme coordonné et intégré; dans ce domaine, tout est possible, et n'importe quoi serait mieux que ce que nous avons maintenant. Je ne veux pas minimiser le travail formidable qu'effectue le service de police de Halifax ou les autres services de police du pays. Là où le bât blesse, c'est qu'ils ne sont pas reliés. On n'a pas établi de bons liens de partage du renseignement entre les services de police locaux et les services de police communautaires. La Royal Newfoundland Constabulary est assez différente et unique en soi, mais le reste du Canada, dans toute sa diversité, l'est aussi. Les systèmes ne sont tout simplement pas compatibles pour un inspecteur qui doit consulter, recueillir et analyser des renseignements, et s'en servir pour prendre les mesures qui s'imposent.
Par conséquent, je m'en remets à vous, monsieur le président, car c'est une question très importante pour nous, sans compter qu'il s'agit de notre résident. Il sera peut-être un jour caporal, même si ce n'est pas encore fait.
Le président : Je connais le système, et je sais que ce sont les caporaux qui dirigent.
Le sénateur Forrestall : Et c'est pour cela qu'on vous a fait caporal.
Le président : J'aimerais vous poser une question, qui s'adresse à vous deux. Auriez-vous l'obligeance de décrire, à l'intention du Comité, ce qui représente pour vous un modèle idéal de services de police pour le port ici et les autres grands ports de la province?
M. Smith : Je conviens qu'il importe d'établir une approche uniforme dans tout le pays. À mon avis, c'est une très bonne initiative. Je partage l'opinion de M. Deering au sujet de l'intégration. Comme vous le savez, à titre de service de police national, nous avons pour principale priorité d'intégrer les services de police. Cela dit, j'estime que nous devrions demander à un groupe bien précis de diriger cette approche. Qu'il s'agisse de la GRC ou non, cela importe peu puisque c'est à quelqu'un d'autre que revient probablement cette décision, mais nous aimerions collaborer avec tous les autres : la RNC et d'autres intervenants clés comme l'ASFC et Citoyenneté et Immigration Canada, bref, tous les gens qui doivent être là. Je propose cela pour les grands ports de la province, évidemment. On pourrait probablement surveiller les petits ports grâce à des unités satellites ou autrement, si on préfère. Je crois que le temps est révolu où l'on travaillait de façon « cloisonnée », si vous me permettez l'expression, ou, si vous préférez, selon une « approche verticale » de maintien de l'ordre. Nous devons adopter une approche horizontale si nous voulons résoudre le problème en travaillant ensemble.
Le président : Merci. Chef Deering.
M. Deering : Messieurs, je suis d'accord en principe avec le projet de loi. Prenons tous les organismes qui doivent assurer la sécurité des ports à St. John's ou à Terre-Neuve : il me semble qu'ils sont pas mal tous équivalents dans l'ensemble du pays, sauf le service de police régional. À Halifax, il s'agit du service de police régional de Halifax, et à Montréal, du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal. J'estime qu'il importe d'adopter une approche intégrée. À mon avis, toutes les parties qui ont des responsabilités ou des intérêts dans le domaine de la sécurité aux ports et aux aéroports devraient participer à l'élaboration de ce modèle. Qui dirigera le tout? Ça n'a pas vraiment d'importance, mais je conviens que nous devons harmoniser notre façon de faire avec celle de Vancouver, de Montréal, de Toronto et des autres villes touchées. Sans la participation des organismes partenaires, notamment les services de police locaux, il me semble que nous ne ferions que régresser.
Le président : Aucun de vous n'a présenté de commentaires au sujet des procédures spécialisées qu'on a mises en place aux aéroports et aux ports relativement aux différences culturelles et linguistiques. Vous n'avez, ni l'un ni l'autre, présenté de commentaires concernant la proposition d'avoir des gens compétents et spécialisés dans ce domaine. Êtes- vous d'accord avec la proposition selon laquelle, pour assurer le maintien de l'ordre dans un port, on doit avoir sur place des employés à temps plein qui comprennent la culture ou la langue du port ainsi que les activités qu'on y mène, ou bien estimez-vous que le maintien de l'ordre dans les ports doit se faire de la même façon que dans le reste de la ville?
M. Deering : Pour assurer le maintien de l'ordre dans les ports de façon efficace et efficiente, je crois que, comme les ports sont tout à fait uniques, tout comme les criminels et les crimes qui s'y commettent, on devrait avoir des gens qui se consacrent uniquement à la surveillance policière des ports. Parmi les questions importantes dont il faut tenir compte, mentionnons la culture et la langue; ces questions doivent entrer en ligne de compte. Je ne crois pas que ce serait une bonne idée que de demander à l'un de mes agents de police, par exemple celui qui présente aujourd'hui un exposé dans une école, de se rendre à un port pour résoudre un problème grave. À mon avis, il nous faut des gens qui se consacrent uniquement au maintien de l'ordre dans les ports et les aéroports.
M. Smith : Je suis d'accord avec cet énoncé. Je crois que, parfois, lorsqu'on parle de port, nous avons tendance à penser qu'il s'agit seulement de ports maritimes, mais lorsqu'on aborde toute la question de l'intégrité des frontières, il importe de noter que les aéroports posent tout autant problème que les ports; je recommanderais donc qu'on adopte la même approche dans les deux cas.
Le président : Messieurs, je crois bien que nous sommes pour ainsi dire sur la même longueur d'onde. Le Comité s'est informé de la situation du port de Rotterdam, et certains d'entre nous l'ont même visité; nous avons été tout simplement fascinés par ce qui se passe là-bas, où plus de 280 agents de police sont affectés exclusivement à la surveillance du port. Ce dernier compte également des garde-côtes qui sont responsables uniquement des affaires touchant les eaux territoriales. Ils sont supposés répondre aux appels, mais ce n'est pas ce qu'ils font en général. Ils se sont rendu compte que ces appels ne viennent pas toujours en temps opportun; alors, ils préfèrent déployer leurs propres programmes et activités de sensibilisation, ce qui leur permet de mettre l'accent sur diverses questions. Ils ont fait remarquer au Comité qu'ils ont bien d'autres choses à régler lorsqu'ils se concentrent sur ce qu'ils considèrent comme étant leur priorité du mois, du trimestre ou de l'année. Est-ce que tout cela vous semble logique?
M. Smith : Tout à fait. J'estime toujours que, même s'ils sont affectés à ces ports, ils doivent aussi envisager la surveillance policière de façon globale. Pour ce faire, il faut aussi des sections intégrées du renseignement, qui leur offre une vue d'ensemble de la situation. Comme vous le dites, même si on doit affecter exclusivement des ressources là-bas, ils doivent être au courant des autres situations plus graves qui se passent peut-être à l'extérieur du port, mais qui le touchent quand même.
M. Deering : Je suis d'accord. On ne peut pas considérer que les activités criminelles qui se déroulent dans le port sont d'une classe à part, ni qu'elles n'ont aucune répercussion sur le reste de la ville de St. John's. En fait, tout est fluide. Comme je le disais, les éléments criminels et les membres du crime organisé qui sont actifs à St. John's le sont aussi bien dans les ports que dans les bars du centre-ville, bref n'importe où ils peuvent faire des profits. On doit établir des liens, mais je crois aussi qu'on doit mettre sur pied un groupe axé principalement sur les ports, qui n'en communiquerait pas moins périodiquement avec les autorités policières du reste de la ville et de la province.
Le sénateur Banks : Puis-je poser une autre question à ce sujet?
Le président : Allez-y sénateur.
Le sénateur Banks : Nous avions abordé la question de savoir qui devrait diriger tout cela. Vous avez des liens étroits avec l'Association canadienne des chefs de police, l'ACCP. Savez-vous, par exemple, si le service de police régional de Halifax, qui est responsable du port de Halifax, communique bien quotidiennement avec le service de police de la Ville de Montréal ou avec celui de la Ville de Vancouver, dont les responsabilités sont semblables?
M. Deering : Je crois que c'est ce qui se passerait, au besoin, au cours d'enquêtes spéciales.
Le sénateur Banks : De quelle façon?
M. Deering : Je crois que les enquêteurs consulteraient leurs homologues à Montréal si leur enquête les menait jusque-là. De façon générale, nous sommes tous reliés, dans le cadre de nos fonctions de collecte, d'analyse et de diffusion des renseignements, aux bureaux provinciaux du Service canadien de renseignements criminels. Nous avons accès à la même base de données, qui nous permet à tous d'obtenir les renseignements criminels voulus. Nous avons ici un bureau provincial, qui collabore avec d'autres chefs des bureaux provinciaux pour la collecte et le partage des renseignements par l'entremise de l'ACCP. Nous avons établi diverses initiatives pour nous assurer que nous sommes aussi intégrés que les criminels que nous voulons arrêter et que nous échangeons de l'information aussi bien qu'eux, et nous y arrivons. Ce serait difficile de prendre un manuel de politiques pour vous le montrer, mais je peux vous dire que notre service communique tous les jours avec les services de police du monde entier au sujet de différentes enquêtes.
Le sénateur Banks : Merci.
Le président : Pouvez-vous identifier des groupes de criminels organisés qui sont actifs du côté piste de l'aéroport, ou avez-vous des renseignements à ce sujet?
M. Deering : Du côté piste?
Le président : Dans l'aire des rampes de chargement et de déchargement des avions, c'est-à-dire du côté piste, par opposition au point de fouille de l'ACSTA.
M. Deering : Je ne peux vous répondre à ce sujet-là, spécifiquement, mais je peux vous dire que, de façon générale, des groupes de criminels organisés sont actifs dans la ville et la province. Quant à savoir s'ils ont infiltré l'aéroport, je ne saurais vous le dire.
Le président : Et le port?
M. Deering : Là encore, c'est la même chose. Nous savons que des crimes commis aux ports sont reliés au crime organisé et à la contrebande. Nous savons que les Hells Angels sont présents dans notre communauté, nous savons que le crime organisé de l'Europe de l'Est est présent dans notre communauté. Nous savons que les groupes traditionnels de criminels organisés sont présents dans notre communauté. Ce serait tout simplement inutile d'essayer de déterminer la portée et la nature des cas dans ce contexte, sans compter que nous aurions beaucoup de difficulté à le faire à l'heure actuelle. Comme je l'ai déjà dit, nous cherchons constamment à obtenir des renseignements pour arriver à cerner ces cas, puis à faire enquête.
Le président : Monsieur le surintendant principal?
M. Smith : Ma réponse est à peu près la même, monsieur le sénateur. Nous ne disposons d'aucun renseignement qui puisse nous permettre d'établir qu'il existe un groupe de criminels organisés du côté piste à l'aéroport de St. Johns, ni même dans un autre aéroport de la province ou dans les ports. Cela ne signifie nullement qu'il n'y en a pas. Ce genre de chose peut très bien arriver sans qu'on en soit encore informé. Comme le chef l'a déjà souligné, la plupart des drogues et d'autres produits illégaux passent par nos ports et nos aéroports; donc, ce n'est pas impossible. Nous en sommes bien conscients, c'est pourquoi nous sommes toujours à l'affût de preuves à cet égard.
Le président : Je peux vous dire officiellement que mes collègues et d'autres villes ont pu identifier des familles spécifiques pour nous et ont même pu préciser quels groupes sont actifs du côté piste des aéroports et lesquels sont dans les ports. Si vous n'avez pas eu affaire à ce genre de groupes,estimez-vous que c'est parce que l'incidence est plus faible ici?
M. Smith : Pas nécessairement. Nous n'avons peut-être pas réussi à obtenir des renseignements suffisamment crédibles ou des renseignements qui vont en ce sens, mais nous nous efforçons constamment d'y arriver.
Le sénateur Forrestall : La GRC a-t-elle des agents à l'aéroport?
M. Smith : Non, pas sur place. Nous y allons assez souvent pour régler diverses questions, procéder à des enquêtes et recueillir des renseignements, mais nous ne sommes pas sur place en permanence.
Le président : Pourtant, il y a des vols internationaux à l'aéroport, n'est-ce pas?
M. Deering : C'est exact.
Le président : Qui règle les questions de ressort fédéral? Est-ce vous?
M. Smith : Si on nous appelle, nous y allons. Par ailleurs, ce sont nos homologues de la RNC qui s'occupent des aspects quotidiens des enquêtes et autres activités du genre. Si le tout comporte un aspect fédéral, nous sommes toujours prêts à venir sur place pour offrir notre aide.
Le président : Est-ce que l'un de vous deux est chargé du maintien de l'ordre à Hibernia?
M. Deering : Non, je ne le suis pas.
M. Smith : Dans la mesure où nous travaillons avec eux. Nous avons demandé à certains de nos membres de prendre un cours de base — je ne me rappelle plus le titre de ce cours, mais je peux au moins vous dire que, lorsqu'on prend un hélicoptère, on doit recevoir une formation suffisante pour s'en sortir au cas où l'hélicoptère tombe à la mer. Nous avons organisé des exercices conjoints avec Hibernia et ses responsables de la sécurité.
Le président : Et avec l'armée?
M. Smith : Avec l'armée et Hibernia en même temps? Je ne crois pas. À moins qu'il y ait certaines ententes dont je ne suis pas au courant, il me semble que c'est la GRC, Hibernia et les cadres supérieurs qui participent aussi à ces activités.
Le président : La responsabilité principale de la sécurité sur la plate-forme incombe-t-elle aux entreprises pétrolières?
M. Smith : Oui.
Le président : Merci à vous deux, messieurs, d'avoir accepté de vous présenter devant notre comité. Nous avons trouvé vos renseignements très utiles. Je crois que nous devrons nous réunir de nouveau et discuter plus longuement avec vous. Nous apprécions que vous ayez porté ces questions à notre attention. Soyez assurés que notre Comité continuera de les étudier. Nous estimons qu'il s'agit d'un problème national assez important. Le greffier veillera à ce que vous obteniez un exemplaire des rapports que nous rédigerons à ce sujet. Nous vous serions reconnaissants de nous faire connaître votre opinion une fois que vous les aurez lus; si vous vous êtes dit : « C'est bien beau tout ça, mais nous ne pourrons jamais appliquer cela ici », ou bien : « Vous n'avez pas tenu compte de certains autres facteurs », nous aimerions le savoir. C'est ce genre de commentaires que nous souhaiterions obtenir de votre part. De notre côté, nous veillerons à ce que vous receviez une copie des rapports qui porteront sur ces questions, et nous espérons que, de votre côté, vous nous ferez part de vos commentaires au sujet de ces rapports.
Merci beaucoup d'être venus aujourd'hui. Vous avez été d'une aide précieuse pour le Comité et l'avancement de ses travaux.
La séance est levée.