Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 12 - Témoignages du 15 février 2005
OTTAWA, le mardi 15 février 2005
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, à qui a été renvoyé le projet de loi C-6, Loi constituant le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile et modifiant et abrogeant certaines lois, se réunit aujourd'hui à 15 h 15 pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Nous allons entendre aujourd'hui des témoignages dans le cadre de l'examen du projet de loi C-6, Loi constituant le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile et modifiant et abrogeant certaines lois.
Je voudrais d'abord présenter les membres du comité. À ma droite se trouve l'éminent sénateur Michael Forrestall, de la Nouvelle-Écosse, qui est au service de la population de Dartmouth depuis 37 ans, d'abord à titre de député à la Chambre des communes, puis comme sénateur. Pendant qu'il se trouvait à la Chambre des communes, il a été critique de l'opposition officielle de 1966 à 1976. Il est également membre de notre Sous-comité des anciens combattants.
À sa droite se trouve le sénateur Michael Meighen, qui est avocat de profession. Il est chancelier de l'Université de King's College et ancien président du Festival de Stratford. Il a un doctorat honoris causa en droit civil de l'Université Mount Allison et un autre de l'Université du Nouveau-Brunswick. Il est actuellement président de notre Sous-comité des anciens combattants et membre du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.
À côté de lui se trouve le sénateur Norm Atkins, de l'Ontario. Il est arrivé au Sénat après une carrière de 27 ans dans le domaine des communications. Il était conseiller principal de l'ancien chef du parti conservateur fédéral Robert Stanfield, de l'ancien premier ministre William Davis de l'Ontario et de l'ancien premier ministre Brian Mulroney. Il est également membre de notre Sous-comité des anciens combattants.
À sa droite, il y a le sénateur Terry Mercer, qui a été directeur national du Parti libéral du Canada, après avoir rempli différentes fonctions dans plusieurs organismes de bienfaisance, comme l'Association canadienne du diabète, le YMCA, l'Association pulmonaire de la Nouvelle-Écosse, l'Ambulance Saint-Jean et la Fondation canadienne du rein. M. Mercer s'occupe également de l'Association of Fundraising Professionals. Il est membre du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts et du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
Au bout de la table se trouve le sénateur Anne Cools, de l'Ontario. Sa nomination au Sénat a couronné une longue carrière d'organisation communautaire et de services sociaux dans le domaine de la violence familiale et des conflits familiaux. Mme Cools a fait preuve d'innovation et de leadership dans la création de services sociaux pour aider les femmes battues, les familles en crise et les familles perturbées par la violence domestique. Elle est actuellement membre du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
À ma gauche se trouve le sénateur Tommy Banks de l'Alberta, qui dirige les travaux du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, qui a récemment publié un rapport intitulé Le défi d'une tonne. Il est bien connu des Canadiens comme musicien et artiste de la scène. Il a assumé la direction musicale des cérémonies des Jeux olympiques de 1988. Il est officier de l'Ordre du Canada et a reçu un prix Juno.
À côté de lui, il y a le sénateur Jim Munson de l'Ontario, autrefois journaliste écouté et directeur des communications de l'ancien premier ministre Jean Chrétien. Il est arrivé au Sénat en 2003. Le sénateur Munson a été mis en nomination à deux reprises pour un prix Gémeau d'excellence en journalisme.
À côté de lui se trouve le sénateur Joseph Day du Nouveau-Brunswick, qui est vice-président du Comité sénatorial permanent des finances nationales et de notre Sous-comité des anciens combattants. Le sénateur Day est membre du Barreau au Nouveau-Brunswick, en Ontario et au Québec et membre de l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada. Il a déjà occupé les fonctions de président-directeur général de la New Brunswick Forest Products Association.
Notre comité est le premier comité sénatorial permanent dont le mandat est d'examiner les questions de sécurité et de défense. Le Sénat lui ayant demandé d'examiner la nécessité d'une politique de sécurité nationale, le comité a entrepris son étude en 2002 en publiant trois rapports : L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense, en février, La défense de l'Amérique du Nord : Une responsabilité canadienne, en septembre, et Mise à jour sur la crise financière des Forces canadiennes : Une vue de bas en haut, en novembre.
En 2003, le comité a publié deux rapports : Le mythe de la sécurité dans les aéroports canadiens, en janvier, et Les côtes du Canada : Les plus longues frontières mal défendues au monde, en octobre.
En 2004, nous avons publié deux autres rapports : Les urgences nationales : Le Canada, fragile en première ligne, en mars, et récemment Le manuel de sécurité du Canada, édition 2005.
Le comité examine maintenant le projet de loi C-6, Loi constituant le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile et modifiant et abrogeant certaines lois. À part le fait qu'il crée ce nouveau ministère, le projet de loi définit les pouvoirs et attributions du ministre et prévoit la nomination d'un sous-ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.
Dans son rapport d'octobre 2003 intitulé Les côtes du Canada : Les plus longues frontières mal défendues au monde, le comité avait recommandé de créer, sous la direction du vice-premier ministre, un ministère chargé de la surveillance de nos frontières et de nos côtes, ainsi que des questions de sécurité nationale, des catastrophes naturelles et autres.
Nous sommes donc heureux d'examiner ce projet de loi.
Nous accueillons aujourd'hui Ann McLellan. Mme McLellan en est à son quatrième mandat comme députée d'Edmonton-Centre. Elle a été nommée vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile en décembre 2003. Sa nomination à ces deux postes a été reconduite en juillet 2004. À part ses fonctions ministérielles, Mme McLellan dirige deux comités du Cabinet, le Comité des opérations et le Comité de la sécurité, de la santé publique et de la protection civile. Elle est également membre du Comité des affaires autochtones. À titre de vice-première ministre, elle fait partie d'office de tous les autres comités du Cabinet.
Mme McLellan a déjà occupé les fonctions de ministre de la Santé, de ministre de la Justice, de procureure générale du Canada et de ministre des Ressources naturelles.
Elle est accompagnée de Margaret Bloodworth, sous-ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, Paul Kennedy, sous-solliciteur adjoint principal, Gestion des urgences et sécurité nationale, et Kimber Johnston, directrice générale, Politiques stratégiques et opérations.
Madame McLellan, je crois que vous avez un exposé à présenter.
L'honorable Anne McLellan, vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada : Permettez-moi tout d'abord de vous présenter mes excuses pour mon absence de la semaine dernière, mais, comme vous pouvez le constater, je ressens encore les effets de mon rhume. La semaine dernière, j'étais incapable de parler. D'ici deux heures, certains d'entre vous penseront peut-être que ce n'était pas une si mauvaise chose.
Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui, en compagnie des collaborateurs que vous venez de présenter.
Je voudrais commencer par remercier les membres du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense de cette invitation. C'est un plaisir pour moi d'être ici, non seulement pour répondre aux questions concernant le projet de loi C-6, mais aussi pour reconnaître vos importantes contributions à l'actuelle politique canadienne de sécurité et vous expliquer comment votre réflexion nous a aidé à façonner le projet de loi que vous examinez aujourd'hui.
Le Sénat — et particulièrement votre comité — a constamment eu un précieux apport au chapitre de la sécurité de la population. Le plus récent exemple est, bien sûr, le rapport que votre comité a publié en décembre et que j'ai trouvé constructif. Je voudrais donc vous remercier tous pour votre diligence.
En fait, comme le sénateur Kenny l'a mentionné, c'est votre comité qui a reconnu la nécessité d'intégrer les questions de sécurité dans un nouveau portefeuille. Honorables sénateurs, nous vivons de toute évidence dans un monde qui comporte d'innombrables menaces, de sources tant naturelles qu'humaines. Face à une grande incertitude, à une situation dans laquelle nous ne pouvons rien tenir pour acquis, nous devons être constamment sur nos gardes.
L'époque complexe et dangereuse que nous vivons exige une approche globale et intégrée de la sécurité de la population, une approche établissant un leadership national pour gérer les menaces aux multiples aspects auxquelles nous sommes confrontés, une approche qui reconnaît en outre la nécessité d'un travail conjoint entre disciplines, entre administrations et de part et d'autre des frontières pour atteindre nos objectifs communs.
[Français]
En déposant le projet de loi C-6, le gouvernement tend vers cet objectif et justifie le fondement juridique du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada.
Aujourd'hui, j'aimerais éclaircir certains articles clefs de ce projet de loi. Honorables sénateurs, l'un des thèmes qui revient le plus souvent dans les divers rapports produits par le comité est le besoin fondamental pour le gouvernement fédéral d'accéder à un leadership au chapitre de la sécurité. Je commencerai donc par vous parler de la façon dont le projet de loi C-6 donne au gouvernement les pouvoirs et les outils nécessaires pour y arriver.
[Traduction]
Dans toute crise ou urgence nationale, les gens doivent savoir qui est responsable. Le projet de loi C-6 définit clairement les pouvoirs et les responsabilités. L'ultime responsabilité de la sécurité nationale incombe au premier ministre. La responsabilité ministérielle des divers portefeuilles reste la même. Toutefois, lorsque des questions de sécurité relèvent du mandat de plusieurs ministères, il m'incombera de coordonner la réaction fédérale, ce qui comprend une collaboration efficace avec d'autres gouvernements et d'autres administrations.
Je sais que le comité s'est particulièrement intéressé aux responsabilités couvrant plus d'un champ de compétence. Le projet de loi fait beaucoup, je crois, pour apaiser les préoccupations que cette question a soulevées. Il autorise la coopération, non seulement avec les provinces et les territoires, mais aussi avec les États étrangers, les organisations internationales et d'autres, comme les principaux intervenants du secteur privé en matière de sécurité.
Les ministres responsables de la protection civile, aux niveaux fédéral, provincial et territorial, se sont réunis en janvier pour discuter des moyens de renforcer l'approche commune. C'était la première réunion de ce genre en plus de 11 ans. Les ministres ont convenu d'en faire une réunion annuelle régulière. Vous savez peut-être aussi que le gouvernement a publié l'automne dernier un exposé de position établissant les grandes lignes d'une stratégie destinée à protéger l'infrastructure critique du Canada. Au cours de l'année prochaine, nous tiendrons des réunions intersectorielles pour discuter des secteurs des banques, des télécommunications et de l'électricité, en vue de mettre en place dès cet automne une stratégie de protection de l'infrastructure critique.
Honorables sénateurs, je sais que le comité comprend bien ces questions. Dans votre rapport Les côtes du Canada : Les plus longues frontières mal défendues au monde, par exemple, vous avez invité le gouvernement à développer l'échange d'information entre les ministères, les organismes, les services de police et les militaires. En même temps, le rapport a conseillé au gouvernement de reconnaître les limites potentielles imposées par la Charte canadienne des droits et libertés. L'échange d'information constitue l'élément clé du projet de loi C-6. Le projet de loi améliore cet échange au sein de la communauté des responsables de la sécurité publique, mais il faudra continuer à respecter les lois sur la protection de la vie privée.
Le projet de loi C-6 ne confère au ministre, au ministère ou aux organismes du portefeuille aucun nouveau pouvoir de collecte, de divulgation ou d'échange de renseignements. Le seul but des dispositions sur l'échange d'information est de veiller à ce que tous les renseignements pertinents et autorisés relatifs à la sécurité publique soient partagés. Il faut dire, en toute franchise, qu'il est arrivé dans le passé que des renseignements critiques ne soient pas toujours transmis à la bonne personne au bon moment, pour des raisons attribuables à des considérations culturelles, à des technologies défaillantes ou à d'autres motifs sans rapport avec la loi.
Comme la vérificatrice générale l'a signalé le printemps dernier, le Canada doit faire mieux quand il s'agit d'échanger des renseignements urgents entre les organismes chargés de protéger notre sécurité. Le projet de loi vise à renforcer l'échange d'information sans empiéter sur le droit des Canadiens à la vie privée.
Je dois également mentionner que le gouvernement a lancé, le printemps dernier, le projet d'interopérabilité. Il s'agit d'une initiative de 18 mois visant à améliorer l'échange d'information entre les ministères et les organismes fédéraux autorisés. À l'heure actuelle, quelque 26 ministères et organismes font partie du groupe de base. Toutefois, les responsables du projet tiennent de vastes consultations avec les autres ordres de gouvernement, le secteur privé et nos alliés étrangers. Nous examinons les besoins d'information de l'ensemble de la communauté de la sécurité, y compris la justice pénale, les services exécution, la sécurité nationale, le renseignement, la santé publique et les services de première intervention.
Ce sont les principaux éléments du projet de loi. Je voudrais en outre répondre à plusieurs autres points qui ont été soulevés depuis que le projet de loi a été déposé. Premièrement, il est important de noter que les mécanismes de surveillance des différents organes devant faire partie du portefeuille de la sécurité publique resteront les mêmes. Il y aura notamment le Bureau de l'inspecteur général du SCRS, le Comité d'examen externe de la GRC, la Commission des plaintes du public contre la GRC et le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, le CSARS.
Deuxièmement, je voudrais signaler que le projet de loi dont vous êtes saisis ne change rien au libellé ou à l'application de la Loi sur la protection civile, qui traite de l'aide fédérale aux provinces et aux territoires en cas de catastrophes ou de situations d'urgence. Je peux vous informer néanmoins que la Loi fera bientôt l'objet d'un examen visant à la moderniser. En fait, à notre réunion fédérale-provinciale-territoriale d'il y a quelques semaines, cette question a été, comme vous pouvez bien l'imaginer, l'un des sujets de discussion les plus intéressants avec mes collègues des provinces et des territoires. Comme vous le savez, au-delà d'un certain seuil, nous fournissons 90 p. 100 des coûts et les provinces et territoires les 10 p. 100 restants pour les urgences couvertes.
C'est un sujet de première importance pour les provinces et territoires en ce qui concerne leur capacité d'affronter des catastrophes et des situations d'urgence imprévues, qu'elles soient d'origine naturelle ou humaine. L'examen de cette loi constituera une grande entreprise, qui sera aussi une grande occasion pour le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux de collaborer pour s'assurer que nous avons les bonnes mesures législatives, que nous couvrons les bons risques et que nous avons une formule adéquate pour financer les dépenses en ce début du XXIe siècle.
Les sénateurs de l'Ontario se souviendront en particulier des discussions fort animées que nous avons eues avec la province au sujet du SRAS, ou syndrome respiratoire aigu sévère. Il avait été établi que le SRAS n'était pas couvert par les Accords actuels d'aide financière en cas de catastrophe. Nous avons donc décidé de verser un montant à l'Ontario, de notre propre initiative.
Voilà donc le genre de nouvelles circonstances dont nous devons discuter pour décider d'une approche commune concernant le financement des coûts découlant de catastrophes ou de situations d'urgence imprévues.
Monsieur le président, permettez-moi d'expliquer pourquoi il nous a fallu près d'un an pour présenter ce projet de loi. Ce n'est là qu'une des nombreuses initiatives que notre gouvernement a prises pour renforcer la sécurité des Canadiens depuis que le premier ministre Martin a prêté serment le 12 décembre 2003. Dès le départ, le premier ministre a mis en évidence la priorité des questions de sécurité dans le programme du gouvernement, priorité qu'a confirmée le récent discours du Trône. Nous avons beaucoup travaillé pour mettre en œuvre ce programme. Je tiens à souligner que le projet de loi C-6 doit être considéré dans ce contexte plus vaste, plutôt que comme une mesure législative à part.
Nous avons beaucoup travaillé et beaucoup réalisé au cours de l'année dernière. Nous mettons en place un système intégré de sécurité nationale doté de multiples composantes, qui optimisera les capacités de gestion des crises et de protection civile du gouvernement. Ainsi, nous avons pris des mesures pour sauvegarder l'intérêt national, améliorer la sécurité et protéger nos citoyens. Ces mesures comprennent la création d'un important nouveau poste au Bureau du Conseil privé, celui de conseiller pour la sécurité nationale auprès du premier ministre. Le conseiller est chargé d'améliorer la coordination et l'intégration des efforts de sécurité parmi les ministères et organismes du gouvernement fédéral.
Le gouvernement a également établi un nouveau comité du Cabinet, que je dirige, le Comité de la sécurité, de la santé publique et de la protection civile, afin d'orienter les efforts de sécurité nationale du pays et de veiller à une meilleure coordination entre les ministères.
Nous avons en outre créé l'Agence des services frontaliers du Canada. Depuis son établissement en décembre dernier, l'agence a pris en charge toutes les responsabilités douanières à la frontière Canada-États-Unis ainsi qu'aux autres points d'entrée.
Le nouveau ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile fait partie d'une démarche plus vaste, plus stratégique et plus coordonnée de la protection des Canadiens et des intérêts nationaux. La nouvelle démarche est définie dans la nouvelle politique sur la sécurité nationale que j'ai déposée à la Chambre des communes en avril dernier.
Je voudrais en outre vous informer de quelques derniers détails. Vous savez que nous avons créé un nouveau Centre intégré d'évaluation des menaces chargé de renforcer les capacités canadiennes de collecte de renseignements. Le personnel du Centre est formé de personnes venant de toute la communauté de la sécurité et du renseignement ainsi que de mon ministère.
Je voudrais aussi faire le point sur la création de la Table ronde transculturelle sur la sécurité. Mardi dernier, le ministre de la Justice, le ministre d'État au Multiculturalisme et moi-même avons annoncé la nomination des 15 membres de la table ronde. Nous aurons avec eux des entretiens réguliers au sujet des tendances et des développements dans le domaine de la sécurité nationale. Ces rencontres permettront aussi des échanges d'information entre les différents groupes sur les incidences des politiques de sécurité nationale.
Comme vous le savez, nous avons établi en outre le Centre d'opérations du gouvernement pour assurer une coordination et un soutien stables, 24 heures sur 24, dans toute l'administration et à tous les intervenants importants en cas d'urgences nationales.
Je ne poursuivrai pas la lecture du reste de mon texte. Je vais plutôt conclure en disant que le projet de loi C-6 — que les travaux de votre comité avaient annoncé depuis un certain temps déjà — constitue un important pas pour le gouvernement et le pays en vue d'assurer la sécurité collective des Canadiens. De toute évidence, de nombreuses initiatives sont actuellement en cours. Votre comité en sait probablement davantage sur beaucoup de ces initiatives que bien d'autres au gouvernement et dans le pays.
Le président : Vous serait-il possible de nous laisser une copie de votre texte pour que nous puissions l'inclure dans notre compte rendu?
Mme McLellan : Oui, vous pouvez avoir tout le texte.
Le sénateur Munson : Bon après-midi, madame la ministre. Pour mettre les choses en contexte, je précise, comme vous l'avez dit, que le paragraphe 4(1) du projet de loi vous confère toutes les attributions liées à la sécurité publique et à la protection civile qui ne sont pas attribuées de droit à d'autres ministères et organismes fédéraux.
Le comité de l'autre endroit a adopté un amendement à l'article 5 énumérant, de façon non exhaustive, les organismes dont vous êtes responsable. Je crois savoir que les députés du gouvernement n'ont pas appuyé cet amendement. Comme on dit par ici, nonobstant cela, ne serait-il pas avantageux d'énumérer aussi les organismes de surveillance et d'examen qui font partie du portefeuille de la sécurité publique?
Mme McLellan : Je suppose que nous pourrions le faire. Nous n'avons pas appuyé cet amendement parce que le ministère pourrait, avec le temps, développer ses services ou en donner à contrat, selon les besoins. La liste actuelle des organismes est exacte aujourd'hui, comme vous l'avez noté à juste titre, mais elle ne comprend pas les mécanismes d'examen que j'ai mentionnés dans mon exposé.
J'aurais préféré avoir un article 5 plus dépouillé, sans les rubriques soulignées. Il n'y a rien de mal à énumérer les organismes de surveillance, mais j'aurais encore une fois la même préoccupation : si nous devions ne serait-ce que changer le nom de l'un de ces organismes, nous aurions l'obligation de modifier la loi. Je suppose que cela n'est pas très important, mais je crois qu'il est préférable de minimiser le nombre de fois où l'on est obligé d'apporter des modifications techniques.
Pour répondre à votre question, nous n'avons aucune objection de fond à votre suggestion, mais la sous-ministre aurait peut-être quelque chose à ajouter à cet égard.
Mme Margaret Bloodworth, sous-ministre, Sécurité publique et Protection civile Canada : Il faudrait examiner soigneusement le libellé parce que le ministre ne coordonne pas, par exemple, les activités du Comité d'examen externe de la GRC, qui est indépendant. La Commission nationale des libérations conditionnelles est là parce qu'elle a des liens étroits avec la politique de libération conditionnelle et de correction, mais il faudrait faire attention au libellé dans le cas d'autres organismes. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles ils n'ont pas été inclus dans la liste.
Le sénateur Forrestall : Je vous souhaite la bienvenue au comité, madame la ministre. J'ai l'impression que vous considérez ceci comme un organisme vivant, tout comme la loi elle-même.
Mme McLellan : Absolument.
Le sénateur Forrestall : Il y a deux questions que je voudrais aborder. Avez-vous l'intention de présenter un projet de loi fondé sur le travail que certains d'entre nous ont fait cet été?
Le président : Il serait peut-être bon, pour notre compte rendu, que vous précisiez vos paroles. Ceux qui nous écoutent ne savent probablement pas à quoi vous faites allusion.
Le sénateur Forrestall : Au cours de l'été dernier, la ministre a demandé à un certain nombre d'entre nous, c'est-à-dire essentiellement au comité, d'examiner le rôle de surveillance aux États-Unis, en Australie, en Grande-Bretagne et au Canada. Ces quatre pays sont probablement les plus étroitement liés pour ce qui est de la collecte, de l'analyse et de l'échange de renseignements, sur la base du besoin de surveillance publique, non seulement au Canada, mais partout dans le monde. Je veux parler de surveillance parlementaire par un comité composé de parlementaires ou qui en compte parmi ses membres, mais pas nécessairement un comité du Parlement. Quoi qu'il en soit, il s'agirait d'un comité qui examinerait toutes les questions de sensibilisation du public, de besoin de savoir, et cetera.
Mme McLellan : Sénateur, vous avez parfaitement raison de soulever cette question. En fait, j'ai effectivement l'intention de déposer un projet de loi visant la création d'un nouveau mécanisme parlementaire. Vous vous souviendrez que, le 12 décembre, le premier ministre m'a demandé de créer un tel comité permanent de parlementaires. Nous avons publié un document de consultation au printemps. Le comité spécial, dont vous et le sénateur Kenny étiez membres, a travaillé fort pendant tout l'été, jusqu'en septembre. Nous avons reçu son rapport au début de l'automne et l'avons examiné en détail. Le conseiller pour la sécurité nationale auprès du premier ministre en a discuté individuellement avec la quasi-totalité des membres du comité pour déterminer la meilleure façon d'aller de l'avant.
J'en ai discuté directement avec le premier ministre, tout comme le conseiller pour la sécurité nationale, et nous lui avons présenté quelques recommandations. Nous espérons, le premier ministre et moi, être en mesure d'aller de l'avant très bientôt.
Le sénateur Forrestall : Est-ce que « très bientôt » signifie ce printemps?
Mme McLellan : J'aimerais bien, oui.
Le président : Avez-vous l'intention de déposer le document en même temps, madame la ministre?
Mme McLellan : Oui. Nous n'avons pas encore décidé si ce sera exactement en même temps que le dépôt du projet de loi, mais nous avons bien l'intention de déposer et le rapport et le projet de loi. Idéalement, j'aimerais bien publier le rapport pour que le public puisse l'examiner le plus tôt possible.
Le sénateur Forrestall : D'après le paragraphe 4(2) : « À l'échelon national, le ministre assume un rôle de premier plan en matière de sécurité publique et de protection civile. » Pourriez-vous nous dire ce que cela signifie en pratique? En particulier, y a-t-il un changement d'approche à cet égard?
Mme McLellan : J'ai mentionné la réunion que nous avons tenue avec les ministres provinciaux et territoriaux responsables de la protection civile. Nous avons pris sur nous, après 11 ans d'absence de ce genre de réunions, d'inviter nos collègues provinciaux et territoriaux pour discuter de ce qui se passe sur le terrain. La protection civile est d'abord et avant tout la responsabilité des administrations locales. Les équipes de première intervention sont en général des groupes spécialisés des services de pompiers ou de police et sont donc composées d'employés des administrations locales. Nous avons voulu organiser une rencontre des ministres provinciaux et territoriaux responsables de la planification d'urgence et de la protection civile pour nous assurer que nous travaillons tous ensemble et sommes tous sur la même longueur d'onde, en train d'élaborer notre stratégie des infrastructures critiques. Je sais que cette question a beaucoup retenu l'attention du comité.
À notre dernière réunion, nous avons parlé des tsunamis sur les côtes du Pacifique et de l'Atlantique et de ce que nous avons besoin de faire à cet égard. Du côté du Pacifique, nous avons un système d'alerte auquel nous participons avec les États-Unis et d'autres pays du Pacifique. Nous n'en avons pas du côté de l'Atlantique. Nous avons appris que les États-Unis, par exemple, souhaitent étendre le système d'alerte à l'Atlantique. Nous voulons participer à cette initiative.
Voilà le genre de choses que nous voulons faire en matière de planification d'urgence. Nous voulons faire preuve de leadership et travailler avec nos collègues des provinces, des territoires et des municipalités. Nous ne prétendons pas que cela fait partie de notre champ de compétence. Selon la nature de la situation d'urgence, il y a des cas où l'intervention nationale est justifiée. Nous voulons nous assurer que nos préparatifs sont aussi coordonnés et concertés que possible.
Nous aurons également l'occasion de faire preuve de leadership dans le cadre du Programme conjoint de protection civile (PCPC), qui nous permettra de financer de la formation, des moyens de protection contre différentes matières dangereuses, de l'équipement pour les villes, et cetera. Avons-nous suffisamment d'argent? Il est évident que nous n'en avons jamais assez.
Depuis le 11 septembre, nous comprenons tous l'importance de moyens perfectionnés de recherche et de sauvetage dans les villes ainsi que de l'équipement et de la formation dans les grandes agglomérations urbaines. Nous pouvons en outre faire preuve de leadership dans les exercices de formation, qui sont extrêmement importants pour nous assurer que nos gens sont prêts à affronter n'importe quelle urgence.
Ce ne sont là que quelques exemples de la façon de montrer du leadership sans perdre de vue les questions de compétence. Je suis très impressionnée par le fait que les deux autres ordres de gouvernement se rendent bien compte de l'importance qu'il y a à établir un système de réponse parfaitement coordonné en matière de planification d'urgence et de protection civile.
Le sénateur Mercer : Bienvenue au comité, madame la ministre. Nous vous remercions d'être venue même si vous n'êtes pas complètement rétablie.
J'aimerais revenir sur un point que vous avez mentionné en parlant au sénateur Forrestall du conseiller auprès du premier ministre. Les choses sont un peu plus compliquées. Le Bureau du Conseil privé a un rôle central de coordination à jouer dans la production, par la communauté du renseignement, d'évaluations à l'intention du gouvernement. Ces responsabilités semblent, à bien des égards, se rapprocher des services que fournissent votre ministère et les organismes dont vous êtes responsable. Pouvez-vous expliquer au comité en quoi le rôle de votre ministère se distingue de celui du Bureau du Conseil privé? Voulez-vous aussi nous donner une idée des freins et contrepoids mis en place pour assurer l'authenticité des évaluations produites par les éléments analytiques du BCP?
Mme McLellan : Je vais laisser la sous-ministre répondre à cette question. Il ne faudrait pas perdre de vue, par exemple, que le conseiller pour la sécurité nationale est aussi mon sous-ministre. Il joue un rôle double. J'ai deux sous-ministres. Le conseiller est M. Rob Wright, qui est au BCP. C'est lui qui remplit ce rôle double, en collaborant avec mon autre sous-ministre, Mme Bloodworth, et avec nos principaux organismes de renseignement.
Par exemple, le SCRS est notre principal organisme de renseignement. Il recueille l'information, l'analyse et présente des rapports à moi-même bien entendu, ainsi qu'au premier ministre, au conseiller pour la sécurité nationale, à ma sous-ministre et à d'autres.
Plusieurs organismes et ministères recueillent de l'information d'un genre ou d'un autre : le SCRS, la Défense nationale, les Affaires étrangères, Citoyenneté et Immigration Canada et le ministère des Transports. Notre Centre intégré au SCRS permet de regrouper toutes les administrations pour faire la synthèse de l'information recueillie. Les données sont analysées puis échangées d'une façon qui influe réellement sur notre capacité d'identifier les personnes et les marchandises à risque élevé. Au BCP, le conseiller pour la sécurité nationale et son équipe jouent un rôle important en recevant le produit de notre Centre intégré d'évaluation des menaces et en veillant à ce que l'information, du moins aux fins du gouvernement du Canada, soit diffusée et fasse l'objet de mesures appropriées. Madame Bloodworth, avez-vous des observations à ajouter?
Mme Bloodworth : Le Bureau du Conseil privé a un service d'évaluation de l'information. Je reçois régulièrement les évaluations, de même que beaucoup d'autres sous-ministres. Ces évaluations se situent à un niveau stratégique assez vaste. Elles peuvent par exemple traiter du Moyen-Orient. Le Centre intégré d'évaluation des menaces, au SCRS, s'occupe en particulier des menaces pour le Canada. Il produit l'information, qui est ensuite distribuée aux ministères fédéraux et provinciaux ainsi qu'à certains destinataires du secteur privé, s'il y a lieu, par l'intermédiaire du Centre d'opérations du gouvernement du ministère. Les lignes de démarcation sont très claires : le Centre intégré d'évaluation des menaces ne s'occupe pas des mêmes activités que le centre d'évaluation du BCP.
Au sujet des organismes de renseignement, depuis 1990, lorsque j'étais au Bureau du Conseil privé comme coordonnatrice du renseignement, il y a des organismes de renseignement, et notamment de collecte, dont le SCRS est le principal, dans le secteur du renseignement humain. Il y a aussi le Centre de la sécurité des télécommunications, ou CST, qui relève du ministre de la Défense nationale. La Défense fait également de la collecte d'information. L'historique de la coordination centrale remonte à une vingtaine d'années. Le BCP ne s'en occupe pas parce que les organismes en cause ne relèvent pas de ce ministre. Ils relèvent, à juste titre, d'autres ministres. Cette responsabilité constitue un autre rôle clé du Bureau du Conseil privé. Nous faisons évidemment partie de tout cela et contribuons donc à ce rôle. En pratique, les lignes de démarcation sont clairement établies. Cela ne veut pas dire que nous n'avons pas à collaborer étroitement ensemble. Je travaille en étroite collaboration avec le conseiller pour la sécurité nationale, de même que mes collaborateurs avec les siens.
Le sénateur Mercer : Je remarque que vous avez omis la GRC dans votre réponse. L'article 5 du projet de loi charge le ministre de coordonner les activités des organismes dont il est responsable, c'est-à-dire le SCRS, mais aussi la GRC. J'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet.
Mme Bloodworth : Je voudrais expliquer l'absence de la GRC dans ma réponse. Je parlais de renseignement étranger. Or la GRC s'occupe essentiellement de renseignements criminels, dont une grande partie n'est pas diffusée, sauf à un niveau général. Même si la GRC fait partie de la même communauté, elle n'est pas dans le groupe des principaux organismes de collecte, comme le SCRS et le CST.
Le sénateur Mercer : Nous avons vu ce qui se passe ailleurs dans le monde lorsqu'un organisme ne parle pas aux autres et ne transmet pas son information. Le résultat, c'est que la sécurité est compromise. Ou bien un organisme croit qu'un autre fait un certain travail, alors que ce n'est pas le cas. Cela est-il possible dans le cadre des dispositions de ce projet de loi?
Mme McLellan : La GRC fait partie de notre Centre intégré d'évaluation des menaces.
Le sénateur Mercer : Dans quelle mesure des ressources du ministère sont-elles consacrées à ces fonctions de coordination? Avez-vous réaffecté des ressources internes? Le gouvernement vous a-t-il fourni les ressources dont vous avez besoin pour faire ce travail? Je ne tiens pas à dépenser de l'argent, mais je tiens beaucoup à ce que nous ayons la sécurité que ce projet de loi est conçu pour nous donner.
Mme McLellan : Mme Bloodworth voudra peut-être ajouter des détails à ma réponse. Depuis le 11 septembre, nous avons consacré plus de 8 milliards de dollars à la sécurité collective de notre pays. Cet argent ne va pas entièrement à mon ministère. Nous vivons dans un environnement aux menaces complexes, dans lequel les ressources sont toujours à la limite du suffisant. Nous pourrions bien sûr utiliser davantage de ressources pour augmenter le nombre des agents des services frontaliers à nos postes terrestres et dans nos ports de mer. Votre comité a examiné la question de la sécurité dans nos ports. Il est évident que nous pourrions en faire plus si nous avions plus de ressources. Mon homologue sortant, Tom Ridge, au département de la Sécurité intérieure des États-Unis, dispose d'un budget beaucoup plus important que le nôtre, pour des raisons évidentes. Lui-même dirait, malgré l'importance de son budget, qu'il y a encore des choses qu'il ne peut pas faire faute de ressources. Nous pourrions utiliser des ressources plus importantes pour améliorer ce que nous faisons ou pour en faire davantage. Nous faisons un usage efficace des ressources dont nous disposons pour protéger les Canadiens. Grâce aux travaux de votre comité et d'autres, nous pouvons toujours en apprendre plus et toujours nous améliorer dans certains domaines.
Le sénateur Meighen : Bienvenue au comité, madame la ministre. Je voudrais revenir sur votre réponse aux questions du sénateur Mercer et d'autres. D'après l'alinéa 6(1)d) du projet de loi, le ministre peut « faciliter le partage de l'information — s'il y est autorisé — en vue de promouvoir les objectifs liés à la sécurité publique ». Il y a seulement 11 mois, la vérificatrice générale nous a dit que le gouvernement dans son ensemble n'avait pas réussi à améliorer la capacité des systèmes de sécurité de l'information de communiquer entre eux. Elle a également constaté des insuffisances dans la gestion des renseignements au gouvernement. D'après elle, le manque de coordination a donné lieu à des lacunes dans la couverture ainsi qu'à du double emploi.
Je sais qu'il ne vous suffirait pas de claquer des doigts pour changer la nature humaine. Par nature, les humains ont tendance à garder les choses pour eux-mêmes. Ils tendent aussi à défendre jalousement leur territoire, comme nous avons pu le constater au cours de nos voyages, aussi bien au Canada qu'aux États-Unis. Je crois que le rapport sur les événements du 11 septembre montre bien qu'il y a eu des problèmes évidents de communication. De fait, compte tenu de la multiplicité des organismes américains qui se partagent la responsabilité des frontières, on nous dit que le problème n'est pas résolu.
Pour les gens qui nous écoutent aujourd'hui, pouvez-vous nous dire exactement quelles mesures ont été prises pour assurer une diffusion suffisante de l'information? Vous avez parlé du Centre intégré d'évaluation des menaces. Y a-t-il un mécanisme qui permette d'évaluer le succès des mesures prises? Comment pouvons-nous savoir si les personnes à qui on demande de partager l'information le font effectivement? Existe-t-il un moyen de le vérifier?
Mme McLellan : Ce sont de bonnes questions, sénateur. Vous avez parfaitement raison de dire que la vérificatrice générale a mis en évidence ce qu'elle a perçu comme étant d'importantes lacunes dans notre capacité de partager l'information.
Vous avez également raison de dire que c'est un problème dans d'autres pays aussi, et surtout aux États-Unis qui comptent d'innombrables organismes et agences. Ils en ont bien plus que le Canada, et beaucoup d'entre eux ont cultivé une longue tradition de secret.
Les événements du 11 septembre montrent comment cette tradition peut faire obstacle au renseignement, non sur le plan de la collecte, mais sur celui de l'analyse et de la transmission en temps réel aux personnes qui auraient pu empêcher ces événements de se produire.
Nous avons fait un certain nombre de choses. Par exemple, j'ai mentionné le Centre intégré d'évaluation des menaces, établi au SCRS. La vérificatrice générale avait noté que, jusqu'au moment où nous avons modifié notre mode de fonctionnement ce printemps, la participation des autres ministères était volontaire. Ce n'est pas très sensé parce que cette participation leur coûte de l'argent. Si les budgets sont serrés et que la participation est facultative, un ministère peut facilement se résoudre à ne pas participer.
Nous avons changé cette règle. La participation au Centre intégré d'évaluation des menaces n'est plus facultative. Nous avons maintenant un budget qui permet aux ministères de participer. Je crois que cela aura des effets sensibles, du moins ici, sur le partage et l'évaluation de l'information.
Vous avez mentionné la frontière en particulier. Nous avons nos équipes intégrées de la police des frontières, ou EIPF. Il y en a maintenant 15 au Canada, l'un de leurs objectifs étant une interopérabilité complète.
J'ai rendu visite à l'une de ces équipes à Cornwall. Ce jour-là, 15 organismes sont venus me parler de leur expérience. Comme vous le savez, les caractéristiques géographiques de Cornwall font que le travail de la police y est très difficile. Nous avons d'énormes problèmes de contrebande de drogue, d'argent, et cetera.
Les organismes représentés étaient canadiens et américains. J'ai posé des questions sur l'échange d'information. En premier, tout le monde dans la salle a éclaté de rire. Les Américains m'ont dit très honnêtement que certains organismes américains refusaient catégoriquement de se parler.
Nous avons des problèmes du même genre de notre côté de la frontière, par exemple dans les communications entre la GRC et un service local de police, un service local de pompiers, un hélicoptère dans les airs et ainsi de suite. Il y avait un ensemble de problèmes liés à l'interopérabilité qui existent de chaque côté de la frontière dans nos sphères respectives. Il y a ensuite la question de savoir comment commencer à intégrer pour qu'il soit possible de se parler de part et d'autre de la frontière nationale.
À Cornwall, ils ont réussi à le faire par nécessité et par souci d'innovation. Ils m'ont dit qu'ils pensaient avoir réalisé l'interopérabilité dans la mesure nécessaire pour faire leur travail. Toutefois, ils n'ont pas attendu qu'Ottawa ou Washington leur disent de le faire. Ils sont allés de l'avant, ont déterminé ce dont ils avaient besoin pour former une EIPF efficace et ont surmonté les difficultés.
Nous avons un projet pilote lié à l'interopérabilité. Mme Bloodworth voudra peut-être vous donner des détails à ce sujet. Je l'ai mentionné dans mon exposé préliminaire, mais elle pourrait probablement vous en dire davantage. Je crois en particulier que nous travaillons sur des solutions technologiques à appliquer au poste frontalier Windsor-Detroit dans le cadre du projet pilote sur l'interopérabilité.
Les dépenses à engager sont énormes, même d'un seul côté et dans une seule province. En effet, il faut que tout le monde utilise les mêmes canaux, les mêmes réseaux, les mêmes équipements pour se parler. Ensuite, il faut faire la même chose de l'autre côté de la frontière, ce qui coûte encore plus cher. Nous espérons trouver une solution technologique qui permette de communiquer malgré les systèmes différents et parfois les fréquences différentes, de façon à avoir une interopérabilité parfaite pour échanger de l'information et transmettre les renseignements en première ligne à temps pour qu'on puisse s'en servir utilement.
Mme Bloodworth : Comme la ministre l'a dit, nous finançons et dirigeons un projet pilote d'interopérabilité radio à la frontière sud-ouest de l'Ontario. Si le projet réussit, nous pourrons envisager d'étendre le système.
La technologie est à la fois un avantage et un inconvénient dans le contexte de l'échange d'information. C'est un obstacle si les gens utilisent des technologies différentes qui les empêchent de communiquer entre eux. En même temps, la technologie change constamment. Des développements prometteurs se produisent dans le cas des systèmes informatiques, qui nous permettent maintenant de mieux communiquer.
Toutefois, la technologie n'est qu'un seul élément. L'autre question est de savoir avec qui échanger l'information. Par exemple, il ne conviendrait pas de donner à chaque douanier l'accès à tous les fichiers de la police, mais les douaniers devraient être au courant des mandats d'arrestations qui ont été émis. C'est un autre problème important que nous avons.
En fait, nous avons un service entier qui examine ces questions. L'existence du portefeuille est très utile à cet égard, puisqu'il regroupe les grands intervenants. Les chefs des organismes que je dirige sont très désireux de voir la coordination réussir, mais il faut examiner les problèmes un à un parce qu'il est important de déterminer quels renseignements doivent aller à chacun.
Nous avons eu du succès avec des choses telles que les passeports, par exemple. Maintenant, les passeports perdus et volés sont remis aux agents frontaliers. Ce n'était pas le cas il y a quelque temps. Sur le plan de l'identification en temps réel — je veux parler des empreintes digitales —, nous avons un projet en cours dans le cadre duquel la GRC réalisera un transfert électronique pour tout le monde, et pas seulement pour ses propres services. Nous faisons des progrès, mais je ne suis pas près de crier victoire. Il faudra des efforts soutenus pendant quelque temps encore.
Le sénateur Meighen : J'ai une question supplémentaire. Bien entendu, dans notre système de gouvernement, comme dans celui de tous les pays démocratiques, il y a des gens qui sont responsables de certains domaines. Or le domaine dont nous parlons compte d'innombrables intervenants : le ministère des Transports, les douanes, la police, et cetera.
Quelles sont pour vous les incidences de ce projet de loi? Vous donne-t-il un mégaphone pour vous permettre de mener la bande? Vous donne-t-il un fouet pour vous assurer que les différentes administrations travaillent ensemble, échangent des renseignements et ainsi de suite? Vous permet-il de tenir les gens responsables de ce qu'ils ont fait ou n'ont pas fait? Autrement dit, avez-vous les moyens de veiller à ce que tout aille bien, autrement qu'en raison de votre poste très prestigieux de vice-première ministre?
Mme McLellan : Le projet de loi mentionne bien sûr mon rôle de coordination. Comme il y a d'autres ministères et organismes qui ne relèvent pas de celui-ci, je dois montrer du leadership pour coordonner leur travail et favoriser la collaboration entre mes collègues, de façon à nous assurer de bien définir les besoins actuels et futurs dans le domaine de la sécurité publique.
Le projet de loi lui-même me charge de faire preuve de leadership en matière de sécurité publique. À l'article 6, il précise que je peux initier, recommander, coordonner, mettre en œuvre et promouvoir différentes choses.
Le ministre responsable préside également le comité du Cabinet chargé de la sécurité, de la santé publique et de la protection civile, ce qui me permet encore une fois de veiller à ce que tous les ministres clés, de même que les administrateurs généraux d'organismes, se retrouvent à un même endroit. Notre ordre du jour est élaboré par les ministères et les organismes eux-mêmes. Au comité, nous avons la possibilité, comme dans tous les comités permanents du Cabinet, d'approuver ou de rejeter des politiques, d'examiner des demandes de fonds et de recommander de nouvelles priorités au ministre des Finances et au premier ministre. Comme vous pouvez bien l'imaginer, à l'approche du budget, tous mes collègues et moi avons une longue liste de projets pour lesquels nous souhaitons du financement dans l'intérêt de la sécurité publique.
Travaillant collectivement, le comité a l'occasion d'examiner les demandes de chacun et de leur attribuer une cote de priorité. Je peux ensuite les transmettre au ministre des Finances et au premier ministre, au nom du comité ainsi que des ministères et organismes qui s'occupent de sécurité publique.
Je ne suis pas sûre de pouvoir considérer l'une quelconque de ces attributions comme un fouet. Toutefois, le projet de loi et la structure des comités me donnent la possibilité d'exercer ce rôle de leadership pour ce qui est de la coordination et de la facilitation ainsi que pour la collaboration avec les autres ordres de gouvernement, avec nos alliés étrangers, et cetera.
Le sénateur Cools : Je suis sûre que la ministre a eu l'occasion d'examiner le compte rendu de la séance d'hier du comité ainsi que le débat de deuxième lecture au Sénat.
L'objet de ma question est de souligner un aspect constitutionnel extrêmement important du projet de loi C-6, qui abolit les fonctions de solliciteur général du Canada. Comme je l'ai dit, les questions qui se posent sont d'une nature hautement constitutionnelle. Le solliciteur général occupe l'une de deux fonctions très anciennes, à titre de second conseiller juridique de Sa Majesté. Le projet de loi tente d'abolir cette fonction sans examen, sans explication et sans que personne ne l'ait demandé.
J'essaie de montrer d'où viennent ces préoccupations. Si nous examinons tous les décrets du conseil — il y en a une flopée — qui ont créé le ministère, on s'aperçoit que la source des pouvoirs est le solliciteur général. Par exemple, madame la ministre, vous avez prêté serment à titre de solliciteur général pour devenir ensuite vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique. Par conséquent, vos pouvoirs découlent de vos fonctions de solliciteur général. C'est sur ces fonctions que semble se fonder tout le système que vous dirigez depuis un an.
J'ai parlé à plusieurs avocats constitutionnalistes, qui étaient tous préoccupés par l'abolition de cette fonction. Je ne sais pas vraiment comment procéder. Peut-être devrais-je répéter ce que le témoin a dit hier soir, ou encore vous donner la possibilité de nous dire pourquoi vous avez cru bon ou quelqu'un d'autre a cru bon d'agir ainsi, car je sais que les sorciers du BCP consultent parfois leur boule de cristal pour nous annoncer différentes choses. Je voudrais donc que vous nous disiez pourquoi vous — ou quiconque a imaginé ce plan — croyez nécessaire de débarrasser le Canada de son solliciteur général? Pouvez-vous en outre nous expliquer pourquoi on ne semble pas croire qu'il est possible d'atteindre tous les objectifs de la création d'un nouveau ministère de la Sécurité publique, tous les objectifs que le sénateur Kenny a si bien décrits pendant des années, qui consistent à élaborer une stratégie nationale de sécurité?
Nous devons peut-être vous donner l'occasion de nous dire pourquoi vous avez choisi cette voie. J'ai soigneusement lu le rapport de notre comité et j'ai constaté qu'il formulait effectivement beaucoup de recommandations concernant la sécurité. Toutefois, je n'ai trouvé nulle part une recommandation, une suggestion ou même une allusion concernant l'abolition du poste de solliciteur général. Je ne sais pas comment procéder à partir de là. Peut-être voudrez-vous répondre à ce stade, après quoi nous pourrons poursuivre.
Mme McLellan : Je voudrais répondre brièvement, après quoi, avec votre permission, monsieur le président, je demanderai à M. Pentney, qui est avocat au ministère de la Justice et qui est affecté à mon ministère, de prendre la relève. Comme vous pouvez l'imaginer, nous avons fait des recherches détaillées sur cette question parce qu'ayant lu les comptes rendus, nous savions que la question serait soulevée. M. Pentney vous donnera plus de détails sur l'abolition du poste de solliciteur général et la création du nouveau ministère et du poste du nouveau ministre. Toutefois, sur la base de notre analyse et de nos recherches, nous ne croyons pas qu'il existe d'obstacle constitutionnel à la création de ce ministère et à l'abolition du poste de solliciteur général. En fait, le système canadien s'est considérablement écarté du système britannique pour ce qui est du rôle du procureur général et du solliciteur général. Depuis 1966, je crois, le solliciteur général canadien est membre du Cabinet. Ce n'est pas le cas au Royaume-Uni. Par conséquent, les rôles sont très différents, et l'étaient déjà depuis un certain temps.
J'espère que le comité conviendra qu'il n'y a absolument aucun obstacle constitutionnel à la création du poste de ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et à l'abolition de celui de solliciteur général. M. Pentney peut vous donner beaucoup plus de détails sur l'historique de la question, si vous le souhaitez.
Le 12 décembre 2003, le premier ministre a pensé qu'il était temps de mieux souligner l'importance de la sécurité des Canadiens et la nécessité de se préparer pour affronter des situations d'urgence. Je crois — et ce n'est pas seulement parce que je suis responsable de ce nouveau ministère — que le moment était bien choisi pour regrouper les éléments clés de l'administration fédérale qui ont un mandat commun lié à la sécurité publique et à la protection civile.
Bien qu'il ait indubitablement évolué au fil des ans, le rôle du solliciteur général est sensiblement plus étroit. Je crois que le premier ministre voulait élargir le mandat de ce ministère. Oui, il comprend les importantes fonctions traditionnellement remplies par le solliciteur général. Je répète, par ailleurs, que ces fonctions sont très différentes de ce qu'elles sont au Royaume-Uni. Cela signifie que je continue d'être responsable de la GRC, du SCRS et du Service correctionnel, par exemple. De plus, je suis maintenant chargée de la planification et de la gestion de la protection civile. Je suis responsable, par exemple, du Conseil national de prévention du crime, qui ne relevait pas auparavant de l'ancien ministère du Solliciteur général.
Cela nous donne une orientation nouvelle et plus étendue, qui nous permet de nous occuper à la fois de la sécurité et de la protection civile. Je crois qu'il était logique de regrouper ces fonctions dans un nouveau ministère, sous la direction d'un seul ministre.
Le sénateur Cools : Avant que M. Pentney ne réponde, je voudrais clairement établir ceci. Je ne m'oppose pas du tout à ce qu'il y ait un nouveau ministre à la tête du nouveau ministère. La question n'est pas là. Je suis persuadée que la situation actuelle exige de procéder ainsi. Je tiens à ce qu'il n'y ait pas de malentendu, parce que je ne veux pas que vous répondiez à des questions que je n'ai pas posées. Vous avez consacré les trois ou quatre dernières minutes à parler d'une nouvelle orientation. Le sénateur Kenny a convaincu le pays de la nécessité d'une nouvelle orientation. Nous n'avons donc pas à revenir là-dessus. Comme vous avez ouvert cette porte, je vais ajouter un autre point au sujet des rôles et des obstacles constitutionnels. Vous allez contester cela, mais j'y reviendrai dans un instant.
Puisque vous allez répondre, vous voudrez peut-être inclure dans votre réponse une explication des motifs pour lesquels les Américains, qui ont un solliciteur général dont les fonctions sont très proches des nôtres sur le plan constitutionnel, n'ont pas suivi la même voie que le Canada. Après tout, les États-Unis ont été la cible des attentats du 11 septembre. Or quand ils ont décidé de réagir aux mêmes conditions contemporaines de sécurité et de terrorisme, ils ont décidé de maintenir leur solliciteur général, d'une part, tandis que, de l'autre, ils créaient un nouveau département de la Sécurité intérieure. Pouvez-vous nous donner des explications à ce sujet?
Vous n'avez cependant pas à expliquer pourquoi nous avons besoin du nouveau ministère.
Le président : Nous pourrions peut-être entendre M. Pentney. Vous sentez-vous capable, monsieur, de formuler des observations sur le système américain?
M. Bill Pentney, sous-procureur général adjoint, ministère de la Justice Canada : Honorables sénateurs, je crois que je peux le faire dans une certaine mesure. J'ai déjà enseigné le droit. Cela m'a donné la merveilleuse occasion de me replonger dans les livres et dans l'histoire, ce que je ne peux pas faire très souvent.
Je ne prendrai pas trop de temps. J'ai eu l'occasion de prendre connaissance du témoignage d'hier du professeur Wesley Pue. J'accepte une grande partie de ce qu'il a dit. Quel que soit le nom du ministre, nous convenons volontiers qu'elle a des relations spéciales avec le commissaire de la GRC, par exemple, qu'il y a d'importantes distinctions entre le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et le solliciteur général sur le plan de la gestion quotidienne de la GRC, des autres agents d'exécution de la loi, de l'objet des enquêtes et des modalités d'enquête, et que dans ses relations avec ses collègues, la ministre se distingue nettement des autres ministres. Nous convenons volontiers de tout cela.
Si j'ai bien compris la question, il s'agit de déterminer si le changement de titre entraîne un changement des relations. Notre analyse aboutit à la conclusion que ce n'est pas le cas. Beaucoup de provinces ont aboli le titre de solliciteur général. Elles ont des ministres responsables des services de police, qui ont la même obligation de ne pas s'immiscer dans les opérations quotidiennes de la police.
La pratique canadienne s'est très sensiblement écartée de celle du Royaume-Uni. C'est peut-être là qu'il faut chercher la source de la confusion. Je vais en parler aussi brièvement que je le peux avant d'aborder la question du Bureau du solliciteur général des États-Unis, qui est également très différent de la fonction du même nom qui existait très récemment au Canada. Ces différences expliquent peut-être aussi pourquoi les États-Unis n'ont pas touché à ce bureau lorsqu'ils ont créé le département de la Sécurité intérieure.
Nous n'avions pas de solliciteur général lors de la création du Canada. Nous avions un ministre de la Justice et procureur général du Canada. Il n'est donc pas vrai de dire que l'histoire constitutionnelle du Canada a toujours comporté la fonction de solliciteur général. Lorsque le poste a été créé pour la première fois par voie législative en 1886, son titulaire ne siégeait pas au Cabinet. La loi autorisait le gouverneur en conseil à nommer un solliciteur général du Canada, qui était essentiellement un fonctionnaire, pour aider le ministre et le ministère de la Justice, dans la tradition du solliciteur général qui existait alors en Angleterre. La ministre ne me pardonnera peut-être pas de le mentionner, mais la loi accordait au solliciteur général un traitement annuel de 5 000 $ par an. Nous avons évolué à bien des égards depuis cette époque.
Pendant les 80 années suivantes, le Bureau du solliciteur général est resté le même. Je crois savoir qu'en 1917, Arthur Meighen a été le premier solliciteur général à faire partie du Cabinet et du Conseil privé.
En 1966, le Bureau canadien du solliciteur général a été créé par voie législative. Dans son texte, le professeur Edwards considère cela comme un événement historique. Les fonctions du solliciteur général étaient distinctes de celles du procureur général et ministre de la Justice, ce qui a donc donné lieu à la rupture entre l'ancien rôle du solliciteur général, comme assistant du procureur général, et son nouveau rôle de responsable des maisons de correction, des prisons, des pénitenciers, de la libération conditionnelle, des réductions de peine et de la Gendarmerie royale du Canada.
Ainsi, quelles que soient les obligations constitutionnelles que la common law attribuait à l'ancien solliciteur général, elles ont été remplacées par une loi définissant son nouveau rôle et ses nouvelles attributions. Dans l'exercice de son pouvoir suprême, le Parlement avait alors décidé que le rôle du solliciteur général devait être séparé de celui du procureur général, qu'il ne consisterait plus à l'assister et qu'il serait plutôt concentré sur les maisons de correction, les prisons, les pénitenciers, la libération conditionnelle, les réductions de peine et la GRC.
Depuis, il était accepté en droit constitutionnel et en pratique qu'il existait des relations spéciales, par exemple, entre le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada et le ministre sur le plan des opérations courantes. La Loi sur la GRC en témoigne puisqu'elle attribue au commissaire la responsabilité d'agir sous la direction du ministre, tout en assumant le contrôle et la gestion de la Gendarmerie. Il n'y a pas de doute que la ministre actuelle, les anciens ministres, le commissaire actuel et les anciens commissaires avaient été très clairement informés de leur rôle et de leurs attributions dans le contexte de notre structure constitutionnelle.
Cela est vrai quel que soit le titre des fonctions. À notre avis, le changement de ce titre ne modifie en rien le rôle et les relations, qui sont définis aussi bien par la pratique que par les lois créant la GRC, le Service canadien du renseignement de sécurité, le Service correctionnel et la Commission nationale des libérations conditionnelles.
Cela ne veut pas dire que la ministre, quel que soit son titre, se débarrasse de toutes les anciennes contraintes. Ce n'est pas du tout le cas. La question qui se pose est la suivante : ces contraintes résident-elles dans le titre ou plutôt dans les lois portant création de ces organismes ainsi que dans la pratique?
Je peux faire une comparaison entre la situation fédérale, telle qu'elle existait et telle qu'elle existerait après l'adoption du projet de loi, et celle de l'Alberta. Dans sa loi créant les fonctions provinciales de solliciteur général, l'Alberta a spécifiquement prévu que celui-ci exercerait les pouvoirs et les attributions du solliciteur général d'Angleterre, tels que définis par la loi et par la pratique, dans la mesure applicable à l'Alberta. Par conséquent, la loi albertaine adopte expressément l'histoire et la tradition constitutionnelle de l'Angleterre.
En 1966, le Parlement avait décidé, à tort ou à raison, de ne pas adopter explicitement cette histoire et cette tradition. Il a établi la fonction de solliciteur général et lui a attribué des responsabilités précises. La loi adoptée ne contenait aucune disposition semblable à celle de l'Alberta. À notre avis, ce n'était pas nécessaire. Les relations entre le ministre et les différents organismes sont clairement définies dans les lois correspondantes et dans la pratique. Le changement du titre ne modifie en rien cette situation.
Par opposition au Canada et aussi à l'Angleterre, dans une certaine mesure, le solliciteur général américain est surtout responsable de la conduite des litiges du gouvernement à la Cour suprême des États-Unis. Il décide en outre de l'opportunité de faire appel des décisions rendues contre le gouvernement. Il élabore les arguments et les présente devant la cour. Il y a encore des cas où le solliciteur général américain comparaît devant la Cour suprême des États-Unis, à titre d'avocat général de l'État. Au Canada, ce rôle est rempli par le procureur général du Canada, au nom du gouvernement.
Je crois que l'une des raisons pour lesquelles le département de la Sécurité intérieure n'a pas hérité de ce rôle est qu'il consiste à représenter le gouvernement des États-Unis pour le compte de tous les ministères et à l'égard de tous les intérêts du gouvernement fédéral. À l'époque, il n'aurait pas convenu d'inclure un tel rôle dans les attributions du département de la Sécurité intérieure.
Le solliciteur général des États-Unis n'est pas responsable des prisons, des maisons de correction ou de la police. En fait, pour comble de confusion, c'est le département de la Justice qui est responsable du FBI. Il est évident que le système américain est très différent du nôtre.
J'espère que le comité aura trouvé ces explications utiles.
Le sénateur Cools : Je voudrais répondre à quelques-uns de ces points. Le témoin semble peiner par suite d'un grand malentendu constitutionnel. Je soutiens que le rôle du solliciteur général du Canada comprend, à part les prisons, les maisons de correction, la Commission nationale des libérations conditionnelles et le Service correctionnel du Canada, tous les droits et attributions conférés par la common law au second conseiller juridique de Sa Majesté.
Le fait que ces droits et attributions ne figurent pas expressément dans la loi de 1966 ne signifie pas du tout qu'ils n'existent plus. Il est faux de le croire.
De plus, il est complètement faux de prétendre que le poste de solliciteur général du Canada a été créé par voie législative en 1887. Le poste est antérieur à cette date. Sir John A. MacDonald l'a rétabli après la Confédération simplement parce que la grande loi intitulée Acte de l'Amérique du Nord britannique visait à maintenir, après la Confédération, l'essentiel de la vie politique et juridique telle qu'elle existait auparavant.
Si l'on examine l'AANB et qu'on veuille prendre les provinces pour exemple, comme vous l'avez fait, on peut se demander depuis quand le gouvernement fédéral suit l'exemple des provinces? J'avais l'impression que les provinces devaient suivre l'exemple du gouvernement fédéral. Toutefois, dans la mesure où vous avez cité l'exemple de différentes lois provinciales qui avaient supprimé le titre de solliciteur général, je voudrais vous inviter à considérer le fait que nous pourrions citer un autre exemple.
Le président : Sénateur Cools, il serait très souhaitable que vous en veniez à votre question.
Le sénateur Cools : J'avais l'impression d'être plutôt en train de répondre.
Le président : La façon de procéder, ici, consiste pour les membres du comité à poser les questions et, pour les témoins, à y répondre.
Le sénateur Cools : Je poserai d'autres questions. Je pourrais en fait en poser pendant un très long moment.
Vous m'avez présenté une analyse juridique dans laquelle vous arrivez à la conclusion qu'il n'y a pas d'obstacle constitutionnel. Vous avez cité des faits historiques assez limités, mais vous n'avez fourni aucune analyse et ne vous êtes réclamé d'aucune autorité constitutionnelle expliquant sur quelle base vous avez déposé un projet de loi dans cette forme. J'ai cru comprendre que quelqu'un au ministère a décidé que ce n'était qu'un titre et qu'on pouvait le changer, ce qui explique le projet de loi dont nous sommes saisis.
Vous n'avez cependant cité aucune autorité constitutionnelle établissant que ce titre pouvait être changé.
Le président : Quelle est la question, sénateur Cools?
Le sénateur Cools : Je vais poser la question. Sur quelle autorité constitutionnelle le gouvernement se base-t-il pour déposer un projet de loi visant à modifier la nature, le caractère et le titre du conseiller juridique de Sa Majesté?
M. Pentney : Aux termes de l'ancienne loi, l'ancien solliciteur général était assujetti depuis 1966 à des dispositions législatives définissant son rôle et ses attributions. À notre avis, la Constitution ne contient rien qui empêche le gouvernement de changer le titre de cette fonction ou de lui attribuer d'autres responsabilités. Si le Parlement adopte une loi, la Constitution ne l'empêche pas de décider d'attribuer un autre rôle et d'autres responsabilités que ceux de 1966. Rien ne peut empêcher le Parlement de modifier le titre du ministre responsable de ce ministère.
Le sénateur Cools : Vous n'avez toujours pas répondu à ma question. Je répète donc. Vous avez fait une affirmation. Vous avez abouti à des conclusions et soutenez qu'elles constituent le motif. La Constitution attribue tout le pouvoir exécutif à Sa Majesté. Ce n'est ni de la nostalgie ni du protocole. C'est une réalité du droit.
Les deux conseillers juridiques de la Couronne sont, pour ainsi dire, des agents personnels de Sa Majesté et jouent un rôle tout à fait différent de celui des autres ministres. Ils peuvent faire partie ou non du Cabinet. Dans certaines administrations, ils y siègent, et dans d'autres, pas. Vous ne m'avez donné aucun motif constitutionnel permettant d'utiliser un simple projet de loi pour modifier une réalité touchant les fonctions de Sa Majesté dans ce pays.
Le sénateur Mercer : C'est un débat fort intéressant que nous pouvons souhaiter tenir, mais nous avons l'occasion cet après-midi de discuter avec la ministre, dont le temps est limité. Je suis sûr que les fonctionnaires peuvent revenir à un autre moment si le comité le souhaite. Pour ma part, j'aimerais poursuivre. J'ai moi-même à poser quelques questions à la ministre.
Le sénateur Cools : J'espérais...
Le président : Je vous accorderai la parole dans quelques instants, sénateur Cools. Cette suggestion est constructive. Nous avons consacré près d'un quart de notre temps à ce sujet. Nous pourrions poursuivre si vous aviez une autre question.
Le sénateur Cools : J'en ai plusieurs autres. On nous parle constamment de la responsabilité des ministres devant le Parlement, mais il est très difficile de discuter avec un ministre. Je l'ai souvent constaté au fil des ans. C'est pour cette raison que je suis venue aujourd'hui : pour pouvoir discuter avec vous.
Hier soir, le professeur Pue a suggéré au comité, ce que j'accepte, qu'il est possible de cumuler les deux rôles. Madame McLellan, si vous étiez solliciteur général et ministre de la Sécurité publique, je n'y verrais aucun inconvénient.
Le président : Sénateur Cools, je vous prie de poser votre question.
Le sénateur Cools : Hier soir, le professeur Pue a présenté une suggestion qui, de son avis comme du mien, peut régler le problème de ce projet de loi. Si vous regardez le projet de loi, l'article 1 constitue le titre, mais les articles 2 et 3 concernent la création du ministère et du poste du ministre.
Si l'on examine un document parallèle, comme la Loi sur le ministère de la Justice, dont vous avez été responsable à un certain moment, on peut faire la même constatation. On y retrouve en fait les mêmes mots : « Est constitué le ministère... » et cetera.
Le second paragraphe de l'article dit que le ministre de la Justice est d'office procureur général de Sa Majesté au Canada. Je suis sûre que les fonctionnaires de votre ministère le savent.
Le président : Sénateur Cools, je regrette, mais votre temps de parole est écoulé. Nous allons maintenant passer à d'autres sénateurs.
Le sénateur Forrestall : Je vais maintenant ramener la ministre aux questions de renseignement, de coordination et de surveillance. Pouvez-vous nous donner une idée de la façon dont les besoins de renseignement du gouvernement sont établis et communiqués aux organismes chargés de la collecte, de l'analyse et de l'exécution?
Mme McLellan : Le premier ministre a la responsabilité globale de la sécurité nationale. Nous avons un comité. Si vous voulez parler de la détermination des priorités de renseignement dans une année donnée, cela se fait sous la direction du premier ministre, en consultation avec les principaux ministères et organismes. Nous élaborons une proposition relative aux priorités du renseignement.
Le sénateur Forrestall : Madame la ministre, pouvez-vous préciser ce « nous »?
Mme McLellan : Il y a un comité composé des ministres et des chefs d'organismes compétents, sous la direction du premier ministre. Ce n'est pas le comité de la sécurité publique. Nous examinons, sur une base annuelle, les priorités du renseignement et apportons les changements ou les améliorations que nous jugeons nécessaires. Le résultat représente, pour l'année suivante, les priorités de renseignement du gouvernement du Canada et de ses organismes de collecte d'information.
Le sénateur Forrestall : Comment vérifiez-vous l'exactitude des renseignements recueillis dans l'année? Quelles analyses faites-vous? De quelle façon tirez-vous des conclusions au sujet de la véracité de l'information? Nous savons que même de légères inexactitudes peuvent causer de grands ennuis. Quelles vérifications faites-vous?
Mme McLellan : Nous avons différents moyens. Il y a bien sûr les mécanismes de surveillance. Si des groupes ou des particuliers croient que le SCRS a mené une opération ou fourni des renseignements relatifs à une activité soupçonnée qui leur sont préjudiciables, comme nous l'avons vu un certain nombre de fois, ils peuvent présenter une plainte au CSARS. Celui-ci fait enquête sur la conduite du SCRS et produit un rapport sur la façon dont le Service s'est acquitté de ses fonctions.
Nous avons différents moyens de surveillance concernant d'autres organismes qui recueillent de l'information, comme la GRC.
Quant à l'exactitude de l'information, nous recueillons des renseignements que nous partageons avec d'autres organismes fédéraux, d'autres ordres de gouvernement ainsi qu'avec nos alliés étrangers. Les différents organismes exercent une certaine autodiscipline quant à la qualité de leur travail. Même si le SCRS est un petit organisme par rapport aux équivalents américains et britanniques, on considère en général qu'il fait un travail de qualité. Cela ne veut pas dire qu'on vérifie la véracité de chaque information recueillie au cours de chaque opération menée. Nous avons des mécanismes officiels de surveillance, mais les échanges latéraux que je viens de mentionner constituent en soi un moyen informel de surveillance basé sur la réputation. Si vous faites du renseignement, mais que votre travail est de piètre qualité et que vous manquez de jugement, les gens avec qui vous partagez l'information recueillie s'en aperçoivent assez rapidement.
Nous avons aussi les mécanismes officiels de surveillance. La vérificatrice générale nous aide en outre à nous rendre compte non pas de la véracité de chaque information, mais de l'intégrité de l'organisation dans son ensemble et de la façon dont elle s'acquitte de son mandat principal.
Le président : Madame la ministre, vous avez dit que le CSARS est un mécanisme de surveillance.
Mme McLellan : Oui.
Le président : N'est-ce pas plutôt un mécanisme d'examen?
Mme McLellan : Oui.
Le sénateur Forrestall : Je vais revenir à un niveau pratique. En ce qui concerne les opérations courantes, j'ai dit au sénateur Meighen que je ne savais pas où il avait pris cette information. C'était il y a deux semaines. Les choses ont changé. Je suis bien d'accord.
J'attire votre attention sur le fait que nos voisins du Sud se tiennent constamment aux aguets. Ils s'assurent, avant le dépôt d'un rapport auprès du secrétaire correspondant du gouvernement, que l'information contenue dans le rapport demeure à jour et que rien de nouveau ne s'est produit entre le 2 et le 10 février, c'est-à-dire depuis le moment où l'information a été recueillie. Avons-nous la même capacité?
Mme McLellan : Oui, dans la mesure où nous essayons de vérifier non seulement la véracité, mais l'actualité. C'est un problème constant. L'exemple que vous donnez est vraiment important parce qu'il faut s'assurer que l'information recueillie a été analysée et qu'elle reste vraie. L'une des critiques formulées par la vérificatrice générale est due au fait que beaucoup de renseignements servant de base à l'établissement de choses telles que des listes de surveillance, et cetera ne sont pas à jour. Nous avons immédiatement pris des mesures pour remédier à la situation.
Mme Bloodworth : Je dois ajouter que de nombreux aspects du renseignement font intervenir plus que de l'information. Il y a aussi des jugements. Les organismes renseignements portent constamment des jugements qu'ils transmettent à d'autres. Ces jugements peuvent changer à l'occasion. Le SCRS produit par exemple des évaluations de différents niveaux. La plupart des renseignements que la ministre ou moi-même voyons sont plutôt des jugements que de l'information, des jugements basés sur des renseignements obtenus de différentes sources.
Il y a toujours des questions qui se posent non seulement au sujet de l'actualité de l'information, mais aussi des jugements basés sur différentes informations qui peuvent changer. C'est la raison pour laquelle le SCRS produit de nouvelles évaluations tous les jours.
Le système est-il parfait? Non, c'est un système qui doit constamment être évalué par beaucoup de gens. L'un des mécanismes informels est constitué par les destinataires de l'information au sein du gouvernement. Si l'information n'est pas crédible, cela devient rapidement assez évident.
Cela étant dit, le renseignement n'est dans aucun cas une science exacte. Elle comporte toujours des jugements.
Le sénateur Forrestall : J'essaie en quelque sorte de relier cela au SCRS. Madame la ministre, vous nous avez dit que vous êtes favorable à l'extension des capacités de collecte d'information du SCRS à l'étranger. Il s'agit de renseignement tranquille, par opposition au renseignement lié à des menaces.
Avez-vous pu obtenir des fonds supplémentaires pour financer cette activité du SCRS? Obtenez-vous en conséquence un travail de meilleure qualité?
Mme McLellan : J'ai présenté une demande budgétaire pour cette année. Il reste à voir si le ministre des Finances jugera bon d'y accéder. Ma demande permettrait de recueillir davantage de renseignements à l'étranger. C'est l'une des choses dont j'ai parlé auparavant. Nous vivons dans un monde où il nous incombe, comme pays et comme allié, de faire notre juste part tant pour protéger nos citoyens que pour disposer d'information à échanger, le cas échéant, avec nos alliés.
Même si le SCRS recueille actuellement des renseignements à l'étranger, je n'ai jamais caché que je voudrais le voir en recueillir davantage. J'ai présenté une demande à cet effet.
Le sénateur Forrestall : Si vous avez besoin de notre aide, n'hésitez pas à nous appeler.
Mme McLellan : Je le ferai.
Le président : Je peux en conclure, madame la ministre, que le SCRS recueillera des renseignements non liés à des menaces?
Mme McLellan : Non.
Le président : Puis-je en conclure que le gouvernement a réservé au SCRS l'exclusivité du renseignement étranger?
Mme McLellan : Aucune décision finale n'a été prise à cet égard. J'ai présenté une demande de fonds pour nous permettre de recueillir plus de renseignements à l'étranger. Je n'ai pas précisé où la collecte se ferait.
Le sénateur Meighen : Madame la ministre, le comité s'occupe de ce domaine depuis quelques années. L'un des sujets qui est revenu dans beaucoup de nos conversations avec les fonctionnaires, que ce soit dans les aéroports ou les ports, est que, dans beaucoup de cas, nous avons l'impression qu'on hésite à nous renseigner. Je me rends bien compte que, par choix, nous n'avons pas la cote de sécurité « Très secret » parce qu'une telle cote nous empêcherait de discuter avec quiconque de l'information que nous obtiendrions. C'est une affaire à double tranchant. Nous sommes heureux de notre situation, mais il semble y avoir une culture qui amène les gens à nous dire qu'ils n'osent pas dire ceci ou cela. Ainsi, lors de notre visite à l'aéroport Pearson de Toronto, on nous a affirmé que tout était fait conformément aux directives du ministère des Transports.
Or nous avons découvert que ces directives n'existaient pas. On nous a dit que le courrier était vérifié par Postes Canada, mais Postes Canada nous a affirmé que le courrier était vérifié par des gens de l'aéroport. Finalement, il s'est avéré que personne ne vérifiait le courrier. Il semble d'ailleurs que ce soit toujours le cas.
Nous avons présenté 66 questions à l'ASFC en décembre et, après être revenus à la charge, nous avons obtenu des réponses à 60 d'entre elles. Nous n'avons donc pas eu de réponse satisfaisante à six de nos questions, pour des raisons de sécurité, nous a-t-on dit.
Ces questions portaient sur le nombre de fois — je vais lire ceci pour ne pas me tromper — que l'ASFC procède à un certain type d'inspection dans une année, dans le cadre du Système d'inspection des véhicules et du fret (VACIS), du déchargement des conteneurs, des radiations, et cetera. Il semble que c'est un grand secret auquel on ne peut pas nous associer.
Personnellement, je ne suis pas satisfait de cette réponse. Je ne crois pas qu'on puisse compromettre la sécurité nationale en disant que, pendant un an, on a inspecté tant de conteneurs grâce au système VACIS. Pour moi, ce n'est pas logique. Ce n'est sûrement pas une culture que nous voudrions encourager. Pourquoi n'est-il pas possible de divulguer des données de ce genre?
J'ai un autre point pour vous. L'ASFC se présente devant nous et nous dit que les choses se sont beaucoup améliorées. Comment pouvons-nous nous en assurer? Les responsables de l'Agence ne veulent même pas nous dire quels piètres résultats ils avaient avant de s'améliorer. Si nous ne pouvons pas savoir où ils en étaient l'année dernière, comment pouvons-nous accepter l'affirmation qu'ils font beaucoup mieux aujourd'hui? Cela revient à nous dire : « Faites-nous confiance, et nous vous dirons ce que nous voudrons bien vous dire. »
Mme McLellan : Vous soulevez une question importante, que nous avons d'ailleurs abordée plus tôt en parlant des organismes de renseignement qui hésitent à échanger des renseignements entre eux. En fait, il y a des réticences culturelles qui vont encore au-delà dans les divers organismes, à l'ASFC dans un cas ou peut-être à la GRC dans un autre. Ils semblent répugner à fournir des renseignements pouvant aider les Canadiens et, à plus forte raison, pouvant vous aider à comprendre, d'abord la nature des menaces qui nous entourent et, ensuite, ce que le gouvernement et leurs services font pour assurer la sécurité des Canadiens.
J'ai appris qu'aux États-Unis — peut-être pas au Royaume-Uni, mais bien aux États-Unis —, on voit souvent des responsables ou des chefs d'organismes en dire davantage à la presse que nos chefs d'organismes ou nos ministres. Peut-être ont-ils la possibilité d'en dire plus.
J'ai demandé à mes collaborateurs et aux chefs d'organismes de voir dans quelle mesure nous pouvons, dans le monde engendré par le 11 septembre, où les gens se posent beaucoup de questions sur la collecte de renseignements et le fonctionnement des services de police et de sécurité, nous montrer plus transparents sans pour autant compromettre des enquêtes criminelles, divulguer sans nécessité l'identité d'un informateur et ainsi de suite.
La question que vous soulevez est importante. Il y a effectivement une culture de secret que nous avons besoin de revoir. Je ne mets pas en doute la bonne foi des gens qui l'appliquent : dans leur esprit, ce secret est nécessaire. Je crois simplement que nous serions parfois mieux servis et que les Canadiens se fieraient davantage à leurs organismes publics si nous pouvions à l'occasion donner un peu plus de renseignements.
Par exemple, est-ce qu'on soumet au système VACIS 2 p. 100, 10 p. 100, 20 p. 100 ou la totalité des conteneurs? Je suppose que pour l'ASFC, le fait de donner ce renseignement reviendrait à divulguer de précieuses données liées à la sécurité. Si tout le monde est soumis à l'inspection, c'est une chose. Si l'inspection ne touche que 2 p. 100 de la population, c'est autre chose au niveau de l'évaluation du risque car les gens que nous visons vont pouvoir déterminer leurs chances d'être pris. Je suppose donc que c'est ce genre de chiffres que l'ASFC craint de divulguer. Encore une fois, je serai heureuse de revenir à la charge pour demander aux responsables de l'agence si nous avons vraiment besoin, au nom de la sécurité nationale, d'être aussi discrets à ce sujet.
Votre argument concernant les points de repère est également très valide. Si vous ne savez pas où les gens ont commencé, comment pouvez-vous déterminer si leur rendement s'est vraiment amélioré? Si les Américains soumettent au système VACIS 2 p. 100 du trafic ferroviaire, est-ce le point de repère que nous devrions viser, ou bien faudrait-il chercher à atteindre 5 ou 20 p. 100? Comment votre comité peut-il porter un jugement critique et formuler des recommandations s'il ne peut pas obtenir ces chiffres? Y a-t-il un point de repère mondial? Est-ce 2 p. 100? Si c'est le cas, où en sommes-nous? Vous ne pouvez vraiment pas nous aider concrètement sans disposer de tels renseignements.
Permettez-moi de vous poser une question. Si vous étiez aux États-Unis, croyez-vous que les responsables vous donneraient le pourcentage du trafic ferroviaire qui est soumis à l'inspection VACIS?
Le sénateur Meighen : Oui, ils le feraient.
Le président : Ce sont en fait vos fonctionnaires qui nous l'ont dit.
Le sénateur Meighen : Mais nous ne pouvons pas obtenir nos propres chiffres.
Mme McLellan : L'ASFC échange probablement ces renseignements avec ses homologues des États-Unis.
Le président : Madame la ministre, je voudrais dire, pour mettre les choses au clair, que nous avons entendu des témoignages selon lesquels 100 p. 100 du trafic ferroviaire à destination du Sud subit l'inspection VACIS, par rapport à 0 p. 100 pour le trafic à destination du Nord. Nous croyons donc que vos gens ont manqué une bonne occasion de parler de leurs réalisations. Le niveau des inspections s'est énormément amélioré au cours des trois dernières années. Pourtant, lorsque les témoins qui relèvent de vous comparaissent devant le comité, c'est bouche cousue. Ils nous répondent : « Je ne peux pas vous dire. C'est un secret. Ou bien, il faudra que je vous tue. » Nous en avons vraiment assez.
Mme McLellan : Je comprends.
Le président : Nous avions appris, par exemple, qu'au port de St. John, l'inspection VACIS atteint 98 p. 100. Nous sommes également allés au port de Windsor, où la machine VACIS n'est en marche que huit heures par jour. Tous les camionneurs le savent. Les responsables de l'ASFC avaient donc une bonne histoire à nous raconter. Ils auraient pu nous dire : « Voici ce que nous faisons. » Nous posions une question générique, mais ils ont choisi de ne pas y répondre. Nous avons probablement épuisé le sujet, mais il fallait bien que nous en parlions à un moment ou un autre.
Mme McLellan : Je vous dirai encore une fois, même si cela ne répond pas vraiment à votre principale préoccupation, qu'une réponse a été donnée. Alain Jolicoeur, président de l'ASFC, a dit que l'information vous serait fournie à huis clos. L'Agence accepte de mettre ces renseignements à votre disposition, mais pas au cours d'une séance publique.
Comme je l'ai dit, j'ai déjà demandé à ces agences de réfléchir à notre façon de communiquer avec le public, qui a des questions à poser. Si la GRC mène une opération et arrête quelqu'un en vertu de la Loi antiterroriste, il est évident qu'il y a des limites à ce qu'on peut divulguer. Nous le savons tous, mais dans le monde où nous vivons, le public veut plus de renseignements, pas moins, quant aux répercussions des événements sur sa sécurité collective. Je crois vraiment que nous devons repenser certaines de ces choses.
Le sénateur Meighen : J'ai bien aimé la première partie de votre réponse. L'écart qui nous sépare des Américains nous désavantage. Si les Américains disent au monde qu'ils vérifient chaque valise que transporte chaque passager, tandis que nous gardons le silence au point de ne rien dire à personne, on pourrait en conclure que nous ne fouillons personne, ce qui est faux. Nous savons que nous avons réalisé des progrès, mais nous savons aussi qu'il y a une aérogare à Toronto où l'inspection est déficiente. Les méchants en savent beaucoup plus que moi à ce sujet, alors je ne vais rien dire du tout.
Permettez-moi de vous faire part d'une idée à laquelle je m'intéresserais un jour, mais sans doute pas aujourd'hui. Beaucoup des examens sont basés sur une évaluation du risque. On croit savoir qu'une chose provient d'une source douteuse, alors on se dit qu'il serait bon de procéder à un examen. Avez-vous un moyen quelconque de mettre à l'épreuve votre système d'évaluation du risque afin d'en avoir le coeur net sur ce que vous faites réellement?
Mme McLellan : C'est une très bonne question. L'évaluation du risque est une entreprise mondiale, en ce sens que nous travaillons avec d'autres pour mettre au point les outils d'évaluation. À ma connaissance, ces outils sont évalués d'une façon équitable, impartiale et efficace pour déterminer s'ils atteignent leur objectif.
Madame Bloodworth, avez-vous plus de renseignements au sujet des vérifications auxquelles sont soumis les gens qui créent des moyens d'évaluation des risques?
Mme Bloodworth : Vous parlez de l'ASFC, mais tous les organismes sont censés recourir à l'évaluation du risque parce qu'il nous est impossible de tout faire à 100 p. 100. S'il y a une chose que j'ai apprise au sujet de l'évaluation du risque, c'est qu'on ne peut jamais affirmer que c'est fait. Il faut constamment tout revoir. Je crois que, dans l'administration publique, la communauté du renseignement le fait aussi bien que n'importe qui d'autre. Bien sûr, ce n'est pas parfait. Je ne veux pas dire que nous ne pouvons pas mieux faire. Mais, dans l'ensemble, la communauté du renseignement se montre aussi efficace à cet égard que n'importe qui d'autre. C'est loin d'être une science exacte, comme vous avez sûrement pu le constater. Le plus important dans l'évaluation du risque, c'est qu'on ne peut jamais dire : « Eh bien, j'ai mon système. Je compte l'appliquer pour toujours. » Il est nécessaire de disposer d'un mécanisme permettant de revoir constamment le système. Il n'y a pas de doute que l'Agence des services frontaliers et les autres organismes le font. Cela ne signifie pas qu'ils ne peuvent pas mieux faire. Nous le pouvons tous.
Le sénateur Meighen : Mais vous convenez que l'évaluateur doit lui-même être soumis à une évaluation?
Mme Bloodworth : Absolument.
Le sénateur Banks : Je vous remercie d'être venue. Mes questions sont beaucoup moins complexes que celles qui vous ont déjà été posées. Elles sont toutes de nature financière et sont donc très précises.
Nous avons voyagé un peu partout dans le pays. Nous avons visité la plupart des grandes villes et beaucoup de petites. Nous avons pu voir l'extrémité très pointue du bâton dont vous avez parlé tout à l'heure. Toutes mes questions découlent de votre exposé préliminaire.
Vous avez dit que, dans presque toutes les situations d'urgence, les premiers intervenants sont les services municipaux de police, de pompiers, de techniciens médicaux, et cetera. Vous avez mentionné la réunion tenue entre les autorités provinciales et fédérales en janvier pour discuter de la réaction aux situations d'urgence. Vous n'avez pas dit si des représentants des municipalités étaient présents, alors que ce sont eux qui font le travail. Étaient-ils en fait présents?
Mme McLellan : Non, les municipalités n'étaient pas représentées aux réunions ministérielles. Non, absolument pas. En fait, il est clair que l'élaboration de notre stratégie des infrastructures critiques met en cause non seulement les provinces, mais aussi les municipalités et le secteur privé. Comme vous l'avez noté, les municipalités jouent un rôle clé.
Comme nous n'avions pas tenu de réunions depuis 11 ans, nous avons décidé d'inviter les ministres provinciaux et territoriaux et de voir si les participants trouvaient la rencontre assez importante pour vouloir la renouveler, de façon à pouvoir collaborer pour résoudre ces problèmes communs. Je suppose que nous pourrons envisager à l'avenir d'inviter des représentants de la Fédération canadienne des municipalités et du comité qu'elle a établi pour s'occuper de l'infrastructure critique. Les municipalités ont leurs propres organisations qui peuvent nous faire part de leur point de vue collectif sur les défis qu'elles affrontent et les ressources dont elles ont besoin. Vous avez raison de soulever cette question, qu'il s'agisse de la réaction à une situation d'urgence ou de la protection de l'infrastructure critique à un endroit donné. Dans certains cas, nous avons des systèmes nationaux intégrés, mais si on parle d'un système d'approvisionnement en eau ou d'une usine de produits chimiques, par exemple, si un événement se produit à l'échelon local, les responsables municipaux sont évidemment les premiers à intervenir.
Le sénateur Banks : Je suppose que les municipalités seront très réconfortées par votre suggestion d'inviter la FCM à certains des réunions futures.
Mme McLellan : Je serais très heureuse de le faire. Bien entendu, les chefs de police jouent également un rôle clé en matière de première intervention et de planification d'urgence. Nous avons des réunions avec les chefs. Nous avons des représentants des chefs de services de pompiers, par exemple, qui nous aident à concevoir les programmes nationaux de formation des équipes de première intervention. Nous les avons intégrés à différentes choses que nous faisons.
Le sénateur Banks : Certains d'entre eux ont l'impression d'être laissés pour compte.
Mme McLellan : J'en suis sûre.
Le sénateur Banks : Je crois que ce serait une bonne idée, la prochaine fois que vous tiendrez une réunion de ce genre, d'inclure l'autre ordre de gouvernement, même si ce n'est que pour serrer des mains.
Mme McLellan : C'est une bonne idée d'envisager d'inviter des représentants de la FCM qui pensent à toutes ces questions.
Le sénateur Banks : Vous avez parlé du Centre d'opérations. Le directeur du Centre d'opérations du gouvernement a dit au comité que le centre est opérationnel et que c'est un succès. Cela nous rappelle le temps où le sénateur Munson occupait des fonctions différentes et rédigeait à la lueur d'une chandelle des notes qu'il envoyait par télécopieur. J'espère que cela a servi lors de la création du Centre d'opérations du gouvernement. Est-il effectivement opérationnel? Y en a-t-il un autre ailleurs qui peut prendre la relève?
Mme McLellan : Je vais laisser Mme Bloodworth répondre à cette question, mais je crois que le sénateur Munson se trouvait non au Centre d'opérations du gouvernement, mais dans l'édifice Langevin, n'est-ce pas? Nous avons prévu de la redondance au BCO, au CPM et ailleurs, que nous avons déjà testée. Une installation de secours avait été essayée le mois précédent, et tout avait sauté. Cela n'excuse rien, mais nous avions bel et bien de la redondance. En fait, l'installation avait été mise à l'épreuve très peu de temps avant l'événement, mais elle a quand même sauté. Dans ce genre de situation, nous devons prévoir encore plus de redondance. Aujourd'hui, les gens comprennent ce qui s'est passé. Nous sommes persuadés d'avoir mis en place un système pour empêcher que cela ne se reproduise. Le Centre d'opérations du gouvernement a beaucoup appris de la grande panne d'électricité. Nous avons maintenant ce centre, qui faisait partie de mes obligations. Quand j'ai pris possession de mes fonctions, le premier ministre voulait s'assurer que nous avions un Centre d'opérations de tout premier ordre. Il n'en est pas encore tout à fait là. Nous avons besoin de ressources supplémentaires pour avancer, mais il existe et prend très rapidement des mesures quand il le faut, par exemple lors du glissement de terrain et des inondations à Vancouver. Le tsunami est un autre exemple, même si la réaction était dirigée par le ministère des Affaires étrangères. Le Centre d'opérations du gouvernement relayait l'information quant à la situation sur le terrain.
Je crois que vous avez raison, sénateur, c'est toujours le ministère des Affaires étrangères qui avait la direction. Certaines questions se sont posées, que nous examinons. Tout en reconnaissant et en respectant la direction des Affaires étrangères, nous devons faire en sorte que chacun comprenne le rôle et l'objet du Centre d'opérations du gouvernement. Par exemple, dans le cas des inondations de Vancouver, nous avons immédiatement fait le lien entre les centres d'opérations provinciaux qui fonctionnaient à différents endroits de la Colombie-Britannique, pour fournir des mises à jour régulières. Le système est-il parfait? Non. Nous reste-t-il encore du travail à faire? Absolument.
Mme Bloodworth : Je suis heureuse d'entendre ce que vous venez tout juste de dire parce que je ne voudrais pas encore crier victoire en ce qui concerne le Centre d'opérations. Nous avons encore besoin d'un site permanent, mais nous avons fait des progrès énormes par rapport au point où nous en étions il y a un an. Ce n'est pas seulement le Centre d'opérations. Il y a aussi l'autre question que vous avez évoquée, les plans de poursuite des activités. L'une des responsabilités attribuées au ministère, pour laquelle nous espérons recevoir des ressources sous peu, consiste à vérifier les plans de poursuite des activités du gouvernement. Au gouvernement, nous avons toujours eu l'obligation d'élaborer ces plans, mais jusqu'ici, personne ne les a jamais vérifiés. Ce sera donc une fonction très utile.
Le sénateur Banks : À l'égard de ces deux questions et d'autres, existe-t-il un répertoire officiel et codifié de leçons apprises, auquel tout le monde peut avoir accès et dans lequel vous pourriez constamment puiser des enseignements au fur et à mesure que nous avançons? Il y aura encore d'autres leçons la prochaine fois. Existe-t-il un tel répertoire?
Mme Bloodworth : Non. Il y a différentes leçons apprises et cela fait naturellement partie du plan. Nous avons déjà parlé aux provinces de la possibilité de créer un site de leçons apprises à partager avec elles. Une partie du prix, pour y accéder, sera d'y verser ses propres leçons apprises. C'est un travail en cours. Nous sommes certainement plus avancés que nous ne l'étions il y a 18 mois, mais nous avons encore du chemin à faire dans ce domaine.
Le président : Je présente mes excuses au sénateur Atkins, mais nous avons épuisé tout notre temps. Nous avons pourtant beaucoup d'autres questions que nous aurions aimé poser à nos témoins.
Mme McLellan : Je reviendrai au comité lorsqu'il aura à s'occuper du projet de loi sur l'Agence des services frontaliers.
Le président : Nous allons donc devoir attendre.
Mme McLellan : Je devrais être de retour dans un avenir assez proche.
Le président : Madame la ministre, la prochaine fois, réservez-nous six heures.
Mme McLellan : Très volontiers, à condition que le déjeuner ou le dîner soit fourni.
Le sénateur Munson : Je précise, aux fins du compte rendu, que je n'ai jamais quitté mon poste et que j'ai gardé la chandelle pour des raisons historiques.
Le président : Au nom du comité, madame la ministre, je vous remercie de votre témoignage.
Aux membres du public qui regardent cette émission, si vous avez des questions ou des commentaires, veuillez visiter notre site Web à www.sen-sec.ca pour trouver les dépositions des témoins et le calendrier de nos audiences. Autrement, vous pouvez prendre contact avec le greffier du comité en appelant au 1-800-267-7362 afin d'obtenir plus de renseignements ou de demander de l'aide pour prendre contact avec des ministres.
La séance se poursuit à huis clos.