Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 15 - Témoignages du 1er mars 2005 - Séance du soir - Assemblée publique
VANCOUVER, le mardi 1er mars 2005
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 18 heures pour examiner la politique de sécurité nationale du Canada et en faire rapport (assemblée populaire).
Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonsoir, mesdames et messieurs. Nous sommes très heureux de nous retrouver à Vancouver. Nous avons entendu des témoins dans cette salle tout au long de la journée. Nous sommes venus de Victoria, où nous avons pu visiter la base d'Esquimalt. Nous avons eu de bonnes audiences à Vancouver et hier soir une excellente assemblée populaire, qui nous ont permis d'entendre un vaste éventail de points de vue, assez représentatifs de la collectivité, selon nous.
Avant de débuter, j'aimerais prendre quelques minutespour vous présenter les membres du comité. À ma droite immédiate se trouve l'éminent sénateur Michael Forrestall de la Nouvelle-Écosse. Il a servi la population de Dartmouthpendant 37 ans, tout d'abord en tant que député et ensuite en tant que sénateur. À la Chambre des communes, il a étéporte-parole de l'Opposition officielle pour la défense de1966 à 1976. Il est aussi membre de notre Sous-comité des anciens combattants.
À ses côtés se trouve le sénateur Michael Meighen, un avocat de l'Ontario. Membre du Barreau de l'Ontario et du Québec, il est chancelier du University of King's College et ancien président du Festival de Stratford. Il est détenteur de doctorats honorifiques de Mount Allison et de l'Université du Nouveau-Brunswick. Il préside actuellement notre Sous- comité des anciens combattants et il est membre du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce ainsi que du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans.
À ma gauche, il y a le sénateur Joseph Day, du Nouveau-Brunswick. Il est vice-président du Comité sénatorial permanent des finances nationales et de notre Sous-comité des anciens combattants. Il est membre du Barreau du Nouveau-Brunswick, de l'Ontario et du Québec et fellow du Intellectual Property Institute of Canada. Il est aussi ancien président et directeur général de la New Brunswick Forest Products Association.
À ses côtés se trouve le sénateur Tommy Banks, de l'Alberta. Il préside le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, qui a publié récemment un rapport intitulé Le défi d'une tonne. Il est bien connu des Canadiens, comme musicien et artiste de la scène polyvalent. Il a assuré la direction musicale des cérémonies des Jeux olympiques d'hiver de 1988. Il est officier de l'Ordre du Canada et lauréat d'un prix Juno.
Notre comité est le premier comité sénatorial permanent dont le mandat est d'examiner les questions de sécurité et de défense. Le Sénat a invité notre comité à se pencher sur la nécessité d'une politique de sécurité nationale. Nous avons commencé notre examen en 2002 avec trois rapports : L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense, en février, La défense de l'Amérique du Nord : Une responsabilité canadienne, en septembre, et Mise à jour sur la crise financière des Forces canadiennes : Une vue de bas en haut, en novembre.
En 2003, le comité a publié deux rapports : Le mythe de la sécurité dans les aéroports canadiens, en janvier, et Les côtes du Canada : Les plus longues frontières mal défendues au monde, en octobre.
En 2004, nous avons publié deux autres rapports : Les urgences nationales : Le Canada, fragile en première ligne, en mars, et récemment Le manuel de sécurité du Canada, édition 2005.
Le comité examine actuellement la politique de défense du Canada. Dans les mois qui viennent, il tiendra des audiences dans toutes les provinces et dialoguera avec les Canadiens pour déterminer en quoi consiste l'intérêt national pour eux, voir quelles sont à leur avis les principales menaces qui pèsent sur le Canada et savoir comment ils souhaiteraient que le gouvernement réponde à ces menaces.
Le comité essaiera de susciter un débat sur la sécurité nationale au Canada et de dégager un consensus sur ses besoins militaires.
Avant de céder la parole à notre modérateur, je tiens à préciser que nous sommes ici pour vous écouter. Nous nous déplaçons pour entendre ce que les Canadiens ont à nous dire au sujet de la manière dont ils aimeraient que soient structurées leurs forces armées et que fonctionne notre politique de défense.
Nous nous sommes efforcés de structurer la rencontre de manière à entendre le plus grand nombre de personnes possible. C'est l'occasion pour vous de nous transmettre le message que vous aimeriez que nous ramenions de Vancouver.
Je souhaite également vous présenter l'amiral à la retraite Ken Summers, qui agira comme modérateur de la soirée. Amiral Summers, je vous prierais de nous expliquer les règles du déroulement de la soirée.
Le contre-amiral (à la retraite) Ken Summers, Naval Officers Association of Vancouver Island, président : Merci, monsieur le président, et merci à tous ceux qui sont présents ici ce soir. Les règles sont simples, mais strictes. Si vous présentez un exposé, il ne doit pas dépasser trois minutes. L'horloge ici montrera combien de temps il vous reste, de sorte que vous pouvez jeter un coup d'œil à partir du microphone pour voir combien de temps vous avez encore à votre disposition. Quand la lumière rouge s'allumera, votre temps sera écoulé. Un membre du comité vous posera alors une question. Il ne prendra pas plus de 30 secondes pour poser sa question et on m'a demandé d'être aussi strict avec les sénateurs que je le serai avec vous. Vous aurez une minute et demi pour répondre à la question.
Quand vous venez au micro, le comité demande que vous vous identifiiez et que vous indiquiez quelle organisation vous représentez, s'il y a lieu.
Comme il s'agit d'une réunion parlementaire, nous avons demandé un registre exact de votre présence. En entrant, on vous a remis une fiche d'inscription. Quand vous venez au micro, vous devriez remettre cette fiche aux deux greffiers assis à côté des micros. Si vous n'avez pas eu de fiches, il y en a à l'arrière de la salle.
Enfin, la réunion est interprétée dans les deux langues officielles et vous pouvez obtenir des écouteurs au bureau d'inscription.
Le président : Merci beaucoup, amiral Summers. Nous commencerons maintenant.
Mme Lois Jackson, à titre personnel : Honorables sénateurs, Delta est une ville de la Colombie-Britannique qui compte environ 105 000 habitants. Je siège au conseil municipal de Delta depuis plus de 26 ans et j'aimerais vous dire pourquoi je pense que nous devons faire quelque chose en Colombie-Britannique. J'espère que vous pourrez nous aider.
On me demande parfois quelle est notre meilleure stratégie de défense nationale en Colombie-Britannique et je réponds que ce sont les États-Unis d'Amérique. J'ai lu vos rapports cependant. Ils sont bien, mais ils demandent une intervention importante, ils exigent des sous et ils exigent qu'on agisse rapidement. Je suis consciente que vous vous penchez sur cette question depuis longtemps et j'apprécie beaucoup la possibilité d'être ici.
À Delta, nous avons le superport Roberts Bank. Ne le confondez pas avec le port de Vancouver, qui est dans le centre-ville. Nous sommes sur la côte ici. Nous recevrons 900 000 conteneurs cette année et nous en recevrons jusqu'à 3 millions dans environ trois ans. Je n'ai pas à vous expliquer les problèmes de ce port.
Nous surveillons ce port avec notre service de police local, la police de Delta et non la GRC. En plus de notre port à Delta, nous avons le port Surrey Fraser, qui se trouve au nord et qui grossit à vue d'œil.
Nous avons une frontière avec les États-Unis au sud, à Point Roberts, ce qui pose des problèmes particuliers, y compris l'aéroport Boundary B. C'est un petit aéroport, mais il compte le plus grand nombre de décollages et d'atterrissages parmi tous les petits aéroports du Canada.
Les routes enjambent le fleuve Fraser à deux grands endroits, par un tunnel et par un immense pont suspendu. Nous avons les traversiers de B.C. Ferries, sur lesquels embarquent ou débarquent des centaines de milliers de personnes par année.
Nous avons beaucoup de sources de préoccupation ici. Le 11 septembre, j'étais maire. Nos premières lignes de défense pour tout ce qui s'est passé ce jour-là — et Delta était l'une des principales cibles au Canada — étaient notre force policière et notre service d'incendie. C'était tout. Faire venir quelqu'un d'Edmonton ou de Calgary, ce n'était pas la porte à côté. Je disais à tout le monde que tout ce que nous avions c'était la police, les pompiers et peut-être quelques-uns de nos cadets.
Si vous le pouvez, dans votre sagesse, je vous demanderais de recommander qu'une base de l'armée soit établie en Colombie-Britannique, en particulier pour les 2,5 millions de personnes qui vivent au sud du fleuve. Nous devons former et équiper la réserve pour rehausser considérablement son calibre.
La Garde côtière a besoin de beaucoup d'aide, tout comme la Garde côtière auxiliaire. Ce sont des gens très bien, mais ils ont besoin d'aide, d'argent et de formation.
Le service de police dans ma collectivité n'est pas assuré par la GRC. Ne nous faites pas cela. Dans la ville de Vancouver, ce n'est pas la GRC. Nous avons des forces policières locales ici, et malheureusement, nous ne sommes pas financés autant.
Nous nous préoccupons beaucoup de la sécurité de notre port; à mon avis, les matières dangereuses qui viennent ici ne sont pas surveillées comme elles le devraient.
Il y a beaucoup d'eau par ici. La côte est vitale. Nous devons surveiller tellement de choses. Nous espérons vraiment que vous pourrez faire cela pour nous.
Le sénateur Meighen : Il faudra non seulement l'armée, mais aussi une présence navale.
Mme Jackson : En effet. Je promets de vous envoyer un mémoire. Nous n'avons appris que récemment la tenue de cette réunion.
Le président : Je vous en prie, nous serions ravis de lire votre mémoire. Merci beaucoup.
Le lieutenant-colonel (à la retraite) Victor A. Coroy, à titre personnel : Honorables sénateurs, j'ai un résumé d'un document que j'ai remis au greffier à l'intention de votre comité.
J'aimerais exprimer une opinion au sujet de la dégradation et de l'état d'abandon continu de la structure de défense de notre pays. Nos hommes et nos femmes en uniforme sont dévoués et prêts à servir quand nous le leur demandons, au prix de leur vie. Ils sont une fierté pour le Canada.
Nous nous inquiétons vivement de l'incapacité des gouvernements successifs de financer correctement notre défense et notre sécurité. L'examen actuel de la défense doit être une politique de financement intégral, pas comme la dernière. La première responsabilité de notre gouvernement consiste à protéger la sécurité et la vie des citoyens. Nous ne sommes pas un pays pauvre. Nous ne pouvons pas continuer de lésiner sur notre sécurité. Le Canada doit redevenir un partisan visible et actif des Nations Unies, de l'OTAN et du NORAD. Le refus de participer au bouclier antimissile est une erreur attribuable à l'opportunisme politique. C'est traiter nos vies et notre sécurité à la légère et c'est un exemple de l'absence d'engagement envers la sécurité et la souveraineté de notre nation.
Nous nous réjouissons avec prudence du financement de la défense prévu dans le budget fédéral. Mais les fonds consacrés à la défense sont comme des flocons de neige à Vancouver, ils disparaissent rapidement — si vous me permettez de déformer un peu les propos de Granatstein.
En continuant de dépenser chichement, on accentue la dégradation de nos forces armées. Le financement accordé pour du personnel supplémentaire illustre la faible priorité accordée à une capacité militaire acceptable. Cela empêche aussi le Canada d'avoir des forces armées capables, au cœur d'une politique étrangère crédible.
Nos forces armées sont une force de dernier recours pour protéger notre mode de vie et contribuer à la stabilité et à la prospérité. Elles sont la pierre angulaire de notre société démocratique et de l'ordre social. Elles doivent être opérationnelles et capables de protéger nos valeurs.
Le besoin de remplacer des navires, des véhicules et des aéronefs désuets est urgent. En principe, le Canada doit planifier, équiper et mettre en œuvre les capacités requises pour réaliser des opérations militaires proportionnelles à notre richesse nationale. La marine doit disposer des navires et du personnel lui permettant d'assurer une présence maritime et sous-marine dans toutes nos eaux côtières. Notre armée de l'air doit pouvoir défendre et contrôler l'espace aérien du Canada. Ces capacités sont fondamentales pour exercer notre souveraineté.
La vive cadence opérationnelle et les effectifs militaires insuffisants ont entraîné l'épuisement de nos forces de campagne. Il est ridicule de permettre aux forces armées de se dégrader à ce point. La multitude de problèmes qui découlent de la négligence laisse croire que notre société a bien tort de vouloir envoyer des troupes au combat sans une préparation et un appui suffisants. Je demande au comité de contribuer à corriger cette situation ridicule.
Le Canada a la responsabilité d'apporter la stabilité dans les régions du monde fondamentalement instables. En même temps, nous devons protéger notre nation contre ceux qui nous veulent du mal. Nous devons prendre conscience que le coût de forces armées efficaces est le prix à payer pour faire des affaires dans le monde moderne. Nous reconnaissons la dévotion et le professionnalisme exceptionnel des Forces canadiennes. Nous devons appuyer ces hommes et ces femmes qui sont prêts à affronter l'adversité quand nous le leur demandons. Il est essentiel que nous fassions ce qui est bien et convenable et que nous ne les laissions pas tomber en étant lésinant sur les outils dont ils ont besoin pour faire leur travail. Agir autrement constitue un énorme bris de confiance.
Le sénateur Forrestall : Êtes-vous aussi enthousiaste et aussi énergiquement positif à l'égard de la force de réserve du Canada, la réserve navale terrestre et aérienne?
Le lcol Coroy : Absolument. Les déclarations que nous avons faites s'appliquent autant à notre force de réserve qu'à notre force régulière.
Le Canada a gravement négligé sa force de réserve. La réserve a perdu son empreinte dans les collectivités du pays. Nous ne voyons plus de soldats dans les rues et nous ne voyons plus nos réservistes qui servent extrêmement bien notre pays.
M. Ron Wood, à titre personnel : Honorables sénateurs, j'aimerais changer un peu l'orientation de la discussion. Au lieur de discuter de défense, je préfère parler de sécurité, en particulier des aspects qui touchent aux Jeux olympiques de 2010.
Ceux d'entre vous qui connaissent leur géographie savent que West Vancouver est une ville de 43 000 habitants, sur la rive nord. Nous accueillerons deux épreuves olympiques. La route vers Whistler coupe notre municipalité en deux. West Vancouver accueillera les épreuves de sauts de ski acrobatique et de planche à neige, deux des épreuves les plus courues au Jeux olympiques, parce que les spectateurs peuvent aller voir les athlètes s'exécuter.
Pour vous donner une idée des foules que nous prévoyons, on nous a dit que pour la plupart des 17 jours des Jeux, il faudra déplacer de 80 000 à 90 000 personnes par jour entre Vancouver et Whistler. On nous a indiqué qu'une option pour en déplacer la moitié, soit environ 40 000 personnes, consisterait à organiser un convoi de 800 autobus qui iraient à Whistler le matin et en reviendraient le soir. Je n'ai pas la moindre idée de la manière dont ils s'y prendront pour que les 40 000 autres personnes se rendent là-bas.
Dans une ville de 43 000 habitants, nous avons notre propre service de police. Les foules que nous prévoyons sont bien supérieures à la capacité de notre police locale. Nous aurons besoin d'aide pour assurer la sécurité. Nous espérons qu'elle viendra des militaires, un peu comme ce fut le cas à Salt Lake City.
Je vous remercie de prendre ces observations en considération et je vous rappelle que les Jeux olympiques auront lieu dans un peu moins de cinq ans. C'est un grave problème pour West Vancouver. Il me reste une minute, mais si vous avez des questions, je serai heureux de tenter d'y répondre.
Le sénateur Day : Merci pour ces observations, monsieur le maire. Pouvez-vous nous dire quel type de planification d'urgence s'effectue actuellement? Nous sommes tous très excités à l'idée que les Jeux olympiques se tiennent ici. Ceux d'entre nous qui viennent de l'Est sentent qu'ils font partie de cette entreprise eux aussi. Nous avons vu aux nouvelles hier soir le reportage dans lequel de vos concitoyens se plaignaient des explosions qui se font le soir pour réparer les routes. Il y a des douleurs de croissance ici, mais pouvez-vous nous indiquer quel type de planification de la sécurité est en cours? Votre service de police local est-il en contact avec les forces armées, la GRC et d'autres forces de sécurité?
M. Wood : Je vous répondrais si je le pouvais, mais franchement, je ne sais pas. Il y a eu une certaine participation du personnel au niveau local, mais je n'ai aucune idée de ce qui en découlera ici. Cela ne nous a pas été dit. En tant que maire, je préside également le West Vancouver Police Board, et nous n'avons pas d'information précise sur la manière dont ils s'attaqueront aux problèmes de sécurité. C'est un vrai souci.
Le sénateur Day : Aucune planification ne se fait actuellement?
M. Wood : Il doit bien y en avoir quelque part, mais je ne saurais vous dire en quoi elle consiste et ce qu'elle englobe.
Le sénateur Day : Votre service de police local n'est pas au courant?
M. Wood : Ils rencontrent la GRC, au niveau local. J'ai oublié les chiffres de Salt Lake City, mais je crois qu'ils avaient 100 000 gardes nationaux. Nous en aurons besoin d'autant, parce que des milliers et des milliers de personnes viendront dans notre ville.
M. Jim Bell, à titre personnel : Honorables sénateurs, je suis un officier à la retraite qui compte 40 ans de service dans les forces armées. J'ai passé pas mal de temps à Dartmouth, alors j'ai suivi la carrière politique du sénateur Forrestall avec un certain intérêt.
Je vous remercie de me donner la possibilité d'exprimer ce soir mes préoccupations concernant l'état de la politique de défense canadienne et l'état des Forces canadiennes. La situation actuelle des Forces canadiennes reflète leur rôle durant la guerre froide plutôt qu'une réponse planifiée et pratique aux besoins actuels.
Les deux principaux facteurs qui exigent une modification de la planification de la défense sont l'effondrement de l'Union soviétique et l'attaque terroriste du 11 septembre. À cause de la diminution de la menace de l'Union soviétique et de l'absence d'autre menace militaire de grande envergure sur les intérêts canadiens, on n'a plus besoin de forces armées imposantes, disposant d'une importante base de recrutement.
Dans un avenir qui n'est pas encore prévisible, le besoin d'une force permanente disposant d'une grande base de recrutement pourrait resurgir. La hausse spectaculaire du terrorisme a créé de nouvelles exigences pour des pays souverains comme le Canada. Les organisations en cause ne sont pas rationnelles et elles opèrent partout où elles pensent pouvoir poursuivre leur cause. La diplomatie n'est pas envisageable pour régler ce genre de différends.
Le nouveau type de menace a créé un besoin pour des forces armées possédant les capacités suivantes : intervention rapide, déploiement rapide, souplesse, formation poussée, équipement de haute technologie et capacité d'intervenir avec d'autres forces dans toutes les régions du monde. Je considère que la politique étrangère et la politique de défense du Canada ne tiennent pas encore compte de ces changements spectaculaires.
Le gouvernement doit affirmer clairement où se situent les intérêts canadiens dans les réalités du nouveau monde et répondre à cette exigence par un examen de la politique de défense canadienne. Je recommanderais de considérer les tâches de défense en ordre de priorité : premièrement, la défense de la souveraineté canadienne, y compris en mettant l'accent sur le terrorisme au pays et à l'étranger; deuxièmement, la défense de l'Amérique du Nord en collaboration avec les États-Unis; troisièmement, la participation aux tâches des Nations Unies; quatrièmement, la participation à des alliances comme l'OTAN; et cinquièmement, l'aide au pouvoir civil.
Mes hypothèses seraient les suivantes : la politique de défense canadienne doit appuyer la politique étrangère canadienne. Les Forces canadiennes doivent être structurées de la manière la plus efficace possible par rapport aux coûts pour effectuer les tâches que leur confie le gouvernement. Les Forces canadiennes resteront un outil important pour le maintien de la souveraineté canadienne. Elles devront appuyer les objectifs de la politique étrangère canadienne, y compris le maintien de la paix, la lutte contre le terrorisme et la participation aux engagements des Nations Unies et d'autres alliances et à l'aide humanitaire dans le monde entier.
Mes recommandations comprendraient la rédaction d'un nouveau Livre blanc; la modification de la structure actuelle des Forces en s'inspirant du modèle du corps de la marine américain; le regroupement des trois groupes d'officiers supérieurs et sous-officiers et de l'infrastructure en un seul groupe et une seule infrastructure, qui appuieraient des effectifs de 50 000 à 60 000 membres du personnel comme ceux que nous avons actuellement; et une refonte de la force de réserve pour qu'elle délaisse son rôle traditionnel de base pour l'expansion de la force régulière et devienne des unités utilisables et axées sur des tâches comme le transport, la police militaire, l'assistance médicale, le génie construction et le transport aérien.
Le sénateur Banks : Monsieur Bell, je pense que vous êtes la première personne qui nous dit que nous devrions maintenir les effectifs des Forces canadiennes à environ leur niveau actuel, au lieu de les augmenter. Notre comité a été prié de les augmenter considérablement.
L'essentiel de vos propos porte sur la spécialisation, contre laquelle nous avons entendu de nombreux arguments. Dans le temps qui vous reste, j'aimerais que vous nous expliquiez davantage la structure inspirée du corps de la marine américain, que vous proposez.
M. Bell : Les membres du corps de la marine américain pilotent des avions, attaquent des hélicoptères, s'occupent du transport et de toutes sortes de choses. Ils naviguent sur des bateaux. Ils peuvent intervenir rapidement n'importe où dans le monde et c'est exactement ce dont nous avons besoin.
Le sénateur Banks : Pensez-vous que la force terrestre du Canada devrait en réalité faire partie de la marine du Canada?
M. Bell : Non, je ne dis pas que la marine devrait chapeauter le tout. Un général du corps de la marine pourrait venir de l'armée de terre, de la marine ou de l'armée de l'air, cela importe peu.
Le sénateur Banks : Le corps de la marine fait partie de la marine américaine.
M. Bell : Je ne pense pas que le commandant des « marines » vous dirait cela.
Le sénateur Banks : Merci beaucoup.
M. Bell : Ils travaillent certainement sur des navires et relèvent de la marine, qui les transporte.
M. David Hawkins, à titre personnel : Honorables sénateurs, je suis économiste judiciaire spécialisé dans la fusion de données pour C4ISR, tout au moins pour l'industrie pétrolière. Comme vous le savez peut-être C4ISR est un acronyme où « C4 » désigne command (commandement), control (contrôle), computers (ordinateurs) et communications; « I » intelligence (renseignement); « S » surveillance, et « R » reconnaissance.
À titre d'économiste judiciaire, je m'intéresse surtout à la stratégie d'approvisionnement utilisée par le gouvernement canadien pour acquérir de la technologie militaire à l'intention des Forces canadiennes. La stratégie semble émaner de groupes du Bureau du Conseil privé et a été confiée à une société d'approvisionnement appelée Lansdowne Technologies, qui, jusqu'en décembre 2003, était une filiale de Canadian Steamship Lines.
Si vous visitez le site Internet de Lansdowne Technologies, vous verrez que cette société offre trois produits très intéressants dans le domaine de la défense et de la sécurité : premièrement, des communautés de pratiques en technologies perturbatrices; deuxièmement, des groupes d'armes spéciales et tactiques; et troisièmement, des centres de planification réseaucentriques.
Ma recherche sur cette activité d'approvisionnement semble indiquer qu'elle est très vulnérable à une pénétration par des forces hostiles. Afin de mettre en place une bonne stratégie de défense et de sécurité au Canada, il faut certainement demander l'opinion des citoyens, mais de manière plus réaliste, il faudrait essayer de définir le profil de l'ennemi et des armes dont il dispose ainsi que de la manière dont elles sont déployées avant de pouvoir mettre en place une stratégie de défense pertinente.
J'aimerais ajouter, dans le temps limité qu'il me reste, que nos ennemis collectifs ont commencé à s'organiser pour pénétrer les États-Unis et le Canada vers la fin des années 80. La planification s'est effectuée à Genève par deux personnes, Barzan Ibrahim Hasan al-Tikriti, ancien chef des services secrets iraquiens et demi-frère de Saddam Hussein, qui disposait de toute évidence de sommes importantes tirées de la vente du pétrole iraquien; et un certain Yeslam ben Laden, demi-frère d'Oussama ben Laden.
Les factures françaises et espagnoles indiquent que ces personnes ont acheté de la technologie des trois principaux fournisseurs d'armements français — Thomson-CSF, maintenant appelé Thales; Dassault; et EADS. Si je suis la technologie dans ces sociétés, je trouve qu'ils ont acheté des systèmes de communication haute fréquence à propagation indirecte pour le Canada chez Thales; des réseaux privés virtuels pour les forces armées chez Nortel Networks — qui, comme vous le savez fait l'objet d'une enquête criminelle; et des centres de planification chez MacDonald Dettwiler and Associates, de Richmond, en Colombie-Britannique. Je crois que ces sociétés ont été infiltrées par vos ennemis.
Le sénateur Meighen : Je suppose que nos ennemis sont les vôtres?
M. Hawkins : Vous avez probablement deviné à mon accent que je suis britannique. Je suis résident permanent du Canada. J'adore vivre ici. Jusqu'à récemment, j'aurais juré que le Canada et le Royaume-Uni étaient des alliés.
Le sénateur Meighen : Je ne pense pas avoir assez de temps pour trouver ce qui nous a séparés, dans votre esprit.
M. Hawkins : Lisez les journaux.
Le sénateur Meighen : Je suppose que vous n'êtes pas la seule personne à savoir ce que vous nous dites.
M. Hawkins : Je suis le fondateur d'une association appelée The Citizen's Association of Forensic Economists. J'inonde le sénateur Kenny de courriels qu'il trouve probablement — s'il les reçoit — très alarmistes. J'ai un réseau de citoyens que je rencontre périodiquement et je les ai alertés de ce qui, je pense, est arrivé le 11 septembre. Je peux vous fournir cette information à partir de mon site Internet ou en personne.
Le sénateur Meighen : Voulez-vous nous démontrer ce soir que la pénétration qui a été achevée, à votre avis, l'a été très facilement ou voulez-vous faire valoir que cette question nécessite une attention immédiate?
M. Hawkins : Je pense qu'elle nécessite une attention immédiate. Je ne sais pas jusqu'à quel point cela a été facile, mais je crois que la corruption — si je peux employer ce terme — a commencé en 1990 quand le Conseil du Trésor du Canada a lancé la diversification des modes de prestation des services, qui a privatisé des fonctions de défense clés, notamment vers 1996-1997, la privatisation de la guerre électronique et du renseignement électronique à une entreprise d'Ottawa appelée Parisien Research Corporation, qui offre des services en anglais et en arabe sur son site Internet. Je trouve cela absolument incroyable.
Le sénateur Meighen : Merci. Je pense avoir vous compris.
Mme Eleanor Hadley, à titre personnel : Honorables sénateurs, je vis dans un quartier à l'ouest de Vancouver.
J'ai parlé contre le programme nucléaire américain en 2001 au Morris J. Wosk Centre for Dialogue, lors d'un colloque organisé par Lloyd Axworthy qui réunissait un groupe d'invités très importants des quatre coins de la planète. Je me suis exprimée contre la défense nucléaire à ce moment-là et je le fais encore aujourd'hui.
Je suis ici à titre de Canadienne en colère parce que j'ai entendu le sénateur Kenny dire dimanche à la radio que les Canadiens sont stupides de ne pas accepter le programme antimissiles que les Américains nous offrent gratuitement. Je suis en colère. Je n'ai jamais entendu quelque chose d'aussi déshonorant de la bouche d'un sénateur. Évidemment, vous n'êtes pas élu. Vous avez été impoli envers les Canadiens quand vous avez fait cette déclaration. Je vous demande : qui vous a nommé?
Je vote au Canada depuis de nombreuses années et je suis également une activiste préoccupée par le Canada. Je ne fais partie d'aucune organisation. Je suis fière d'être Canadienne.Je ne suis pas membre de ceci ou de cela. Je ne représente quemoi-même et les nombreux Canadiens de toutes les régions du pays qui se plaignent de beaucoup de choses que fait le gouvernement.
Que vous, sénateurs, veniez ici nous demander ce qu'il faut faire au sujet de l'état scandaleux de notre défense militaire, et que vous, sénateur Kenny, nous disiez que nous sommes stupides de ne pas accepter l'offre gratuite des Américains, cela me dérange beaucoup.
Je n'ai rien de planifié. Je ne savais pas que vous étiez en ville. Je ne savais pas que votre comité permanent était ici. Je vous rappelle, sénateurs, que vous êtes tous responsables de la situation au Canada. Vous avez le dernier mot — presque l'avant-dernier mot — avant de l'envoyer au Parlement.
Pourquoi avez-vous permis à la situation militaire de devenir si honteuse que nous ne pouvons même pas nous défendre? On nous dit que nous devrions remercier le ciel que les États-Unis soient notre voisin. Vous feriez bien de lire l'histoire. Les États-Unis ont des visées sur le Canada depuis bien avant 1867.
Le sénateur Forrestall : J'ai une brève observation et une question. Je ne suis même pas certain d'avoir entendu la même émission que vous, mais nous l'avons comprise assez différemment. Je ne pense pas que le sénateur Kenny ait qualifié les Canadiens de stupides. Depuis toutes ces années où je le connais, il n'a jamais qualifié quelqu'un de stupide. Il a fait allusion à des idées qui n'étaient peut-être pas des plus logiques ou raisonnables, mais je ne l'ai jamais entendu attaquer qui que ce soit.
Je tiens à vous répondre que j'admire la détermination avec laquelle vous exprimez votre point de vue concernant la défense antimissiles et je souhaite simplement vous poser cette question. Vous affirmez que vous ne représentez personne. Faites-vous partie d'un mouvement, ici à Vancouver, qui s'oppose au bouclier antimissiles?
Mme Hadley : Je vous ai dit que je représente les Canadiens. Je ne fais partie d'aucune organisation. J'appuie les autres en assistant à leurs réunions et en leur parlant si je suis d'accord avec eux ou j'assiste à des réunions et j'exprime mon désaccord. C'est mon privilège en tant que Canadienne sans étiquette.
Le sénateur Forrestall : En ce qui concerne le fait d'être élu, j'ai été élu huit fois, alors je sais ce que cela veut dire d'être une personne élue.
Mme Hadley : C'est bien. J'ai été candidate et j'ai perdu à maintes reprises, mais il n'y a aucune honte à cela. Il est un peu honteux de remporter une élection et de ne pas faire ce qu'il y a de mieux pour le Canada.
M. David Scandrett, à titre personnel : Honorables sénateurs, je suis ici à titre personnel et je ne représente aucun groupe. Comme l'a déclaré un jour M. Dalton Camp, éminent citoyen du Nouveau-Brunswick, ce n'est pas le nom qui compte, mais le fait que le nom est bien épelé.
Pour aller droit au but, je dirai d'abord que nous nous tournons constamment vers l'Europe pour trouver des références historiques. Mais dans notre pays, la nation huronne a été anéantie pour deux raisons : la maladie et l'écrasante technologie du XVIIe siècle. Il y a peut-être un parallèle à établir.
Le premier devoir du gouvernement du Canada consiste à protéger les citoyens du Canada. Par exemple, je crains au plus haut point la réduction du financement accordé par Santé Canada à la recherche sur les maladies infectieuses, car cela constitue de loin la plus grande menace pour le Canada. Une pandémie mondiale démolirait à toute vitesse les plans d'endiguement et prendrait des proportions qui rendraient le SRAS minuscule en comparaison.
La recherche médicale rapportera un jour ou l'autre et elle apportera des retombées bénéfiques pour la défense sur le front de la guerre biologique nucléaire et chimique. Le signal d'alarme a déjà retenti. Nous devons en tenir compte. Les décisions récentes de l'Organisation mondiale de la santé renforcent la gestion des risques. Les Canadiens sont devenus très opposés au risque dans un monde où les risques abondent.
Nous devons être prêts à verser le sang. On a de grandes sueurs froides en temps de paix et on verse un peu de sang en temps de guerre. Cela dit, nous devons réactiver la capacité de recherche de notre centre médical de la défense nationale pour qu'il puisse s'occuper des blessés. L'équipe d'intervention en cas de catastrophe doit être financée correctement. L'une des raisons pour lesquelles nous ne déployons pas cette équipe est le fait que les FC sont en faillite, qu'elles sont surexploitées et ne possèdent pas d'avions pour les transporter et les appuyer. Pourquoi l'équipe DART n'est-elle pas utilisée, par exemple, pour aider les Premières nations des régions isolées?
Nous investissons promptement dans nos forces et dans des efforts à l'étranger mais il reste des miettes pour chez nous. Dans les années 50 et 60, nous avons construit des centres d'alerte provinciaux et une installation nationale à Carp. Essentiellement, ce que je veux faire valoir c'est qu'il faut examiner la continuité du gouvernement aux niveaux provincial et fédéral. À mon avis, il ne reste aucune installation dans ce pays capable d'héberger un gouvernement en temps de guerre ou de crise.
La prochaine guerre ne se livrera pas nécessairement au Canada, mais les tendances météorologiques et les vents dominants dicteront notre réaction.
Ma dernière observation est une réalité cynique. Les sondages révèlent que les Canadiens veulent une amélioration des soins de santé et de l'éducation, alors si rien n'est fait pour corriger la situation que je viens de décrire, par manque de volonté politique de la part du gouvernement of Canada, ce sera un exemple classique de trop peu trop tard.
Le sénateur Day : Êtes-vous d'accord avec l'opinion, exprimée par un bon nombre de personnes que nous avons entendues dans des réunions comme celle-ci, que nous devrions nous concentrer sur la sécurité nationale? Vous avez déclaré que le Canada dépense beaucoup pour le corps expéditionnaire, en envoyant le DART au Sri Lanka et nos forces armées en Afghanistan. Préféreriez-vous que la future politique du Canada affecte la plus grande partie de nos efforts aux activités de sécurité nationale?
M. Scandrett : Il me faudrait environ une heure pour répondre, mais en résumé, oui. Nous devons trouver un équilibre. Nous luttons dans un environnement asymétrique et nous devons avoir une force de réserve capable. Elle ne l'est pas actuellement. Ils ne peuvent pas déployer un peloton d'infanterie prêt au combat en 72 heures. Aucune unité de la milice au Canada ne peut le faire. Je serais prêt à parier avec vous.
Le sénateur Banks : Vous perdriez.
M. Scandrett : Non, je ne le pense pas, sénateur.
Le sénateur Day : Vous et moi pourrons en discuter. Vous entendrez les Seaforth Highlanders un peu plus tard ce soir.
M. Scandrett : Je ne veux pas m'en prendre à eux. Je n'ai même pas évoqué la marine.
M. Tom Payne, à titre personnel : Honorables sénateurs, je suis ici à titre personnel. J'ai vu l'avis pour le comité et je suis venu passer un après-midi intéressant. J'ai quelques idées à exprimer.
Politiquement, nous sommes dans un environnement où les exigences militaires diffèrent grandement de ce pour quoi nos forces sont configurées actuellement. Nous revenons au XIXe siècle, à l'époque où les anarchistes lançaient des bombes. Comment une force armée très organisée répond-elle à cela? J'ai quelques idées toutes simples. Nous avons besoin de compétences élevées et de professionnels de calibre. Il vaut mieux exceller dans un petit nombre de domaines spécialisés que de chercher à plaire à tout le monde.
De nombreux témoins ont affirmé aujourd'hui que nous devons tout financer et aller partout. Nous n'en avons pas les moyens. Je suis désolé, mais le gouvernement a d'autres priorités et d'autres problèmes. Investir dans tout n'est pas la solution. La solution, c'est la spécialisation.
Réparons d'abord ce que nous avons. Nous avons du matériel qui pourrait être réparé et utilisé. Réparons-le et servons-nous en. S'il est impossible de le réparer, débarrassons-nous en.
Mettons l'accent sur le soutien militaire du pouvoir et des infrastructures civils. En ce qui concerne le problème soulevé par le maire, les policiers et les pompiers locaux sont ceux qui nettoient les déversements de matières dangereuses d'un conteneur.
En ce qui concerne la visibilité et l'efficacité, nous devons utiliser les personnes efficaces que nous avons et les militaires devraient être des fonctionnaires. La force spécialisée qui est allée en Afghanistan s'est bien comportée; elle a fait son travail, puis est partie.
Le Canada est un pays entouré d'eau. L'amiral Thomas a demandé pourquoi nous ne pourrions pas regrouper la Garde côtière et la marine. Je suis d'accord. Nous avons trop de bureaucraties dans ce pays. Les Gallois ont un chœur, les Allemands ont une armée et les Canadiens créent une bureaucratie. Éliminez l'administration inutile. Mettez fin au conflit entre le ministère et les services, éliminez le plus possible les doubles emplois et ramenez tout à un bon gouvernement et une bonne politique où de bonnes forces relèvent de ces facteurs politiques, comme ils le devraient. Il ne devrait pas y avoir un énorme ministère comptant 20 000 personnes. Il faudrait un groupe de 150 personnes. Il y a trop de services distincts qui trébuchent les uns sur les autres, sans coordination détaillée. Il y a moyen de faire mieux. Délaissez la projection de la défense éloignée et concentrez-vous sur la défense locale, la défense de proximité, les côtes et les renseignements électromagnétiques, et assurez-vous que cela fonctionne bien.
Le sénateur Banks : Je tiens à faire remarquer que M. Payne et moi-même sommes des connaissances de longue date. Ma question ne sera pas impolie.
Monsieur Payne, en ce qui concerne votre dernière observation, ne pouvez-vous pas imaginer des incidents reliés à une guerre auxquels il vaudrait mieux réagir un peu plus loin de nos côtes? Dans ce cas, et si nous optons pour la spécialisation que vous préconisez — un peu comme le faisait M. Bell un peu plus tôt — quel aspect ou fonction des Forces canadiennes abandonneriez-vous?
M. Payne : Je pense que nous ne pouvons plus choisir le champ de bataille. Si nous sommes dans un environnement terroriste, les terroristes viennent à nous et nous prennent par surprise.
Que peut-on espérer de mieux pour empêcher quelque chose à l'étranger? Le renseignement de sécurité, les signaux, les communications, les courriels et l'information. Avec de l'information, nous savons que quelque chose se prépare et nous pouvons nous demander comment nous réagirons lorsque le problème arrivera sur nos côtes.
Le sénateur Banks : Dans le cas de Kandahar, par exemple, c'est une question de savoir où les terroristes sont formés et de déraciner et détruire cette menace, n'est-ce pas?
M. Payne : Plus nous effectuons du travail spécialisé, mieux c'est, mais spécialisons-nous dans notre travail. Si nous sommes efficaces, alors nos voisins du sud et nos amis d'outre-mer se diront que nous sommes compétents dans un domaine et que nous sommes les meilleurs au monde. Ils feront appel à nos compétences.
Le sénateur Banks : Quel est ce domaine?
M. Payne : Les signaux, le renseignement, des forces spécialisées comme celles qui sont allées en Afghanistan et qui peuvent affronter une cellule terroriste quelque part. On envoie 1 000 personnes et on les ramène. On leur donne le matériel dont ils ont besoin, quel que soit le matériel, qu'ils décident par eux-mêmes. Ils sauront de quel matériel ils ont besoin et obtiendront le matériel courant. Au lieu de jeeps ISTIS, ils seraient peut-être mieux servis avec un 4x4 Ford d'une tonne blindé.
M. P. J. Appleton, à titre personnel : Honorables sénateurs, je suis un ancien réserviste mais je suis aussi politicien. Je suis membre du Parti conservateur et président d'une association de développement économique à New Westminster- Coquitlam. À ce titre, je présenterai un énoncé de politique au congrès le 17 mars et j'aimerais faire quelques brèves observations. Ce n'est pas une doctrine; il s'agit davantage d'un discours général sur ce qui devrait être l'orientation d'une politique de défense crédible qui reconnaît la portée, le rôle, les fonctions et les responsabilités des forces armées.
Cette politique inclut la défense de notre territoire national et des eaux limitrophes, la capacité d'intervention en cas de catastrophe, l'aide aux autorités civiles, les contributions à la sécurité collective, et la conduite de missions à l'étranger à l'appui de la politique étrangère de notre pays par la participation à des missions de maintien et de rétablissement de la paix. Cela veut dire aussi pouvoir surveiller et contrôler notre espace aérien, nos terres et nos eaux de concert avec la Garde côtière canadienne, les pêcheurs et les navires de la GRC ainsi que d'autres autorités civiles; offrir à nos citoyens un programme élargi de recherche-sauvetage qui peut être déployé dans toutes les provinces et territoires; s'assurer que les forces armées ont une capacité de combat crédible pour faire face à toute menace contre notre pays, qu'elle provienne d'attaques terroristes ou de puissances étrangères; et structurer correctement les forces armées pour qu'elles soient viables et assez souples pour appuyer nos obligations en matière de défense envers nos alliés, l'OTAN et le NORAD en vertu des traités.
Afin d'atteindre ces objectifs, le Canada doit pouvoir appuyer ses militaires en ramenant la structure organisationnelle, les effectifs et le matériel des forces armées à des niveaux qui correspondent à un minimum de 2,1 p. 100 du PIB, ce qui est essentiel pour nous assurer que nos forces armées peuvent réussir à protéger et servir notre nation. Notre position actuelle est juste au-dessus du Grand Duché du Luxembourg; un bien beau pays, mais qui ne compte que 900 personnes dans son armée.
Le sénateur Meighen : Monsieur Appleton, vous êtes meilleur en mathématique que moi, j'en suis convaincu. Un taux de 2,1 p. 100 du PIB représenterait quelle somme? D'où vient ce chiffre de 2,1 p. 100?
M. Appleton : Le taux de 2,1 p. 100 du PIB est la moyenne des dépenses de tous les pays de l'OTAN. En dollars, je ne sais pas combien cela fait. Je pense que c'est alentour de 18 milliards de dollars.
Le président : C'est 26 milliards de dollars.
M. Appleton : Merci, monsieur le président.
Le sénateur Meighen : Vous faites de la politique.
M. Appleton : Je plaide coupable.
Le sénateur Meighen : Vous connaissez bien la difficulté et l'importance de convaincre le public de vos opinions, je suppose?
M. Appleton : Absolument.
Le sénateur Meighen : Comment expliquez-vous que, malgré les efforts exceptionnels de nos forces armées en Afghanistan, en Bosnie, dans le Golfe, et les malheureuses pertes de vie de certains de nos soldats, d'après les sondages d'opinion, l'appui n'est pas très grand pour des politiques telles que celles que vous préconisez et qu'il n'a pas beaucoup augmenté dans la population canadienne? Est-ce par manque de leadership de la part de nos dirigeants politiques ou pour une autre raison?
M. Appleton : Il y a deux raisons. Il y a un manque de leadership politique de la part d'un certain parti. Il y a aussi un manque d'information dans la population en général. La plupart des Canadiens ne sont jamais sortis de leur pays et ne connaissent pas les réalités politiques du monde d'aujourd'hui.
Une voix : Parlez pour vous-même.
M. Appleton : C'est ce que je faisais, je pense.
Le président : C'est le but de la soirée, madame.
Merci beaucoup, monsieur.
M. Michael C. Hansen, à titre personnel : Je vis dans le quartier East Side dans le centre-ville. Avant, je vivais à Delta. De fait, j'ai été candidat à la mairie, contre le maire Lois Jackson et nous savons tous comment cela s'est terminé. Étrangement, je suis déménagé d'un endroit idyllique comme Tsawwassen pour venir m'installer dans le East Side. Je fais des recherches dans ce quartier.
La sécurité nationale, cela veut dire simplement assurer la sécurité de la nation. Si nous avons une frontière qui est percée à tout moment par des armes et de la drogue, ce qui déstabilise et terrorise nos quartiers, nous ne sommes pas souverains. La souveraineté, cela veut dire contrôler nos frontières. D'autres pays luttent pour leur souveraineté actuellement. Nous pouvons éprouver de la sympathie pour ces pays, mais aujourd'hui, je crois que notre responsabilité, c'est le Canada. Notre défense nationale doit se concentrer sur le Canada et sur la sécurité de nos frontières.
Je suis venu m'installer dans le East Side pour faire de la recherche. Je vois les dommages causés par la drogue que font entrer en contrebande ceux que j'appelle des « terroristes » parce qu'ils apportent leurs instruments de terreur dans mon pays souverain, des armes et de la drogue qui terrorisent nos quartiers. On ne lutte pas assez contre ce problème qui sévit depuis de nombreuses années.
J'ai vécu à North Vancouver quand j'avais 15 ans et j'avais l'habitude d'aller au magasin du surplus de l'armée au centre-ville de Vancouver pour acheter des agrès de pêche. Je voyais les problèmes. Ils n'étaient pas aussi évidents que de nos jours, mais ils existaient déjà. J'ai 50 ans. Ce n'est pas si loin en arrière.
Neil Young a écrit il y a 34 ans une chanson qui disait : « J'ai vu l'aiguille et ses ravages ». Des ravages sont causés par la porosité de nos frontières. Il n'y a pas de compassion pour ceux qui souffrent des lacunes de notre sécurité. Nous envoyons des soldats dans d'autres pays pour les aider à devenir plus sûrs, mais nous n'assurons pas d'abord la sécurité de notre pays; c'est absurde. Pour une raison que je ne connais pas, nous aidons des nations à attaquer des nations souveraines. Je donnerai l'exemple de l'Afghanistan. Avant le 11 septembre, il n'y avait presque pas d'opium exporté de l'Afghanistan. L'Afghanistan produit actuellement 75 p. 100 de l'opium mondial. Il y a 36 ans, le gouvernement américain a jugé que la Colombie posait problème; je pense que de 20 à 30 tonnes de cocaïne entraient aux États-Unis à ce moment-là. La demande américaine de cocaïne est maintenant de 352 tonnes métriques. Le contrôle semble problématique; ils ne semblent pas contrôler la drogue dans ce pays, alors comment peuvent-ils nous aider? Commentpouvons-nous nous tourner vers eux pour obtenir de l'aide? Ils sont en guerre depuis 50 ans et je ne pense pas qu'ils en aient jamais gagné une.
Le sénateur Forrestall : Je ne sais pas grand-chose de l'importation de drogue au Canada et de l'influence du Canada à l'étranger en ce qui concerne la culture et la distribution.
Je suis intrigué par l'idée, que je crois exacte, que notre souveraineté nous est volée lorsque nous permettons à quelqu'un ayant de mauvaises intentions d'entrer au pays; nous devons être vigilants et toujours en alerte à ce sujet.
Pouvez-vous faire quelques suggestions sur l'utilisation de la réserve?
M. Hansen : On a vu des Snowbirds se poursuivre à 400 ou 500 milles à l'heure simplement pour voir jusqu'où ils pourraient s'approcher s'ils se retrouvaient dans un combat rapproché.Si les Snowbirds utilisaient ce carburant pour voler au-dessus du 49e parallèle et surveiller les activités illégales avec leur matériel de haute technologie, ils pourraient en informer quelqu'un et nous aider au lieu de s'amuser dans des spectacles aériens privés.
Des membres de l'équipe DART, Dieu les bénisse, sont allés en Asie après le tsunami pour apporter de l'aide quand quelque 200 000 personnes ont perdu la vie à cause de cette catastrophe. En Afrique, 200 000 personnes meurent tous les jours, mais personne ne va en Afrique centrale, ce n'est pas une région dont on se soucie. Ce n'est qu'un exemple. Nous nous éparpillons trop.
C'est ce qui est arrivé avant le 11 septembre. Le gouvernement américain s'est beaucoup trop éparpillé et il a lancé des opérations dans toutes les régions du monde, mais la porte arrière est restée grande ouverte. Le NORAD n'a même pas pu dire que les avions détournés volaient dans des directions opposées à leur trajectoire prévue, vers des centres stratégiques, mais ce Noël-ci, ils savaient exactement où se trouvait le Père Noël et ils encourageaient les enfants à aller sur le site Internet du NORAD afin de suivre le Père Noël. Dieu les bénisse d'avoir trouvé le Père Noël, mais ils n'ont certainement pas fait du bon travail le 11 septembre.
Mme Shelley Alana Tomlinson, à titre personnel : Honorables sénateurs, je témoigne à titre personnel. Je suis née et j'ai grandi au Canada. J'ai participé au programme Katimavik, j'ai voyagé dans le pays et je suis fière d'être Canadienne. Malheureusement, je ne suis pas fière des Forces armées canadiennes. Nous avons besoin de matériel.
La semaine dernière, j'ai lu que nous n'avons pas assez de bottes pour les nouvelles recrues. Mon père, qui est Américain, m'a dit en rigolant que si j'entrais un jour dans les Forces armées canadiennes, il me ferait cadeau d'une paire de bottes après mon entraînement de base.
Il y a quelques années, j'ai visité la base des Forces canadiennes d'Esquimalt. J'ai visité une frégate et un destroyer. J'ai téléphoné à mon demi-frère, un ancien « marine » américain et je lui ai raconté que je venais de visiter une frégate. Il m'a dit : « Qu'est-ce que c'est une frégate? » C'est vous dire à quel point notre matériel est vieux. Il ne savait pas ce qu'était une frégate. Nous avons du matériel vieux de 30 ans. Nous n'avions pas assez de bottes. Nous n'avons pas assez de matériel pour les soldats.
J'ai lu récemment que si nous ne voulons pas faire de mal à nos soldats, nous devrions envoyer des scouts. Actuellement, nous envoyons des scouts. Je pense que nous devons envoyer des soldats et les appuyer. C'est tout ce que j'ai à dire.
Le sénateur Day : Je suis un partisan et un grand admirateur de Katimavik. Je suis content de vous rencontrer. Savez-vous que, pendant une partie du programme Katimavik, vous pouvez choisir l'option militaire?
Mme Tomlinson : Quand j'ai participé à Katimavik, ce la ne faisait pas partie du programme. C'était avant mon temps.
Le sénateur Day : Avez-vous parlé à quelqu'un de cette expérience? Vos collègues pensaient-ils que c'était une option souhaitable? Si cette option avait existé, aurait-elle permis aux jeunes de mieux comprendre et mieux apprécier les Forces armées canadiennes et ce qu'elles font?
Mme Tomlinson : Les gens à qui j'ai parlé qui étaient là dans les années 70 ont dit qu'ils appréciaient davantage le mode de vie militaire et les sacrifices que doivent faire les soldats.
M. George Pereira, à titre personnel : Honorables sénateurs, je témoigne à titre personnel. Je représente ma femme, mes deux filles et moi-même.
Quand j'étais enfant, j'ai vu des images très impressionnantes à la télévision. Je me rappelle très bien de ces images où l'on voyait l'Avro Arrow en vol. Cela m'avait rendu très fier d'être Canadien. Je suis toujours fier d'être Canadien aujourd'hui, mais je suis moins fier de ce qui est arrivé de nos forces armées.
Si l'on devait créer un pays aujourd'hui, la première chose qu'on voudrait faire c'est assurer sa sécurité. Que restera- t-il si l'on n'y parvient pas? Il n'y aura plus de pays. Nous avons trois côtes dont il faut assurer la sécurité, ce que nous ne faisons pas.
Une fois que la sécurité des côtes est assurée, alors on peut aider la population à se sentir mieux en investissant dans la santé. Puis, quand tout le monde est en santé, on peut les éduquer. Ce sont les trois grandes priorités du gouvernement. Mais la défense doit venir en premier, pas parce qu'on est une nation belliqueuse, parce que le Canada ne l'a jamais été, et je ne crois pas non plus qu'il devrait l'être.
Le Canada devrait avoir des forces armées dont le principal objectif consisterait à protéger nos trois côtes et notre frontière méridionale. Le PIB du Canada pourrait appuyer une force militaire d'environ 180 000 soldats, et à l'heure actuelle, il y a en a un peu plus de 50 000, si je ne m'abuse. Nos effectifs actuels ne réussiraient pas à remplir la BC Place, encore moins à protéger la ville de Toronto. Comment pourront-ils protéger notre pays? Vu sous cet angle, il y a un vide énorme.
Un objectif secondaire de la défense devrait être le maintien de la paix. C'est une chose noble qu'a faite le Canada et il devrait continuer à participer à ces activités. Quand deux personnes se battent avec des fusils, on ne donne pas des couteaux à des tiers en leur disant d'aller mettre fin à la bagarre. Cela ne fonctionne pas. Il nous faut des forces armées qui fonctionnent pleinement. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais il faut commencer quelque part.
Mon opinion personnelle est que le Canada est à un tournant décisif. Ou bien nous cédons le peu de souveraineté qu'il nous reste à nos amis au sud de la frontière ou bien nous nous tenons debout et nous devenons une grande nation militaire. Autrefois, quand on nous demandait à l'aide, nous répondions présent. Je crois que le Canada a produit plus de machinerie que n'importe quel autre pays durant la Deuxième Guerre mondiale. Ce sont les femmes qui ont fait cela. Nous avons produit de grands soldats qui ont combattu pour notre pays et qui ont lutté pour la liberté. Tout ce que nous faisons depuis 50 ans, c'est leur cracher à la figure, à mon avis.
Le sénateur Banks : Il n'y a rien de mieux à représenter sur terre que sa famille. Je vous en remercie.
Notre comité a déjà indiqué clairement qu'il est d'accord avec la plus grande partie de vos propos. Mais il y a un problème. Il est souvent exprimé par l'idée que les Canadiens obtiennent les forces armées qu'ils veulent. Le point de vue que vous avez exprimé, qui vous le comprendrez sans doute exigerait que nous investissions davantage dans la défense que nous ne le faisons actuellement, est partagé par une très petite minorité de Canadiens. Pouvez-vous nous aider en nous expliquant comment nous pouvons convaincre les Canadiens que vous et moi avons raison?
M. Pereira : Je recommanderais de sensibiliser les gens. J'aurai bientôt 38 ans. À l'école secondaire, je n'ai pas appris grand-chose sur l'histoire militaire. Quand je suis sorti de l'école secondaire, parce que je voulais savoir, j'ai commencé à lire sur le sujet. Je ne me lasse pas de ce sujet et je veux sans cesse en savoir davantage.
Mes parents étaient des immigrants. Je suis né et j'ai grandi ici. Je veux être assuré de pouvoir dire à mes enfants : « Ces gens sont venus avant nous, ne souillez pas la liberté qu'ils nous ont donnée. Respectez-la. » On la respecte en étant un phare pour le reste du monde. On protège son peuple, on l'éduque, mais il faut d'abord le protéger.
Nous devrions renseigner nos enfants à l'école sur notre histoire militaire et sur les grandes choses que nous avons faites. L'avion Arrow a fonctionné. Bien des gens disent que non, mais je ne suis pas d'accord. C'était un début et nous aurions dû en être fiers. Nous avons consacré 200 millions de dollars à cette entreprise, puis plus de 500 millions de dollars pour quelque chose qui n'a pas fonctionné et qui est allé au sud de la frontière. La fabrication au Canada devrait compter.
M. Peter Cross, à titre personnel : Honorables sénateurs, je ne vois pas trop d'adolescents ici, alors je suppose que je représente la plupart d'entre eux.
J'aimerais soulever quelques questions. D'abord, j'aimerais inculquer la fierté dans le passé et le présent du Canada. Si vous demandiez à la plupart des adolescents ce qu'ils savent de la crête de Vimy, je ne pense pas qu'ils sauraient grand-chose. Si vous leur demandiez s'ils savent que le Canada a envoyé des troupes en Corée, je ne pense pas qu'ils répondraient affirmativement.
Dans les années 70, le premier ministre Trudeau a déclaré que nous devions porter le pourcentage de notre aide étrangère à 0,7 p. 100 du PIB. Nous n'avons jamais atteint cet objectif. Je pense que le pourcentage du financement de l'aide étrangère devrait être relié directement à l'aide militaire et que l'aide militaire devrait être considérée comme un prolongement de notre politique étrangère.
Nous devons accroître notre engagement en matière de maintien de la paix aux Nations Unies. C'est l'une de meilleures choses que nous pouvons faire avec nos forces armées. Nous devons créer une force d'intervention rapide, afin que lorsque les dirigeants des Nations Unies nous le demandent, nous puissions appuyer des troupes sur le terrain, les envoyer au Soudan ou au Rwanda. Ce que nous faisons actuellement en Afghanistan est excellent. Nous avons un conseiller des Nations Unies à Chypre. Je suis convaincu qu'il fait du bon travail, mais je ne vois pas trop ce qu'il a à faire là-bas.
Les gens se déplacent vers les centres urbains de nos jours. Les Nations Unies ont déclaré que, bientôt, la moitié des habitants de la planète vivront dans les centres urbains. Quelles mesures prennent les forces armées canadiennes pour s'assurer que nous aurons des forces prêtes au combat dans les centres urbains? Comment protégerons-nous nos troupes dans des combats urbains?
Si nous voulons avoir une force d'intervention rapide, comment enverrons-nous les troupes là où elles devront aller? Qu'arrivera-t-il en temps de crise, comme nous l'avons vu avec le tsunami? Tout le monde a besoin de transport. Comment mettrons-nous la main sur des avions quand nous devrons envoyer nos soldats là où l'on aura besoin d'eux?
Le sénateur Meighen : Vous avez soulevé quelques idées intéressantes. J'ai une question au sujet du maintien et du renforcement de la paix. Voua affirmez que nous devrions appuyer les activités de maintien de la paix des Nations Unies. Qu'arrive-t-il si les Nations Unies ne peuvent pas prendre de décision ou n'en prennent pas? Imaginez-vous des situations où, de concert avec peut-être nos alliés de l'OTAN, nous devrions prendre l'initiative au lieu des Nations Unies? Je pense au Darfour, par exemple. Serions-nous justifiés de ne pas tenir compte du fait que le gouvernement du Soudan ne nous a pas invités et aller tout de même tenter d'alléger la souffrance qui sévit là-bas?
M. Cross : Si nous faisions cela, sans avoir été invités, ce serait une invasion d'une nation souveraine.
Le sénateur Meighen : C'est exact.
M. Cross : On ne voit pas de casques bleus en Afghanistan actuellement. Mais nous sommes là-bas, dans le cadre d'une force internationale d'aide à la sécurité. Ce que nous faisons en dehors des Nations Unies est formidable. Il a fallu un débat assez important avant de réussir à envoyer nos soldats là-bas, mais maintenant qu'ils y sont, ils font quelque chose. Il y a une certaine latitude pour agir en dehors des Nations Unies, mais le principal engagement devrait être d'appuyer les Nations Unies.
M. Bijan Sepehri, à titre personnel : Honorables sénateurs, je viens de North Vancouver et je témoigne à titre personnel.
Je suis le débat sur nos mécanismes de défense et de sécurité depuis de nombreuses années. Au lieu de parler de mesures précises concernant le matériel militaire du Canada ou des questions de ce genre, j'aimerais souligner qu'il semble, très souvent, que nous n'avons pas d'objectifs bien définis ou d'objectifs stratégiques à long terme.
Une évidence, que bien des gens ont soulevées, est le fait qu'un objectif primordial doit consister à protéger notre souveraineté et notre territoire. En outre, nous devrions accorder beaucoup d'attention à la protection des intérêts canadiens. Dans bien des cas, nous devons changer d'attitude. Il y a ceux qui voudraient une augmentation de la taille et de la puissance de nos forces armées et de nos forces de sécurité et ceux qui pensent que ce n'est pas très prioritaire.
Certains semblent oublier que la population appuie les forces armées canadiennes. La population est d'accord pour que les forces armées deviennent plus fortes et plus efficaces, mais nous sommes un peu sceptiques au sujet des objectifs visés. C'est pour cette raison que l'appui diminue. Pendant de nombreuses décennies, nous avons été liés aux objectifs et aux points de vue des États-Unis. Ce que veut la population, ce sont des forces armées qui servent principalement nos intérêts et qui ne sont pas entraînées dans des choses qui ne vont pas nécessairement dans notre intérêt. Nous devons examiner la situation avec réalisme.
Quand les États-Unis examinent la situation, ils sont certainement réalistes. Ils ne défendent pas le Canada lorsqu'ils protègent l'Amérique du Nord; ils défendent leurs propres intérêts. Ils sont tout à fait en droit d'agir ainsi. Nous ne devrions pas confondre notre besoin de vigilance accrue sur notre territoire avec des politiques de défense dictées par les besoins d'une autre puissance.
Les besoins canadiens et américains divergent de plus en plus au fil des années. Nous devons combiner nos penseurs militaires et nos penseurs diplomatiques et leur demander de fixer de sérieux objectifs stratégiques à long terme qui servent les intérêts du Canada. Une fois que ces intérêts seront définis, alors nous aurons une idée du genre de forces armées dont nous avons besoin. Alors, nous aurons une idée du genre de missions auxquelles elles participeront. Tant que cela ne sera pas fait, une grande partie du travail effectué ici ira à la dérive, comme il l'a fait par le passé.
Le sénateur Forrestall : Nous avons demandé pourquoi les Canadiens ne s'intéressent pas de manière ouverte et enthousiaste aux dépenses militaires. Vous venez d'apporter un élément de réponse.
Vous me donnez l'impression que nous ne parlons pas de ces besoins ou de la nécessité de défendre les intérêts purement canadiens. Vous ai-je bien compris? Pouvez-vous donner plus de précisions sur la façon dont nous pourrions renseigner davantage la population canadienne?
M. Sepehri : Nous parlons du besoin de nous défendre contre certaines menaces dans le monde et il est évident qu'il existe des menaces réelles. Il y a une grande différence entre la nature de ces menaces telle que l'imagine l'establishment à Ottawa et l'impression que la population a de ces menaces. Ce n'est pas que la population a tort ou est ignorante. Elle est d'accord pour que nos forces armées soient plus fortes. Elle comprend que les effectifs militaires ont été trop réduits. Il faudrait peut-être accorder plus d'attention au fait que nous devons défendre nos intérêts avec plus d'acharnement, au lieu de laisser les autres définir ce que sont ces intérêts.
M. Paul Cook, à titre personnel : Honorables sénateurs, je témoigne à titre personnel. Je suis un ancien membre des Forces canadiennes. Je suis membre du CCS21, le Council for Canadian Security in the 21st Century, et membre de la Légion royale canadienne. Je suis également le fier membre d'une famille qui a servi dans tous les corps des forces armées depuis la Deuxième Guerre mondiale. Un de mes oncles favoris a servi sur un des transporteurs canadiens, le HMCS Magnificent. Je me suis intéressé toute ma vie aux questions militaires, même si j'ai quitté les forces armées il y a plusieurs années déjà.
Je pourrais parler longuement du manuscrit que je suis en train d'achever. Il compte plus de 400 pages et porte sur les défis et les problèmes des forces armées au Canada.
Je pourrais parler du fait que le 11 septembre, la majorité des villes canadiennes n'avaient aucune couverture aérienne. L'avion sud-coréen que l'on croyait détourné et qui volait vers le Yukon a dû être intercepté par des avions de chasse américains parce que nos deux Hornet suivaient un appareil russe à ce moment-là.
Je pourrais parler de l'absence de capacité de ravitaillement en vol. Je pourrais parler du gaspillage de fonds publics sur les navires de défense côtière qui ne pouvaient aller plus vite qu'un yacht de nos grands-parents.
Je pourrais parler des graves problèmes des effectifs militaires; en 1962, nous avions des effectifs d'environ 126 000 personnes; aujourd'hui, avec une population de plus de 31 millions d'habitants nous ne pouvons même pas en avoir 60 000, ce qui est loin d'être suffisant.
Votre comité a fait un formidable travail pour cerner les problèmes. Vous connaissez les problèmes. Je vous lancerai un défi. J'aimerais que vous poursuiviez votre démarche non partisane dans vos activités et en particulier pour attaquer la comédie du dernier budget.
Vous avez demandé pourquoi la plupart des Canadiens ne sont pas intéressés. Si une institution financière proférait le genre de mensonges et de déclarations trompeuses que fait actuellement le gouvernement au sujet du budget de la défense, les dirigeants de cette institution seraient accusés de fraude. Les 12,8 milliards de dollars annoncés dans le budget ne seront pas dépensés avant quatre ou cinq ans.
Le sénateur Day : Monsieur Cook, vous conviendrez que chacune de ces questions vise essentiellement à décrire et comprendre votre principal message. Je comprends ce message, alors nous pouvons peut-être passer au message secondaire.
Nous sommes d'accord avec vous quand vous affirmez que le budget est échelonné sur une longue période. Voyez- vous l'utilité de sonder et de conditionner la population en affirmant que l'engagement du gouvernement consiste à dépenser cette somme? Nous ne l'aurons pas en entier tout de suite, mais 12 milliards de dollars échelonnés sur cinq à dix ans seront consacrés aux forces armées. Est-il utile de signaler ce genre d'engagement?
M. Cook : C'est utile quand la vérité sort au grand jour. Si vous demandez à la plupart des gens ce qu'ils pensent du budget, ils vous diront que 12,8 milliards de dollars, c'est formidable. Les sondages révèlent les uns après les autres que la population appuie davantage le gouvernement qu'il ne le croit. C'est ce qui a pris le gouvernement au dépourvu.
La réalité, c'est que la population se fait rouler. Je vous demande à vous, honorables sénateurs, de faire ce que vous avez si bien fait par le passé, c'est-à-dire faire éclater le miroir aux alouettes et dire aux gens ce qui se passe vraiment.
D'après le budget, les forces armées ne recevront que 137 millions de dollars la première année. C'est probablement ce que sera la durée du gouvernement actuel, qui ne devrait pas survivre plus de 18 à 24 mois. Faire des promesses pour l'avenir et pas durant la période où l'on pense gouverner est extrêmement trompeur; le gouvernement fait preuve de négligence en n'accordant pas la plus grande partie de ce financement la première année et en n'accroissant pas ensuite le pourcentage par rapport au PIB.
Le major-général (à la retraite) Guy Tousignant, à titre personnel : Honorables sénateurs, ce qui m'a rendu célèbre, c'est que j'ai dû remplacer le général Dallaire au Rwanda, si vous vous en souvenez.
Honorables sénateurs, vous devez convenir que la structure de cette réunion est un peu injuste. Chacun de ceux qui prennent la parole n'a que trois minute pour vous donner son opinion réelle sur l'état des forces armées. En même temps, j'espère que vous êtes méfiants envers les généraux à la retraite ou les historiens militaires et leurs listes de souhaits. Nous sommes si fiers de notre glorieux passé que c'est ce que nous aimerions voir aujourd'hui, si nous en avions les moyens, si cela répondait aux besoins des Canadiens et si c'était appuyé par les Canadiens.
Je ferai une exception aux propositions des généraux à la retraite et parlerai peut-être au nom de mes collègues. Je pense que la population peut être sensible à la proposition de l'amiral Bell qu'un commandant ait accès aux actifs aériens, maritimes et terrestres afin d'exécuter les tâches définies par le gouvernement.
Le gouvernement confie aux militaires les tâches auxquelles les Canadiens veulent nous voir participer. Je crois que les Canadiens appuient les Nations Unies et l'intervention militaire humanitaire.
La politique étrangère actuelle demande que nos soldats prennent davantage de risques que quand j'étais militaire. Ce type de formation sera absolument unique en son genre. Nous devons pouvoir les envoyer rapidement, les retirer rapidement et nous assurer qu'ils peuvent faire leur travail en toute sécurité.
Ce qui est bien à propos d'un soldat bien équipé, c'est que les Canadiens peuvent y être sensibles quand ils le voient à la télévision. Un soldat peut montrer une intervention au Canada, en cas d'inondation, d'incendie ou de quelque chose qui est visible.
L'amiral Bell a dit de se débarrasser du superflu. Le sénateur Banks a demandé ce que nous devrions couper et ce que nous devrions garder, comment nous devrions envisager le nouvel avenir des Forces armées canadiennes, mais je pense que nous devons une telle politique à nos soldats canadiens.
Le sénateur Banks : Nous sommes peut-être devant une argumentation sémantique. Je suppose que vous avez lu la proposition du général Hillier, qui consiste à déployer, sous un même commandement aérien, naval et terrestre, deux forces opérationnelles distinctes de 1 000 soldats, qui peuvent être maintenues indéfiniment, en plus d'une troisième force tous les deux ou trois ans.
Ce que propose le général Hillier ressemble à ce que vous préconisez, c'est-à-dire ne pas livrer la guerre de l'an dernier, mais disposer d'une force combinée — pas unifiée — capable d'exécuter toutes ces tâches. Pensez-vous que nous nous en approchons avec cette proposition?
Le mgén (à la retraite) Tousignant : Le général Hillier n'était que jeune major quand j'étais contrôleur de l'armée. Ce que je sais de lui c'est qu'il s'est retrouvé dans les situations difficiles que j'ai décrites. S'il ne sait pas ce qu'il doit faire en réponse à l'appel du gouvernement, qui lui demande d'agir dans ces circonstances, alors nous ratons complètement le coche. C'est un homme qui connaît bien la situation actuelle. Nous commençons à la connaître nous aussi. Votre comité devrait prendre ses propositions au sérieux et ne pas avoir peur d'offusquer parfois certains de nos services à vocation analogue lorsque nous constatons que nous devons leur demander d'exécuter une fonction particulière d'une manière différente ou dans un mode différent. Je n'ai pas de réponse à cette question. La fonction doit demeurer. Pour le moment, ce que demande le général Hillier c'est l'harmonisation de la politique étrangère canadienne et des attentes des Canadiens.
M. John Carten, à titre personnel : Honorables sénateurs, je fais partie du Canadian Committee for Constitutional Courts. Je voudrais parler des relations du Canada avec les États-Unis, mais j'aimerais d'abord revenir brièvement sur l'observation de M. Hansen au sujet de la guerre contre la drogue qui se livre au Canada.
Nous avons trouvé les restes de 60 femmes dans une porcherie de Port Coquitlam. Deux cents autres femmes sont disparues. Ça, c'est la guerre. Ce sont des crimes contre l'humanité perpétrés au Canada. Où était notre défense nationale quand c'est arrivé? Il n'y avait aucun soldat en vue. Les dirigeants de la province, le maire de la ville et le premier ministre de la province savaient que ces femmes avaient disparu et ils n'ont rien fait. Où était notre défense nationale? Nous avons un grave problème. Vous devriez y réfléchir, parce que je me soucie peu des gens qui vont au Congo, mais je me soucie de mes amis et voisins et de leurs enfants. C'est là que commence la défense nationale, elle commence chez nous. Où étiez-vous quand ces meurtres ont été commis? Et il y en a encore. À Edmonton, 12 jeunes filles sont disparues et ils n'ont pas encore trouvé le meurtrier. Portez attention à ce problème, messieurs.
Ce dont je suis venu parler est un peu moins sérieux. Il s'agit de la comédie actuelle entre M. Martin et les Américains. Nous ne participerons pas au bouclier antimissile parce que nous sommes une nation souveraine. M. Bush téléphonera un jour et dira à Paul Martin : « Monsieur Martin, un missile se dirige vers Toronto, que voulez-vous que je fasse? » M. Martin répondra : « Attendez une minute, je dois vérifier avec le caucus. » Il réunira ensuite le caucus, qui dira : « Il vaudrait mieux voir ce que disent les sondages, Paul. » Paul Martin parlera ensuite à son personnel et demandera : « Combien avons-nous de députés à Toronto et combien de députés de l'opposition viennent de Toronto?Serons-nous toujours au pouvoir si Toronto disparaît de la carte? »
Qu'est-ce que tout cela veut dire? Le Canada et les États-Unis sont reliés intégralement. Ce sont nos voisins. Ce sont nos amis. Nous faisons partie de leur économie. Nous exerçons une plus grande influence sur le monde entier si nous influençons Washington que si nous nous distançons de Washington. Si nous ne sommes pas à la table, notre influence est nulle. Le Canada peut être la conscience de Washington. Nous avons une histoire remarquable dans notre pays; nous avons bien des gens intelligents et nous pouvons influencer les Américains et leurs politiques dans le monde si nous sommes à la table avec eux. L'idée que nous devrions faire bande à part est absurde.
Le sénateur Meighen : Vous avez abordé deux sujets et je ne poserai qu'une question. Je commencerai par le premier sujet que vous avez abordé, les crimes à Port Coquitlam et Edmonton. Vous avez demandé où nous étions.
Il me semble que ces crimes relèvent davantage de la police que de la défense nationale. Si tel est le cas, peut-on affirmer que vous êtes d'accord avec l'idée, exprimée par quelques personnes, que nous devrions accorder plus d'importance non seulement aux forces armées, mais aussi aux premiers intervenants de notre défense civile et à ceux qui se retrouvent en première ligne lorsque surviennent des situations d'urgence dans nos collectivités?
M. Carten : La défense nationale est une question de protection. Peu importe qu'elle soit assurée par une force policière ou par l'armée. Cela s'appelle la protection. C'est la fonction à assurer. Il ne suffit pas simplement de défiler sur un terrain de parade.
Le sénateur Meighen : Ma question était la suivante : ne s'agit-il pas de la responsabilité immédiate de la police plutôt que des soldats?
M. Carten : Je conviens avec vous que c'était la responsabilité de la police, mais c'était une erreur. Il y a une guerre en cours au Canada, une guerre contre la drogue qui entre chez nous et ruine nos collectivités.
Le sénateur Meighen : Devons-nous accorder plus de ressources aux premiers intervenants, qui comprennent la police, les pompiers et les autorités de la défense civile?
M. Carten : Les forces de la défense nationale pourraient être au milieu de l'océan Pacifique et surveiller les bateaux qui veulent faire entrer de la drogue dans le pays. C'est une chose qu'elles pourraient faire. Elles pourraient utiliser leur service de renseignement pour pénétrer le réseau du blanchiment de l'argent et le trafic de la drogue qui existe dans notre pays. Cela fait partie des fonctions de la défense nationale.
M. Rhys Griffiths, à titre personnel : Honorables sénateurs, je vis à Langley. Je vis au Canada depuis environ 45 ans maintenant. Je suis citoyen canadien. J'ai été officier de l'armée britannique pendant environ 14 ans avant de venir au Canada. J'ai été instructeur militaire à l'Académie militaire royale au Royaume-Uni, où nous avions des cadets qui venaient de nombreux pays. Une de mes spécialités était les communications, dont quelqu'un a parlé un peu plus tôt aujourd'hui. J'ai toujours travaillé dans le secteur des communications depuis.
J'aimerais répondre à une observation faite un peu plus tôt. J'ai été responsable d'un contrat pour l'OTAN il y a quelques années. C'était le premier contrat de génie-conseil obtenu par notre entreprise. Je n'arrivais pas à avoir des contrats de suivi. J'étais le directeur responsable de ce dossier. Enfin, un des agents locaux m'a dit en douce de ne pas perdre mon temps parce que je ne parviendrais pas à me faire inscrire sur une liste de soumissionnaires. Je lui ai demandé pourquoi. Il m'a répondu que le Canada avait déjà sa ration, autrement dit, mon contrat. Il m'a dit : « Vous avez eu un contrat de trois ans, ça suffit. » C'était relié à la contribution financière du Canada à l'OTAN. J'ai demandé où nous nous situions dans le classement. À l'époque, 14 pays étaient membres de l'OTAN. Ce type m'a répondu que nous arrivions au treizième rang. Les premiers étaient les États-Unis; les derniers, le Luxembourg. C'était notre classement.
Plusieurs années auparavant, quand j'étais en Allemagne, j'étais responsable des communications avec la brigade canadienne à côté de chez nous. Nous nous poursuivions les uns les autres le long de la frontière russe après la guerre. J'étais jaloux. Le matériel canadien était meilleur que le nôtre. Le matériel sans fil canadien était supérieur au nôtre. Les soldats canadiens étaient généralement beaucoup plus intelligents. Dans bien des cas, notre armée de conscrits comptait de nombreux enthousiastes douteux. La brigade canadienne était une organisation très professionnelle.
Le nerf de la guerre a complètement changé. Nous ne sommes qu'à moitié prêts à lutter contre les ennemis actuels presque invisibles. Nous affamons les forces armées depuis des décennies. Il y a trop peu d'effectifs, du matériel insuffisant et trop d'engagements.
Ce qui m'inquiète, c'est l'absence de volonté politique d'appuyer ceux qui sont le fer de lance de nos forces armées. Les formons-nous suffisamment et leur donnons-nous les bons outils pour mener une existence très complexe dans de nombreux pays inconnus, dans des situations étranges? La langue et l'habillement diffèrent. Tout est différent dans un si grand nombre des endroits où ils doivent aller.
Je suis tout à fait d'accord pour couper dans le gras. Cela m'inquiète aussi quand je vois les photographies des militaires canadiens. Tout le monde est caporal. Y a-t-il de simples soldats? C'est comme ça pour tout le monde.
Le récent débat politique sur le retrait du programme antimissile est malheureux. Nous avions clairement la responsabilité d'avoir une présence nationale pour exercer un certain contrôle sur notre destinée et nous avons raté cette possibilité. Nos échanges commerciaux avec les États-Unis représentent 80 p. 100 de notre PIB. Sommes-nous aveugles? Ne savons-nous pas ce qui nous attend? Nous venons juste de voir le début dans le journal l'autre jour.
La milice devrait être renforcée, appuyée et encouragée. Nous devons trouver une façon de faire de la carrière militaire une profession honorable dans tous ses aspects. Si l'on veut des professionnels aux plus hauts échelons, il faut les former quand ils sont jeunes.
Le président : Mesdames et messieurs, merci beaucoup. Chaque fois que nous avons une réunion comme celle-ci, nous en apprenons beaucoup. Nous avons entendu un vaste éventail de points de vue ce soir, ce qui est très utile. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir ici pour partager vos points de vue avec nous. Nous reconnaissons qu'aucune formule n'est parfaite, mais nous vous sommes reconnaissants pour le nombre de personnes qui sont venues prendre la parole au micro.
Il y a des questionnaires sur les chaises pour ceux qui ont choisi de ne pas s'exprimer publiquement. Tout le monde peut nous laisser un mémoire ou écrire au comité. L'adresse est Sénat du Canada, Édifices du Parlement, Ottawa. Nous recevrons vos lettres.
Au nom du comité, merci beaucoup. Nous avons une tâche intéressante et difficile. Nous parcourons le pays et parlons avec les gens dans toutes les provinces. Nous visiterons nos voisins du sud et nos alliés à leur quartier général à Bruxelles. Nous irons aussi à Kaboul. Nous vous remercions de nous avoir accueillis et de nous avoir présenté vos points de vue ce soir. Au nom du comité, merci beaucoup.
La séance est levée.