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Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule 16 - Témoignages du 7 mars 2005 - Séance du soir - Assemblée publique


EDMONTON, le lundi 7 mars 2005

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 18 h 30 pour se pencher et faire rapport sur la politique nationale sur la sécurité pour le Canada (audiences publiques).

Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir et bienvenue à cette audience du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.

Avant de commencer, j'aimerais, au nom du comité, présenter nos condoléances aux familles des victimes qui ont récemment perdu la vie dans des circonstances tragiques, ainsi qu'à l'ensemble des membres de la GRC. Nos pensées sont avec eux en cette période difficile.

Si vous le permettez, j'aimerais vous présenter les membres du comité. À ma droite, l'éminent Michael Forrestall, sénateur de la Nouvelle-Écosse. Il représente la circonscription de Darmouth depuis 37 ans, d'abord à titre de député de la Chambre des communes puis à titre de sénateur. À la Chambre des communes, il a été porte-parole de l'opposition pour la défense, de 1966 à 1976. Il est aussi membre de notre Sous-comité des Anciens combattants.

À ses côtés se trouve le sénateur Norman Atkins de l'Ontario. Il a accumulé 27 années d'expérience dans le domaine des communications avant d'être nommé sénateur. Il a été le conseiller principal du chef conservateur Robert Stanfield, du premier ministre William Davis de l'Ontario et du premier ministre Brian Mulroney. Il est un autre membre de notre Sous-comité des anciens combattants.

À côté de lui, le sénateur Michael Meighen. Avocat de formation, le sénateur Meighen est membre des Barreaux du Québec et de l'Ontario. Il est chancelier de l'Université de King's College, et il a été président du festival de Stratford. Il détient des doctorats honorifiques en droit civil de l'Université Mount Allison et de l'Université du Nouveau- Brunswick. À l'heure actuelle, il est président du Sous-comité des anciens combattants, et il est membre du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce ainsi que du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans.

Le sénateur Tommy Banks, qui devrait arriver d'une minute à l'autre, est président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Puisque ce comité tient actuellement des audiences à Calgary, le sénateur Banks sera des nôtres pour les audiences publiques de ce soir, mais il n'est pas encore arrivé de l'aéroport.

À ma gauche se trouve le sénateur Jane Cordy de la Nouvelle-Écosse. C'est une éducatrice accomplie qui a de nombreuses réalisations à son actif dans la collectivité; elle a entre autres été vice-présidente de la Halifax-Dartmouth Port Development Commission. Elle est présidente de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN et membre du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

Au bout de la table se trouve le sénateur Jim Munson de l'Ontario. Journaliste respecté, il a été directeur des communications pour le premier ministre Chrétien avant d'être appelé à se joindre au Sénat en 2003. Le sénateur Munsen a été mis en nomination à deux reprises pour un prix Gemini pour l'excellence de son travail journalistique.

Notre comité est le premier comité sénatorial ayant pour mandat d'examiner la sécurité et la défense. Le Sénat nous a chargé d'examiner le besoin d'établir une politique relative à la sécurité nationale. Nous avons commencé notre examen en 2002, et produit trois rapports cette année-là : L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense, en février; La défense de l'Amérique du Nord : Une responsabilité canadienne, en septembre; et Mise à jour sur la crise financière des Forces canadiennes : vue de bas en haut, en novembre.

En 2003, le comité a publié deux rapports : Le mythe de la sécurité dans les aéroports canadiens, en janvier; et Les côtes du Canada : les plus longues frontières mal défendues au monde, en octobre.

En 2004, nous avons déposé deux rapports supplémentaires : Les urgences nationales : le Canada, fragile en première ligne, en mars, et tout récemment, le Manuel de sécurité du Canada, Édition 2005.

Notre comité se penche sur la politique canadienne en matière de défense. Au cours des prochains mois, le comité tiendra des audiences dans toutes les provinces, et échangera avec les Canadiens en vue de déterminer quel est leur intérêt national, quelles sont les principales menaces perçues pour le Canada et comment ils aimeraient que le gouvernement réagisse à ces menaces. Le comité tentera de susciter un débat sur la sécurité nationale au Canada, et d'établir un consensus quant aux besoins en matière de force militaire, et au type de militaires que veulent les Canadiens.

L'audience de ce soir sera animée par M. Ron Wilson. Il anime Edmonton AM, émission quotidienne de nouvelles et d'actualités diffusée dans le centre et le nord de l'Alberta, du lundi au vendredi, sur les ondes de la chaîne radiophonique de CBC. Le public ici présent compte des représentants de deux grandes bases militaires, soit la garnison d'Edmonton et la BFC Cold Lake. M. Wilson exerce, depuis 25 ans, les fonctions de journaliste à la radio de la CBC, à CBC Newsworld et à la télévision de la CBC, à Ottawa.

Monsieur, nous vous cédons la parole, et nous vous serions reconnaissants d'expliquer les règles de fonctionnement.

M. Ron Wilson, animateur : Merci, sénateur, et merci à tous les membres du comité. Soyez les bienvenus à Edmonton.

L'audience de ce soir fonctionnera de la façon suivante : il y a deux micros situés à l'avant de la pièce, comme vous pouvez le voir, devant vous. Vous serez invités non pas à poser des questions, mais bien à présenter un exposé. Votre exposé ne doit pas durer plus de trois minutes. Une horloge vous rappellera combien de temps il vous reste. Quand la lumière rouge s'allume, votre temps est écoulé.

Un membre du comité peut ensuite vous inviter à clarifier vos commentaires. Vous disposerez tout au plus d'une minute et demi pour répondre à ce sénateur.

Les témoins doivent se présenter afin que le comité puisse préparer un compte rendu exact de la soirée et, le cas échéant, assurer un suivi auprès de certains témoins. Puisqu'il s'agit d'une procédure parlementaire, vous comprendrez que l'établissement d'un compte rendu exact s'impose.

À votre arrivée, on vous a remis une carte d'inscription. Veuillez vous assurer de remettre votre carte au greffier lorsque vous vous présentez au micro; si vous n'avez pas reçu de carte, vous pouvez vous en procurer une au comptoir d'inscription, situé tout près de la sortie.

L'audience est interprétée dans les deux langues officielles. On peut se procurer un récepteur au comptoir d'inscription.

Le président : Passons maintenant au premier témoignage.

M. Adil Pirbhai, à titre personnel : Honorables sénateurs, après les événements du 11 septembre, le gouvernement du Canada présentait un projet de loi antiterroriste. Selon moi, à titre de membre d'une minorité visible, je sais qu'il n'est peut-être pas aisé pour un Blanc de comprendre ceci. Le Service canadien du renseignement de sécurité et la GRC ont ciblé des membres de minorités visibles chaque jour, y compris à Edmonton. Un de mes amis travaille pour le gouvernement de l'Alberta. À 13 h 30, des représentants du SCRS sont arrivés pour parler à l'une des femmes qui travaille dans son bureau. On avait tiré son nom du répertoire téléphonique arabe. On voulait l'interroger : d'où venait- elle? À qui téléphone-t-elle? Avec qui sort-elle? Ils ont des espions dans toutes les mosquées d'Edmonton.

Je réside à Edmonton. Je me rends à Calgary. Je vais à Montréal et on me relate constamment de telles anecdotes. Chaque année, depuis 11 septembre, je me rends à Calgary en juillet. Je me rends à Montréal et à Edmonton. Les gens ont peur.

Le projet de loi présenté après le 11 septembre, soit le projet de loi C-36, cible spécifiquement les minorités visibles.

Il suffit de regarder ce qui est arrivé à Mahar Arar. Quand entendra-t-on sa voix? On ne cesse d'entendre des anecdotes concernant l'enquête qu'on mène à Ottawa. Quand le gouvernement a diffusé toute l'information le concernant, 95 p. 100 du contenu avait été rayé. Si le gouvernement, y compris tout membre du Sénat, n'a rien à cacher, si vous croyez que Mahar Arar est coupable, ne rayez pas l'information. Diffusez-la. Laissez la population du pays décider.

Mon deuxième commentaire est le suivant : l'autre jour, le chef du personnel de mon ami a déclaré que le Canada était confronté à une grave menace, la pire depuis la guerre froide. Diffusez l'information. Quelle est cette menace? Laissez les Canadiens décider.

De qui viennent ces ordres selon lesquels nous devrions avoir davantage de militaires? Sommes-nous sous les ordres du président Bush...

M. Wilson : Votre temps est écoulé. Merci.

Le sénateur Munson : Le sénateur Mobina Jaffer de l'Alberta a soulevé un grand nombre de vos...

M. Pirbhai : Non, elle est de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Munson : Oui, Colombie-Britannique, désolé. Elle a soulevé un grand nombre de vos préoccupations. Selon vous, qu'est-ce que nous devrions faire avec le projet de loi C-36?

M. Pirbhai : Le projet de loi C-36 devrait être retiré. Mes associés affirment qu'il y a environ 800 Musulmans dans les prisons d'Ottawa, dans les prisons de l'Ontario. Vous avez vu ce qui est arrivé à Adil — j'ignore son nom de famille. On vient de le libérer.

Le gouvernement croit toujours qu'il doit assurer la sécurité nationale, et il se produit des choses analogues à ce qu'on a vu dans l'Allemagne d'Adolf Hitler, en 1945.

Je constate que notre gouvernement, à ma grande honte, est sous les ordres de la Maison Blanche. C'est plutôt effrayant.

M. Dave Hubert, à titre personnel : Je représente la Canadian Peace Foundation.

Mesdames et messieurs les membres du Sénat, merci de cette occasion de témoigner. J'aimerais soulever brièvement plusieurs points.

Lorsqu'on parle de défense, il faut évaluer les menaces éventuelles à notre sécurité future. Qui sont nos ennemis? Si nous ne pouvons déterminer qui sont nos ennemis, pourquoi dépensons-nous des sommes faramineuses sur des sous- marins et des CF-18? L'exploitation d'un CF-18 coûte 37 000 $ l'heure. Deux heures de fonctionnement d'un tel appareil permettraient d'embaucher un agent de police, un enseignant ou une infirmière pendant un an ou de bâtir une maison pour une famille.

Si on envisage la réalité géopolitique du Canada, on constate que notre pays dispose d'une ressource qui suscite un intérêt croissant chez notre voisin continental, c'est-à-dire l'eau.

Le gouvernement actuel à Washington a montré à maintes reprises qu'il ne se laissera pas restreindre par la primauté du droit. Les mesures qu'il a prises à l'égard du bois d'œuvre, l'abrogation unilatérale du Traité sur les missiles anti- missiles balistiques, et son invasion de l'Irak sont autant d'activités illégales. Son refus de participer à la Cour pénale internationale, ainsi que la façon dont il traite les prisonniers d'Abugrabe et de Guantanamo Bay, témoignent également de son mépris de la primauté du droit.

Si cette attitude prend racine dans la culture américaine, et si la pénurie d'eau qui frappe le sud-ouest américain se poursuit, les Américains finiront par venir chercher notre eau. Même si nous affectons l'ensemble de notre produit national brut à la défense, nous n'arriverons pas — par des moyens militaires — à résister à la puissance militaire américaine. Pour préserver nos droits et libertés et notre souveraineté, et pour protéger notre conception démographique de la vie, nous devrons trouver un autre moyen de nous défendre contre une éventuelle — et j'insiste sur le mot « éventuelle » — hégémonie américaine.

La Canadian Peace Foundation a élaboré un plan qui permettrait au Canada de se défendre de façon non violente, et tout à fait conforme à la primauté du droit. Ce plan est décrit dans Canada @ Peace : Coactive Security. Ce livre explique comment le Canada pourrait être défendu au moyen de méthodes qui ont fait leurs preuves ailleurs, de la révolution du « pouvoir du peuple » aux Philippines jusqu'aux gens d'Europe de l'Est qui ont fait tomber le Rideau de fer, en passant par la récente victoire de la révolution Orange à Kiev. Nous vous laissons un exemplaire du livre, et nous serons heureux d'en parler plus en détail avec vous au moment qui vous conviendra.

Le sénateur Cordy : Vous avez parlé des menaces éventuelles et du repérage des ennemis, et vous nous avez laissé le livre — que je compte lire — qui décrit comment nous pouvons nous défendre contre les ennemis que nous avons repérés. Pourriez-vous brièvement nous fournir des exemples de façons dont nous pourrions nous défendre de façon pacifique contre, par exemple, un ben Laden?

M. Hubert : Le Canada dispose d'une énorme ressource constituée de 800 000 citoyens musulmans, et si nous recrutions ces gens à titre d'alliés, nous aurions une très bonne défense contre le genre de terrorisme dont vous parlez.

Toutefois, nous envisageons la défense, comme l'a signalé mon ami, dans le secret et la clandestinité, et cela ne fonctionne pas. Nous devons devenir une société plus ouverte et plus démocratique.

M. Martin Katz, à titre personnel : Sénateurs, je suis résident de St. Albert, en Alberta, et je suis retraité.

J'aimerais voir le gouvernement du Canada dépenser davantage pour les activités de rétablissement et de maintien de la paix, conformément aux idéaux de l'ancien premier ministre Lester B. Pearson, et à sa conception du rôle que doit jouer le Canada au sein de l'ONU en vue de renforcer l'image positive du Canada, non seulement au pays, mais également à l'étranger.

Le sénateur Forrestall : Merci beaucoup, pas tant pour votre concision que pour la clarté de votre point.

Êtes-vous en faveur de l'utilisation de la Force de réserve dans le cadre d'activités de maintien de la paix? Dans l'affirmative, est-ce que vous inciteriez le comité à recommander au gouvernement de prendre une telle mesure?

M. Katz : Eh bien, je n'ai pas vraiment réfléchi à cela, mais, spontanément, je dirais que je favoriserais l'utilisation de la Force de réserve uniquement lorsque cela est absolument nécessaire. Je crois que les Forces armées canadiennes devraient constituer une force en service actif strictement volontaire, mais, en situation d'urgence, je crois que les réserves devraient être utilisées. Oui, monsieur.

M. John Stables, à titre personnel : J'ai été membre de la Marine canadienne à une certaine époque, et je suis membre de l'armée depuis très longtemps.

Nos forces se rendent dans des pays où, pour diverses raisons, leur arrivée peut être saluée ou déplorée; elles s'immiscent dans une querelle entre diverses factions d'un pays, ou entre divers groupes religieux. Est-ce que quelqu'un ici a déjà tenté de s'immiscer dans une dispute entre un homme et une femme? Vous savez qui se fait battre? Vous- même. C'est ce qui arrive à nos pauvres casques bleus, comme on les appelle. Il n'est guère étonnant qu'ils se fassent tirer dans le dos.

Nous pourrions être envahis tant de l'intérieur que de l'extérieur de nos frontières. Nos forces doivent être en mesure de résister à toute force malveillante qui perturberait notre pays et notre mode de vie.

La façon dont le premier ministre a opposé un refus catégorique au président Bush concernant les missiles me laisse perplexe. Cela montre une mauvaise attitude. Il aurait dû au moins obtenir plus d'information de M. Bush, et il aurait dû tenter de penser de façon plus positive. On accomplit davantage en étant positif qu'en étant négatif. J'espère que vous lui direz cela.

Je suis heureux de voir que certains de nos militaires sont ici ce soir, et je tiens à reconnaître et à saluer le travail dangereux et parfois ingrat des casques bleus qui se placent entre deux adversaires. Merci. Les casques bleus sont pris entre l'arbre et l'écorce. Vous savez ce qu'ils doivent ressentir dans cette situation.

Le sénateur Atkins : Je vois que vous portez fièrement votre blazer de la Légion, ce soir.

M. Stables : Oui, merci.

Le sénateur Atkins : Je tiens à signaler aux gens ici présents que c'est l'année du vétéran. Nous devons beaucoup à nos vétérans, et je vous remercie d'avoir pris le temps d'être ici ce soir.

M. Simon Beaumont, à titre personnel : Je réside à Sherwood Park.

Lorsqu'il est question de défense militaire, nous pouvons toujours nous en tenir à l'évidence, mais ceux qui me préoccupe, c'est la façon dont notre pays protège ses citoyens et résidents — ainsi que les visiteurs — contre toute attaque, en tout temps.

Ce n'est pas une bonne idée pour un pays de croire qu'il peut se débrouiller seul, sans obtenir de soutien. Il suffit de penser à la Seconde Guerre mondiale : les pays se sont alliés, et c'est l'ingrédient vital qui a permis de nouer des relations durables et d'obtenir des résultats positifs.

Nous savons tous que les États-Unis sont une superpuissance mondiale, et qu'il vaut mieux le reconnaître, que cela nous plaise ou non. À ce titre, ils constituent une force puissante pour le bien, pour le maintien de la paix et pour la prévention des attaques. Le président Bush et les dirigeants mondiaux qui l'ont précédé se sont courageusement élevés contre le mal et le terrorisme, ce qui nous permet de vivre dans un monde où l'on peut se déplacer et vivre en toute sécurité.

Autrement dit, les pays, tout comme les gens et leur famille, doivent s'épauler. Le Canada a besoin des États-Unis pour tellement de raisons que le fait de les snober et de laisser entendre que nous pouvons nous passer d'eux tient de la folie pure. Nous avons besoin de leur soutien, de leur aide, de leur commerce, de leurs renseignements.

Les États-Unis assurent le fonctionnement complet de plusieurs bases aériennes en Grande-Bretagne. Les Britanniques et les Américains travaillent ensemble et se soutiennent pleinement afin de toujours être prêts à une attaque. Cela ajoute de la puissance aux forces armées britanniques et leur procure un soutien lié à une force puissante et sans égale, et tout cela ne coûte rien à la Grande-Bretagne.

Laisser entendre que le Canada peut se débrouiller sans les États-Unis, ou ne pas autoriser les États-Unis à établir des bases de lancement de missiles au pays, tient de la folie. Le fait d'autoriser et de soutenir pleinement une telle initiative permettrait non seulement au Canada de jouir d'une puissance militaire américaine, mais également d'accroître automatiquement sa défense militaire, et peut-être sans coûts supplémentaires pour le Canada.

Nos deux pays ont besoin l'un de l'autre, au même titre que tout voisin. On aiderait normalement son voisin, surtout au moment où il en a besoin. Et quand cela se produira-t-il? Nous devrions être très reconnaissants d'avoir les États- Unis comme voisin. Je suis très déçu par la position adoptée par notre pays, qui semble refuser de prêter son aide aux États-Unis.

En ce qui concerne le bouclier antimissile, je suis également préoccupé par le fait que nous avons un ministre de la Défense — qui dirige, donc, un ministère crucial du gouvernement — qui n'a ni l'autorité morale ni le droit d'imposer son opinion et de faire fi de celle des autres juste pour arriver à ses fins. Il s'agit d'un poste qui exige énormément d'intégrité et de responsabilité, et qui doit être confié à une personne droite et morale, à un chrétien qui craint Dieu — devant lequel nous devons tous répondre de nos actes, de toute façon — et qui respecte les besoins de ses citoyens et de son pays.

Les questions de cet ordre qui concernent le public...

M. Wilson : Le temps, s'il vous plaît, monsieur.

Le sénateur Meighen : Vous avez commencé par mettre en relief les avantages du multilatéralisme — si je vous ai bien compris — et, ensuite, dans la deuxième partie de votre témoignage, vous vous êtes attaché à l'importance, à votre avis, de nouer des relations plus étroites avec les États-Unis.

Voyez-vous un conflit entre ces deux aspects? Pouvons-nous participer au sein d'organes multilatéraux, comme l'OTAN, l'ONU et d'autres choses, et arriver en même temps à réaliser l'objectif que vous préconisez, soit un rapprochement avec les Américains?

M. Beaumont : Je crois que vous posez une question difficile; je ne pourrais y répondre aisément. Je crois tout simplement qu'il est essentiel de travailler avec nos voisins. Je suis désolé de ne pouvoir répondre convenablement à votre question.

Le sénateur Meighen : Voyez-vous un conflit entre ces deux aspects? Peut-on être un ami proche des États-Unis, et coopérer avec eux, tout en prenant part à des alliances multilatérales?

M. Beaumont : Eh bien, il semble y avoir des différences entre les deux pays, surtout dans les médias, et je ne crois pas que cela reflète fidèlement l'attitude des gens.

Nous avons entendu un commentaire intéressant des gars de la Force aérienne qui ont témoigné plus tôt aujourd'hui; ils ont déclaré qu'ils ne pouvaient déplacer un escadron de façon convenable et efficace sans recourir à l'aide d'autres gens. Ils ont signalé que les Américains, en particulier, ont des avions de transport à leur disposition à tout moment, et cela m'a beaucoup impressionné. Je crois que cela montre où sont nos besoins, et où nous devons nous entraider. J'espère que mes paroles seront acceptées et écoutées, et qu'elles mèneront à la prise de mesures positives avant qu'il ne soit trop tard. J'aimerais que cela se produise.

M. Harlan Light, à titre personnel : Je viens de Smith, en Alberta. Je tiens à remercier le comité d'être ici. C'est une occasion rare, et je veux en tirer avantage le plus possible. Et j'espère que la politique qui sera établie sera bien définie et nous permettra d'orienter nos actions au lieu de réagir ponctuellement à une situation.

Nous avons besoin d'une politique bien définie, et cette politique doit s'appuyer sur une autorité morale importante. Je crains que les États-Unis n'aient perdu cette autorité morale, car ils ont transgressé le droit international, et nous devons reconnaître ce fait Nous devons maintenir une autorité morale conforme au droit international; sinon, on se retrouve avec la situation actuelle — l'anarchie internationale.

C'est une situation horrible. Si le monde ne fait pas les choses multilatéralement, nous courons certainement vers le désastre, car c'est l'anarchie présentement; nous ne sommes pas régis par le droit. Je crois que l'élaboration de toute politique doit tenir compte de cela.

Nous venons tout juste de terminer un mois au cours duquel on a célébré les droits de la personne et honoré la mémoire de Martin Luther King, dont le message tenait essentiellement au fait qu'il faut choisir entre la non-violence et la non-existence. Nous devons promouvoir chez nos militaires l'adoption d'une culture de paix, de non-violence et de conciliation. À notre époque, c'est sur ce paradigme que nous devons nous concentrer.

Certes, nous avons une force constabulaire, mais pas d'une force qui prend part à des opérations secrètes; elle est bien en vue, et elle est régie par la loi.

Si nous vivons dans l'anarchie, nous mourrons dans l'anarchie. Si nous nous laissons guider par la peur, la vengeance et l'exploitation, cela ne peut que nous mener au désastre.

Il y a deux choses que nous pouvons examiner, en ce qui concerne la séparation. On a souvent entendu dire — même par le président de la société pétrolière Shell Oil, que le plus grand danger que nous courons n'est pas le terrorisme : le plus grand danger, c'est le réchauffement de la planète. Nos militaires doivent être prêts à réagir à des désastres environnementaux. C'est impératif. Nous nous dirigeons vers des désastres environnementaux inconnus : sporadiques, continus, mais désastreux. Et nos militaires doivent se préparer à intervenir et à nous garder ensemble advenant un désastre environnemental.

Pour ce qui est de participer à la séparation de pays en état de guerre, si nous établissons une culture de paix et de non-violence, et si nous comprenons dans toute sa profondeur le principe que nous a enseigné Martin Luther King...

M. Wilson : Votre temps est écoulé, monsieur.

Le sénateur Banks : J'aimerais vous poser une question au sujet du premier point que vous avez soulevé, concernant la suprématie du droit. Les choses changent dans l'histoire, et elles deviennent plus compliquées. Il était vraiment facile, autrefois, de respecter la primauté du droit; maintenant c'est plus difficile.

Par exemple, si nous sommes au large du Soudan, avec les problèmes qui se passent actuellement au Darfour, ou alors au Rwanda, pour utiliser un exemple mieux connu, que devrions-nous faire? Notre premier ministre est allé aux Nations Unies et a soulevé l'idée selon laquelle nous devrions avoir le droit de protéger, le droit d'aller dans un pays où il se passe quelque chose de terrible, et d'y mettre fin. Cela viole une règle des Nations Unies.

M. Light : Je crois que le génocide justifie l'intervention dans les affaires d'une nation, si on détermine qu'il y a effectivement génocide, et que les ressources médiatiques dont nous disposons décrivent la situation comme un génocide.

Le sénateur Banks : Alors, il est acceptable d'enfreindre la loi?

M. Light : Je crois que, lorsqu'il s'agit d'un génocide, c'est notre responsabilité morale. Mais nous perdons notre autorité morale si nous attaquons une nation de façon préventive, et si nous l'attaquons principalement pour ses ressources naturelles, sénateur.

Le sénateur Banks : Mais il est parfois acceptable d'enfreindre la loi?

M. Light : Je dirais que oui. Je crois que nous le devons et, dans la mesure où notre politique se fonde sur une autorité morale, que cela ne nous occasionnera aucun problème.

Le sénateur Munson : Je veux vous demander de quoi nos militaires ont besoin pour intervenir à l'occasion d'un désastre environnemental.

M. Light : Je suis désolé, sénateur Munson. Je ne suis pas du tout compétent en matière de logistique. De nombreuses autres personnes pourraient aborder les aspects logistiques. Toutefois, je suis certain que les interventions en cas de désastre environnemental supposeraient la prise de mesures liées au déplacement des gens, à l'évacuation, et la résolution d'une foule de problèmes. Je dis tout simplement que la politique doit envisager la possibilité qu'un désastre environnemental soit l'un des plus gros dangers qui nous guettent.

M. Laurie Hawn, à titre personnel : Sénateurs, j'ai servi pendant 30 ans dans la Force aérienne, j'ai commandé un escadron de CF-18, j'étais commandant adjoint à la 4e Escadre Cold Lake, et j'ai occupé plusieurs postes d'état-major. Dans mon témoignage, je m'attacherai principalement à la souveraineté et à la force aérienne.

Tout comme dans l'Armée et dans la Marine, on trouve au sein de la Force aérienne certains des Canadiens les plus admirables qu'on puisse rencontrer. Toutefois, si compétents, courageux et dévoués soient-ils, le déclin constant de l'appui matériel les rend toujours moins pertinents et moins efficaces chaque jour.

Le Canada est un pays qui a pris son essor grâce à l'aviation, et, aujourd'hui, la souveraineté exige une solide composante aéronautique. La puissance de la force aérienne est en déclin, et le nombre d'escadrons de combat continue de fondre. À la fin de l'an prochain, nous ne disposerons que de deux escadrons de CF-18 en état de voler.

Les heures de vol ont baissé jusqu'au point où l'intensité de la formation et la capacité de combat ont été réduits pour maintenir la sécurité. Les pilotes ne s'entraînent plus à basse altitude, et seulement le quart de la force est prêt à être déployé à un moment ou à un autre. On achète des simulateurs de vol très coûteux, et — quoi qu'en disent les comptables à la petite semaine — ils visent à remplacer les heures de vol. Aussi perfectionné soit-il, un simulateur ne peut tout simplement pas remplacer les exercices de pilotage réels et la valeur formative du fait de devoir continuellement prendre des décisions de vie ou de mort.

Les patrouilles effectuées par des appareils de patrouille maritime ont également baissé, on n'en fait plus qu'un très petit nombre chaque année. Nous avons perdu de vue notre espace aérien et les régions de notre pays qui peuvent être surveillées de façon optimale par les airs.

Ce qui me trouble le plus, c'est l'érosion des effectifs au sein de la force aérienne, et ce phénomène n'affiche aucun signe de ralentissement. De nombreux pilotes, techniciens, employés de soutien et futurs dirigeants très talentueux quittent la force lorsqu'ils sont au sommet de leur art, ou même avant, et ils sont irremplaçables.

Nous contribuons de moins en moins à assurer la souveraineté de notre espace aérien — en refusant de fournir ne serait-ce qu'un appui moral à l'égard de la défense antimissile balistique, ou en castrant nos forces de chasse et de patrouille maritime — de sorte que les États-Unis n'auront d'autre choix que d'assumer une part croissante de notre souveraineté. Les mêmes personnes qui dénoncent les dépenses militaires seront les premières à protester lorsque les Américains exerceront leur responsabilité en vue d'assurer la souveraineté du territoire nord-américain en protégeant l'espace aérien canadien.

Le nouveau budget ne laisse présager aucune amélioration réelle, et la probabilité que les promesses de financement dans cinq ans se réalisent tient du fantasme. La triste vérité, c'est qu'à court terme, on planifie déjà le retrait de programmes qui ont déjà été annoncés en grande pompe à plusieurs reprises, et des quelque 40 p. 100 de financement supplémentaire annoncé au cours des deux prochaines années. L'élément le plus révélateur du budget, c'est qu'on ne prévoit aucune augmentation du budget de base de la défense. Ce sera la même chose en 2010.

Le rétablissement de notre capacité militaire n'est possible que si on augmente le budget de base de la défense, à long terme et de façon disciplinée, sur une période de 20 ans, jusqu'à ce que nous atteignions approximativement la moyenne de l'OTAN. Même si nous avions l'argent à court terme, les réalités du recrutement, de l'instruction et de l'équipement de personnel supplémentaire exigeront de très nombreuses années.

En trois minutes, on ne peut qu'effleurer — et encore, de façon superficielle — l'un des innombrables problèmes auxquels sont confrontés les militaires, mais je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de témoigner.

Le sénateur Banks : Monsieur le président, je dois intervenir, juste un instant. Je tiens à signaler que M. Hawn s'est distingué à titre de pilote au sein de la force aérienne, et qu'il a été un digne candidat dans le cadre de l'élection fédérale pour la Chambre des communes.

M. Hawn : Mais pas assez digne.

Le sénateur Banks : C'est tout de même quelque chose d'être candidat.

M. Hawn : Je connais le problème.

Le président : Je suis certain que tout le monde ici sait que le sénateur Banks est le sénateur Banks d'Edmonton.

Le sénateur Cordy : Monsieur Hawn, je crois que vous avez pris connaissance de nos rapports, car nous avons déjà fait état d'un grand nombre d'aspects que vous avez soulevés ce soir. Votre propos s'attachait à la force aérienne, mais je crois que cela s'applique à l'ensemble des forces armées.

Je m'intéresse à deux choses. Premièrement, les simulateurs ne sont probablement pas voués à disparaître; comment peut-on les utiliser de façon optimale? Vous avez fait valoir qu'ils ne devraient pas remplacer les exercices de pilotage réels, mais comment peut-on les utiliser à bon escient, compte tenu du fait qu'on ne va probablement pas s'en départir? Deuxièmement, comment pouvons-nous mobiliser le public en vue d'inciter le gouvernement fédéral à consentir du financement aux forces armées? Les politiciens réagissent à l'opinion publique. Je crois vraiment que, par le passé, les gouvernements ont pris le pouls du public, et que le public n'était pas ouvert à l'idée d'affecter des sommes importantes aux militaires.

M. Hawn : Les simulateurs de vol sont un élément auxiliaire très utile de l'entraînement, mais ils s'ajoutent à l'entraînement. Ils accroissent l'efficacité de l'entraînement dont bénéficie le pilote dans l'air.

Nous pouvons nous débrouiller avec des heures de vol réduites, mais on utilise les simulateurs non pas pour assurer l'efficacité de l'entraînement, mais bien pour réduire les heures de vol, et, au bout du compte, on se retrouve avec des pilotes de CF-18 affichant 160 heures de vol par année dans un appareil polyvalent et très perfectionné. Ce n'est tout simplement pas suffisant. Ils ne s'entraînent plus à basse altitude. Ils ont abandonné certains des programmes d'entraînement qu'ils utilisaient autrefois.

En ce qui concerne votre deuxième question, les gouvernements ont tendance à faire non pas ce qui doit être fait, mais ce qui est opportun. Il faut que les Canadiens soient informés, vraiment informés des besoins globaux en matière de défense nationale et de souveraineté, car ils ne les comprennent pas. Ils croient que nous protégeons notre souveraineté en tenant tête aux Américains, alors que, de fait, nous renonçons à notre souveraineté en faisant cela.

Les gouvernements doivent faire ce qui doit être fait pour le bien de la population et pour réaliser la vision à long terme du Canada, si nous en avions une. Nous n'avons jamais élaboré une vision à long terme ou une stratégie nationale qui décrit notre place dans le monde, le rôle que nous jouons auprès de nos alliés, les organismes auxquels nous devrions participer au chapitre des affaires étrangères, de l'aide étrangère, du commerce extérieur, des alliances militaires, et ainsi de suite. Nous devons prendre du recul et adopter une vision nationale avant de déterminer ce qu'il faut faire avec les forces armées pour soutenir cette vision.

M. A. G. Dawrant, à titre personnel : Je suis un médecin à la retraite. J'ai servi au sein de l'armée britannique dans mon jeune âge, et c'était une expérience très positive. Je suis en faveur d'une force militaire puissante et compétente pour le Canada. Notre pays est vaste, et la population est dispersée. Qui peut se permettre d'affirmer qu'un jour d'autres pays ne tenteront pas de s'emparer de certains de nos territoires? Nous devons nous doter des ressources nécessaires pour conserver ces territoires.

La dépendance a un prix. Par exemple, les États-Unis ont récemment fermé leurs frontières au bétail canadien. C'est un parfait exemple de dénigrement : le Canada est faible et inefficace. On continuera de dénigrer le Canada, et il est important pour notre pays de maintenir une force militaire puissante. C'est mon opinion.

Le sénateur Forrestall : Le 7 mars, c'est demain. Il sera intéressant de voir ce qui se produira.

M. Dawrant : C'est aujourd'hui, le 7 mars.

Le sénateur Forrestall : C'est aujourd'hui?

M. Peter Opryshko, témoignage à titre personnel : Aucun camion n'a franchi la frontière.

Le sénateur Forrestall : Que s'est-il passé? Est-ce que le bétail a traversé la frontière?

M. Opryshko : Non.

Le sénateur Forrestall : C'est une honte.

C'est un très bon point, docteur. Nous en prenons bonne note. Merci.

Mme Mary Anne Jablonski, à titre personnel : Je suis la députée provinciale pour la circonscription de Red Deer Nord. Même si la population de Red Deer compte un nombre important de membres des Forces canadiennes à la retraite, je prends la parole à titre personnel.

Je suis également membre fondatrice de l'OSSOMM, c'est-à-dire l'Organizational Society of Spouses of Military Members, et j'y ai servi pendant 14 ans, à titre d'épouse d'un membre des forces armées.

Quiconque croit en la démocratie et la liberté sait que la liberté n'est pas gratuite. Pour être un pays souverain, nous devons être dotés d'une force militaire bien équipée et bien formée, prête à nous défendre au pied levé, et nous devons être disposés à payer pour cela.

C'est grâce au général Brock, à ses troupes bien entraînées et à Laura Secord que nous sommes un pays souverain aujourd'hui. Même si je doute que nous puissions jamais répéter cet exploit, nous sommes le seul pays du monde à avoir défait les États-Unis dans une guerre. C'était en 1812.

M. Opryshko : Vietnam.

Mme Jablonski : Il ne s'agissait pas d'une guerre ouverte, monsieur.

Même si la menace qui guette la démocratie ne vient pas des États-Unis, elle vient d'ailleurs. Le monde est moins stable qu'il y a dix ans. Nous ne sommes pas à l'abri de la menace terroriste. Nous devons être dotés de forces armées bien équipées et bien entraînées. Même à l'heure actuelle, je crois que nos frontières du nord sont menacées, et nous ne disposons pas de ressources suffisantes pour surveiller et défendre convenablement ce territoire.

Or, l'établissement d'une force militaire bien entraînée suppose également qu'on procure des maisons et des programmes pour les familles militaires. Il y a 30 ans, les militaires canadiens s'attendaient à un « deux pour un salarial » : avec le membre des forces armées venait l'épouse, sans supplément. Aujourd'hui, les épouses reconnaissent qu'elles ont un rôle important à jouer au sein de toutes les collectivités des Forces canadiennes, et qu'elles ont des droits. Mon mari a toujours dit : « Femme heureuse, vie heureuse ». Je crois que les militaires doivent prêter attention à ce principe. Il faut reconnaître que les familles contribuent de façon importante à la vie militaire, et les politiques et pratiques des Forces armées canadiennes doivent refléter cela.

De plus, il faut valoriser les membres des Forces armées et prendre soin d'eux lorsqu'ils souffrent de maladies, comme le syndrome de stress post-traumatique. Les membres des Forces armées canadiennes ont fait le serment de défendre les Canadiens et ont prouvé qu'ils sont prêts à mourir pour leur pays. Je crois que le temps est venu de saluer leur engagement et leur dévouement en augmentant le budget des militaires canadiens, sans augmenter nos impôts. Je crois que notre gouvernement est bien équipé et bien formé, et qu'il est capable de faire cela.

Je vous remercie d'être ici et de nous donner cette occasion, et je tiens à remercier tout spécialement nos membres des Forces armées et leur famille des sacrifices qu'ils font pour tous les Canadiens.

Le sénateur Atkins : Laissez-moi vous féliciter. Vous êtes députée provinciale.

Mme Jablonski : Merci.

Le sénateur Atkins : Selon moi, quiconque apporte une contribution et se présente à une élection a beaucoup de mérite.

Pour ce qui est de votre témoignage, ce ne sont pas les membres de notre comité qui trouveront à redire. Notre comité a recommandé que le gouvernement accroisse ses dépenses militaires de quatre milliards de dollars. Notre dernier budget était loin du compte, et le budget total se situe autour de 13 ou 14 milliards de dollars. Selon vous, combien d'argent le gouvernement devrait-il dépenser?

Mme Jablonski : Je ne pourrais certainement pas me prononcer sur les aspects logistiques. Je sais que le gouvernement ne dépense pas assez, et qu'il devrait accroître le budget militaire. Je ne pourrais vous dire de combien, mais je pourrais tenter de le découvrir pour vous, si vous voulez m'affecter à un comité.

Le président : Merci.

M. Peter Opryshko, à titre personnel : Puisque certains font état de leurs antécédents politiques, je vous signale que j'ai brigué les suffrages à quatre reprises, au provincial, et à deux reprises, au fédéral. Je me suis toujours présenté sous la bannière du NPD, et, en Alberta, ce n'est pas très vendeur. Je n'ai pas fait de service militaire, mais j'ai servi pendant deux ans avec CUSO en Éthiopie, avant la famine. J'ai beaucoup voyagé; j'ai parcouru toute l'Asie et toute l'Afrique, et vu de nombreux pays où l'on ne peut plus se rendre aujourd'hui. J'ai vu l'Afghanistan, à l'époque où on pouvait partir avec son sac à dos et parcourir tout le pays en auto. La paix régnait dans ce pays, avant que l'Occident et l'Orient ne commencent à faire des manigances.

Je sais que les dépenses militaires ont augmenté. J'ai passé devant la base d'Edmonton le lundi 11 septembre 2001 — tout juste avant les attaques —, et il y avait une manifestation. La route était bloquée, car l'armée éprouvait de la difficulté à payer son personnel de soutien. Il n'y a pas eu de manifestation depuis ce jour-là. Les bâtiments qui ont été construits à Edmonton et sur la base sont énormes. Tout cela s'est fait en douce. Ce n'est peut-être pas visible de la route, mais on a dépensé beaucoup d'argent sur les militaires. Quiconque pense qu'on ne dépense pas d'argent se fait des illusions.

Maintenant, qui est l'ennemi? L'ennemi, c'est le FMI, le Fonds monétaire international; ce sont des gens et des sociétés comme Enron, qui s'approprient des ressources naturelles, des ressources énergétiques et de l'eau, partout dans le monde; c'est le militarisme dirigé par les États-Unis, des choses comme le traité sur la défense et toute cette histoire de missiles. Ce sont les plus grandes arnaques pour nous faire dépenser et gaspiller de l'argent.

Le plus grand danger qui guette le monde, c'est la pauvreté. L'ONU vient tout juste de classer le Canada au 18e ou au 19e rang — sur 20 pays — au chapitre des engagements pour lutter contre la pauvreté chez les enfants. Il est là, le danger. C'est là que les terroristes grandiront.

Nous défendons l'Amérique du Nord pour protéger notre richesse. Ce qui est arrivé à l'ouest d'Edmonton n'a rien à voir avec la marijuana ou le crime. Le but initial était de récupérer une automobile, de saisir une automobile ou un camion pour Kentwood Ford.

On utilise les militaires et la police pour protéger la richesse, et cet argent devrait être utilisé pour lutter contre la pauvreté. Par conséquent, les ennemis sont le FMI et le complexe militaro-industriel.

Comment procéder, alors? La solution, c'est non pas la création d'alliances avec les États-Unis, mais bien le multilatéralisme. Nous n'aurions pas dû aller en Afghanistan. On n'a toujours pas montré qui avait commis les attaques du 11 septembre, et pourtant, nous sommes partis en guerre et nous avons bombardé l'Afghanistan sans ménagement.

Le sénateur Meighen : Préconisez-vous une position « tout ou rien » ou simplement une différente répartition des ressources? Affirmez-vous que nous devrions prendre tout l'argent consacré aux militaires et l'affecter...

M. Opryshko : Non. Nous avons besoin d'une certaine forme de force militaire, mais nous augmentons les dépenses. Comme je l'ai signalé, il n'y a plus de manifestations devant la base d'Edmonton...

Le sénateur Meighen : Eh bien, je ne vous contredis pas, mais, bien sûr, l'un des domaines où les dépenses ont été augmentées concerne la rémunération des membres des forces militaires. On a augmenté leur salaire, ce qui, selon moi, est une bonne chose. Cependant, on ne dépense pas beaucoup d'argent à l'égard de l'équipement, ou, du moins, pas autant que certains d'entre nous le souhaiterions.

M. Opryshko : Je suis agriculteur, et je conduis une moissonneuse-batteuse de 30 ans.

Le sénateur Meighen : Eh bien, j'espère que vous n'avez pas à la réparer trop souvent.

M. Opryshko : Je dois constamment la réparer. Je suis victime de Massey Ferguson et de John Deere.

Le sénateur Meighen : Mais j'ai l'impression que vous avez tout de même une bonne moissonneuse-batteuse, puisqu'elle a duré 30 ans.

Laissez-moi vous poser une autre question. Nous avons déjà soulevé cet enjeu. Le Darfour : croyez-vous que nous devrions intervenir?

M. Opryshko : Qu'entendez-vous par « nous »? Les Nations Unies devraient intervenir.

Le sénateur Meighen : Les Nations Unies.

M. Opryshko : Oui, le Canada devrait participer à une intervention des Nations Unies, mais pas par aventurisme, comme nous l'avons fait au Kosovo ou en Afghanistan, ou comme les Américains voulaient faire en Irak.

Le sénateur Meighen : Je vous laisse avec cette réflexion : il pourrait être difficile de déterminer si une telle intervention est moralement justifiée, si un pays souverain n'en fait pas la demande.

M. Opryshko : Non. Si vous misez sur l'intelligence collective du monde, sur les Nations Unies, au lieu de vous attacher aux intérêts du secteur de l'énergie, ce n'est pas si difficile.

Le sénateur Meighen : Certains de ces pays appartiennent également aux Nations Unies.

Mme Cassandra Van-Norstrand, à titre personnel : Sénateurs, je suis ici avec M. Ross Deacon.

Ce problème, c'est David contre Goliath. Nous ne pourrons jamais dépenser suffisamment d'argent pour les militaires. On ne dépensera jamais assez d'argent pour les militaires.

Depuis ma première journée de travail au sein des Nations Unies pendant les années 60, jusqu'à ma participation actuelle avec Ross Deacon et l'UNESCO, c.-à-d. l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, en particulier, au sein de la Coalition pour la paix, nous avons vu les forces armées canadiennes subir de nombreux changements.

Ross est membre des forces armées canadiennes. Il a fait partie de la marine, et il a participé aux convois en mer pendant la guerre mondiale, alors sa conception de la paix et de la militarisation n'est peut-être pas la même que celle des plus jeunes. Et il estime qu'il n'y aura tout simplement jamais trop d'argent à dépenser pour les militaires.

Nous nous retrouvons dans une situation où les États-Unis sont, avec des investissements s'élevant à des milliards et des billions de dollars, la superpuissance; mais sommes-nous obligés d'écouter?

David n'a pas combattu Goliath par la puissance militaire, et je crois que nous devons commencer à réfléchir à des moyens pacifiques d'interagir avec le monde, à des solutions pacifiques, et, au bout du compte, à mener à terme des choses qui seront fondées sur la promotion de la paix.

La plupart des guerres découlent de la famine, de la pauvreté, et cetera. La situation actuelle, en ce qui concerne le terrorisme, a des racines très profondes et complexes, que nous ne pouvons aborder ce soir.

Ross a seulement 97 ans, alors il est un peu dur d'oreille...

M. Ross Deacon, témoignage à titre personnel : Seulement 90.

Mme Van-Norstrand : C'est vraiment un problème d'une très grande envergure. Nous-mêmes, ainsi que des centaines de nos amis, et de nombreux membres des groupes dont nous faisons partie avons tous écrit des lettres, y compris une lettre de 13 pages à Tommy Banks, demeurée sans réponse, et nous avons souvent téléphoné à son bureau et à de nombreux autres bureaux de sénateurs pour dire que cela n'est pas nécessaire.

Je connais personnellement un ami proche du pilote d'hélicoptère qui a abattu l'ex-ambassadeur de l'ONU en Suède qui était titulaire du prix Nobel, et tout ce que je peux dire, c'est que la guerre et la réalité de la guerre engendrent tous les dangers de la guerre, c'est-à-dire la mort et la perte de vie.

Tout ce que nous allons faire en vue d'établir l'équilibre doit être équitable envers le gens du Canada. Le MIT et tous les experts de la militarisation ont montré que tout effort de militarisation ou de création d'un bouclier antimissile sera insuffisant, ne conviendra pas. Il y a trop de conclusions objectives selon lesquelles une telle démarche occasionnera des problèmes.

Ils peuvent lancer dans l'espace un si grand nombre d'objets...

M. Wilson : Votre temps est écoulé, madame.

Mme Van-Norstrand : Laissez-moi seulement finir ma phrase, s'il vous plaît.

Le président : Oui, finissez votre phrase, s'il vous plaît.

Mme Van-Norstrand : Ils peuvent lancer dans l'espace un si grand nombre d'objets que cela nuit à la réalisation de l'objectif réel, c'est-à-dire d'abattre le missile, de sorte que cela ne sera pas efficace du tout. Alors, pourquoi se donner la peine?

Le président : Ne quittez pas, s'il vous plaît. Premièrement, je tiens à vous dire que Tommy Banks est le sénateur le plus travaillant que je connaisse. Il effectue chaque semaine le trajet entre Edmonton et Ottawa, et son emploi du temps est tout à fait incroyable. Il était à Calgary toute la journée, pour la réunion de comité, et il a pris l'avion juste pour être ici ce soir. Et, comme le hasard fait bien les choses, c'est lui qui vous posera la question ce soir.

Le sénateur Banks : Je tiens tout d'abord à vous remercier de votre service dans les Forces armées, Ross. Comme vous en êtes certainement conscient — et je tiens à ce que vous sachiez que nous le sommes également —, nous vous devons beaucoup, à vous et à vos collègues.

Cassandra, je ne me rappelle pas avoir jamais reçu une lettre de 13 pages; alors, si vous en avez une copie...

Mme Van-Norstrand : Nous en avons une.

Le sénateur Banks : Dans ce cas, auriez-vous l'obligeance me l'envoyer de nouveau? Je la lirai et vous dirai ce que j'en pense.

Vous êtes allée dans tellement de directions ce soir que je ne sais pas trop par où commencer. Voulez-vous dire qu'on ne devrait pas dépenser plus d'argent lorsque vous précisiez qu'il n'y en aura jamais assez?

Mme Van-Norstrand : Oui, car il n'y en aura tout simplement jamais assez. De fait, nous ne sommes pas de taille face aux forces titanesques qui perpétuent la puissance militaire, surtout celles de nos voisins du Sud. Nous n'arriverons jamais à leur hauteur. Nous pourrions dépenser tout notre budget que nous n'avancerions même pas d'un iota.

Le sénateur Banks : Alors, ferions-nous mieux de ne pas avoir d'armée, comme au Costa Rica?

Mme Van-Norstrand : Je ne suis pas sûre que ce soit la solution. Ça me semble un peu trop radical, comme si on disait à quelqu'un : « Viens, on va régler nos comptes dehors ».

Il n'y a rien de tout noir ni de tout blanc. Ne devriez-vous pas recevoir un salaire? Devriez-vous travailler uniquement par esprit patriotique, ou devriez-vous recevoir un petit salaire? Ou bien, devrions-nous vous utiliser seulement pour vos compétences?

Le sénateur Banks : Merci, Cassandra. N'oubliez pas de m'envoyer la lettre.

M. David Maddess, à titre personnel : Bonsoir. Je m'appelle David Maddess. Bonjour monsieur le président, sénateurs, mesdames et messieurs, membres actuels et ex-membres des Forces, et citoyens canadiens.

Je suis un ex-membre des forces de réserve, où j'ai servi de 1976 à 1994.

Je tiens à souligner d'emblée que les membres actuels des Forces armées canadiennes font preuve sans contredit d'un dévouement inégalé envers l'armée, leur collectivité et le pays où il fait si bon vivre. Leur conjoint et leur famille les appuient inconditionnellement, ce que nous devrions apprécier grandement.

Au cours de ma carrière militaire, j'ai eu l'occasion de servir dans des missions étrangères chapeautées par les Nations Unies et de voyager souvent à l'étranger.

Deux choses me préoccupent. La première, c'est le fait que les Forces actuelles sont incapables de défendre le Canada contre des menaces internes ou externes. Nous n'avons pas de personnel militaire suffisant dans l'Armée, la Marine ou les Forces aériennes. C'est un fait. Je ne crois pas que la plupart des Canadiens en soient conscients.

Lorsque j'ai commencé dans les années 70, c'était la Guerre froide, et nous avions probablement trois ou quatre groupes de brigade assez grands; nous avions probablement 20 000 personnes dans l'armée. Notre flotte aérienne était suffisante pour nous permettre de les transporter n'importe où pour une mission étrangère ou pour régler un conflit interne. Nous avions suffisamment de ressources pour approvisionner nos membres.

Soit, nous n'avons pas les camions les plus modernes. Ces camions avaient déjà 30 ans lorsque j'y ai monté pour la première fois. En 1956, ils n'avaient pas de chauffage. J'imagine que ce n'était pas froid en Corée. Mais ce n'est pas le point de notre discussion. Nous devons plutôt nous demander quel genre de forces armées nous voulons pour le Canada.

Nous avons besoin de troupes suffisantes pour les missions étrangères. Le sénateur Meighen a parlé d'intervenir, ou plutôt de ne pas intervenir à Darfour, mais d'y aller. Voulez-vous bien me dire « comment » et « avec quoi »? Depuis la fin ou le milieu des années 90, nous avons dû emprunter des moyens de transport aérien et de soutien militaire. Nous n'avons pas été en mesure de bien doter les troupes chargées des missions étrangères que nous nous sommes engagés à remplir. En outre, l'armée canadienne n'est pas orientée par une politique étrangère claire. Nous devons résoudre ces problèmes.

Je tiens maintenant à aborder des questions très spécifiques auxquelles je me suis buté. Les gens parlent de trouble de stress post-traumatique. Les ressources des Anciens combattants sont insuffisantes pour nous permettre de traiter les gens qui souffrent de troubles mentaux et physiques au Canada.

Lorsqu'il est revenu de la Deuxième Guerre mondiale, mon beau-père disait qu'il y avait une pancarte sur laquelle on pouvait lire : « Pas de soldats ni de chiens sur le gazon. » Nous devons traiter les gens qui reviennent avec des blessures physiques et mentales. Nous ne voulons pas tout transférer à nos systèmes de soins de santé provinciaux, et nous devons avoir suffisamment d'employés dans les Forces pour qu'il y ait un roulement et que le personnel déjà en place ne soit pas surchargé.

Le sénateur Munson : À titre de correspondant à l'étranger, j'ai vu des choses assez horribles, le genre d'images qui vous restent gravées dans la tête pendant longtemps après que vous êtes revenus chez vous et qui sont très difficiles à chasser.

Le gouvernement s'est engagé à recruter 5 000 soldats et 3 000 réservistes de plus. À votre avis, est-ce suffisant? Le gouvernement a également précisé que ça ne pourra pas se faire avant cinq ans.

M. Maddess : Merci, sénateur, mais je ne crois pas que ce soit suffisant. Si le taux actuel d'attrition se situe dans les 6 000 — et que quelqu'un me corrige si je me trompe —, c'est tout à fait insuffisant. D'après mes calculs, nous serons probablement à court d'environ 4 000 personnes.

Les réservistes devraient être en mesure de servir leur pays, et lorsque j'étais moi-même réserviste, je me suis entre autres buté au fait que rien n'obligeait mon employeur à me laisser partir. On devrait au moins émettre un décret dans ces cas-là. J'ai eu la chance d'avoir un employeur qui m'a permis de démissionner ou d'être mis en disponibilité pour que je puisse faire mon service.

Nous devons avoir suffisamment de membres dans nos réserves et nos forces régulières pour les missions étrangères, où qu'elles se déroulent.

M. Colin W. Reichle, à titre personnel : Mesdames et messieurs, je suis le président de l'Edmonton United Services Institute. J'ai servi pendant 22 ans dans les Forces armées régulières et de réserve.

Le 12 février dernier, l'EUSI a tenu un grand colloque au sujet du rôle que le Canada joue dans la lutte antiterroriste, point que j'aimerais soumettre à l'attention du comité. J'irai à l'essentiel.

Le Canada a besoin d'une Marine, d'une Armée et de Forces aériennes convaincantes pour défendre la souveraineté de notre nation, y compris celle de l'Arctique. Nous ne pouvons le faire avec l'effectif et l'équipement militaire réduits dont on dispose actuellement.

Les événements dans le monde ont montré que le Canada a besoin d'un corps expéditionnaire doté d'au moins une brigade de grande capacité. Nous devons être en mesure de déployer et d'alimenter nos forces où qu'elles doivent être déployées. Les 5 000 membres que le gouvernement a promis de recruter pour les forces régulières seraient à peine suffisants pour nos rendre nos unités fonctionnelles. Nous avons besoin de navires et d'avions. Le fait que nos forces aient réussi à s'en sortir avec si peu est louable.

Nous avons besoin de réserves plus importantes, plus solides et plus convaincantes. On a cannibalisé ou retiré l'équipement essentiel pour répondre aux besoins des forces régulières. À l'heure actuelle, les commandants ont droit à 20 journées financées par année pour l'instruction et les autres activités connexes. Ce n'est pas assez, et ce n'est pas rendre service aux réservistes que de dire le contraire.

Nous devons bien admettre que nos intérêts sont liés à ceux de notre principal client et voisin, et nous devons reconnaître que nous avons besoin d'officiers canadiens qui collaborent avec les Américains lorsque vient le temps de prendre des décisions touchant le Canada. Nous sommes en train de perdre cette capacité à la suite de mesures politiques qui ne tiennent apparemment pas compte des conséquences que cela pourrait avoir.

Nous devons revoir complètement la politique étrangère de manière à ce qu'elle tienne bien compte des intérêts canadiens. Nous devrions ensuite rédiger un livre blanc de la Défense, qui permettrait à notre armée d'obtenir les ressources adéquates pour respecter ces intérêts.

Le dernier budget, très minime et maintenant assorti de mesures de récupération pour les deux premières années, ne tient pas compte de la dette opérationnelle continue avec laquelle nos Forces doivent composer et montre bien que le gouvernement ne comprend pas à quel point il importe de répondre aux besoins essentiels de l'armée. S'il en saisit l'importance, alors il ne fait pas son devoir. Ce n'est pas toujours ce qui est bien vu qu'il convient de faire.

Le sénateur Cordy : Vous avez tout à fait raison de dire que l'armée arrive à faire beaucoup avec tellement peu; nous venons justement de rencontrer de ces gens qui représentent si bien nos Forces canadiennes.

Vous avez parlé du budget et du fait qu'il ne répond pas aux besoins militaires. Si vous en étiez chargé et que vos ressources étaient illimitées, que feriez-vous en premier lieu pour l'armée?

M. Reichle : Je commencerais par radier sa dette opérationnelle, pour lui permettre de repartir à neuf. Et puis, comme le général Hillier l'a dit, avec 500 millions de dollars — si c'est vraiment ce que nous aurons cette année —, nous aurons le temps de décider comment nous y prendre pour réaliser toutes ces choses. C'est par là que je commencerais.

M. Jeff Bauer, à titre personnel : Sénateurs, je suis un simple citoyen. Je crois que si j'abordais toutes les questions touchant l'armée, ça me prendrait non pas trois minutes, mais trois heures. Je m'en tiendrai donc à l'essentiel. Je suppose que le groupe d'experts est réuni ici pour discuter des moyens pratiques avec lesquels on pourrait rendre l'armée plus fonctionnelle et mieux répondre à ses besoins.

Je tiens à faire ici une brève déclaration. Je suis un citoyen ayant une double citoyenneté. Je suis citoyen américain et citoyen canadien, et j'ai souvent des nouvelles de mes amis aux États-Unis. Nombre d'entre eux ont fait la guerre du Vietnam. Mon père a servi là-bas en 1967 et en 1968. On se fait beaucoup de fausses idées ici au sujet des anciens combattants du Vietnam et de leur opinion politique. Les gens ici s'imaginent que bon nombre d'entre eux sont devenus des militants pour la paix, mais ce n'est pas le cas. La plupart d'entre eux penchent à fond vers la droite, et un grand nombre s'offusquent de voir comment le Canada applique ses politiques militaires.

Dans l'ensemble, les contribuables américains estiment payer la facture de défense du Canada depuis 35 ans, et je dois bien admettre qu'ils ont raison. J'habite ici depuis 1970, et j'ai pu voir le déclin de l'armée, ce qui m'a amené à tirer les mêmes conclusions.

Sur le plan pratique, j'ai remarqué que le Canada a tendance à acheter tout son matériel à l'étranger, ce qui ne me paraît pas être une bonne chose à long terme. À mon avis, nous ferions mieux de construire nos propres navires et nos propres sous-marins. Nous en sommes capables. Nous avons d'excellentes installations de production ici.

L'Ontario est maintenant la région où l'on construit le plus d'automobiles en Amérique du Nord. Pourquoi ne pourrions-nous pas construire nos jeeps? Pourquoi ne pourrions-nous pas construire nos camions de transport ici?

Nous avons plusieurs fabricants d'armes à feu au Canada, mais l'armée canadienne ne fait affaire avec aucun d'eux. Para-Ordnance, par exemple, est un très bon fabricant de pistolets construits sur le modèle du Colt 1911. Or, l'armée canadienne n'en achète pas. Elle achète tout à l'étranger.

Comment pourrions-nous élaborer une infrastructure qui nous permette de nous approvisionner chez nous et de tout construire nous-mêmes? Pourquoi ne pourrions-nous pas construire un sous-marin au lieu d'en faire venir un d'Angleterre? Je ne fais pas directement allusion à cette situation en particulier car, bien sûr, on ne sait pas encore à quoi s'en tenir là-dessus, sans compter que les sous-marins coûtent cher. Cela dit, je crois que nous économiserions de l'argent au bout du compte et que nous créerions ainsi de l'emploi au Canada.

Le sénateur Forrestall : Vous présentez des points très intéressants. Je ne sais pas trop comment formuler ma question.

Avant toute chose, je crois que le Canada achète la majeure partie de son matériel ici ou qu'il le construit ici. Je pense à tous nos navires de guerre; d'après ce que je sais, ils ont été construits au Canada, sur l'une ou l'autre de nos côtes.

M. Bauer : Je me suis donc trompé.

Le sénateur Forrestall : Il y a beaucoup de mythes qui circulent un peu partout au sujet de nombreuses questions de ce genre. Vous habitez ici depuis maintenant assez longtemps. Est-ce que vous voulez dire que le Canada devrait s'efforcer de mieux défendre sa souveraineté?

M. Bauer : Je crois que le Canada devrait effectivement faire sa part.

Contrairement à ce que j'ai dit précédemment, une partie du matériel est donc construit au Canada, mais il y en a quand même une bonne part qui ne l'est pas. Prenons le cas de notre Avro Arrow. C'était il y a 40 ans, et nous en ressentons encore les contrecoups. Parlez-en aux pilotes de chasse comme Laurie Hawn; c'est une mascarade.

Nous n'avons pas nos propres armes de petit calibre; nous ne les fabriquons pas ici. Elles forment pourtant la plus grande part du matériel militaire. Nous ne construisons pas nos tanks.

Le sénateur Banks : Nous construisons nos propres véhicules blindés légers et les vendons partout dans le monde.

M. Bauer : Eh bien, nous n'avons pas de tank. Un véhicule blindé léger peut être utile pour le transport d'une équipe, mais ça ne vaut pas grand-chose face à de l'artillerie lourde.

M. John Simpson, à titre personnel : Bonsoir, sénateurs. Je suis le président de la section de l'Alberta de l'Association médicale de la Défense du Canada. Je tiens à vous remercier de me permettre d'être ici ce soir. Je l'apprécie beaucoup.

J'ai pu observer avec intérêt les délibérations de votre comité, devant lequel certains des conseillers militaires les plus compétents du Canada ont présenté des témoignages francs. Les propos du général MacKenzie ont notamment retenu mon attention, et je sais que des généraux comme Roméo Dallaire n'y vont pas par quatre chemins pour souligner l'importance de renforcer les capacités opérationnelles des Forces canadiennes. Leur témoignage est tout à fait digne de foi, et je ne me permettrais certainement pas d'ajouter autre chose sur le plan opérationnel.

Toutefois, à titre de contribuable canadien, je tiens à souligner que je soutiens ardemment le rôle — lequel n'est manifestement pas prêt de changer — que jouent les Forces canadiennes au pays et dans le monde. À mon avis, le gouvernement canadien n'a néanmoins pas réussi à fournir les ressources requises aux employés dévoués qui veulent assumer le rôle que leur a assigné notre gouvernement.

Sans politique étrangère claire, il faut y aller un peu au petit bonheur lorsqu'on doit s'assurer qu'il y a suffisamment de membres des Forces armées canadiennes pour les diverses missions. L'administration fait maintenant miroiter devant les gens des incitatifs financiers et une solde supplémentaire qu'ils trouvent souvent irrésistibles malgré tout ce que cela impose à leur famille et à leur santé.

On demande aux membres qui n'ont pas encore pleinement récupéré de leur dernière mission de se lancer tout de suite dans une autre. On a demandé à l'un des mes amis de signer une décharge même pas une semaine après son retour de Kaboul pour qu'il puisse retourner en mission dans six mois.

En ce qui a trait aux soins de santé, même si les Services de santé des Forces canadiennes offrent les meilleurs soins possibles, leurs ressources sont limitées. Comme il arrive fréquemment que nous n'arrivions pas à obtenir de spécialistes médicaux dans les forces régulières malgré de gros incitatifs, nous devons souvent compter sur les réservistes, lesquels sont rarement en mesure d'effectuer une rotation complète. Cela devient un véritable cauchemar sur le plan de la dotation. En outre, le Canada compte fortement sur le soutien logistique de ses alliés en ce qui concerne les installations de soins primaires ainsi que le transport et l'évacuation des blessés du théâtre des opérations.

L'autre point qui me préoccupe est de savoir ce que notre pays fait pour notre armée lorsque ses blessés reviennent au bercail. Offrons-nous toute l'aide nécessaire pour assurer leur mieux-être physique et mental? Leur famille reçoit-elle le soutien requis lorsqu'elle perd son principal gagne-pain? Ce genre d'aide permet également beaucoup de soutenir le moral des troupes.

Tout au long de notre histoire, les soldats canadiens ont réussi contre vents et marées. Malheureusement, il est arrivé trop souvent que le gouvernement ne fournisse pas le financement et le soutien nécessaires aux soldats, ou qu'il attende que ce soit beaucoup trop tard pour le faire et que les demandes soient beaucoup trop nombreuses pour qu'il puisse y répondre.

Au bout du compte, je crois que le meilleur conseil que je puisse offrir est de s'en tenir aux besoins essentiels. Je ne crois pas que nous ayons besoin d'autres colonels et d'autres généraux qui vaquent à leurs affaires à Ottawa. Fournissons aux simples soldats les outils, le financement et les ressources dont ils ont besoin pour être fiers de représenter le Canada à l'étranger.

Le sénateur Atkins : Êtes-vous médecin?

M. Simpson : Non, je suis un infirmier civil, et je n'ai en fait jamais été dans l'armée.

Le sénateur Atkins : D'après vous, comment pourrions-nous encourager les médecins à collaborer davantage avec les militaires, puisque l'armée fait entre autres face actuellement à une pénurie de médecins, surtout de spécialistes?

M. Simpson : On offre de gros incitatifs financiers aux spécialistes qui acceptent de se joindre à l'armée, mais ce n'est pas assez dans de nombreux cas. Je crois que vous devez non seulement leur offrir un salaire, mais aussi montrer que vous appréciez le temps qu'ils vous consacrent. En outre, nous devons fournir des incitatifs ou une indemnité aux employeurs qui comptent des réservistes à leur actif. Nous manquons de médecins au Canada. Ce n'est pas facile pour les employeurs de laisser partir leurs médecins ou leurs infirmières en rotation. Nous devons offrir à ces employeurs certains avantages pour qu'ils acceptent de participer.

Mme Marina Masuarenhas, à titre personnel : Sénateurs, je suis membre de la collectivité d'Edmonton. Je dois avouer que je fais partie des personnes qui ne sont pas très en faveur du militarisme. Je félicite notre premier ministre d'avoir refusé de participer au programme de défense antimissile. J'estime néanmoins que l'armée a un rôle à jouer, notamment dans le Grand Nord, où on s'attend à une fonte des glaciers de l'Arctique, ce qui pourrait exiger des mesures de sécurité aux frontières.

Mon intervention d'aujourd'hui a pour but simplement de m'assurer que tout le monde est au courant de la Loi sur les secrets officiels et des lois antiterroristes, ainsi que des atrocités commises contre l'humanité au nom de la sécurité nationale.

Vu que je ne sais pas trop comment fonctionne l'armée, j'aimerais aussi savoir en quoi pourrait consister exactement une attaque. Pourrait-elle être lancée par avion ou pourrait-on être bombardé, ou pourrait-il encore s'agir d'un autre genre d'offensive, comme la propagation d'une maladie? L'armée serait-elle chargée d'intervenir dans ces cas-là? Cela s'inscrirait-il dans le cadre du mandat de l'armée et donc dans le budget de défense du gouvernement?

Le sénateur Meighen : Eh bien, si j'ai bien compris votre question, la réponse, en un mot, est : oui, l'armée et nos intervenants de première ligne — les policiers, les pompiers et les forces de réserve — seraient effectivement chargés d'intervenir dans ce genre de situation, par exemple si on lançait une bombe radiologique sur un conteneur dans l'un de nos ports, ou que le Canada faisait face à une autre menace du genre.

J'aimerais souligner un point au sujet de l'affiche que vous avez ici. Je ne suis pas sûr que ce soit la Loi sur les secrets officiels à laquelle vous voulez faire allusion; le projet de loi C-36 est celui qui concerne la Loi antiterroriste. À ma connaissance, la Loi sur les secrets officiels vise à empêcher les personnes en position d'autorité de divulguer des renseignements personnels et confidentiels.

La Loi antiterroriste, qui fait l'objet de controverses, a été promulguée après les événements du 11 septembre. Un comité de la Chambre des communes et un comité du Sénat l'examinent actuellement afin de voir si toutes ses dispositions doivent encore s'appliquer.

M. Andrew Kuchta, à titre personnel : Monsieur le président, je suis un simple citoyen. Je tiens à souligner l'importance pour l'armée de pouvoir répondre à certains besoins en matériel, ce qui devrait faire l'objet d'une politique.

Avant toute chose, en ce qui a trait à la souveraineté, pour défendre les longues côtes de notre pays, nous avons besoin de plus de vaisseaux maritimes de défense, lesquels pourraient être utilisés par la Garde côtière ou la Marine. Ce serait peut-être moins dispendieux si nous passions par la Garde côtière; ces vaisseaux ne répondraient pas néanmoins aux normes élevées de l'OTAN en matière de communications ou de contrôle militaire. Quoi qu'il en soit, il nous faut davantage d'équipement pour assurer la défense de nos côtes et appliquer des mesures d'interception.

Parmi les politiques que je vois pour l'armée, il y aurait celle touchant la projection de puissance ou peut-être ce que d'autres pourraient appeler la présentation du drapeau, ce qui comporterait l'envoi de l'équipe DART aux quatre coins de la planète. Pour ce faire, nous aurions besoin d'avions dotés d'une grande capacité de chargement, comme celle d'un Boeing C-17, de façon que nous puissions contrôler nous-mêmes, selon notre horaire, le déploiement de nos troupes dans différentes régions du monde en cas d'urgence.

Le sénateur Banks : Quand vous parlez de vaisseaux maritimes de défense côtière, je présume que vous ne faites pas allusion aux NDC que nous avons maintenant, car ils ne sont pas conçus pour l'application de mesures d'interception et d'autres mesures comme celles dont vous avez parlé, comme nous avons pu le constater. Mais je présume aussi que vous estimez que nous devons mieux garder nos côtes. Selon vous, devrions-nous militariser la Garde côtière ou du moins l'investir de pouvoirs constabulaires, puisqu'elle n'en a pas maintenant?

M. Kuchta : Si la Garde côtière était habilitée à faire appliquer la loi et disposait de pouvoirs d'arrestation et de saisie, ce serait beaucoup plus facile d'arrêter, par exemple, un terroriste qui essaie de faire passer en contrebande de l'équipement ou du personnel dans notre pays. La Garde côtière serait sans nul doute le candidat idéal pour cela, et si nous devons raffermir la loi pour lui accorder ces pouvoirs, n'hésitons pas à le faire.

M. J. P. Grebenc, à titre personnel : Sénateurs, j'habite ici à Edmonton et je suis membre des forces régulières et des forces de réserve de l'armée depuis 15 ans.

D'après ce que je comprends, votre comité souhaite que les Canadiens lui offrent des suggestions en ce qui concerne la taille, les capacités, le matériel et le rôle de l'armée. Je me pencherai d'abord sur le rôle de l'armée canadienne, puis je proposerai un modèle pour elle. Je crois que sa taille, son matériel et ses capacités dépendent du rôle qu'elle devra jouer.

Je propose que l'armée canadienne assume trois rôles principaux : la défense du Canada; la défense des intérêts canadiens, ce qui comprend le maintien de la paix à l'étranger; les pouvoirs supplémentaires d'intervention au Canada, par exemple en cas de désastre.

Je suggère que l'armée canadienne prenne pour modèle le corps de la Marine américaine. D'après mon expérience de militaire, je dirais que notre problème réside entre autres dans le fait que, même si nous avons 60 000 personnes dans l'armée, nous n'avons pas 60 000 personnes qui effectuent des rotations à l'étranger. Comme d'autres témoins l'ont précisé, ce sont toujours les mêmes personnes qui y vont. Ils forment un petit groupe composé principalement du personnel des armes de combat, de l'infanterie, d'ingénieurs et d'autres éléments pertinents.

Par contre, les membres du corps de la Marine américaine sont avant tout des soldats, et ensuite des cuisiniers, des commis ou autres. Votre comité pourrait peut-être se fonder sur ce modèle pour déterminer comment l'armée canadienne devrait être restructurée si on veut qu'elle soit mieux en mesure se rendre à l'étranger et d'accomplir les tâches que le gouvernement et les citoyens attendent d'elle.

Le sénateur Munson : Les Canadiens ne semblent pas dire : « Allons-y, affectons des millions ou des milliards de plus au budget militaire. » Chaque fois que le gouvernement pose la question, les gens veulent qu'on injecte davantage de fonds dans les garderies ou les soins de santé. Il y a encore d'autres domaines dans lesquels les Canadiens souhaiteraient qu'on dépense les deniers publics. Comme vous l'avez souligné ce soir, il y a de bonnes raisons pour lesquelles on devrait avoir une armée plus forte, meilleure et plus efficiente, mais il semble que les citoyens canadiens en général donnent préséance à trois ou quatre autres priorités plutôt qu'aux besoins de l'armée.

M. Grebenc : Puis-je me prononcer à ce sujet, monsieur?

Le sénateur Munson : Allez-y.

M. Grebenc : Je crois que c'est avant tout une question de vente et de promotion. En fin de compte, j'ai foi en notre pays. C'est un grand pays, et nous devons protéger nos libertés et notre pays. Je ne comprends vraiment pas qu'on puisse refuser de soutenir, dans les limites du raisonnable, les mesures visant à protéger notre pays. À mon avis, c'est à nos politiciens de prendre position ouvertement et de s'employer à convaincre les gens. Je crois que c'est aussi simple que cela.

La plupart des citoyens canadiens ne connaissent pas grand-chose de l'armée. Pour ma part, c'est différent. Je suis assez au courant de la situation en raison de ma participation. La plupart des gens ne la comprennent pas. Si vous pouviez la leur expliquer, je crois que la plupart des Canadiens deviendraient pro-militaires.

M. Bill Stollery, à titre personnel : Sénateurs, je suis un citoyen canadien de 78 ans qui a fait sa part. J'ai quatre frères qui ont fait la guerre, dont l'un qui n'est pas revenu, et j'ai œuvré moi-même auprès des militants pour la paix pendant 40 ans afin d'empêcher qu'on fasse sauter la planète. Comme vous le savez bien, c'est une menace de plus en plus réelle.

En matière de sécurité, notre gouvernement s'efforce actuellement de répondre aux craintes que suscite le terrorisme mondial, même si la peur d'une attaque par un autre pays est toujours présente.

Dans la plupart des pays du monde, on considère que le Canada fait partie de l'alliance occidentale composée entre autres des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de l'Australie. Notre gouvernement nous dit que notre moyen de défense réside uniquement dans nos Forces armées, et que, comme nous les avons négligées à force de compressions budgétaires, nous devons renforcer leurs capacités en finançant l'achat supplémentaire de matériel technologique de pointe et en embauchant davantage de membres pour le faire fonctionner. On nous dit que cela permettra d'accroître notre capacité de stopper radicalement ou de tuer les terroristes ou nos ennemis.

Est-ce déraisonnable de croire que ces prétendus ennemis renforcent également leurs capacités militaires afin de tuer pour les mêmes raisons que nous, c'est-à-dire par crainte de ce que nous sommes pour eux : des « ennemis »? N'est-ce pas la même logique — ou le même manque de logique — du conflit perpétuel entre les Arabes et les Israéliens? Cela a- t-il du sens pour vous?

Avec les armes de destruction massive dont on dispose aujourd'hui, le temps n'est-il pas venu d'essayer de briser ce cycle de folie? Puis-je vous proposer de faire cela?

Je ne suis pas un grand orateur, comme vous pouvez le voir.

Certains d'entre nous estiment que nous risquons encore plus d'être attaqués en renforçant nos capacités militaires. D'après mes connaissances historiques, une seule tactique peut permettre de régler des conflits violents entre les humains : la non-violence. Tout au long de l'histoire, les solutions militaires ont toujours engendré d'autres conflits. Nous croyons que, en raison de la puissance des armes d'aujourd'hui, nous devons modifier nos tactiques en matière de sécurité.

Les anciens prophètes — entre autres Jésus, Moïse et Mahomet — ont prêché la non-violence et ont prouvé que c'est la seule voie sûre. Le Canada ne peut-il marcher dans les traces des prophètes modernes — Gandhi, Martin Luther King, Mandela et Tutu — qui ont suivi la voie de la non-violence pour résoudre leurs problèmes immédiats d'une façon saine? Une approche non violente face aux menaces pour la sécurité du monde et des Canadiens devrait être notre seul choix logique.

Le président : Nous aimerions recevoir un exemplaire de votre mémoire.

M. Stollery : Le greffier en a déjà un, et j'espère que vous le lirez.

Le président : Sans aucun doute.

M. Stollery : Je n'ai pas pu conclure.

Le sénateur Cordy : Peut-être que ma question pourra vous permettre en même temps de conclure, et je dois vous dire que vous êtes en fait un très bon orateur. Compte tenu de vos propos aujourd'hui, estimez-vous que le Canada a besoin d'une armée?

M. Stollery : Oui, nous en avons besoin. Nous devrions réduire de 90 p. 100 le financement accordé à l'armée pour conserver seulement celui nécessaire au déploiement de forces du maintien de la paix chapeautées par les Nations Unies, ce qui serait, à mon humble avis, le seul moyen logique d'arrêter les combattants.

Le sénateur Cordy : Quel genre d'instruction ces forces du maintien de la paix devrait-elle recevoir?

M. Stollery : Une instruction policière. Nous n'avons pas besoin d'instruire d'autres personnes dans l'art de tuer autrui. Il y en suffisamment comme ça qui savent très bien le faire, ne croyez-vous pas?

Le président : Merci beaucoup.

M. Stollery : Ne croyez-vous pas?

Le sénateur Cordy : Je m'excuse — votre conclusion. Nous attendons votre conclusion.

M. Stollery : Le Canada est le premier grand pays à pouvoir logiquement adopter cette nouvelle approche plus saine, car nous n'avons pas peur actuellement que des ennemis nous attaquent.

Cette approche aurait beaucoup d'autres avantages. Cela montrerait à nos prétendus ennemis que le Canada n'a pas l'intention de les attaquer. Cela encouragerait d'autres pays à faire de même. D'autres peuples seraient inspirés par le geste intelligent et courageux que nous aurions posé en vue de briser le moule de la culture de guerre du monde actuel. Cela donnerait aux Canadiens le sentiment que leur destinée manifeste a un sens et les empêcherait de se laisser dominer par la paranoïa des armes de destruction massive.

Mme Diane Newman, à titre personnel : Je n'ai pas grand-chose à dire. Comme l'autre personne, je me soucie de notre environnement et de notre santé, et je crains que nous ne vivions actuellement des désastres naturels à petite échelle. Les plaques tectoniques se déplacent, le magnétisme polaire se modifie, nous avons des éruptions solaires, et ainsi de suite. Je crois que nous faisons face à suffisamment de désastres naturels pour que notre armée soit très occupée à prendre soin des humains avant tout.

Je suis également très préoccupée au sujet des soldats qui sont détachés à l'étranger et reviennent avec des troubles de stress post-traumatique. Nous devons comprendre que cela provient du fait que, à mon avis, nous avons suscité chez eux un choc culturel et la conscience de ce que nous avons fait pour exploiter d'autres pays et engendrer ainsi des frustrations et une grande colère. J'espère que notre politique étrangère reflétera une vision plus humanitaire des fonctions de l'armée.

L'autre point qui me préoccupe est celui des injections contre la malaria, qui ont entraîné chez certains soldats beaucoup de troubles de santé, comme des hallucinations. J'espère que tous les soldats peuvent accéder à leur dossier médical et le suivre. J'espère qu'on ne leur cache aucune information médicale.

Le sénateur Forrestall : Pourriez-vous élaborer un peu au sujet des dossiers que les gens ne pourraient pas consulter?

Mme Newman : J'ai appris dans un article ou à la télévision que les dossiers de certains soldats ont disparu. Je tiens à m'assurer que les soldats ont accès à tous leurs dossiers.

Le président : Mesdames et messieurs, merci beaucoup. Nous apprécions le fait que vous ayez pris le temps de venir jusqu'ici ce soir pour nous présenter vos commentaires. C'est un très bon moyen pour nous de connaître l'opinion de différentes personnes au sujet d'une même question. Nous avons écouté attentivement et respectueusement ce que vous aviez à dire, et nous en tiendrons compte lorsque nous rédigerons notre rapport.

Je tiens également à remercier grandement l'animateur de l'émission Edmonton AM, M. Ron Wilson. Nous vous sommes très reconnaissants, monsieur, de votre aide ce soir.

La séance est levée.


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