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Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule 18 - Témoignages du 9 mars 2005 - Séance du soir - Assemblée publique


REGINA, le mercredi 9 mars 2005

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 18 h 35 pour se pencher et faire rapport sur la politique nationale sur la sécurité pour le Canada (audiences publiques)

Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette audience du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.

Avant de commencer, j'aimerais, au nom du comité, prendre un moment pour présenter nos condoléances aux familles des victimes de la GRC ainsi qu'à l'ensemble des membres de la GRC. Nous tenons à leur faire savoir que nos pensées sont avec eux. Les membres du comité déposeront une couronne au cénotaphe au Dépôt de la GRC demain.

Je vous présente brièvement les membres du comité. À ma droite, le sénateur Michael Forrestall de la Nouvelle- Écosse. À ses côtés se trouve le sénateur Munson de l'Ontario. À ses côtés, le sénateur Meighen de l'Ontario, et à ma gauche, nous avons le sénateur Atkins de l'Ontario. Je m'appelle Colin Kenny, et je suis président du comité.

L'audience de ce soir sera animée par le brigadier-général Cliff Walker, qui est à la retraite. Il a servi les Forces canadiennes pendant 35 ans, et il a été promu commandant adjoint du Secteur de l'Ouest de la Force mobile.

Je cède brièvement la parole au général Walker, et je l'invite à nous expliquer les règles de fonctionnement.

Le brigadier-général (retraité) Cliff Walker, animateur : Merci, sénateur Kenny. Sénateurs, soyez les bienvenus à Regina. Mesdames et messieurs, bienvenue à Regina. Comme l'a dit le sénateur Kenny, je m'appelle Cliff Walker; je suis un brigadier-général à la retraite des Forces canadiennes.

L'événement de ce soir est de la plus haute importance, compte tenu de la situation actuelle de notre pays au chapitre de la sécurité et de la défense. Si vous le permettez, je vous expliquerai les règles de fonctionnement. Il y a deux micros situés à l'avant de la pièce. Si vous souhaitez formuler un commentaire, veuillez faire la file devant l'un d'eux.

Je vous invite à ne pas poser de questions. Vous présenterez un exposé qui durera tout au plus deux ou trois minutes, et le distingué collègue à mes côtés se chargera de vous chronométrer. Une horloge vous rappellera combien de temps il vous reste. Quand la lumière rouge s'allumera, je vous prierais de terminer votre propos et de vous rasseoir. L'un des sénateurs peut vous poser une question pour vous inviter à clarifier vos commentaires. Vous disposerez tout au plus d'une minute et demie pour répondre à la question du sénateur.

Vous devez vous présenter afin que le comité puisse préparer un compte rendu exact de la soirée et, le cas échéant, assurer un suivi. Puisqu'il s'agit d'une procédure parlementaire, vous comprendrez que l'établissement d'un compte rendu exact s'impose.

À votre arrivée, on vous a remis une carte d'inscription. Veuillez vous assurer de remettre votre carte au greffier lorsque vous vous présentez au micro. Si vous n'avez pas reçu de carte, vous pouvez vous en procurer une au comptoir d'inscription.

L'audience est interprétée dans les deux langues officielles. On peut se procurer un récepteur au comptoir d'inscription.

Le président : Merci beaucoup, général.

Je vous invite maintenant à vous approcher des micros. Nous commencerons par vous, monsieur. Je vous prierais de bien vouloir vous identifier, s'il vous plaît.

M. Jamie Hopkins, à titre personnel : Je suis ici aujourd'hui à titre de citoyen intéressé de Regina. Je tiens à remercier le comité de s'être rendu dans la région de Regina. Nous sommes profondément attachés aux militaires, et, en principe, j'appuie énormément les militaires.

J'aimerais inviter personnellement le comité à promouvoir et à favoriser la coopération entre les forces militaires canadiennes et américaines, dans l'attitude aussi bien que dans l'action.

Nous sommes dans une position enviable, car nous partageons ce continent avec les États-Unis d'Amérique. Puisque nous jouissons des ressources de ce riche continent et les partageons, nous devons également être prêts à épauler les Américains en vue de défendre le continent. Par cela, j'entends que nous devrions coopérer dans le cadre d'initiatives comme le programme de défense antimissile balistique.

Les États-Unis offrent, les États-Unis ont invité, et dans une large mesure, les États-Unis paient la note. Nous avons assisté aux audiences tenues cet après-midi, et elles portaient à croire que la Défense nationale est dans une situation financière difficile et que le budget est serré. Malgré cela, nous avons un gouvernement qui ferme la porte à une initiative qui revêt une importance énorme pour notre continent.

Comme l'a déclaré le sénateur Munson, le feu se propage rapidement, et il en va de même de missiles lancés par un État paria. Je reprends vos paroles, et je dis qu'il vaut mieux tout simplement dire aux Américains de procéder.

Je ne sais pas combien de gens ici ont parcouru les routes de section qui bordent le sud de la province. On ne peut être qu'impressionné par cette frontière, presque invisible; il n'y a qu'une bande de gazon au milieu des Prairies pour indiquer nos frontières souveraines. Il n'y a ni clôtures, ni barbelés à lames ni points de contrôle armé, seulement l'accord de deux amis quant à l'emplacement de la frontière. Ne tenons pas cela pour acquis.

Ceux qui feraient du mal à nos voisins ne nous épargneraient pas; leurs ennemis sont nos ennemis, et leur défense peut être notre défense.

Pour terminer, j'invite toutes les personnes ici présentes à envisager la possibilité que l'amélioration et l'accroissement de l'attitude de coopération avec les États-Unis aient un effet positif sur la sécurité nationale, à peu ou pas de frais pour la Défense nationale.

Le sénateur Atkins : Selon vous, quelles devraient être les concessions si le Canada devait changer sa position à l'égard de la défense antimissile balistique?

M. Hopkins : Pourriez-vous clarifier votre question?

Le sénateur Atkins : Selon vous, quelles concessions le Canada et les États-Unis devraient-ils faire afin que nous puissions améliorer nos relations?

M. Hopkins : Pour leur coopération?

Le sénateur Atkins : Oui. Et la nôtre.

M. Hopkins : Je suis un jeune homme, sénateur Atkins, mais, que je sache, rien ne leur a été offert. Je ne vois qu'une offre énorme de leur part.

Je crois qu'il est important de mentionner ceci au comité : je suis jeune. J'ai vécu dans cette région toute ma vie. Si la guerre devait éclater ce soir — et la possibilité est bien réelle, bien plus qu'il y a dix ans — la première chose qui me viendrait à l'idée, ce sont les bombardiers B-52 de la base des Forces aériennes américaines à Minot, et les plates-formes de lancement de missiles qui sont situées tout près, juste au sud de la frontière.

C'est la première chose qui me vient à l'esprit. Malheureusement, je ne suis au courant d'aucune ressource des militaires canadiens qui arrive à la cheville de cela. Je dors bien, sachant qu'ils sont nos voisins.

M. Doug Lennox, à titre personnel : Je suis également un citoyen canadien intéressé de Regina. Je ne prétends pas être doué pour les discours publics, mais à titre de citoyen canadien intéressé, je crois que le temps est venu pour moi de donner mon point de vue.

Ce que j'ai appris des militaires au Canada et de l'audience de cet après-midi, c'est que nous sommes aux prises avec un problème de sous-financement chronique et de pénurie de main-d'œuvre, et que nous utilisons de l'équipement vieux de 40 ans. Ce sont des problèmes auxquels il faut réagir.

Le Canada est fier du rôle proactif joué par ces militaires dans le passé. Au cours des Deux Guerres mondiales, nous étions les premiers à aller défendre la vérité et le bien contre d'ignobles dictateurs. Malheureusement, c'est de l'histoire ancienne. À mon avis, nous ne jouons plus ce rôle proactif du tout. Nous devons corriger la situation et rajuster le tir.

La nécessité de lutter contre le terrorisme dans le monde est bien réelle. Nos voisins, comme vient de le mentionner mon collègue, se tiennent debout; nous devons les appuyer dans leurs démarches. Nous devons reconnaître que ce pays est notre grand frère, et que, sans lui, nous sommes vraiment dans le pétrin. Nous devons reconnaître que nous dépendons des États-Unis.

Je ne souhaite pas parler contre notre gouvernement, mais il a snobé les États-Unis; il a refusé de coopérer sur le dossier de la défense antimissile; il a refusé de soutenir l'initiative américaine en Irak. Je suis un citoyen de Regina, où j'élève mes cinq enfants, et je me demande ce que l'avenir réserve à mes enfants. Si nous ne pouvons apprendre à coopérer et à travailler avec les États-Unis, nous sommes vraiment dans le pétrin.

Pour terminer, j'invite le comité à faire valoir au gouvernement toute l'importance de promouvoir l'amélioration des relations avec les États-Unis et de mettre à contribution toutes les ressources que nous avons.

Le sénateur Forrestall : J'espère tirer une conclusion qui sera en accord avec vos commentaires et observations. Si je comprends bien, vous croyez qu'il n'y aurait pas de problèmes au Canada si le gouvernement changeait d'idée et affirmait que, dans la mesure où nous disposons des ressources financières et autres nécessaires, nous sommes en mesure de soutenir le programme de défense contre les missiles antibalistiques. Autrement dit, cela n'aurait pas une grande incidence sur le gouvernement canadien ou les forces armées ou la population canadienne; bien au contraire, cela nous aiderait peut-être à faire passer le bœuf ou à faire éliminer le tarif imposé au bois d'œuvre.

M. Lennox : Je suis d'accord avec ce que vous dites. Je ne crois pas qu'il s'agisse nécessairement de verser de l'argent; je ne crois pas qu'ils demandent cela. Je ne prétends pas comprendre tous les enjeux; je ne suis qu'un citoyen ordinaire, un homme d'affaires de la Saskatchewan.

Nous devons, à tout le moins, manifester un esprit de coopération à l'égard de ce pays. C'est ce point que je tente de faire valoir au comité. Si nous n'avons pas les moyens de fournir de l'argent, nous pouvons au moins leur fournir un appui moral. C'est à cet égard que notre gouvernement actuel manque à sa tâche, et j'estime que c'est, à l'heure actuelle, un grave problème au Canada.

Le colonel (à la retraite) Charles Keple, à titre personnel : Bonsoir, sénateurs.

J'ai servi dans les Forces armées canadiennes pendant 38 ans. Je ne commenterai pas le sous-financement des Forces canadiennes ou de la Défense nationale, bien que je ne sois pas en désaccord avec cette affirmation.

Le plus important des deux points que j'aimerais soulever aujourd'hui concerne le fait que nous demandons un examen ouvert de la défense depuis longtemps déjà, comme vous le savez. Je ne vous y ai pas vu cette année, mais je vous ai vu à l'occasion de rencontres antérieures de la Conférence des associations de la défense, sénateur. Il semble que nous soyons probablement à un mois, tout au plus, de l'annonce de la nouvelle politique relative à la défense. Il y avait suffisamment d'indices de cela à Ottawa, la semaine dernière. Je crois savoir que les officiers généraux sont déjà au courant. Je crois savoir que tous les officiers de la région d'Ottawa prennent connaissance actuellement de la nouvelle politique.

Ainsi, je me retrouve dans une situation embarrassante, car je dois déclarer qu'il ne s'agissait pas d'un examen ouvert. J'ose espérer que la politique qui sera appliquée sous le commandement du nouveau chef d'état-major de la Défense sera acceptable, car la plupart d'entre nous seront tenus de serrer les rangs et de témoigner notre appui, quelle que soit la teneur de la politique. C'est difficile.

Je me suis réjoui quand David Pratt a annoncé qu'on procéderait parallèlement à l'examen international — à l'examen du développement international et de la défense. Maintenant, il semble bien qu'il y aura une restructuration considérable des forces canadiennes, et l'examen effectué n'était pas ouvert. Ainsi soit-il. C'est l'une des nombreuses choses que ceux d'entre nous qui suivons la sécurité nationale et la défense depuis plusieurs décennies avons appris à tolérer.

Mon deuxième point, plus important encore, c'est que le Canada est dans cette situation parce que c'est ce que veut la population canadienne. Elle ne comprend pas les enjeux de sa propre sécurité nationale, elle ne comprend pas la notion de défense.

Quand je parle de la population canadienne, cela comprend également les parlementaires. Il n'y a que trop peu de députés qui jouissent d'une expérience militaire appréciable et qui permettent à leurs concitoyens d'en bénéficier.

Lorsqu'il est question de dire aux Canadiens des choses qu'ils devraient savoir, le gouvernement fait preuve d'un sens médiocre du leadership. Je crois que la plupart des porte-parole militaires, moi y compris, utilisent un jargon qui échappe à la plupart des jeunes. Lorsque nous utilisons des termes comme « apte au combat » ou « armes gagnantes », on ne nous comprend pas. Par conséquent, lorsque nous fournissons directement des conseils à la population canadienne, ou par l'entremise des parlementaires, ces conseils ne sont pas entendus.

Je crois qu'il faudrait, à Ottawa, élaborer une trousse d'information — ou une trousse d'information ouverte, si vous me permettez l'expression — à l'intention de tous les parlementaires. Cette trousse pourrait expliquer les règles fondamentales auxquelles un pays est tenu de se plier, définir la notion de souveraineté, et expliquer toute l'importance de la sécurité nationale et de la défense nationale.

Lorsque nous aurons réglé tout cela, nous pourrons nous interroger sur le minuscule rôle que jouent les forces armées à l'égard de cette grande question. Ce n'est qu'à ce moment-là que nous pourrons déterminer si nos forces armées sont structurées ou financées de façon appropriée. Toutefois, puisqu'il faut se charger d'abord de ces autres aspects, il est très difficile, au Canada, d'en arriver à cette question.

Le sénateur Munson : Je ne crois pas que nous soyons aussi optimistes que vous en ce qui concerne la tenue imminente d'un examen de la défense. L'information que nous recevons ne nous laisse pas croire qu'un tel examen aura lieu aussitôt que vous le croyez.

Je suis curieux de connaître votre opinion, compte tenu de vos liens avec la Conférence des associations de défense. Si le Canada s'était engagé dans l'initiative de défense contre les missiles antibalistiques, quelles auraient été les retombées pour les Canadiens, en ce qui concerne les contrats et ce genre de chose? Y aurait-il un avantage économique pour notre pays?

M. Keple : Il y aurait des retombées économiques, car, si nous participions à ce programme, nous pourrions raisonnablement nous attendre à ce que l'industrie canadienne décroche des contrats liés au radar et à d'autres technologies. Mais ce qui importe encore plus, c'est que nous aurions accès à l'information. Les officiers qui servent au quartier général conjoint, comme c'est le cas à l'heure actuelle pour le NORAD, sont mis au courant de ces technologies.

J'ai eu l'occasion d'étudier au collège des services techniques de défense de l'armée britannique, et nous avons bénéficié d'une foule de séances d'information qui excluaient explicitement les officiers étrangers. Mais puisque j'occupais un poste britannique, j'ai eu accès à ces séances. Ainsi, je suis au courant des technologies. Je ne révélerai pas mon niveau d'autorisation de sécurité, mais je sais des choses que personne d'autres au Canada ne saurait autrement.

J'ai assisté à des séances d'information sur la sécurité, à l'époque où j'étais au secrétariat de l'OTAN. Si vous n'êtes pas dans la salle, vous n'entendez pas cette information; elle n'est jamais diffusée, elle n'est pas mise en commun. Ce qu'on obtient, c'est l'accès à l'information.

Aucun État paria ne pourrait lancer un missile sur le territoire continental américain sans passer par l'espace aérien canadien. L'interception ne peut avoir lieu au moment du lancement, et il faudrait être idiot pour tenter d'intercepter un missile au moment de sa descente. Par conséquent, les interceptions auront lieu au-dessus du Canada.

Notre premier ministre a déclaré, il y a environ une semaine et demi, que nous ne voulons même pas être informés. Si un missile devait être lancé contre nous — parce qu'on tient des Jeux Olympiques, ou en raison d'une de nos valeurs, comme le mariage des personnes de même sexe ou tout autre aspect considéré comme une perversion occidentale qui devrait être anéantie —, nous ne serons même pas au courant qu'il s'en vient, car nous avons dit que nous ne sommes pas intéressés à être informés.

M. Jan van Eijk, à titre personnel : Je suis également ici pour vous faire part de mes préoccupations de citoyen. Je tiens à remercier le comité de prendre le temps de nous écouter. Mon épouse et moi-même sommes parents d'un élève- officier qui obtiendra son diplôme du Collège militaire royal du Canada cette année, de sorte que nous nous sentons directement concernés par l'audience de ce soir.

Mon commentaire, ma préoccupation, ma déclaration concerne le fait que, de nos jours, bien sûr, nous ne faisons pas la guerre de la même façon que pendant la Première et la Seconde guerres mondiales. Nous luttons essentiellement contre un ennemi invisible qui se mêle à la population civile, qui ne porte pas un uniforme reconnaissable, qui n'a aucun scrupule à voir sa propre population détruite, et qui ne respecte pas les règles de la guerre.

Je suis préoccupé par la façon dont nous allons entraîner nos soldats de demain à composer avec ce nouveau genre de guerre. Je crois que, à de nombreux égards, ils doivent bénéficier d'une instruction touchant davantage le travail policier que les méthodes de combat classiques. Ils doivent, entre autres, posséder des connaissances à l'égard de la langue, de la culture, de la religion et des mœurs de la population locale. Par exemple, en Afghanistan, ils pourraient laisser savoir clairement à la population qu'ils sont de son côté, privant ainsi un ennemi invisible — comme al-Qaïda — d'un terreau fertile.

Je ne suis pas expert du matériel militaire, mais je crois que nous devrions investir notre argent dans des choses que nous pouvons utiliser dans ces situations. Je suis préoccupé par l'achat de sous-marins, lesquels ne sont d'aucune utilité dans le désert afghan ou irakien. Par contre, des canonnières rapides seraient probablement mieux en mesure d'intercepter certaines opérations militaires, par exemple, dans le golfe Persique.

Voilà donc, essentiellement, ma préoccupation : nos soldats de l'avenir doivent bénéficier d'une instruction qui s'apparenterait au travail policier et au combat en zone urbaine.

Le sénateur Munson : Vous parlez d'instruction. Le gouvernement s'est engagé à recruter 5 000 nouveaux soldats réguliers et 3 000 réservistes, mais ils n'entreront pas en service avant cinq ans. Selon vous, comment pourrions-nous entraîner ces nouveaux soldats pour les préparer à ce que vous décrivez comme une guerre invisible?

M. van Eijk : Certainement, si on pense à la guerre au Moyen-Orient, il faut que les soldats soient très bien informés des coutumes de cette région du monde, en particulier les coutumes religieuses. Ils doivent apprendre à se montrer plus sensibles à ces choses. Ils feront bonne impression auprès de la population locale, et il sera plus facile de la rallier à notre cause.

Le colonel honoraire R.V. Cade, à titre personnel : Je représente le Royal United Services Institute of Regina et les colonels honoraires de la Saskatchewan.

Demain à 17 h, messieurs, à Winnipeg, vous recevrez un mémoire du lieutenant-général Crabbe au nom du Royal Military Institute of Manitoba. Je tiens à ce que le compte rendu mentionne que les colonels honoraires de la Saskatchewan et l'USI appuient le contenu de ce mémoire. Il s'agit d'un document de 10 pages qui vous sera remis demain. C'est pour cette raison que je suis ici : pour témoigner officiellement notre appui à l'égard de ce mémoire. Il serait inutile que nous rédigions tous le même mémoire.

Ensuite, je tiens à dire que j'appuie ce que le colonel Keple a dit à l'égard de la défense antimissile balistique. Il serait ridicule de ne pas soutenir cela. D'après ce que j'ai lu et entendu à la base des forces aériennes de Minot, cela n'occasionnerait aucun coût pour le gouvernement canadien. Si nous perdons notre place dans cette initiative, nous renonçons à notre souveraineté, telle que je la conçois. Si nous nous considérons comme un pays souverain, nous devrions participer.

Je vous prie de tenter de convaincre le premier ministre de changer d'avis sur cette question. Nous tenterons également de le faire, au moyen de lettres et d'autres mesures.

Le sénateur Meighen : Il se trouve que je suis d'accord avec vous, mais, quelles que soient nos opinions personnelles, la décision a été prise. L'annonce officielle mentionne qu'on ne participera pas « pour l'instant » alors qu'il y a peut- être lieu de croire que la porte est légèrement entrouverte, mais j'en doute.

À l'instar de ce que vous avez déjà soulevé, quel sera, selon vous, le résultat de notre absence et, par conséquent, de notre renonciation possible à notre souveraineté? À votre avis, quel impact cette décision aura-t-elle sur le plan militaire? Croyez-vous que cela aura des répercussions sur le NORAD?

M. Cade : Je crois que l'impact sera non seulement militaire, mais également économique. On vient tout juste de fermer la frontière aux vaches. Est-ce que cela découle de notre décision? Qui sait? Je ne peux parler pour le président Bush et son groupe, mais je suis certainement d'avis qu'il y aura des répercussions quelque part.

Le sénateur Meighen : Ma question s'attachait aux répercussions militaires. Avec les négociations au sujet du renouvellement du NORAD qui arrivent l'an prochain, croyez-vous que les Américains adopteront une attitude différente à l'égard du NORAD?

M. Cade : J'espère que non. Cependant, une telle chose, de la part du gouvernement américain, ne m'étonnerait pas. Je ne peux parler pour lui. S'il le faisait, je ne le lui reprocherais pas.

Le commandant adjoint au NORAD est Canadien. Nous avons des commandants adjoints de division en Irak. Ces gens perdront leur place si c'est ce que le gouvernement Bush veut faire. Je ne le blâmerais pas du tout s'il faisait cela, en raison de la façon dont nous nous sommes comportés avec eux.

Ils sont notre meilleure ressource, ils sont notre meilleur client, ils sont notre meilleur ami.

Le sénateur Meighen : Seriez-vous d'accord pour dire qu'il n'est pas nécessaire de dire « Toujours là, toujours prêt » chaque fois qu'ils nous appellent, mais qu'il faut accorder de l'importance à la façon dont on leur explique pourquoi nous ne nous sentons pas en mesure de nous joindre à eux? Par exemple, nous n'avons pas combattu avec eux au Vietnam.

M. Cade : Certainement. Je crois que nous avons le droit de faire cela. C'est pourquoi nous avons envoyé M. McKenna là-bas, à titre d'ambassadeur, parce qu'il excelle dans ce genre de chose. C'est pour ça que nous avons des diplomates, parce qu'ils savent comment composer avec de telles situations. Il n'y a aucun doute là-dessus.

Le sénateur Meighen : Merci, monsieur.

Le président : Merci.

M. Walker : Sénateur Kenny, avant que monsieur prenne la parole, je me demande si je pourrais présenter le lieutenant-colonel d'aviation Yeomans.

Son aéronef a été abattu en Allemagne, il y a 61 ans cette semaine. Il était le seul survivant; le reste de son équipage repose près de Munich, en Allemagne. Le lieutenant-colonel d'aviation Yeomans a été capturé par les Nazis, et s'est évadé vers la fin de la guerre. Monsieur, je tenais seulement à aviser les membres du comité de cela. Je vous signale également qu'il ne m'a d'aucune façon demandé de prendre la parole en son nom.

Le président : Je suis heureux d'apprendre cela. Je me demande si vous avez rencontré mon père, dont l'avion a également été abattu, et si vous avez été détenu dans le même camp. Il était à Stetin.

Le lieutenant-colonel d'aviation (retraité) John Yeomans, à titre personnel : Non, je n'étais pas à Stetin. Je me suis retrouvé dans un certain nombre de camps; j'ai été en Prusse-orientale, ensuite en Pologne et enfin dans l'enfer de Fallingbostel.

Le président : D'accord. On ne sait jamais. Vous avez une déclaration à nous présenter, monsieur, et vous avez la parole.

M. Yeomans : Une grande part de ce que j'avais à dire correspond aux points déjà soulevés par les colonels Keple et Cade, mais je me suis dit qu'il valait mieux prendre la parole et insister sur certains de ces points.

Comme vous venez de l'apprendre, il y a belle lurette que j'ai pris ma retraite à titre de lieutenant-colonel d'aviation. Je suis membre du Royal United Services Institute of Regina ainsi que de l'Escadre 600 de l'Association de la Force aérienne, c'est-à-dire l'escadre de la ville de Regina. Je parlerai en mon nom seul, mais j'ai parlé à des membres de ces deux associations sur ces questions, et, de façon générale, leurs opinions sont très proches des miennes.

Mon premier point concerne le fait que le Canada, lorsqu'il s'agit de la défense de l'Amérique du Nord, ne doit pas se contenter de faire la morale aux États-Unis sur leur comportement. Notre appui du NORAD est une mesure très positive; d'ailleurs, le renouvellement du NORAD devrait avoir lieu l'an prochain, et j'espère que nous continuerons d'en faire partie à ce moment-là.

Le premier ministre a récemment déclaré que le Canada ne participera pas au système proposé de défense antimissile balistique. Autant que je sache, cette déclaration a été présentée sans explication, sans analyse et, selon moi, sans justification. Cela va certainement affaiblir nos relations avec les États-Unis, ce qui est regrettable, et je crois qu'il est crucial pour notre survie de maintenir de solides relations.

Le premier ministre a manifestement tenu compte des avertissements du Bloc et du NPD sur la Guerre des étoiles et l'armement de l'espace, au lieu d'écouter l'analyse raisonnée en faveur du système antimissile.

À l'occasion de la conférence tenue la semaine dernière, Michael Ignatieff a dit ce qui suit aux Libéraux : « Nous ne voulons pas que nos décisions fracturent la structure de commandement de la défense nord-américaine. Nous ne devons pas quitter la table ». C'est exactement ce qu'a dit le colonel Cade il y a quelques instants. Malheureusement, je crois que nous avons quitté la table.

Pierre Pettigrew a laissé entendre que les entreprises canadiennes pourraient décrocher des contrats liés au programme des forces antimissile et que notre contribution pourrait se limiter à cela. Je ne sais pas ce que vous en pensez.

Nous devons continuer de participer au NORAD, selon moi.

Le sénateur Atkins : Avez-vous des suggestions en ce qui concerne les mesures que nous pourrions prendre pour réparer les dommages causés par l'annonce du premier ministre?

M. Yeomans : Oui. J'ose espérer, comme l'a déjà laissé entendre un membre du comité, que la décision n'est pas irrévocable, qu'on reviendra sur cette question en temps opportun, dans un avenir pas trop éloigné, avant qu'on ait à se pencher sur le renouvellement de l'Accord du NORAD. Je crois que le programme de défense antimissile fait partie intégrante du NORAD. Je ne crois pas qu'il soit opportun de continuer de prendre part au NORAD si on ne tient pas compte de la défense antimissile. J'espère que le gouvernement prendra conscience de cela, et que les opinions plus sages l'emporteront sur les protestations bruyantes quant aux chances de succès de l'armement de l'espace et de la Guerre des étoiles, ce qui n'a pas de sens.

Le sénateur Atkins : Est-ce que vous permettriez qu'on déploie des systèmes d'alerte radar au pays?

M. Yeomans : Je crois que oui, avec des mesures de protection appropriées.

M. Keple : En passant, je vous signale que nous avons déjà eu en territoire canadien des installations radar relevant de la Défense aérospatiale de l'Amérique du Nord. Il est uniquement question de la possibilité d'installer une nouvelle technologie radar dans le cadre du système de défense antimissile balistique dans la région de Goose Bay, au Labrador, de façon à accroître la sécurité de notre grand protectorat du sud. C'est simple.

Qu'est-ce que la souveraineté, finalement? Cela me fait penser à un adolescent qui quitte la maison et qui tente de se définir en tant qu'adulte. L'un des choix qui s'offre à un adolescent, c'est de décider de se définir dans le rôle du parent. Si vous vous adonnez à avoir un parent idéal, vous n'avez pas à faire délibérément quelque chose de différent et de moins idéal, juste pour établir votre propre autonomie.

Le Canada, en sa qualité de pays souverain, peut décider d'être d'accord avec les États-Unis, au lieu de prendre délibérément une position différente. Dans l'Arctique canadien, nous savons que plusieurs puissances mondiales — la Russie, la Grande-Bretagne, la France et les États-Unis — exercent des activités, mais nous sommes incapables d'exercer des activités là-bas. Nous avons abandonné. Nous avons renoncé à la souveraineté de notre territoire sous la glace de l'Arctique.

Faire la même chose avec notre espace aérien tient de la folie. À quel moment un pays affirme-t-il sa souveraineté? Parfois, on affirme sa souveraineté en disant : « Je suis d'accord avec vous », même lorsque ce n'est pas le cas. Le fait de se retirer et de tout simplement quitter la discussion est une façon si éphémère d'affirmer sa souveraineté. Aussitôt qu'on a fait cette déclaration, on a perdu sa souveraineté dans ce domaine.

Le président : Merci, monsieur.

M. Walker : Encore une fois, bienvenue à Regina. Je suis tout à fait convaincu que mon bon ami Jack Wiebe a recommandé que je sois assis à ce bureau afin que je n'aie pas à me tenir debout au micro, devant vous. Mais si vous aviez l'amabilité de me laisser la parole pour trois minutes, je l'accepterais.

Au Collège d'état-major, nous invitions les jeunes officiers à trouver diverses solutions aux problèmes que nous leur posions, et, à la fin de l'exercice, nous leur présentions les solutions du PI, ou personnel d'instruction. Messieurs, je crois avoir la solution du personnel d'instruction en ce qui concerne la question de la réserve de l'armée au Canada. Il s'agira alors de déterminer si on a le courage et la volonté politiques de mettre en œuvre cette solution.

C'est une solution assez simple, une solution en trois étapes. Première étape, le Canada doit déterminer quel type d'armée il veut avoir, et comment il veut que cette armée soit formée et structurée. Deuxième étape, je crois que les unités de milice classiques doivent être restructurées, de façon à ce qu'elles deviennent l'élément de base de la mobilisation. Comme l'ont fait valoir encore et encore les colonels honoraires de partout au Canada, cela devrait être leur raison d'être. Troisième étape, le gouvernement devrait charger la Défense nationale de constituer une réserve de l'armée, une toute nouvelle réserve de l'armée qui reflète la force régulière.

Dans mon ancien domaine d'expertise dans le Secteur de l'Ouest de la Force terrestre, cela supposerait qu'on ait une brigade régulière, trois unités d'infanterie, une unité d'artillerie, une unité blindée, des ressources du génie, une unité logistique, etc. Établissez une réserve de l'armée qui reflète cela, de sorte que si nous avions un régiment d'artillerie régulier dans l'Ouest canadien, nous aurions un régiment d'artillerie de la réserve au Canada. On pourrait favoriser la mobilité entre les forces régulières et les forces de réserve, et si jamais — Dieu nous garde — notre pays devait mobiliser sur-le-champ une force d'envergure, cette force de réserve pourrait doubler la puissance des militaires, de l'armée.

Le sénateur Forrestall : Est-ce que cela ne correspond pas quelque peu au désir du nouveau chef d'état-major de la Défense d'aller vers un commandement structurel régional, vers un commandement intégré? Dans l'affirmative, est-ce que cela ne va pas mener à une polarisation de nos ressources humaines? Est-ce que nous séparons l'ouest de l'est? Devront-ils jamais s'entraîner ensemble ou se côtoyer?

M. Walker : Je ne crois pas, sénateur Forrestall. Je ne peux parler pour le général Hillier. Le général Hillier était un officier à l'avenir prometteur à l'époque où j'ai pris ma retraite, alors je n'oserais prétendre savoir ce qu'il pense.

Je ne vois pas cela comme une régionalisation ou un morcellement du Canada. Je vois cela comme une utilisation optimale des ressources qui sont disponibles. Je vois une nouvelle orientation. Cela donnerait un but à ces personnes qui revêtent l'uniforme.

Certainement, à partir de 1991, de plus en plus, comme on vous l'a déclaré tout au long de votre tournée pancanadienne, nous avons tablé sur les forces de la réserve pour mener le genre de mission que le Canada voulait mener.

L'avant-dernier commandant en Bosnie est un ex-commandant des Royal Regina Rifles. La semaine dernière, à Kaboul, en Afghanistan, on a remis l'Étoile de bronze à un homme, et cet homme est un ex-commandant des Regina Rifles. Eddie Staniowski — qui a également été gardien de but dans la LNH — membre du contingent canadien, commandant au Sierra Leone depuis six mois, est un ex-commandant des Royal Regina Rifles. Ces gens sont là-bas pour servir leur pays, ces jeunes sont de grands Canadiens. Je crois qu'ils seraient mieux en mesure de le faire si on restructurait les forces. Je parle de l'armée en particulier.

Le président : Merci beaucoup, général, non seulement de nous avoir fourni vos commentaires, mais également d'être venu et d'avoir animé l'audience.

M. Walker : Tout le plaisir était pour moi.

Le président : Quand il est question des réserves, Jack s'y connaît, et il s'est toujours fait fort de rappeler à notre comité que nous devons penser aux réserves. Jack nous manque énormément, nous étions tristes de le voir quitter le Sénat plus tôt. Nous le considérons à la fois comme un ami personnel et un collègue.

Mesdames et messieurs, je tiens à vous remercier tous d'être venus ici ce soir. Nous savons qu'il est éprouvant de venir ici un mercredi soir pour parler de questions touchant la politique publique. Nous le faisons parce que c'est notre travail, mais vous le faites parce que cela vous tient à cœur. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir. C'est très enrichissant d'entendre une diversité de points de vue. Nous avons écouté attentivement ce que vous aviez à dire. Qui plus est, nous préparons un compte rendu de vos témoignages, et nous aurons l'occasion de le passer en revue lorsque nous débattrons du contenu de notre rapport.

Je tiens à ce que vous sachiez que l'audience de ce soir nous a été utile, et que nous vous sommes reconnaissants de vous être donné la peine de nous faire part de votre point de vue. Nous accordons beaucoup d'importance à ces audiences, et chaque rencontre nous permet d'apprendre quelque chose. Au nom des membres du comité, merci beaucoup.

La séance est levée.


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