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Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule 21 - Témoignages du 5 mai 2005 - séance de l'après-midi


HALIFAX, le jeudi 5 mai 2005

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 14 h 32, afin d'examiner, pour ensuite en faire rapport, la politique nationale sur la sécurité pour le Canada.

Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: La présente séance du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense est ouverte.

Nous sommes heureux d'être ici à Halifax, ville ayant une longue tradition navale et militaire. Nous avons certainement aimé de notre matinée et nous avons beaucoup appris.

J'aimerais vous présenter les membres du comité. À ma droite, le distingué sénateur Michael Forestall, de la Nouvelle-Écosse. Le sénateur Forestall a servi les électeurs de Dartmouth pendant 37 ans, d'abord à titre de député de la Chambre des communes et ensuite à titre de sénateur. Lorsqu'il siégeait à la Chambre des communes, il a agi à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière de défense de 1966 à 1976, et il est membre de notre Sous-comité des anciens combattants.

Au bout de la table, le sénateur Jim Munson, de l'Ontario, journaliste distingué et ancien directeur des communications du premier ministre Chrétien avant d'être appelé au Sénat en 2003. Le sénateur Munson a été deux fois en nomination pour le prix Gemini en reconnaissance de son excellence en journalisme.

À ma gauche, à l'extrémité de la table, le sénateur Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse, éducatrice accomplie, ayant de nombreux antécédents en matière de participation communautaire, notamment vice-présidente de la Halifax- Dartmouth Port Development Commission. Elle est présidente de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN et membre du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

Le sénateur Pierre Claude Nolin viendra se joindre à nous dans quelques instants.

Notre comité a reçu du Sénat le mandat d'examiner la sécurité et la défense et la nécessité d'avoir une politique de sécurité nationale. Depuis 2002, nous avons produit les rapports suivants: L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense; La défense de l'Amérique du Nord: Une responsabilité canadienne; Mise à jour sur la crise financière des Forces canadiennes: Une vue de bas en haut; Le mythe de la sécurité dans les aéroports canadiens; Les côtes du Canada: Les plus longues frontières mal défendues au monde; Les urgences nationales: Le Canada, fragile en première ligne et, plus récemment, le Manuel de sécurité du Canada, Édition 2005.

Nous sommes maintenant au milieu d'un examen détaillé de la politique de défense canadienne et avons tenu des audiences dans toutes les provinces et discuté avec les Canadiens et Canadiennes pour déterminer quel est leur intérêt national, ce qu'ils considéraient comme les principales menaces pour le Canada et comment ils aimeraient que le gouvernement réponde à ces menaces.

Les Canadiens ont été très francs dans leur façon d'exprimer leurs points de vue sur la sécurité nationale. Nous allons continuer de travailler sur cet examen pendant tout l'été de manière à réaliser un consensus sur le type de forces militaires que les Canadiens entrevoient pour l'avenir.

Nous avons trois témoins très distingués qui vont nous livrer leurs observations sur l'examen de la défense.

Le professeur Denis Stairs, qui est actuellement titulaire de la chair McCulloch de science politique à l'Université Dalhousie.Il a été le directeur fondateur du Dalhousie's Centre of ForeignPolicy Studies de 1970 à 1975. Il a été directeur de cedépartement de 1980 à 1985 et vice-recteur de l'Université Dalhousie pour les affaires universitaires et la recherchede 1988 à 1993. Il est membre de la Société royale du Canada et siège au sein de nombreux conseils de direction. Le professeur Stairs se spécialise dans la politique étrangère canadienne, les relations Canada-États-Unis et des questions semblables.

Nous avons également le professeur Danford Middlemiss. Il œuvre au sein du Département de sciences politiques de l'Université Dalhousie depuis 1981. Il est actuellement le coordonnateur du programme de spécialisation du Département des sciences politiques et reviendra à titre de directeur du Centre for Foreign Policy Studies en juillet.

M. Middlemiss a donné des cours sur la sécurité internationale, sur les relations contemporaines entre civils et militaires et la politique de défense canadienne pendant plus de 30 ans. Il a publié d'innombrables articles sur les aspects économiques et autres de la politique de défense canadienne et de la politique maritime canadienne.

Nous avons également avec nous le vice-amiral à la retraite Jim King. Le vice-amiral King a pris sa retraite des Forces canadiennes en septembre 2002 après avoir terminé une affectation de quatre ans à titre de représentant militaire du Canada auprès du Comité militaire de l'OTAN en session permanente à Bruxelles. Il a eu une longue et distinguée carrière dans la marine, y compris deux affectations de haute responsabilité aux quartiers généraux de Halifax et d'Ottawa dans les domaines du personnel et de la formation, de l'aménagement de la force ainsi que des politiques et des communications. Il travaille actuellement comme conseiller indépendant et il est également actif en tant que chercheur universitaire au Dalhousie's Centre for Foreign Policy Studies et à titre de conférencier et de mentor principal aussi bien au Collège d'état-major et de commandement des Forces canadiennes à Toronto qu'au U.S. Army War College en Pennsylvanie.

Nous sommes très heureux que vous soyez ici, messieurs. Nous croyons savoir que tous les trois avez des observations liminaires. Veuillez commencer.

M. Denis Stairs, professeur, Département des sciences politiques, Université Dalhousie: Monsieur le président, je veux vous remercier, vous et vos collègues, de m'avoir invité à me joindre à vous cet après-midi, surtout en si illustre compagnie. Je suis particulièrement honoré parce que votre comité fait toujours du travail de première qualité et je peux vous assurer que vos rapports et vos délibérations font toujours l'objet d'une étude attentive et sont grandement appréciées de la part des spécialistes, des universitaires et d'autres personnes qui travaillent dans les domaines de la défense et de la sécurité. J'espère qu'il ne vous arrive jamais de penser que vous travaillez en vain, parce que les gens dans les universités et ailleurs scrutent attentivement votre travail.

Je suis ici aujourd'hui pour livrer en l'espace de cinq ou six minutes quelques observations très générales sur ce qui constitue, à mon avis, des sujets très vastes, comme préparation à un échange beaucoup plus libre; j'espère que vous allez comprendre que cela me limite à une suite de généralités qui sautent aux yeux, que j'ai résumées sous forme de points en une seule page, dont vous avez une copie.

Premièrement, la principale menace à la sécurité canadienne ne vient pas du terrorisme en soi, ou de quelque menace non traditionnelle plus exotique dont nous parlons tous ces temps-ci, mais vient, selon moi, des États-Unis d'Amérique. Évidemment, les Américains ne se voient pas eux-mêmes comme un problème de sécurité pour le Canada, mais en réalité, il me semble qu'il leur est impossible de faire autrement; il s'agit du sous-produit inévitable de ce qu'ils sont et du lieu où ils sont. Plus spécifiquement, ils constituent la seule superpuissance mondiale, ce qui en fait une cible pour les attaques. Ils constituent également un marché très vaste et, pour les Canadiens, un marché indispensable, et en plus, ils sont nos voisins.

En termes pratiques, la réalité toute nue, c'est que la prospérité privée de tous les Canadiens, ainsi que les recettes du gouvernement qui financent la prestation des services publics qui leur sont si chers, dépendent maintenant presque entièrement de la rapidité et de l'efficacité du mouvement des biens, des personnes et des services entre les deux pays.

À mon sens, l'objectif premier d'une politique canadienne en matière de sécurité dans le contexte actuel, un objectif qui est profondément ancré dans nos intérêts nationaux les plus vitaux, c'est de persuader les Américains qu'ils n'ont pas besoin de resserrer les contrôles de sécurité à leur frontière, étranglant ainsi le mouvement du commerce canado- américain, de manière à assurer la sécurité de leurs citoyens.

Certains observateurs pourraient considérer cela comme une situation embarrassante, mais la vérité, c'est que les Canadiens sont heureux de leur condition parce qu'ils savent que cela est indispensable à la fois à la création et à la conservation de leur richesse, peu importe ce que certains critiques pourraient en dire. Qui plus est, notre vulnérabilité à l'égard des effets secondaires potentiels de la politique de sécurité américaine est une vulnérabilité que tous les Canadiens partagent. Il me semble que l'on ne peut pas prétendre, raisonnablement, que cette situation devrait préoccuper la droite plus que la gauche, les propriétaires de capital plus que les vendeurs de main-d'oeuvre, les riches plus que les pauvres, les travailleurs plus que les chômeurs ou les retraités. Si cette situation tourne mal, tout le monde au Canada en paiera le prix.

Par conséquent, notre intérêt pour cette question, en tant que pays, est réel et non rhétorique, il n'est pas cosmétique, il est le moteur de la politique. C'est bien davantage que quelque chose qu'il serait bien d'avoir ou qu'il serait bien de faire. À mon avis, maintenir une relation de travail raisonnablement efficace avec les États-Unis est, pour cette raison, l'élément en soi le plus important de la politique étrangère canadienne et de notre sécurité. Voilà pourquoi, au niveau bureaucratique, la réponse d'Ottawa aux événements du 11 septembre est venue si rapidement et si efficacement. C'est également pourquoi le fait de rassurer les Américains sur le front de la sécurité intérieure devrait continuer, à mon sens, d'être la préoccupation première de la politique de sécurité canadienne conçue de manière générale.

Peu importe combien elles sont utiles et combien elles appuient notre diplomatie à l'étranger et notre estime de soi au pays, les politiques de sécurité canadiennes outre-mer sont loin d'être aussi centrales pour nos intérêts. Ce sont des exercices de « défense indirecte », comme nous avions l'habitude de les appeler dans la période d'entre-guerres, c'est-à- dire qu'elles peuvent contribuer à la sécurité des Canadiens à au pays en aidant à stabiliser et à empêcher le débordement des conflits à l'étranger. Dans les faits, elles contribuent à la tâche de garder ces conflits à une distance relativement sûre. Elles servent également à certains objectifs accessoires, par exemple, à ajouter de la crédibilité à notre diplomatie aux Nations Unies et ailleurs. Elles créent un sens de réalisation nationale au Canada même, démontrant aux nouvelles minorités canadiennes qu'Ottawa n'est pas indifférent aux problèmes qui touchent leurs anciens compatriotes et leurs pays d'origine respectifs, et ainsi de suite.

La vérité, c'est que ces politiques ne sont pas impératives; elles sont essentiellement électives ou volontaires. Il n'est pas du tout nécessaire que nous ayons ces politiques et au fond, il a été si difficile de maintenir les dépenses en matière de défense traditionnelle à des niveaux que la plupart des spécialistes dans le domaine considèrent raisonnables.

Dans ce contexte général des déploiements de sécurité à l'étranger, peu importe comment on les conçoit, il a été suggéré que je pourrais me risquer à faire un bref commentaire sur le débat concernant le multilatéralisme comme principe et élément préalable à l'intervention internationale canadienne. Il faut répondre à cette question à deux niveaux distincts.

Au premier niveau et au niveau le plus fondamental, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Canada était un ardent défenseur du multilatéralisme tel qu'il était représenté en grande partie par les Nations Unies, les organismes spécialisés des Nations Unies et le système de Bretton Woods, en partie, parce qu'il désirait promouvoir l'institutionnalisation de la politique internationale. Sans les institutions, la politique fonctionne essentiellement selon les lois de la jungle; la raison du plus fort est toujours la meilleure. Cela est vrai au sein des sociétés, comme le savait très bien Thomas Hobbs et comme le démontre clairement notre expérience récente avec les États non viables, mais c'est également vrai à l'échelle régionale ou mondiale.

Par conséquent, la création d'institutions internationales efficaces a été vue comme une étape essentielle pour le remplacement de la politique internationale brutale par une politique internationale ordonnée, le remplacement d'une politique dans laquelle les conflits sérieux étaient réglés par la guerre par une politique dans laquelle les disputes pouvaient être réglées par la négociation et les compromis dans le contexte d'un environnement ordonné rural. Évidemment, de façon générale, ce type d'arrangement est grandement dans l'intérêt de presque toutes les puissances plus petites qui sont fondamentalement à l'aise, qui sont relativement en sécurité, qui sont satisfaites de leurs frontières et qui sont exceptionnellement riches.

Le Canada penche pour un environnement ordonné à l'étranger en grande partie pour les mêmes raisons qu'une personne qui possède des biens est attirée par des politiques favorisant l'ordre public dans leur environnement. Michael Ignatieff a récemment décrit cette préférence du Canada pour la stabilité internationale comme une manifestation internationale de son affection, enchâssée dans sa constitution, pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement. Il faut comprendre très clairement que la paix, l'ordre et la primauté du droit sont des valeurs conservatrices. Si nous les prisons autant que nous le faisons, c'est parce qu'elles servent grandement nos intérêts.

Du point de vue de la sécurité, le Canada est une puissance qui préconise le statu quo. Étant donné les capacités limités à sa disposition, il n'a pas d'ambitions qu'une action militaire énergique lui permettrait de concrétiser. Maintenant, il s'agit évidemment d'une situation heureuse, mais il est utile de se rappeler que la situation des autres n'est pas nécessairement la même.

Au second niveau, le multilatéralisme est simplement une stratégie ou, dans des situations précises, une tactique. En termes concrets, le Canada a souvent préféré fonctionner dans des tribunes multilatérales parce qu'elles fournissent parfois des occasions utiles de travailler en coalition avec d'autres pour faire avancer ses intérêts. Dans certains cas, de la manière la plus frappante peut-être dans le contexte des négociations sur le droit de la mer il y a des années et, plus récemment, en ce qui concerne le traité sur les mines terrestres, le Canada a été en mesure d'exploiter de telles occasions pour mousser ses propres intérêts, même contre l'opposition de pays aussi puissants que lesÉtats-Unis d'Amérique.

Toutefois, il faut comprendre ici que tout le monde fait à peu près la même chose que le Canada lorsqu'il est à son avantage de le faire. Bref, le multilatéralisme n'est pas une question de principe constitutionnel, mais de manœuvre politique, et toutes les puissances jouent le même jeu. À mon sens, nous commettons une erreur si nous érigeons les aspirations au multilatéralisme en proposition idéologique. Il y a des contextes dans lesquels c'est quelque chose que nous devrions rechercher, mais il y a également des contextes où cela ne devrait pas être le cas et où, effectivement, nous ne l'avons pas fait.

Enfin, il a été proposé que je pourrais vouloir commenter brièvement ma réaction à l'énoncé de politique internationale en traitant particulièrement de la politique de sécurité. Bien que je pense que l'ouvrage dans son ensemble, y compris les quatre ou cinq documents, est un peu inégal, j'ai dit qu'il était beaucoup mieux que ce que j'avais prévu, et une des raisons, c'est qu'il parvient à mettre raisonnablement un échec une bonne partie de la poudre aux yeux maintenant à la mode, mais mal avisée, au sujet des valeurs canadiennes et tout le reste. Parmi les documents spécialisés, il me semble que le document sur la défense est facilement le meilleur.

Maintenant, il faut dire que les gens du MDN ont eu la partie belle en raison de la nature de leur travail qui fait qu'il leur est possible d'être assez concrets. La prose est claire. L'analyse de l'environnement international est directe et sensée et la discussion des conséquences pratiques pour les Forces canadiennes est assez bien définie.

Sur le front national, l'engagement du ministère de travailler avec d'autres organismes gouvernementaux et de faire face aux menaces de sécurité à l'échelle nationale est également très bienvenu et, à mon avis, prudent.

Ceci dit, je dois faire valoir le point évident, et je sais que vous l'avez entendu avant, que de nombreux détails ont encore besoin d'être précisés. Il n'est pas très clair, par exemple, comment le nouveau Commandement Canada fonctionnera véritablement et comment il réussira à créer les structures opérationnelles intégrées que le document envisage pour l'avenir. Je suppose qu'il y aura des changements très substantiels en cause, non seulement au niveau du recrutement, mais peut-être, ce qui est encore plus important, au niveau de la formation des recrues que le gouvernement a promis d'attirer dans les forces armées.

Un grand nombre des initiatives d'acquisition importantes sont vagues, surtout en ce qui concerne les navires de soutien pour la marine, le remplacement de la flotte actuelle de destroyers et de frégates et l'acquisition d'une capacité accrue de transport aérien.

Et enfin, nous parlons de dépenses que le gouvernement s'est engagé à faire, en plus grande partie, dans plusieurs années. Le présent gouvernement pourrait ne pas être en mesure de remplir cet engagement et même si les événements démontraient le contraire, je ne serais pas du tout étonné que les demandes concurrentes pour les deniers publics, sans parler du marasme bureaucratique qui caractérise toutes les activités d'acquisition à l'heure actuelle, se traduisent pas des délais prolongés.

Je ne veux pas être trop cynique à propos de toute cette question, mais à titre de généralisation, je pense qu'il est juste de dire que le dernier énoncé sur la défense, du type livre blanc ou livre vert, qui a eu des répercussions importantes sur le complexe de la défense, en bien ou en mal, a été le Livre blanc sur la défense de Paul Hellyer en 1964. Je le croirai quand je le verrai, bien que je sois persuadé que le ministre actuel et le chef d'état-major de la défense sont tous les deux fortement engagés dans la mise en oeuvre du programme d'action contenu dans ce document.

Monsieur le président, mes observations n'ont été ni détaillées ni nuancées, mais j'espère qu'elles ont au moins attisé un peu le feu.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Stairs.

Monsieur Middlemiss, la parole vous appartient.

M. Danford W. Middlemiss, professeur, Département des sciences politiques, Université Dalhousie: Merci beaucoup de cette occasion de comparaître devant vous. Je vous félicite encore une fois de continuer de prendre l'initiative d'explorer ces questions très importantes liées à la sécurité nationale du Canada.

Je suis heureux que M. Stairs a commencé par un aperçu très général de l'énoncé de politique internationale, parce que j'ai l'intention de décrire mes réactions très préliminaires au nouvel Énoncé de la politique de défense. Je pense qu'elles vont permettre de mettre en relief certaines questions qui, je crois, méritent une étude plus approfondie de la part de votre comité.

Je vais me concentrer sur trois principaux aspects de ce document: son sens du réalisme, son ambiguïté au sujet des étapes intermédiaires et certaines des questions sans réponse qu'il soulève. Rien de tout cela ne sera nouveau pour le comité.

On trouve dans ce document une réduction certaine des attentes au sujet de la stature du Canada et de sa capacité d'influer sur les affaires mondiales dans l'avenir. On ne s'attend pas à ce que les forces canadiennes soient en mesure d'en faire beaucoup plus avec les fonds qu'elles peuvent raisonnablement s'attendre de recevoir dans l'avenir.

Le document reconnaît que le Canada ne figure plus parmi les grandes puissances militaires du monde. On ne s'attend pas à des rôles de commandement majeur dans l'avenir, mais plutôt à des commandements géographiques d'éléments ou de sous-éléments.

Le document fixe également des critères raisonnables pour l'utilisation sélective et stratégique des forces dans le but de faire une différence, lorsque nous le pouvons et si nous le pouvons. Dans le nouveau langage du chef d'état major de la défense:

Nous ne nous préparons plus à affronter l'Ours soviétique comme nous le faisions pendant la Guerre froide, nous nous préparons plutôt à combattre de nombreux serpents dans un espace de combat non contigu, où les combattants ennemis se mêlent auxnon-combattants et aux travailleurs humanitaires.

Le document décrit également une vision assez claire et cohérente de ce que seront les Forces canadiennes transformées dans 10 ou 15 ans. Elles seront restructurées de manière à former un ensemble d'unités pleinement intégrées, ayant une plus grande capacité, qui peuvent produire un effet mieux ciblé en étant plus efficaces, mieux adaptées et promptes à réagir.

Les différentes armes dans notre arsenal militaire semblent être très sensées du point de vue opérationnel et il y a des jalons très nets en matière de préparation et du maintien en puissance qui nous permettront de juger dans quelle mesure les forces auront atteint ces objectifs dans l'avenir.

Il y a également des réalignement sensés du commandement et des institutions, aussi bien en ce qui concerne le quartier général et la nouvelle équipe Maple Leaf ou CANCOM. Ce sont des mesures qui ont beaucoup trop tardé à mon avis et qui sont très faisables à court terme.

Le document reconnaît également l'importance réelle des relations continentales canado-américaines et reconnaît que des choix difficiles devront être faits au sujet des futures acquisitions en immobilisation, et à cet égard, les choses ont l'air très prometteuses pour l'armée, et en particulier pour la marine, mais beaucoup moins pour les forces de l'air.

Le document ne dit pas à quel point la situation des Forces canadiennes est désespérée à l'heure actuelle. Votre comité a certainement signalé cette situation dans ses études bien faites. Le document parle de transformation, mais pas de l'état de crise que vivent les Forces canadiennes à l'heure actuelle. Le document est ambigu et vague au sujet des étapes intermédiaires.

Il ne donne pas beaucoup d'indications non plus sur la façon dont les forces vont survivre financièrement jusqu'à ce que les augmentations de budget promises prennent effet dans 3 à 5 ans. La question est la suivante: que ferons-nous d'ici là? Tout indique que les militaires eux-mêmes préféreraient des fonds d'accélération additionnels au cours des années deux et trois du budget prévu. Il y a un problème d'absorption immédiatement, mais je pense que les militaires estiment qu'ils manqueront de ressources dans deux ou trois ans.

Le document laisse entendre qu'une coopération de défense nord-américaine améliorée est imminente, peut-être dans le genre d'un NORAD maritime, et pourtant les calendriers de négociation sont très serrés, surtout si tout cela doit entrer en vigueur au moment du prochain renouvellement du NORAD en mai 2006.

Est-ce que les 2,8 milliards de dollars promis en fonds additionnels pour les forces seront suffisants pour permettre d'atteindre tous les objectifs de transformation décrits dans ce nouveau document? Pour être juste, on n'a pas encore établi les coûts du plan et tout indique que la facture finale dépassera facilement les 20 milliards de dollars.

Est-ce que la défense du Canada finira par devenir la plus haute priorité des Forces canadiennes? Car c'est bien l'objectif défini. Le livre blanc de 1971 le mentionnait déjà, mais nous avons découvert qu'il y a une autre priorité. Encore une fois, la vraie priorité ne sera dévoilée, à mon avis, que quand le projet d'acquisition pour ce livre sera déposé plus tard cette année et je pense, qu'une fois de plus, la plus grande partie du financement sera affectée aux plans et aux opérations de secours effectuées par les Forces canadiennes à l'étranger plutôt que dans le pays. Après tout, les opérations de secours ont lieu surtout outre-mer.

Où se situera la base principale de déploiement de la force opérationnelle de contingence permanente? De quelle côtesera-t-elle la plus proche? Ce choix est capital, car il définira les vraies limites du rayon d'action du Canada.

Bien que le livre formule un modèle sensé de rationalisation et de transformation des Forces, est-ce que nos leaders politiques comprennent complètement ce que ce livre leur demande de faire et y donneront-ils suite?

Ils doivent remplir et continuer de remplir leur promesse d'accroître le financement. Il faut beaucoup de fonds additionnels pour concrétiser les demandes énoncées dans ce livre. Il me semble que les citoyens canadiens sont prêts à appuyer un projet aussi sensé que celui-ci et qu'ils comprennent la crise que traverse les Forces canadiennes. À mon avis, les politiciens ne devraient plus temporiser et devraient faire le travail pour lequel nous les avons élus. Bien sûr, quelques politiciens du voisinage immédiat qui ne sont pas élus ne sont pas visés.

Je crois qu'il faut aussi avertir les politiciens de bien réfléchir avant d'envoyer nos forces outre-mer. Pour quelle raison? Car les moyens dont disposeront nos Forces à l'avenir seront limités et ces unités, quelles que soient leurs capacités, ne pourront servir à la fois au pays et à l'étranger. De toute façon, ces nouvelles unités ont une capacité restreinte.

Il est important de ne pas faire de politique dans l'acquisition de matériel de défense. Les Forces canadiennes ne sont pas à blâmer pour ces aspects politiques qui, pourtant, les paralysent. Par exemple, les longs retards pour remplacer les hélicoptères maritimes, les nouveaux sous-marins et les aéronefs à voilure fixe de recherche et de sauvetage. Le comité devrait étudier de manière plus approfondie les questions graves liées au lourd processus d'acquisition de matériel.

D'un point de vue militaire, ce livre représente un projet bien conçu et cohérent pour l'avenir. C'est clairement la vision d'une nouvelle équipe et les rôles sont logiques étant donné les contextes international et national. L'objectif est logique et réalisable, mais cela prendra du temps.

Comme toujours, les problèmes se situent au niveau des détails. Nous ne pourrons nous faire une idée des tâches à accomplir et de leur priorité au sein du ministère de la Défense nationale que lorsque le rapport des quatre équipes d'action du chefd'état-major de la Défense sera publié. Ce rapport est prévu pour la fin du mois de juin, mais l'ampleur de la tâche qui attend ces quatre équipes d'action ne sera claire qu'à la fin de l'automne.

Cela est particulièrement vrai pour le rapport de développement des forces décisives qui établira les futurs projets d'acquisition d'immobilisations. Dès la publication de ces rapports d'action, il appartiendra à des comités comme celui-ci et à d'autres citoyens et groupes intéressés d'exercer des pressions sur le gouvernement du moment afin pour qu'il offre un très bon plan.

Nos forces canadiennes méritent un bien meilleur traitement, de la part de nos gouvernements élus, que celui qu'elle a jusqu'à présent reçu.

Le président: Merci, monsieur le professeur.

Le vice-amiral (à la retraite) Jim King, vice-président, Atlantique, CFN Consultants: Non, merci, sénateur, je n'ai rien à dire, mais je suis prêt à répondre à toute question que vous pourriez me poser.

Le sénateur Cordy: Merci beaucoup aux trois témoins d'avoir comparu devant nous aujourd'hui.

Amiral King, remplissons-nous, en tant que Canadiens, toutes nos responsabilités au sein de l'OTAN ou devrions- nous faire plus?

M. King: Je pense qu'il nous faudra attendre et voir. Il est vrai que ce livre promet une participation à la force d'intervention de l'OTAN, dans les trois éléments, et je crois que nous verrons quel sera notre vrai engagement envers cette force.

De manière générale, on s'attendait vraiment qu'un pays, qui est la huitième puissance économique au monde, contribue beaucoup plus, qu'il ne le fait, étant donné son PIB. Le Canada est le cinquième ou le sixième pays contribuant le plus, aux plans financier et opérationnel, à l'alliance et a été un leader dans plusieurs domaines depuis la fondation de l'alliance.

Si l'on considère les contributions du Canada à l'alliance, surtout dans des opérations importantes, on se rend compte que les troupes canadiennes sont sans doute les mieux entraînées et que nos soldats, pilotes et marins sont très bien équipés, dans tous ces champs d'opération et que leur performance est excellente.

Le Canada n'obtient pratiquement rien des financements de l'infrastructure de l'OTAN auxquels nous contribuons, il faut donc toujours équilibrer ces deux vérités.

Quand j'étais là-bas, nous avons essayé de souligner cet aspect et de parler d'autres statistiques qui prouvaient que, proportionnellement, notre contribution au combat était énorme.

L'OTAN qui a commencé comme une alliance militaire fondée sur une structure politique est aujourd'hui beaucoup plus une alliance politique fondée sur une structure militaire. L'influence politique est extrêmement importante et étant donné que nous ne sommes ni Européens ni Américains, certains estiment que nous ne contribuons pas autant que les autres et pas autant de ce que l'on attend de nous. Bien sûr, cela est en partie au fait qu'à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, nous avions de gros contingents en Europe. Par exemple, à une certaine époque, nous avions 12 escadrons d'avions de combat stationnés en Europe.

C'est dû en partie au fait que nous n'avons pas maintenu un niveau de capacité; nous n'avons pas gardé un niveau d'engagement ni une continuité qui aurait donné à nos alliés le sentiment que nous étions vraiment intéressés et que nous tenions résolument à cette alliance. Je crois que c'est surtout à ce niveau que se situe le problème.

Bien que le livre ne mentionne pas beaucoup l'OTAN, j'apprécie son contenu. J'apprécie l'engagement vis-à-vis de la défense en ce qui concerne la force d'intervention de l'OTAN, mais nous n'aurons aucun avantage tant que notre premier ministre, notre ministre des Affaires étrangères, notre ministre de la Défense et notre ambassadeur n'expriment pas clairement notre engagement envers l'alliance en paroles et en actions. Nous n'aurons pas l'influence que nous devrions avoir au sein de cette alliance en tant que pays membre et je crois que cela est extrêmement important.

Le professeur Stairs a mentionné le multilatéralisme. Je crois que le multilatéralisme est essentiel à notre prospérité future. Il n'est pas simplement lié à la mondialisation, mais dans tous les domaines d'activité en termes d'intérêts et de valeurs. Notre capacité à négocier avec les autres pays aux plans de la sécurité, de l'économie et certainement de la politique en dépend et nous ne pouvons nous permettre d'oublier que nous faisons partie de cette très importante alliance.

Le sénateur Cordy: Lorsque nous assistons à des réunions de l'OTAN, il est difficile de convaincre les pays européens qu'il n'y a pas qu'un seul pays de ce côté de l'Atlantique, le sénateur Nolin et moi en avons beaucoup parlé dans nos réunions.

Le sénateur Nolin: Nous avions une petite astuce. Nous ajoutions les mots « du nord » à la suite du mot « Amérique ».

Le sénateur Cordy: Oui, c'est vrai. Vous avez tout à fait raison. Les gens que nous rencontrons quand nous voyageons ont une très haute opinion des Forces canadiennes de l'OTAN, où qu'elles se trouvent.

Nous avons beaucoup discuté des mises en garde quand nous étions en Afghanistan avec l'OTAN. Quand nous en avons parlé avec les soldats d'autres pays membres de l'OTAN, ils nous ont dit qu'il était merveilleux de travailler avec les Canadiens de l'OTAN car ils font leur travail. D'autres pays peuvent envoyer des individus, mais lorsqu'il s'agit de faire le travail, ils diront : « Je ne peux pas faire cela. Je ne peux pas aller sur le terrain. »

Le sénateur Nolin: « C'est illégal ».

Le sénateur Cordy: Pour revenir à notre voisin, le professeur Stairs a soulevé certains points intéressants. Je me demandais où il voulait en venir.

C'est très difficile étant donné la position géographique de notre pays et nous sommes vraiment sur la cible. Quand je pense à notre proximité avec les États-Unis, nous ne pouvons pas nous déplacer notre pays. Nos deux pays sont amis et nous avons beaucoup de liens avec les Américains.

Est-ce que l'argent que nous avons dépensé dans le domaine de la sécurité depuis le 11 septembre a donné de bons résultats ou était-ce seulement pour donner aux Canadiens le sentiment d'être plus en sécurité?

M. Stairs: Sénateur, je vous rappelle que je ne travaille pas dans le domaine de la sécurité. Je ne sais pas ce qui se passe sur le terrain chaque jour, mais j'ai l'impression qu'au niveau professionnel ou bureaucratique, nous nous en tirons assez bien, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas beaucoup plus à faire.

Je pense que les Américains croient que nous avons été prompts à répondre, que nous étions mieux organisés qu'eux après le 11 septembre et que nous sommes encore probablement mieux organisés qu'ils ne le sont. Même avec leur nouveau département de la Sécurité intérieure qui, si je comprends bien, est un peu une sorte de jungle bureaucratique.

Ils ont été impressionnés par certaines des idées mises en application par notre bureaucratie au sujet de la question frontalière. De toute façon, ils avaient des propositions, car, avant le 11 septembre, ils envisageaient une frontière perméable pour le commerce. Ils avaient quelques initiatives qu'ils pourraient appliquer très rapidement.

L'Institut canadien des affaires internationales a tenu sa conférence nationale sur la politique étrangère ici à Halifax il y a à peine quelques semaines. Un observateur américain, qui a travaillé à la Maison-Blanche à un certain moment sur l'initiative concernant la sécurité intérieure, a indiqué qu'il était rafraîchissant de traiter avec les Canadiens, même quand il s'agissait de la question des frontières. Les Canadiens ont des idées, nous faisons le travail et nous le faisons très efficacement. C'était un plaisir de travailler avec des Canadiens. Au niveau bureaucratique, je crois que nos résultats sont très bons ou au moins aussi bons que l'on peut espérer.

Je dois malheureusement dire que tout l'argent dépensé pour empêcher un événement malheureux n'empêchera un terroriste très motivé de s'infiltrer. Nous avions plus de chances d'arrêter les bombardiers soviétiques dans les années 50 que d'arrêter des terroristes aujourd'hui. Si vous dites cela aux gens qui travaillent dans ce secteur, ils seront très vite d'accord avec vous, mais ils ajouteront : « On ne peut pas élaborer une politique gouvernementale en se fondant sur cette éventualité. » Ils donnent l'impression de vouloir simplement dépenser de l'argent.

À mon avis, nous le dépensons plus pour impressionner les Américains que les Canadiens, car je ne suis pas sûr que les Canadiens se sentent, que ce soit vrai ou faux, particulièrement concernés par des menaces visant des objectifs canadiens. Je ne pense pas que cela suscite une réponse positive ou même beaucoup d'attention de la part des Canadiens, sauf lorsque des questions controversées liées à la gestion de l'immigration et de questions similaires sont soulevées. Je crois que le gouvernement veut plus rassurer les Américains que les Canadiens.

Et si un incident malheureux survient, ils seront en mesure de dire après cet événement qu'ils avaient fait de leur mieux et ils pourront donner une liste des mesures prises. Je ne crois pas que les Canadiens soient très préoccupés par ces questions.

Le sénateur Cordy: Est-ce que les Canadiens croient que les Américains nous protègent?

M. Stairs: On entend souvent dire cela, mais il y a vraiment le sentiment que la sécurité générale du Canada, surtout au plan de la défense classique, peut être une contribution modeste, car nous savons que ce que nous ferons ne changera pas vraiment les choses.

Je ne suis pas sûr que le public pense en ces termes. Si les Canadiens pensaient en ces termes, la réaction à la proposition de la BMD aurait été différente. C'est un exemple d'une réponse des Canadiens à une question qui semble reposer entièrement et symboliquement sur des politiques superficielles qui ne sont pas liées aux vrais intérêts ou même aux répercussions ou à l'absence de répercussion sur la vie des citoyens ordinaires.

Le sénateur Cordy: C'est un argument valable.

Professeur Middlemiss, je suppose que vous estimez que la majeure partie de nos troupes sera déployée à l'étranger.

Ce que nous faisons est-il suffisant pour les militaires chez nous?

Vous avez aussi dit que nous devons être plus sélectifs dans l'envoi de nos troupes outre-mer. Pouvez-vous développer cette remarque?

M. Middlemiss: Je crois que nous faisons beaucoup de choses au plan binational et bilatéral avec les États-Unis; nous venons de finir la série d'exercices appelés top-off 3 auxquels ont participé tous les paliers de gouvernement.

Ce n'est pas essentiellement une tâche militaire, mais je crois qu'au niveau de la surveillance maritime et de la sécurité, beaucoup de planification a été déjà faite. Dans le groupe de planification binational, il y a eu beaucoup de discussions sur la marine équivalent à NORAD. C'est une question qui va être chaudement controversée pour les Canadiens, car ils estiment que ce sera un terme à l'impasse de la question de la BMD.

Nous échangeons des renseignements et notre marine et notre force aérienne côtière renforcent la sécurité du Canada dans ces régions. Nous pouvons nous enorgueillir de la qualité de cette surveillance et de ces renseignements.

Pour répondre à l'autre question, je crois que nous devons être plus sélectifs au niveau du positionnement de nos troupes, surtout outre-mer.

Nous disons que nous n'enverrons jamais des forces épuisées, pourtant nous venons de le faire en envoyant des gens à Haïti. Les nouveaux gouvernements ont tendance à envoyer des troupes qui ne sont pas complètement préparées et reposées.

Il semble logique d'envoyer des unités militaires cohérentes et importantes outre-mer. Je crois que le reste des forces armées adopte l'idée de la marine concernant une préparation échelonnée pour partir en moins de 10 jours. La marine est reconnue pour ses critères de soutien afin que nous puissions continuer le processus. Mais, dans le passé, nous avons épuisé des troupes de soldats et de marins en procédant de cette façon.

Dès qu'il y aura des unités d'intervention immédiate, des équipes d'opérations spéciales et les deux ou trois éventuelles forces opérationnelles de mission dont ils parlent, nous pourrons avoir entre 1 000 et 1 200 soldats. Ces troupes pourraient être maintenues indéfiniment si le suivi est approprié. Il ne faut pas le faire n'importe comment.

Le Canada est un membre important. Nous sommes passionnés par l'alliance et nous avons tendance à participer à toutes les opérations. Je crois que nous sommes devenus plus sélectifs. Il faudra que nous maintenions une certaine discipline et c'est ce que dit ce livre. Nous devons satisfaire aux critères avant le déploiement. Nous les connaissions déjà et ne les avons pas respectés.

Je crois qu'il est important d'envoyer des troupes où on peut améliorer la situation. C'est une bonne approche que les Canadiens comprendront. Nous devons reconnaître que nous ne pouvons pas simplement garder des troupes à l'étranger pendant des années et des années.

L'un des résultats de notre intervention en Bosnie dans le cadre de l'OTAN, c'est que notre personnel militaire du quartier général doit retourner au pays et travailler dans d'autres régions importantes. Je crois qu'il faut que nous reconnaissions le coût de la perte de ces bases outre-mer et aussi les coûts à long terme. Nous ne pouvons pas utiliser ces bases pour envoyer ou déployer des troupes ou maintenir les opérations dans le théâtre. Ce que nous aurions pu faire avec ce nouveau concept.

Le sénateur Cordy: Quels sont les moteurs du développement de la politique canadienne en matière de défense concernant les États-Unis?

M. Middlemiss: Je crois que c'est une combinaison de politiques et de finances et du même discours sur la transformation.

Les opérations des forces armées sont interopérables, car il serait illogique de dire que nous pouvons faire ce genre d'opérations seuls si nous ne pouvons pas travailler avec d'autres pays de manière intelligente. Notre marine et le reste de nos forces armées arrivent au niveau de l'excellence et gardent le même niveau que les États-Unis en particulier, et par ce processus, permettent à d'autres pays moins bien équipés de se brancher sur notre système pour pouvoir communiquer avec les Américains. La plupart d'entre nous reconnaissent que les États-Unis sont encore l'équipe « A » et que pour changer les choses il faut atteindre ce niveau.

Je crois que ce Livre blanc est une petite indication de notre capacité à être plus indépendants, mais nous ne devons pas croire que nous pouvons tout faire seuls.

Le sénateur Forrestall: Messieurs, c'est toujours un plaisir d'entendre vos commentaires et vos observations, surtout à la lumière des déclarations faites par le gouvernement.

Vous avez fait allusion à ceux que nous voulons satisfaire. Je ne suis pas sûr que nous savons qui ils sont, mais demander à ceux qui y ont certainement réfléchi depuis longtemps de le placer dans un contexte compréhensible, exploitable, inacceptable ou acceptable?

M. Middlemiss: Je peux commencer par répondre à cela, puis je donnerai la parole à mes collègues.

J'aurais dû mentionner que les Canadiens constituent l'un des moteurs. Tous les sondages indiquent que les Canadiens veulent être actifs dans le monde. Ce sont parfois des paroles farfelues, mais en grande partie ça vient du cœur. Nous voulons aider les gens dans le monde. Ça ressemble à un gouffre quand on voit des comités comme le vôtre examiner des questions de politique étrangère. Ils implorent les gens de dire : « Limitez-le à vos 150 premières recommandations », car les Canadiens ont une large perspective. Je crois que c'est dû en partie au fait que les gouvernements ont présenté aux Canadiens une imaged'eux-mêmes et leur importance dans le monde, qui ne sont pas très méritées dans ce que nous faisons actuellement. Les Canadiens attendent quelque chose et je crois que c'est une bonne réponse à cette attente.

Deuxièmement, nos alliés attendent quelque chose. Je crois certainement, comme le professeur Stairs l'a souligné, que nous voulons montrer à nos alliés que nous pouvons le faire, mais plus que tout, dans le contexte de la défense du Canada, nous ne pouvons pas nous attendre à ce que quelqu'un d'autre le fasse à notre place.

Si un État souverain ne peut pas assurer la sécurité de son territoire et je crois que cette déclaration de défense contribue grandement à combler cette lacune, alors pourquoi déclarer que nous sommes un État souverain et indépendant.

Je pense que c'est un bon livre exploitable et cohérent. Il énonce des lignes directrices précises ainsi que des repères pour juger les Forces. Nous devons attendre les recommandations des équipes d'action. Elles examinent des questions fondamentalement importantes telles que le contrôle du commandement, la mise sur pied d'une force, le développement des forces et la refonte institutionnelle.

Si vous voulez de vrais problèmes, attendez que les bureaucrates s'occupent de ces questions.

M. Stairs: Je partage l'avis de M. Middlemiss.

Je rappellerai la différence entre le continent nord-américain et outre-mer. Il me semble que les exigences nord- américaines sont en très grande partie motivées par des exigences américaines.

Bien sûr, nous avons nos propres eaux et notre propre espace aérien qu'il faut surveiller du mieux que nous le pouvons, et s'il y a d'autres menaces classiques liées aux exigences du pouvoir civil, nous devons y répondre en tant que puissance souveraine.

Je suis moins préoccupé par le danger d'une attaque directe sur le Canada et beaucoup plus préoccupé par la réponse desÉtats-Unis à ce qu'ils perçoivent comme étant une attaque contre leur pays. À mon avis, l'exigence sous- jacente est de les rassurer que nous contribuons raisonnablement à notre sécurité collective. Je crois que c'est un élément essentiel à nos relations avec les Américains.

Si on peut imaginer un cas où les États-Unis seraient attaqués par quelqu'un qui était résident temporaire ou permanent au Canada, les conséquences, pour ce qui est du comportement des Américains à la frontière seraient, à mon avis, potentiellement catastrophiques. Nous devons pouvoir leur dire que nous avons fait tout ce que nous pouvions raisonnablement faire sur ce plan particulier.

Maintenant plus que même pendant la guerre froide, quand nous allons à l'étranger, nous devrions le faire dans le cadre d'une initiative de nature volontaire. Je ne cherche pas à dire que le Canada ne peut être d'aucune utilité, bien au contraire, et c'est en rapport avec nos activités diplomatiques avec l'OTAN, les Nations Unies, et avec notre crédibilité dans bien d'autres contextes.

Nous sommes maintenant dans une situation où le catalyseur est, dans une certaine mesure, le point de vue du public canadien, selon lequel c'est le genre de contribution que le Canada devrait apporter au monde parce que, après tout, nous avons la capacité de le faire, et par conséquent nous devrions le faire. Nous ne sommes pas comme Israël, par exemple; nous ne sommes pas sous la menace d'impératifs de toute autre nature.

À mon avis, si on veut connaître la politique en matière de défense, il faut respecter le budget et voir combien il y a à dépenser sur la défense.

Je peux imaginer une discussion de compromis au niveau du cabinet, où certains diraient : « Eh bien, si je dépense l'argent sur ces choses, il y aura une récompense électorale ou une autre espèce de gratification politique. Si je le dépense sur la défense, tant qu'il n'y a pas de coût de substitution, je peux m'en sortir. »

Si les gens peuvent penser un seul instant que d'autres domaines de la politique publique qui leur tiennent à cœur ont été négligés au profit de celui-là, le montant est réduit et, très franchement, je pense que c'est ce qui se passe depuis maintenant pas mal de temps.

Il y a eu une espèce de léger renversement de la vapeur depuis deux ans, en grande partie à cause de rapports de comité comme le vôtre et du CDFAI, et de commentaires d'universitaires. Les médias ont finalement compris, il y a deux ou trois ans, que nous avions un problème. Les Canadiens en sont assez ennuyés qu'il y a enfin une réaction politique, maintenant qu'il y a un surplus qu'on peut dépenser sur nos forces armées.

Même alors, très franchement, je pense qu'il n'y a encore aucune garantie. C'est à dire que s'il survenait une situation nécessitant des fonds publics qui recevait plus d'appui politique, je pense que ceci serait encore une fois sacrifié, et c'est pourquoi je dis plutôt que « Je le croirai quand je le verrai ». Ce n'est pas qu'une question de savoir qui est au pouvoir. Je ne pense pas que ce soit là, le problème. Le problème, c'est quelles autres pressions le trésor public subira-t-il qui auront plus d'attrait, au plan politique, au yeux des gens qui prennent ces décisions?

Bien que je sois d'accord, dans une certaine mesure, que ces opérations à l'étranger sont justifiées par le désir des Canadiens d'apporter une contribution positive, s'ils devaient choisir entre les dépenses sur la défense et/ou sur la santé, la défense perdrait sans la moindre hésitation. Je suis assez sceptique quant à la profondeur de notre intérêt pour la défense de notre pays.

Je pense que quand quelque chose tient vraiment à cœur aux Américains, c'est là que nous agissons. Le gouvernement ne demande la permission de personne, il agit comme il le juge approprié parce qu'il sait que les Américains n'ont pas besoin de nous.

Le sénateur Forrestall: Je voudrais que l'amiral King parle aussi de l'Asie.

Notre principal conseiller militaire a laissé entendre qu'il y avait des énoncés de politiques qui pourraient aller dans un, deux ou trois sens. Je suis d'accord que le CEMD aura une influence extraordinaire sur la manière dont les fonds pour la défense sont dépensés, bien plus que bon nombre de ses prédécesseurs des dernières années.

Y a-t-il quelque chose que le Canada puisse faire en ce qui concerne l'Asie? Est-ce que le Canada a un rôle à jouer en Orient? Y aurait-il besoin d'une alliance militaire informelle dans cette partie du monde qui pourrait éventuellement se joindre aux pays de l'Atlantique Nord, pour relier les deux hémisphères et nous immiscer ainsi en Asie, en traversant le vaste Pacifique?

Le Canada n'a pas, il me semble, des politiques nationales clairement définies en ce qui concerne l'Asie, à cause de nos liens avec la Grande-Bretagne. Les États-Unis ont encore une tribune Canada-Europe, mais nous sommes en 2005.

Les États-Unis vont nous assimiler à la Grande-Bretagne aussi longtemps que cela fera leur affaire, et je pense que cela leur donne une capacité extraordinaire de nous tenir à distance.

Comment pouvons-nous rehausser notre image internationale? Pouvons-nous apporter de l'aide quelque part en Orient?

M. King: Je ne suis pas tout à fait d'accord avec le professeur Stairs pour ce qui est de reléguer l'élément multiculturel de nos relations avec les pays de l'OTAN, de l'Europe occidentale, et même, disons, de l'est de l'Europe, à quelque chose qui n'est pas essentiel.

Bientôt, nous connaîtrons la politique américaine en matière de sécurité et de défense qui sera adoptée, et je pense que vous constaterez qu'elle abandonne cette notion, et je cite, de « ce qui se fait à l'étranger et ce qui se fait chez nous » lorsqu'on parle de sécurité intérieure. Les États-Unis ont reconnu que quand on en vient à devoir, pour assurer notre propre protection intérieure, examiner des conteneurs sur nos propres rives, on a perdu la guerre.

Comme quelqu'un le disait tout à l'heure, c'est un énorme défi que de devoir faire échec aux terroristes, et très franchement, 80 p. 100 ce n'est pas assez. Les États-Unis qui, il est permis de le croire, ont certainement un plus gros problème que n'importe qui d'autre, ont fini par conclure qu'il faut observer le reste du monde, et je pense que nous sommes parvenus à la même conclusion. Je crois que c'est un terrain qui nous est familier.

Je voudrais seulement rappeler à tout le monde que nous avons joué un rôle déterminant en Corée. Si quelqu'un va en Corée aujourd'hui, l'une des premières choses que les Coréens vont vous demander, quand vous parlez des problèmes, c'est : « Est-ce que vous reviendrez? » Pas tellement ces jours-ci, il n'y pas cette inquiétude latente au sujet du Nord, mais lorsqu'il y en avait, c'était certainement une question réelle, la réponse attendue était « oui », et c'est une réponse qu'il me semble que la plupart des Canadiens, qu'ils soient membres du gouvernement ou non, n'ont pas même envisagée depuis les années 1950,

Je pense que nous avons un rôle à jouer en Asie. Si on regarde notre population sur la côte Ouest et la population du pays en général, bien des Canadiens originaires de ce coin du globe sont convaincus que nous avons des intérêts commerciaux dans cette région du monde. Cette partie de la population est très intéressée à ce qui se passe là-bas et, de fait, le ministère des Affaires étrangères du Canada s'est démené de façon très crédible pour maintenir notre relation avec bon nombre de ces pays, non pas seulement par le biais de leurs ambassades, mais aussi par celui de l'ACDI et d'autres programmes. Nous offrons notre Programme d'aide à l'instruction militaire en Ouzbékistan, et dans plusieurs républiques centrales de l'Asie.

Je crois que tout cela c'est du pareil au même. Je crois que lorsqu'on concentre les Forces canadiennes sur les opérations intérieures, et je suis tout à fait d'accord avec le professeur Stairs sur la primauté du point de mire nord- américain, je pense que c'est parce qu'il faut que ce soit fait correctement, et il s'agit de la défense de la mère patrie. Les Forces jouent maintenant un rôle dominant dans la défense de notre mère patrie.

La déclaration, cependant, traite effectivement de la guerre en trois volets, et c'est la réalité des opérations des trois éléments des Forces canadiennes, tant au Canada qu'à l'étranger.

Je crois que le problème, c'est que les responsables des décisions du pays n'ont pas un mode de pensée stratégique en matière de politiques et de dépense.

Messieurs Stairs et Middlemiss ont dit que la politique n'a pas sa place partout. Elle a une place, mais la sécurité est quelque chose qui a tendance à transcender les enjeux politiques normaux et nous devons commencer à penser, dans les stratégies à long terme, où sont nos intérêts réels dans ce monde. Une fois que nous aurons défini nos intérêts, la décision sera beaucoup plus facile à prendre.

Actuellement, nous avons tendance à prendre ces décisions au cas par cas et, généralement, pour des motifs d'ordre tout à fait intérieur et politique, nos alliés le voient bien, et on voit rarement un dirigeant canadien, quelles que soient sa couleur politique, se dresser pour parler avec le moindre altruisme de notre engagement dans le reste du monde.

Lorsque nous entendons ce genre de discours, il a tendance à être, comme le dit mon collègue à droite, seulement que du battage et il n'impressionne personne. Nous devons en venir à un point où nous entendons d'autres dirigeants du monde, qui semblent tout à fait capables de se tenir debout, parler de concepts cruciaux comme l'économie, la mondialisation, la politique et la sécurité.

Tant que nos dirigeants n'en feront pas autant et n'essaieront pas d'appliquer ces leçons à l'élaboration de nos propres politiques, je crains que notre énoncé de politique, que nous appuyons de façon générale, ne sera guère que des mots plutôt que la réalité.

M. Middlemiss: Je pense que c'est un excellent argument. Si je devais dire — et je ne fais aucun reproche aux rédacteurs de ce document — qu'il y a un angle mort, d'un point de vue opérationnel, c'est au sujet de l'Asie-Pacifique et de l'ascension du dragon chinois.

Dix ou 15 ans, c'est beaucoup de temps en politique et sur la scène mondiale, et nous dressons des plans en nous fondant sur ce que nous avons fait récemment en des lieux comme l'Afghanistan, Haïti et les pays en déchéance et déchus. Nous devons prendre conscience que quelque chose se passe, qui vient de l'Orient, et ce pourrait être plus chaud que ce qu'il y a derrière vous, sénateur, et je pense que nous devons faire face à cette réalité.

Je suis d'accord avec mon collègue qu'il nous faut attaquer le problème sous l'angle politique. Ce document ne nous donne pas un énoncé clair de ce qui serait de notre intérêt sur ce plan. C'est pourquoi j'ai dit que l'une des questions qui n'a pas encore eu de réponse, c'est où seront situées nos bases? Je pense que la réponse, c'est la côte Est, parce que c'est là que nous serons le plus près des pays en déchéance et déchus. On ne dirait pas que la Chine est un pays déchu, pas devant elle, en tout cas. Je m'inquiète un peu que nous n'ayons pas de force d'intervention opérationnelle sur la côte Ouest.

De plus, les chiffres comptent. Les navires d'appui conjoint, l'un de ces grands navires honking, ou quel qu'il soit, a tout intérêt à être sur la bonne côte, sinon il faudra bien du temps avant que nous puissions intervenir sur l'autre côte. C'est la réalité géographique du Canada.

Le sénateur Forrestall: Je me rappelle avoir demandé au défunt M. Bill Dalton ce que diable nous ferions si 5 millions d'Asiatiques décidaient de s'embarquer sur 150 navires vers le Canada? Que ferions-nous d'eux, est-ce que nous les abattrions? Non. Est-ce que nous les accueillerions? Oui, mais avec beaucoup de scepticisme. Comment diable pourrions-nous les héberger, les nourrir, les vêtir? Il faudrait que nous les mettions dans l'armée, non? Oh, je n'en sais rien.

Le sénateur Munson: J'ai vécu en Chine pendant cinq ans, quand j'étais reporter, de 1987 à 1992. J'y suis retourné l'année dernière pour la première fois après 13 ans et j'ai compris, d'un seul coup d'oeil, que nous ferions mieux de nous tenir sur nos gardes.

Il semble que la nouvelle politique en matière de défense va être concentrée sur les opérations terrestres, tant au pays qu'à l'étranger.

Est-ce que la nouvelle politique de défense établit un juste équilibre entre la marine, l'armée et la force aérienne et, bien entendu, le tout nouveau groupe d'opérations spéciales?

M. Middlemiss: Je pense que cela doit être résolu un peu plus tard, à l'automne. Les premières indications recueillies auprès des universitaires et de collègues militaires sont pessimistes quant à l'avenir de certains éléments de la force aérienne.

La force aérienne, c'est plus que les CF-18 et les avions de combat, mais il est clair que ses jours sont comptés. Je ne pense pas que nous aurons des AMRAAM, les missiles air-air perfectionnés à moyenne portée. On n'a pas besoin pour les compagnies aériennes qui passent dans le ciel de Toronto, ou ce genre de choses.

Il est plus question d'un rôle air-sol, avec une demi-douzaine d'avions de combat. À mon avis, envoyons plutôt une caisse de 24. C'est probablement une meilleure publicité d'envoyer une caisse de Molson Canadian plutôt qu'une demi- douzaine d'avions de combat. Je pense que nous nous préparons à vivre des temps difficiles.

La question de l'aérotransport stratégique n'a pas encore été résolue. Les planificateurs se préoccupent de transport assuré, tant par mer que par air. Il en faudra d'urgence pour l'intervention rapide, et je pense que les navires d'appui conjoint, etc., règleront ce problème.

Je ne suis pas d'accord que ce soit entièrement centré sur la terre. Il est beaucoup question que ces opérations soient basées en mer. La première réaction sera d'aller en mer pour intervenir quand le gouvernement décidera, s'il décide, de réagir. On peut déplacer un groupe opérationnel avec des hélicoptèresmoyen-porteurs, des unités de l'armée, etc., bien entendu, des unités de protection maritime et aussi de transport, les faire entrer ou sortir d'une région, selon que le gouvernement décide de faire quelque chose. On n'aura pas à attendre trois semaines ou trois mois pour intervenir s'il survient un tsunami, ou combien de semaines il nous a fallu rien que pour aller en Haïti. Nous aurions pu envoyer la marine sur le champ.

J'entrevois un avenir aussi prometteur pour la marine que pour la force aérienne, et je pense que certains de mes collègues de la marine, ici, seront agréablement surpris d'apprendre qu'il y a des choses très positives qui sont dites au sujet de la marine. Peut-être moins de la force aérienne.

Le gros point d'interrogation, pour la marine, c'est le remplacement de cette capacité de commandement et de contrôle. La première équipe d'intervention se penche sur cette question de remplacement, mais cela ne se fera pas de si tôt.

C'est un besoin crucial, et notre influence politique passée, que nous devons à cette capacité de commandement et de contrôle, est quelque chose que nous ne pouvons pas tout simplement transférer vers des frégates moins capables. C'est quelque chose que je surveillerai de près à l'automne.

Le sénateur Munson: Au sujet de l'interopérabilité au Canada, est-ce que nous pouvons nous maintenir au même niveau de sophistication que les Britanniques et les Américains?

Je pose cette question parce que quelqu'un a suggéré qu'il pourrait y avoir avantage à ce que les Forces canadiennes deviennent une extension souveraine des États-Unis, avec les mêmes équipements, stratégies et techniques.

M. King: Eh bien, je pense que c'est juste ce qu'il faut. Je pense qu'il est nécessaire que ce soit axé sur la terre, mais il me semble que c'est un élément de l'équilibre, de nos jours.

Il faut pouvoir se rendre là où on va, et ce peut être dans notre propre pays. Il faut pouvoir amener des soldats sur place. Les deux autres services qui assument tout un éventail d'autres rôles distincts doivent être des collaborateurs clés, et je pense que le chef a décrit très clairement une approche conjointe pour réaliser cet objectif.

Je crois aussi que c'est vrai pour l'armée plus que pour les deux autres services. L'armée doit faire bien plus pour être prête, pour pouvoir faire ce genre de chose. Elle doit être plus focalisée pour que nous ne subissions pas encore l'embarras d'une autre situation comme l'Afghanistan, où nous avons fait un merveilleux travail et nous avons dû partir six mois plus tard parce que nous ne pouvions pas maintenir les opérations.

L'interopérabilité, c'est seulement une expression cynique pour désigner des opérations multilatérales. Il le faut. Si on ne fait pas d'apport important à une opération, on devient un énorme boulet. Il y a un aspect de sécurité fondamentale, dans les trois services. Nous n'avons vraiment pas de choix sur cette question.

Pour tirer pleinement partie du coût des forces armées, de l'effort qu'elles déploient et du danger que vous leur faites courir, elles doivent être aussi efficaces que possible, et il faut pour cela accepter la direction fondamentale de pays comme les États-Unis.

Nous entretenons des rapports extrêmement étroits avec les États-Unis sur bien des aspects que d'autres pays ne partagent tout simplement pas, y compris la Grande-Bretagne, et je pense que cette relation est en quelque sorte un catalyseur de la force pour le Canada. Nous devons consolider nos rapports avec les Américains. En aucun cas je ne vois cela comme un perte de souveraineté. De fait, en ce qui concerne les États-Unis et nos principaux alliés, cela nous donne une influence fantastique, non pas seulement pour les opérations et pour le leadership que nous pouvons leur apporter, mais aussi pour toutes sortes d'activités accessoires comme l'élargissement de l'OTAN, ou la doctrine alliée, les normes et les logiciels de communication. Le Canada a beaucoup à offrir au plan technique, et de fait, aussi au plan technique militaire.

L'effort pour assurer l'interopérabilité, particulièrement avec les États-Unis, rapportera de nombreux dividendes et contribuera à notre souveraineté.

Le sénateur Munson: Monsieur Stairs, vous avez parlé du Canada comme d'une « puissance qui préconise le statu quo » et vous avez fait remarquer que les politiques de sécurité du Canada à l'étranger ne sont pas impératives, mais plutôt facultatives ou volontaires.

Pourriez-vous étoffer un peu cela pour moi? Ne sommes-nous pas un pays commerçant, tributaire de la sécurité mondiale? N'avons-nous pas besoin de nous engager à l'étranger?

M. Stairs: Les Canadiens se targuent beaucoup d'être un peuple pacifique qui préconise un environnement sécuritaire, comme si c'était en quelque sorte enraciné dans une gamme supérieure de valeurs. Je m'agite beaucoup quand j'entends les Canadiens en parler comme d'une vertu supérieure. Le Canada est surtout une puissance qui préconise le statu quo.

Les pays rompent la paix parce qu'ils ont des intérêts qu'ils jugent être plus importants pour eux que la paix elle- même, et cela arrive lorsque certaines situations surviennent dans certains pays. Nous l'avons presque fait au sujet du poisson, avec la guerre du flétan. Nous avons mobilisé des coques grises à l'horizon, et on pourrait soutenir que c'est sans grande certitude sur notre position juridique, pour défendre le flétan en dehors de la zone économique exclusive de 200 milles. Les Canadiens se sont vraiment échauffés les sangs avec cette histoire. Nous avons été très excités et patriotiques pendant une bonne semaine.

Ce que je dis, c'est que si on change les circonstances, si on les reconfigure, même les pacifistes canadiens ne joueront pas le jeu, comme si tout ce qui leur importait c'était l'ordre. J'entends souvent les gens parler comme s'ils pensaient que c'est une espèce d'attribut supérieur de la culture canadienne, et je suis enclin à penser que c'est plus une affaire de circonstance que de toute autre chose.

Je n'essaie pas dire que nous ne devrions pas nous ouvrir au multiculturalisme ou que nous ne devrions pas nous engager à l'étranger, mais il semble clair comme de l'eau de roche qu'à la suite des événements du 11 septembre, quasiment chacun des ministères à Ottawa a affûté ses outils pour se concentrer sur un enjeu.

Lorsque 37 kilomètres de camions 18 roues se suivaientpare-choc à pare-choc jusqu'au pont Ambassador, tout le monde a dû agir rapidement. C'est cela que j'appelle un impératif. Israël a fait face au même genre d'impératif, entouré comme il l'est de gens qui veulent les jeter à la mer. Cela ne veut pas dire que les intérêts de notre politique étrangère ne sont pas servis par notre engagement à l'étranger de la manière que vous proposez. Il est certain qu'ils le sont. C'est seulement que ce n'est pas le même genre de chose que ce dont on parle ici, selon moi.

Quand vous parlez de la communauté internationale, la difficulté c'est que, bien entendu, on ne peut faire qu'une mince contribution dans la plupart de ces contextes. Il a toujours été difficile de savoir exactement combien suffit, même au point culminant de la guerre froide. En un sens, la meilleure réponse que vous pouviez obtenir, c'est une réponse qui satisfaisait les gens avec qui vous travailliez. Vous avez eu des négociations et vous avez abouti à une solution qui était un compromis entre ce que vous pourriez raisonnablement faire et ce qui était utile à la cause. En ce sens, c'est toujours marginal, et très rarement un rôle décisif. Si vous regardez cela du point de vue de l'élaboration des politiques publiques, il me semble que vous n'y trouvez pas souvent un cadre d'orientation concret.

Nous savons que nous voulons continuer à assumer ces rôles, quoique de façon plus sélective, à l'étranger, et cela crée certains besoins, notamment la capacité de transport aérien et maritime et une espèce quelconque de configuration des forces armées, et certainement un plus grand nombre de bottes sur le terrain. Ils doivent rectifier le déséquilibre à cause des difficultés qu'a connues l'armée, etc.

Le sénateur Munson: Pouvons-nous vraiment, en étant réalistes, jouer un rôle d'influence sur le terrain en Afrique? Nous avons entendu ce genre de discours, encore une fois, au sujet de ce groupe de soldats d'élite.

M. Stairs: Eh bien, ce sera un peu en parallèle d'Ottawa, mais dans bon nombre de ces situations, le problème est beaucoup plus complexe, et le genre d'effort qu'on pourrait devoir déployer pourrait vraiment faire une différence. C'est beaucoup, beaucoup plus que ce que sont prêts à accepter les gens qui prennent les décisions ici comme ailleurs, ne serait-ce qu'aux États-Unis. Autrement dit, je pense que l'analyse des politiques est assez bâclée, et en conséquence on finit avec une situation comme celle qui sévit au Darfour. Nous nous retrouvons trop souvent à faire une contribution symbolique qui n'est intégrée à aucun plan systématique. Il nous faut connaître les besoins, combien de temps nous serons engagés et à quel niveau d'aide dans la coalition, avec quels autres partenaires, en nous spécialisant dans quel type d'activité comparativement aux autres, etc.

Les entreprises de ce genre sont souvent des entreprises d'ingénierie sociale d'une énorme complexité. La critique que j'ai à formuler, c'est que ces décisions ne sont pas prises à la lumière d'une analyse approfondie des politiques. Je pense seulement qu'il nous arrive souvent, si on peut dire, de sauter à pieds joints dans l'action, et il est arrivé que nous fassions en passant d'énormes dommages. Le premier passage en Haïti, à mon avis, en serait un excellent exemple.

Je pense que nous pouvons faire une différence, et dans certains domaines, comme le sida, peut-être, nous pouvons faire une différence fondamentale, et je pense que nous devons y réfléchir très sérieusement.

M. Middlemiss: Je suis tout à fait d'accord, c'est très valable au plan politique, et certainement au plan militaire. Il n'y a rien de mal à essayer d'être plus crédible, de mieux nous faire reconnaître pour ce que nous faisons que dans le passé.

En tant que politiciens toutefois, nous devons prendre garde à ne pas, au lieu de vouloir faire quelque chose de bien et digne de mention, faire une différence là où il la faut, chercher à seulement être différents. Nous pourrions être tentés d'envoyer l'une des nouvelles unités et nous attendre à ce qu'elle fraye son chemin à coup de poings, et qu'elle fasse toutes les guerres en trois volets, mais notre armée n'est pas prévue pour faire ce genre de choses et nous devons comprendre qu'elle fait partie d'une armée de coalition.

Il est vrai qu'au Canada nous pouvons faire certaines choses que nous ne pouvions pas faire auparavant. Parfois, le désir de faire une différence se transforme en volonté d'être tout simplement différents, rien que pour être différents. Comme mon collègue, je m'y oppose vivement.

Le sénateur Nolin: J'aimerais rester sur le sujet du rôle international du Canada et parler un peu plus de l'OTAN.

Pour vous situer un peu le contexte des diverses questions que j'aimerais vous poser, il y a une dizaine de jours, nous sommes allés à New York, puis à Norfolk. À New York, nous avons appris que l'Union européenne et le sous- secrétaire général, en quête de missions de maintien de la paix, envisagent la possibilité de recourir à l'Union européenne comme unité d'intervention rapide pour les Nations Unies. C'est un élément du contexte de mes questions.

De plus en plus, l'OTAN intervient en dehors de ses zones, et nous sommes toujours là. Comme vous l'avez dit, amiral, dans certains cas, nous faisons une différence intéressante par la manière dont nous nous acquittons de nos fonctions.

Monsieur Stairs, vers où les Américains veulent-ils orienter l'OTAN, et quel rôle le Canada doit-il avoir dans cette organisation?

M. Stairs: Je ne voudrais certainement pas me faire passer pour un spécialiste de ce que les Américains veulent faire.

Le sénateur Nolin: Je ne veux pas vous poser à tous la même question, alors je l'ai segmentée. Je lisais votre biographie, et il y est question de relations entre le Canada et les États-Unis. C'est pourquoi c'est à vous que je pose cette question.

M. Stairs: Je pense qu'en termes généraux, ce que les Américains veulent obtenir des Européens, c'est plus d'aide que ce qu'ils ont eu dans le passé sur des terrains où les Américains estiment qu'ils ont des intérêts. Autrement dit, ils veulent plus d'aide, et je pense qu'ils ont vraiment l'impression d'avoir assumé la part du lion du fardeau de la sécurité, non pas seulement pour eux, mais pour le monde civilisé dans une certaine mesure, contre les nouveaux défis, et je pense que les Européens les ont souvent laissés tomber. Je suis sûr qu'ils aimeraient mobiliser l'aide européenne par divers moyens, bien qu'à mon avis, ils se sont faits vraiment beaucoup de tort sur la scène diplomatique.

Le sénateur Nolin: Pourquoi voudraient-ils pousser l'OTAN? Il est certain qu'ils ne veulent pas arrêter en Irak et en Afghanistan. Ils doivent bien avoir une idée d'un objectif visé?

M. Stairs: Pour vous répondre, il faudrait que je hasarde trop de spéculations.

Le sénateur Nolin: Et bien, vos réponses resteront au Canada, quelles qu'elles soient.

M. Stairs: Oui, mais cette question me met un peu mal à l'aise. Je pourrais avoir quelques observations à faire du point de vue canadien. L'OTAN pourrait très bien pouvoir faire des choses que les Nations Unies ne pourraient pas. Par conséquent, l'organisation devient une espèce de mandataire des Nations Unies, et dans certaines circonstances, il serait tout à fait logique que le Canada veuille y faire sa part.

Je pense que les Canadiens doivent reconnaître, cependant, qu'ils ne vont pas nécessairement récolter des récompenses de la part des Européens dans d'autres domaines d'intérêt de la politique publique et étrangère s'ils le font. Autrement dit, il me semble que nous contribuons de plus en plus aux activités de l'OTAN, mais nous n'en récoltons pas nécessairement les fruits aux plans de la diplomatie économique ou politique, et nous ne sommes pas remarqués en dehors de la communauté de la sécurité en tant que facteur distinct en Amérique du Nord. Si vous parlez aux gens d'affaires de la nécessité de développer les relations économiques avec l'Europe, ce que vous diront les Européens, c'est qu'ils ne sons pas portés à considérer le Canada comme un pays distinct des États-Unis dans ce contexte.

Si on part du principe que nous allons jouer un rôle actif à l'OTAN dans l'espoir de récolter des avantages pour d'autres aspects de nos relations avec l'Europe, je pense que la réponse à cela, c'est que probablement pas, en tout cas pas bien souvent.

Je pense qu'il y a d'autres raisons pour justifier notre profond engagement dans le contexte de l'OTAN, parce qu'il y a quelques signes de failles entre les Européens d'un côté et les Américains de l'autre, qui ne sont pas de notre intérêt, ou de l'intérêt du monde dans un sens plus large.

Il pourrait y avoir une espèce de rôle diplomatique que le Canada pourrait jouer discrètement, avec tact et diplomatie, en préservant quelque peu cette ancienne notion d'une région de l'Atlantique Nord, et je ne pense pas que nous jouions notre rôle dans ce scénario.

Je ne suis pas terriblement optimiste, mais nous sommes manifestement l'acteur idéal pour ce rôle, et si le gouvernement commençait à parler de rôle, d'intermédiaire honnête, et tout le reste, j'en serais très troublé. Il pourrait y avoir place pour une contribution concrète en ce sens, mais nous ne pouvons le faire sans contribuer. On ne peut pas s'asseoir à la table si on n'y apporte pas une contribution valable.

Le sénateur Nolin: Monsieur Middlemiss, commentenvisagez-vous l'expansion de l'OTAN, et où devrait-elle s'arrêter? Nous allons rencontrer notre ambassadeur à Bruxelles pour discuter de la question.

M. Middlemiss: Le Canada a participé très activement au programme de Partenariat pour la paix, et je pense que nous avons bien fait notre travail. Souvent, ces activités, du point de vue militaire, sont importantes, mais peu reconnues. Nous avons apporté notre contribution sur des plans fondamentaux comme l'aide à la préparation d'un budget de défense. Le problème qu'ont connu les intervenants du premier plan, c'est qu'une fois que le génie démocratique n'est plus de la partie, on ne peut pas satisfaire aux critères de la démocratisation, de l'envergure des forces armées, etc. Les pays aspirant à se joindre à l'OTAN ont exercé certaines pressions à cet égard. Vous avez intérêt à nous accepter maintenant, parce que si vous attendez trop, on ne pourra rien faire.

Nous devons faire attention aux sensibilités des Russes, qui ne sont pas négligeables, parce qu'ils se sentent quelque peu pressés de tous les côtés par la nouvelle formation élargie de l'OTAN.

Je pense que c'est une véritable honte, qu'il n'y ait pas eu de reconnaissance d'une contribution continue du Canada à l'OTAN par le biais du Système de surveillance et d'alerte aéroporté. J'étais là-bas il y a quelques années, et c'était presque pathétique de voir le commandant de l'époque plaider pour obtenir une reconnaissance quelconque. Ces gens- là ont pris part, de façon presque continue, à une guerre qui dure depuis déjà près d'une décennie dans la région de la Serbie et de la Bosnie, ils sont allés à la guerre, ils se sont fait tirer dessus, etc., ce qui a mené à cette formation, et il n'y a quasiment personne pour le reconnaître à part l'OTAN, fait étonnant, mais certainement pas le peuple canadien. Ils passent presque sous silence, et je voudrais seulement signaler cela comme un domaine où j'aimerais bien qu'on fasse quelque chose. Ils ont des problèmes de moral, là-bas, de ce point de vue là.

Je n'ai pas d'avis, sénateur, sur la manière de résoudre le problème de l'OTAN. Une fois qu'on a une organisation qui commence à avoir l'envergure d'une autre organisation des Nations Unies, on a le même genre de problème que les Nations Unies. Il y a trop de fourchettes dans la tarte de la prise de décision, et l'OTAN fonctionne par consensus. Je n'en dirai pas plus.

Le sénateur Nolin: Cela m'amène à vous, amiral. Vous avez contribué au succès de cette énorme organisation.

Attaquons-nous d'abord à la question du consensus. Nous sommes l'un de 26 membres de l'OTAN. C'est déjà difficile quand on est 26, plus 1, bien entendu, puisque quand il faut prendre une décision de grande importance, bien sûr, ils ne sont pas autour de la table, mais ils prétendent avoir un droit de veto, et savez-vous quoi, je pense qu'ils l'ont. Donc, c'est 26 plus 1.

Je pense qu'une bonne chose, c'est que les activités stratégiques ne se déroulent qu'en un lieu, soit à Bruxelles. Si l'OTAN s'élargit, comment l'organisation pourra-t-elle fonctionner efficacement?

M. King: Je vais vraiment devoir contredire mes collègues, à ce propos. Nous devons demander où les États-Unis veulent amener l'alliance.

Je pense que nous oublions que c'est le président Clinton qui a lancé le programme Partenariat pour la paix et que l'OTAN a 46 pays, dont 26 sont maintenant membres à part entière de l'alliance.

Le sénateur Nolin: Mais ils ne sont pas 46 autour de la table.

M. King: Eh bien, en fait, oui. Nous avons deux tables, autour desquelles ils sont réunis. À la fin de la guerre froide, l'OTAN a comblé le vide en matière de sécurité dans les pays du centre de l'est de l'Europe. Il n'a pas fallu bien longtemps à ces pays pour comprendre que leur avenir politique et économique dépendait de ce qu'ils deviennent membres de l'Union européenne, mais que leur sécurité dépendait de l'OTAN. L'alliance va jusqu'à la Russie. N'oubliez pas l'OTAN s'étend maintenant, en fait, de Vancouver à Vladivostok.

À l'origine, l'OSCE était une alliance de 46 pays qui avaient un lieu où se réunir, pour parler et agir par convention bilatérale.

Nous oublions souvent que l'un des avantages les plus grands qu'offre l'alliance, c'est qu'elle permet aux pays d'agir par convention bilatérale et multilatérale, qu'ils siègent ou non autour d'une table et s'efforcent ou non d'atteindre un consensus. Donc, un effort immense est déployé à l'alliance rien que pour offrir ces occasions de convention multilatérale et bilatérale aux pays.

Maintenant, si vous regardez à l'est seulement, nous avons adopté la plupart des pays du pacte de Varsovie original, et ils sont membres de l'alliance. Nous avons eu une guerre, en Europe, dans les Balkans; elle est pas mal calmée, mais il se pourrait très bien qu'elle se ranime. La Croatie, un membre du Partenariat pour la paix, la Serbie et la Macédoine veulent devenir membres de l'alliance. L'Ukraine, qui a effectué une transformation très pacifique de sa société, voudrait vraiment se joindre à l'alliance. L'Ukraine est le seul pays du monde à avoir renoncé aux armes nucléaires, et nous lui en sommes éternellement redevables. Il a l'une des plus vastes diasporas du monde. Nous ne devrons jamais oublier ce qu'ont fait les Ukrainiens.

Je vois une alliance bien vivante et bien portante, dans laquelle les États-Unis s'efforcent de rapprocher la Russie, l'Ukraine et les Républiques du centre de l'Asie, pour suivre l'exemple. Nous observons tous ce qu'a fait la Turquie pour être en voie de devenir un pays très occidentalisé, un pays qui se joindra bientôt à l'Union européenne.

Les États-Unis font tout cela tout en s'assurant d'engager profondément ces pays dans la lutte pour tenir à distance de nous tous ces armes de destruction de masse.

Pendant plusieurs années, quand j'étais à Bruxelles, le président Poutine venait à Bruxelles, ou le secrétaire général allait à Moscou, et il discutait de la menace du terrorisme à cause de la Tchétchénie. Nous nous moquions un peu de lui parce que nous estimions que la Tchétchénie était surtout un problème de la Russie, mais la réalité c'est qu'en fait, il avait bien raison et maintenant nous nous retrouvons à tenir des propos similaires, même si nous ne sommes peut-être pas tout à fait d'accord sur certaines significations.

Le fait d'embarquer la Russie et de prendre appui sur l'élargissement de l'OTAN; d'embarquer les républiques du Centre de l'Asie; de prendre appui sur le dialogue méditerranéen en Afrique du Nord et au Moyen-Orient; et le fait que l'OTAN entretient un dialogue formel avec la Chine; ce sont tout cela des indices d'une grande institution qui fonctionnera extrêmement bien.

Le professeur middlemiss a raison; on en vient à un point où il y a trop de gens autour de la table. Le consensus ne dépend pas généralement du nombre de personnes autour de la table, mais d'une entente parmi les principaux acteurs; les États-Unis, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni. Si ces principaux acteurs s'entendent, généralement, il y a consensus, et le tout le monde suit, sans problème.

Je dirais qu'à part le problème physique des 26 ambassadeurs, l'élargissement de l'alliance pour englober l'Ukraine, la Croatie, peut-être la Macédoine, peut-être l'Albanie, ne risque pas de menacer l'alliance, pas plus que la dernière alliance.

Le président: À tous les témoins, merci. Cette dernière heure et demie a été de plus instructive. De fait, elle est passée trop vite. Je pense que nous pourrions facilement continuer pendant une autre heure et demie, et faire une deuxième tournée de questions.

Je vous remercie, monsieur Stairs, monsieur Middlemiss et amiral King. Vous nous avez apporté une aide précieuse. Nous espérons vous revoir. Nous souhaitons pouvoir poursuivre le dialogue.

Nous pensons que ce n'est pas seulement important pour nos rapports que de continuer, mais que ce type de dialogue est important pour notre pays.

Merci d'être venus nous aider aujourd'hui. Nous sommes impatients de vous revoir, bientôt.

La séance est levée.


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