Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 23 - Témoignages du 13 juin 2005
OTTAWA, le lundi 13 juin 2005
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 19 heures afin d'examiner, pour ensuite en faire rapport, la politique nationale sur la sécurité pour le Canada (assemblée publique).
Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonsoir, mesdames et messieurs. Je déclare ouverte la séance du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Je m'appelle Colin Kenny. Je préside le comité et avant de commencer, j'aimerais vous présenter les membres du comité.
Immédiatement à ma droite se trouve le sénateur Michael Forrestall, distingué sénateur de la Nouvelle-Écosse. Il a servi les électeurs de Darthmouth pendant 37 ans, d'abord à titre de député de la Chambre des communes et ensuite à titre de sénateur. Lorsqu'il a siégé à la Chambre des communes, il a agi à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière de défense de 1966 à 1976. Il est également membre de notre Sous-comité des anciens combattants.
[Français]
À mon extrême droite se trouve le sénateur Pierre-Claude Nolin qui vient du Québec. Il est avocat et il a été nommé sénateur en 1993. Il a présidé le Comité sénatorial sur les drogues illicites et il est vice-président du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration.
Sur la scène internationale, depuis 1994, il fait partie des délégués du Parlement du Canada auprès de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN. Il est le vice-président de cette organisation et agit à titre de rapporteur général de la Commission de la science et de la technologie.
[Traduction]
Immédiatement à ma gauche, le sénateur Tommy Banks de l'Alberta. Il est président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, qui a récemment publié un rapport intitulé Le Défi d'une tonne. Les Canadiens le connaissent aussi très bien comme musicien et animateur aux multiples talents. Il a assuré la direction musicale des cérémonies entourant les Jeux olympiques d'hiver de 1988. Il est Officier de l'Ordre du Canada et a déjà remporté un prix Juno.
À côté de lui se trouve le sénateur Joseph Day du Nouveau-Brunswick. Le sénateur Day est diplômé du Collège militaire royal du Canada, CMR, et est avocat. Il est vice-président du Sous-comité des anciens combattants et du Comité des finances nationales.
Nous avons le sénateur Atkins de l'Ontario. Le sénateur Atkins est un ancien conseiller de Robert Standfield, du premier ministre Bill Davis et de Brian Mulroney. Il a eu une longue carrière dans le domaine des communications et il est également membre de notre Sous-comité des anciens combattants.
Notre comité a reçu le mandat d'examiner la sécurité et la défense et la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité. Nous avons déposé et produit les rapports suivants depuis 2002 : L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense; La Défense de l'Amérique du Nord : Une responsabilité canadienne; Mise à jour sur la crise financière des Forces canadiennes — Une vue de bas en haut; Le mythe de la sécurité dans les aéroports canadiens; Les côtes du Canada : Les plus longues frontières mal défendues au monde; Les urgences nationales : Le Canada, fragile en première ligne; et notre plus récent rapport, le Manuel de sécurité du Canada, édition 2005.
Nous sommes en train de réaliser un examen détaillé de la politique de défense canadienne et avons tenu des audiences dans toutes les provinces et discuté avec les Canadiens et Canadiennes pour déterminer ce qui constitue, à leurs yeux, l'intérêt national, ce qu'ils considèrent comme les principales menaces pour le Canada et comment ils aimeraient que le gouvernement réponde à ces menaces. Les Canadiens et Canadiennes ont été très francs dans leur façon d'exprimer leurs points de vue sur la sécurité nationale du Canada.
Nous allons continuer de travailler sur cet examen pendant tout l'été de manière à dégager un consensus sur le type de forces militaires que les Canadiens et Canadiennes entrevoient pour l'avenir.
Avant de présenter notre modératrice, j'aimerais dire qu'il s'agit de la onzième assemblée publique que nous tenons. Nous les avons jugées très constructives. Ce n'est pas une occasion pour nous de faire des discours ou de répondre aux questions. C'est une occasion qui s'offre à nous d'entendre ce que les Canadiens et Canadiennes ont à dire et quelle sorte de défense ils veulent pour leur pays.
Je vais présenter brièvement notre modératrice et elle décrira les règles à suivre pour la soirée. Elle s'appelle Lise Hebabi. Elle est facilitatrice professionnelle accréditée et consultante en changement auprès du groupe Intersol. Mme Hebabi possède une expérience de 15 années dans le domaine du conseil en gestion appliqué aux ressources humaines auprès d'organismes gouvernementaux et du secteur privé. Elle se spécialise dans la facilitation de discussions qui portent sur les vraies questions. Elle est à l'aise dans les deux langues officielles et nous sommes heureux qu'elle soit ici pour nous aider.
Voulez-vous, s'il vous plaît, prendre la parole et donner les règles à suivre pour la soirée.
Mme Lise Hebabi, modératrice : Bienvenue à tous et merci d'avoir accepté de participer à cette soirée.
Mon rôle en tant que modératrice est de m'assurer que les règles de base sont respectées. J'espère que vous allez m'aider à le faire.
Les règles sont les suivantes : il y a deux microphones à l'avant de la salle. Si vous désirez faire une intervention, veuillez faire la queue devant un des microphones — je vous recommanderais d'utiliser celui où la file est la plus courte.
Comme l'a dit le sénateur, vous ne poserez pas de question. Vous ferez un exposé qui ne dépassera pas trois minutes. Sur la table, il y a un cadran qui montre le temps qu'il vous reste.
Lorsque la lumière rouge s'allumera, votre temps sera écoulé. Si vous n'avez pas fini de parler à ce moment-là, je devrai malheureusement vous interrompre. J'espère que vous ne serez pas vexé, mais j'ai des ordres stricts.
Un membre du comité peut alors vous poser une question pour clarifier vos observations. Vous aurez alors une minute et demie pour y répondre.
[Français]
Le comité demande aux intervenants de s'identifier afin qu'il puisse produire un compte rendu circonstancié de la soirée et communiquer avec vous par la suite au besoin. Comme cette assemblée constitue des délibérations parlementaires, vous comprendrez certainement l'importance de produire un compte rendu exact. En arrivant à l'assemblée, vous avez reçu une fiche d'inscription. Si vous intervenez, vous êtes prié de la remettre au greffier à votre arrivée au microphone. Si vous n'avez pas reçu de fiche, vous pouvez vous en procurer une à l'arrière de la salle. Vous pouvez faire votre présentation dans la langue officielle de votre choix. Les interventions seront interprétées dans les deux langues officielles. Vous pouvez demander un émetteur-récepteur au bureau d'inscription si vous n'en avez pas déjà reçu. Je vous remercie d'avance de l'aide que vous allez m'apporter dans mon rôle de modératrice.
[Traduction]
Le président : La parole vous appartient et nous invitons les gens à utiliser le microphone numéro un ou le microphone numéro deux.
Nous allons commencer par le microphone numéro un, monsieur. Pouvez-vous nous dire votre nom et ensuite, vous pourrez faire une déclaration, s'il vous plaît.
Le Capt John Dewar (retraité), Comité national des affaires maritimes, Ligue navale du Canada, à titre personnel : Je suis un capitaine de la marine à la retraite et j'aurai le privilège d'adresser la parole encore une fois à ce comité au nom de la Ligue navale du Canada.
Bien que le déploiement international retienne souvent l'attention, j'aimerais examiner le rôle habituellement méconnu mais essentiel que joue tous les jours la marine pour soutenir la prospérité et la sécurité au pays. Un coup d'œil sur une carte du monde suffit pour démontrer clairement la dépendance du Canada à l'égard des océans pour sa sécurité et sa richesse, mais la sensibilisation à cette réalité au pays s'arrête à peine plus loin que l'endroit où la brise de mer peut emporter l'embrun salé.
Quarante pour cent de tous les emplois sont fondés sur le commerce international. La plus grande partie du commerce international avec les pays autres que les États-Unis se fait par mer. À lui seul, le port de Vancouver traite plus de 1,6 million de conteneurs par année, et la gestion sécuritaire de ce commerce maritime régit le mouvement des biens et des personnes à travers la frontière terrestre, évalués à plus de 5 milliards de dollars par année.
Chaque heure de retard à la frontière causé par l'incertitude immobilise des millions de dollars affectant à la fois les emplois et le coût de la vie au Canada.
Pour faire en sorte que notre frontière continue de fonctionner de manière efficace, il est essentiel que nous fassions la démonstration d'un contrôle efficace sur les biens et les gens qui viennent au Canada par la mer.
Il en va de la sécurité maritime comme de la justice, on doit voir qu'elle est appliquée. La perception, c'est la réalité. La perception est fondée sur les mesures visibles et tangibles prises pour exercer un contrôle sur tous les aspects du transport maritime.
Nous sommes encouragés par la Loi sur la sûreté du transport maritime, la création de Sécurité publique et Protection civile Canada qui a autorité sur les questions de sécurité nationale ainsi que par les fonctions de coordination du Groupe de travail interministériel sur la sûreté maritime.
Cependant, l'efficacité de la législation et de l'organisation dépend des outils mis à la disposition des autorités pour une mise en application efficace de la loi. Les nouveaux centres d'opérations de la sûreté maritime seront un élément clé de cette activité, lorsqu'ils seront pleinement opérationnels, ce qui n'est pas encore le cas.
Le projet de Système de gestion des renseignements et d'échange de données maritimes, qui vise à accélérer l'échange de renseignements sur la sûreté maritime entre les ministères, accuse du retard sur l'échéancier prévu.
Un radar de surface à haute fréquence est nécessaire de manière urgente pour la surveillance de l'activité côtière comme complément aux nouvelles exigences concernant le préavis de 96 heures.
La marine a besoin de gens et d'argent pour mettre en œuvre ces outils aussi rapidement que possible.
J'ai fait part à ce comité auparavant des types de navires dont la marine pourrait avoir besoin pour assurer la sûreté maritime dans les eaux territoriales, mais j'aimerais ajouter qu'il y a une demande légitime dans toutes les flottes du gouvernement pour s'assurer que les éléments restants de l'industrie canadienne de construction navale ont du travail de manière continue. À cette fin, il faut une stratégie globale et cohérente à long terme de construction navale, mais cela rapporterait sur le plan de la sécurité et permettrait, grâce à des économies d'échelle, d'accroître l'efficacité et la compétitivité de nos chantiers navals sur le marché international.
Comme je l'ai dit au début, la marine joue un rôle clé pour étayer la sûreté maritime qui contribue à la prospérité de tous les Canadiens et Canadiennes et nous, de la Ligue navale du Canada, invitons les membres de ce comité à faire tous les efforts possibles pour s'assurer que la marine dispose des bons outils pour faire ce travail.
Mme Hebabi : Chronométrage parfait. Merci.
Le sénateur Atkins : Merci d'être venu encore une fois devant notre comité et d'avoir fait votre exposé. La seule question que je veux poser pour l'instant, c'est quelle législation devrions-nous mettre en œuvre, à votre avis, pour aider à assurer la sûreté et la sécurité de nos côtes?
M. Dewar : Je pense que le plus grand défi à l'heure actuelle, sénateur, c'est peut-être un des obstacles au projet de Système de gestion des renseignements et d'échange de données maritimes, SGREDM, et cela a beaucoup à voir avec la capacité des ministères de partager l'information à cause de questions liées à la protection des renseignements personnels et à la Charte des droits et libertés. À bien des égards, les défis législatifs sont beaucoup plus grands que les défis techniques pour faciliter cet échange de renseignements. Je suis d'avis que probablement 95 p. 100 de cela pourraient se faire sans toucher les parties que nous pourrions mettre dans la colonne « bien trop difficile » initialement, mais cela permettrait d'accroître grandement l'efficacité de la collaboration et de la contribution interministérielles à la sûreté maritime.
Le président : Merci beaucoup, monsieur.
Microphone numéro 2, votre nom, s'il vous plaît.
M. David Langlois, témoignage à titre personnel : Bonsoir. Je suis secrétaire-trésorier de Unmanned Vehicle Systems Canada, organisme sans but lucratif agissant à titre de porte-parole national en matière de systèmes sans pilote au Canada. Aujourd'hui, je veux parler de la question des véhicules aériens sans pilote, UAV, et de leur rôle pour la défense et l'affirmation de la souveraineté du Canada dans le Nord.
Les véhicules aériens sans pilote accroîtront considérablement notre capacité de surveiller et de garder à l'œil une région dont la plupart d'entre nous n'ont pas une connaissance très intime. Le Nord représente le tiers de la masse terrestre du Canada, plus de 3 millions de kilomètres carrés. Dans le Grand Nord, dans le territoire du Nunavut, il y a environ 29 000 habitants. Cela représente un habitant pour 70 kilomètres carrés — une personne. C'est comme si la ville d'Ottawa comptait quatre habitants.
Imaginez que le sénateur Kenny vit à Cumberland dans l'est de la ville, que le sénateur Atkins vit à Carp dans l'ouest et que le sénateur Banks vit à Manotick dans le sud. Le Nord est vaste. La distance entre Fiord Grise et Comox, sur l'île de Vancouver, où sont basés les appareils de surveillance Aurora actuels, est de 3 500 kilomètres.
Sénateur Kenny, vous recevez un appel de votre voisin, qui vit à Hawkesbury et qui vient juste de voir quelque chose là où il ne devrait rien y avoir. Vous appelez le sénateur Banks et le sénateur Atkins. Les deux répondent qu'ils vont venir immédiatement — en motoneige. Vous appelez les forces armées et ces dernières répondent qu'elles vont dépêcher immédiatement un avion Aurora pour faire enquête. Quelles sont vos chances de trouver quelque chose, pensez-vous? Combien de temps faut-il pour se rendre de Vancouver à Fiord Grise dans un Aurora Combien de temps faut-il pour se rendre de Carp à Cumberland en motoneige?
Je crois que si à Cumberland, vous aviez accès à un véhicule aérien sans pilote doté de l'équipement de détection approprié, relié par communication à large bande à une station terrestre appropriée, vos chances de détecter les personnes ou les choses qui ont créé ce remue-ménage augmenteraient de beaucoup.
De plus, une flotte de 40 véhicules aériens sans pilote située dans 20 collectivités dans le nord du Canada, préparée et entretenue par des Autochtones, permettrait de multiplier par plus de 1 000 le degré de surveillance et de détection des incursions que l'on obtient à l'heure actuelle avec la capacité de nos forces armées et ce, à un coût annuel inférieur à 0,01 p. 100 du budget total des Forces canadiennes. Est-ce que 15 millions de dollars est une somme trop élevée pour assurer la souveraineté du Canada dans le Nord?
En passant, le même UAV pourrait également servir de premier intervenant dans une mission de recherche et de sauvetage et pourrait arriver sur place six à huit heures plus tôt qu'une équipe de recherche et de sauvetage partie de Winnipeg.
[Français]
Le sénateur Nolin : Nous vous remercions, monsieur Langlois, d'avoir accepté d'être ici ce soir.
[Traduction]
Je partage votre inquiétude au sujet du Nord. Il y a deux principes importants que nous devons garder à l'esprit lorsque nous parlons du Nord : la protection et la souveraineté.
J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus. Je suppose que vous parlez des UAV comme faisant partie d'un réseau d'autres dispositifs et de personnes dans le Nord. J'aimerais que vous nous en disiez davantage.
M. Langlois : Oui. La façon dont nous voyons les choses, c'est que les UAV ont un rôle limité, mais un rôle limité très particulier. Ils conviennent très bien pour exécuter le travail que nous qualifions d'ennuyant, de sale et de dangereux.
Vous pouvez en faire voler un pendant 20 heures. Il n'est pas nécessaire d'avoir personne à bord, ni pilote, ni navigateur. Si vous utilisez les Rangers et que vous élargissez leur rôle pour leur donner du travail à plein temps, plutôt que les 100 heures par année actuelles, si vous installez une flotte de 40 UAV dans 20 collectivités situées stratégiquement dans le Nord, un UAV particulier pourrait probablement franchir 200 milles nautiques depuis sa base de lancement. Si vous les liez ensemble avec leurs capacités de collecte d'information et de détection, vous auriez une force puissante qui non seulement assurerait la protection, mais serait également en mesure, dans le cas de certains UAV, d'exécuter des missions de recherche et de sauvetage. Certains de ces véhicules peuvent transporter jusqu'à 600 livres, alors vous pourriez placer à bord un premier intervenant, des trousses de télésanté et d'équipement médical et faire en sorte que le tout soit transporté sur place par un UAV; cet appareil peut également exécuter des missions de recherche.
Le président : Ce sera tout pour ce soir.
M. Cliff Chadderton, Conseil national des associations d'anciens combattants, à titre personnel : Je suis président d'un regroupement d'associations d'anciens combattants comprenant 52 associations membres. J'occupe ce poste depuis 40 ans. J'ai fait des voyages avec un bon nombre d'entre vous et j'en sais pas mal sur ce que vous faites. J'espère que vous en savez un peu sur ce que je fais.
J'ai préparé un mémoire pour ce soir et je demanderais aux sénateurs de l'apporter avec eux. On y trouve certaines données de fond — avec certains détails, mais pas trop — sur les points de vue que j'aimerais faire valoir.
Le problème que j'ai vu au cours de ces 40 ans, et la situation ne fait qu'empirer, c'est que nous sommes, au Canada, dépendants de certains excellents hommes de métier, soldats, aviateurs, marins et membres de la marine marchande. J'ai eu l'occasion de voyager, comme certains d'entre vous l'ont fait, avec certaines de ces personnes et je n'ai pas besoin de décrire en détail le genre de personnes qu'elles sont. Cependant, l'essentiel de ma présentation ce soir, c'est que si nous voulons que nos gardiens de la paix fassent ce que nous attendons d'eux, nous devons, en tant que Canadiens et Canadiennes, examiner très attentivement certaines des conditions qu'on leur impose. Premièrement, il y a toujours la question des soldes et des indemnités. Deuxièmement, il y a la question de savoir ce qui arrive des personnes à charge. J'ai servi pendant toute la durée de la Deuxième Guerre mondiale. Mon épouse était à Winnipeg. J'étais outre-mer. Je m'inquiétais à son sujet. Je lui écrivais religieusement, mais elle devait se débrouiller seule. Ces jours sont perdus à tout jamais.
Si nous regardons les personnes à charge des militaires, que ce soit ceux qui sont allés en Somalie ou au Rwanda, ceux qui volent dans les cieux ou ceux qui exercent leur métier en mer, ils doivent penser en termes de ce que leurs épouses et leurs enfants font. Croyez-moi, il s'agit d'un monde bien différent que celui qu'ont connu ceux qui ont servi pendant cinq ans au cours de la Deuxième Guerre mondiale.
La modératrice : Je vais vous interrompre ici.
M. Chadderton : Merci. Vous avez mon mémoire.
Le sénateur Day : Monsieur Chadderton, il est bon de vous voir aujourd'hui. J'ai eu le privilège de voyager avec vous à un certain nombre d'occasions. Comme vous le savez, le Sous-comité des anciens combattants est un sous- comité du présent comité et bon nombre des membres qui sont ici siègent au sein de ce sous-comité, comme l'a signalé notre président.
Nous savons quel merveilleux travail de chef de file et de défenseur vous avez effectué au nom des anciens combattants et nous sommes heureux de recevoir votre mémoire. Je suis tenté de vous demander d'élaborer sur le point principal, mais vous alliez parler de quelques autres points qui figuraient dans votre mémoire. J'aimerais vous donner l'occasion de parler pendant une minute ou deux de votre mémoire.
M. Chadderton : Oui, avec la permission du président, les indemnités pour la douleur et la façon dont nous nous occupons des personnes à charge. Nous devons nous intéresser au type de matériel militaire que nous avons. Il faut être sourd et aveugle pour ne pas reconnaître que le matériel n'est pas à la hauteur. Nous devons examiner les dépenses. Dans mon mémoire, je suggère qu'il y ait une limite en dollars; que nous ne pouvons tout simplement pas dépasser les bornes, mais qu'il est certain que le genre de sécurité que les Canadiens et Canadiennes veulent ne pourra jamais être obtenu avec l'argent qui est consacrée à cette question.
Pour ce qui est des comparaisons, voici quelque chose qui, à titre d'ancien militaire, m'attriste profondément. Lorsque je vois ce que nous avons fait au cours de la Seconde Guerre mondiale et lorsque je vois ce que nous attendons de nos gardiens de la paix aujourd'hui, si l'on pense en dollar constant, ils sont bien loin derrière.
Troisièmement et dernièrement, nous devons comparer nos militaires avec les militaires qui servent en provenance des pays du tiers monde. Cela me fait mal de le dire, mais je suis allé voir, je l'ai vu, je l'ai fait et je leur ai parlé. Nous ne sommes absolument pas considérés comme des gardiens de la paix de premier rang.
Le sénateur Day : Merci, monsieur Chadderton. Nous avons hâte de lire votre rapport.
Le président : Microphone numéro 2, pouvez-vous vous nommer, s'il vous plaît?
M. Alain Pellerin, directeur exécutif, Conférence des associations de la défense, Association de l'industrie de la défense du Canada, à titre personnel : Honorables sénateurs, la Conférence des associations de la défense, a déjà présenté cinq mémoires au Sénat et ces derniers ont été publiés dans la présente publication de l'Institut de la Conférence des associations de la défense intitulée « Comprendre la crise canadienne de la sécurité et de la défense.» Ces exemplaires sont disponibles pour ceux qui en voudraient. Par conséquent, je vais limiter mes observations et vous allez également le faire, j'en suis certain.
La CDA croit que dans l'administration de la politique de la défense, la plus grande vulnérabilité du Canada, c'est une mauvaise appréciation du temps lorsqu'il est question de la capacité militaire. De plus, au cours des 75 dernières années, les Canadiens et leurs dirigeants ont eu de la difficulté à entrevoir l'avenir et à prévoir la taille et la composition de leurs forces militaires. Cette tendance à se tromper souligne la nécessité de maintenir une capacité militaire équilibrée pour les cinq éléments de capacité : la force maritime, la force terrestre, la force aérienne, la force interarmées et la force spéciale.
L'Énoncé de la politique de défense, DPS, 2005, oriente le Canada vers des forces spéciales accrues et d'envergure moyenne et ne traite pas de la nécessité pour le Canada de maintenir des plateformes maritimes, terrestres et aériennes d'une plus grande capacité.
La plupart des Canadiens ne comprennent pas — je suis certain que le comité le comprend, mais la plupart des Canadiens ne le comprennent pas — que dans le cadre de l'énoncé de 2005, il est peu probable que la transformation qui est nécessaire pour obtenir une force d'envergure moyenne, des forces déployables stratégiquement, soit réalisée avant 2020. S'il devait s'avérer en 2020 que des forces d'envergure moyenne sont inappropriées, le long retour vers des capacités plus lourdes prendra encore 15 ans.
Le Canada prend le pari qu'au cours des 30 ou 40 prochaines années, la situation géopolitique actuelle issue de la fin de la guerre froide se maintiendra. L'histoire ne permet pas d'aussi longues périodes de stabilité géopolitique. Le Canada doit maintenir une capacité polyvalente et équilibrée dans tout le spectre des conflits. Cela comprend le maintien — bien qu'en nombre très réduit — des capacités militaires essentielles, plus lourdes, que sont les blindés, les avions, les chasseurs, les destroyers et également, les capacités de transport aérien qui, à l'heure actuelle, sont quelque peu anémiques, comme le savent les honorables sénateurs.
Il y a un long délai pour l'acquisition de biens d'équipement, ce qui est un obstacle majeur à la mise en application de la politique de défense et une bonne partie de la politique relative à l'acquisition d'une pièce d'équipement majeure ne relève pas du ministère de la Défense. C'est un domaine où le gouvernement doit intervenir pour s'assurer que le long délai de quelque 15, 20 ou 30 ans, dans le cas du remplacement des hélicoptères Sea King, ne se répète pas. Autrement, le Livre blanc de la défense sera un document de vision et non un document de politique.
Le sénateur Forrestall : Merci de venir témoigner ce soir et d'avoir soumis quatre ou cinq documents. C'est toujours utile, quoiqu'en disent certains. Nous sommes d'avis que l'expérience rend plus sage.
Je voulais vous poser quatre ou cinq questions, mais le temps ne me permet de ne vous en poser qu'une. Vous avez dit que le temps qu'il faudra pour que nous obtenions du blindage de poids moyen vous préoccupe. Combien d'hommes et de femmes faudrait-il pour soutenir une première ligne, une force d'éléments de pointe de, disons, 75 000 hommes et femmes formés au combat? À votre avis, combien de personnes faudrait-il pour soutenir une telle force?
M. Pellerin : Une force globale de 75 000 soldats ou des éléments de pointe?
Le sénateur Forrestall : Soixante-quinze mille pour les éléments de pointe. Combien de civils faudra-t-il? Quel genre de quartiers généraux, et cetera?
M. Pellerin : On pourrait en parler toute la soirée.
Nous avons étudié les besoins pour une force composée de 75 000 soldats. Si vous voulez 75 000 soldats d'éléments de pointe, il faut probablement avoir une force globale comme celle que nous en avions à la fin des années 1960, c'est-à- dire de 120 000. À la fin des années 1980, il y avait près de 40 000 civils au ministère de la Défense nationale. Il y en a environ 20 000 aujourd'hui. Pour une force de 120 000 soldats, il faudra probablement 40 000 civils pour les soutenir. Nous n'avons pas fait une étude détaillée. Nous pourrions le faire.
Le sénateur Forrestall : Pourriez-vous nous communiquer quelques chiffres?
M. Pellerin : Les chiffres comprendraient aussi les ressources, seulement avec 1 p. 100 du PIB on ne pourrait même pas commencer à recruter.
Le président : Est-ce que la personne au microphone numéro 1 peut s'identifier?
M. Sean Beingessner, témoignage à titre personnel : Honorables sénateurs, merci de m'avoir donné l'occasion de m'adresser au comité. Je suis particulièrement intéressé par le rôle que peut jouer l'armée dans le développement économique du pays. Je crois savoir qu'il y a une forte volonté politique pour qu'elle joue un tel rôle, mais j'estime que l'on devrait s'interroger sur l'efficacité des dépenses faites pour la défense du Canada et notamment les dépenses administratives et ce qui pourrait être appelé les subventions à l'industrie.
Mon père a servi dans l'Aviation royale du Canada (ARC) pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il a, ensuite, fait des études universitaires, comme beaucoup d'autres vétérans, grâce à une bourse que lui a accordée le gouvernement fédéral. Mon père n'aurait jamais pu aller à l'université s'il n'avait pas servi dans l'ARC pendant la guerre. Les avantages offerts à mon père et sa famille ne peuvent pas être sous-estimés. Je crois donc que les dépenses du gouvernement peuvent avoir un effet positif sur l'emploi et le niveau de vie au Canada. Cependant, ce n'est pas parce quelque chose était utile il y a 60 ans qu'elle est utile ou inutile aujourd'hui. Une chose est toujours vraie, que ce soit il y a 60 ans ou aujourd'hui, la valeur du dollar varie avec le temps.
Ces temps-ci, les médias, entre autres, semblent portaient leur attention sur le gaspillage dans les dépenses du gouvernement. En mars 2005, la Conférence des associations de la défense (CAD) a publié le document « Comprendre la crise canadienne de la sécurité et de la défense. » Dans ce document, le colonel Howard Marsh brosse un tableau sombre de l'utilité des dépenses du MDN. Ses déclarations peuvent ne pas être mesurées. Par exemple, la phrase suivante à la page 29, « les objectifs non militaires du gouvernement volent les ressources du ministère », pourrait être qualifiée de radicale en raison du mot « volent ». Elle peut avoir été écrite plus sous l'empire de la passion que celui de la raison. Je ne cautionne pas ce genre de déclaration, mais j'ai les mêmes préoccupations. Je n'appuie pas les chiffres mentionnés dans ce document, mais je ne les mets pas en doute.
Néanmoins, en 2005, à la fin de l'âge de la guerre industrielle, je crois qu'il est juste de poser la question : est-ce que l'armée est un moyen approprié pour stimuler l'économie et le niveau de vie au Canada? Est-ce que le gouvernement, le Parlement ou le MDN peuvent contribuer à quantifier ce rôle au lieu de hausser les épaules et d'avancer des hypothèses? Bien sûr, les subventions à l'industrie sont utiles. Devrions-nous les mesurer, les quantifier et les comparer à celles des autres pays tels que l'Australie ou nos petits partenaires européens?
Merci, monsieur le président, de m'avoir accordé quelques minutes de votre temps.
Le sénateur Banks : Je veux savoir ce que vous pensez de la politique concernant deux points. Premièrement, les véhicules blindés légers (VDL) qu'utilisent les Forces canadiennes. Conçus et fabriqués au Canada, on les vend beaucoup à l'étranger; tout le monde veut en acheter en raison de leur haute performance.
M. Dewar l'a dit tout à l'heure, l'approvisionnement pour la marine doit être fait de manière à favoriser la viabilité de l'industrie de la construction navale au Canada.
M. Beingessner : Vous devez établir des priorités.
Le sénateur Banks : Si nous pouvions acheter plus de navires avec la même somme à Hong Kong ou en Finlande, par exemple, nous pourrions rajeunir la moribonde industrie de la construction navale au Canada, devrions-nous?
M. Beingessner : Voici la question qui, à mon avis, serait plus pertinente : devrions-nous les acheter en Australie ou en Pologne? Autrement dit, pourrions-nous négocier avec nos alliés une entente qui permettrait à nos industries respectives de devenir plus efficaces?
La Chine et l'Inde continueront à connaître une croissance économique et leur niveau de vie et leurs compétences égaleront les nôtres. Les dépenses se feront à l'intérieur de blocs. Ils formeront deux blocs et les Américains formeront un bloc. Les Français et les Britanniques essaient encore de faire les choses individuellement.
Cependant, un grand nombre de nos alliés ont exactement le même problème : ils veulent créer des emplois et avoir le maximum pour leur argent. Nous devrions arrêter de nous demander si c'est en Nouvelle-Écosse, au Québec et en Ontario et considérer que nous construisons très bien ces véhicules. Peut-être que la Pologne devrait construire les navires et nous y installerons tout ce qui est électronique.
Au lieu de s'inquiéter tellement de Halifax, de Montréal ou de Toronto, pouvons-nous rendre compte qu'un grand nombre de nos alliés ont exactement le même problème? Ils veulent créer des emplois dans leurs pays et veulent le maximum pour leurs dépenses militaires. Devrions-nous voir ce que d'autres pays ont fait? J'ignore les capacités de la Pologne, de la Bulgarie, de l'Espagne ou de l'Italie dans plusieurs domaines, mais ils ont les mêmes problèmes que nous.
Le sénateur Banks : Il se trouve que la plupart d'entre nous partagent votre avis.
M. Bruce Poulin, Direction nationale de la Légion royale canadienne, à titre personnel : Je suis un porte-parole de la Légion royale canadienne et je suis venu vous faire part des observations du lieutenant général Lou Cuppens qui, malheureusement, n'a pas pu venir ce soir. Il est président du Comité de la défense de la Légion. Si vous avez des questions ou des critiques, je me ferais un plaisir de lui en faire part.
On nous a demandé de répondre à trois questions en trois minutes. Je vais résumer notre position. On nous a demandé de parler des vulnérabilités, des occasions manquées et de l'effet des Forces canadiennes sur la Légion.
La position de la Légion, au sujet des vulnérabilités, n'a pas changé depuis sa création en 1926; soit que la sécurité continue à être une responsabilité essentielle du gouvernement fédéral. Que ce soit au niveau provincial ou municipal, la responsabilité du gouvernement fédéral dans la défense du pays ne peut pas être pris à la légère. Nous voulons nous assurer que ce ne soit jamais oublié.
En ce qui concerne les occasions manquées, je suis sûr que vous savez tous que nous tenons à cœur trois points sur cette questions : nos troupes doivent être bien équipées, bien formées et bien rémunérées.
S'il y a quelque chose dont on n'a pas encore parlé ce soir, c'est les réserves. Nous croyons qu'on a manqué une occasion dans ce domaine. Notre armée est l'une des rares au monde à avoir une force régulière plus importante que les réserves. Par exemple, en 1980, il fallait attendre un mois avant d'être enrôlé. En 2004, il faut attendre huit mois. Il y a peut-être moyen de remédier à cette situation.
Finalement, l'effet des Forces canadiennes sur la Légion. La Légion royale canadienne est financièrement autonome, apolitique et neutre. Elle compte plus de 400 000 membres, elle a été fondée par des anciens combattants pour des anciens combattants. Donc, il va de soi que la Légion royale canadienne partage les préoccupations des soldats canadiens. La Légion est concernée par tout ce qui touche nos soldats. Vos décisions et vos politiques ont évidemment un effet direct sur la légion. Nous aimerions toujours pouvoir participer à ces enjeux.
Le sénateur Atkins : Les points que vous avez évoqués ne vont pas soulever beaucoup de contestation de la part du comité.
Pensez-vous que les indemnisations versées à nos anciens combattants après leur départ de l'armé soient appropriées?
M. Poulin : Il y a eu beaucoup de progrès ces dernières années. Quand je servais dans les forces, pour plaisanter, nous disions souvent que nous faisions plus avec moins, puis nous sommes arrivés au point où nous faisions plus avec rien.
Nous pensons qu'il y a eu des progrès avec l'octroi de fonds et l'augmentation de l'effectif des forces. Cette année, nous avons constaté que des progrès ont été faits dans ce domaine. Nous sommes très encouragés, mais je crois que nous suivons une politique d'optimisme prudent. Nous sommes sur la bonne voie, mais nous voulons nous assurer que les erreurs commises dans le passé ne soient pas répétées.
Le sénateur Atkins : Est-ce que la Légion a été encouragée par la nouvelle Charte des anciens combattants?
M. Poulin : Tout à fait.
Le sénateur Atkins : Est-ce que la légion a des problèmes de recrutement de nouveaux membres?
M. Poulin : Ce n'est pas un problème en raison de la flexibilité des critères d'admissibilité. La force régulière a une politique régulière en ce qui concerne le droit de vote. Toutefois, d'autres personnes, par exemple des membres de la famille, des parents ou des amis de la Légion, peuvent aussi devenir membres. Donc, quand je dis environ 400 000 membres, il ne s'agit pas seulement de militaires ou d'anciens combattants. La Légion est présente partout dans le pays.
M. Bruce Campbell, directeur général, Centre canadien de politiques alternatives, à titre personnel : Je ne suis pas expert politique en matière de défense, donc j'interviens en tant qu'analyste de politique générale, d'observateur et de citoyen. Je vais simplement énumérer un certain nombre de principes qui, à mon avis, devraient guider vos délibérations.
Premièrement, les politiques de la défense devraient viser trois objectifs fondamentaux : protection de nos citoyens, sauvegarde de notre souveraineté et réalisation de nos objectifs de politique étrangère.
Deuxièmement, nous devrions coopérer avec les États-Unis dans la défense du continent. Cette coopération ne signifie pas que nous devrions accepter leur perception des menaces posées à la sécurité nationale leurs réponses à ces menaces. C'est quelque chose que nous devons faire nous-mêmes. Ce fut le cas lorsque nous avons refusé d'adhérer au programme de défense antimissile et je crains que ce ne soit pas le cas pour ce qui est de la définition du terrorisme et la réponse au terrorisme.
Troisièmement, la protection de nos citoyens implique la capacité d'intervention face aux situations d'urgence nationale, aux catastrophes, aux crues, aux incendies et aux tempêtes de pluie verglaçante. Donc, cette capacité devrait être un objectif important de nos forces armées. La souveraineté est actuellement contestée dans l'Arctique et les ressources consacrées à la défense devraient aussi s'y intéresser en priorité.
Quatrièmement, si l'objectif principal de la politique étrangère est la sécurité humaine dans le monde, je crois qu'elle devrait l'être, les forces armées devraient être mobilisées à cette fin en participant aux missions de maintien et de consolidation de la paix. Elles ne devraient pas se mobiliser pour faire du Canada une partie interropérable de la stratégie militaire américaine dans le monde.
Nous occupons le 45e rang de la liste des gardiens de la paix de l'ONU. Notre intervention a été très rapide en Afghanistan, mais très lente au Darfour.
Cinquièmement, le personnel militaire devrait être rémunéré correctement et adéquatement équipé pour remplir les missions qui leur sont confiées.
Finalement, toute augmentation des dépenses militaires conformes aux priorités soulignées doit se faire dans le contexte d'une augmentation globale de la capacité financière. La capacité financière du gouvernement fédéral a considérablement diminué ces 12 dernières années. Vous devriez vous opposer à des réductions d'impôt supplémentaires et demander des mesures fiscales pour rétablir la capacité financière; sinon, vous échangez plus d'argent pour des armes contre moins d'argent pour des priorités plus pressantes en matière de sécurité nationale telles que le logement, l'éducation, les soins de santé, la réduction de la pauvreté, etc. Dans la mesure du possible, les nouvelles dépenses devraient être réaffectées des ressources existantes.
Le sénateur Nolin : Vous avez parlé de la responsabilité internationale du Canada. Un peut partout au Canada, on nous a plusieurs fois exprimé une préoccupation liée à la responsabilité de protéger qui est assumée par le Canada. Vous avez parlé de la sécurité humaine.
Je suis sûr que vous savez que plus nous parlons de ce principe, plus nous faisons face à des problèmes au plan du droit international. Le droit des États à la souveraineté en est un.
En tant que spécialiste, comment pensez-vous que nous pouvons augmenter notre capacité à protéger en tenant compte de ce principe?
M. Campbell : Je ne suis pas expert dans ce domaine. La politique économique est ma spécialité. Ces questions sont complexes et seront soulevées dans tous les débats sur la réforme des Nations Unies. Le Canada a été au premier plan. Je n'ai pas lu le rapport, mais je pense que vous l'avez lu, sur la responsabilité de protéger qui a été initiée et faite sous les auspices du gouvernement canadien. Je crois que la souveraineté n'est pas un modèle absolu et qu'il y a des limites. Depuis la Deuxième Guerre mondiale, nous voyons les résultats du manque d'examen critique des questions et des limites relatives à la souveraineté. Suite à notre expérience de ces 50 dernières années ou plus, nous devons progresser et adhérer au concept de sécurité humaine et de responsabilité de protéger jusqu'à ce qu'il l'emporte sur la souveraineté.
M. Richard Cohen, Association de l'industrie de la défense du Canada, à titre personnel : C'est une chance pour moi d'avoir la parole juste après cette discussion sur la responsabilité de protéger, car je voulais justement en parler.
Le soutien ou le manque de soutien de l'opinion publique constitue l'un des principaux éléments de notre politique de défense. C'est quelque chose dont vous avez conscience et vous avez des efforts dans ce sens, bien qu'il faille peut- être encore en faire. Je crois que les Canadiens doivent d'avis en ce qui concerne la mission de leurs forces armées.
Je crois qu'il faut que nous passions du statut de gardiens de la paix à celui de protecteurs. Le maintien de la paix, au sens traditionnel du terme, est un objectif honorable, mais c'est un concept qui est dépassé aujourd'hui. Il y a peut-être des endroits où le maintien de la paix demeure important, mais il l'est de moins en moins. D'autre part, nous savons tous que la protection est une question qu'il faut régler.
Quel type de protection devrait être offert par les Forces canadiennes? Les Forces canadiennes devraient protéger les personnes et les groupes victimes de violation de droits de la personne dans leur pays ou à l'extérieur de leur pays. Nous devons protéger les pays les plus faibles qui sont agressés par des pays plus puissants qui, ce faisant, violent le droit international. Nous devons protéger les Canadiens au pays contre le terrorisme et les catastrophes naturelles ou celles causées par l'homme. Tout cela est conforme aux valeurs canadiennes. C'est aussi conforme aux intérêts canadiens, tels que la règle de droit, la stabilité internationale, la paix et la prospérité nationales.
Par conséquent, les forces armées doivent être plus fortes, plus résistantes et plus durables. La nouvelle politique de défense vers laquelle il semble que nous nous orientons est un pas dans la bonne direction, mais ce qui compte par- dessus tout, c'est le support de la population canadienne à cette politique de défense. Nous devons accepter que le rôle principal des forces armées soit de combattre. À cette fin, les forces armées ont besoin de personnel, de matériel et de formation, mais nous devons surtout esprit se préparer à accepter des pertes inévitables pour protéger les autres, nous- mêmes, nos valeurs et finalement nos propres intérêts.
Le sénateur Day : Merci pour vos commentaires mûrement réfléchis. Vous allez constater que nous partageons tous votre avis sur ces points.
Je voudrais me pencher particulièrement sur la notion des Forces canadiennes en tant que protecteurs. Est-il réaliste de croire que nous pouvons le faire seul? Allons-nous rejoindre une coalition de pays volontaires pour décider d'intervenir ou non dans un État non viable ou à la dérive ou devons-nous, dans le cadre des Nations Unies, participer à l'élaboration d'une nouvelle politique internationale sur la responsabilité de protéger? Est-ce réaliste, pensez-vous que nous devrions faire cela?
M. Cohen : C'est une bonne question qui soulève deux point. Pouvons-nous le faire seul, dans la plupart des cas, nous ne pourrions certainement pas. Dans de rares cas, nous pourrions le faire seul. Nous devons certainement être en première ligne, si ce n'est pour les interventions de grande envergure, à coup sûr pour certaines interventions de moindre envergure. Le Canada a besoin d'avoir la capacité de mener et cela implique des quartiers généraux adéquats, des systèmes de communications appropriés, etc.
En ce qui concerne les mandats, nous avons vu les Nations Unies échouaient au Darfour. Je crains que cette situation ne se répète plusieurs fois encore. L'ONU est l'otage des caprices politiques des membres permanents, et certains membres ne sont pas toujours du côté de ce que nous appelons les « valeurs canadiennes ». Dans certains cas, il faudra une coalition de pays volontaires à la place du mandat pratiquement sacré de l'ONU.
M. David O'Blenis, Raytheon Canada Limited, à titre personnel : Bonsoir. Je veux parler de nos relations avec les États-Unis et particulièrement du renouvellement de l'Accord du commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord, NORAD. J'ai travaillé à NORAD et j'ai continué à m'y intéresser ces dix dernières années, après ma retraite.
On ne saurait contester que notre relation avec les États-Unis est la plus importante pour mes petits-enfants et les vôtres. Le peu d'attention qu'a suscité le renouvellement de l'accord du NORAD me préoccupe, nous n'utilisons pas le capital politique que nous avons investi dans NORAD. Il y a un certain capital et l'accord du NORAD, en tant que tel, est un accord du XXe siècle, or nous avons besoin d'un accord du XXIe siècle. C'est, toutefois, une excellente plate- forme à partir de laquelle des discussions peuvent s'engager avec les États-Unis.
Tant que nous ne dépassons pas les limites normales des discussions des bureaucraties et tant que nous ne sommes pas dirigés par des leaders politiques canadiens dynamiques, NORAD risque de disparaître, les relations sont inutiles et il nous est de plus en plus difficile d'engager des discussion plus larges avec les États-Unis à partir d'une plate-forme solide.
Il y a 25 ans, nous étions dans une salle autour d'une table avec nos homologues américains pour planifier une sécurité commune. Ces dix dernières années, nous sommes passés de la table à la salle. Aujourd'hui, nous nous accrochons à la pièce d'appui de la fenêtre en étant suspendus dans le vide et la fenêtre est en train de se détacher du mur.
Les Américains n'ont pas besoin de nous dans le NORAD. Ils sont certainement capables de s'en occuper seuls.
Les deux missions traditionnelles, soit la défense aérienne et l'évaluation tactique intégrée d'alertes et d'attaques aux missiles balistiques, existent depuis 30 ans.
La mission aérienne peut être faite localement, aux États-Unis, au Canada, en Alaska, etc. Le commandement du Nord des États-Unis (NORTHCOM) a établi ses propres processeurs au mois d'août 2004 pour la mission d'alerte en cas d'attaque au missile balistique. Aujourd'hui, ils reçoivent les données avant nous. Nous leur communiquons les données et ils nous disent qu'ils ont eu de meilleures données par leur nouveau processeur 60 secondes auparavant.
Les leaders politiques canadiens doivent être approchés au niveau le plus haut afin que ces discussions sortent du cadre normal de la bureaucratie. Il y a déjà six mois de retard. Le premier ministre, le vice-premier ministre, le ministre de la Défense et le ministre des Affaires étrangères sont les personnes clés qui doivent faire un pas en avant et montrer aux Américains que nous comprenons leurs préoccupations en matière de sécurité. Nous ne partageons pas nécessairement toutes leurs préoccupations, mais nous sommes prêts à discuter une nouvelle relation et utiliser NORAD comme plate-forme.
Le sénateur Forrestall : Nous sommes aussi perplexes. Nous partageons vos préoccupations. Nous avons indiqué qu'il y avait des changements de situation que NORAD devrait considérer. J'utilise « NORAD » pour désigner un accord bilatéral pour traiter des questions militaires à la même table dans la même chambre et dans le respect du consensus.
Alors que nous nous éloignons du rôle traditionnel que NORAD devait jouer, existe-t-il un autre espoir? Peut-on avoir un NORAD pour la marine?
M. O'Blenis : D'après les discussions informelles que j'ai eues dans cette ville, il semble qu'il y a un large consensus au ministère des Affaires étrangères, au ministère de la Défense nationale et ailleurs et le gouvernement devrait étudier tous les aspects de nos intérêts mutuels en matière de sécurité, y compris le cyber. Au lieu de « défense aérospatiale de l'Amérique du Nord, » le terme NORAD signifie aujourd'hui défense de l'Amérique du Nord ou sécurité et défense de l'Amérique du Nord.
Je n'irais pas jusqu'à prédire le résultat des discussions, mais nous perdons un outil important, une plate-forme utile pour engager les discussions. Si les Américains continuent dans la voie vers laquelle ils semblent se diriger, c'est-à-dire le renouvellement, alors l'accord est caduc. Nous avons perdu ce capital politique. Nous l'avons gaspillé.
Le président : Je voudrais remercier Lise Hebabi de nous avoir aidés ce soir. Je vous remercie tous d'être venus.
Il est important que nous sachions ce que pensent les Canadiens. Ce soir, les opinions semblent se rejoindre un peu plus en comparaison à celles que nous avons entendue dans d'autres villes, mais nous recevons volontiers les opinions de tout le monde, quelles qu'elles soient.
Je m'adresse maintenant aux téléspectateurs. Pour toute question ou réaction, veuillez consulter notre site Web à www.sen-sac.ca. Vous y trouverez les comptes-rendus des délibérations du comité ainsi que la date des prochaines réunions du comité. Vous pouvez également communiquer par téléphone avec le greffier du comité au numéro 1-800- 207-7362 pour obtenir un complément d'information ou de l'aide pour contacter les membres du comité.
La séance est levée.