Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 26 - Témoignages
OTTAWA, le lundi 17 octobre 2005
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit ce jour à 17 h 5 pour examiner, pour ensuite en faire rapport, la politique nationale sur la sécurité pour le Canada.
Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Je m'appelle Colin Kenny et je suis président du comité. Assis tout de suite à ma droite est le distingué sénateur Michael Forrestall, de Nouvelle-Écosse; se trouve à côté de lui le sénateur Tommy Banks, de l'Alberta, avec, à son côté, le sénateur Joseph Day, du Nouveau-Brunswick; et enfin, assis à ma gauche, vous avez le sénateur Jim Munson, de l'Ontario.
Nous allons aujourd'hui suivre, aux fins de cette rencontre, une approche différente. Nous avons réuni un aréopage d'experts de tout le pays qui vont nous entretenir de la politique en matière de défense et nous livrer leurs idées quant aux changements les plus urgents qu'il importe d'apporter pour redresser les Forces canadiennes. Nous avons demandé à chacun de ces experts de répondre à la question que voici : étant donné que l'énoncé de politique de défense a esquissé les trois principaux rôles pour les Forces canadiennes — protéger le Canada et les Canadiens, défendre l'Amérique du Nord et contribuer à un monde plus sûr et plus sécuritaire en intervenant relativement aux menaces terroristes et aux États en déroute ou défaillants — sur la base de vos compétences et connaissances, quelle est la chose la plus importante que le Canada doit faire pour veiller à être en mesure de s'acquitter de ces rôles?
Nous allons commencer avec le contre-amiral Ken Summers (à la retraite), puis poursuivre notre tour de table avec les autres experts. Je demanderais que chacun d'entre vous s'identifie, en précisant ses activités professionnelles actuelles ou passées, avant de faire ses remarques au comité.
Contre-amiral Ken Summers, allez-y, je vous prie.
Contre-amiral (à la retraite) Ken Summers, à titre personnel : Je suis heureux de pouvoir à nouveau comparaître devant le comité. Monsieur le président, je suis de très près le travail du comité et j'apprécie très sincèrement tous les efforts que vous faites pour engager les Canadiens à l'égard des questions de défense. Vous avez un effet tel que cela est en train de devenir une question d'importance pour le public.
C'est la première occasion que j'ai de discuter du premier rapport du comité. J'aimerais commencer par réagir au rapport et je pourrai peut-être traiter demain de la question relative aux rôles futurs des Forces et de ce qui compte le plus pour le Canada. J'ai reçu le rapport juste avant mon départ pour l'Afghanistan. Il m'a servi de lecture légère, si vous voulez, pendant mon vol aller à destination de l'Afghanistan ainsi que mon vol retour au Canada. Les principaux points évoqués dans le rapport sont justes et pertinents.
Si le but visé est de faire du sensationnalisme autour de la question pour capter l'intérêt des gens, alors vous l'avez atteint avec votre premier rapport. Je n'ai rien trouvé dans le premier rapport qui soit nouveau ou que les gens ne savaient pas déjà. C'est la façon dont les choses y sont dites qui est nouvelle.
Cependant, cela étant dit, la base de votre premier rapport était véritablement les déclarations sur les répercussions. D'après mon expérience, les déclarations sur les répercussions qui sont ressorties ces dernières années ont eu tendance à être des exagérations de la part des différents chefs d'état-major d'armée, ou CEMA, et autres parties prenantes. S'ils disent qu'ils ont suffisamment d'argent ou de ressources pour faire le travail, alors ils savent très bien qu'advenant l'apparition de fonds pouvant leur être destinés, ils n'auront pas leur part du gâteau. Les déclarations sur les répercussions concernent l'idéal, mais ce ne sont pas tous les intervenants qui pourront être en mesure de faire tout ce qu'ils souhaitent. C'était là la base d'une part importante du travail sur ce plan.
Étonnamment, j'ai trouvé le rapport trop conversationnel, avec trop d'observations personnelles ayant pu être citées hors contexte par rapport aux déclarations intégrales faites par les différents intervenants. Cela m'a préoccupé et, comme vous le comprenez sans doute, j'entretiens toujours des rapports étroits avec des gens au sud de la frontière étant donné que j'ai passé une bonne partie de mes dix dernières années de service aux États-Unis. J'y ai été exposé à une réaction intéressante de la part des gens. D'autre part, pendant mon voyage en Afghanistan, plusieurs de nos attachés militaires de partout dans le monde — de proches alliés — étaient avec nous et bon nombre d'entre eux étaient eux aussi très au courant de ce rapport, ce qui m'a étonné. Leur réaction à eux aussi a été de dire, « Eh bien, je n'avais pas pensé que c'était si mauvais que cela. Je pensais que vous étiez en train d'organiser tout cela ». La réaction aux déclarations exagérées a peut-être quelque peu nuit aux efforts en cours pour corriger la situation dans laquelle les militaires se sont retrouvés il y a quelques années.
Je dis tout cela en guise de toile de fonds, car je ne suis pas très préoccupé par le passé. Je suis cependant préoccupé par les rapports deux et trois, dont nous allons discuter dans les jours à venir; je veux parler là des rapports que vous allez produire dans les mois qui viennent. Ces rapports ne parleront pas des problèmes — tout le monde connaît les problèmes — mais des solutions. Ils parleront de la façon d'établir le financement et des nombres raisonnables de militaires, du rétablissement de la formation, de la réparation de l'infrastructure et des éléments d'infrastructure qui sont nécessaires, de la façon de combler les pénuries de matériel militaire essentiel, et de toute la question de l'ouverture vis-à-vis du Parlement et des comités. Je sais que ce sont ces choses-là qui vont ressortir dans les rapports deux et trois. Je souhaite que ces rapports s'appuient sur des arguments solides et, dans certains cas, pratico-empiriques, par opposition à des constats de type conversationnel. J'envisage avec plaisir les journées qui viennent pour passer à travers cela et j'ose espérer que nous pourrons envisager les choses sous ce jour-là par opposition à l'angle adopté dans le rapport un.
Vous avez attiré l'attention des gens avec le rapport un, ce qui est formidable. C'est ainsi que ce doit être. Mais j'aimerais maintenant voir dans les rapports deux et trois des arguments solides justifiant des niveaux de financement qui permettraient au ministère de corriger les problèmes de formation, les problèmes de personnel et les problèmes d'infrastructure pour l'avenir.
Douglas Bland, à titre personnel : J'ai moi aussi lu et admiré votre rapport. J'aimerais revenir sur le thème qui est repris dans le titre du rapport sur l'effritement de nos moyens de défense, et en traiter en vue de la résolution du problème.
Ce qui s'effrite ce sont nos options en matière de politique étrangère, de politique de sécurité nationale et de relations internationales découlant de l'insuffisance de nos capacités militaires. Dans la mesure où les militaires sont nécessaires pour réaliser ce que nous voulons faire aux échelles nationale et internationale, ces options sont véritablement en train de disparaître pour le gouvernement. Je vous ai déjà entretenu de cette question et nous avons, à l'Université Queen's, écrit au sujet du Canada sans Forces armées. La crise à laquelle nous sommes aujourd'hui confrontés n'en est pas une de bonnes intentions ou de décisions futures et ainsi de suite, mais bien de capacité en déclin. Sur certains plans, nos capacités centrales disparaîtront d'ici cinq, six ou sept ans.
Le problème auquel sont confrontés le pays et les gouvernements est celui du redressement de ce déclin. Ma recherche et nos études au cours des derniers mois et des dernières semaines mettent en relief le dilemme très réel auquel le pays fait face. Le problème du déclin ou du redressement du déclin n'en est pas un d'argent, ni même, peut-être, de volonté politique sur tous les plans, mais bien de temps. Il n'y a tout simplement pas suffisamment de temps dans le cadre des circonstances administratives actuelles pour sauver les principales capacités qui sont en train de s'effondrer.
L'argument ici est qu'il nous faut non seulement une transformation de la politique de défense canadienne dans les Forces armées canadiennes et leurs capacités, mais une transformation pangouvernementale de la façon dont nous produisons les résultats de défense. Le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes peuvent se démener tant qu'ils le veulent pour recréer et réorganiser les Forces armées, mais le ministère de la Défense nationale, le chef d'état-major de la défense et le sous-ministre du ministère de la Défense nationale ne sont pas responsables de nombre des facteurs pouvant déboucher sur de nouveaux résultats, pas plus qu'ils ne les contrôlent. Le défi, donc, est de trouver immédiatement un moyen de changer le système d'approvisionnement, le système des ressources humaines, le système de recrutement, l'organisation du quartier général et les systèmes décisionnels gouvernementaux qui produisent les résultats. Ce genre de transformation au sein de l'administration civile ne pourra se faire sans un leadership politique solide et direct.
Lorsque je dis que l'administration des résultats de défense est répartie dans de nombreux ministères ayant différents intérêts et différentes politiques, cela m'amène à conclure que personne n'est responsable des résultats de défense et de la transformation des Forces armées sauf le premier ministre. Pour corriger certains des problèmes que vous avez jusqu'ici identifiés et ceux que vous allez, je le sais, probablement identifier à l'avenir, il importe de commencer par changer le système administratif à l'échelle du gouvernement au lieu de ne faire que transformer que les Forces armées.
[Français]
Lieutenant-colonel (à la retraite) Rémi Landry, à titre personnel : Je remercie tous les membres du comité de leur invitation. Je suis lieutenant-colonel à la retraite et, présentement, chercheur associé avec le groupe de recherche en sécurité internationale à l'Université de Montréal. Je m'en tiendrai plus précisément à la question que le comité nous a fait parvenir, qui, à mon sens, est inappropriée et démontre bien la naïveté canadienne lorsque vient le temps de discuter de sécurité nationale et indirectement de souveraineté. N'avons-nous pas appris ces 50 dernières années en matière de défense? Qu'avons nous retenu des effets désastreux de nos preneurs de décisions lors des derniers 15 ans, qui tout en cherchant à préserver nos engagements militaires le firent en affaiblissant progressivement notre capacité nationale d'intervenir? En effet, on nous rassurait en nous mentionnant que notre sécurité, et indirectement notre souveraineté, était avant tout assurée par notre capacité à remplir nos engagements militaires avec nos alliances, lesquelles devaient garantir notre souveraineté en cas de besoin. Que penser de notre habileté lors de la crise du verglas en 1997 quand il a fallu demander aux Américains de transporter nos troupes de l'Ouest pour les déployer dans l'Est du pays? Que dire des longues semaines d'attente pour compléter le déploiement de nos troupes à Kandahar, en Afghanistan, en 2002? Le transport aérien américain n'était pas toujours disponible et, occasionnellement, il fallait faire un détour par les Philippines. Que dire de notre manque de moyens afin de déplacer quelques centaines de troupes au Timor oriental alors qu'il a fallu attendre que les Australiens nous trouvent de l'espace sur un de leurs navires afin de pouvoir transporter ces mêmes troupes au Timor oriental? Donc la question devrait être : Que nous faut-il en ce XXIe siècle pour assurer et garantir notre sécurité, notre souveraineté et donc notre autonomie et notre indépendance d'action, tout en reconnaissant nos besoins en termes d'alliance multilatérales afin de maintenir et de remplir nos engagements de puissance moyenne au sein de la communauté internationale? La réponse est simple, elle réside dans l'équilibre entre nos besoins à l'interne et ceux à l'externe.
En effet, l'institution militaire est aussi une capacité d'afficher notre souveraineté à l'interne en collaboration avec les autres institutions canadiennes, capacité d'intervenir à l'intérieur d'un spectre qui s'étire de la promotion d'agent de la citoyenneté et du patriotisme canadien jusqu'à celle de garantir la sécurité à nos concitoyens en cas de crise majeure, tant en mesures de désastres naturels que des crises au sein du pouvoir de l'autorité civile.
La crise d'Oka en est un bel exemple. La souveraineté externe devrait inclure une capacité dissuasive afin d'afficher et de faire respecter notre souveraineté territoriale au sein de la communauté des États souverains, et une capacité d'intervenir de façon à pouvoir afficher notre autonomie et poursuivre nos intérêts nationaux, qui se manifestent par la promotion et la défense de nos valeurs canadiennes, comprenant celles de la communauté internationale, jusqu'à la défense de notre souveraineté dans un environnement conflictuel.
Comment y parvenir et comment maintenir cet équilibre? Je crois que le terme clé est le maintien d'une capacité d'autonomie suffisante afin de pouvoir agir seuls. N'oublions pas que, peu important la nature de nos relations avec nos alliés, nous seuls, Canadiens, sommes ceux qui sont le mieux à même promouvoir nos intérêts et d'assurer pleinement notre sécurité.
Nos décisions en matière de sécurité et de souveraineté, de façon à maintenir et à préserver cette autonomie, doivent être fondées sur nos besoins en priorité. Je définis ces besoins en termes de souveraineté interne; c'est autour de ces mêmes ressources dont nous avons besoin pour afficher cette autonomie interne, que nous devons construire notre capacité à remplir nos engagements internationaux.
Il est intéressant de considérer la refonte que les Australiens ont faite, depuis le milieu des années 90, de leur politique de défense. Certes, il y a énormément de différences entre l'Australie et le Canada. Dans un premier temps, ils se sont demandés : de quoi avons-nous besoin pour être, à terme, en mesure de pleinement remplir notre rôle de souveraineté interne et d'avoir une force dissuasive? Par la suite, c'est autour de ces forces-là qu'ils ont étés en mesure de pouvoir construire leur engagement régional et international.
[Traduction]
L'hon. David Collenette, à titre personnel : J'ai été ministre de la Défense de 1993 à 1996, ministre des Transports de 1997 à 2003 et député pendant 20 ans. Merci de l'invitation à venir comparaître devant vous. Je suis heureux de me retrouver de nouveau sur la colline du Parlement.
Je suis présentement fellow à Glendon College, à l'Université York à Toronto, et membre du conseil consultatif international d'Intergraph, un chef de file mondial en intégration de logiciels de systèmes de sécurité pour les industries de la défense et des transports qui a son siège aux États-Unis.
Je vais faire quelques commentaires sur votre premier rapport, pour lequel je pense que vous devez être félicités — chose que je n'aurais peut-être pas toujours dite au sujet de vos rapports sur le transport lorsque j'étais ministre, mais les temps changent.
Depuis la fin des années 1960, la politique de défense canadienne a, je pense, été déterminée par les allocations financières consenties par le gouvernement plutôt que par des politiques. En dépit de l'heureuse injection de fonds annoncée dans le budget de 2004, les dépenses au titre de la défense demeurent sensiblement inférieures, en termes réels, à ce qu'elles étaient avant la dernière vague de compressions budgétaires ayant débuté en 1994. De façon générale, le raisonnement politique des gouvernements a été que la plupart des Canadiens sont indifférents aux militaires canadiens et aux dépenses militaires. D'autres priorités sont jugées plus importantes. Cependant, cette attitude a condamné les Forces canadiennes à un mode de survie, comme en conviennent, semble-t-il, les membres du comité.
Bientôt, les Forces canadiennes n'auront plus les moyens de s'acquitter de leurs engagements nationaux, nord-américains et internationaux. Les préceptes de base du livre blanc de 1994 tiennent toujours et ils ont été repris dans l'énoncé de politique de 2004. Il faut davantage d'argent pour pouvoir assurer les niveaux de personnel requis et faire les engagements appropriés nécessaires à l'exécution de la politique de base esquissée dans ces deux documents.
J'aimerais traiter tout d'abord des niveaux de dotation. Avant 1994, les Forces régulières comptaient environ 76 000 membres. Ce nombre a été ramené à une cible de 60 000 dans le livre blanc de 1994, chiffre qui était le strict minimum qui suffisait à peine à l'exécution des engagements pris en vertu de la politique. En réalité, l'effectif en activité a été d'environ 52 000. La récente promesse d'ajouter encore 5 000 soldats laissera l'effectif à 3 000 éléments de moins que le niveau préconisé dans le livre blanc de 1994. Les réserves primaires avaient été chiffrées à 18 000 en 1994, pour être portées à 21 500 un an plus tard. En réalité, les réserves primaires avaient tourné autour de 15 000 ou moins pour être augmentées à 18 500 dans la déclaration de 2004, soit quelque 3 000 soldats de moins que ce qui avait été demandé une décennie plus tôt.
La Force régulière doit être portée à au moins 75 000 soldats et la réserve à 50 000, comportant 30 000 dans la réserve primaire et 20 000 réservistes supplémentaires. Ce dernier groupe, qui n'intéresse pas la plupart des gens, est composé de personnes ayant servi par le passé dans la Force régulière. Elles existent sur papier. Elles signent un document lorsqu'elles quittent les forces mais rien n'est jamais fait avec elles. Elles n'ont jamais été activées. Je crois qu'un nombre important de militaires retraités seraient prêts à s'engager dans de nouvelles activités de façon à ce que l'on puisse faire appel à eux en cas de situation d'urgence, par exemple pour venir en aide à l'autorité civile. Ce groupe permettrait à la réserve primaire d'augmenter la Force régulière pour les missions à l'étranger, comme c'est le cas depuis bientôt près de dix ans.
Je suis depuis longtemps partisan d'une augmentation de la Force de réserve, et ce pas seulement d'un point de vue militaire. J'estime que les réserves établies dans des manèges militaires, des escadres et des stations navales un petit peu partout au pays et tout particulièrement dans de petites localités contribuent à la construction de la nation.
La deuxième question dont il faut traiter est celle du matériel. Nous avons laissé une part importante de notre matériel devenir obsolète, ce qui exige de plus lourds travaux d'entretien à un coût supérieur. Les deux exemples les plus évidents sont fournis par l'armée de l'air avec les hélicoptères embarqués et le transport de troupes blindé. Le premier semble avoir été réglé avec les achats d'hélicoptères. Le deuxième demeure un problème, et s'il n'est pas résolu il finira par éliminer toute souplesse de déploiement. Le CF-130, l'avion Hercules, doit être remplacé rapidement, sans doute avec des modèles Hercules améliorés, et je dirais par voie de contrat à fournisseur unique, chose qui n'est pas populaire dans certains milieux. Une capacité de transport de charges lourdes doit être disponible au sein des Forces au lieu qu'il faille recourir à la location d'aéronefs qui ne sont pas toujours disponibles. L'on songe aux C-17 et aux C-5.
Il est essentiel que nous maintenions une composante chasseurs au sein de la Force aérienne. Je suis peut-être un petit peu rouillé quant à certaines de mes statistiques, mais je crois que près de la moitié de la flotte est remisée et non opérationnelle. Nos engagements à l'égard de l'OTAN et du NORAD sont de ce fait sensiblement diminués.
Notre marine se porte raisonnablement bien et est munie de matériel à jour, mais les ressources financières nécessaires pour faire une part importante du travail que l'on attend d'elle lui font défaut. Le Canada, qui compte la plus longue côte navigable au monde, et qui est d'ailleurs en train de s'allonger du fait, notamment, du réchauffement de l'Arctique, doit veiller à ce que sa marine tourne à sa pleine capacité opérationnelle. Des navires supplémentaires doivent être ajoutés à la flotte.
L'armée a ces dernières années bénéficié d'un apport de nouveau matériel qui l'aide à jouer un rôle multiple, mais il importe de faire plus encore. Je suis tout particulièrement fier du fait que les nouveaux véhicules blindés de transport de troupes aient été autorisés alors que j'étais ministre au début des années 1990.
Il nous faut accélérer le calendrier de l'approvisionnement. Dans le secteur privé, l'idée qu'il faille 10 ou 15 ans pour choisir une pièce d'équipement serait parfaitement risible. Je ne peux pas croire que nous permettions que cela arrive au gouvernement. Je ne veux pas dire par là que nous devrions dans tous les cas recourir à une source unique. Lorsque nous avons voulu faire appel à une source unique pour les véhicules blindés de transport de troupes, ou VBTT, dans les années 1990, cela a suscité la critique dans certains milieux, mais avec la bonne surveillance et les bons mécanismes de contrôle financier vous pouvez obtenir un bon rapport pour les contribuables et mettre rapidement en place le matériel voulu. Les VBTT ont fourni une performance admirable.
Nous avons amorcé un bon départ dans la relance des Forces canadiennes avec le dernier budget, mais beaucoup d'argent encore doit y être consacré. J'envisage avec plaisir de lire d'autres rapports du comité qui aideront les Canadiens à amener le gouvernement du jour à faire les bons choix afin que nous ayons des Forces armées en mesure de faire le travail qui leur revient, c'est-à-dire protéger les Canadiens chez eux et en Amérique du Nord et protéger nos intérêts sur la scène mondiale.
Rob Huebert, à titre personnel : Merci de l'occasion qui m'est ici donnée de comparaître devant vous. Je suis directeur adjoint du Centre d'études militaires et stratégiques de l'Université de Calgary et je travaille également au Département des sciences politiques.
J'aimerais commencer par vous féliciter pour votre rapport. L'un de ses aspects les plus frappants, et pour lequel vous avez un mérite incroyable, est votre effort d'engager les Canadiens. Votre choix de langage a été le tout premier effort institutionnel visant à rendre les questions de défense accessibles aux Canadiens qui ne consacrent pas le gros de leur temps libre à leur examen, ainsi qu'aux Canadiens plus jeunes. Cet effort doit être encouragé. Même si chaque terme employé n'est peut-être pas parfaitement exact, cette tendance doit être maintenue.
J'aimerais faire quatre principaux commentaires sur la façon d'aborder la question de la nécessité de l'élaboration d'une politique canadienne en matière de sécurité et de défense. Il nous faut tout d'abord assurer, élaborer et renforcer un moyen d'évaluer les menaces immédiates, à moyen terme et à long terme pour le Canada. Nous sommes tombés dans ce piège dans lequel nous n'examinons sérieusement les différents types de menaces auxquelles le Canada fait face qu'au début du nouveau mandat d'un gouvernement, et il n'y a inévitablement pas de suites dans le deuxième mandat. Il semble que l'on ne discute publiquement et ouvertement des menaces auxquelles le Canada est confronté qu'en période électorale ou avec l'avènement d'un nouveau gouvernement.
Il nous faut rompre avec cette pratique dans le contexte de la façon dont nous nous engageons dans les évaluations que nous faisons au Canada. Quelque chose du genre d'une capacité permanente, peut-être représentée par votre comité, serait peut-être un pas dans la bonne direction.
Le deuxième point est qu'il nous faut d'une façon ou d'une autre faire le lien entre la politique et le financement, qui est le problème évident à surmonter. C'est précisément là-dessus que porte tout votre rapport. L'on pourrait peut-être trouver quelque solution radicale, par exemple établir dans la loi que tout livre blanc doit être assorti de crédits explicites. Vous direz peut-être qu'il ne s'agit pas d'un livre blanc et que vous ne voulez pas vous lier dans un tel contexte. Cependant, s'il y avait une exigence en vertu de la loi, nous verrions peut-être un jour le gouvernement prendre au sérieux les engagements pris dans les livres blancs au lieu de devoir attendre six mois pour qu'on en parle et pour qu'en s'empresse aussitôt de les reléguer à l'oubli.
Le troisième point concerne la grande importance de votre travail récent. Je veux parler ici de l'engagement des élites politiques canadiennes et de la population canadienne en général.
L'un des plus grands défis en matière de questions de sécurité dans le contexte canadien est celui des mythes à démanteler. L'un des plus gros problèmes dès lors que l'on met ensemble les mots Canada et défense est que nous sommes invariablement confrontés à certains mythes qui vont à l'encontre de ce qui est requis pour assurer une bonne sécurité.
En bref, les trois mythes les plus durables qui sont une entrave à une politique de défense rationnelle et adéquate sont, premièrement, que les Forces canadiennes ne font que du travail de maintien de la paix, qu'elles n'ont aucun autre objectif d'envergure; que c'est là leur raison d'être et qu'il en est ainsi depuis les années 1960.
Le second mythe est qu'il n'y a aucune menace pour le Canada et qu'il n'y aura jamais à l'avenir de menace pour le Canada ou pour la sécurité canadienne.
Le troisième mythe est que même s'il y avait une menace, ce qui est très peu probable, les États-Unis s'en occuperaient. Il nous faut trouver le moyen de dire en la matière aux Canadiens la simple vérité, soit que les Forces servent à beaucoup plus que du pur maintien de la paix et qu'il y a et qu'il continuera d'y avoir à l'avenir des menaces dirigées contre les Canadiens : pas les Nord-Américains, mais bien les Canadiens.
Aussi importante que nous ait été par le passé l'aide des Américains, il nous faut reconnaître que nos intérêts ne concordent pas toujours parfaitement avec les leurs. L'histoire nous livre des exemples de situations dans lesquelles nous sommes partis en guerre sans eux, et il se présentera à l'avenir des situations dans lesquelles nous aurons clairement des besoins différents en matière de défense de ceux de nos amis et alliés américains.
Il est deux domaines dans lesquels il nous faut maintenir une vigilance constante. Premièrement, l'Énoncé de politique international ou EPI du Canada n'a peut-être pas traité suffisamment de la question de l'espace. En effet, dans un environnement où les menaces vont sans cesse croissant, l'espace est la nouvelle frontière. Elle est déjà là dans de nombreux contextes. Encore une fois, le mythe voulant que nous ne puissions lier militarisation et arsenalisation et l'espace et que, partant, nous ne puissions rien faire dans le long terme, sera une sérieuse entrave à l'établissement de véritables politiques de défense et de sécurité canadiennes.
J'aimerais attirer votre attention sur le fait que bien que l'EPI ait reconnu l'importance de l'Arctique, et que nous nous rappelions notre historie, qui est notre héritage, nous avons tendance à reconnaître l'Arctique comme étant une nécessité sur le plan sécurité pour l'oublier ensuite aussitôt. Il importe de veiller à ce que nous maintenions également notre vigilance s'agissant de la sécurité dans l'Arctique.
Colonel Brian MacDonald, à titre personnel : Vous nous avez demandé de réfléchir à la question de ce qu'il y a de plus important à faire en vue de la réalisation des objectifs de l'examen de la politique de défense.
Je traduis : quel est le plus gros obstacle empêchant le Ministère de réaliser ces objectifs? Comme vous le savez, le gros de mon travail de recherche ces dernières années a porté sur l'inventaire des biens d'équipement du Ministère. Il s'agit là de l'ingrédient critique quant à la capacité future du Ministère d'atteindre ses objectifs.
En l'absence des éléments d'équipement nécessaires, la capacité requise pour atteindre ces objectifs n'est pas là. Le Ministère se trouve malheureusement à ce croisement de trois facteurs extrêmement différents qui, ensemble, assombrissent en effet sensiblement la situation.
Le premier facteur est le simple fait des cycles de vie des biens d'équipement des principales plates-formes matérielles du Ministère. Ici, nous avons cet avantage que le Conseil du Trésor a établi des paramètres de planification quant à la durée de vie probable de différentes catégories de matériel. Le Conseil du Trésor prétend, par exemple, que la durée de vie utile probable d'un véhicule militaire se situe entre trois et dix ans; que la durée utile d'un navire est de 20 ans et que celle d'un aéronef est elle aussi de 20 ans.
Lorsqu'on évalue le stock de biens d'équipement du Ministère par service en fonction de ces paramètres, l'on découvre un certain nombre de réalités troublantes. Par exemple, 71 p. 100 des principales plates-formes de la Force aérienne ont d'ores et déjà dépassé leur durée de vie utile. Elles sont mortes. Les 29 p. 100 restants sont déjà à plus de la moitié de leur vie utile. Il leur reste donc moins de la moitié de leur durée de vie utile initiale.
Pour ce qui est de la flotte de la marine, 48 p. 100 de ses éléments ont dépassé leur durée de vie utile. Encore 40 p. 100 sont à plus de la moitié de leur durée de vie utile prévue. Quant au matériel de l'armée, 27 p. 100 de celui-ci en sont à plus de la moitié de la leur. Pour récapituler la situation du Ministère au total, 43 p. 100 du parc de matériel du Ministère ont dépassé leur durée de vie utile, d'après les chiffres du Conseil du Trésor, et 26 p. 100 sont à plus de la moitié de leur vie utile prévue.
Je viens de vous parler de la dimension physique de l'usure. Mais il y a également la dimension technologique de l'usure. Le Conseil du Trésor établit qu'en matière de technologie de l'information et des communications, que l'on désigne parfois par le terme plus à la mode de matériel informatique, l'on s'attend à ce que les ordinateurs, comme ces choses que nous avons sur nos propres bureaux, aient un cycle de vie technologie d'entre trois et cinq ans.
C'est ainsi que nous savons que même dans le cas d'une plate-forme importante ayant une durée de vie physique théorique de, mettons, 20 ans, il y aura lieu de mettre à niveau cette technologie en fonction du cycle technologique. C'est ainsi que le matériel pourrait, pendant la durée de vie physique de la plate-forme, devoir subir quatre cycles d'amélioration.
La barrière est la réalité du cycle d'approvisionnement du Ministère. Une chose que le comité consultatif auprès du ministre a fait ressortir dans un excellent rapport au ministre est le fait que l'on compose aujourd'hui avec des cycles d'approvisionnement qui s'échelonnent sur quelque 15 à 16 ans.
Chose intéressante, bien sûr, en l'espace de 16 ans nous aurions pu livrer quatre fois la Première Guerre mondiale et ce dans le contexte d'une formule des trois meilleures tentatives sur cinq. Le problème est que nous avons aujourd'hui une situation dans laquelle le cycle d'approvisionnement correspond en moyenne à 75 p. 100 du cycle de vie physique des principales plates-formes, selon les chiffres du Conseil du Trésor. Si l'on regarde maintenant du côté de l'armée, le cycle d'approvisionnement est aujourd'hui de 150 p. 100 du cycle de vie des véhicules militaires.
À moins de prendre très vite des mesures pour régler le problème du cycle d'approvisionnement, le Ministère sera entraîné dans une spirale de la mort toujours plus serrée qui mènera probablement, comme je l'ai déjà dit, à une extinction massive des forces d'ici 10 à 15 ans. Et je pense que ce serait plus près de 10 que de 15.
Le président : M. Macdonald n'a pas mentionné le fait qu'il est officier à l'Institut militaire royal du Canada.
Col MacDonald : C'est exact.
John Scott Cowan, à titre personnel : Je suis recteur du Collège militaire royal du Canada, la seule université fédérale. Nous sommes une crise constitutionnelle vivante.
Sénateur Kenny, messieurs les membres du comité, j'ai déjà eu l'occasion de me prononcer sur votre premier rapport et j'ai indiqué à quel point j'appuie vos conclusions. J'aimerais me concentrer ici sur six choses que je juge essentielles à la mise en œuvre de la vision du gouvernement. Elles concernent ou des éléments de votre premier rapport ou des questions que vous avez inscrites au programme de vos deuxième et troisième rapports.
Premièrement, et vous en avez déjà traité, il y a le concept d'un financement stable et suffisant. Il s'agit en d'autres termes de veiller à ce que le financement soit connu bien à l'avance. Étant donné la façon dont fonctionne le gouvernement au Canada, il est extrêmement difficile pour un gouvernement de dire à l'avance et de façon catégorique quelles seront les ressources disponibles. Le Parlement vote les budgets annuellement. Une fois atteint le seuil requis, la seule façon d'assurer ce genre de stabilité est en définitive d'instaurer une tradition instantanée voulant que les gouvernements prennent des engagements moraux clairs quant à ce qu'ils vont faire. Si le fait de s'écarter de tels engagements inflige des dommages politiques suffisants, alors il y aura la prévisibilité requise pour que de telles initiatives à long terme puissent aboutir.
Mon deuxième point — et vous vous proposez d'en traiter dans votre deuxième volume sous la rubrique des Forces canadiennes en tant qu'organisation différente des autres — est la reconnaissance que le service assuré par les Forces canadiennes est une forme de service essentiel très différente de beaucoup d'autres. D'où la nécessité de prendre toutes les mesures possibles pour réduire les facteurs politiques dans la totalité des décisions s'y rapportant. Les facteurs politiques ne pourront jamais être réduits à zéro, mais il existe des techniques permettant de ramener ces choses à un niveau raisonnable. Je traiterai de certaines d'entre elles au troisième point.
Les honorables sénateurs se proposent de traiter de la question de l'approvisionnement dans un volume subséquent. Le Col. MacDonald et d'autres en ont déjà parlé. L'approvisionnement doit être simplifié et accéléré. Cela comporte de nombreux aspects et je m'en tiendrai ici pour le moment à deux seulement.
Premièrement, il faut au Canada un système pour les gros contrats gouvernementaux qui permette de négocier des contreparties économiques, ce qui n'est à mon sens pas entièrement honnête, car cela suppose que ces contreparties économiques n'apportent pas de coûts additionnels. Tout ce mythe est fondé sur la théorie qu'il n'y aura pas de coûts additionnels et cela entre tout simplement en ligne de compte dans la soumission. Personne ne croit vraiment que ces contreparties économiques ne comportent pas de coûts additionnels. Dans de nombreux autres États nations, la façon de faire est de verser au ministère qui fait l'achat les sommes nécessaires à l'obtention des articles requis et d'accorder à chaque ministère responsable de contreparties économiques un budget distinct pour acheter des contreparties jusqu'à concurrence de celui-ci. L'on ne choisit pas au départ un soumissionnaire unique; on retient plutôt tous les soumissionnaires qui sont entièrement conformes. C'est à partir de là que l'autre entité dépense ses crédits distincts pour acheter les contreparties économiques qui sont procurables. Ce processus est plus honnête et nous éviterait, premièrement, d'avoir l'air inefficients et, deuxièmement, d'être inefficients au-delà d'un seuil prédéterminé que le gouvernement déclare tolérable. En d'autres termes, il y a de l'argent disponible pour l'achat de contreparties économiques.
Deuxièmement, chose que les honorables sénateurs ont déjà établi clairement, en matière d'approvisionnement, souvent le parfait est l'ennemi du bien. Vous l'avez déjà dit et l'on ne saurait trop le répéter.
Mon quatrième point concerne la question de la suffisance, chose que vous souhaitez aborder dans votre deuxième volume et qui concerne les gens. Il n'y a pas une source inépuisable d'éléments excellents pour faire ce travail. Il nous faut une révolution sur le plan flexibilité du service. Il y a à l'heure actuelle énormément de rigidité, surtout en ce qui concerne le recours pour des périodes de temps donné à des réenrôlés. Cette question mérite un examen et d'importants changements de telle sorte que ces réenrôlés ne soient pas lourdement pénalisés du fait d'avoir passé des périodes de temps à l'extérieur des Forces canadiennes. Il y a là un bassin de talent énorme qui a déjà été mentionné et auquel l'on pourrait faire appel de temps en temps.
Mon cinquième point concerne quelque chose que vous aborderez dans votre troisième volume, soit la menace future. Nous convenons tous que cela est assez complexe. Le monde n'est pas un lieu sûr et certains aspects du manque de sécurité sont nouveaux et différents de ce que nous avons vécu par le passé. Il nous faut continuer d'améliorer le niveau d'instruction et de perfectionnement dans le corps officier ainsi que parmi les militaires du rang. Nous ne serons pas en mesure de traiter pleinement de toute la complexité que l'avenir nous réserve à moins de continuer d'évoluer en ce sens. Des progrès considérables ont été faits dans ce domaine, mais ce n'est pas le moment d'arrêter, du simple fait d'être lourdement grevé.
Mon sixième point concerne une question dont vous voulez traiter dans votre troisième volume, soit la facilité avec laquelle ceux qui servent peuvent dire la vérité au pouvoir; en d'autres termes être francs et directs avec la structure de pouvoir au pays. Certes cela a été le cas par le passé, mais l'un des maillons manquants, chose que nous recherchons depuis plus de six ans — et que je connais du fait du travail abattu dans l'établissement de la Revue militaire canadienne — a été la finalisation et la promulgation des règles autorisant ceux qui servent à faire des commentaires responsables. Ces règles se font attendre depuis six ans maintenant. Différents ministres de la Défense ont déployé des efforts considérables pour faire des déclarations intérimaires en vue de combler le fossé. Or, ces règles n'ont toujours pas été promulguées. On me dit que c'est parce que d'autres ministères craignent la mesure dans laquelle cela pourrait permettre à d'autres fonctionnaires de dire trop ouvertement ce qu'ils pensent. Il nous faut faire débloquer les choses à ce niveau.
Barry Cooper, à titre personnel : Honorables sénateurs, je suis directeur général du bureau albertain du Fraser Institute, à Calgary, et attaché supérieur de recherches au Centre d'études militaires et stratégiques de l'Université de Calgary.
Premièrement, félicitations pour encore un autre rapport utile. Il est extrêmement important de livrer le message à l'extérieur de la communauté qui a un intérêt professionnel pour ces choses, même si vous offensez ce faisant un certain nombre de sensibilités délicates.
Je ne vais pas répéter ce que certains de mes collègues ont déjà dit. J'ai trois autres choses à vous dire. Une chose que vous avez faite est très importante : vous avez porté à l'attention des gens l'imprécision rhétorique quant à l'objet des Forces canadiennes, et, plus particulièrement comment, quand et à quel prix les Forces canadiennes se verront restituer une capacité respectable.
Je vous encourage, comme premièrement étape, à faire ressortir la distinction entre matériel militaire et télécopieurs à Patrimoine canadien, par exemple. Il devrait y avoir des lignes directrices distinctes quant à la façon dont ces acquisitions sont faites et quant au mélange à assurer. Vous savez sans doute cela mieux que moi.
Une chose paraît claire. Il ne semble pas très logique à long terme de compter sur les budgets d'entretien pour effectuer les dépenses d'immobilisations. Les avions Hercules CC-130 en sont un parfait exemple. Nous dépensons beaucoup plus d'argent à essayer de maintenir ces morceaux de ferraille dans les airs que ce qu'il en coûterait pour acheter de nouveaux appareils.
Deuxièmement, en ce qui concerne la question des menaces futures, les États non viables sont importants et le terrorisme externe est important, tout comme le sont le terrorisme d'origine interne et les menaces traditionnelles, notamment les facilitateurs étatiques de terrorisme national ainsi qu'étranger. J'exhorte les sénateurs à ne pas oublier non plus ces éléments là à l'avenir.
Troisièmement, il y a toute la question des valeurs canadiennes. Le fait de proclamer des valeurs canadiennes sans leur donner de muscle est une invitation à d'autres pays de nous traiter avec mépris du fait de l'hypocrisie apparente. Ce mépris nous vient de nos amis ainsi que de nos ennemis et concurrents. Les valeurs musclées, au moins en sciences politiques, sont appelées intérêts. Des intérêts peuvent être contradictoires et il importe de les affirmer ainsi que de les défendre, surtout auprès de nos principaux alliés, les Américains.
Il est un aspect qui est particulièrement important, soit un engagement de l'avant. Ce n'est pas simplement là un concept militaire; cela est également important dans le domaine du secours, l'exemple le plus récent nous ayant été livré par le Pakistan. Je veux dire par là des capacités de transport de charges lourdes, et je ne veux pas parler d'Antonovs, mais de C-17 canadiens ou d'Hercules de modèle J.
[Français]
David Rudd, à titre personnel : Merci, monsieur le président et bonsoir à tous. Je suis président et directeur général de l'Institut canadien des études stratégiques, à Toronto.
[Traduction]
Merci beaucoup de l'invitation. C'est ma première comparution devant votre comité. Je ne peux que vous poser la question suivante : qu'est-ce qui vous a pris tant de temps?
Vous avez fixé très haut la barre pour nous aujourd'hui. Il est extrêmement difficile d'identifier une question unique qui résultera ou dans la réussite ou dans l'échec de la politique. Il est difficile de mettre le doigt sur une seule chose qui puisse nous mener ou à la stagnation ou à la réussite, mais, au risque de donner l'impression d'avoir été désœuvré, je vais me faire l'écho de certains des propos tenus par mes collègues.
Les ressources humaines sont une trappe qui sous-tend les trois principaux objectifs esquissés dans l'énoncé de politique sur la défense. Pour dire les choses simplement, une politique de défense, comme n'importe quelle politique, est d'abord et avant tout une question d'êtres humains. À moins d'avoir le bon nombre de personnes bien formées et bien dirigées, peu importe la qualité de votre matériel ou de votre infrastructure, bien que je convienne avec Brian MacDonald qu'il est absolument essentiel de disposer de matériel moderne.
Dans ce contexte, il incombe au gouvernement du Canada, au comité ici réuni, au Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants, le CPDNAC, et à d'autres parties de veiller à ce que le recrutement et la rétention de Canadiens qualifiés soient assurés de telle sorte que la perte inévitable de personnel qualifié, pour des raisons d'âge, de départ en retraite ou d'invalidité aujourd'hui ou à l'avenir, n'amène pas l'échec de la politique. Je déplore qu'il soit peut-être déjà trop tard.
Gardez à l'esprit le fait que le recrutement c'est plus que tout simplement accueillir des gens au bas de l'échelle. Il s'agit également, comme vous l'avez entendu dire, de réengager, et ce le plus rapidement possible, ceux qui ont quitté le service et qui sont désireux d'y revenir. La rétention signifie également permettre à des membres des forces régulières, mettons, d'être transférés aux réserves si, par exemple, ils veulent fonder une famille ou entreprendre une autre carrière. Leur offrir un transfert aux réserves évitera que leurs compétences ne soient irrévocablement perdues et que ces investissements de plusieurs millions de dollars que nous avons consentis ne soient jetés à la poubelle.
De la même façon, les transferts de réintégration des réserves aux forces régulières devraient eux aussi se faire de la façon la plus harmonieuse possible. Le service opérationnel acquis par les réservistes lors de leur déploiement devrait être reconnu et leur être crédité lors de leur intégration dans l'autre élément. Un réserviste du rang qui a été promu commandant de patrouille en Afghanistan devrait-il avoir à passer par les quatre phases de la formation d'officier d'infanterie si il ou elle souhaite être nommé officier? Voilà certaines des choses que nous pourrions examiner.
Vous avez évoqué la nécessité pour nous de ne pas simplement identifier des problèmes mais bien d'identifier des solutions. Permettez-moi de m'y essayer. Pour faciliter le recrutement et la rétention dans tous les éléments, pour veiller à ce que ceux qui entrent dans les forces ou qui les réintègrent soient mis à niveau le plus rapidement possible, le système de formation doit à tout prix être mis à l'abri des exigences des déploiements opérationnels. Ni les instructeurs ni le matériel en place aux écoles de formation ne devrait être pillés pour combler les lacunes des unités destinées au déploiement. Sauf cataclysme national d'envergure, ils devraient être intouchables.
Le chef d'état-major souhaite, cela se comprend, placer les opérations au premier plan, mais il ne peut pas voler Pierre pour payer Paul. Qu'on laisse Pierre tranquille. Ou l'on donne davantage de ressources à Paul ou l'on résiste à la tentation de l'envoyer sans cesse en mission à l'étranger.
Nous ne pouvons pas discuter d'un renouvellement de l'accent mis sur le recrutement et la rétention, ni encourager cela, sans aborder les questions qui militent contre eux — et M. Bland en a fait état plus tôt — notamment les inefficiences dans l'administration de la défense. Ces deux questions sont interreliées. J'ai fait état des obstacles administratifs qui empêchent le transfert sans faille entre les forces régulières et les réserves. Une autre question administrative reliée au personnel est celle de la taille du Quartier général de la Défense nationale, que l'ancien ministre de la Défense, John McCallum, a évoquée dans son étude sur l'efficience. Il a parlé des pertes côté politiques. L'une des conclusions de l'étude était que le travail effectué à l'intérieur des murs du QGDN n'avait pas forcément à être exécuté là, ni même à être exécuté. Le fait que peu après son départ pour assumer un autre portefeuille le rapport ait été retiré du site Web du ministère de la Défense nationale laisse supposer que l'allégation qu'il avait faite était juste et que certaines personnes avaient peur de poser la question que voici : qu'a tel ou tel poste à voir avec la production de puissance militaire concrète?
C'est ce dernier élément qui devrait préoccuper le comité : disposer d'un nombre suffisant de personnes au bon endroit avec la bonne formation et le bon leadership est ce qui nous offre les meilleures chances d'avoir une véritable force sur le terrain.
Je ne dis pas que nous devrions arrêter de réfléchir aux processus de recrutement et de formation, mais il nous faut nous attarder davantage sur les résultats : comment faire entrer ces personnes dans le système et les y garder, là où nous en avons besoin. Comme c'est le cas avec la courbe du matériel qu'a évoquée le Col. MacDonald, nous sommes également très en retard avec la courbe des ressources humaines. Il nous faut la redresser, et ce très vite.
Allan D. English, à titre personnel : Je travaille au Département d'histoire de l'Université Queen's, où je donne un cours de deuxième cycle d'histoire militaire canadienne. Je vais vous ennuyer avec la perspective d'un historien.
Merci de m'avoir invité. Je suis ravi d'être ici et j'ai beaucoup aimé lire vos rapports.
Ce qui me frappe au sujet de ce qui se passe aujourd'hui avec les Forces canadiennes est que l'approche actuelle visant à veiller à ce que le Canada soit en mesure de satisfaire ses besoins en matière de sécurité et de défense, ce qui est la question que vous m'avez posée, est appelée transformation. Ce n'est pas la première fois que les Forces canadiennes tentent de se transformer. Mon thème — le seul que je vais soulever dans le temps dont je dispose — est que les Forces canadiennes ne devraient pas être si intéressées à essayer de se transformer de temps à autre, préférant plutôt se préparer à une adaptation continue au monde en évolution constante.
À mon avis, il y a, pour ce faire, deux principales exigences. La première est la continuité, et la deuxième est la compétence. Il est merveilleux que des organes tels le Sénat soient prêts à assurer la continuité, car ceux qui siègent à la Chambre des communes ont tendance à aller et venir plus fréquemment.
L'autre grande source de continuité est offerte par les fonctionnaires.
En ce qui concerne les compétences, il existe de nombreuses sources de compétences en matière de sécurité et de défense, mais il nous faut tirer profit de celles qui permettent aux membres de la fonction publique et au personnel en uniforme du ministère de la Défense nationale, les Forces canadiennes, de comprendre les valeurs culturelles ainsi que le menu détail des questions de défense et de sécurité.
Le Brigadier-général (à la retraite) Joe Sharpe et moi-même avons interviewé le Général Ray Henault peu avant son départ pour assumer ses nouvelles fonctions à l'OTAN. Il y a un article paru dans le dernier numéro de bravo Défense dans lequel il dit croire que l'une de ses plus grandes réalisations a été de placer des officiers supérieurs au Bureau du Conseil privé et dans d'autres ministères gouvernementaux car, en tant que diplômé du Collègue de la Défense nationale, le Général Henault appréciait la valeur du travail d'équipe aux côtés de fonctionnaires, échangeant compétences et idées.
Comme bon nombre d'entre vous le savent, depuis le début des années 1950 jusqu'au début des années 1990, lorsqu'il a fermé, le Collège de la Défense nationale à Kingston avait permis au Canada de se constituer un vaste bassin de fonctionnaires et d'officiers des Forces canadiennes imbus d'une connaissance profonde du ministère de la Défense nationale, des points de vue tant compétences et faits que culturel. Deux hauts fonctionnaires par an étaient en moyenne envoyés suivre ce cours de dix mois. Cette possibilité a pris fin avec la fermeture du Collège de la Défense nationale.
Cependant, en 1998, un nouveau cours a été lancé au Centre des études sur la sécurité nationale à Toronto, où j'enseigne depuis huit ans. Il s'agit du cours d'études de sécurité nationale, qui est un cours de six mois qui est très rigoureux et qui offre le même potentiel que le Collège de la Défense nationale.
Malheureusement, en dépit des meilleurs efforts du Collège, aucun fonctionnaire n'a encore pu suivre le cours. L'excuse qu'on leur donne est qu'ils sont trop occupés. C'est exactement la même excuse que les Forces canadiennes utilisaient autrefois pour éviter, à grande échelle, la formation militaire professionnelle. Elles étaient trop occupées à mener des opérations pour s'engager dans de la sérieuse formation militaire professionnelle. Cet argument est plutôt étranger à la plupart des autres professions, comme la médecine ou le droit — le fait de dire que vous êtes trop occupé à faire votre travail pour vous perfectionner sur le plan professionnel.
Ce n'est à bien des égards pas parfait, comme l'a dit M. Cowan. Le système d'éducation militaire professionnelle des Forces canadiennes n'est pas parfait, mais j'estime que des progrès énormes ont été accomplis au cours des huit dernières années. Cela, combiné à ces échanges avec la fonction publique, a fait que les Forces canadiennes font d'importants progrès. Peut-être que nous pourrions dire que les Forces canadiennes font leur part pour la formation professionnelle et l'échange de valeurs culturelles en matière de sécurité et de défense.
Je vais conclure avec la question que voici : la fonction publique fera-t-elle sa part?
Le président : J'aimerais vous dire à tous et à chacun que cette expérience a été pour nous fascinante. Je ne pense pas que nous ayons jamais par le passé réuni dans une seule et même salle autant d'appui et de rigueur intellectuels. Nous vous sommes reconnaissants de votre participation, de l'aide que vous avez donnée au personnel et de votre contribution en nous fournissant une confrontation à la réalité à mi-parcours dans notre processus à trois rapports. Certains d'entre vous nous ont aidés ce matin et d'autres nous aideront tout autant demain matin. Nous envisageons avec plaisir cet échange. Nous voulions avoir l'occasion de vous remercier et de souligner toute l'aide que vous fournissez au comité quant à la façon de travailler ensemble pour mieux servir les Canadiens.
Je vais maintenant suspendre la séance afin que nous poursuivions à huis clos.
La séance est suspendue.
La séance reprend.
Le président : Nous allons maintenant reprendre.
Je suis heureux de vous accueillir devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Je m'appelle Colin Kenny, et je suis président du Comité.
Ce soir, nous allons entendre des témoignages dans le cadre de notre examen du projet de loi C-26, Loi constituant l'Agence des services frontaliers du Canada.
Avant de commencer, j'aimerais prendre un instant pour remercier deux membres qui ont travaillé avec le comité et qui ont joué un rôle crucial dans nos efforts déployés au cours de l'année écoulée. Il s'agit du capitaine de vaisseau Ken Stewart et de Dan Charbonneau, ancien greffier du comité.
Et le capitaine Stewart et Dan Charbonneau se sont joints au comité l'automne dernier et l'ont servi jusqu'au printemps. Le capitaine Stewart a été notre agent de liaison militaire tandis que Dan a servi comme greffier du comité. Le capitaine Stewart et Dan ont œuvré pendant une période particulièrement intense, marquée par 182,7 heures d'audience. Je pense que ce sont les 0,7 heure de la fin qui les ont achevés : il y a eu des visites dans le Canada et aux États-Unis, au Royaume-Uni, au siège de l'OTAN en Belgique ainsi qu'en Afghanistan.
Nous souhaitons vous remercier tous les deux sincèrement de votre dur travail et de votre loyauté. Même si nous tendons parfois à l'oublier, notre réussite est le fruit de vos efforts et est le résultat, surtout, de votre dur travail et des longues heures abattues par le personnel dans les coulisses.
En échange d'une expérience dont j'espère et je crois qu'elle aura été enrichissante, je tiens à vous remercier d'avoir joué un rôle si vital dans ce que nous faisons.
En reconnaissance de votre contribution, le sénateur Forrestall va vous remettre un petit quelque chose.
Le sénateur Forrestall : Permettez-moi de joindre ma voix à celle du président pour exprimer notre appréciation et notre reconnaissance de votre professionnalisme à tous les deux, et vous comprendrez ce pour quoi je suis si heureux de le faire.
J'ai été le récipiendaire de la première idée du président, et vous reconnaîtrez tout de suite cela, capitaine — n'est-ce pas beau?
Regardez ces types en rouge et blanc, et il y a l'inspecteur là-bas. J'ai pensé que c'était l'un des plus beaux exemples de participation canadienne que j'avais jamais vus. C'est magnifique.
Nous vous remercions d'avoir été des nôtres. Nous vous souhaitons bonne chance dans vos entreprises futures.
J'ignore ce que vous auriez fait sans les maires de Terre-Neuve — de partout à Terre-Neuve, et pas juste de certaines localités — mais je pourrais dire la même chose de vous, avec les très très nombreuses heures que vous avez consacrées à ce travail. Nous avons peut-être nous autres travaillé — c'était combien d'heures, monsieur le président?
Le président : C'était 183,7.
Le sénateur Forrestall : Permettez-moi de dire que pour chaque heure que le comité a passée à écouter des témoins et à essayer de préparer des rapports, Dan et les autres autour de nous dans cette salle ont dû abattre sept heures de travail. C'est donc un rapport de sept pour un et ils ont dû rester assis à écouter pendant 183,7 heures.
Merci beaucoup.
Capitaine Kenneth Stewart : J'aimerais vous remercier pour l'expérience de l'année écoulée, qui sera l'un des points saillants de ma carrière. Je souhaite également vous exprimer ma profonde reconnaissance pour l'intérêt que portent tous les membres du comité à ma profession. Je vous remercie de vos efforts inlassables en vue de résoudre les problèmes qui se posent.
Dan Charbonneau, ancien greffier du comité : Je ne vais pas dire grand-chose, car les greffiers sont censés être ni vus ni entendus.
Cela a été un honneur que de sillonner le pays et la moitié du monde avec tous les membres du comité. J'espère revenir le servir un jour, une fois que j'aurai terminé ma rotation.
Le président : Nous allons maintenant revenir à nos travaux.
Nous recevons aujourd'hui un panel du Groupe de travail sur les frontières du Bureau du Conseil privé, et plus particulièrement M. Greg Goatbe, qui est le directeur des opérations de ce groupe au Secrétariat de la sécurité et du renseignement du Bureau du Conseil privé. Il occupe ce poste depuis janvier 2005.
Ses principales responsabilités consistent à fournir un leadership sur le plan de la formulation et de la coordination d'une politique pangouvernementale sur la sécurité intéressant la circulation transfrontalière des personnes et des marchandises, d'appuyer le vice-premier ministre pour la gestion des enjeux économiques et sécuritaires liés à la frontière canado-américaine et de veiller à la mise en œuvre efficace du Plan d'action pour une frontière intelligente et d'encadrer l'orientation et la gestion futures du Groupe de travail sur les frontières.
M. Goatbe est accompagné de Paul Gibbard, qui est l'un des analystes de politique du Groupe de travail sur les frontières.
Monsieur Goatbe, je crois savoir que vous avez une courte déclaration liminaire à nous faire. Vous avez la parole.
Greg Goatbe, directeur des opérations, Groupe de travail sur les frontières, Bureau du Conseil privé : Merci, monsieur le sénateur, de cette invitation à prendre la parole ce soir à votre comité.
Je vais vous donner un bref aperçu des deux grands axes sur lesquels travaille actuellement le Groupe de travail sur les frontières. Je vous parlerai de l'initiative de précontrôle à la frontière terrestre, dont nous sommes responsables, ainsi que du Partenariat pour la sécurité et la prospérité et, plus particulièrement, de son volet sécuritaire que nous avons été chargés de négocier avec les États-Unis et le Mexique.
Je répondrai ensuite à vos questions.
Le précontrôle à la frontière terrestre est une priorité pour les gouvernements canadien et américain, tout comme pour les intervenants des deux côtés de la frontière. C'est en particulier une forte priorité pour les intervenants canadiens, car nous voulons faire en sorte d'éliminer dans toute la mesure du possible l'attente à la frontière des marchandises canadiennes exportées aux États-Unis, plus particulièrement à la Peace Bridge. Le poste frontalier américain est petit et de capacité limitée et nous y avons périodiquement des files d'attente. Le précontrôle terrestre est considéré, selon la perspective canadienne, comme une solution à ce problème particulier.
L'annonce faite en décembre 2004 sur le précontrôle terrestre énonçait les principes qui sous-tendent un accord sur le prédédouanement entre les États-Unis et le Canada. Un principe clé consiste à développer les mécanismes de précontrôle aérien, que vous avez certainement vus à l'œuvre si vous vous êtes envolé d'aéroports canadiens dotés du précontrôle américain, mais sans donner à ces autorités les pleins pouvoirs, comme le demandaient initialement les États-Unis. Ils voulaient pouvoir faire chez nous tout ce qu'ils font aujourd'hui à Buffalo dans le cadre de l'accord sur le précontrôle terrestre. L'accord n'était pas limité au prédédouanement aéroportuaire, il allait plus loin que cela, mais sans accorder les pleins pouvoirs.
Des engagements ont maintenant été pris pour les deux sites de précontrôle que nous aimerions mettre en place. L'installation américaine est prévue pour Fort Erie, et a été annoncée en décembre 2004, et l'installation canadienne sera située aux Mille-Îles, et a été annoncée en juin 2005.
Je résume brièvement les raisons pour lesquelles le précontrôle terrestre est si important pour le Canada. Il aidera à réduire la congestion à la frontière. Il étend des programmes frontaliers tels que NEXUS et EXPRES, ce dernier portant sur les marchandises. Il existe la possibilité d'appliquer ce concept à d'autres points d'entrée ultérieurement, particulièrement des petits postes frontaliers où existent des problèmes tant du côté canadien que du côté américain.
Pour ce qui est des progrès réalisés jusqu'à présent, nous avons annoncé le cadre pour le précontrôle à la frontière terrestre en décembre 2004. Le vice-premier ministre et Tom Ridge, qui était alors Secretary of Homeland Security, en ont simultanément fait l'annonce. Nous avons tenu jusqu'à présent deux sessions de négociation plénière avec les Américains. Nous progressons sur certains des enjeux du contrôle primaire et secondaire, mais il reste encore un certain nombre de questions à régler. Nous devons surmonter certaines des divergences entre les approches américaines et canadiennes du filtrage à la frontière.
De façon générale, le filtrage côté canadien met l'accent sur les contrôles douaniers primaires et secondaires, ensuite de quoi s'il y a des infractions, la police prend le relais. Du côté américain, il y a davantage un continuum dans lequel sont intégrés les contrôles primaires et secondaires avec l'intervention d'agences telles qu'Immigration and Customs Enforcement, ICE qui entreprend elle-même les enquêtes de police ou criminelles.
Cette différence est assez fondamentale sur le plan des mécanismes en place au Canada et aux États-Unis et il faudra la surmonter pour conclure une entente avec les États-Unis sur le précontrôle à la frontière terrestre.
La prochaine étape dans ce domaine sera la prochaine session de négociation plénière, qui se tiendra cette semaine à Washington, les 19 et 20 octobre. L'échéance fixée aux négociations est décembre 2005. Le but est d'arriver à un accord de principe d'ici décembre. Les lois respectives devront probablement être aménagées une fois cet accord conclu. Voilà donc un tour d'horizon rapide du précontrôle terrestre.
Je vais maintenant parler du Partenariat pour la sécurité et la prospérité, PSP, et plus particulièrement de son volet sécuritaire. Vous savez sans aucun doute que les dirigeants des trois pays ont annoncé le PSP le 23 mars 2005. Ultérieurement, les ministres responsables de l'élaboration de ces initiatives ont présenté un rapport aux dirigeants qui en ont annoncé la liste le 27 juin 2005. Le PSP comporte trois volets : sécurité, prospérité et qualité de vie.
Le volet sécuritaire comprend trois thèmes. Le premier est la protection de l'Amérique du Nord contre les menaces externes, ce qui recouvre la sécurité des voyageurs, la sécurité des marchandises et les initiatives de bioprotection.
Le deuxième thème est la prévention et la lutte contre les menaces en provenance de l'Amérique du Nord elle-même. Cela recouvre la sécurité aérienne, la sécurité maritime, la coopération policière, la coopération en matière de renseignement, et la protection, la prévention et la réaction soit à des menaces terroristes soit à des catastrophes naturelles.
Le troisième thème consiste à simplifier plus avant la circulation transfrontalière à faible risque. Cela recouvre la facilitation du passage de la frontière ainsi que des initiatives de coopération scientifique et technologique.
Au total, sur le plan sécuritaire, plus de 100 initiatives sont entreprises dans les dix rubriques du volet sécuritaire. Les échéances de ces initiatives vont de trois mois à trois ans. C'est un document évolutif qui sera mis à jour au fur et à mesure que les initiatives sont réalisées et que de nouveaux projets sont entrepris.
Neuf groupes de travail ont été mis sur pied. Ils ont commencé à planifier et exécuter ces initiatives. L'un, placé sous la direction de l'ASFC, s'occupe de la sécurité des voyageurs, de la sécurité des marchandises et de la facilitation de la circulation transfrontalière. Un autre, sous l'égide de Transports Canada, s'occupe de la sécurité des moyens de transport et de l'infrastructure. Un troisième, relevant de PSEPC, s'occupe de la coopération policière, des partenariats en matière de renseignement, ainsi que de la protection, prévention et intervention. Un quatrième, conduit par le MDN, est responsable de la coopération scientifique et technologique. Un cinquième, sur la bioprotection et la santé publique, est dirigé par l'Agence de santé publique du Canada et Santé Canada. Une autre initiative de bioprotection intéressant l'alimentation et l'agriculture est dirigée par l'Agence canadienne d'inspection des aliments, l'ACIA, et Santé Canada. Un septième, sur les contrôles à l'exportation, est sous l'égide de Commerce international Canada. Le huitième est le Groupe de travail trilatéral sur la protection nucléaire et radiologique, sous la direction de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, CCSN. Le neuvième est le Groupe de travail canado-américain sur le précontrôle, qui vient d'être mentionné, et qui est sous l'autorité du Bureau du Conseil privé. Le dixième est le groupe de travail canado-américain sur l'information géospatiale et l'imagerie, sous la direction du MDN.
Nous fournirons des rapports d'avancement, à intervalles réguliers, aux ministres et dirigeants et nous sommes en train d'évaluer les besoins financiers et ministériels pour tous les aspects du Partenariat pour la sécurité et la prospérité de l'Amérique du Nord, PSP, qui englobe la sécurité. Voilà où nous en sommes.
Les ministères et organismes commencent à concevoir, élaborer et exécuter ces initiatives, de concert avec les États-Unis et le Mexique. Dans certains cas, les initiatives sont bilatérales, et dans d'autres trilatérales. La vaste majorité des initiatives sont binationales et bilatérales, c'est-à-dire que nous traitons avec les États-Unis, ou bien le Mexique traite avec les États-Unis, mais il existe également quelques initiatives trilatérales.
Voilà mes courtes remarques liminaires, et je suis prêt à répondre à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Goatbe. Avant de donner la parole au sénateur Forrestall, puis-je vous demander d'éviter d'utiliser des sigles? Si vous pouviez énoncer les titres au long, ce serait plus clair. Nous avons également un auditoire qui nous suit et qui n'est pas familier de la fonction publique.
M. Goatbe : Je vais m'y efforcer. C'est une mauvaise habitude que j'ai.
Le président : Nous avions jadis un système d'amendes. Je ne sais pas si nous l'avons rétabli ou non, mais c'était 25 cents par lettre.
M. Goatbe : Je suis probablement déjà en faillite.
Le président : C'est coûteux.
Le sénateur Forrestall : Bienvenue. Cela fait quelque temps que je n'avais pas eu l'occasion de bavarder au sujet de la frontière. La dernière fois que nous nous sommes entretenus, il y a un an environ, nous avions décidé d'essayer quelques postes frontaliers, tels que la Peace Bridge entre Fort Erie et Buffalo et le Pont des Mille-Îles lui-même.
Il était question à l'époque de 32 domaines dans le cadre de l'initiative sur la frontière intelligente. Vous avez sans doute connaissance des préoccupations qui nous sont exprimées, en tant que parlementaires, au sujet de l'attente à la frontière.
Pour ce qui est des projets pilotes, tout d'abord à la Peace Bridge, puis au pont des Mille-Îles, pouvez-vous nous dire si ces projets ont donné des résultats suffisamment bons — vous n'avez pas été très clair à cet égard — pour nous permettre de continuer avec les 32 autres ou nous y encourager? J'aimerais savoir également, puisque c'est un sujet si étroitement apparenté, si l'on prévoit aujourd'hui d'introduire ou de pratiquer l'interchangeabilité du dédouanement aux postes frontaliers?
M. Goatbe : Pour ce qui est de votre première question, sénateur, c'est-à-dire le succès des projets pilotes, ces installations ne sont pas encore en place. Rien n'a été fait encore sur le plan du précontrôle terrestre. Nous sommes toujours en train de négocier l'accord potentiel avec les États-Unis. Nous espérons arriver à une entente de principe d'ici la fin de l'année, puis de procéder aux modifications législatives requises dans les deux pays et planifier la conception et la construction de l'infrastructure dans les deux sites. Tout cela va prendre du temps.
Les administrations des ponts à Buffalo, Fort Erie et aux Mille-Îles ne voudront pas s'engager à construire les installations de chaque côté de la frontière tant que l'accord ne sera pas signé. Comme vous pouvez l'imaginer, le coût de construction sera très considérable. Elles veulent l'assurance que ces projets pilotes ont été dûment approuvés.
Je dois préciser aussi que, lorsqu'on parle de projets pilotes, il s'agit normalement de quelque chose que l'on met en place pour plusieurs mois ou peut-être un an, selon la durée nécessaire à l'expérience. En l'occurrence, il s'agit de projets pilotes qui vont durer 20, 30 ou 40 ans, car ils devront être assez durables pour justifier l'investissement dans l'infrastructure que les administrations des ponts vont devoir consentir. Nous les appelons projets pilotes, et nous voulons les éprouver, mais il s'agira d'être pas mal sûr que le résultat sera bon car on construit ces installations pour longtemps. Si l'on concluait après un an que cela ne fonctionne pas, il serait difficile de revenir en arrière et de reconstruire l'infrastructure de chaque côté de la frontière. Je suis sûr que les exploitants des ponts et du tunnel, ou les exploitants des deux ponts en l'occurrence, ne pourraient pas revenir en arrière et tout reconstruire étant donné le temps et l'argent qu'ils auront dépensé pour les nouvelles installations de l'autre côté.
Voulez-vous m'arrêter là?
Le sénateur Forrestall : Combien de temps faudra-t-il attendre les 30 autres initiatives dont nous avons déjà parlé et dont le besoin est urgent pour que les transfrontaliers puissent récolter les avantages du système. Je présume que l'ancien système restera en place et que nos bons amis Américains ne vont pas changer d'avis et sont assis sur le même chameau que nous. Sinon, il pourrait se passer beaucoup de temps, marqué par beaucoup de difficultés.
M. Goatbe : D'accord. S'agissant d'appliquer l'accord sur le précontrôle terrestre à d'autres sites, nous n'y avons guère encore réfléchi jusqu'à présent. Nous nous concentrons sur la négociation d'un accord et la mise en place du système dans ces deux sites pilotes.
Nous gardons présent à l'esprit que si nous négocions un accord qui est acceptable pour les deux pays et mettons en place quelque chose qui fonctionne bien et qui fait ses preuves, alors ce pourrait être applicable à d'autres sites. Ce pourrait être applicable à des petits postes frontaliers isolés, où nous avons généralement un poste frontière du côté canadien et un poste frontière du côté américain, en plein milieu de nulle part. Si nous pouvions nous mettre d'accord sur le précontrôle terrestre et pour les regrouper d'une manière ou d'une autre, ce serait très intéressant.
Le sénateur Forrestall : Comment vous prémunissez-vous contre l'existence de deux programmes : un pour certains Canadiens et Américains, et un autre programme différent pour les autres aux autres postes frontières?
M. Goatbe : L'une des prémisses fondamentales du prédouanement terrestre est que les mécanismes seront les mêmes. Nous cherchons à mettre en place, avec la négociation de cet accord, un système tel que les autorités américaines et canadiennes appliqueront des formalités aux voyageurs et aux marchandises arrivant à ce point de précontrôle qui seront aussi proches que possible des formalités actuelles pratiquées du côté canadien ou du côté américain. Les États-Unis suivraient les mêmes procédures au site de précontrôle de Fort Erie que celles appliquées aujourd'hui au site de Buffalo. Nous aimerions faire la même chose au site des Mille-Îles. Nous espérons parvenir à un scénario tel qu'il n'y aura pas de différence sensible entre ce qui se passe dans les sites de précontrôle et les autres postes frontaliers entre le Canada et les États-Unis.
Le sénateur Forrestall : Vous me laissez quelque peu dans l'appréhension. C'est bien joli quand vous dites cela avec assurance mais, sur le plan pratique, si quelqu'un peut traverser la frontière aux Mille-Îles en cinq minutes alors qu'il faut une heure et cinq minutes à St. Stephen-Calais, vous n'aurez pas de problème, mais nous, les parlementaires, auront d'énormes problèmes avec tous les gens qui viendront se plaindre. Je suppose que ce sera à cause de la lenteur des discussions avec les États-Unis concernant la Western Hemisphere Travel Initiative américaine qui exigera que les Américains possèdent un passeport ou quelqu'autre document sûr et acceptable pour retourner aux États-Unis. Comme vous le savez, cela soulève déjà pas mal de difficultés.
M. Goatbe : Permettez-moi d'apporter quelques précisions sur ces points. Sans aucun doute, nous savons que nous devons mettre en place une grande diversité d'initiatives pour réduire la congestion le long de la frontière canado-américaine. Le précontrôle terrestre n'est qu'un élément de ce que nous pouvons faire pour régler ce problème. Le Partenariat pour la sécurité et la prospérité, PSP, comporte d'autres éléments sécuritaires. L'un est ce que l'on appelle le défi des 25 p. 100, qui a donné d'assez bons résultats jusqu'à présent au pont Ambassador entre Windsor et Detroit. Cela tient en partie au fait que les États-Unis ont ajouté quatre lignes d'inspection primaires, ou LIP, pour les camions. Le Canada a déployé du personnel supplémentaire pour doter deux LIP supplémentaires qui n'étaient généralement pas ouvertes. Si vous passez par le pont Ambassador aujourd'hui, dans un sens ou dans l'autre, la plupart des retards qui existaient auparavant ont disparu. Cela ne signifie pas qu'un jour donné vous n'aurez pas une file d'attente pour une raison ou pour une autre, mais généralement, ces délais d'attente ont disparu. C'est le constat que font non seulement le gouvernement, mais aussi l'Alliance canadienne du camionnage, les Manufacturiers et exportateurs du Canada, MEC, et l'Association canadienne des importateurs et exportateurs. Tous conviennent qu'il y a une amélioration considérable au pont Ambassador et l'explication réside en partie dans le défi des 25 p. 100. Dans le cadre du PSP, nous espérons étendre le défi des 25 p. 100 à toute la frontière. Le but est donc de mettre en place toute une série d'initiatives différentes tout le long de la frontière canado-américaine afin de régler les problèmes que vous avez signalés.
Une autre initiative déjà en place, ou imminente, dans le cadre du PSP, est d'élargir le programme EXPRES en créant des voies vertes spécifiques pour accélérer le passage des marchandises à faible risque dans les deux sens, et d'accroître le nombre des participants au système NEXUS afin d'accélérer les flux. De nombreuses initiatives sont prévues dans le cadre du PSP dont nous espérons qu'elles règleront ces problèmes.
Le sénateur Forrestall : Est-ce que la sénatrice Hillary Clinton et le gouverneur continuent à faire pression pour que cette disposition de l'Intelligence Reform and Terrorism Prevention Act soit modifiée ou retirée?
M. Goatbe : À ma connaissance, ils restent opposés à la Western Hemisphere Travel Initiative. Je me fie pour dire cela aux articles que j'ai lus la semaine dernière.
Vous savez sans aucun doute qu'à compter du 1er septembre, les États-Unis ont invité leurs partenaires à réagir aux règles prévues dans le cadre de la Western Hemisphere Travel Initiative. Le gouvernement canadien est en train de formuler sa présentation aux États-Unis d'ici le 31 octobre. Le BCP, en partenariat avec le ministère des Affaires étrangères et d'autres ministères et organismes, consulte les intervenants du secteur privé, les provinces et territoires et d'autres qui ont un intérêt en la matière, afin de déterminer ce que chacun en pense, quelles options autres que le passeport pourraient être envisagées et de quelle manière le gouvernement du Canada devrait participer à ce processus. D'ici la fin du mois, nous devrions avoir un document de synthèse de tout cela. Nous formulerons ensuite une série de recommandations aux États-Unis sur la base de ce qui nous paraît sensé.
Le sénateur Forrestall : Est-ce que l'ambassadeur Frank McKenna avait raison lorsqu'il a dit que cela pourrait entraîner une réduction de 7,7 millions de visites, ce qui équivaut à presque 2 milliards de dollars? À votre connaissance, ce renseignement est-il fiable?
M. Goatbe : Je ne puis garantir les chiffres mais je peux vous dire que l'une des grandes préoccupations de la plupart des gens, c'est que si un passeport reste le seul document permettant de franchir la frontière canado-américaine, particulièrement pour les citoyens américains rentrant chez eux, le nombre de traversées spontanées d'Américains pour se rendre dans les casinos de Windsor ou de Niagara Falls pour la journée sera probablement touché. L'obligation de posséder un passeport aura sans doute un effet notable sur ce genre de déplacements. Il y a lieu de craindre les effets que cela pourrait avoir sur le tourisme de congrès. Nous sommes en train de travailler pour calmer ces graves préoccupations.
Le président : Monsieur Goatbe, j'aimerais plusieurs éclaircissements. Vous avez parlé de voies vertes. Les membres du comité connaissent l'expression mais pourriez-vous expliquer les voies vertes, les programmes NEXUS et EXPRES? Pendant la suite de votre témoignage, lorsque vous utilisez des sigles, pourriez-vous expliquer le programme, s'il vous plaît? Nous avons conscience de ce qu'un certain nombre de personnes qui suivent nos délibérations ne connaissent probablement pas les sigles que vous utilisez.
M. Goatbe : L'expression « voies vertes » reste sujette à interprétation dans le contexte canado-américain. L'intention est de renforcer l'actuel Programme d'expéditions rapides et sécuritaires, EXPRES, qui est conçu pour donner l'accès garanti au Canada et aux États-Unis si vous avez présenté une demande à titre d'importateur et avez été agréé à ce titre par les autorités canadiennes et américaines, si le transporteur que vous utilisez est lui aussi agréé, de même que le conducteur transportant la marchandise. Si toutes ces conditions sont réunies, alors les expéditions franchissant la frontière donnent une certitude raisonnable à l'Agence des services frontaliers du Canada, ASFC, et à la Customs and Border Protection aux États-Unis, qu'il s'agit là d'un envoi à risque raisonnablement faible dont le franchissement peut être autorisé très vite.
En outre, nous avons des voies EXPRES réservées aux postes frontaliers, du côté canadien et du côté américain. Au lieu de faire la queue dans les voies ordinaires, les camions agréés peuvent emprunter ces voies et bénéficier de formalités accélérées. Nous aimerions porter le programme EXPRES au niveau suivant. Ces expéditions EXPRES arrivent dans leurs voies réservées mais les camions sont quand même arrêtés pour vérifier que le conducteur est bien agréé, et cetera et il peut y avoir des questions portant sur le dédouanement. Nous aimerions explorer avec les Américains un scénario où ces vérifications seraient faites par des moyens techniques. Par exemple, la photo du conducteur pourrait apparaître sur l'écran d'ordinateur des inspecteurs et, si rien n'a l'air de clocher, le camion pourra passer sans s'arrêter. Aujourd'hui, les conducteurs doivent s'arrêter afin que l'inspecteur puisse regarder de plus près ou poser des questions. Nous voulons explorer les possibilités d'un tel système afin d'accélérer le passage et d'accroître le débit aux postes frontaliers terrestres.
Le président : Est-ce la même chose qu'une voie verte?
M. Goatbe : C'est probablement ma définition d'une voie verte. C'est un peu différent aux États-Unis, mais nous recherchons quelque chose de cette nature.
Le président : Auparavant, vous avez fait état du Défi à 25 p. 100. Pourriez-vous nous expliquer cela d'un peu plus près, s'il vous plaît?
M. Goatbe : Le Défi à 25 p. 100 est une initiative mise initialement sur la table par les autorités douanières et frontalières américaines en nous proposant d'y participer. Nous avons accepté. Il s'agit de voir ce que nous pouvons faire avec les exploitants des ponts et tunnels, les autorités frontalières et tous les autres intervenants dans la circulation des marchandises à travers la frontière. C'est un défi consistant à améliorer l'efficience et le débit à ces postes frontaliers de 25 p. 100. Voilà le thème sous-jacent. Dans une large mesure, des progrès considérables ont été réalisés au pont Ambassador.
Le président : On a l'impression que c'est là un objectif arbitraire que vous avez fixé. Donnez-nous quelques exemples de la manière dont on compte atteindre cet objectif de part et d'autre?
M. Goatbe : Je ne peux pas vous donner de précisions. Il vaut mieux poser la question à l'Agence des services frontaliers du Canada et à l'U.S. Customs and Border Protection car c'est eux qui sont chargés du Défi de 25 p. 100 et de décider ce qu'il y a lieu de faire dans ce domaine.
Initialement, il s'agissait principalement d'ajouter des lignes d'inspection primaire pour les camions, avec les inspecteurs correspondants, du côté américain. Lorsque vous arrivez en voiture à un poste frontière, vous vous arrêtez devant une guérite où se trouve l'inspecteur des douanes ou l'inspecteur de l'immigration. C'est ce que l'on appelle une guérite d'inspection primaire ou ligne d'inspection primaire.
Le président : Vous avez parlé du Défi de 25 p. 100 et indiqué que ce qui a été fait au poste de Windsor-Detroit est un exemple d'amélioration des choses. Dites-nous en plus. Qu'ont-ils fait et en quoi les choses se sont-elles améliorées?
M. Goatbe : Principalement, on a ajouté du côté américain quatre lignes d'inspection primaire pour les camions avec le personnel correspondant. Leur débit a ainsi presque doublé. Du côté canadien, nous avions dix lignes d'inspection primaire pour camions. Nous avions du personnel pour uniquement huit sur les dix. Maintenant, nous pouvons placer des inspecteurs dans les dix guérites, lorsque le besoin existe. Ce n'est pas nécessaire en permanence, mais aux heures de pointe, nous avons le personnel voulu. Ainsi, le débit dans les deux sens a été considérablement accru.
Le président : Dites-vous que l'objectif de réduction de 25 p. 100 du temps d'attente a été rempli?
M. Goatbe : Non.
Le président : Quel est le pourcentage d'amélioration obtenu avec ces changements?
M. Goatbe : Je ne sais pas quel est le pourcentage précis car je ne suis pas intimement familier de cette initiative particulière. Je crois que l'Agence des services frontaliers du Canada est probablement mieux placée pour vous dire exactement ce qu'il en est de l'objectif de 25 p. 100.
Le président : Sauf votre respect, il paraît étrange que vous nous citiez cela comme exemple d'amélioration alors que vous ne savez pas dans quelle mesure il y a amélioration.
M. Goatbe : Je sais qu'il y a amélioration car tous ceux à qui j'ai parlé dans les milieux de l'import-export, de même que l'administration du pont, on dit que les longues files d'attente qui existaient, particulièrement à l'entrée aux États-Unis mais aussi à l'entrée au Canada, ont à peu près disparu. En soi, c'est probablement un bon indicateur de l'efficacité de la mesure.
Le président : Pourriez-vous nous fournir une documentation indiquant quelle a été l'amélioration depuis la mise en place de ces initiatives?
M. Goatbe : J'en parlerai avec l'ASFC pour me procurer les renseignements et je veillerai à vous les transmettre.
Le président : Pour en revenir à votre témoignage initial, si j'ai bien compris, vous en êtes encore à négocier un projet pilote de précontrôle terrestre. Combien faudra-t-il avant que ces négociations aboutissent?
M. Goatbe : Nous espérons boucler la négociation d'un accord de principe d'ici la fin décembre de cette année.
Le président : Vous avez dit qu'après les négociations il faudra probablement modifier la législation de part et d'autre. On sait combien il est difficile de prédire le calendrier législatif, mais pourriez-vous nous donner une estimation? Quel serait un délai raisonnable pour que cette législation soit promulguée et par le Congrès et par le Parlement?
M. Goatbe : Nous n'avons pas d'échéancier estimatif à ce stade car nous ne savons pas exactement ce que contiendra l'accord. Il faudra réellement savoir ce que contient l'accord pour savoir quelles modifications législatives seront nécessaires dans chaque pays. Une fois que nous aurons une idée, nous serons mieux en mesure de prévoir le temps qu'il faudra pour mettre la législation en place.
Le président : Vous avez dit ensuite que les exploitants des ponts, étant des gens prudents, ne vont pas commencer la construction ou dépenser de l'argent pour la conception avant que la législation ne soit adoptée dans les deux pays.
M. Goatbe : Les exploitants des ponts voudront attendre que l'accord soit conclu, ou la législation en place, avant d'entamer les travaux et construire quelque chose. Je crois qu'ils sont manifestement intéressés à commencer à planifier dès maintenant. De fait, je sais que des pourparlers sont en cours entre U.S. Customs and Border Protection et l'Administration de la Peace Bridge aux fins de la conception de la nouvelle installation.
Le président : Pour résumer, parlons-nous de 2010, 2015 ou 2020?
M. Goatbe : Je n'ai pas de date. Si nous avons un accord d'ici la fin de l'année, comme prévu, la question sera de savoir, comme vous l'avez fait ressortir, combien de temps il faudra pour mettre en place la législation. Peut-on construire les installations en même temps que la législation avance? Vont-ils accepter un simple accord signé? J'imagine que les travaux exigeront de deux à trois ans, depuis le feu vert jusqu'à l'inauguration. Je ne sais pas si nous aurons un accord en place en décembre 2005 ni combien de temps il faudra pour promulguer la législation voulue.
Le président : Vous avez parlé ensuite des installations requises. Vous avez dit que le projet pilote devrait durer 20 ans ou plus et qu'il serait difficile de revenir en arrière. Est-ce que les installations requises d'un côté de la frontière sont très différentes de celles requises de l'autre côté?
M. Goatbe : Si je puis vous donner un exemple pour mieux vous expliquer, le plan, à supposer que nous parvenions à un accord, consiste à prendre l'installation de la U.S. Customs and Border Protection telle qu'elle existe à Buffalo et à la reproduire du côté Fort Erie, intégralement; je parle là des points d'inspection primaire, secondaire et de tout le reste. Une fois cette installation mise en service du côté canadien, l'installation du côté américain devient superflue et on peut la démolir. Je pense qu'ils voudront probablement voir ce qu'ils peuvent faire pour améliorer la circulation. Cette installation cessera de servir et sera probablement démolie.
Une fois cela fait, si jamais vous prenez la décision que l'expérience est un échec et qu'il faut remettre les autorités américaines du côté américain ou les Canadiens du côté canadien, alors il faudra reconstruire des locaux pour cela.
Le président : Comment faites-vous pour assurer la sécurité du pont s'il n'y a aucune inspection d'un côté du pont?
M. Goatbe : Cela nous ramène à la question de l'interchangeabilité de l'inspection soulevée par le sénateur Forrestall que je n'ai pas eu l'occasion d'aborder. Pour ce qui est de la sécurité de l'infrastructure, particulièrement d'une infrastructure critique comme le pont Peace, le pont Ambassador ou le pont Blue Water à Sarnia, un certain nombre de facteurs sont à considérer. Premièrement, que se passe-t-il sur la chaussée du pont, et peut-il y avoir là une menace? Ensuite, que se passe-t-il sous le pont, sur les routes locales? Tous ces ponts enjambent des routes locales qui sont toutes proches des piliers eux-mêmes, et il y a donc là une vulnérabilité. Ensuite, il y a la menace pouvant provenir des embarcations de plaisance ou des navires de charge passant en dessous. Quelle menace peuvent-ils présenter et quel risque peut provenir de petits aéronefs et autres s'ils s'écrasaient sur le pont?
Il faudra se pencher sur tous ces aspects du point de vue de la sécurité d'ensemble de ce type d'infrastructure critique, afin d'élaborer une stratégie adaptée à tous ces risques particuliers. Il ne suffit pas de filtrer les gens avant le pont.
Certains exploitants des tunnels et ponts vous diront que le vrai danger pour un pont réside davantage dans une explosion en dessous plutôt que sur le tablier, car le souffle monte. Cela ne signifie pas que l'on ne peut endommager en faisant exploser quelque chose sur le tablier ou en déversant un matériau corrosif. Cependant, les spécialistes considèrent aujourd'hui qu'il faut considérer globalement tous les risques pour la sécurité dans le cas de ces éléments infrastructurels vitaux.
Le président : Monsieur Goatbe, le temps que vous employez me surprend beaucoup. Vous semblez vous situer dans l'avenir. Nous nous inquiétons de l'infrastructure frontalière depuis le 11 septembre. Pourquoi en parlez-vous toujours au temps futur au lieu de dire que les plans que nous avons en place aujourd'hui tiennent compte de tous ces différents éléments?
M. Goatbe : Premièrement, vous devriez en parler avec Sécurité publique et protection civile Canada et Transports Canada, car ils pourront probablement vous indiquer mieux que moi ce qui est actuellement en cours. Je vous en parle dans la perspective du Partenariat pour la sécurité et la prospérité. Dans ce cadre, nous avons des initiatives prévoyant que les États-Unis, tout comme le Canada, se penchent sur l'infrastructure critique et décident quelles mesures de protection additionnelles peuvent être nécessaires le cas échéant. Cela ne se limite pas aux ponts et tunnels, mais à toute l'infrastructure critique le long de la frontière.
Le président : Ma dernière question, suite à votre échange avec le sénateur Forrestall, porte sur les installations partagées dont vous parliez, aux petits postes frontaliers.
L'ancien ministre du Revenu, Elinor Caplan, a exprimé des préoccupations très réelles sur un site commun. Est-il vrai qu'il existe déjà quelques sites communs?
M. Goatbe : Oui.
Le président : Elle a dit que si elle avait su qu'il faudrait se conformer aux codes de la construction applicables des deux côtés de la frontière, elle n'aurait jamais accepté l'idée d'un site commun et unique. À vous entendre, il s'agirait là de quelque chose de positif. Est-ce que cela signifie que vous avez surmonté les règlements des municipalités et des États qui s'appliqueraient à ces locaux communs?
M. Goatbe : Non, les problèmes mentionnés par le ministre existent toujours.
J'ai dit que si nous parvenions à un accord de principe sur le précontrôle terrestre, au lieu d'avoir une installation mixte enjambant la frontière, on pourrait construire un ajout du côté américain. De fait, si l'installation américaine d'un petit poste frontalier donné était plus moderne et s'il était rationnel d'y construire un ajout pour loger les autorités canadiennes, à ce moment-là la construction se ferait entièrement du côté américain, selon les normes américaines. Inversement, si toute la construction se faisait côté canadien, les normes canadiennes s'appliqueraient. La possibilité existe donc que l'on procède ainsi avec ces petits postes frontaliers pour éliminer certains de ces problèmes à l'avenir.
Le président : Je comprends. Merci d'avoir répondu si patiemment.
Le sénateur Munson : Je veux rester sur le sujet soulevé par le sénateur Forrestall. Les États-Unis ne proposent pas seulement un nouveau document sécuritaire, cela va inéluctablement arriver. J'étais à Washington il y a quelques semaines à une conférence canado-américaine. Les exploitants des ponts en parlaient et tous ceux concernés par la frontière s'inquiètent de ce qui va arriver.
Nous avons entendu les propos de Robert Bonner, Commissioner of Customs and Border Protection, Homeland Security. Il a été catégorique. Les représentants des milieux de l'industrie et du tourisme présents étaient très nerveux. L'ambassadeur McKenna parle depuis de ce problème.
Nul ne veut imaginer ce qui nous attend. Nous n'avons pas eu ce débat du tout dans notre pays, à mon avis. Avons-nous fait assez pour sensibiliser notre public à ce qui va arriver bientôt? Par « bientôt » j'entends 18 mois. Dans l'intérêt du public, je dirais que si vous n'avez pas de passeport, vous aurez une carte de sécurité difficile à falsifier, mais je ne doute pas que les terroristes trouveront vite le moyen de l'utiliser pour franchir une frontière. Beaucoup de gens sont nerveux, et pas seulement les grands-mères qui circulent entre les Nouveau-Brunswick et le Maine. Je suis fâché de voir que nous n'avons pas encore ouvert ce débat chez nous.
Le sénateur Meighen : Le sénateur Munson est de Bathurst, qui n'est pas une ville frontalière. Je peux vous assurer que dans les localités frontalières, on en parle énormément et avec beaucoup de consternation, comme le sénateur Munson l'a indiqué.
Le sénateur Munson : M. Bonner a été très clair. Il y a la période d'avis de 60 jours que vous avez évoquée, mais après cela, quelque chose de nouveau sera imposé.
M. Goatbe : Il ne fait aucun doute que c'est là un problème plutôt majeur de part et d'autre, du point de vue des répercussions sur les déplacements d'un côté à l'autre. Nous sommes actuellement en pourparlers avec les provinces et territoires et tous les intervenants canadiens. Nous n'avons pas besoin d'insister beaucoup car, comme le sénateur Meighen l'a fait ressortir, beaucoup de gens sont très inquiets à ce sujet.
Notre intention est de formuler les positions, suggestions et recommandations du gouvernement canadien au gouvernement américain, et de les présenter à la fin de la période d'avis, soit la fin de ce mois. Si les États-Unis sont préoccupés par la sécurité, ils ne veulent pas pour autant mettre en place des mesures à la frontière qui vont retarder les voyageurs et marchandises à faible risque. C'est un facteur qu'ils auront à l'esprit au moment de prendre leur décision dans ce domaine. Nous veillerons à présenter les préoccupations canadiennes ainsi que des suggestions sur les différentes possibilités pour répondre à cet impératif de sécurité.
Le sénateur Munson : Pensez-vous qu'il faudra créer un nouveau document de sécurité pour voyager entre le Canada et les États-Unis?
M. Goatbe : Le gouvernement du Canada n'a pas encore pris position et je me laisserai guider par cette position.
Il est souhaitable de renforcer la sécurité et de faciliter les échanges en même temps. Des exemples des mesures qui le permettent sont les programmes EXPRES et NEXUS. Si vous avez l'assurance que les voyageurs et les expéditions sont à faible risque, vous pouvez autoriser le passage rapide dans le pays de ces personnes ou marchandises. Si vous pouvez faire ce genre de chose, c'est plus rationnel, c'est une situation où tout le monde gagne. L'ajout de contrôles de sécurité qui causent des retards est un problème que nous cherchons à éviter avec les initiatives du volet sécuritaire du Partenariat pour la sécurité et la prospérité.
Le sénateur Munson : Certains détracteurs trouvent que le gouvernement tarde à exiger une documentation infalsifiable, lisible par machine et comportant des facteurs biométriques, ainsi qu'à introduire un document dont on a l'assurance qu'il est fondé sur une documentation fiable. Je présume que vous ne partagez pas ce point de vue. Vous n'avez pas encore pris ces mesures pour tous.
M. Goatbe : Passeports Canada, Douanes et Immigration Canada et l'ASFC sont probablement mieux placés pour vous expliquer précisément ce que nous faisons. Plusieurs initiatives sont prévues dans le Partenariat pour la sécurité et la prospérité sur lesquelles nous allons travailler avec les Américains pour déterminer la manière de rendre les passeports et titres de voyages plus sûrs. C'est prévu dans le PSP.
Le sénateur Munson : Vous savez probablement que le comité a proposé au gouvernement la majoration des limites d'exemption, ce qui permettrait aux inspecteurs frontaliers de se concentrer sur la sécurité. Il s'agirait de porter l'exemption à 2 000 $ par visite d'ici 2010. Nous avons fait cette recommandation sérieusement. Quelle difficulté le gouvernement voit-il dans une restructuration des limites d'exemption personnelle? Je sais qu'il est difficile pour un administrateur de répondre à cela.
M. Goatbe : Je dois plaider mon ignorance à cet égard car les décisions touchant les limites d'exemption sont généralement prises par le ministère des Finances. Il est mieux placé que moi pour vous donner un aperçu de ce que suppose une décision d'augmenter ou diminuer les exemptions.
Le président : À ce sujet, monsieur Goatbe, êtes-vous intervenu auprès du ministère des Finances pour faire valoir le gain pour la sécurité à la frontière si les agents qui y travaillent pouvaient se concentrer sur les questions mettant en jeu la sécurité au lieu de percevoir des taxes?
M. Goatbe : Je ne l'ai pas fait personnellement.
Le président : Savez-vous si quelqu'un d'autre l'a fait?
M. Goatbe : Je n'en ai pas connaissance, mais il peut y avoir des pourparlers entre l'ASFC, le ministère des Finances et d'autres.
Le président : Ce n'est donc pas un domaine que vous supervisez pour le compte du ministre et du premier ministre?
M. Goatbe : Ces derniers mois, j'ai travaillé principalement sur le Partenariat pour la sécurité et la prospérité et le précontrôle à la frontière terrestre, et je ne puis donc parler en connaissance de cause de cet aspect particulier. Veuillez m'excuser.
Le sénateur Day : Vous avez indiqué que vous espérez parvenir à un accord de principe sur le projet pilote d'ici décembre prochain. Aux yeux de certains d'entre nous, cela signifie que vous vous serez entendu sur les éléments fondamentaux mais que vous n'avez pas encore envoyé le projet au ministère de la Justice ou aux juristes. Autrement dit, l'entente ne se présente pas encore sous la forme d'un accord. Est-ce que je me trompe? Avons-nous régressé au stade où vous espérez convenir de certains principes d'ici décembre 2005?
M. Goatbe : Non, je n'ai probablement pas expliqué cela assez clairement.
Les négociations actuellement en cours mettent en jeu le ministère de la Justice et tous les autres ministères et organismes intéressés. Lorsque nous parlons d'un accord de principe, il aura été approuvé par les ministères et organismes canadiens, dont le ministère de la Justice.
Le sénateur Day : Vous aurez donc un accord prêt à signer, dans la mesure où les gouvernement sont d'accord.
M. Goatbe : Ce sera un accord qui sera probablement traduit sous forme de traité, avec toutes les formules requises.
Le sénateur Day : Je vois.
Le sénateur Forrestall : Qui est le conducteur du bus? Connaissez-vous son nom? Qui pilote le projet? Est-ce vous? Qui est responsable?
M. Goatbe : Je travaille dans le secteur de la sécurité et du renseignement.
Le sénateur Forrestall : Qui est le conducteur du bus? Qui est le responsable?
M. Goatbe : Bill Elliott est le conseiller à la sécurité nationale du premier ministre et Stephen Rigby est son adjoint.
Le sénateur Forrestall : Est-ce lui qui conduit le bus sur lequel vous travaillez?
M. Goatbe : Stephen Rigby conduit mon bus, oui.
Le sénateur Forrestall : Quel est son titre?
M. Goatbe : Il est secrétaire adjoint du Cabinet, Sécurité et renseignement.
Le sénateur Forrestall : Je ne suis pas plus éclairé maintenant qu'il y a cinq minutes.
Le sénateur Day : Non, mais vous connaissez au moins quelques noms.
M. Goatbe : Nous pouvons vous remettre un organigramme, si cela peut vous aider.
Le président : La dernière fois que nous avons reçu ici un conseiller à la sécurité nationale, c'est nous qui lui avons remis son organigramme.
Le sénateur Day : J'aimerais comprendre le problème mentionné tout à l'heure, celui des codes de la construction. Vous avez parlé de ce projet pilote de précontrôle terrestre où l'on aura un bâtiment logeant les douanes américaines ou les responsables de la sécurité frontalière en sol canadien, pour assurer la précontrôle des camions à destination des États-Unis. Ce bâtiment est construit au Canada et sera assujetti au code de la construction canadien. Je ne vois pas de problème.
Dans le cas des Mille-Îles, si nous construisions un bâtiment du côté américain, dans l'État de New York, pour le précontrôle, il sera construit selon les normes américaines.
M. Goatbe : Oui.
Le sénateur Day : Ce sont deux bâtiments séparés. Y a-t-il une difficulté à les combiner une fois que l'on a adopté pour protocole l'existence d'un seul bâtiment pour les responsables de la sécurité de chaque pays?
M. Goatbe : En théorie, on pourrait les construire séparément ou bien les combiner. Je n'ai pas de réponse certaine, mais il pourrait être plus rationnel de garder séparés les gros bâtiments requis aux grands postes frontaliers. Mais il pourrait y avoir un avantage à partager les équipements mobiles de radiographie, et cetera.
Le problème dont j'ai fait état était celui des petits sites isolés, où vous avez un petit bureau des douanes et de protection frontalière du côté américain et un autre du côté canadien. Si l'un est en meilleur état que l'autre, et si vous voulez avoir des installations communes d'un seul côté, vous évitez le problème d'un site conjoint enjambant la frontière, où les normes canadiennes s'appliqueraient d'un côté et les normes américaines à l'autre extrémité du bâtiment. Si l'on construisait un bâtiment commun soit d'un côté de la frontière soit de l'autre, on éliminerait ce problème, mais nous n'en sommes pas encore à ce stade. Nous devons conclure d'abord un accord de principe puis décider si on peut l'élargir pour l'appliquer à certains de ces autres sites.
Le sénateur Day : Je voulais en venir à votre remarque où vous disiez qu'il faut expérimenter avec différentes façons de faire les choses pour trouver celles qui marchent le mieux. Il peut y en avoir plusieurs, selon que l'on se trouve à un petit poste frontalier ou à un poste frontalier où un cours d'eau divise les deux pays. Il vous faudra peut-être travailler sur plusieurs modèles.
M. Goatbe : Cela ne fait aucun doute. Une fois que nous avons un modèle en place et que nous pouvons le mettre à l'essai, les possibilités sont infinies pour ce qui est de l'application d'un précontrôle en différents lieux le long de la frontière.
Le sénateur Day : On nous a raconté une anecdote il y a quelques temps. Il s'agissait d'un petit poste frontalier au Québec où il y avait des dispositifs électroniques et de communication différents de chaque côté. C'était une installation partagée. Les douaniers américains avaient des armes à feu mais non les Canadiens, et de ce fait les douaniers américains ne pouvaient franchir une ligne tracée sur le plancher. C'était juste sur la frontière, mais ils ne pouvaient passer en territoire canadien parce qu'ils portaient des armes. Est-ce que la question des armes à feu est l'un des facteurs qui empêchent une meilleure coordination du travail à ces postes frontaliers?
M. Goatbe : C'est certainement l'un des sujets dont nous discutons avec les États-Unis. Du fait que les pourparlers se poursuivent, je ne puis vous dire si cette question est un obstacle, mais ce n'en sera certainement pas un pour nous. Personnellement, je ne le crois pas, mais le temps nous le dira. Comme je le dis, les pourparlers sont toujours en cours.
Le sénateur Day : Est-ce que les installations conjointes sont toujours l'objet de discussions?
M. Goatbe : Elles ne sont pas spécifiquement sur la table de négociation car la nature de l'accord sera telle qu'elle autorisera soit des installations séparées soit des installations communes. Il est possible que les considérations économiques militent pour une installation commune à l'un des deux sites dont nous parlons. Je ne pense pas que ce sera le cas à Fort Erie. Cependant, ce serait possible, je suppose, au site des Mille-Îles. Le temps nous dira ce qui sera le plus rationnel.
Le sénateur Day : À ce stade, est-ce que les deux seuls passages frontaliers visés par ce projet pilote de précontrôle seront les Mille-Îles où le Canada construira une installation aux États-Unis, et celui de Fort Erie-Buffalo, où les États-Unis construiront une installation au Canada, à Fort Erie?
M. Goatbe : C'est juste. Ces deux sites ont été annoncés publiquement.
Le sénateur Day : Est-il possible que d'autres points de passage s'ajouteront au cours des deux ou trois prochaines années?
M. Goatbe : Nul n'a décidé consciemment d'envisager un autre site, sinon pour dire qu'il y aura des possibilités à l'avenir, mais il n'y a rien de plus ferme que cela.
Le sénateur Day : Dans le cas des petits postes frontaliers, envisage-t-on quelque chose pour améliorer la sécurité et accélérer les flux dans les deux sens? Ces postes dont vous parlez sont tous deux très importants.
M. Goatbe : On pourrait à un petit poste frontière appliquer potentiellement un accord de précontrôle terrestre mais aucune décision ferme n'a encore été prise de consacrer beaucoup de temps à cette perspective. Il s'agit pour le moment de conclure cet accord de précontrôle terrestre. Une fois que ces deux sites pilotes seront en place, on pourra déterminer quelles autres applications il conviendrait d'explorer.
Le sénateur Day : La décision a été prise de construire un nouveau pont entre St. Stephen et Calais. Ce point de passage est énormément important pour la région Atlantique. L'actuel est embouteillé depuis des années et les files d'attente refluent jusque dans les deux villes. J'y étais il y a quelques jours et le problème persiste. Il n'existe pas actuellement la possibilité de déployer plus de personnel pour faire passer plus de véhicules. Le pont sera construit, mais ne serait-ce pas là un lieu logique pour mettre à l'essai ces projets de précontrôle? Lorsqu'on construit un pont, il faut aussi construire des bâtiments pour la sécurité frontalière de part et d'autre de ce pont. N'est-ce pas là un des lieux où il serait logique de construire une installation commune d'un côté ou de l'autre qui assurerait le précontrôle pour les deux pays?
M. Goatbe : Je ne connais pas tous les détails du nouveau point de passage. Je suis sûr qu'il y aurait des économies à faire en construisant un bâtiment commun d'un côté. Mais avant de mettre en place le précontrôle tout le long de la frontière canado-américaine, nous devons lancer ces deux projets pilotes et les évaluer pour voir s'ils donnent bien les résultats voulus avant d'aller plus loin. S'il y a des problèmes, il ne s'agit pas de causer les mêmes tout le long de la frontière canado-américaine.
Le sénateur Day : Je comprends cela, mais vous voyez ce que je veux dire. C'est un nouveau pont. On va construire de nouveaux bâtiments pour les douanes et la sécurité frontalière. Ce poste ne devrait-il pas être en haut de la liste des lieux où vous essaierez de créer un passage efficient, le meilleur possible?
M. Goatbe : Sans aucun doute. Je ne sais pas quelles sont les contraintes à ce nouveau point de passage : y a-t-il assez de place du côté canadien et du côté américain pour construire les installations requises pour assurer une bonne circulation, ou bien s'il serait plus rationnel de construire une installation commune d'un côté, là où il y a le plus de place. Je ne connais pas la réponse à cette question.
J'en reviens au fait que nous avons convenu de créer ces deux sites que nous avons annoncés comme étant expérimentaux. Il faudra probablement les réaliser, les évaluer et s'assurer qu'ils fonctionnent bien comme nous l'espérons avant de les multiplier tout le long de la frontière.
Le sénateur Day : Mais à l'heure où l'on planifie des passages frontaliers dans tout le Canada, si vous savez que des gros travaux de construction seront entrepris quelque part, avec de nouvelles routes d'accès, c'est peut-être là où il y aurait lieu de faire une réflexion prospective au lieu de choisir plutôt quelque pont existant et de construire ces nouvelles installations de la manière traditionnelle et d'attendre de voir ce qui se passera dans 20 ans. Voilà ce que j'essayais de montrer.
M. Goatbe : Votre argument s'applique tout autant au nouveau passage frontalier en cours de construction sur le Niagara pour soulager le pont Peace. Comme vous le savez, des pourparlers sont en cours à Windsor-Detroit sur un nouveau point de passage à cet endroit. Votre argument s'appliquerait tout autant à ces deux-là.
Le sénateur Day : J'espère que lorsqu'on finira par construire un nouveau point de passage à Detroit-Windsor, c'est exactement le raisonnement que vous tiendrez et que ce nouveau poste sera tout en haut de la liste.
M. Goatbe : Il faut à tout le moins conclure l'accord de principe afin que l'on sache exactement comment les choses vont fonctionner et ce que elles signifient de part et d'autre. Ensuite, potentiellement, nous pourrons réfléchir à ce qui pourrait être fait au-delà des deux sites pilotes.
Le sénateur Day : Mon collègue, le sénateur Meighen, et moi-même connaissons bien la frontière entre le Nouveau-Brunswick et le Maine et entre le Québec et la Nouvelle-Angleterre. Je lui cède donc la parole pour parler d'une question qui nous intéresse tous deux, à savoir les groupes de justiciers qui s'activent le long de la frontière.
Le sénateur Meighen : Le sénateur Day a la gentillesse d'autoriser quelqu'un qui est arrivé en retard à poser cette question, mais on a beaucoup parlé dans la presse du projet Minuteman. Est-ce que les États-Unis vous ont donné notification officielle de leur présence ou de leurs actions?
Deuxièmement, est-ce que leur présence ou leurs actions influent sur les négociations dont vous nous parlez ce soir?
M. Goatbe : À ma connaissance, nous n'avons pas reçu notification du gouvernement américain car ces groupes ne sont pas autorisés par lui. Ce sont des groupes privés qui se sont constitués spontanément. Non, ces agissements qui se manifestent sur la frontière mexicaine et sur la frontière canadienne n'ont absolument aucun impact sur les négociations concernant cette initiative particulière.
Le sénateur Meighen : Dois-je déduire de votre réponse que vous n'avez pas connaissance d'actions qu'ils auraient entrepris à proximité d'un quelconque point de passage?
M. Goatbe : Je n'ai connaissance d'aucune et j'aurais probablement été informé s'il y en avait eu.
Le sénateur Meighen : Je vois. Merci beaucoup.
Quelle est la différence entre un projet pilote et un projet? La différence est-elle que l'on se limite à un projet plutôt que d'entreprendre le même projet sur plusieurs sites?
M. Goatbe : Je vais vous donner ma définition d'un « projet pilote » et ce n'est peut-être pas la bonne. Pour moi, un projet pilote c'est quelque chose que vous mettez en place dans un endroit ou dans plusieurs à titre expérimental avant de le généraliser à l'échelle nationale. Un projet, c'est quelque chose dont vous êtes raisonnablement assuré qu'il marchera bien. Vous concevez, élaborez et exécutez le projet, et vous l'appliquez à l'échelle nationale sans attendre les résultats d'un essai pilote.
Le sénateur Meighen : Merci. C'est bien ce que je pensais. Vous avez probablement déjà répondu à cela, mais lorsque l'on parle de poste frontalier comme celui de Fort Erie-Buffalo où l'on va mener un projet pilote avec précontrôle complet — est-ce que cela suppose construire des installations? Je suppose que oui.
M. Goatbe : Oui.
Le sénateur Meighen : Si le projet pilote ne fonctionne pas, est-ce qu'on a construit ces installations pour rien?
M. Goatbe : Oui, et c'est l'un des problèmes que nous avons évoqués. Il faut s'assurer que cela va bien fonctionner parce qu'il ne s'agit pas d'un projet pilote au sens normal, où vous pouvez mener une expérience pendant six ou 12 mois et revenir à la situation antérieure. Une fois que l'on construit ces installations, les exploitants du pont et du tunnel ont besoin de l'assurance qu'elles vont durer 20 ou 30 ans, ou la durée nécessaire pour les rentabiliser.
Le sénateur Meighen : S'agissant de passages frontaliers et d'infrastructures tels que des ponts, et cetera, n'avez-vous pas l'impression que nos amis Américains se montrent moins enthousiastes que nous vis-à-vis de ces projets? Une raison toute simple pourrait être que cela encouragerait l'investissement dans des usines et installation de production du côté canadien, de la mesure où les produits pourront facilement franchir la frontière et être vendus sur le marché américain, ce qui avantage le Canada, au lieu d'avoir un franchissement difficile de la frontière, ce qui encouragerait indirectement l'investissement aux États-Unis plutôt qu'au Canada?
M. Goatbe : Selon mon expérience, non, ce n'est pas le cas au niveau de l'initiative pour la sécurité et la prospérité, et particulièrement pas le volet sécuritaire. Il y avait un grand enthousiasme de la part des trois pays, mais particulièrement des États-Unis, s'agissant de rechercher les moyens de renforcer la sécurité tout en assurant la libre circulation des marchandises et des personnes à faible risque. Sans aucun doute, c'est la considération qui sous-tend tout cet effort et c'est certainement l'optique que les États-Unis apportent à la table chaque fois que nous parlons de ces initiatives. Ils y tiennent beaucoup.
Les systèmes EXPRES et NEXUS sont de bons exemples de choses que les États-Unis ont mis en place avec beaucoup d'enthousiasme et de concert avec l'Agence des services frontaliers du Canada. Je pense que les États-Unis sont déterminés à réaliser ce type d'initiatives.
Le président : Vous nous avez beaucoup parlé de projets pilotes et d'attendre de voir s'ils marchent. Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par « voir s'ils marchent? » Quels critères utiliserez-vous pour déterminer si un poste frontalier marche ou ne marche pas? Quelles sont les mesures que vous envisagez de mettre en place pour évaluer la réussite?
M. Goatbe : Principalement, est-ce que les autorités américaines ou canadiennes pourront fonctionner avec la même efficacité dans un site de précontrôle dans l'autre pays qu'ils le font aujourd'hui? Avons-nous un flux de trafic aussi bon ou meilleur de façon à réduire les files d'attentes? Combien cela coûtera-t-il? Y a-t-il des coûts supplémentaires notables? Se pose-t-il d'autres problèmes auxquels on n'avait pas songé? Il arrive toujours des choses imprévues. Quelles sont-elles? Quelles sont leurs conséquences?
Je ne peux pas vous donner un classement ici, mais les trois premiers aspects seront les trois facteurs principaux que nous examinerons. Il faudra arrêter une stratégie d'évaluation une fois conclu l'accord de principe, mais je pense que ces trois facteurs sont primordiaux pour l'évaluation non seulement de ce projet, mais de tout ce que nous pourrons mettre en place le long de la frontière terrestre.
Le président : Qu'en est-il des évaluations déjà en cours? Avez-vous en ce moment un mécanisme d'évaluation des postes frontaliers?
M. Goatbe : Oui, mais je pense que l'ASFC serait mieux placée que moi pour vous expliquer comment elle évalue ses procédures et prend ses décisions. Je n'en ai pas une connaissance intime. C'était le cas jadis, mais plus aujourd'hui. Mes connaissances datent.
Le président : A-t-on tiré des leçons de l'expérience aéroportuaire? Est-ce sept aéroports?
M. Goatbe : Sept, et avec bientôt Halifax.
Le président : Une fois qu'on a évalué ces dispositifs, a-t-on pu en tirer des leçons?
M. Goatbe : La principale leçon apprise s'inscrivait dans la perspective américaine. L'une de leurs exigences pour aller de l'avant avec le précontrôle terrestre était qu'ils aimeraient reproduire plus complètement le type de pouvoirs et actions et mécanismes d'application de la loi en place aujourd'hui à Buffalo dans un environnement de précontrôle terrestre. Dans le cas du transport aérien, ils jouissent de certains pouvoirs aux termes de l'accord sur le précontrôle qui leur permettent d'effectuer l'inspection primaire et secondaire et, si une intervention policière est requise, ils confient cela immédiatement aux autorités canadiennes. Une demande américaine, dans l'environnement du précontrôle terrestre, est de pouvoir faire plus que ce qui était est dans le cas du précontrôle aérien.
Le président : Je n'ai jamais compris cela. Si quelqu'un s'envole pour un aéroport américain sans passer par un précontrôle au Canada, les autorités auraient la notification préalable habituelle. La personne débarquerait aux États-Unis. Les autorités auraient la possibilité de l'interroger. Ensuite, la personne disparaîtrait dans la nature. Cependant, lorsqu'il y a un précontrôle au Canada, les autorités ont la notification préalable habituelle. Elles ont l'occasion d'avoir l'interrogatoire, puis ensuite une pause pendant la durée du vol. Cela leur donne peut-être une heure, deux heures ou trois heures pour réfléchir et se demander s'ils ont pris la bonne décision. Ils auront quand même la possibilité d'appréhender la personne à l'arrivée. Qu'est-ce qui m'échappe?
M. Goatbe : Du point de vue de ce que les États-Unis souhaitent? Dans un aéroport à New York ou ailleurs aux États-Unis, lorsque quelqu'un arrive sans avoir subi le précontrôle, les autorités peuvent lui appliquer tout l'éventail de leurs formalités, y compris l'inspection primaire et secondaire. Ensuite, si une action s'impose, que ce soit pour des raisons de criminalité, de soupçon de terrorisme ou de sécurité nationale, les autorités font appel à leurs organismes d'intervention. Dans l'environnement du précontrôle aérien, les autorités font le filtrage initial aux fins des douanes et de l'immigration, mais s'il se pose un problème de type criminalité ou sécurité nationale, la personne est remise aux autorités canadiennes.
Dans un monde parfait, lorsqu'ils disent vouloir reproduire exactement ce qu'ils font dans leurs bureaux américains dans l'environnement du précontrôle, voilà ce dont ils parlent. Ils voudraient pouvoir maîtriser tout le processus, jusqu'à la conclusion.
Le président : Ou bien ils se tiennent cois jusqu'à ce que la personne atterrisse aux États-Unis, ensuite de quoi ils peuvent faire ce qu'ils veulent. Ils disposent d'une heure ou deux de plus, la durée du vol, pour réfléchir et mettre en place les ressources voulues.
M. Goatbe : Je ne puis parler au nom des douanes et services de protection frontalière américains et des autorités américaines quant à ce qui motive leurs demandes. Tout ce que je peux dire, c'est ce qu'ils nous ont demandé.
Le président : Mais dans le courant des négociations, ne disent-ils pas : « Voici les avantages, et voici les inconvénients pour nous », ou bien ne leur faites-vous pas remarquer que le délai leur procure peut-être un avantage?
M. Goatbe : Ils comprennent que si vous précontrôlez une personne ou une marchandise avant son arrivée aux États-Unis, ou dans n'importe quel autre pays, vous réglez le problème avant qu'il se pose dans leur pays. C'est donc une moindre menace. Les États-Unis comprennent bien cet avantage.
Ils voient également ce qu'ils font sur le plan de la communication préalable des listes de passagers, comme vous le dites, c'est-à-dire qu'ils sont informés par avance de l'identité des passagers et qu'ils ont la possibilité de les intercepter à l'arrivée. Ils voient clairement certains avantages dans l'environnement du précontrôle aérien, mais ils ne peuvent pas conduire toute la procédure à son terme comme ils le font dans un aéroport de New York où ils contrôlent les arrivants.
Ils doivent former leur personnel. Lorsque vous envoyez un agent des douanes et services frontaliers américains au Canada, qui est accoutumé à contrôler les gens dans un aéroport de New York, il faut lui dispenser une formation sur notre façon de faire les choses au Canada sous le régime de l'accord sur le précontrôle aérien. Les procédures sont différentes, et il faut donc les former différemment.
Le président : Qui absorbe le coût supplémentaire des agents qui assurent le précontrôle? Autrement dit, lorsqu'un agent des douanes et de l'immigration américain travaille dans un aéroport au Canada, qui absorbe le coût supplémentaire que cela suppose?
M. Goatbe : Les installations sont fournies par les aéroports. Je vais devoir vérifier, car je ne sais pas et je le devrais, mais je crois que les coûts sont absorbés par les États-Unis. Je dis cela car l'un des problèmes qui s'est posé lorsqu'il s'est agi de faire le précontrôle à Halifax était l'obtention de crédits correspondants, mais je vais vérifier.
Le président : Je ne sais pas ce qu'en pensent mes collègues, mais lorsque je vous écoute décrire le processus que vous suivez avec les projets pilotes, je n'ai pas l'impression d'une grande urgence. Je ne veux pas vous méjuger, mais j'ai l'impression que ce processus est assez lent et qu'il ne va pas aboutir avant plusieurs années. Certains membres du comité, et c'est certainement mon cas, trouvent cette affaire urgente. Pourriez-vous m'indiquer si vous travaillez avec un sentiment d'urgence et pourquoi tout semble aller si lentement? Il s'est écoulé tant d'années, et nous en sommes toujours à discuter de principes généraux. Il reste encore trois ou quatre grandes étapes à parcourir, qui prendront beaucoup de temps.
M. Goatbe : Les deux gouvernements attachent une grande priorité aux négociations, et c'est pourquoi nous avons établi l'échéance de décembre 2005 pour la conclusion de l'accord de principe. Une fois celui-ci en place, il sera le moteur de beaucoup d'autres initiatives qui doivent être entreprises en parallèle, pour mettre en place les installations et le personnel. Mais tant que nous n'avons pas l'accord de principe, certaines de ces choses devront attendre, par définition, jusqu'à ce que nous sachions exactement ce qui va être fait.
Comme je l'ai indiqué, une partie de la planification des installations peut commencer avant cela. Il faut déjà avoir une idée de ce que les douanes et les services de protection frontalière américains aimeraient voir dans leurs installations de Fort Erie, et ce que l'Agence des services frontaliers du Canada aimerait avoir en place dans les Mille-Îles du côté américain. La détermination des besoins est déjà commencée mais il faut avoir l'accord de principe pour comprendre exactement comment le processus va fonctionner avant de finaliser les mesures législatives. Les exploitants des ponts et tunnels doivent avoir cette assurance pour commencer à faire les investissements requis. Mais c'est une très forte priorité pour les deux gouvernements.
Je comprends bien que vous parlez et entendez parler de cela depuis pas mal de temps, mais nous avançons aussi rapidement que nous le pouvons.
Le sénateur Forrestall : J'aimerais savoir si le programme Ship Rider a été une réussite et quel a été le résultat des exercices portuaires conjoints menés par le Canada et les États-Unis au printemps dernier. Je n'en ai pas entendu parler. Était-ce une réussite? Ont-il bien marché? En ferons-nous d'autres? Allons-nous élargir la coopération de type Ship Rider?
M. Goatbe : Comme vous le savez, Ship Rider était un projet pilote entrepris le mois dernier. Je ne sais pas quand l'évaluation doit être achevée, mais elle n'est pas encore terminée. Tout élargissement de Ship Rider dépendra de cette évaluation conjointe. Je ne connais pas par cœur la date d'achèvement de cette évaluation. Nous pourrons vérifier et vous transmettre le renseignement.
Le président : Monsieur Goatbe et monsieur Gibbard, je vous remercie d'avoir comparu devant le comité. Nous apprécions que vous ayez pris le temps de partager vos vues avec nous.
Avant de passer au témoin suivant, je répète que le projet de loi C-26 crée officiellement l'Agence des services frontaliers du Canada à titre d'entité distincte, ayant pour mandat d'administrer et d'assurer tous les aspects des services frontaliers canadiens sous l'autorité et à l'intérieur du portefeuille du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.
Dans son rapport d'octobre 2003 intitulé Les côtes du Canada : les plus longues frontières mal défendues au monde, le comité a recommandé la création d'un ministère permanent sous la direction du vice-premier ministre qui serait chargé de la supervision des frontières, des questions de sécurité nationale, du littoral et des catastrophes naturelles et causées par l'homme. Nous saluons donc l'arrivée de ce projet de loi.
Je vais présenter les membres du comité. Le distingué sénateur Michael Forrestall, de la Nouvelle-Écosse, a servi les électeurs de Dartmouth pendant 37 ans, d'abord comme député et maintenant comme sénateur. Lorsqu'il siégeait à la Chambre des communes, il a été critique de la défense de l'opposition officielle. Il est également membre du Sous-comité des anciens combattants.
Le sénateur Joseph Day, du Nouveau-Brunswick, est avocat et ingénieur. Il est membre des barreaux du Nouveau-Brunswick, de l'Ontario et du Québec et membre associé de l'Intellectual Property Institute of Canada. Il est vice-président du Comité sénatorial permanent des finances nationales et siège au Sous-comité des anciens combattants.
Le sénateur Michael Meighen, de l'Ontario, est avocat et membre des barreaux de l'Ontario et du Québec. Il est également chancelier du King's University College et ancien président du Festival Stratford. Il préside le Sous-comité des anciens combattants et est membre du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et du Comité sénatorial permanent des pêches et océans. Le sénateur Munson a été journaliste renommé et ancien directeur des communications du premier ministre Chrétien avant sa nomination au Sénat en 2003. Le sénateur Munson a été deux fois proposé comme lauréat des Prix Gémeaux en reconnaissance de son excellence en journalisme. Il est membre du Comité sénatorial permanent des transports et des communications.
Nous recevons aujourd'hui Helena Borges. Mme Borges est directrice générale de la Politique des transports de surface à Transports Canada. Elle travaille à Transports Canada depuis 15 ans. En juillet 2005, elle a assumé les fonctions de directrice générale, ses responsabilités englobant l'élaboration des politiques concernant, le transport ferroviaire, routier, intermodal, urbain, l'infrastructure routière et frontalière et les systèmes de transport intelligents.
Elle est accompagnée de Douglas Challborn. M. Challborn est directeur adjoint à la Direction des relations générales avec les États-Unis, Affaires étrangères Canada. Il gère une équipe d'agents qui s'occupent de questions touchant la gestion de la frontière, notamment le transport transfrontalier, les douanes et la circulation des personnes.
Ils sont accompagnés de Pete DiPonio, directeur régional, Agence des services frontaliers du Canada. M. DiPonio nous a reçu lorsque nous avons visité Windsor et nous sommes heureux de le retrouver.
Helena Borges, directrice générale, Projets spéciaux, Groupe des politiques, Transports Canada : Mes propos de ce soir porteront sur deux aspects de mon travail. Je parlerai donc premièrement des activités frontalières de Transports Canada sur l'axe Windsor-Detroit. Ensuite, je traiterai d'un sujet étroitement apparenté mais plus vaste, le travail que nous effectuons au sein du Groupe de travail Canada-États-Unis, sur les questions frontalières de transport.
Pour ce qui est du premier sujet, le gouvernement fédéral travaille activement à l'accroissement de la capacité de franchissement du poste frontalier Windsor-Detroit. Nous avons conscience de l'importance névralgique de ce point de passage. C'est le plus important couloir commercial d'Amérique du Nord.
Compte tenu de l'importance de ce couloir, le gouvernement fédéral a décidé d'adopter une stratégie sur deux fronts pour régler les problèmes d'encombrement à Windsor. À long terme, nous collaborons avec nos partenaires binationaux, qui sont la province de l'Ontario, la Federal Highway Administration des États-Unis et l'État du Michigan, afin de créer la nouvelle capacité frontalière.
Sachant que cela prendra du temps et qu'il nous faut simultanément apporter des améliorations à Windsor, nous travaillons également avec l'Ontario et les administrations locales — soit la ville de Windsor et les autorités de comté — à des initiatives qui contribueront à améliorer la circulation du trafic vers les postes frontaliers existants.
Ce soir, je ferai le point des progrès que nous avons réalisés et dans nos initiatives à long terme et dans celles à court terme. Mon sous-ministre adjoint a comparu ici en février dernier pour vous expliquer le processus binational, mais nous avons réalisé depuis des progrès dont je veux vous faire part.
En juin dernier, le projet binational de franchissement de la rivière Detroit, dont le but est l'expansion de la capacité de franchissement à Windsor-Detroit, a franchi une importante étape. Il a identifié 15 tracés possibles qui ont été présentés au public dans le cadre d'une série d'opérations portes ouvertes des deux côtés de la frontière. Ces 15 tracés montraient où se situeraient le pont ainsi que les voies d'accès au réseau autoroutier américain et à l'autoroute 401 côté Ontario.
Il y a quelques semaines, les 4 et 5 octobre, le partenariat a annoncé l'élimination de huit options de tracés parce qu'elles ne respectaient pas les critères techniques. Ces tracés étaient en aval de Windsor, en face de LaSalle et Amherstburg, et en amont de Belle Île. Les évaluations environnementales se poursuivent afin de réduire les sept tracés restant à une liste sélective de deux ou trois d'ici la fin de novembre 2005, et les tracés restants seront présentés au public à des fins de consultation selon des modalités similaires à celles de juin.
Nous continuons à rechercher des moyens d'accélérer le processus de construction d'un poste frontalier élargi ou nouveau qui devrait être en place d'ici 2013, mais nous devons respecter la législation environnementale tant du Canada que des États-Unis. À défaut, nous risquerions de compromettre l'échéancier en nous exposant à des contestations juridiques. La capacité supplémentaire de franchissement de la rivière Detroit sera soumise à la surveillance publique nécessaire dans les deux pays.
Le partenariat étudie divers modèles de gouvernance et cadre de reddition de comptes. Ces modèles pourraient englober des méthodes de financement et d'acquisition alternative, telle qu'une collaboration avec le secteur privé ou l'éventuelle création d'une entité publique, de type administration, celle du pont Peace en étant un exemple.
Pour ce qui est des initiatives à court terme, ce que nous appelons la stratégie « Il faut que ça bouge à Windsor-Essex » avance. La stratégie a été annoncée en mars 2004 par les gouvernements du Canada, de l'Ontario et de la ville de Windsor. À l'époque, cinq projets initiaux ont été annoncés, totalisant plus de 80 millions de dollars. Je ne vais pas les passer en revue, je crois que vous en avez la liste, mais je pourrais y revenir plus tard si vous le souhaitez.
En avril de cette année, les gouvernements du Canada et de l'Ontario ont annoncé un investissement supplémentaire de 129 millions de dollars pour de nouvelles initiatives, qui sont au nombre de sept ou huit.
Tous les projets de la phase un sont en cours, tandis que ceux de la phase deux sont prêts à démarrer, à l'exception d'une évaluation environnementale que la ville de Windsor a mise en attente en attendant de nouvelles discussions entre elle et nous. Nous poursuivons des pourparlers avec la ville et nos collègues provinciaux pour déterminer s'il y a d'autres initiatives que nous pouvons prendre conjointement afin d'améliorer les flux de circulation à court et à moyen terme.
Je dirai maintenant quelques mots sur le Groupe de travail Canada-États-Unis sur les questions frontalières de transport. En octobre 2000, Transports Canada et le U.S. Department of Transportation ont conclu un protocole de coopération qui souligne l'importance d'une coordination étroite des initiatives de transport le long de la frontière entre le Canada et les États-Unis. Ce protocole fait état du besoin d'augmenter le niveau et la rapidité des communications entre les deux ministères et soulignait l'importance de rencontres plus régulières pour procéder à des échanges d'information et discuter des questions d'intérêt mutuel.
C'est suite à cette entente qu'a été formé en janvier 2002 le Groupe de travail Canada-États-Unis sur les questions frontalières de transport. Parmi ses principaux membres, il faut citer les ministères fédéraux, étatiques et provinciaux des transports des deux côtés de la frontière, la Customs and Border Protection Agency des États-Unis et l'Agence des services frontaliers du Canada. En outre, nous avons aussi le ministère de Affaires étrangères et le Département d'État des États-Unis, ainsi que d'autres partenaires, notamment les organismes régionaux de planification. Tous les États limitrophes du nord des États-Unis et les provinces canadiennes sont partenaires au sein de cette tribune, et Transports Canada et la Federal Highway Administration des États-Unis font office de coprésidents.
La mission du groupe de travail est de faciliter la circulation sûre, sécuritaire, efficace et durable des voyageurs et des marchandises à travers la frontière entre le Canada et les États-Unis. En regroupant ces multiples organismes de transport et de services frontaliers et d'autres organisations, le groupe de travail vise à coordonner la planification des transports, la mise en œuvre des politiques et le déploiement de technologies pour renforcer les infrastructures et les activités frontalières. À ce titre, ce forum stimule les communications soutenues, le partage de l'information et l'échange de pratiques exemplaires afin d'améliorer les transports, de même que les systèmes de sécurité et de sûreté qui relient nos deux pays.
Le groupe de travail se réunit en séance plénière deux fois par an, au Canada et aux États-Unis alternativement. En outre, il existe des sous-comités qui se réunissent régulièrement en cours d'année pour étudier les dossiers et les initiatives qui présentent un intérêt général pour les partenaires. Afin que le forum reste productif, au cours de l'été 2004, les coprésidents ont dressé l'inventaire des réalisations du groupe de travail et envoyé un questionnaire à tous les membres sur les orientations futures qu'ils souhaitent. Depuis lors, le groupe de travail a été restructuré et il est maintenant coiffé par un comité directeur représentatif qui est chargé d'assurer la coordination intégrée et efficace de toutes les activités du groupe.
Comme vous le savez, en mars 2005, les dirigeants du Canada, des États-Unis et du Mexique ont dévoilé un nouveau partenariat nord-américain pour la sécurité et la prospérité qui prend acte de l'intégration continentale croissante et qui amène à travailler à l'échelle trilatérale afin de rendre nos sociétés plus sûres et nos économies plus dynamiques. Les questions frontalières occupent une place de choix dans le programme du PSP et les États-Unis et le Canada ont convenu que le groupe de travail s'occupera des engagements visant la facilitation du transport transfrontalier. En outre, on a reconnu que certaines initiatives des sous-comités du groupe de travail présentent un tel potentiel qu'elles font désormais partie du programme du PSP.
Par exemple, le Canada et les États-Unis ont pris l'engagement de réaliser une architecture des échanges d'information frontalière afin de renforcer l'interopérabilité des technologies frontalières et d'établir un répertoire des infrastructures frontalières qui décrit les besoins infrastructurels des points de passage les plus achalandés entre le Canada et les États-Unis.
En outre, Transports Canada s'occupe de préparer une Enquête nationale sur route 2006 (ENR) pour recueillir des données sur la circulation des poids lourds à la frontière et le long des principaux axes interprovinciaux. La Federal Highway Administration et plusieurs partenaires étatiques américains ont manifesté le désir de participer au volet frontalier de cette initiative, et Transports Canada continue d'utiliser le groupe de travail pour informer ses partenaires américains des progrès de l'ENR et planifier leur participation plus poussée.
Depuis que l'ex-ministre des transports et l'ex-Secretary of Transportation ont signé le protocole de coopération en 2000, le groupe de travail est devenu un réseau de près de 140 conseillers politiques, planificateurs des transports et autres professionnels dans plus de 20 juridictions frontalières, une douzaine d'organismes fédéraux et plusieurs organisations de planification. Par ailleurs, le groupe s'est métamorphosé en un mécanisme dynamique de partage d'information entre le Canada et les États-Unis et nous poursuivons des initiatives le long de la frontière qui ajoutent de la valeur au plus important partenariat commercial binational du monde.
Je remercie le comité de son invitation et me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Douglas Challborn, directeur adjoint, Direction des relations générales avec les États-Unis, Affaires étrangères Canada : Je suis responsable des questions frontalières et de transport au sein de la Division des relations avec les États-Unis de la Direction générale de l'Amérique du Nord, à Affaires étrangères Canada.
Les autres sections de ma division sont structurées autour des grands enjeux de politique étrangère et de défense ainsi que des questions d'environnement et de ressources naturelles. Je collabore étroitement avec mes homologues des autres divisions. Nous en avons une qui se concentre spécifiquement sur les efforts de sensibilisation aux États-Unis et une autre qui est responsable du Mexique. À nous trois, nous formons la Direction générale de l'Amérique du Nord.
Je commencerai aujourd'hui par quelques observations générales qui seront suivies d'exemples spécifiques qui devraient vous intéresser directement puisque vous cherchez de plus amples informations sur le rôle de mon ministère vis-à-vis des questions frontalières.
Comme vous le savez, en avril dernier, le gouvernement a déposé un nouvel énoncé de politique internationale. Quatre ou cinq mois se sont écoulés depuis et il faut savoir que cet énoncé a imprimé une nouvelle direction à notre politique internationale, notamment vis-à-vis des États-Unis. C'est le premier énoncé qui non seulement intègre les objectifs des quatre grands ministères à vocation internationale — Affaires étrangères Canada, ACDI, ministère de la Défense nationale et Commerce international Canada — mais aussi prend en compte le rôle international de tous les autres ministères fédéraux, ainsi que de ressources jusqu'alors inexploitées aux niveaux provincial et municipal.
Par exemple, l'énoncé de politique internationale marque la première reconnaissance de l'Amérique du Nord comme concept, hormis l'Accord de libre-échange nord-américain. Autrement dit, l'énoncé de politique internationale pose que, tout comme beaucoup d'Européens et d'Asiatiques de l'Est réfléchissent sur une base régionale, nous en Amérique du Nord devrions réfléchir à l'évolution de ce continent par rapport à la Chine ou à l'Union européenne. Si nous réfléchissons selon ces axes, la prochaine étape logique sera de rendre cet espace économique plus efficient et de collaborer plus efficacement aux nouveaux défis sécuritaires communs, tels que Haïti.
Le président : Monsieur Challborn, nous nous inquiétons un peu de la durée des deux exposés. Si vous pouviez simplement résumer, nous lirons tous votre document.
M. Challborn : Ce sera avec plaisir.
J'aimerais maintenant vous donner quelques exemples de la manière dont le ministère des Affaires étrangères collabore avec ses ministères partenaires sur les questions frontalières et les intérêts canadiens à la frontière. Un exemple récent est ce que les États-Unis appellent leur Western Hemisphere Travel Initiative. La WHTI vise à donner effet à une disposition de l'Intelligence Reform and Terrorism Prevention Act adopté par le Congrès en décembre 2004. Elle impose à tous les citoyens américains et aux ressortissants du Canada, du Mexique et des Bermudes de présenter un passeport ou un autre titre de voyage reconnu qui établisse l'identité et la nationalité du porteur pour entrer ou revenir aux États-Unis, et ce à compter du 31 décembre 2006 par air et mer et du 31 décembre 2007 aux postes frontaliers terrestres.
Le 1er décembre, le Department of Homeland Security et le Department of State ont publié un projet de règlement à cet effet. Le ministère des Affaires étrangères l'a communiqué aux provinces, territoires et à tous les grands intervenants nationaux. Nous avons commencé à coordonner et élaborer une position politique canadienne concernant la WHTI, travaillant en relation étroite avec le Groupe de travail sur les frontières du BCP et d'autres ministères et organismes, dont l'ASFC, CIC et Passeport Canada.
Nous venons juste de dépasser le milieu de ce processus. Mardi, nous serons les hôtes, ici à Ottawa, d'une grande conférence sur les répercussions de la WHTI où nous recueillerons les avis et commentaires des provinces et intervenants. Cette information contribuera à façonner notre position canadienne, que nous devons présenter au gouvernement américain avant le 31 octobre.
Par le biais de notre ambassade de Washington, de nos consulats à Seattle, Minneapolis, Detroit, Buffalo et de notre bureau à Anchorage, nous avons exprimé les interrogations et préoccupations canadiennes relativement à la WHTI aux gouverneurs et législateurs et dialogué avec les intervenants des villes frontalières.
Je vais vous donner quelques exemples plus concrets avant de conclure. Toutes nos missions aux États-Unis transmettent des rapports hebdomadaires sur la frontière à Affaires étrangères Canada et à nos ministères partenaires. Elles dialoguent constamment avec les parties prenantes, les gouvernements et législateurs étatiques et provinciaux, les maires et associations sur les positions canadiennes et communes. Nous avons réussi à créer, dans certains cas, des réseaux transfrontaliers tels que la Binational Tourism Alliance dans la région de Niagara et la New York State Smart Border Coalition.
Affaires étrangères Canada, de même que nos missions, fournissent un soutien important pour des initiatives frontalières clés telles que les négociations conduites par le BCP en vue de projets pilotes de précontrôle à la frontière terrestre. Nous le faisons en fournissant des explications sur les intérêts américains ainsi que des avis juridiques relatifs au traité et en dialoguant avec les principaux intervenants de ces villes frontalières afin de rallier leur soutien au projet.
Nous espérons organiser la semaine prochaine quelques réunions préparatoires avec nos collègues américains afin de discuter des problèmes qui se posent au niveau du précontrôle aérien. Le ministère des Affaires étrangères est légalement responsable de l'accord sur le précontrôle aérien, et nous jouons donc un rôle important dans ces discussions.
À Detroit, notre mission copréside un groupe de travail de la Chambre de commerce régionale de Detroit, appelé Northern Border for Economic Security and Trade, au sein duquel sont rassemblés les principaux intervenants des deux côtés de la frontière. Nos missions fournissent également des conseils importants à des associations majeures ici au Canada, telles que l'Alliance canadienne du camionnage, l'Ontario Trucking Alliance, la Chambre de commerce du Canada et l'Ontario Chamber of Commerce.
Je voulais vous citer ces exemples particuliers afin de donner aux membres du comité une idée de la manière dont le ministère des Affaires étrangères, ici à Ottawa et dans ces missions, soutient les ministères tels que Transports Canada et l'ASFC dans leurs efforts de promotion de nos intérêts à la frontière.
Le président : Merci, monsieur Challborn. Vous avez fait état d'une conférence qui se tient demain. Qu'avez-vous fait pour informer les parlementaires de la tenue de cette conférence, et plus particulièrement les comités qui travaillent sur ce sujet?
M. Challborn : Nous avons communiqué préalablement par l'intermédiaire du groupe interparlementaire au sujet du problème d'ensemble de la WHTI. Plus récemment, une lettre a été adressée par Roy Cullen, secrétaire parlementaire du vice-premier ministre, transmettant des informations sur la WHTI à ses collègues parlementaires. C'est une lettre récente, elle est peut-être encore en chemin.
Le président : Vous tenez une conférence demain, et il y a un certain nombre de parlementaires des deux Chambres qui portent un réel intérêt au sujet.
Le sénateur Meighen : Ils pourraient bien contribuer également des connaissances.
Le président : Il y a une petite chance qu'ils connaissent un peu le sujet. Vous dites que si nous ne vous avions pas invité comme témoin ce soir, nous aurions appris l'existence de la conférence en lisant les journaux mercredi.
M. Challborn : C'est une conférence qui s'adresse particulièrement aux provinces, territoires et principaux intervenants.
Le président : Diriez-vous que le Parlement est un intervenant dans cette affaire?
M. Challborn : Bien entendu.
Le président : Alors, pourquoi tient-on à l'écart des gens comme nous ou nos collègues de l'autre endroit?
M. Challborn : Je pense que la décision a été prise d'inviter les représentants provinciaux et territoriaux ainsi que ceux des grandes associations canadiennes dans le milieu touristique et apparenté.
Le sénateur Forrestall : Quelqu'un nous a totalement oublié.
Le président : En effet. Qui est responsable de la conférence, s'il vous plaît?
M. Challborn : L'invitation a été envoyée via mon sous-ministre adjoint, Peter Boehm.
Le président : Pourriez-vous lui demander de nous expliquer par écrit pourquoi les parlementaires n'ont pas été invités?
M. Challborn : Avec plaisir.
Le président : Pourriez-vous lui dire que le comité souhaite des explications. Nous aimerions connaître les raisons pour lesquelles nous n'avons pas été informés au préalable de la conférence, pourquoi nous n'avons pas reçu l'ordre du jour et pourquoi nous n'avons pas reçu l'information de fond à ce sujet. Veuillez lui dire que, selon la qualité de sa réponse, il se pourrait bien que nous le convoquions pour qu'il s'explique en personne.
M. Challborn : Je ne manquerai pas de transmettre immédiatement votre demande.
Le président : Merci beaucoup. Je suis impatient de lire cette lettre demain matin.
La conférence commence demain, n'est-ce pas?
M. Challborn : La conférence commence demain, oui.
Le sénateur Day : Madame Borges, j'ai une série de questions concernant ce que vous qualifiez d'initiative à court terme, le projet « Il faut que ça bouge à Windsor-Essex ».
Je remarque que dans la phase I il est question d'une évaluation environnementale et dans la phase II de nouveau des évaluations environnementales.
Qui effectue ces évaluations environnementales, une entreprise privée ou bien un organisme public?
Mme Borges : Les évaluations environnementales sont généralement effectuées par des organismes publics. Selon le projet, ce peut être soit la ville de Windsor soit la province de l'Ontario. Ils sont responsables de leur réalisation et habituellement ils font appel à des cabinets d'experts-conseils privés pour faire le travail.
Le sénateur Day : Il me semble que les retards ici semblent largement dus aux évaluations environnementales. N'est-il pas possible de les accélérer en les confiant au secteur privé? Avez-vous recherché des façons d'accélérer les évaluations environnementales?
Mme Borges : Nous recherchons sans cesse des façons d'accélérer le processus d'évaluation environnementale. Selon la nature du projet, par exemple s'il s'agit d'agrandir un ouvrage déjà existant, d'une route déjà existante, le processus environnemental peut être raccourci du fait qu'une infrastructure routière existe déjà, que le couloir existe déjà.
En revanche, s'il s'agit d'un nouvel ouvrage de franchissement, route ou autre, il faut normalement plus longtemps, selon la nature du mécanisme d'évaluation mis en place. Différentes échéances ont déjà été fixées au processus environnemental.
Le sénateur Day : Recherchez-vous des façons d'accélérer cet aspect particulier?
Mme Borges : Oui, la liste des projets individuels que vous avez en main comprend les évaluations environnementales. Ces projets se déroulent également dans différentes juridictions. Certains appartiennent à la province, d'autres à la ville de Windsor et un au comté d'Essex. Chaque autorité responsable doit entreprendre individuellement l'évaluation environnementale de ce projet.
Le sénateur Day : Toutefois, l'évaluation environnementale peut être effectuée, et elle l'est souvent — par une société privée à la demande de la municipalité ou du gouvernement, selon le niveau concerné.
Mme Borges : C'est juste.
Le sénateur Meighen : Sur le plan de l'environnement, et je vous pose la question comme membre du Groupe de travail sur le transport transfrontalier, vous avez fait état des contraintes d'évaluation environnementale canadienne, mais je suppose que l'on peut multiplier cela par deux, voire plus, car les Américains doivent suivre le même processus, n'est-ce pas?
Mme Borges : Pour un ouvrage international, oui. Les projets dont parlait le sénateur Day sont tous situés entièrement au Canada, et donc les exigences canadiennes sont seules applicables.
Le sénateur Meighen : Je parle d'un pont ou d'un tunnel, qui mettrait en jeu les deux pays.
Mme Borges : C'est juste. En fait, trois évaluations environnementales sont requises, et elles sont toutes harmonisées du côté canadien. Il y a la Loi ontarienne sur l'évaluation environnementale, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et, du côté américain, la National Environmental Policy Act. Les deux évaluations canadiennes ont maintenant été amalgamées. Du côté américain, nous coordonnons les EE de concert, c'est-à-dire que nous avons une équipe canadienne travaillant avec une équipe américaine, et les évaluations sont menées simultanément.
Le sénateur Meighen : C'est la meilleure nouvelle que j'ai entendue depuis mon arrivée ici. C'est merveilleux. J'aimerais que vous puissiez appliquer cela aux municipalités et aux provinces à travers tout le pays, afin que ces évaluations environnementales avancent un peu plus vite.
Le sénateur Day : Madame Borges, je ne veux pas vous donner l'impression ou vous amener à conclure que nous ne sommes pas intéressés à effectuer scrupuleusement les évaluations environnementales. Je recherche simplement des façons d'avancer plus rapidement, car l'échéance de 2013 me paraît être très lointaine.
Mme Borges : L'évaluation environnementale sera terminée fin 2007 pour le nouveau point de passage. Le restant du temps est occupé par l'acquisition des terrains, car il nous faudra acheter les terrains pour l'assise du pont et les voies d'accès, ainsi que par la conception, les études techniques et la réalisation de l'ouvrage.
Le sénateur Day : J'en viendrai au long terme, à savoir le pont, dans un instant. J'en suis toujours au court terme.
Mme Borges : Les initiatives de court terme ne prendront pas beaucoup de temps. La plupart de ces projets seront achevés dans les trois ou quatre prochaines années.
Le sénateur Day : La phase I de vos projets à court terme avait pour échéance mars 2004, soit il y a 18 mois. Vous dites que les projets de phase I avancent.
Depuis combien de temps traîne cette évaluation environnementale concernant le chemin Lauzon, qui exige de nouveaux pourparlers avec la ville de Windsor? Donnez-nous une idée de ce qui fait obstacle?
Mme Borges : Je vais vous donner un exemple. Dans la phase deux, il y avait un projet de passerelle piétonnière au-dessus de Church Road. Le projet est maintenant achevé et la passerelle a été inaugurée fin septembre. Nous avions annoncé ce projet en mars 2004, et il est maintenant terminé.
Dans le cas de l'évaluation environnementale du chemin Lauzon, par exemple, nous avons annoncé son lancement en avril de cette année et nous sommes en pourparlers avec la ville sur la façon de procéder. Nous devons définir le mandat, lancer une demande de proposition, puis faire réaliser l'évaluation. Nous pensons qu'il faudra environ 18 mois pour la boucler, et après ce délai, la conception et la construction pourront commencer.
Le sénateur Day : Vous, soit le gouvernement fédéral, avez annoncé vouloir faire quelque chose concernant la promenade Lauzon; est-ce exact?
Mme Borges : Exact.
Le sénateur Day : Vous avez fait l'annonce en avril dernier, mais vous êtes toujours en pourparlers avec la ville de Windsor?
Mme Borges : C'est juste.
Le sénateur Day : Pourquoi n'avez-vous pas pu conclure cette affaire avec la ville de Windsor en l'espace de six mois?
Mme Borges : Il y avait un problème lié à un autre projet que la ville voulait englober. Tant que nous n'avions pas réglé la question de l'autre projet, la ville refusait d'avancer sur celui-ci.
Le sénateur Day : Avez-vous souvent ce marchandage avec diverses parties qui vous dites : « Nous ferons ceci à condition que vous fassiez cela »?
Mme Borges : Parfois, oui.
Le sénateur Day : Avez-vous l'impression que nos cousins américains font traîner les choses car l'intérêt économique des États américains du Nord est de ne pas faciliter le passage de la frontière?
Mme Borges : Parlez-vous là du nouveau pont?
Le sénateur Day : Je parle de toute activité qui exige des évaluations environnementales ou la coopération de certains partenaires.
Mme Borges : Nous ne rencontrons aucune résistance du côté américain. Au contraire, nous travaillons main dans la main avec nos partenaires du Michigan responsables des routes fédérales et nous avançons au même rythme. Nous faisons les évaluations ensemble et l'information du public, avec des opérations portes ouvertes, en même temps des deux côtés de la frontière.
Par exemple, j'ai mentionné qu'en juin, pour le nouveau pont, nous avons annoncé les 15 tracés possibles, et ce simultanément au Canada et aux États-Unis. Nous collaborons très bien.
Il y a deux semaines, nous avons annoncé la liste abrégée. Elle a été annoncée aux États-Unis en soirée et chez nous au Canada le lendemain matin. Nous avançons d'un même pas.
Le sénateur Day : Il n'y a donc pas à l'échelle internationale le même marchandage qu'avec la ville de Windsor?
Mme Borges : Oui, sur le front binational, il s'agit d'un projet mettant en jeu quatre gouvernements et nous travaillons ensemble. Le projet avec la ville de Windsor et les autres que nous avons mentionnés dans les phases un et deux mettent en jeu ces gouvernements. Les ouvrages appartiennent à ces gouvernements et nous devons collaborer avec eux pour nous assurer qu'ils font le travail requis et ont les moyens de le réaliser.
Dans l'ensemble, la collaboration est bonne. Tous les autres projets avancent. Celui-ci est le seul faisant toujours l'objet de pourparlers.
Le sénateur Day : J'apprécie que vous nous indiquiez tous ces projets car cela nous donne une petite idée de vos difficultés. S'il est d'autres projets majeurs dont vous pensez devoir nous parler ultérieurement, j'apprécierais que vous le fassiez.
Si je vous ai bien suivi, vous êtes descendu à sept tracés. Je me suis demandé pourquoi, alors que vous cherchez à économiser du temps et accélérer les choses, vous avez initialement présenté au public 15 tracés possibles? Pourquoi avoir alerté le public et fâché certains groupes et subi toutes les conséquences d'une présentation publique, alors que vous saviez que 14 tracés sur les 15 ne seront pas retenus? Pourquoi ne pas les avoir étudiés au niveau interne, appliqué les priorités puis présenté au public une sélection de deux ou trois tracés?
Mme Borges : Le mécanisme d'évaluation environnementale exige une consultation du public à divers stades du processus. Nous cherchons à être aussi transparents et ouverts que possible s'agissant de consulter le public et d'assurer sa participation aux différentes étapes.
En juin, nous avons identifié les tracés possibles. Nous avons consulté le public sur les facteurs à prendre en compte dans la sélection. Nous pensons que l'opinion du public est importante étant donné les divers facteurs à prendre en compte pour raccourcir la liste. Ces facteurs comprennent les aspects environnementaux, sociaux, historiques, la pollution atmosphérique et ce genre de choses. Tous ces facteurs pèsent sur la décision et nous voulons faire en sorte que le public soit informé et partie prenante à ces décisions.
Le sénateur Day : Le sénateur Kenny a une question complémentaire à poser et je reprendrai la parole ensuite.
Le président : C'est une question en deux parties. Premièrement, j'ai cru comprendre que la ville de Windsor a retardé les négociations sur un deuxième pont, à cause d'un problème non apparenté?
Mme Borges : Non, les négociations avec la ville de Windsor portaient sur des projets à moyen et court terme dans la ville, et pas du tout sur le pont international.
Le président : Je ne comprends toujours pas. Peut-être ai-je mal posé la question. La ville de Windsor a choisi de ne pas négocier avec le gouvernement fédéral à cause d'un problème en rapport avec le pont ou bien d'un problème qui ne concernait pas le pont?
Mme Borges : Elle a choisi d'arrêter les discussions à cause d'un autre projet qu'elle souhaitait réaliser à Windsor.
Le président : Ce projet n'avait rien à voir avec le franchissement de la frontière?
Mme Borges : Il n'avait rien à voir avec le nouveau pont mais nous estimions que ce projet en particulier pourrait avoir des répercussions sur le pont international car il se situait sur l'un des tracés, ou touchait plusieurs des tracés des voies d'accès possibles au nouveau pont. Nous ne voulions pas envisager de nouveaux alignements dans ce secteur en dehors du processus binational.
Le président : L'une des raisons pour lesquelles le sénateur Day s'interroge sur la réaction aux États-Unis c'est que, lorsque nous étions à Washington, nos collègues du Congrès nous ont dit qu'ils ne décelaient aucune pression en faveur d'une réalisation rapide du pont. Ils nous ont dit qu'ils étaient beaucoup sollicités par des Canadiens mais pas du tout par des électeurs des membres du Congrès. Votre expérience reflète-t-elle cela?
Mme Borges : Non, nous travaillons avec nos homologues américains depuis 2001 sur la création d'un nouveau pont et jusqu'à présent nous n'avons rencontré aucune résistance chez eux. La collaboration est bonne. Qu'il y ait des interventions actives au niveau politique ou gouvernemental aux États-Unis, je ne le sais pas. Nous-mêmes recevons beaucoup d'interventions au Canada, mais les Américains travaillent avec nous à vive allure et nous ne rencontrons aucun obstacle venant d'eux.
Le président : Ce n'était pas juste un membre du Congrès qui nous a dit cela, nous en avons rencontré un certain nombre représentant le Michigan qui disaient que ce semble être un sujet chaud pour nous mais non pas pour eux. Plus que cela, ils rencontraient beaucoup de réactions de rejet du type « pas dans ma cour ». Des élections municipales et d'État sont à l'horizon et personne ne veut bouger sur ces questions jusque-là. Vous n'avez pas rencontré de telles réactions?
Mme Borges : Non.
Le président : Qu'en est-il des Affaires étrangères? Entendez-vous ce genre de choses?
M. Challborn : Je n'ai pas connaissance de pressions du genre de celles dont vous parlez. D'après ce que nous pouvons voir dans notre consulat de Detroit, la coopération sur ce dossier est excellente entre les juridictions. Je ne me souviens d'aucune information particulière transmise récemment par nos missions faisant état de pressions exercées sur les membres du Congrès.
Le sénateur Day : J'en viens maintenant au problème du pont par opposition au projet de court terme « Il faut que ça bouge à Windsor-Essex », qui est bon. Il est bon que vous travailliez là-dessus.
Venons-en maintenant au pont. J'aimerais savoir si tout le monde convient que la fermeture ou la perte d'un point de passage à Windsor-Detroit aurait des conséquences catastrophiques sur les économies du Canada et des États-Unis. Sommes-nous d'accord là-dessus?
Mme Borges : Nous sommes d'accord.
Le sénateur Day : Êtes-vous convaincus tous deux que nous faisons tout le nécessaire pour réduire le risque d'une telle catastrophe?
Mme Borges : Je crois que oui. Je crois que nous travaillons non seulement à ce projet de pont, mais aussi sur le tunnel. Nous travaillons avec l'exploitant des traversiers qui assure également un transport vers les États-Unis. Nous travaillons à Sarnia, qui fait partie de la Porte d'accès du sud-ouest ontarien et nous effectuons des travaux d'amélioration et du côté canadien et du côté américain de ce point de passage.
Nous travaillons également avec les chemins de fer. Vous avez probablement entendu parler du système d'inspection des véhicules et du fret, le VACIS, un dispositif permettant de radiographier tous les trains. Cette technologie est actuellement en cours de déploiement à Windsor. À partir de cette semaine, tous les trains à destination de Detroit seront radiographiés et seront pleinement conformes aux exigences américaines. C'est la même chose sur la ligne CN à Sarnia.
Nous adoptons une approche multimodale, de telle façon que si quelque chose survenait à un point de passage, le trafic pourrait en emprunter un autre et continuer de circuler. Parallèlement, nous travaillons sur une nouvelle capacité de franchissement.
Le sénateur Day : Je comprends cela. Pour ce qui est du nouveau pont, avez-vous établi un échéancier? Vous avez un diagramme indiquant les dates des différentes étapes, n'est-ce pas?
Mme Borges : Oui.
Le sénateur Day : Telle chose et telle évaluation doivent être faites avant telle date. Avez-vous écrit par-dessus, pour ne pas oublier, ce qui se passerait si l'un des ouvrages transfrontaliers existants était fermé pour quelque raison que ce soit?
Mme Borges : Nous y pensons chaque jour.
Le sénateur Day : Il faut avancer?
Mme Borges : Il faut avancer.
Le sénateur Day : Vous en êtes tous convaincus?
Mme Borges : Nous en sommes tous convaincus et je peux vous assurer que le processus d'évaluation environnementale est en bonne voie. Il n'est pas facile d'abattre tout ce travail avec quatre partenaires et un grand nombre de parties jouant un rôle, mais nous respectons l'échéancier.
Le sénateur Day : Bruce McQuaig, du ministère des Transports de l'Ontario, nous a dit que votre échéancier ne prenait pas en compte une perturbation de longue durée due à la destruction ou la paralysie d'un ouvrage de franchissement. Êtes-vous en désaccord avec cela?
Mme Borges : Ne prend pas en compte?
Le sénateur Day : Ne prend pas en compte.
Mme Borges : Je ne suis pas sûre de bien comprendre la réponse et la question. Nous avançons avec la planification du nouveau pont, afin qu'il soit réalisé dans les meilleurs délais. Nous travaillons aussi sur les autres points de passage afin d'assurer que si quelque chose arrive à l'un d'entre eux ou à un mode de transport, il y ait redondance, c'est-à-dire une capacité supplémentaire ailleurs pour absorber le trafic. Nous cherchons à accélérer l'ouvrage binational chaque jour, afin de le réaliser dans les meilleurs délais possibles et avoir en place un nouveau franchissement le plus tôt possible.
Le sénateur Day : Vous avez envisagé plusieurs plans d'urgence en cas de paralysie de l'un des points de passage à Detroit-Windsor. Nous avez-vous parlé de tous les plans, et avez-vous également pris en compte les questions sécuritaires?
Mme Borges : Oui, la plupart de ces plans ont été mis en place peu après le 11 septembre. Par exemple, à cette époque, l'attente pour traverser le pont Ambassador était probablement de 12 heures ou plus. Certaines entreprises, dont Chrysler Canada, ont passé contrat avec CP Rail pour assurer un service de navette entre Detroit et Windsor pour ces marchandises. Il y a cette possibilité. Nous remarquons chaque jour que si des travaux de construction ou une perturbation quelconque surviennent dans un endroit, l'information est suffisamment bien disséminée pour que les usagers empruntent un autre passage.
Le sénateur Day : Vous nous avez parlé de votre échéancier pour diverses choses, et vous avez réduit votre liste à trois trajets possibles. Est-ce que l'un ou l'autre des partenaires a une préférence pour ou contre un pont dans les limites de la ville ou l'agglomération? J'ai remarqué que les huit que vous avez abandonnés sur les 15 se situaient en amont et en aval de l'agglomération. Est-ce une coïncidence?
Mme Borges : Le secteur dans lequel se situent les sept options encore sur la table couvre une distance de cinq à huit kilomètres. Connaissez-vous la géographie de Windsor?
Le sénateur Day : Oui, notre comité s'y est rendu.
Mme Borges : Si vous savez où se situe le tunnel ferroviaire actuel, c'est le passage le plus à l'est encore sur la table, l'autre extrême étant le sud-ouest, en face de LaSalle nord et de la promenade Ojibway. Il y a là sept emplacements possibles, dont le tunnel sous la rivière Detroit, le doublement du pont Ambassador, plus plusieurs ouvrages entièrement nouveaux. Toutes ces options restent sur la table.
Le sénateur Day : Laissons de côté un instant Detroit-Windsor pour vous emmener dans l'Est. Je connais le site choisi pour le nouveau pont sur la rivière St. Croix. C'est en dehors de la ville. La municipalité souhaite-t-elle qu'il soit situé dans la ville ou en dehors? Était-ce un facteur? La sécurité a-t-elle été prise en compte pour cette décision?
Mme Borges : Oui à toutes ces questions. De fait, nous avons procédé à une consultation publique à ce sujet. La population de Windsor et de Detroit a été catégorique concernant certaines options de franchissement. Par exemple, le Partenariat du tunnel de la rivière Detroit, soit la conversion d'une voie ferroviaire en route de camions a fait l'objet d'une vive opposition dans la ville de Windsor. Du côté de Detroit, il y a eu davantage d'opposition aux deux périphériques mais moins contre le site du passage actuel et une option un peu plus à l'est, car c'est principalement une zone industrielle.
Du côté canadien, il y avait des réserves concernant les trajets en face de la promenade Ojibway, principalement parce qu'il s'agit là de parcs écologiquement sensibles; divers groupes nous ont dit qu'il fallait préserver ces parcs et, quel que soit le tracé routier choisi, éviter ces zones naturelles sensibles.
Le sénateur Day : Dois-je interpréter votre réponse comme signifiant que la préférence irait à un autre passage proche de ceux qui existent déjà, parce que les riverains y sont déjà habitués à la circulation et à la densité du trafic?
Mme Borges : Ils préféreraient probablement que le passage ne soit pas situé tout à côté des sites actuels, mais probablement un peu plus au sud et à l'ouest, dans les zones industrielles. Cela semble plus raisonnable. Ils n'aiment pas l'idée de les avoir dans des secteurs résidentiels ou commerciaux, mais plutôt dans des zones industrielles où ils perturberaient moins la vie communautaire. De même, les effets environnementaux y seraient probablement réduits.
Le sénateur Day : Dès lors qu'il y a consultation publique, vous aurez toujours ce type de réaction : « Pas dans ma cour. L'idée est bonne, mais construisez cela ailleurs ».
Mme Borges : C'est invariable.
Le sénateur Day : Qui prend en compte les considérations sécuritaires dans cette évaluation?
Mme Borges : Ce sont les mêmes qui prennent en compte tous les facteurs. Tous les aspects sont examinés. Nous avons des consultations poussées avec nos collègues de l'Agence des services frontaliers du Canada. Nous avons eu des réunions sur les mesures de sécurité avec la garde côtière canadienne, avec nos propres collègues du Ministère, avec Sécurité publique et Protection civile Canada et nos homologues américains. Tous ces groupes participent à notre processus et nous collaborons étroitement avec eux. Nous les avons englobés dans la consultation et nous prenons ces choses en considération.
Le sénateur Day : Lorsque vous dites les mêmes personnes, ce n'est pas dans la consultation publique que la sécurité est prise en compte. C'est une considération autre prise en compte prise par le groupe de décision.
Mme Borges : C'est juste.
Le sénateur Day : Connaissez-vous la proposition de Schwartz Engineering? Je l'ai dans mon bureau. L'honorable Jim Peterson a émis l'avis qu'il fallait adopter ce plan et le réaliser sans tarder. Pouvez-vous me dire ce qu'il en est de ce plan d'ingénierie?
Mme Borges : Je connais ce rapport. Le gouvernement fédéral a adopté quelques-unes des initiatives prévues dans le rapport Schwartz. De fait, les initiatives de deuxième phase dont vous avez parlé plus tôt sont toutes dans le rapport Schwartz.
Le sénateur Day : Y compris celles à court terme?
Mme Borges : Oui. Il y a dans le rapport Schwartz un projet que nous n'avons pas adopté. Nous avons déposé la semaine dernière, à Windsor, un rapport d'un ingénieur indépendant que nous avons engagé pour une étude préalable sur un projet proposé par la ville. C'est ce que l'on appelle le projet de contournement du chemin Huron Church, qui détournerait les camions du chemin Huron Church sur une distance de deux kilomètres, avec une bretelle de retour. Nous étions préoccupés tant par la nature de ce projet que par ses répercussions sur le processus binational. Nous n'avons pas accepté de le financer ou de lui donner le feu vert. Nous avons engagé un ingénieur indépendant, au cas où notre interprétation aurait été fausse. L'ingénieur indépendant a validé nos préoccupations. Nous n'allons pas réaliser celui-ci, mais nous exécutons tous les autres éléments du rapport de Schwartz Engineering.
Le sénateur Day : Pour ce qui du nouveau franchissement, vous nous avez indiqué un échéancier et vous dites que vous continuez à rechercher des moyens d'accélérer le chantier pour qu'un nouveau franchissement soit en place en 2013. Si vous ne trouvez pas de nouvelles façons d'accélérer les choses, le passage ne sera-t-il pas en place en 2013?
Mme Borges : Non, 2013 est notre date estimative de mise en service du passage, c'est-à-dire que les travaux seront achevés à cette date.
Le sénateur Day : Si vous continuez à rechercher des façons d'accélérer le processus, est-il possible que les travaux soient terminés avant 2013?
Mme Borges : C'est ce que nous continuons à rechercher, au cas où quelque chose nous aurait échappé. Nous avons demandé à différents cabinets d'experts de nous conseiller. Peut-on abréger quelque chose, comme vous l'avez mentionné, au niveau de l'évaluation environnementale? Nous faisons beaucoup de travaux en parallèle, et donc lorsque nous faisons l'évaluation environnementale, quels sont les terrains requis? Nous commençons à examiner les expropriations requises. C'est ce que nous appelons l'exécution en parallèle. Nous entreprenons tous nos travaux en parallèle de façon à faire autant de choses que possible simultanément, et ce dans les deux pays.
Le sénateur Day : Avez-vous pu identifier les obstacles qui pourraient freiner les travaux, ou bien y a-t-il des domaines autres que l'évaluation environnementale, dont nous avons déjà parlé, où l'on pourrait réaliser des économies de temps?
Mme Borges : Dans le cadre de l'évaluation environnementale, nous commençons déjà la conception du nouveau franchissement, afin d'accélérer le processus de conception. Normalement, on attend la fin de l'évaluation environnementale, puis on passe à la conception et aux études techniques détaillées. Or, dans le cadre de l'évaluation environnementale, nous comptons réaliser ces deux éléments au cours des deux prochaines années.
Le sénateur Day : Est-ce que cela concerne les deux ou trois tracés possibles?
Mme Borges : Oui, les trois, et puis, lorsque nous aurons retenu le tracé final, nous passerons à la conception plus détaillée.
Pour ce qui est des obstacles possibles, le plus gros pourrait provenir de l'évaluation environnementale. Lorsque nous disons que nous devons faire preuve de diligence à cet égard pour éviter toute contestation potentielle, il y a de nombreuses entités ayant des intérêts divergents vis-à-vis du nouveau passage. Nous savons que nous mettons en jeu tout le monde. Nous mettons en jeu les collectivités, les pouvoirs publics et le secteur privé. Quiconque veut participer, peut le faire. Selon ce que sera la décision finale, l'une ou l'autre partie pourrait en être mécontente et vouloir contester. Notre objectif est de faire en sorte d'avoir un processus rigoureux, délibéré et totalement documenté, de telle façon que si quelqu'un nous conteste en justice, nous aurons tous les éléments bien en ordre et toute l'information disponible de façon à ne pas souffrir de retard. Cependant, c'est toujours un risque.
Le sénateur Day : Est-ce que vous optez pour le processus d'évaluation environnementale moins coûteux que le ministre peut autoriser ou bien optez-vous pour le processus complet, avec audience publique, pour tous les projets?
Mme Borges : En l'occurrence, étant donné l'ampleur du projet, l'engagement des quatre niveaux de gouvernement et les répercussions sur plusieurs collectivités, nous procédons à ce que l'on appelle l'évaluation exhaustive. Nous pensons qu'il ne serait pas possible de faire moins en l'occurrence. Nous ne voulons pas faire moins, afin d'assurer que nous entendions les avis du public et ceux de toutes les parties intéressées par le tracé.
Le sénateur Forrestall : Est-ce que le processus environnemental dissuade le secteur privé de s'intéresser à un pont-jetée, en particulier?
Mme Borges : Dissuade?
Le sénateur Forrestall : J'ai l'impression que vous n'êtes pas inondés d'offres du secteur privé de construire quatre ou cinq ponts au-dessus de la rivière.
Mme Borges : Nous avons actuellement trois propositions du secteur privé...
Le sénateur Forrestall : Qui viennent toutes du même côté.
Mme Borges : Non, des deux côtés. Le Detroit River Tunnel Partnership est un consortium canadien qui construirait des deux côtés. Il a déjà acquis des terrains à Detroit et se prépare à construire la totalité du franchissement. Le propriétaire actuel du pont Ambassador a également soumis une proposition.
Le sénateur Meighen : Il a également acquis des terrains.
Mme Borges : C'est juste. Une troisième société, le Groupe Mishkan, se montre beaucoup moins dynamique. Ce sont des promoteurs américains qui ont exprimé un intérêt mais qui, contrairement aux deux autres, sont moins actifs.
Le sénateur Forrestall : C'est bien. Je suis ravi. Je me demande s'ils n'ont pas été dissuadés par le coût énorme d'une évaluation environnementale complète.
Mme Borges : Ce ne sont pas les promoteurs qui paient pour notre évaluation environnementale. Les gouvernements du Canada et de l'Ontario paient pour l'évaluation du côté canadien et le gouvernement du Michigan et le gouvernement fédéral paient pour le côté américain.
Le sénateur Forrestall : Les pouvoirs publics absorbent ce coût, qu'il s'agisse d'une initiative du secteur privé ou du gouvernement?
Mme Borges : L'évaluation environnementale aura été payée et les pouvoirs publics décideront si le franchissement sera...
Le sénateur Forrestall : Si le coût sera couvert par une taxe ou par un autre moyen.
Mme Borges : Oui.
Le sénateur Day : Nous tenons à faire savoir à nos trois témoins que nous considérons leurs actions comme extrêmement importantes pour le Canada. Pour des raisons économiques et sécuritaires, nous tenons à ce que les choses se fassent aussi rapidement et soigneusement que possible.
Mme Borges : Nous apprécions votre soutien et continuerons à travailler aussi fort que nous le pourrons.
Le sénateur Meighen : Le sénateur Day a laissé subsister quelques petites questions mais pas beaucoup car il s'est étendu sur tout le rivage, si vous me permettez l'expression. Il me reste un ou deux points à aborder.
La première et seule date que j'aie jamais entendue pour l'achèvement des travaux est 2013. Vous nous avez apporté la meilleure nouvelle, soit l'harmonisation des évaluations environnementales entre les autorités canadiennes et américaines. J'espère que cela va contribuer à une accélération du processus. Cependant, à vous entendre, je ne vois guère de probabilité que l'on puisse devancer l'échéance de 2013, mais je fais peut-être preuve d'un pessimisme excessif. Les membres du comité et la plupart des Canadiens qui s'intéressent à ce sujet trouvent que c'est un très long délai. Vous avez recensé un grand nombre de contraintes auxquelles, c'est compréhensible, vous ne pouvez échapper.
Depuis le tout début, vous n'avez pas pu raccourcir le délai, sauf erreur de ma part. Nonobstant les succès que vous avez mentionnés, y a-t-il une autre chose qui améliorerait les chances de réduire ce délai d'un ou deux ans?
Mme Borges : Une fois l'évaluation environnementale bouclée, nous envisagerons la façon de construire la structure. Normalement, les gouvernements ont des mécanismes traditionnels de passation de marchés de construction. Nous réfléchissons aux possibilités de passer contrat avec le secteur privé pour construire plus vite une structure sous la forme d'un partenariat public-privé. Nous espérons pouvoir accélérer également cette phase et nous examinons ces possibilités. Cela ne signifie pas que la structure sera une propriété privée mais que l'adjudication des marchés serait le fait du secteur privé. Lorsqu'on impose des contraintes de performance aux entrepreneurs, ils tendent à travailler plus vite. Nous réfléchissons à ces possibilités. Mais vous savez que nous traitons avec quatre gouvernements, dont chacun a ses propres politiques en matière d'acquisition. Cependant, il pourrait y avoir là une possibilité de réduire le délai.
Le sénateur Meighen : Vous avez dit que le nombre d'options est encore de sept ou huit.
Mme Borges : Il y en a sept.
Le sénateur Meighen : Toutes hors sol?
Mme Borges : Oui, l'une des conclusions en juin était qu'un tunnel serait difficile dans la région du fait du niveau phréatique et d'autres problèmes tels que le sel, l'extraction de saumure et diverses autres considérations environnementales. Il faudra que ce soit un pont dans ce secteur.
Le sénateur Meighen : Si ce doit être un pont, pouvez-vous me dire quelle est la position officielle, le cas échéant, du propriétaire du pont Ambassador?
Mme Borges : Il collabore, étant l'un des groupes privés intéressés par le franchissement binational. Nous lui avons demandé quantité de renseignements sur ces plans. Comme je l'ai dit, il a déposé une proposition de dédoublement du pont, que nous avons examinée. Il collabore pleinement avec nous. L'an dernier, il a déposé une demande d'agrément en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale de son projet de doublement du pont. Nous avons donné suite mais il n'y a pas eu d'autres activités jusqu'à présent. Je ne peux que conclure que ce groupe, et les autres, attendent de voir la liste restreinte des tracés potentiels.
Le sénateur Meighen : Je présume qu'une fois qu'un projet aura été retenu, vous n'aurez pas à négocier avec les propriétaires pour acquérir les terrains nécessaires. Vous procéderez plutôt par expropriation.
Mme Borges : Oui.
Le sénateur Meighen : Cela pourrait accélérer le processus.
Mme Borges : C'est une option. Notre préférence serait d'acquérir les terrains à titre volontaire. Vous avez raison, et le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral ont des pouvoirs d'expropriation et les utiliseront si nécessaire pour acquérir les terrains requis.
Le sénateur Meighen : Est-ce que les questions de sécurité nationale sont automatiquement prises en compte dans les évaluations environnementales? Quelle place occupent-elles sur la liste des priorités?
Mme Borges : Elles sont en assez bonne place. S'agissant d'un passage comme celui de Windsor, nous travaillons avec nos collègues de l'Agence des services frontaliers du Canada, la Garde côtière et les responsables de la sécurité chez Transports Canada pour assurer que la sécurité soit dûment prise en compte aux fins du choix des emplacements. Du point de vue de la sécurité, le facteur de redondance en fait partie, c'est-à-dire que tout nouveau passage doit offrir la redondance requise au cas où une tragédie regrettable surviendrait dans un endroit quelconque.
Le sénateur Meighen : Étant donné qu'il s'agira d'un pont, est-ce que votre organisation a pris position? Y a-t-il une position internationale commune? Est-ce que vous recherchez conjointement la meilleure méthode d'inspecter les véhicules sur ce nouveau pont, soit conjointement, soit séparément, soit par un système de précontrôle ou autre? Est-ce que cela dépendra surtout du site, plutôt que d'un autre facteur?
Mme Borges : Non, cela est pris en considération. Nos premières rencontres avec l'Agence des services frontaliers du Canada et la Customs and Border Protection Agency visait justement à identifier les options possibles pour l'inspection.
Le sénateur Meighen : Est-ce que je ne les ai pas toutes couvertes?
Mme Borges : Oui.
Le sénateur Meighen : Vers quoi penchez-vous?
Mme Borges : À ce stade, nous gardons ouvertes les options, tant pour un précontrôle ou un contrôle inverse que pour l'approche traditionnelle. Nous visons de ne pas placer les installations d'inspection sur le pont mais plutôt à terre. Si je me souviens bien, nous réservons une superficie de 100 acres pour les installations d'inspection. Cela suffirait pour l'un ou l'autre de ces scénarios.
Le sénateur Meighen : Le fait de placer ces installations sur la terre ferme plutôt qu'en plein milieu d'un pont est dicté, je présume, par des considérations de sécurité et peut-être aussi de coût.
Mme Borges : La sécurité y est pour beaucoup, mais il s'agit aussi d'éviter les problèmes de congestion, de bruit, de pollution atmosphérique, ce genre de choses. Si vous gardez le trafic sur la surface, il sera plus facile de contrôler la circulation et les files d'attente, plutôt qu'en les ayant sur le pont.
Le sénateur Meighen : Vous avez mentionné le dispositif VACIS, un sujet qui a toujours intéressé le comité, particulièrement lorsque nous avons visité Windsor. Je crois que vous avez dit qu'à partir de la semaine prochaine le système sera utilisé sur tous les trains arrivant au Canada.
Mme Borges : Tous les trains allant aux États-Unis.
Le sénateur Meighen : Et ceux arrivant au Canada?
Mme Borges : Le Canada n'a pas actuellement pour politique d'employer le VACIS pour le trafic ferroviaire entrant au Canada.
Le sénateur Meighen : Les trains arrivent donc sans avoir été inspectés par VACIS. Y a-t-il une autre inspection?
Mme Borges : Je vais laisser M. DiPonio répondre car il est de l'Agence des services frontaliers du Canada et pourra vous expliquer cela mieux que moi.
Pete DiPonio, directeur régional, Agence des services frontaliers du Canada : Oui, ils sont sujets aux procédures d'inspection normale que nous appliquons à tous les modes. Nous classons en fonction du risque et inspectons les conteneurs et les cargaisons en fonction de cela. Nous n'avons pas une politique d'inspection à 100 p. 100 de tout ce qui entre au Canada.
Le sénateur Meighen : Je sais. Qu'en est-il des camions? Lorsque nous y étions, si je me souviens bien, les camions n'étaient pas inspectés 24 heures par jour à l'entrée au Canada. Cela a-t-il changé depuis?
M. DiPonio : Non, nous avons une capacité d'inspection 24 heures par jour. Nous n'exploitons pas le VACIS 24/7.
Le sénateur Meighen : J'aurais dû formuler ma question plus clairement. Vous n'utilisez pas le VACIS 24 heures par jour?
M. DiPonio : Exact.
Le sénateur Meighen : Y a-t-il une raison à cela, autre que le coût?
M. DiPonio : Cela coûte cher et il y a des considérations de coût. Comme vous l'avez vu sur place, le dispositif exige un personnel considérable. Nous choisissons les heures les plus opportunes de l'utiliser.
Le sénateur Meighen : Que font les Américains?
M. DiPonio : Ils font de même, sauf en période de haute alerte.
Le sénateur Meighen : Peut-être le président couvrira-t-il ceci avec une question complémentaire, mais selon mon souvenir, il était notoire que les inspections étaient moins rigides, ou bien le système VACIS n'était pas en service à certaines heures. Les camionneurs le savaient tous et essayaient d'en profiter, ne serait-ce que pour éviter une perte de temps.
M. DiPonio : Je ne pense pas que ce soit le cas. Comme vous l'avez entendu lors du témoignage précédent, les camionneurs sont assez malins. Ils savent lorsque nous fonctionnons à un niveau d'inspection supérieur, et c'est pourquoi des niveaux d'inspection supérieurs pour une durée soutenue ne sont guère utiles, à notre point de vue. C'est une tactique que l'on ne peut utiliser durablement et les contrevenants peuvent attendre que vous vous fatiguiez. Nous trouvons préférable d'opérer aux moments qui nous paraissent les plus favorables, lorsque nous pensons avoir la meilleure chance de succès.
Le sénateur Meighen : Est-ce sur la base de tuyaux?
M. DiPonio : Exact, et c'est la direction dans laquelle nous allons depuis plusieurs années et c'est ce qui détermine notre fonctionnement : le genre de renseignements en notre possession et les résultats que nous obtenons.
Le président : Ma question complémentaire est en rapport avec la réponse que vous avez donnée en parlant « des procédures habituelles » d'inspection des trains. Quelles sont ces procédures habituelles? Pourriez-vous nous les décrire?
M. DiPonio : Normalement, les trains ne sont pas inspectés physiquement. Nous avons les connaissements qui nous sont transmis soit électroniquement soit physiquement. Les procédures habituelles consistent à évaluer le risque et à procéder à des examens ponctuels.
Le président : Votre réponse est donc que les Américains ont choisi d'utiliser VACIS pour chaque wagon entrant aux États-Unis, ce qui leur donne une image radiographique du contenu de chaque wagon entrant dans leur pays, mais nous-mêmes ne vérifions pas les wagons à l'entrée au Canada, ni par VACIS ni physiquement? Est-ce que nous nous en remettons entièrement à la documentation et aux autres renseignements que vous pouvez avoir?
M. DiPonio : Votre description est presque entièrement exacte, sauf lorsque vous dites que « nous ne vérifions aucun wagon ». Nous en vérifions beaucoup moins que le protocole américain qui exige 100 p. 100 d'inspections VACIS.
Le président : Lorsque vous dites que vous en vérifiez certains, mon souvenir des témoignages était que c'est à l'arrivée au point de destination, plutôt qu'en cours de route.
M. DiPonio : Fréquemment, oui.
Le sénateur Forrestall : Ma question porte sur les considérations juridiques qui vont s'appliquer pour décider de quel côté de la rivière va se faire le contrôle, et comment nous allons mélanger et intégrer deux agences, alors que les agents de l'une portent des armes à feu et ceux de l'autre non. Pouvez-vous nous parler quelques instants de ce problème, ou bien ne considérez-vous pas cela comme un problème? Je vous pose la question car vous êtes en contact étroit avec le syndicat et les membres. Nous avons rencontré ce genre de préoccupation, non seulement lors de notre visite chez vous mais aussi ailleurs. Pouvez-nous nous indiquer comment cette question s'insère dans les progrès d'ensemble?
Mme Borges : Selon notre optique, dans le cas du nouveau passage frontalier, nous nous concertons avec les services douaniers, les services d'inspection, afin de nous adapter à l'approche qu'ils jugent la meilleure pour ce poste frontalier. En fin de compte, ce sont eux qui vont décider. Nous leur parlons fréquemment afin d'assurer que, quelles que soient les procédures qu'ils appliquent, le trafic s'écoule de la manière la plus fluide possible. Jusqu'à présent, cela déjà été accompli dans le scénario actuel à Windsor. Cependant, nous cherchons à être prévoyants dans la planification, de façon à construire les installations requises par les services d'inspection, quelle que soit la décision prise à ce sujet.
M. DiPonio : Je ne suis pas sûr de pouvoir ajouter grand-chose dans le contexte de notre discussion actuelle.
Le sénateur Forrestall : Je veux savoir ce que vous ferez sur le plan du port d'armes par vos employés. Tôt ou tard, vous allez devoir répondre à cette question. Tout le monde cherche à l'éluder, autant que je sache, depuis 20 ou 25 ans. Peut-être est-il temps de prendre position. C'est une bonne occasion pour exiger que tout le monde se remue les méninges pour trancher cette question.
C'est un problème de longue date qui ne va pas s'améliorer, mais empirer. Les problèmes ne font que s'amplifier avec le temps.
Où en sommes-nous, ou bien ne souhaitez-vous pas en parler?
M. DiPonio : Cela requiert manifestement une décision de politique nationale qui n'est pas de mon ressort. Je sais qu'il y a beaucoup de remous et de débats autour de ce sujet. Je peux vous dire quels sont nos résultats actuels, et ils sont très bons. Nous pouvons être fiers du travail que font nos agents. Nous interceptons beaucoup de gens dangereux en possession d'armes dangereuses.
Le sénateur Forrestall : Vous êtes presque condescendant. Je ne vais pas vous arracher la tête.
M. DiPonio : J'essaie d'être aussi respectueux que possible sans vous dire...
Le sénateur Forrestall : Allez-y, dites-moi. Vous ne pouvez pas me manquer de respect. Vous payez mon salaire, alors dites-moi tout ce que vous voulez me dire.
M. DiPonio : Je ne pense pas que ce soit une décision que je suis capable de prendre.
Le sénateur Forrestall : Je suis un peu facétieux. Convenez-vous que c'est une question qui reste encore sans réponse? Vous avez peut-être un statu quo, mais rien de plus. Peut-on le dire?
M. DiPonio : Il est juste de dire qu'il y a toujours un vif débat.
Le sénateur Forrestall : Voudriez-vous prendre part à ce débat intéressant, madame Borges?
Mme Borges : Non.
Le sénateur Forrestall : Pouvez-vous nous dire pourquoi?
Mme Borges : Mes priorités sont le transport et de veiller à ce que nous ayons l'infrastructure voulue pour assurer un passage rapide et soutenir nos collègues dans l'exercice de leurs fonctions d'inspection.
Le sénateur Forrestall : Pourquoi n'engageons-nous pas les agents des douanes et d'immigration américains pour qu'ils fassent et leur travail et le nôtre? Nous les payerions.
Mme Borges : Il faudra poser cette question au vice-premier ministre ou au président de l'AFSC.
Le sénateur Forrestall : Vous n'avez pas fait la suggestion au vice-premier ministre?
Mme Borges : Non.
Le sénateur Forrestall : Vous ne le ferez pas non plus?
Mme Borges : Non.
Le sénateur Forrestall : Merci beaucoup.
Le sénateur Meighen : Madame Borges, êtes-vous convaincue d'avoir examiné et identifié tous les points de passage possibles, ou bien y a-t-il encore la possibilité que quelqu'un vienne dire : « Pourquoi ne pas construire quelque chose ici? »
Mme Borges : Nous sommes pas mal assurés de les avoir identifiés tous. En février, lorsque mon patron était là, nous avions cinq couloirs ou bandes. À l'intérieur de ces cinq bandes, nous avons identifié l'alignement précis, c'est-à-dire l'emplacement du passage, l'emplacement des installations douanières et les routes reliant la frontière jusqu'au réseau autoroutier. Nous avons fait un travail aussi bon et exhaustif que possible dans toute cette zone. Si vous parlez de la superficie totale couverte, c'est plus de plus 40 ou 50 kilomètres de rivage.
Nous avons démontré, comme l'exige le processus d'évaluation environnementale, que nous avons examiné toutes les possibilités. Dans l'étude initiale des besoins et de la faisabilité que nous avons menée, nous avons fait un examen plus large, qui englobait Sarnia. Nous nous sommes demandés s'il fallait construire le passage à Sarnia ou Windsor. La conclusion, fondée sur les prévisions de trafic, était que Windsor était le meilleur site et nous avons donc focalisé sur Windsor.
Le sénateur Day : Si vous aviez plus de ressources, plus d'argent, pourriez-vous terminer les travaux plus vite?
Mme Borges : Non, car les ressources ne sont pas le problème pour nous. Nous avons consacré beaucoup de ressources à ce travail. Nous avons des équipes des deux côtés de la frontière. Nous devons respecter les contraintes légales qui s'imposent et à la province et à l'État.
Le sénateur Meighen : Lorsque vous aurez réussi et aurez construit...
Mme Borges : J'aime votre attitude positive.
Le sénateur Meighen : ...le nouveau passage, avez-vous fait des études pour savoir dans quelle mesure il accélérera le trafic transfrontalier et dans quelle mesure il l'augmentera? Si l'augmentation est très forte, qu'adviendra-t-il de cette vieille chère autoroute 401 déjà surencombrée?
Mme Borges : Comme vous le savez peut-être, dans le cadre de nos projets à court terme, nous élargissons actuellement la 401 à six voies, pratiquement sur toute sa longueur. Un petit tronçon autour de Woodstock doit être élargi à six voies.
Le sénateur Meighen : C'est là où se produisent sans arrêt les accidents.
Mme Borges : C'est notre prochain objectif. Il y a encore la place d'élargir la 401, et les améliorations pourront être effectuées au fur et à mesure des besoins. Nous avons des projections de trafic pour les 30 prochaines années. La construction du nouveau pont s'inscrit dans une stratégie sur 30 ans et nous tenons compte et du trafic international et du trafic local. Le chemin Huron Church, par exemple, restera en service, tout comme le pont Ambassador. Nous avons effectué les meilleures prévisions possibles pour ce qui est de la croissance du trafic de camions, du trafic de voitures, du trafic de trains et même du trafic de traversiers. Toutes ces projections sont disponibles sur le site Internet du Partenariat binational, si vous souhaitez plus de détails.
Le sénateur Meighen : J'espère que cela exclut les camions d'ordures à destination du Michigan.
Mme Borges : Cela comprend les camions d'ordures.
Le sénateur Meighen : C'est décourageant.
Le président : Pouvez-vous dire au comité quels plans d'urgence vous avez en cas d'incapacité durable du pont ou du tunnel actuel?
Mme Borges : Les plans d'urgence sont établis par les administrations des passages eux-mêmes et ils existent. Mes collègues de la section des ponts les connaissent et en parlent fréquemment avec les exploitants des passages. En outre, ces administrations coordonnent leurs plans d'urgence avec tous les services d'intervention — police, pompiers, services douaniers, et cetera.
Le président : Ma question est de savoir ce que vous ferez si le pont Ambassador est endommagé ou détruit. Quels plans d'urgence a le ministère pour assurer le trafic transfrontalier?
Mme Borges : Les plans d'urgence prévoient le recours aux autres installations. Il y a un tunnel.
Le président : Vous nous avez déjà expliqué que le tunnel n'est pas une option viable, à cause du sel.
Mme Borges : Non, je parle du tunnel existant, du tunnel routier, qui existe et qui fonctionne.
Le président : Il pourrait absorber le trafic du pont en sus de celui qui l'emprunte déjà?
Mme Borges : Il pourrait absorber plus de trafic. Je crois que les niveaux de trafic actuels du tunnel sont inférieurs à ce qu'ils étaient en 2001, si bien que le tunnel pourrait absorber plus. Le traversier des camions pourrait lui aussi absorber plus de trafic. Il y a aussi Sarnia. Les ponts de Windsor et de Sarnia ne sont pas très éloignés. Si quelque chose devait arriver, on pourrait utiliser les systèmes d'information pour conseiller aux chauffeurs de camion et aux automobilistes d'emprunter l'autre passage. Il y a aussi le réseau ferroviaire. Nous avons l'expérience de 2001 où l'on a eu recours davantage au réseau ferroviaire lorsque le pont ne fonctionnait pas à sa capacité optimale. Il s'agit de mettre à profit tous les modes.
Le président : Vous nous avez dit que vous disposez de projections et vous avez indiqué tous les différents modes pour lesquels vous en possédez. Quelle sorte de projections avez-vous si le pont ou le tunnel devenait inopérant pour une période de temps indéfinie? Combien de temps faudrait-il faire la queue si le pont était fermé et combien si le tunnel fermait?
Mme Borges : Cela dépendrait du problème. Il s'est produit des incidents sur le pont. Par exemple, l'été dernier, il y a eu un déversement de carburant sur le pont dont le nettoyage a duré quatre heures. Ils ont fermé le pont pendant ce temps-là. À ma connaissance, une partie du trafic a été détournée sur Sarnia. Une partie a emprunté le tunnel. Cela a pris quelques heures, mais le problème a été réglé.
Cela dépendrait de la situation et du temps dont on dispose pour conseiller aux gens d'utiliser les autres passages.
Le président : Advenant que le pont soit fermé pour l'avenir prévisible, quelle solution avez-vous? Est-ce que tout le monde passe par Sarnia?
Mme Borges : Actuellement, le plan d'urgence prévoit d'utiliser Sarnia, et aussi le chemin de fer. Le rail est une option ici, car la ligne a une capacité excédentaire, et l'on peut aussi emprunter la ligne de CN Rail à Sarnia.
Le président : Quelle est la capacité excédentaire de Sarnia?
Mme Borges : Il y en a beaucoup. Ce passage est loin d'être utilisé à sa capacité.
Le président : Est-ce que cela suffirait? Est-ce que les seuls retards seraient la durée supplémentaire du détour par Sarnia?
Mme Borges : Il pourrait y avoir un impact sur la capacité de traitement, mais je suis sûre que si quelque chose arrivait à Windsor et qu'il fallait davantage de ressources à Sarnia, on redéploierait les agents sur Sarnia pour faire face à la demande supplémentaire.
Le président : Au nom du comité, je veux vous remercier tous trois d'avoir comparu et de nous avoir apporté tous ces renseignements. Nous attendons d'avoir des nouvelles de quelqu'un du ministère de M. Challborn concernant la conférence de demain.
Pour les membres du public qui suivent cette émission, si vous avez des questions ou des commentaires, veuillez visiter nos sites Internet à l'adresse www.sen-sec.ca. Nous y affichons les témoignages ainsi qu'un calendrier de nos audiences. Sinon, vous pouvez contacter le greffier du comité en appelant le 1-800-267-7362 pour de plus amples renseignements ou pour savoir comment contacter les membres du comité.
Honourable sénateurs, la séance est suspendue et les témoins sont excusés.
La séance est suspendue.
La séance reprend.
Sénateurs, nous avons devant nous le lieutenant-colonel David Last, qui ne pouvait pas être présent à cinq heures. Le comité est d'accord pour entendre des commentaires reliés aux témoignages précédents. Ces témoignages étaient en réponse à la question suivante : étant donné que l'énoncé de politique de défense a esquissé les trois principaux rôles pour les Forces canadiennes — protéger le Canada et les Canadiens, défendre l'Amérique du Nord et contribuer à un monde plus sûr et plus sécuritaire en intervenant relativement aux menaces terroristes et aux États en déroute ou défaillants — sur la base de vos compétences et connaissances, quelle est la chose la plus importante que le Canada doit faire pour veiller à être en mesure de s'acquitter de ces rôles?
Colonel, la parole est à vous.
Lieutenant Colonel David Last, à titre personnel : Je m'adresse à vous avec la liberté professionnelle dont jouissent les membres de la faculté au Collège militaire royal du Canada, et mes remarques reflètent donc mes opinions personnelles et non pas celles du ministère de la Défense, des Forces canadiennes ou du Collège militaire royal du Canada.
En réponse à la question, s'il me fallait m'en tenir à une chose qu'il importe que le Canada fasse pour défendre les Canadiens, défendre l'Amérique du Nord et bâtir un monde plus sûr, ce serait d'établir les bonnes relations de commandement entre les Forces canadiennes, les gouvernements canadiens et les ressources et les renseignements qui sont nécessaires pour appuyer les opérations, et avant de livrer bataille et pendant toute opération lancée.
Vous ayant livré cette réponse résumée en une phrase, je suis prêt à illustrer cela avec un récit de trois villes, si vous aimeriez m'écouter pendant quelques minutes encore.
Le président : Il vous reste deux minutes sur trois, alors allez-y.
LCol Last : Les trois villes sont Vancouver, Windsor et Bagdad. Dans le cas des deux premières, les relations de commandement qui importent sont celles entre le commandement du Nord américain, NORTHCOM, et le commandement canadien, CANCOM, entre la Homeland Security et Sécurité publique et Protection civile Canada, SPPCC, et les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux.
Si l'on songe aux genres d'embarras qu'ont vécu les États-Unis avec les événements à la Nouvelle-Orléans, un tremblement de terre à Vancouver pourrait être de beaucoup pire. Si nous n'y consacrons pas le temps requis pour organiser efficacement nos relations de commandement et nos ressources avec nos paliers de gouvernement multiples potentiellement encombrants, je pense que nous nous exposons à des problèmes.
J'ignore à quel point nos relations de commandement et de contrôle et nos allocations de ressources ont été éprouvées en vue de ce genre de problème, mais je pense que les inondations à la Nouvelle-Orléans illustrent le genre de commandement et de contrôle auquel il nous faut réfléchir sérieusement si nous voulons protéger efficacement les Canadiens.
Je serai bref quant à Windsor, car vous avez consacré pas mal de temps à discuter de ces genres de questions et vous en savez plus que moi. Je dirais que ce sont vers le département de la Homeland Security, Sécurité publique et Protection civile Canada et les paliers de gouvernement fédéral, provinciaux et municipaux que nous voulons ici nous tourner.
Au-delà de la question de la défense de la frontière, il nous faut nous pencher sur la question plus vaste qu'est celle du plan américain pour une défense réactive approfondie et par couches, ainsi que le potentiel d'un périmètre de sécurité. Mon collègue Joel Sokolski, s'il est consulté par le comité, aurait beaucoup à dire sur les avantages d'avoir et une ceinture et des bretelles, la ceinture étant la frontière et les bretelles étant le périmètre de sécurité. Il importe que nous menions comme il se doit notre interaction avec les Américains, surtout en ce qui concerne le périmètre de sécurité.
La troisième question est peut-être la plus difficile et la plus délicate. Il y a des endroits dans le monde où les États-Unis sont en train de combattre la terreur avec finesse et sophistication.
Les Philippines comptent vraisemblablement parmi ces réussites. Les États-Unis ont affiché certaines réussites en Afghanistan, où le Canada a joué un rôle. Bagdad n'est sans doute pas un exemple de finesse et de sophistication. L'image de l'engagement américain à Bagdad illustre pourquoi il importe tant pour nous d'établir comme il faut nos relations de commandement. L'image des Américains à Bagdad en est une de troupes étrangères nombreuses, isolées, culturellement insensibles et écartées sur le plan linguistique dans une mer hostile. Ce n'est pas ainsi que l'on peut gagner une guerre mondiale contre la terreur ni engager le reste du monde dans ce qui doit être un effort collectif. Je pense que le Canada sera là-bas le plus utile s'il établit des relations de commandement et de contrôle tels que l'effort reviendra à la communauté internationale qui engagera alliés traditionnels et nouveaux alliés ainsi qu'organisations internationales. Si nous parvenons à établir cette partie de l'équation commandement et contrôle, nous pourrons être d'une aide précieuse à nos alliés américains, et je pense que c'est là l'objectif visé s'agissant de bâtir un monde plus sûr — avec un retour à l'internationalisme.
La séance est levée.