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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 2 - Témoignages du 16 novembre 2004


OTTAWA, le mardi 16 novembre 2004

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 8, pour examiner de nouvelles questions concernant son mandat et en faire rapport.

Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : La séance est ouverte. Nous avons quelques questions d'intérêt courant que je dois régler, si vous me le permettez. Ça ne sera pas long. Avec la permission des membres du comité, j'ai fait photocopier un condensé du rapport sur l'Arctique dont vous avez peut-être entendu parler. Le rapport comporte 1 300 pages. Si vous êtes d'accord, je vous le ferai distribuer. Puisque ce n'est pas un document du gouvernement, il n'est disponible que dans une seule langue, mais si vous le voulez, j'aimerais en remettre une copie à chacun de vous.

Avant d'accueillir nos invités — pardonnez-moi mon impolitesse —, nous écouterons le sénateur Buchanan nous parler de la conférence du week-end dernier. Auriez-vous l'obligeance, sénateur?

Le sénateur Buchanan : Eh bien, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs et invités, j'ai assisté pour la vingtième fois à la conférence sur l'énergie et au banquet de la feuille d'érable qui ont eu lieu à Boston, au Massachusetts, qui, soit dit en passant, est une deuxième Nouvelle-Écosse. Encore une fois, la conférence a été une grande réussite. Elle est parrainée principalement par le New England-Canada Business Council et les gouverneurs de la Nouvelle Angleterre et elle réunit des gens qui s'intéressent aux questions énergétiques au Canada et aux États-unis

Je vais vous en faire un bref compte-rendu. Nous avons commencé évidemment avec les inscriptions et un mot de bienvenue du président du New England-Canada Business Council et du coprésident du comité de l'énergie. Le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Danny Williams, a ensuite prononcé le discours d'ouverture, qui était excellent et qui portait sur le pétrole au large de Terre-Neuve. Un aperçu des changements qui s'opèrent dans la conjoncture énergétique nous a été présenté par Robert B. Catell, qui est l'ancien propriétaire et président de la Brooklyn Union Gas et l'actuel PDG de la KeySpan Corporation.

Puis, les séances ont commencé avec un modérateur et des conférenciers. La première séance portait sur les perspectives commerciales et les défis que pose l'approvisionnement pour le nord-est des États-Unis. Le modérateur était Lawrence E. Smith, conseil de la reine et partenaire chez Bennett Jones, de l'Alberta — il s'agit d'un homme brillant que je n'avais jamais rencontré auparavant. Peter Lougheed, ancien premier ministre de l'Alberta, était aussi présent à titre de consultant pour Bennett Jones. Les conférenciers étaient Steve Beasley, président du Eastern Pipeline Group, El Paso Corporation; Donald Sipe, président du New England Power Pool; James Carmichael, directeur principal du Merrimack Energy Group; et Bob Keating, commissaire du ministère des Télécommunications du Massachusetts. La deuxième séance portait sur le gaz naturel et le GNL, notamment sur le projet de terminaux de GNL dans l'état du Maine et dans les provinces de Québec, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Je dois vous dire que la Nouvelle-Écosse a une longueur d'avance dans ce domaine, parce que nous avions déjà préparé le terrain pour le terminal GNL à Bear Head, au Cap-Breton, un terrain qu'un premier ministre très visionnaire avait exproprié dans les années 1980 pour garantir la réalisation de ce projet — c'est-à-dire moi-même. J'ai décidé de me nommer, parce que certaines personnes pourraient bien ne pas savoir qui était ce premier ministre visionnaire.

Le modérateur de la deuxième séance était John Howe, vice-président, Electric Industry Affairs; on a entendu Phil Crowell, de Duke Energy; Brian Frank, PDG de BP Canada Energy Company; Eugene Grechek, Nuclear Support, de Dominion Energy Incorporated; David Hay, PDG de la Société d'Énergie du Nouveau-Brunswick; et Daniel Reicher, président de New Energy Capital Corporation. L'allocution de clôture a été prononcée par Anna Flanagan.

Au cours du déjeuner, Jean Charest, premier ministre du Québec, a prononcé le discours liminaire, que j'ai trouvé excellent. C'est ainsi que s'est terminée la conférence.

Ce soir-là, au cours du banquet de la feuille d'érable, parrainé par la Maple Leaf Foundation et le New England- Canada Business Council, auquel j'assistais pour la 20e année, on a annoncé aux 700 personnes présentes en tenue cravate noire l'intronisation du premier membre de l'académie des Canadiens et Américains émérites, c'est-à-dire moi- même. On m'a appelé et je suis allé sur la tribune devant toutes ces personnes, devant le premier ministre du Québec, le premier ministre de Terre-Neuve, l'ancien premier ministre Peter Lougheed et d'autres, et voici ce qu'on a dit : à l'occasion du 20e anniversaire du banquet de la feuille d'érable, les administrateurs de la Maple Leaf Foundation créent l'académie des Canadiens et Américains émérites. Le but de l'académie est de reconnaître les personnes qui ont contribué de façon remarquable à la promotion des relations économiques et culturelles entre le Canada et les États- unis. Ce soir, nous avons le plaisir d'introniser l'honorable John M. Buchanan, Conseil privé, conseil de la reine, à titre de premier membre de l'académie. Le sénateur Buchanan a été nommé au Sénat en 1990, élu à l'assemblée législative de la Nouvelle-Écosse en 1967, élu premier ministre provincial en 1978, réélu en 1981, 1984 et 1988, devenant ainsi le troisième premier ministre de la province à recevoir quatre mandats consécutifs. Récipiendaire de cinq diplômes honorifiques de diverses maisons d'enseignement supérieur, le sénateur Buchanan a été un fervent défenseur des relations économiques et culturelles entre nos deux pays. Pour sa vision et sa passion de l'expression, nous lui rendons hommage ce soir et, avec toute notre admiration, nous intronisons John M. Buchanan au sein de l'académie des Canadiens et Américains émérites. C'est signé par Kenneth R. Rossano, président de la Maple Leaf Foundation, et Robert B. Catell, PDG de la KeySpan Energy.

J'ai ensuite reçu un certificat du gouverneur du Massachusetts, Mitt Romney, et ce fut une merveilleuse soirée.

Le président : Merci, sénateur Buchanan. Nous nous pencherons sur quelques-unes des questions qui ont été soulevées lors de ces séances, au cours de nos futures réunions.

Bienvenue à nos invités. Merci de votre indulgence. Nous avons avec nous Mme Gélinas, Commissaire à l'environnement et au développement durable, du Bureau du vérificateur général du Canada. Elle est accompagnée de John Reed, Neil Maxwell, John Affleck et Richard Arseneault, qui sont tous des directeurs principaux.

Mme Johanne Gélinas, commissaire à l'environnement et au développement durable, Bureau du vérificateur général du Canada : Bonsoir, monsieur le président et honorables sénateurs. Merci de votre invitation. Comme le président l'a mentionné, je suis accompagnée de mes quatre directeurs principaux, qui dirigent depuis plusieurs années les travaux de vérification environnementale de mon bureau.

Mon bureau fait partie du Bureau du vérificateur général du Canada. Il vérifie les activités du gouvernement fédéral et il fait part au Parlement de toute question d'importance dans le domaine de l'environnement et du développement durable. Vous nous donnez l'occasion aujourd'hui de vous présenter quelques-unes des questions traitées dans notre dernier rapport ainsi que d'autres préoccupations plus urgentes et prioritaires que nous avons examinées dans ce rapport et dans des rapports précédents.

Dans mon rapport soumis le 26 octobre, j'ai conclu à un manque de leadership et à l'absence de priorités et de volonté de la part du gouvernement du Canada. Ce dernier n'a pas fait de progrès véritables pour assurer la protection de l'environnement et le développement durable. Nous avons donc observé des lacunes au niveau du leadership et de la mise en œuvre et une perte de crédibilité qui va en s'accentuant. Je crois que le comité peut jouer un rôle prépondérant au regard de ces lacunes.

[Français]

Les problèmes environnementaux nous touchent maintenant. Il ne s'agit pas de prévisions de difficultés. Le développement durable est une solution à appliquer dès aujourd'hui. Nous ne pouvons pas nous permettre de reporter le débat aux prochaines décennies. Malheureusement, je constate qu'on se pose encore trop de questions sur la signification du développement durable et qu'il y a encore trop peu d'actions.

Les Canadiens peuvent être fiers de l'impulsion donnée par le Canada à l'échelle mondiale en privilégiant certaines solutions aux problèmes environnementaux tels que la biodiversité et les polluants organiques persistants. Le Canada a encouragé le développement durable en jouant un rôle significatif au sein de la Commission Bruntland et en participant activement aux sommets et réunions sur le sujet.

Mais nous avons oublié que pour chaque accord international et chaque rapport, le Canada doit lui aussi prendre des mesures concrètes qui témoignent de ses engagements. Il lui incombe non seulement de se conformer aux engagements pris à l'échelle internationale, mais aussi de s'acquitter d'une foule d'autres engagements au pays même.

[Traduction]

Ainsi, on compte plus de 2 000 engagements dans le cadre de stratégies de développement durable ministérielles. Par exemple, Finances Canada s'est engagé à mieux intégrer l'économie et l'environnement au moyen du système fiscal. Ressources naturelles Canada, quant à lui, s'est engagé à élaborer une stratégie et une base de données nationale sur l'eau souterraine.

Les ministères sont tenus en vertu de la Loi sur le vérificateur général de déposer leur stratégie au Parlement tous les trois ans. Ces stratégies constituent des plans d'action ayant pour objet d'engager leurs activités et leurs programmes sur la voie du développement durable. Au cours des discussions qui vont suivre, j'espère de pouvoir vous sensibiliser à l'importance des stratégies de développement durable. À mon avis, ces stratégies sont sous-utilisées comme outils de responsabilisation.

Au cours des dernières années, j'ai entre autres demandé au gouvernement d'élaborer une stratégie fédérale de développement durable afin d'orienter les stratégies ministérielles. Le gouvernement avait promis de le faire, mais le Comité de coordination de l'environnement et du développement durable des sous-ministres, à qui cette tâche a été confiée, ne s'est toujours pas exécuté. Les stratégies de développement durable fournissent les pièces du casse-tête, mais il nous manque toujours la vue d'ensemble sur la boîte pour pouvoir assembler tous ces morceaux.

Voilà un exemple de ce que j'entends par manque de leadership. En revanche, les commentaires que le ministre Dion a faits récemment au sujet de l'élaboration d'un cadre pour une économie canadienne durable m'encouragent.

Au cours de nos travaux de vérification, nous avons relevé des lacunes importantes pour ce qui est de joindre le geste à la parole ou de l'écart au niveau de la mise en œuvre. Ainsi, après 12 ans et malgré sa promesse, Pêches et Océans Canada n'a pas encore établi de règlement sur le poisson génétiquement modifié. Après 14 ans, de nombreux ministères n'ont pas encore fait une évaluation environnementale de leurs politiques, plans et programmes. Le gouvernement n'utilise toujours pas d'instruments économiques comme le système fiscal pour promouvoir le développement durable, bien qu'il en parle depuis longtemps. Le gouvernement a très peu de certitude quant au succès de la mise en œuvre de certains de ses accords internationaux et ce, même s'ils sont appliqués depuis de nombreuses années. Enfin, après 15 ans, beaucoup de ministères ne savent pas s'ils ont atteint l'objectif de réduction de moitié des déchets de bureau solides, parce qu'ils n'ont pas mesuré correctement ces déchets. Voilà des exemples de progrès lents ou inexistants.

L'absence de progrès a des conséquences. En voici quelques exemples : on dénombre actuellement 75 nouvelles espèces menacées et des centaines de sites contaminés au Canada. La pêche à la morue s'est effondrée; le pergélisol est en train de fondre dans le nord du Canada; les villes déclenchent de fréquentes alertes au smog; on demande aux gens de faire bouillir l'eau parce que l'eau potable est polluée dans un pays où les réserves d'eau douce sont plus nombreuses que dans n'importe quel autre pays; on commence à trouver des traces de produits chimiques toxiques comme les BPC dans le lait maternel. Je suis certaine que vous pouvez, vous aussi, donner d'autres exemples. Le point à retenir, c'est que les effets de l'absence de développement durable se font sentir.

[Français]

Je ne suis pas la seule à constater ces effets. Récemment, le Conference Board du Canada a évalué le rendement de 23 pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques à l'égard d'une gamme de questions environnementales en se servant des ses propres données. Ainsi, le Canada, qui ne se classait qu'au 12e rang en 2002, se retrouvait maintenant au 16e rang en 2003.

Comment peut-on espérer des mesures concrètes s'il n'y a pas de leadership, de priorités, de volonté? Cela est impossible. Mais il n'est pas trop tard pour agir. La solution réside dans la volonté de prendre les rênes en main, de faire de l'environnement et du développement durable une priorité véritable, de récompenser le succès et l'action et de sévir.

D'après mon expérience en qualité de coprésidente du Groupe de travail sur la vérification environnementale où plus de 50 pays siègent, les comités législatifs de nombreux pays tiennent de plus en plus compte du développement durable. Ainsi, encore la semaine dernière, un comité parlementaire britannique affirmait que comme les écosystèmes subissent des agressions partout dans le monde, les limites environnementales sont imminentes, ce qui amènerait, par le fait même, des conséquences possiblement catastrophiques.

[Traduction]

Le comité britannique poursuivait en disant que pour éviter de telles conséquences, les gouvernements doivent prendre des mesures radicales pour atteindre les objectifs environnementaux et qu'à ce sujet, les possibilités sont restreintes.

J'occupe le poste de commissaire à l'environnement et au développement durables depuis maintenant quatre ans. Au cours de cette période, j'ai constaté que lorsqu'un comité parlementaire posait des questions à un ministère, ou lui demandait des rapports sur les questions que nous avions soulevées, le ministère passait toujours à l'action.

Je crois que le comité peut susciter d'autres actions en talonnant le gouvernement. Je considère que le comité a une occasion unique de se faire en permanence le gendarme du leadership fédéral dans le domaine de la protection de l'environnement et du développement durable. Ainsi, les recommandations du comité forceraient le gouvernement à agir et les demandes de rapports périodiques sur les progrès provoqueraient une action continue de sa part.

En bref, le comité peut combler les écarts en ce qui concerne la mise en œuvre et la crédibilité. Ensemble, nous pouvons faire avancer le Canada sur la voie du développement durable — un engagement qui nous tient tous à cœur.

Honorables sénateurs, voilà qui conclut ma déclaration d'ouverture. Nous serons heureux de répondre à toutes les questions du comité.

Le sénateur Harb : Nous parlons du développement durable et du fait que, selon vous, le gouvernement du Canada a peu agi dans ce domaine. En 2001-2002, le gouvernement du Canada avait prévu un certain nombre d'initiatives dans son budget, lorsque ce dernier a été débattu à la Chambre des communes. Il avait parlé très précisément du développement durable et il avait dit alors qu'il voulait mettre en place certaines mesures fiscales pour encourager des initiatives qui favoriseraient l'environnement. Avez-vous eu la chance de vérifier si l'une ou l'autre de ces mesures a été mise en œuvre ou avez-vous constaté des résultats tangibles à ce chapitre?

Mme Gélinas : Cette question touche à certains des travaux que nous avons effectués cette année. Pour la première fois, nous avons examiné en détail certains engagements pris par Finances Canada pour promouvoir le développement durable. Avant de donner la parole à mon collègue, j'aimerais ajouter un mot sur les stratégies. Ce sont les plans de match de chaque ministère. Ces derniers ont l'obligation d'élaborer ces stratégies. Dans le cas de Finances Canada, il est clair qu'on s'était engagé à examiner le système fiscal pour voir comment le pays pourrait s'en servir pour se diriger dans la voie du développement durable.

Nous avons examiné ces engagements, et c'est sur eux que porte notre rapport de cette année.

M. Neil Maxwell, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada : Les travaux que nous avons effectués relativement à Finances Canada peuvent se résumer de la façon suivante : Finances Canada a examiné et analysé des mesures fiscales individuelles, mais n'a pas porté une attention suffisante au système fiscal global pour savoir quelles en étaient les conséquences sur l'environnement. Nous avons dégagé certaines conclusions très précises que nous serions heureux d'aborder avec vous.

Lorsque nous avons déposé ce rapport, la commissaire a fait remarquer qu'il était important, parce que le Canada a été critiqué dans un certain nombre de domaines pour l'absence de mesures fiscales qui favoriseraient l'environnement. Tout récemment, l'OCDE a publié une étude intéressante. Dans l'une de ses principales conclusions, l'organisme critique le Canada pour son inaction à ce chapitre.

Mme Gélinas : J'aimerais aussi faire remarquer que lorsque nous effectuons une vérification, nous formulons des recommandations. Dans ce cas-ci, nous avons recommandé au ministère des Finances d'aller de l'avant dans l'analyse et l'examen du système fiscal pour que nous puissions savoir dans quels secteurs nous pouvons faire les choses autrement. Malheureusement, la réponse du ministère à notre recommandation était telle que nous ne savons toujours pas ce que le ministère a l'intention de faire. Toutefois, quand nous regardons cette réponse, il nous paraît plutôt évident qu'il n'a pas l'intention de changer les choses. Voilà ce qui nous inquiète. Comme mon collègue l'a dit, il est important d'utiliser des instruments économiques pour s'engager dans la voie du développement durable.

Le sénateur Harb : Après la publication du rapport, le gouvernement a annoncé la création d'un comité du Cabinet. Avez-vous été invitée à rencontrer ce comité? Avez-vous eu la chance de voir quel en était le mandat? Les membres de ce comité ont-ils communiqué avec vous? Avez-vous l'intention de les rencontrer?

À 18 heures, le ministre de l'Environnement doit comparaître devant nous. Si vous deviez lui poser une question ou lui faire une suggestion, quelle serait-elle?

Mme Gélinas : Je n'aurais pas assez d'une demi-heure pour vous dire toutes les questions que j'aimerais lui poser.

Parlons d'abord du premier point que vous avez soulevé. Ce nouveau comité du Cabinet fera certainement bouger les choses. Par ailleurs, je suis vérificatrice. Je crois ce que je vois. Il reste encore à savoir ce que ce comité sera en mesure d'accomplir, mais c'est une bonne nouvelle en soi.

Il est difficile pour moi de capter l'attention des ministres. Je propose souvent de rencontrer les ministres et même de les informer de mon rapport, mais ils se montrent habituellement peu enthousiastes à l'idée de discuter des travaux que nous avons faits.

J'espère que le ministre de l'Industrie m'invitera éventuellement pour parler de certaines lacunes que j'ai constatées. Lorsque je parle de leadership, ce n'est pas seulement au niveau bureaucratique, mais aussi au niveau politique. Je serais plus qu'heureuse de pouvoir retenir l'attention des ministres. Si vous pouvez faire quelque chose à cet égard, dites-le moi.

Quant aux questions que je poserais au ministre, il y a deux principaux sujets que j'aborderais. D'abord, mieux comprendre le mandat de ce nouveau comité ministériel. Ensuite, ce comité a un équivalent bureaucratique, qu'on appelle le Comité de coordination de l'environnement et du développement durable des sous-ministres. Ce sont eux qui ont reçu le mandat d'aller de l'avant dans certains enjeux horizontaux, de définir des priorités pour l'ensemble du gouvernement et d'élaborer cette stratégie globale de développement durable, une vision de ce à quoi le Canada devrait ressembler dans 20 ans.

J'ai dit dans ce rapport qu'il n'a pas été très difficile jusqu'à présent de suivre leurs travaux, parce que nous n'avons constaté aucun progrès. À défaut du ministre de l'Environnement, je demanderais certainement que les sous-ministres comparaissent devant vous pour expliquer leur plan d'action et ce qu'ils ont l'intention de faire. Ce serait utile pour moi, et pour vous, je l'espère.

Le sénateur Cochrane : Monsieur Maxwell, le gouvernement a-t-il instauré, à votre connaissance, des incitatifs pour les particuliers ou pour les fabricants de divers produits respectueux de l'environnement?

M. Maxwell : Le gouvernement fédéral a annoncé un certain nombre de mesures fiscales dans ses budgets successifs. Par exemple, les industries qui utilisent une énergie de remplacement ont droit à certains allégements fiscaux. On compte aussi un certain nombre de mesures individuelles. Ce qui nous inquiète, c'est qu'on n'examine pas systématiquement toutes les possibilités — peut-être certaines possibilités, mais pas la totalité. Le Canada a été critiqué sur la scène internationale parce qu'il n'utilise pas le système fiscal. Le système fiscal offre un énorme potentiel. C'est pourquoi nous posons souvent des questions et nous nous intéressons à ce sujet; au bout du compte, l'argent a le dernier mot, si on utilise le système fiscal pour encourager des pratiques qui favorisent l'environnement, en instaurant des allégements fiscaux pour l'utilisation d'une énergie de remplacement, entre autres. Par contre, le système fiscal peut aussi produire des incitatifs négatifs, par exemple, si l'on subventionne des processus industriels nocifs pour l'environnement. Le système fiscal a beaucoup de poids.

Le président : Notre rapport de la semaine prochaine va vous plaire. Pour faciliter les choses au comité comme à nos invités, je précise que nous ne passons pas, au sein de ce comité-ci et au Sénat en règle générale, par la présidence pour poser des questions ou pour fournir des réponses. Vous êtes libre de vous adresser directement à la personne de votre choix.

Le sénateur Angus : J'aimerais féliciter les témoins de la franchise de leur propos dans la déclaration liminaire et dans le rapport qu'ils ont publié récemment. Manifestement, il faut beaucoup de courage pour attaquer les questions de front et critiquer le gouvernement de la façon dont vous l'avez fait, et en termes non équivoques : trois grands échecs au niveau du leadership — à la mise en œuvre, au fait de joindre le geste à la parole et au niveau de la crédibilité —, et nous avons également lu le rapport de l'OCDE qui semble corroborer ce que vous dites.

J'ai aussi eu le privilège d'entendre à la télévision récemment l'ex-ministre de l'Environnement se plaindre du manque d'intérêt du ministère des Finances ou de ses collègues au Cabinet à l'égard des questions environnementales. J'essaie de voir comment nous pourrions régler le problème. Je vous ai entendu proposer d'avoir recours aux comités parlementaires, et j'aimerais explorer cette possibilité avec vous. Vous nous avez brossé les échecs dans leurs grandes lignes. Vous avez dit que, quoi que nous ou vous disions aux gens des Finances, ils continueront de ne rien faire essentiellement. C'est très troublant.

J'espère qu'on attirera l'attention du nouveau ministre de l'Environnement sur le sentiment de frustration exprimé par l'ex-ministre Anderson parce que, manifestement, cela ne relève pas du champ de compétence du ministère, bien que vous ayez dit qu'il n'est pas sans blâme. Pourriez-vous nous parler un peu plus longuement de la façon dont notre comité pourrait contribuer à régler le problème? Vos constatations sont très préoccupantes, et nous aimerions savoir avec un peu plus de précision ce que nous pouvons faire.

Mme Gélinas : Dans le cadre de notre travail, nous en sommes souvent venus à la même conclusion, soit qu'il y avait un manque de progrès. Je suggère que le comité laisse tomber les questions particulières et qu'il examine plutôt les causes de la lenteur de cette progression. Est-ce parce qu'on manque de leadership de la part du gouvernement? Est-ce une question de ressources? Il en existe tant d'exemples. Dans ma déclaration liminaire, j'ai parlé des nombreux engagements pris il y a 15 ans. Pourquoi suis-je encore en train de poser les mêmes questions en 2004? Je vous en donne un exemple concret : l'écologisation de la fiscalité. Le ministère des Finances l'étudie, l'examine et l'analyse depuis près de 10 ans. Il faudrait bien qu'à un certain point, il prenne une décision. J'aimerais, dans ce cas-ci, que votre comité demande au ministère ou au gouvernement dans son ensemble quelle position il adopte et quelle orientation il prend. Je ne dis pas qu'il faudrait aller dans tel ou tel sens, mais il faudrait au moins savoir dans quel sens on s'en va. Pouvons- nous comprendre? Bien des gens se posent la question. Ce serait utile si votre comité pouvait jeter de la lumière sur plusieurs points. Le gouvernement a indubitablement les outils voulus pour agir. Pourquoi ne s'en sert-il pas? Il nous faut des réponses directes à ces questions fondamentales.

Le sénateur Angus : Vous nous avez montré une brochure dans laquelle sont énumérés tous les engagements pris par les divers ministères, bien que vous n'en n'ayez nommé que deux. Je l'ai feuilletée et je vois qu'il y en a douze. Il existe un comité interministériel de sous-ministres et de directeurs. Vous avez énuméré tous les différents engagements qu'ils ont pris et vous avez affirmé qu'aucun d'entre eux n'a été tenu. Je vous entends maintenant demander à notre comité, et je tiens à tirer cela au clair, monsieur le président, d'exiger des comptes et de nous fournir les raisons de leur inaction. Alors que je me préparais pour la réunion d'aujourd'hui, j'ai constaté que votre budget était d'environ 3 millions de dollars. J'avais prévu de vous demander si cela était suffisant. Toutefois, d'après ce que vous avez dit, le budget semble être suffisant, d'une certaine façon, pour découvrir quels sont les problèmes qui empêchent de passer à l'action. Vous aimeriez qu'on passe à l'action. On suggère entre autres que le comité pose des questions à ce sujet, bien que je ne sois pas sûr qu'il soit juste de penser que le comité a ce genre de pouvoir. Madame Gélinas, avez-vous d'autres suggestions concrètes à nous faire?

Mme Gélinas : Vous avez tout à fait raison. Je préférerais travailler de plus près avec les comités parlementaires et sénatoriaux que d'avoir un plus gros budget et de faire plus d'audits. Il y a suffisamment de pain sur la planche pour que nous nous concertions et que nous tentions, comme je l'ai dit, d'attiser les braises.

Je connais d'expérience un moyen très efficace, soit qu'un comité demande au ministère d'émettre un rapport intérimaire de manière à pouvoir faire un suivi. Je peux aussi recourir à cet outil, parce que le rapport est ensuite du domaine public et que les Canadiens peuvent ainsi savoir si des progrès ont été réalisés. Je suis commissaire à l'environnement; j'ai certains moyens à ma disposition, mais si nous agissions de concert au sujet de points particuliers et que nous faisions avancer le programme, ce serait très utile.

Un autre point important que j'aimerais soulever est le fait que l'environnement devient si complexe et le développement durable représente tellement plus que le simple environnement qu'il faut que nous trouvions le moyen d'engager la participation d'autres ministères et d'autres ministres. Le ministre Dion en parlera probablement, lui aussi. L'environnement n'est pas la responsabilité exclusive du ministre de l'Environnement; le respect des engagements est l'affaire de tous et, surtout, de tout le gouvernement. Je puis vous dire — et vous le savez — qu'il y a beaucoup d'engagements et que, malheureusement, très peu d'entre eux connaissent un suivi.

Le sénateur Angus : C'est assez clair.

M. John Reed, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada : Désolé, nous ne nous sommes pas entendus d'avance sur nos témoignages, de sorte que j'ignore si ma patronne est d'accord. J'ai constaté que les comités sénatoriaux et ceux de la Chambre des communes ne posent pas le même genre de questions. Ceux du Sénat semblent voir le terrain d'un peu plus haut, avoir plus une vue d'ensemble.

La raison pour laquelle j'en parle, c'est que vous avez entendu la commissaire parler d'une stratégie fédérale du développement durable. Il y a actuellement 25 stratégies, mais rien pour les chapeauter. C'est là une demande que nous faisons depuis longtemps, et je crois que votre comité pourrait de toute évidence appuyer ces efforts.

Je pourrais également ajouter que ce qui manque vraiment dans bon nombre des stratégies en place est une nouvelle façon de penser. Nous avons déjà utilisé l'expression dans nos rapports précédents. Souvent, on retrouve dans ces stratégies surtout du « réchauffé », beaucoup de mots déjà employés dont on a changé l'ordre pour produire un nouveau document. Nous avons de nombreuses fois affirmé que ce n'était pas assez.

Un Canada durable n'est pas que la simple accumulation de beaucoup de pratiques passées. Il faut changer d'attitude, remettre en question les façons de faire habituelles. Par exemple, en ce qui concerne les mesures fiscales, pourquoi ne nous en servons-nous pas? Si votre comité devait s'attaquer à une question comme les besoins d'une stratégie fédérale, j'ose espérer qu'il le ferait sous un angle différent, qu'il poserait des questions que ne posent pas les comités de la Chambre et, pour être honnête, qu'il apporterait un peu d'imagination dans tout ce dossier qu'on appelle le développement durable.

Ce dont nous sommes tous en train de parler — ce dont aura l'air notre pays dans 20 ans — est absent du débat actuellement. Or, cette vision pourrait mener à beaucoup de nouveaux raisonnements et d'innovations au sein de la fonction publique également.

Le sénateur Angus : Il y aurait entre autres les mesures radicales prises par les Britanniques dont vous nous avez parlé. Les conséquences seront catastrophiques si des mesures radicales ne sont pas prises immédiatement. Vous êtes en train de nous dire qu'il faut que nous obtenions que tous ces engagements soient respectés. Sont-ce là des mesures radicales? Serait-ce suffisant? J'ai l'impression qu'il y a une contradiction ici.

Le monsieur est en train de dire que nous avons besoin d'idées nouvelles. Ne devrions-nous pas tourner le dos à tous ces engagements et proposer plutôt la prise de nouvelles mesures radicales?

Mme Gélinas : Il y a de bien bonnes idées ici, qu'il faudrait conserver. Souvent, j'ai dit qu'il fallait examiner une idée, me dire quels étaient les engagements utiles et se mettre à l'ouvrage. Il y a des innovations ici également. C'est là un premier moyen. Certains ministères nous serviront du réchauffé, proposeront des mesures qu'ils prennent déjà de toute façon, mais d'autres y travaillent vraiment.

Mais au-delà de tout cela, il nous faut un nouveau genre de raisonnement. Si nous avions, par exemple, cette stratégie fédérale ou nationale, nous saurions quel but nous visons, les objectifs que nous souhaitons atteindre, de sorte qu'il serait possible de concevoir de nouvelles façons de faire, si c'est là le but visé. Toutefois, il nous faut un tableau global — comme je l'ai dit, l'image qui permet de faire le casse-tête —, de manière à pouvoir rassembler toutes les pièces, à pouvoir laisser tomber celles dont nous n'avons pas besoin et à imprimer un mouvement pour obtenir celles qui à notre avis nous serons utiles.

La motivation, l'enthousiasme et la créativité sont là. Quand on parle aux plus jeunes du ministère, ils nous disent toutes les bonnes idées qu'ils ont. Toutefois, à mesure qu'elles montent dans la hiérarchie, ces bonnes idées sont étouffées par tout un lot de processus.

Le président : M. Reed travaille-t-il encore pour vous, madame la commissaire?

Mme Gélinas : Naturellement, qu'il travaille encore pour moi.

Le sénateur Cochrane : Comme le sénateur Angus, j'aimerais moi aussi vous féliciter du travail que vous avez fait et de l'engagement que vous semblez avoir pris de faire quelque chose pour l'environnement et de régler tous les problèmes. J'aimerais que vous poursuiviez votre bonne œuvre, parce que c'est vraiment de l'excellent travail. Il y va de l'avenir de nos enfants et de tous ceux qui participeront à la vie canadienne.

Dans votre rapport de 2003, vous avez examiné le programme d'alliance canadienne sur les piles à combustible dans les transports, une des neuf mesures repérées par le gouvernement fédéral dans le secteur des transports. Vous avez fait remarquer que le gouvernement fédéral avait investi plus de 100 millions de dollars dans les piles à hydrogène ou s'était engagé à le faire, mais qu'il l'avait fait en l'absence d'une stratégie nationale. Essentiellement, il n'y avait pas de garantie que les Canadiens tireraient un avantage maximal de cet investissement. Pouvez-vous nous dire comme le gouvernement a réagi à vos préoccupations dans ce domaine et quelle mesure a été prise jusqu'ici?

Mme Gélinas : J'ai à l'esprit le rapport de 2004, mais M. Affleck est celui qui était responsable du rapport de 2003 sur les transports routiers.

Comme vous le savez peut-être, nous assurons un suivi périodique de certains des engagements pris par le ministère en réponse à nos recommandations. Nous projetons de le faire dans le rapport de 2006, où il sera question en termes plus généraux de certaines questions relatives aux changements climatiques. Nous n'en sommes pas encore là. Je ne puis vous dire combien de progrès ont été réalisés; je crois que Ressources naturelles Canada était responsable de ce projet.

Cependant, il s'agit à nouveau d'un bon exemple de la façon dont nous pouvons travailler ensemble à des questions comme celle-là. Si la lenteur de la progression dans certains dossiers me préoccupe peut-être, avant de faire le suivi, souvent deux ou trois ans plus tard, si vous demandiez au ministère combien de progrès il a réalisés dans ce dossier, nous disposerions du renseignement pour nos travaux, et il serait également public. Je ne puis en réalité vous en dire davantage à ce sujet, mais c'est un engagement qui a été pris, de sorte que, quelque part, il faudrait constater une progression. Le ministère a peut-être pris également des engagements dans ce dossier dans sa propre stratégie; vous pouvez donc choisir les engagements que vous voulez dans toute stratégie du développement durable d'un ministère et poser des questions au sujet du progrès. Si vous le faites, ces documents connaîtront une nouvelle vie en quelque sorte, une vie qu'ils n'ont pas vraiment en ce moment, exception faite peut-être de mes efforts à moi pour leur donner un second souffle.

Le sénateur Cochrane : M. Reed aimerait peut-être ajouter quelque chose.

M. Reed : Non, je n'ai rien à ajouter.

Le sénateur Angus : C'est bien M. Reed qui travaille toujours pour la commissaire?

M. Reed : Oui, je suis le M. Reed qui travaille toujours pour la commissaire — je puis affirmer cependant qu'au début du printemps prochain, nous commencerons à faire le suivi de recommandations particulières. Il est possible que la stratégie nationale relative aux piles à combustible tienne compte peut-être de certains travaux que nous ferons en 2006 au sujet des changements climatiques.

Le président : Je sais que vous relevez du Vérificateur général et je connais plus ou moins la réponse, mais quand vous parlez de faire progresser un dossier et qu'il est question d'un nouveau domaine comme l'hydrogène ou je ne sais trop quoi encore et comment le stocker, est-il vraiment possible de savoir si nous en obtenons pour notre argent?

Ces gens n'ont-ils pas le droit d'échouer?

Mme Gélinas : J'espère que nous avons tous le droit de faire des erreurs. Je l'ai dit de nombreuses fois : peu importe que vous ne puissiez pas atteindre votre objectif, du moment que vous pouvez mesurer une évolution, un progrès qui révèle si vous serez capable de réaliser votre objectif et, dans le cas contraire, qu'on le dise simplement. Nous souhaitons simplement savoir que vous ferez votre propre analyse. Laissez-nous savoir si vous êtes dans la bonne voie. Donnez-nous de l'information. De plus, en fonction de l'information, les parlementaires pourront juger du progrès. Vous pourrez juger du rapport qualité-prix à l'égard de certains projets. Un problème trop courant, c'est que les ministères ne mesurent pas, de sorte que nous ne pouvons pas savoir combien de progrès a été réalisé dans un sens ou dans l'autre. Quand nous avons fait l'audit des transports routiers, nous nous en sommes servis en réalité comme signal d'alarme pour nous assurer qu'en ce qui concerne les changements climatiques, le gouvernement mettrait en place un bon système, un bon cadre de reddition de comptes qui permettrait de mesurer le progrès, d'en faire rapport et de faire les changements de cap nécessaires pour réaliser une option, sachant combien coûte cet objectif par rapport aux autres options sur la table. La clé est de faire des mesures, et c'est là un des chaînons les plus faibles de la chaîne de reddition de comptes au gouvernement fédéral.

Le président : Je vais poser une question théorique. Un audit des efforts déployés par M. Alexander Graham Bell deux mois avant qu'ait lieu la première conversation téléphonique aurait-il mis en relief l'efficacité ou aurait-il sonné le glas du projet? Je ne demande pas à ce qu'on réponde à ma question, mais j'aimerais qu'on y réfléchisse.

Le sénateur Spivak : Tout d'abord, le premier ministre qu'il faudrait peut-être inviter est le ministre des Finances, d'après ce qu'ils disent. Je m'interroge au sujet de toute cette question de la stratégie globale. La dernière fois que nous avons eu une stratégie globale de nature aussi générale était le Plan vert, piloté par le premier ministre Mulroney et Jean Charest, et à ce moment-là, l'impulsion semblait énorme. Je crois que nous l'avons perdue. Nous sommes habitués à gérer des crises. Nous ne réagissons pas à la disparition de la morue ou du saumon, à ce qui se passe dans l'Arctique, pour une raison étrange. Les crises ne nous affectent plus. L'idée la plus innovatrice que j'ai entendue est venue, je crois, du ministre Dion au sujet de la prochaine révolution industrielle. Il n'est pas question d'écoefficience, mais bien d'écoefficacité. Les principes vous sont peut-être familiers. Le recours à un paradigme entièrement nouveau qui est basé sur la nature et qui est tout à fait différent de ce que nous faisons semble très logique. Je ne suis pas sûre que nous puissions le faire tout de suite, mais peut-être pouvons-nous le faire par étape. C'est dans cette mesure que je m'interroge au sujet de la sélection des propositions et des orientations faites par le Bureau du Conseil privé. L'idée n'a rien de nouveau. Elle a été introduite il y a 10 ans environ. Je me souviens de m'être demandée si le gouvernement avait vraiment l'intention de faire un tri des propositions et orientations soumises au Cabinet. La réponse est affirmative, mais cela n'a pas été fait, bien sûr. Le Bureau du Conseil privé — oublions qu'il a peut-être oublié ce qu'il projetait de le faire — a-t-il le personnel voulu pour le faire? Est-ce plutôt un dirigeant du Conseil privé qui émet simplement une directive disant : « Voici ce que vous voulez faire et je veux en voir les résultats dans 15 jours »? Étant donné la grande expérience que nous avons tous de la bureaucratie, comment contourner l'immobilisme? Dieu du ciel, c'est du bois mort!

Le président : Vous parlez à des bureaucrates.

Le sénateur Angus : Vous parlez à des professionnels.

Mme Gélinas : D'abord, vous faites référence aux évaluations environnementales stratégiques. Vous avez raison de dire que cela aurait dû être fait il y a de nombreuses années. Le Bureau du Conseil privé, ou BCP, a déterminé que les ministères en étaient responsables dans le cadre de leur mandat. Laissez-moi vous donner un exemple. Lorsque le ministère des Pêches et des Océans a mis en place sa stratégie sur l'aquaculture, il aurait dû effectuer une évaluation environnementale stratégique, ou EES, pour en évaluer les volets environnemental, économique et social. Au moment de rédiger le chapitre sur les EES, on nous a dit que cela n'avait pas été fait. Dans ce cas, la responsabilité n'incombait pas au BCP, mais bien au ministère des Pêches et des Océans; le BCP n'a donc pas manqué à son devoir.

Le sénateur Spivak : Selon les directives quotidiennes ou mensuelles qu'il reçoit, le BCP s'assure-t-il qu'une évaluation des politiques et programmes environnementaux a été faite, ou est-ce quelque chose qui demeure en arrière- plan? Si le BCP a demandé 5 milliards de dollars en vue d'un programme national de garderies, ce qui est un projet considérable, j'imagine que les démarches ont commencé. Ce ne sont plus que des paroles; on étudie les options possibles.

Mme Gélinas : Je suis certaine que Richard peut vous en dire long sur le sujet. Il pourrait peut-être vous donner de l'information.

M. Richard Arseneault, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada : Le Cabinet a une directive sur les évaluations environnementales stratégiques : il exige désormais que les ministères s'en occupent.

Le sénateur Spivak : Et est-ce que ça donne des résultats?

M. Arseneault : Des ministères ont commencé à le faire, mais on constate quelques faiblesses dans la qualité des évaluations; certains le font mieux que d'autres. Cependant, la plupart des ministères font fi de cette directive, puisqu'il n'y a aucun organisme central qui demande des comptes à ce sujet, à part nous. Nous sommes les premiers à examiner d'aussi près cette question et à mettre en lumière le manque de responsabilité centrale. Il faut savoir qu'un dossier cesse d'être purement ministériel dès que le Cabinet en est saisi; il devient alors un enjeu horizontal. Dans ce cas, quelqu'un devrait s'assurer que l'environnement est pris en compte à ce niveau, mais personne ne le fait.

Le sénateur Spivak : Comme l'a dit le sénateur Harb, ce nouveau comité a bien l'intention de faire bouger les choses. Prenons les stocks de saumon, qui étaient presque épuisés. C'est un problème majeur pour le Canada. Si nous voulions avoir une influence dans ce dossier, devrions-nous vous envoyer une lettre exigeant que vous en fassiez une priorité et que vous nous disiez qu'elles mesures vous entendez prendre, ou devons-nous nous limiter au ministère des Pêches et des Océans? Évidemment, ce ministère n'est pas responsable de la situation, mais il ne l'a pas empêchée. Vous me voyez venir, n'est-ce pas? Si nous voulons être efficaces, sur qui devons-nous faire pression?

Le sénateur Angus : Vous le verrez dans cinq minutes.

Le sénateur Spivak : En réalité, il n'en est rien. Le ministre de l'Environnement agit à titre de défenseur, mais il n'exerce pas beaucoup de pouvoir sur les ministères. Il n'a pas le prestige du ministre des Finances ou du premier ministre. Je ne voudrais pas répondre à ma propre question.

M. Arseneault : Comme tout le monde, je lis les journaux, et j'ai vu un article dans lequel le ministre de l'Environnement disait qu'il n'avait pas tenu compte de l'environnement dans ses fonctions antérieures. Il y pense maintenant parce qu'il en est responsable. Cela montre donc que si vous n'êtes pas ministre de l'Environnement, des Ressources naturelles ou encore des Pêches et des Océans, et que la nature de votre travail ne tourne pas autour de l'environnement, les questions environnementales ne font pas partie de votre réalité quotidienne. Pourtant, elles le devraient...

Le sénateur Spivak : Nous sommes d'accord là-dessus, mais je vous ai posé une question précise. Auprès de quelles instances devons-nous faire pression? Est-ce que notre nouveau comité doit prendre les choses en mains? Selon votre expérience, le comité pourrait-il exercer une influence?

Le président : J'avais l'impression que la commissaire nous avait dit de commencer par les sous-ministres.

Le sénateur Angus : Demandons donc des comptes à tous les sous-ministres.

Mme Gélinas : J'aimerais ajouter que l'une des raisons de la lenteur des progrès et du fait que certains ministères n'accordent aucune attention à cet enjeu, c'est parce qu'il n'y a aucune conséquence; qu'on le fasse bien ou mal, ça ne fait rien.

Au cours des deux dernières années, nous avons constaté que certains ministères, comme RNCan, Transports Canada et Industrie Canada, font des progrès à maints égards. Mais que font les autres? Sont-ils conscients qu'ils seront tenus un jour ou l'autre de se mettre de la partie?

Le président : Pourriez-vous nous envoyer une liste des ministères qui sont de la partie?

Mme Gélinas : C'est si facile. En vous ayant mentionné les trois principaux ministères, je vous ai dressé cette liste. Voilà pourquoi je demande au comité d'examiner les causes profondes de cette situation. L'absence de reddition de comptes est certainement un volet sur lequel vous pourriez insister davantage. C'est très clair, et je vous le répète, nul n'est tenu de respecter cette directive, à moins qu'il en soit stipulé autrement dans les exigences de rendement d'un sous- ministre dans un domaine précis.

Le président : Je suppose qu'il y a des instances auprès desquelles nous pourrions faire pression.

Le sénateur Adams : Je vis dans l'Arctique, mais je n'ai pas vu le rapport complet sur l'Arctique. D'après vous, madame la commissaire, qu'est-ce qui est le plus important aujourd'hui? Nous, les habitants du Nord, savons que l'environnement a énormément changé. Je vis à Rankin Inlet, dans la baie d'Hudson, ce qui n'est pas l'Extrême- Arctique, mais nous avons constaté, au cours des dernières années, un changement des conditions climatiques. Pour la première fois cet automne, nous avons enregistré des vents de 147 kilomètres à l'heure. Nous n'avions jamais vu de vents aussi forts auparavant. Je me suis promené sur les terres, la semaine passée. D'habitude, à cette époque de l'année, les lacs sont gelés complètement, et même s'il y a des fissures dans la glace, l'eau ne remonte pas à la surface. Cette année, on a vu des fissures de 4 à 5 pouces sur certains lacs, et l'eau remontait. Je ne comprends pas, mais nous avons eu beaucoup de vent et de pluie cet été.

Qu'est-ce qui est le plus important selon vous, le changement climatique ou l'environnement? Beaucoup de gens se soucient des ours polaires et des autres espèces sauvages, mais peu s'interrogent sur les habitants des collectivités, sur les changements qu'ils ont constatés ni sur l'importance de ces derniers. J'ai déjà vécu dans la région de la baie Resolute; il y a environ deux semaines, j'ai pris l'avion jusqu'à Iqaluit. Autrefois, à cette période, si on partait à 10 h 30, on avait environ 45 minutes de clarté pour chasser le phoque ou le caribou. De nos jours, on peut partir à 9 heures et chasser pendant deux heures, et ce malgré le changement dans la lumière du jour. Je ne sais pas si les scientifiques s'en sont aperçus. Je répète ma question : qu'est-ce qui est le plus important, le changement climatique ou l'environnement?

Mme Gélinas : Le changement climatique est probablement l'une des meilleures raisons d'agir maintenant. Nous pouvons en voir les conséquences, et je ne suis pas la seule à le dire. De nombreux rapports scientifiques établissent clairement un lien entre le changement climatique et certains phénomènes se produisant dans le monde. C'est une question qui revêt beaucoup d'importance pour mon service. Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous allons axer le rapport de 2006 sur le changement climatique, et la situation dans l'Arctique fera partie de l'étude. Nous communiquerons avec des sénateurs, des députés et des spécialistes pour obtenir leur avis sur la portée que devraient avoir nos travaux. Voilà pourquoi nous devons travailler en étroite collaboration. Je sais très bien que ce comité s'intéresse grandement à la question de l'eau, sujet sur lequel nous travaillons actuellement. Nous pourrions prêter main forte au comité en lui faisant part de découvertes précises fondées sur des données fiables dans ce domaine. J'ai espoir qu'à partir de ce soir, nous pourrons resserrer nos relations de façon à forcer ensemble le gouvernement à aller de l'avant. Cela ne sera évidemment pas possible pour tous les grands dossiers qui nous tiennent à cœur, mais certainement pour quelques-uns. Ce sera notre contribution. Peut-être ne serons-nous pas en mesure de terminer le travail, mais nous allons au moins nous assurer que nos enfants seront au courant des enjeux et qu'ils prendront la relève lorsque nous ne serons plus là.

[Français]

Le sénateur Lavigne : Le gouvernement canadien est en retard de combien de temps concernant l'accord de Kyoto?

Mme Gélinas : Je ne peux répondre à cette question car on commence le travail. On sera en mesure de faire état des progrès d'ici deux ans. On va amorcer notre travail de vérification en janvier prochain. C'est précisément la raison pour laquelle on a choisi de mettre l'emphase sur cette question. Les Russes ont ratifié l'accord. Cela devient lourd de conséquences si on ne respecte pas nos engagements. Conséquemment, je veux être en mesure de faire rapport aux membres du Parlement des progrès réalisés. Si nous ne sommes pas sur la bonne voie, que l'on apporte les correctifs nécessaires pour atteindre nos objectifs. Mais à ce moment, je ne peux pas vous donner malheureusement la réponse.

Le sénateur Lavigne : On dit que l'électricité est notre principale richesse au Québec. J'ai remarqué dans plusieurs programmes à la télévision que de nombreux projets sont en suspens et qu'on ne les laisse pas aller de l'avant. On les retarde à cause des bassins de poissons dans nos rivières ou nos lacs qui seront exploités. J'écoutais une émission où un professeur d'université disait que pour un petit projet de quelques kilowatts dans les lacs ou les rivières, il était plus facile de refaire un bassin et de reproduire l'état des lieux à l'intérieur de celui-ci. Lorsqu'il y avait un gros projet, il était très difficile d'avoir l'aval du ministère des Pêches et Océans. Il parlait d'une étude qui était en cours et déjà réalisé. Après avoir fait un gros projet d'hydro-électricité, cela prenait de dix à vingt ans et le poisson était reproduit trois à quatre fois plus grand qu'il n'était auparavant.

Est-ce que vous avez des informations à ce sujet? Est-ce que vous avez des réponses sur ces projets qui ne peuvent aller de l'avant en raison d'un règlement du ministère des Pêches et Océans Canada selon lequel il ne peut pas donner son aval si le nombre de poissons existants n'est pas reproduit?

Mme Gélinas : Le mandat de Pêches et Océans Canada est de protéger le poisson et l'habitat du poisson. Lorsqu'il y a un projet, même de juridiction provinciale, s'il y a un risque d'altérer l'habitat du poisson ou les stocks de poisson, Pêches et Océans Canada a la responsabilité d'intervenir pour protéger.

Maintenant je ne pourrais pas entrer dans le détail des possibilités de reconstituer les stocks. Je ne suis pas une experte mais je vais vous invite à lire notre chapitre qui a porté sur la protection du saumon, l'habitat du saumon et de l'aquiculture. Vous allez être à même d'obtenir un certain nombre de réponses, notamment qu'on ne recrée pas une population de poissons ou une espèce de poissons. Par exemple, lorsque le poisson est disparu d'un lac, il l'est à tout jamais. Une transplantation ne se fait pas tout simplement d'un lac à un autre. C'est la raison pour laquelle on doit protéger les poissons dans leur environnement naturel.

Il y a aussi quelques exemples non reliés à des projets hydroélectriques où plusieurs intervenants se plaignent du fait que Pêches et Océans Canada prend du temps à faire l'évaluation environnementale et à émettre les autorisations. Je pense, entre autres, à des projets reliés à l'aquiculture. C'est davantage à Pêches et Océans Canada que vous devriez poser ces questions concernant les raisons du ralentissement et de la possibilité de reconstruire les stocks.

J'aimerais souligner le fait que dans le cadre de mon mandat, les citoyens, les organisations, les municipalités, les compagnies et même les membres du Sénat ou de la Chambre des communes peuvent utiliser le processus de pétition, un moyen simple d'adresser une demande au gouvernement via mon intermédiaire. Je m'assure alors qu'à l'intérieur d'un délai de 120 jours, le ministère — et les ministres, car ce sont eux qui sont imputables du respect du processus — réponde aux pétitionnaires. Quand je parle de pétition, j'entends la requête d'un individu ou d'une organisation basée au Canada, et non pas une requête accompagnée de 50 000 signatures. C'est quelque chose que les gens aimeraient peut-être explorer un peu plus.

[Traduction]

Le président : Le sénateur Angus a une question.

Le sénateur Angus : De combien de temps disposons-nous?

Le président : D'environ quatre minutes.

Le sénateur Angus : Même pour de vieux sénateurs fatigués comme nous, il n'est pas difficile de voir que de catastrophes nous attendent si nous n'agissons pas. Lors d'une conférence de presse qui promet d'être très intéressante et qui aura lieu le 25 novembre à 10 h 30, le président, certains de nos collègues et moi-même parlerons aux médias non seulement d'un rapport qui aura alors été publié, mais aussi de nos frustrations. Même si le gouvernement a de très bons programmes, il n'arrive pas à capter l'attention des Canadiens au sujet de notre merveilleux pays, et ce malgré votre rapport. Que ce soit les Britanniques, l'OCDE ou vous-même, tout le monde dit que nous allons le gâcher. Nous sommes en bonne voie de faire exactement cela en raison de tous ces sites qui n'ont pas encore fait l'objet de mesures d'assainissement.

Le point d'intervention névralgique auquel faisait allusion le sénateur Spivak relève du domaine politique. Comment attirer l'attention des gens? Ceux-ci pourraient donner un ultimatum au parti au pouvoir en le menaçant de ne pas le réélire s'il ne prend pas des mesures pour remédier à cette situation horrible. Sans vouloir vous voler la vedette, monsieur le président, je crois que nous allons soulever cette question. Ce serait formidable si vous pouviez continuer de nous fournir des documents et nous dire ce que nous pourrions faire pour vous aider, car l'importance des enjeux est indiscutable. Nous constatons que les principaux constructeurs automobiles des États-Unis ont manqué une belle occasion de lancer sur le marché des véhicules hybrides. En Europe et en Extrême-Orient, on construit des véhicules alimentés par des carburants de remplacement. Nous accusons du retard. Nous avons manqué notre coup. La population doit emboîter le pas. Auparavant, je croyais que le groupe environnementaliste Green Peace n'était composé que de détraqués, mais j'ai compris que ce n'était pas ses revendications qui m'agaçaient, mais bien la façon dont il s'y prenait pour faire passer son message. On avait l'impression que Green Peace exagérait. Si vous lisez le programme du Parti Vert — et je suis conservateur —, vous verrez qu'il est plein de bon sens. J'ai lu ses documents, et mon collègue, le sénateur Spivak, est surpris de m'entendre parler ainsi.

Le président : Vous avez eu une révélation.

Le sénateur Spivak : Je suis ravi, car si vous pouvez le rallier à cette cause, ce serait merveilleux.

Le sénateur Angus : Je vous informe que je recycle et que je fais du compostage.

Le président : Je vais être impoli et mettre abruptement fin à cette discussion, mais je tiens à dire à nos invités que nous aimerions travailler dorénavant en étroite collaboration avec eux sur divers sujets. J'aimerais remercier les témoins de leur travail acharné et je leur promets que nous utiliserons davantage les fruits de leur labeur.

Monsieur le ministre, merci de vous joindre à nous. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir trouvé le temps, malgré un court préavis, de venir comparaître devant notre comité. Je sais que les sénateurs ont hâte de s'entretenir avec vous et je suis certain que vous avez un emploi du temps très chargé; auriez-vous donc l'obligeance de nous transmettre votre message et de nous dire comment nous pouvons vous aider à atteindre les objectifs que vous vous êtes fixés?

[Français]

L'honorable Stéphane Dion, C.P., député, ministre de l'Environnement : Honorables sénateurs, je suis honoré d'être invité à ce comité. J'ai un immense respect pour l'institution du Sénat et j'entends collaborer de très près avec ce comité. Je vous invite à ne jamais hésiter à établir cette collaboration avec moi parce qu'on travaille tous dans la même direction. Je suis très heureux d'avoir été choisi par le premier ministre pour occuper cette fonction à un moment clé de l'évolution des choses.

Si on parle maintenant de plus en plus de développement durable, c'est que le mot « durable » est apparu dans le dictionnaire et qu'on se rend de plus en plus compte que le rapport entre le genre humain et la planète, tel qu'il se pose depuis l'avancée de l'industrialisation, est insoutenable et qu'il faut le changer. Lorsqu'on parle de développement durable, il ne faut pas perdre de vue cette définition.

[Traduction]

J'ai vu si souvent des débats où on associait finalement tout ce qui était bon au développement durable. Mais ce n'est pas vrai. Il faut faire des choix difficiles.

On croyait auparavant qu'une bonne politique était uniquement un savant mélange de considérations économiques et sociales. C'est ainsi qu'avaient appris à gouverner les démocraties après la fin de la Première Guerre mondiale. Toutefois, depuis les années 1990, nous voyons qu'il faut de plus en plus prendre en compte un troisième aspect, en l'occurrence l'environnement. Voilà pourquoi nous parlons maintenant de développement durable.

Nous devons continuer de nous efforcer d'avoir une bonne politique sociale et économique mais aussi une bonne politique environnementale qu'il faut situer dans un contexte, puisqu'elle n'occupe pas une place aussi importante qu'elle ne le devrait dans l'élaboration de politiques. Nous sommes rendus à une croisée des chemins.

Mme Gélinas s'est exprimée juste avant moi, et ce qu'elle a dit s'applique à la plupart des pays que je connais, c'est- à-dire qu'il y a de la bonne volonté et que beaucoup de travail a été accompli. Il y a eu de bons ministres, comme mon prédécesseur, mais ceux-ci devaient agir sans contexte, sans méthode établie. Le ministre qui m'a précédé a livré des batailles qui semblaient impossibles à gagner et il en a remporté beaucoup. Toutefois, il devait toujours partir de zéro.

En tant que ministre, je m'occupe d'affaires environnementales depuis huit ans et je ne me souviens pas d'une seule situation où l'environnement a fait partie des discussions, si ce n'était lors d'une réunion des ministres de l'Environnement. Cela doit changer.

Lorsque les ministres de la Santé se réunissent, ils doivent aborder la question de l'environnement car ils savent que ce n'est pas à l'hôpital que les Canadiens tombent malade. Ils aboutissent à l'hôpital car leur mode de vie n'est pas aussi sécuritaire ou sain qu'il ne devrait l'être. Les ministres de la Santé ne doivent pas perdre de vue l'environnement et le développement durable.

J'ai prononcé mon premier discours en tant que ministre de l'Environnement — ce qui était très important pour moi — à Calgary, devant l'industrie pétrolière, qui est très puissante. Je leur ai dit que je n'étais pas leur adversaire, mais bien leur partenaire. J'ai besoin de travailler avec eux, et de leur côté, ils doivent collaborer avec les ONGE, et vice- versa. Je suis allé voir les gens de la Fondation Suzuki. Ils m'ont remis un excellent rapport, un merveilleux plan idéaliste. Je l'ai lu et il est excellent. Il est si bon que l'on va mettre cela...

[Français]

...sur une étagère de librairie, on va le regarder ensemble. On va le trouver très beau. Et on va être tout seul à le trouver beau parce qu'autour d'une table, je ne serai jamais capable de vendre une telle chose. Honnêtement, vous allez le retravailler votre document.

[Traduction]

Je leur ai dit qu'ils devaient le réécrire comme s'ils étaient une entreprise qui voulait exploiter les sables bitumineux, etc. Ils ont essayé. J'ai ajouté qu'ils devaient aussi arrêter de se plaindre de la réglementation gouvernementale et des autres mesures et me dire s'ils se soucient vraiment de l'environnement et veulent faire quelque chose ou si c'est seulement parce qu'on les pousse dans ce sens. Ils m'ont dit qu'ils voulaient agir. Je les ai invités à m'écrire comme s'ils étaient M. Suzuki, et ils ont essayé. Je pense que nous avons besoin d'une révolution pour réussir. Nous devons nous demander comment obtenir des résultats.

J'ai déterminé cinq priorités comme cadre de travail, avec en tête l'établissement d'un bon processus décisionnel. Voilà pourquoi j'accueille favorablement le rapport de Mme Gélinas et je me réjouis de la décision du premier ministre, prise lors de notre première réunion hier soir, de créer un comité spécial sur l'environnement. Voilà le début de la révolution. Ce comité sera présidé par le ministre de l'Industrie, et j'en suis heureux en tant que ministre de l'Environnement. Je ne pense pas que ça devait forcément être moi. Je suis content que ce soit le ministre de l'Industrie et de savoir, qu'à chaque réunion, ce ministre viendra avec ses représentants pour parler de l'environnement.

Certains pourraient penser que ce grand ministère fera passer ses préoccupations en premier. Je n'ai pas peur des défis. Je préfère que tout le monde soit ensemble pour discuter que d'avoir à convaincre les gens une fois que leur idée est faite. Je veux participer au processus décisionnel dès le début.

Pour ce qui est du ministre des Ressources naturelles, il est temps que ces deux ministères, Ressources naturelles et Environnement, travaillent ensemble au lieu de rivaliser. Nous avons besoin d'une politique énergétique dans ce pays, où l'énergie renouvelable ne se situe pas uniquement dans une niche, mais dans un plan. Le ministre Efford et moi- même avons à cœur d'y parvenir. Je ne dis pas que nous allons toujours être d'accord, mais nous allons travailler ensemble comme jamais auparavant.

Au sujet du ministre de la Santé — j'ai expliqué pourquoi il est important que les soins de santé soient inclus. La population est vieillissante. Peu importe l'argent que nous injectons dans le système de soins de santé, si nous ne modifions pas notre mode de vie, les hôpitaux seront surpeuplés. C'est une certitude.

Le ministre d'État (infrastructure et collectivités), M. Godfrey, s'est engagé à ce que le nouveau pacte pour les villes soit écologique et qu'il ne finance pas l'étalement urbain.

Il est clair que le ministère des Pêches est inclus, car mon collègue doit faire tout en son possible pour protéger l'habitat du poisson. À chaque fois que nous abordons une question qui relève d'un collègue, ce collègue sera présent à la table. De plus, les Affaires indiennes et du Nord canadien, Agriculture, Transport — être le ministre des Transports en ce moment, ce n'est pas la même chose qu'il y a 10 ans. Depuis le 11 septembre 2001, la sécurité est un élément clé, tout comme l'environnement, car les politiques en matière de transport font partie de la politique sur les changements climatiques.

C'est ma première priorité, un bon processus de prise de décision.

La deuxième priorité relève davantage de la science. L'environnement est un dossier émotif, et les décisions guidées par les émotions peuvent être mauvaises. La science est l'élément clé. C'est la science qui tranchera. Nous, les politiciens, avons la volonté politique d'investir dans la science et d'écouter les scientifiques. Il faut laisser une plus grande place à la science dans la politique environnementale au Canada.

La troisième priorité est la communication de la science. Si la science reste parmi les scientifiques — et j'en suis un moi-même — c'est bon pour les universités, mais...

[Français]

Il y a tellement de bonnes idées qui se perdent dans le sable que l'on se doit d'assurer une meilleure communication. Cela suppose des indicateurs, des réseaux et beaucoup de travail de la part des gouvernements.

[Traduction]

La quatrième chose dont nous avons besoin, ce sont de bonnes mesures incitatives, un mécanisme qui aidera les personnes, les décideurs et les consommateurs à prendre de bonnes décisions. Selon le rapport de l'OCDE, que vous avez peut-être consulté, le Canada est en retard à ce niveau. Pour rattraper les États-Unis, l'Europe et le Japon, il y a bien des choses que nous devons faire pour mettre sur pied un bon système d'incitatifs, d'exécution et d'application de la loi au Canada. Lorsque j'ai parlé à l'industrie de cela, lorsque j'ai dit que nous trouverons une manière de récompenser les bons joueurs et de punir les mauvais joueurs, les intervenants de l'industrie ont été heureux d'entendre cela, car ils savent que les mauvais joueurs leur donnent une mauvaise réputation, alors que la réputation est plus que jamais un élément clé pour réussir en affaires. Enfin, nous devons faire de la sensibilisation. Nous devons trouver une manière d'enseigner aux Canadiens comment devenir de meilleurs citoyens. Je sais que vous publierez demain un rapport; le senateur Banks me l'a dit.

Le président : La semaine prochaine.

M. Dion : Bien. Je pense que le rapport, si je ne me trompe pas, car je ne l'ai pas lu encore, soulignera l'importance de mettre en œuvre des programmes de sensibilisation, comme le défi d'une tonne. Cependant, cela n'est pas suffisant, j'en conviens. J'ai rencontré le ministre de l'Environnement de la France, M. Lepeltier.

[Français]

Il m'a dit que là-bas, dès la petite école, on apprend ces choses aux jeunes Français pour qu'ils deviennent de bons citoyens, pour qu'ils sachent que l'environnement est important. Chez nous, comme vous le savez, l'éducation est de compétence provinciale, mais j'en parle avec mes homologues provinciaux. On va réussir avec les provinces dans ce domaine. On ne peut pas réussir tout seul. Par contre, nous sommes des leviers au gouvernement fédéral et nous évaluerons cela de plus près. Je pense qu'il est temps que les ministres de l'Environnement et du Patrimoine canadien travaillent ensemble. Ce sont deux ministères qui n'ont jamais eu l'occasion de vraiment se croiser. On va s'asseoir à la même table afin de s'assurer que les Canadiens aient l'information qu'il faut.

[Traduction]

Il y a également l'étiquetage et tous ces autres leviers au niveau fédéral qui pourraient contribuer.

C'est le cadre, mais le cadre n'est pas suffisant. Nous avons également besoin d'une initiative de la part du gouvernement. Puis il y a le discours du Trône. Dans le discours du Trône, nous énumérons 13 engagements du gouvernement. Si vous voulez les passer en revue rapidement, vous verrez que ces engagements sont étroitement liés au cadre, lequel est à son tour étroitement lié à la vision, la nécessité d'inclure l'environnement dans nos politiques économiques et sociales.

Le premier engagement vise le cadre dont je viens de parler. Le premier ministre désire non seulement établir une liste d'initiatives, mais aussi mettre sur pied un système sensé, ciblé. Le premier engagement promet un cadre en matière de processus décisionnel. C'est pourquoi le premier ministre a créé ce comité spécial. Le second engagement consiste à appuyer la mise en marché de meilleures technologies environnementales.

[Français]

Le deuxième est pour la commercialisation des meilleures technologies environnementales de pointe.

[Traduction]

Je viens de dire que trop d'idées se perdent au Sénat.

[Français]

Par exemple, on a tout l'argent de Petro-Canada.

[Traduction]

Une bonne partie de cet argent sera affecté à la commercialisation des technologies environnementales.

[Français]

Un autre engagement concerne les évaluations environnementales.

[Traduction]

Partout au Canada, sans exception, l'on se plaint de la lenteur du processus. Nous venons de publier un rapport sur la réglementation intelligente et selon ce document, les évaluations environnementales sont trop longues, trop complexes, il y a trop de chevauchements, par rapport à d'autres pays. Nous devons donc les améliorer. J'espère que nous pourrons présenter quelque chose à ce sujet au comité lorsque j'aurai le feu vert. Je m'efforce de faire en sorte que ce changement ne se produise pas dans plusieurs années, mais plutôt dans quelques mois.

La politique d'approvisionnement écologique est un autre élément. Comment peut-on être un leader si l'on ne prêche pas l'exemple? Lorsque j'étais ministre responsable des langues officielles, ma priorité était d'améliorer le bilinguisme au sein de la Fonction publique du Canada, car il faut montrer l'exemple si l'on veut être un leader.

[Français]

Nous qui sommes un des principaux leviers des politiques d'achat au Canada...

[Traduction]

Nous établirons une politique sur l'approvisionnement écologique. J'ai parlé au ministre Alcock et au ministre Brison. Votre comité croit peut-être que toutes ces politiques ne sont étroitement liées au ministère de l'Environnement; je vous encourage à inviter mes collègues.

Le sénateur Angus : C'est cela, votre problème.

M. Dion : Je vous encourage à les inviter, car ce n'est plus vrai que le seul qui s'occupe de l'environnement est le ministre de l'Environnement. C'était une erreur. Le ministre des Travaux publics doit être écologiste également. C'est ce que je pense. Je suis certain que votre comité m'aidera à faire en sorte que cela soit le cas.

Un autre élément que nous voulons mener à bien est la politique énergétique, et particulièrement le volet des énergies renouvelables. Le ministre Efford et moi-même travaillons beaucoup à ce dossier, et notamment sur l'énergie éolienne.

[Français]

On a promis de quadrupler notre effort pour la stratégie éolienne.

[Traduction]

Je viens de lancer il y a quelques semaines une stratégie sur l'énergie éolienne.

[Français]

La place des vents du Canada. Je ne vous le dirai pas en anglais.

[Traduction]

La dernière fois, j'ai dit lors de la conférence que le Canada est un pays où il y a beaucoup de vent, et tout le monde a ri; je n'ai pas compris pourquoi.

[Français]

En français cela sonne peut-être mieux. Il y a beaucoup de vent au Canada et cela ne coûte rien. Il y a du vent à revendre.

[Traduction]

Je vais vous donner un exemple. Un autre sujet envers lequel nous nous sommes engagés est la stratégie pour le Nord. Vous savez qu'on vient de publier un rapport la semaine dernière au sujet de la situation dans le Nord, lequel souligne à quel point le changement climatique est un défi terrible pour le Nord. Cependant, la stratégie pour le Nord mettra fortement l'accent sur la politique environnementale. Aujourd'hui, les habitants du Nunavut tirent leur énergie du diesel que nous leur envoyons. Cela coûte très cher pour les contribuables d'envoyer du diesel là-bas. Et c'est une source terrible de pollution pour leur écosystème. Cela ne crée pas d'emplois à l'échelle locale. Si nous pouvons construire un parc éolien, ce serait une bonne idée. Nous pourrions ainsi économiser beaucoup d'argent. Ce serait bon pour l'environnement et pour l'économie locale. Ce n'est qu'un exemple de ce que nous pouvons faire dans ce dossier.

[Français]

Maintenant, un autre engagement :

[Traduction]

Nous devons faire tout ce que nous pouvons avec les États-Unis. Les Grands Lacs, le lac Winnipeg, le fleuve Saint- Laurent et le golfe du Saint-Laurent, ce sont des écosystèmes que nous partageons avec eux. Nous devons travailler étroitement avec les États-Unis.

[Français]

... et avec la Commission mixte internationale également.

[Traduction]

Nous disposerons d'une nouvelle génération de programmes pour les Grands Lacs, le fleuve Saint-Laurent et le golfe du Saint-Laurent. Nous en savons plus aujourd'hui sur les espèces envahissantes, et cetera, alors nous sommes prêts à travailler avec nos amis Américains. J'ai rencontré mon vis-à-vis Américain et nous avons parlé de cela plusieurs fois. C'est un dossier que le gouvernement veut vraiment faire avancer, le plan d'action sur les océans. Je vous ai dit que mon ami est le ministre Reagan. Je crois que nous avons beaucoup de choses à accomplir ensemble, et je vous encourage à l'inviter, car nous avons trois océans, et les trois sont dans une situation terrible. C'est un grand défi pour nous.

Les villes et les collectivités feront partie du Plan vert, comme je l'ai indiqué, et il en sera de même pour le Nord. Voilà, c'était nos 13 engagements, nos 5 priorités, et je compte tenir ces engagements, avec votre aide. Merci.

Le président : Merci, monsieur le ministre, merci beaucoup. Je crois que nous voyons tout cela d'un bon œil, et nous espérons pouvoir vous être utiles, tout comme vous le serez pour nous.

Le sénateur Cochrane : Merci, monsieur le ministre. Notre comité a très hâte de voir des résultats relativement à ce que vous avez dit et nous espérons qu'au cours du prochain mois, ou un peu plus tard, nous pourrons vous inviter de nouveau pour que vous puissiez nous parler de vos réalisations.

Nous avons reçu récemment la commissaire à l'environnement et au développement durable, et elle n'est pas contente de l'absence de progrès et des lacunes en matière de leadership. D'après ce que nous avons compris, il n'y a pas eu de cadre, rien n'a été accompli et il n'y a eu aucune reddition de comptes. Nous espérons que vous comblerez ces lacunes avec vos 13 engagements et que vous reviendrez nous en parler.

Vous avez parlé de l'énergie éolienne, mais pas de l'énergie solaire. Monsieur le ministre, nous avons récemment entendu un témoignage de l'Association des industries solaires du Canada, qui a vraiment plaidé la cause des technologies solaires. Les représentants de cette association nous ont dit que le Canada possède d'importantes ressources solaires, plus que les chefs de file dans ce domaine, soit le Japon et l'Allemagne, mais que nous accusons un retard. En fait, parmi les pays de l'OCDE, le Canada se situe au 17e rang parmi les 22 pays qui utilisent l'énergie solaire. Quelle est la vision du Canada en ce qui concerne l'énergie solaire? Quelle orientation comptez-vous prendre à ce sujet?

[Français]

M. Dion : Le soleil est éblouissant, c'est ce que je dirais d'abord.

[Traduction]

Je veux dire que je suis d'accord avec les recommandations de Mme Gélinas. Nous devons travailler comme elle l'a suggéré, et cela fait partie du cadre dont je viens de parler. Cependant, je ne pense pas qu'il y a eu un manque de leadership. Il y a plutôt eu un manque de méthode. Le leadership était en place avec le ministre sortant et le premier ministre d'alors, M. Chrétien, qui étaient tous les deux très engagés dans ce domaine. Nous devons améliorer les méthodes afin d'intégrer l'environnement aux politiques économiques sociales. Auparavant, la politique économique était peu modifiée en bout de ligne. Ce n'est pas ce que nous voulons. Nous voulons une meilleure méthode. Je ne dirais pas qu'il y a eu un manque de leadership, même si certaines personnes le pensent. Et je ne dirais pas que rien n'a été accompli, et d'ailleurs, Mme Gélinas n'a pas écrit cela dans son rapport. Si vous prenez les cinq accords internationaux qu'elle a passés en revue, elle a dit que deux fonctionnaient bien et que les trois autres auraient pu mieux fonctionner.

Afin d'améliorer la situation, nous ne devrions pas encourager les individus à dire que rien n'a été accompli et que tout s'est mal déroulé, car ce n'est pas un bon point de départ. Il y a beaucoup d'améliorations à apporter, surtout depuis que nous savons que les défis sont plus importants que nous le pensions. Par exemple, beaucoup d'émissions de contaminants qui causaient des pluies acides ont diminuées. Il y a eu des succès, mais nous avons découvert que nos lacs étaient plus sensibles aux pluies acides que nous le pensions à l'origine. Ce n'est pas que nous n'avons rien fait, mais c'est plutôt que le problème est plus important que nous le pensions, même s'il y a eu plus d'améliorations que prévu. J'espère que cela ne se produira pas avec nos efforts sur les changements climatiques. Si les changements climatiques s'avèrent pires que ce que nous pensions, et si l'on tient compte de toutes les difficultés que nous avons aujourd'hui pour atteindre des cibles raisonnables, ce sera difficile pour l'humanité; nous verrons.

Nos objectifs comprennent l'utilisation de l'énergie solaire, de l'énergie éolienne et de toutes les sources d'énergies renouvelables. Le Canada a la chance d'être riche de toutes les sources d'énergie imaginables. C'est pourquoi les énergies renouvelables ne se sont pas développées aussi rapidement au Canada que dans des pays qui n'ont pas d'autres sources d'énergie. Le Canada possède du pétrole, du gaz naturel, du charbon, de l'uranium et de l'hydroélectricité. C'est pourquoi il nous a fallu du temps pour nous mettre aux énergies renouvelables. Les sources d'énergie classiques, comme l'hydroélectricité, ne coûtaient pas cher par rapport à d'autres pays. Nous devons nous reprendre et rattraper le retard. Je vais demander à mon expert sur l'énergie solaire d'intervenir.

M. Nick Macaluso, gestionnaire de politiques, Direction l'économie des changements climatiques, Politiques et Communications, Environnement Canada : Il y a beaucoup de programmes qui appuient l'énergie solaire. L'un des programmes qui me vient à l'esprit est l'initiative de déploiement des énergies renouvelables, qui est administrée par Ressources naturelles Canada. Il s'agit d'offrir des incitatifs aux propriétaires de maisons et d'entreprises de grande taille pour l'installation de chauffe-eau solaires. Divers programmes suivent cette ligne. Le ministre Dion a parlé de la nécessité d'une stratégie énergétique qui met l'accent sur les énergies renouvelables. L'énergie solaire est un élément essentiel de cette stratégie. Des travaux sont effectués dans le cadre de divers programmes. Par exemple, le Projet pilote d'élimination et de réduction des émissions et d'apprentissage, le PPEREA, est essentiellement une initiative de vente aux enchères dans le cadre du plan d'action contre les changements climatiques, qui permet aux citoyens et aux entreprises d'offrir des réductions d'énergie, et l'énergie solaire peut être utilisée. Il y a le Conseil des ministres de l'Énergie, qui examine les grandes questions relativement à l'énergie solaire et qui les positionne parmi l'ensemble des énergies renouvelables. Alors des travaux sont effectués dans ce domaine.

Le sénateur Cochrane : Est-ce que la population est au courant de ses initiatives? Y a-t-il des initiatives qui permettent aux personnes d'utiliser immédiatement l'énergie solaire?

M. Steve McCauley, directeur, Pétrole, gaz et énergie, Service de la protection de l'environnement, Environnement Canada : Le gouvernement met en œuvre une autre initiative, un programme d'incitatifs commerciaux dans le cadre d'un partenariat entre le gouvernement fédéral et les entreprises qui vendent de l'électricité et de l'énergie écologique, ainsi que les collectivités locales, et qui consiste à commercialiser et à promouvoir l'énergie verte dans les collectivités locales grâce à des programmes de sensibilisation. Un autre programme dont je veux parler est un important programme qui a été reconnu partout dans le monde. Environnement Canada est responsable d'un programme auquel RNCAN participe ainsi que Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, TPSGC, et qui consiste à demander au gouvernement fédéral de s'engager à acheter 20 p. 100 de l'électricité qu'il utilise auprès de sources d'électricité écologiques, y compris l'énergie solaire. Des engagements importants s'en viennent, et comme le ministre l'a dit, le discours du Trône s'est engagé à élaborer une stratégie nationale plus importante en matière d'énergie, et cela comprend un volet important sur les énergies renouvelables. L'Association canadienne de l'industrie solaire attend cette stratégie.

Le sénateur Cochrane : Pouvez-vous estimer dans quelle mesure la population a recours à cet incitatif?

M. McCauley : Le programme a été bien utilisé. Nous avons mis en œuvre un certain nombre de projets avec les gouvernements provinciaux et les municipalités. Il est certain que nous pouvons accomplir davantage dans ce domaine. Un important élément de la stratégie sur les énergies renouvelables sera de faire participer davantage la population. Je peux dire qu'il y a eu certains succès jusqu'à présent, mais nous pouvons faire plus dans ce domaine.

Le président : Mesdames et messieurs, nous n'aurons pas le temps pour toutes les questions. J'ai promis au ministre qu'il allait pouvoir partir peu après 19 heures. Je me demande si le ministre et ses fonctionnaires seraient prêts à répondre à des questions écrites, que nous pourrions leur faire parvenir plus tard.

M. Dion : J'en serais très heureux.

Le président : Dans ce cas, je demande aux sénateurs de demeurer concis dans leurs questions afin que nous puissions progresser le plus possible ce soir.

Le sénateur Harb : Je désire tout d'abord féliciter monsieur le ministre. Je crois que le premier ministre a pris une bonne décision lorsqu'il vous a nommé à ce poste, car vous apportez une clarté et une vision, et je sais que vous ferez du bon travail.

Maintenant, ma question porte sur ce comité spécial. Lorsque la commissaire à l'environnement et au développement durable était ici, elle a parlé notamment — elle semblait un peu frustrée du manque de coordination et de coopération — du fait qu'elle ne savait pas où aller ni qui est responsable de quoi. Bien qu'elle était solidaire avec le ministère de l'Environnement, elle estime qu'il faut aller plus loin, pour les mêmes raisons que vous avez mentionnées. Il faut qu'Industrie, Ressources naturelles, Pêches et Océans, Santé, et cetera, soient aussi à la table. Maintenant que nous avons ce comité spécial, je me demande si vous pouvez organiser une table ronde avec la commissaire à l'environnement et au développement durable le plus tôt possible, afin qu'elle donne ses points de vue, qu'elle ait une discussion franche avec les ministres, car ainsi, elle pourra dire ses préoccupations et faire des suggestions tangibles.

M. Dion : C'est une bonne suggestion. Je vais examiner la chose. Je sais que lorsque l'on m'a remis le rapport, j'ai pris des dispositions pour que mes collègues qui ont été la cible de certains de ses commentaires la rencontrent. J'ai fait en sorte que l'on en discute à la table du Cabinet, et j'ai découvert qu'un bon nombre de mes collègues ne savaient même pas qu'elle existait. Qui est cette Mme Gélinas? C'est une fonction relativement récente, mais après quelques années, il est temps de lui assurer un bon profil, de manière à ce que ses dossiers et ses travaux soient perçus comme ayant du mérite et fassent partie de la révolution que nous attendons.

Le sénateur Spivak : Votre enthousiasme est communicatif et nous donne beaucoup d'espoir. J'ai quatre petites questions.

Le président : Non, non, non.

Le sénateur Spivak : Je vais les formuler en une seule. Tout d'abord, pourquoi le ministre des Finances n'est-il pas à la tête de ce comité, au lieu du ministre de l'Industrie? Deuxièmement, avec Industrie, allez-vous rechercher de pratiques industrielles éco-efficaces, plutôt qu'éco-efficientes? Nous en reparlerons plus tard. Troisièmement, au sujet des évaluations environnementales : le problème, ce n'est pas seulement qu'elles sont trop longues, mais c'est qu'il n'y a pas assez d'experts indépendants qui font les évaluations; et quatrièmement, les sables bitumineux : j'étais assis à côté de notre conseiller politique à l'occasion d'un souper, hier soir, et nous avons discuté de l'hydroélectricité et de l'énergie nucléaire, car le gros problème avec les sables bitumineux, c'est l'eau, etc. L'énergie nucléaire est-elle une option? Je suis contre l'énergie nucléaire, mais il faut que je sois maintenant pour, car c'est une option.

C'est tout pour mes questions. Enfin, je dois vous dire que je connais des personnes de l'Industrie à Calgary, et certaines, comme Robert Page et des employés de Shell, sont fantastiques, alors si vous faites en sorte qu'elles écrivent comme Suzuki, alors c'est tant mieux pour vous.

M. Dion : Le ministre des Finances est membre d'office de ce comité.

Le sénateur Spivak : Les Finances seront-t-elles présentes aux réunions, car Mme Gélinas a parlé du système d'imposition?

M. Dion : Invitez-le ici.

Le président : Nous le ferons.

M. Dion : En ce qui concerne les évaluations environnementales, je crois qu'il est vrai que nous avons besoin de plus d'experts, mais nous devons également prendre moins de temps pour mettre sur pied un comité. Je ne sais pas pourquoi cela prend tant de temps. Il me semble que cela devrait prendre quelques jours, et non des mois pour mettre sur pied un comité.

Le sénateur Spivak : Ce sont des comités indépendants. Cela ne se produit pas toujours.

M. Dion : Malheureusement, pas toujours, car nous devons faire des milliers d'évaluations par année.

Le sénateur Spivak : C'est vrai.

M. Dion : Ce serait impossible, mais pour les projets très importants, il faut un comité et je veux savoir pourquoi cela prend tant de temps à mettre sur pied.

En ce qui concerne les sables bitumineux et l'énergie nucléaire : aucun ministre de l'Environnement de la planète ne pourra empêcher l'exploitation des sables bitumineux.

Le sénateur Spivak : Je comprends. C'est ce que je voulais dire.

M. Dion : Je vais travailler du mieux que je peux pour trouver de meilleures façons de les exploiter, car pour tirer du pétrole de ces sables, il faut beaucoup d'eau, comme vous le savez, et cela produit beaucoup d'émissions de gaz, et nous devons travailler à investir dans des moyens pour empêcher les émissions de monoxyde de carbone. C'est une solution, mais la solution ne sera pas au point tant que nous n'investissons pas — le secteur privé et le secteur public — davantage. Je sais que dans votre province, il y a de très bons centres de recherche qui veulent trouver des solutions dans ce domaine. C'est pourquoi je ne prendrai pas de mauvaises décisions. Je ne vais pas suggérer au premier ministre de prendre une mauvaise décision simplement pour donner l'impression que nous accomplissons quelque chose de bon à court terme, simplement pour soigner notre image, alors que les solutions résident dans le long terme. Si tous les pays qui ont ratifié le Protocole de Kyoto tiennent leur engagement, les émissions vont diminuer de 5,2 p. 100 en 2010, si le point de départ est 1990. C'est bon. Cependant, les scientifiques nous disent que nous devons diminuer ces émissions de 70 p. 100, alors il est clair que si nous n'avons pas une révolution technologique, nous ne pourrons pas y arriver. En ce qui concerne le nucléaire : j'étais en Europe la semaine dernière. J'étais en France, un pays qui a décidé d'utiliser pleinement le nucléaire. J'ai été en Grande-Bretagne, qui a essayé d'y échapper, et les Anglais et les Belges m'ont dit qu'ils comptent rouvrir le débat, car ils ne savent pas comment ils pourront y arriver sans cette source d'énergie.

Le sénateur Spivak : C'est la dernière des pires options.

M. Dion : Les Allemands ne l'utilisent pas, car le gouvernement est formé d'une coalition où le Parti écologique est fort, alors nous devrons examiner ce qui se passe dans ce pays, car en Ontario, nous devons avoir un débat à ce sujet. Si nous pouvons aider le gouvernement provincial à fermer toutes les centrales au charbon, quelle est la solution de rechange? L'énergie éolienne, l'énergie solaire, et cetera, sont de bonnes sources d'énergie, mais qui ne peuvent résoudre à elles seules le problème de cette province hautement industrialisée. Il est certain que le nucléaire doit être envisagé et qu'il doit faire partie du débat.

Le sénateur Angus : Merci, monsieur le président, et merci, monsieur le ministre. Je vais essayer de couper court ici. Vous avez un grand défi devant vous, et peu importe ce que la commissaire a dit et ce que j'ai dit à ce sujet, nous ne vous blâmons pas. Vous êtes nouveau, mais Mme Gélinas ne nous a pas dit ce que l'on dit dans tous les autres pays, comme vous l'avez dit, mais à ce sujet, je ne suis pas d'accord avec vous. Elle nous a dit, et elle faisait référence en un document de l'OCDE — elle citait des représentants de la Grande-Bretagne — que le Canada était loin derrière, qu'il se situait dans les années 1980. Vous-même avez dit qu'il y a deux questions qui vous ont beaucoup impressionné, c'est- à-dire les pluies acides et toute la question de l'ozone. Ces deux questions ont été mises de l'avant par un gouvernement conservateur il y a quelques années. La commissaire a dit qu'il y avait des manques importants, et que l'un d'eux se rapportait au leadership, mais elle n'a pas critiqué votre prédécesseur. Au contraire, elle partageait la grande frustration du ministre, et j'espère que ce ne sera pas la même chose pour vous, qui l'a d'ailleurs montrée deux fois à la télévision récemment. Ma question est la suivante : pourquoi cette lacune au Canada en matière de mise en œuvre, malgré les outils que nous avons à notre disposition et les progrès réalisés? Pourquoi les Finances ne coopèrent-elles pas? Quel est le problème et qu'allez-vous faire pour le régler, car vous êtes l'homme de la situation, monsieur le ministre, et nous mettons de grands espoirs en vous. Nous sommes très heureux de votre nomination.

M. Dion : Merci. Je ne veux pas répéter tout ce que j'ai dit. Mais je crois toujours que c'est une question de méthode. De plus, les défis et les problèmes, s'accentuent.

Parfois, c'est une bonne chose. Parfois, les bonnes nouvelles créent un problème ailleurs. Par exemple, la bonne nouvelle est que notre économie est florissante depuis 11 ans. Je ne vais pas comparer notre économie selon les gouvernements, étant donné que nous parlons de l'environnement. L'économie est florissante, et je ne dis pas cela parce qu'il y a en ce moment un gouvernement libéral plutôt qu'un gouvernement conservateur. Je dis simplement que l'économie est florissante.

Lorsque l'économie est florissante, la quantité d'émissions augmente. En Europe, l'économie stagne, alors les émissions de substances toxiques, et cetera, n'augmentent pas au même taux qu'au Canada. Au Japon, c'est la même chose. C'est le problème que nous avons.

Le sénateur Angus : Ces pays appliquent des lois pour favoriser les véhicules hybrides et les carburants écologiques pour les voitures, qui sont la plus grande source d'émissions de gaz à effet de serre, et leur économie ne va pas bien. Vous avez un défi. Allez-vous faire la même chose?

M. Dion : Je sais que nous devons améliorer les choses au sujet des voitures hybrides, et cetera. Pour ce qui est de l'industrie de l'automobile, elle a accepté de négocier un accord avec l'Allemagne et le Japon. Je ne crois pas qu'ils ne voudront pas le faire avec le Canada. Nous négocions avec eux en ce moment.

Le sénateur Spivak : Au sujet des autos hybrides?

M. Dion : Pour accroître leur efficacité de 25 p. 100. Si les négociations ne mènent à rien, nous appliquerons des règlements. La Californie l'a fait, alors pourquoi le Canada devrait-il avoir peur de le faire?

Nous leur offrons de s'entendre avec nous et de conclure un accord. J'espère que cela va fonctionner. J'appuie fortement le ministre Efford à ce sujet. Je ne veux pas parler trop longtemps. Je crois que nous avons de grands défis, et je suis heureux de travailler avec vous.

Le sénateur Angus : Vous devriez aussi travailler avec Mme Gélinas, elle est vraiment bien.

Le sénateur Buchanan : C'est l'une des analyses de l'environnement les plus complètes que j'ai entendues dans ce comité depuis des années. Félicitations pour votre comité spécial. J'espère que cela va fonctionner. J'espère qu'ils vont tous collaborer et travailler avec vos vis-à-vis des provinces. Je veux parler de l'importance que vous accordez à l'énergie; c'est important pour la Nouvelle-Écosse, qui pourra tirer tous les revenus provenant du gaz naturel très bientôt. De plus, il y a la question du charbon; nous développons une nouvelle mine de charbon. Je veux également parler de l'énergie éolienne — nous avons trois ou quatre éoliennes — et je voudrais parler des changements climatiques. Je suis content que vous ayez inclus les changements climatiques, car nous avons besoin de mesures pour cela en Nouvelle-Écosse, surtout après ce qui s'est passé le week-end dernier.

Le sénateur Adams : Vous avez parlé du Nunavut. J'espère que vous allez honorer vos promesses, surtout en ce qui concerne l'énergie éolienne. Nous avons beaucoup de vent. Nous avons entendu deux témoins nous parler de l'énergie solaire et je crois qu'un bon point de départ serait de suivre leurs propositions. Tous les dossiers sont difficiles à certains moments — les coûts augmentent toujours — et c'est la même chose pour l'énergie éolienne. Nous avons une éolienne à Rankin, de 60 kilowatts, qui coûterait environ 60 000 $ ici à Ottawa. Mais après les travaux terminés, il en coûte plus de 100 000 $ pour un générateur de 60 kilowatts là-bas.

J'aimerais beaucoup que vous vous penchiez sur des choses comme cela. Je sais que nous payons plus de 0,45 $ le kilowatt-heure là-bas, alors qu'ici, nous ne le payons que 0,10 $. Il est important qu'il y ait des subventions. Ne fermez pas le robinet dans ce domaine. Lorsque vous n'avez plus d'argent, tous vos investissements finissent à la poubelle. J'espère que vous continuerez à vouloir mettre en œuvre ce type de projet au Nunavut. Nous en avons besoin. Là où je vis, à Rankin, il y a beaucoup de vent. L'une des régions où il y a le plus de vent, c'est Rankin Inlet. Un seul générateur produit 60 kilowatts, et en un an, nos générateurs ont produit 140 000 kilowatts.

Le président : Monsieur le ministre, messieurs les fonctionnaires, merci beaucoup d'être venus ici aujourd'hui. Je m'excuse auprès des membres qui n'ont pu intervenir.

Le sénateur Milne : Je peux recevoir une réponse écrite, mais j'aimerais tout de même poser ma question. Il y en a eu quatre de ce côté de la table, et seulement deux de ce côté-ci.

Je veux simplement faire une mise en garde au sujet de l'énergie éolienne et poser une question à ce sujet. La mise en garde, c'est que l'on commence à découvrir que les grands parcs éoliens créent tellement de turbulence dans l'air qu'ils produisent des changements climatiques là où ils sont situés. Le ministère doit examiner attentivement ce genre de choses avant de commencer à utiliser à grande échelle l'énergie éolienne.

Vous savez que nous publions ce rapport, et vous savez ce qui se passe avec les rapports, ils sont déposés sur une tablette. Qu'allez-vous faire pour appliquer nos recommandations de la meilleure manière? Comment allez-vous intervenir? Que pouvons-nous faire? Quelle est la place de notre comité dans votre programme? Je serais prête à accepter une réponse écrite.

Le président : Je vais demander au sénateur Lavigne et au sénateur Kenny de remettre leurs questions écrites au greffier. Nous allons vous faire parvenir plusieurs questions, monsieur le ministre, si cela vous convient.

La séance est levée.


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