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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 5 - Témoignages du 9 décembre 2004


OTTAWA, le jeudi 9 décembre 2004

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 8 h 37 pour examiner de nouvelles questions concernant son mandat et en faire rapport.

Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, la séance est ouverte. Sénateurs, on dit de notre dernier témoin de l'enquête du comité sur les ressources hydriques du Canada qu'il est l'« Indiana Jones de l'écologie ». M. David Schindler sera honoré demain alors qu'il recevra l'Ordre du Canada. Nous sommes enchantés de l'accueillir à notre réunion ce matin pour qu'il nous aide dans notre étude. Monsieur Schindler, la parole vous appartient.

M. David Schindler, chaire commémorative Killam, professeur d'écologie, faculté des sciences, Université de l'Alberta : Bonjour, sénateurs. Merci de m'avoir invité à comparaître devant le comité. J'ai préparé un certain nombre de diapositives de ce que je crois être les aspects les plus importants en ce qui concerne les Prairies. J'en ai d'autres que nous pourrons utiliser dans la discussion, si la chose est nécessaire. On m'a dit que les sénateurs aimaient discuter de certains des problèmes potentiels plutôt que de simplement écouter une déclaration.

La première diapositive est une image de la plomberie du pays. On nous dit toujours sans détour que le Canada est un pays riche en eau, mais en fait, le Canada a presque la même taille que l'Europe et bien des provinces du Canada sont aussi grandes que le plus grand pays d'Europe. Par exemple, l'Alberta est plus grande que la Suède, la Grande- Bretagne ou l'Allemagne. Par conséquence, l'expédition d'eau par pipeline un peu partout au Canada et bien d'autres choses que les gens s'imaginent pouvoir faire avec l'eau se heurtent à certains problèmes liés à la distance.

Les points noirs sur la carte représentent les grands centres de population; ces derniers se situent dans une mince bande de terre d'environ 300 à 400 kilomètres à partir de la frontière américaine. La plus grande partie de l'eau se situe au nord de la frontière ou s'affaire à trouver son chemin vers le nord. La région dont nous devrions nous préoccuper en premier lieu, c'est la zone colorée en gris, en Alberta et en Saskatchewan, sur la carte. Cette région ne produit aucune sortie nette d'eau même dans les périodes plus humides pour lesquelles nous avons des relevés instrumentaux, c'est-à- dire depuis le milieu du XXe siècle.

Dans cette région, l'évaporation élimine plus d'eau que les précipitations n'en apportent. La principale raison pour laquelle il y a de l'eau dans cette région, c'est qu'elle jouxte les Montagnes Rocheuses qui reçoivent presque trois fois plus de précipitations. La région qui suscite le plus d'inquiétude, c'est l'Alberta parce qu'en plus d'être une des parties extrêmement arides du pays, son développement est très rapide. Sur la prochaine diapositive, les sénateurs peuvent constater qu'il y a une activité plus grande en Alberta que partout ailleurs dans l'ouest de l'Amérique du Nord. Évidemment, l'industrie entraîne dans son sillage des gens et des usages industriels de l'eau. Outre la sécheresse naturelle, c'est la deuxième menace.

Nous avons ensuite une carte des précipitations de l'Alberta pour le milieu du XXe siècle. Comme vous pouvez le voir, la région du sud et de l'est suscite le plus d'inquiétude. Dans la plus grande partie de cette région, les précipitations sont inférieures à l'évaporation, surtout dans les endroits colorés en vert pâle, en jaune et en rouge sur la carte.

Dans cette région, la croissance démographique est extrêmement élevée, surtout dans les environs de Calgary, où la croissance est de l'ordre de 4 p. 100 par année et même davantage dans certaines banlieues.

Un autre facteur est l'utilisation considérable de l'eau pour l'irrigation. Environ 70 p. 100 de l'eau en Alberta est utilisée pour l'irrigation des cultures qui servent, principalement, à l'alimentation du bétail. Nous devons réfléchir à long terme sur le fait que la principale raison de cette situation est l'exportation du bétail vers les États-Unis dans les circonstances normales, c'est-à-dire lorsque la frontière n'est pas fermée à cause de la maladie de la vache folle.

Il y a un troisième facteur qui intervient — le réchauffement climatique. Quelques personnes doutent encore que les émissions de gaz à effet de serre soient la cause du réchauffement. Ma réponse, c'est que du point de vue de l'eau, cela ne change rien que la cause soit naturelle ou qu'elle soit attribuable aux gaz à effet de serre. D'une façon ou de l'autre, l'évaporation se poursuivra. L'excès d'évaporation par rapport aux précipitations augmentera. Si le modèle dit vrai, nous pouvons nous attendre à une augmentation considérable de la température durant le reste du siècle actuel.

Cependant, nous devons nous rappeler que les valeurs moyennes mondiales indiquées sur cette carte représentent une étendue de tous les scénarios provenant des principaux modèles climatiques. Vous constaterez que l'on s'attend à ce que les Prairies aient deux ou trois fois la moyenne mondiale. Cette dernière est en grande partie atténuée par la grande capacité thermique des océans. Je dirais, quand on parle de l'Ouest, que les Prairies constituent notre première source de préoccupation parce qu'elles sont déjà tellement sèches et qu'elles ont une forte population humaine.

La préoccupation suivante serait le Nord, qui est également extrêmement sec. Heureusement, il n'y a pas encore de pression exercée par la population dans cette région. On s'attend à ce que le Nord se réchauffe encore plus que les Prairies.

Bien que l'on puisse remonter dans l'histoire et faire tout un plat avec les périodes de réchauffement du Moyen-Âge et le climat du milieu de la période holocène, et apporter toutes sortes d'excuses, le fait demeure que le forçage des gaz à effet de serre peut être mesuré, tout comme les modèles. Les mesures du forçage indiquent que nous aurons un réchauffement très rapide. Sur la carte, le changement de la surface terrestre qui passera d'une couleur pâle — la couverture de neige et de glace — à une couleur plus foncée aura un effet énorme. Pensez à la différence de chaleur que l'on observe entre la surface d'une voiture blanche et celle d'une voiture noire l'été. C'est ce qui fait la différence entre absorber le rayonnement solaire et le réfléchir. Nous voyons ici les forçages liés aux gaz à effet de serre produits par les humaines. Vous pouvez voir, à gauche, la combinaison des gaz dont le GIEC connaît les conséquences avec un degré de confiance variant de moyen à élevé.

Le président : Que veut dire le GIEC?

M. Schindler : Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat.

La plupart des scientifiques seraient d'accord avec le GIEC. Dans le numéro de la semaine dernière de la revue Science, il y avait un article de synthèse portant sur 952 résumés publiés dans des revues à comité de lecture et les auteurs n'ont pas trouvé un seul article qui rejetait l'idée que ces gaz causaient un réchauffement par effet de serre. La plus grande partie de l'opinion dissidente se retrouve dans des sites Web ou dans la presse populaire. En toute équité, les septiques ont quelques bons points en leur faveur, mais ils n'ont pas le point de vue dominant; et le fait que ces forçages peuvent être mesurés tranche définitivement le débat.

Évidemment, nous avons un autre facteur qui ne s'est pas manifesté avant les cinq ou six dernières années. Toutefois, on trouve des exemples qui remontent loin dans le temps. Il y a le fameux journal de Palliser qui a exploré l'Ouest. Évidemment, nous savons maintenant que Palliser est arrivé dans la région à la fin d'une sécheresse qui a duré 25 ans, une sécheresse plus grave que tout ce que nous avons connu au cours du dernier siècle. Heureusement, cette sécheresse a cessé peu de temps après et, bien que je ne pense pas qu'il y ait d'agriculteurs dans l'Ouest qui prétendent qu'on menait une vie somptueuse dans les Prairies, ils sont parvenus à vivoter et nous avons beaucoup d'agriculteurs qui s'accrochent.

Un élément d'information qui, à mon avis, fait un peu peur, c'est ce qu'on appelle le réchauffement du milieu de la période holocène; divers indices comme la position des anneaux de croissance des arbres, les essences d'arbre et ainsi de suite, donnent entendre qu'à son apogée, il y a environ 6 000 ans, les Prairies et une bonne de partie du sud du Canada avaient un climat qui était plus élevé d'un degré Celcius que celui du milieu du XXe siècle. Des choses assez épouvantables sont alors survenues, ce qui devrait nous donner matière à réflexion.

J'ai coloré le lac Manitoba en rouge. Il s'agirait d'un grand lac dans n'importe quel pays du monde sauf au Canada. Par sa taille, il figure au dixième rang des lacs du continent. Des travaux faits à l'Université du Manitoba laissent entendre que le lac Manitoba était desséché au milieu de la période holocène. La diapositive montre la profondeur des sédiments au fond du lac. Vous pouvez voir des bandes vertes; à ces profondeurs, il y avait des bandes contenant de l'herbe emprisonnée dans les sédiments du lac qui ont été enterrés par la suite. Cela donne à entendre qu'à ces différentes époques, le lac Manitoba était un pâturage à bisons et non un lac. Une bonne partie du lac Winnipeg avait également disparu. C'était un plan d'eau beaucoup plus petit qu'à l'heure actuelle.

Lorsque j'étudiais à l'université, on nous disait que les terres humides des Prairies avaient été laissées par les glaciers. Une étude réalisée par deux scientifiques d'Edmonton indique autre chose. Ce que ces derniers ont fait, c'est procéder à la datation au carbone 14 de la tourbe la plus vieille située au fond des terres humides où elles ont commencé à s'accumuler. Les chiffres indiqués sur cette diapositive, qui varient de trois à cinq, représentent l'âge la tourbe la plus vieille en milliers d'années. Elle montre que toutes ces terres humides ont été formées après la période de réchauffement du milieu de l'Holocène. Elles ont probablement été formées après la glaciation, puis elles se sont asséchées au milieu de la période holocène, alors que le climat n'était plus chaud que d'environ un degré par rapport à celui du XXe siècle, et ensuite, elles se sont reformées au fur et à mesure que la climat s'est refroidi au cours de la Petite Âge glacière. Un bon nombre de ces terres humides sont redevenues sèches à l'heure actuelle, à cause de la sécheresse de la fin des années 90 et du début du présent siècle.

Plusieurs études réalisées au cours des dernières années indiquent des choses assez troublantes. Évidemment, nous n'avons pas de données sur la température ou sur les précipitations avant environ 1890. Un certain nombre de personnes ont utilisé des témoins indirects, en établissant des relations entre les anneaux de croissance des arbres et la température et les précipitations, ou encore la présence de diatomées qui croissent dans les lacs et qui sont conservés dans les sédiments parce qu'elles sont dotées de frustules siliceuses.

Voici un exemple fondé sur les anneaux de croissance des arbres, travail réalisé par des scientifiques de l'Université de Regina. Ces derniers ont constaté qu'au cours du XXe siècle, ils obtenaient une très bonne corrélation entre la largeur des anneaux de croissance et les précipitations dans des endroits comme Cyprus Hills qui sont entourés de prairies. Puisque ces données étaient bonnes, ils ont supposé qu'ils pourraient remonter plus loin dans le temps s'ils pouvaient trouver du bois plus âgé. Comme vous pouvez le voir dans le cas de ces sites, un en Alberta et l'autre dans le Montana adjacent, ils peuvent remonter à trois ou quatre cents ans en arrière. Ces travaux indiquent, et on peut en dire autant des données obtenues à partir des diatomées, que dans toute cette période de temps, le XXe siècle était unique. C'était de loin le siècle le plus humide et, évidemment, parce que c'est à ce moment que les Européens sont venus s'y installer et que nous avons eu du développement industriel, nous en sommes venus à croire que le XXe siècle représentait la situation normale.

Sur ce graphique, chaque ligne coloriée représente une sécheresse et les barres colorées en rouge représentent des sécheresses qui ont duré 10 ans ou plus. La deuxième barre à partir de la droite correspondrait aux « sales années 30 ». C'était une sécheresse de rien du tout comparativement à ce que l'on a connu dans l'histoire.

Les données sur les diatomées indiquent exactement la même chose, sauf que, jusqu'ici, les chercheurs sont parvenus à remonter dans le temps jusqu'à il y 2 000 ans, et même lorsqu'on remonte aussi loin dans le temps, le XXe siècle ressort toujours comme une période exceptionnellement humide.

Le scénario que je vois se dérouler, c'est une forte augmentation de la population et du développement industriel en Alberta. Les sécheresses périodiques auxquelles, je pense, nous devons nous attendre, si nous revenons à des conditions qui prévalaient avant le XXe siècle, et l'évaporation accélérée attribuable au réchauffement climatique, se manifesteront à un moment donné dans le prochain siècle. Je dirais que ce sera plus tôt que plus tard dans le siècle. Nous saurons alors ce que signifie une pénurie d'eau en Alberta. Je pense qu'au cours de la fin des années 90, bon nombre de personnes ont commencé à s'en rendre compte.

Pour parler de certains travaux récents, pendant quelques années, un jeune collègue, Bill Donahue, et moi-même avons essayé de mettre ensemble les changements touchant la température, les précipitations et le débit fluvial. Il s'agit de données modélisées. La grappe de points du côté gauche indique des données mesurées. Le reste représente des données modélisées par une combinaison de modèles et de scénarios globaux appliqués au centre de climatologie de l'Université de Victoria. Ces chiffres représentent une moyenne pour les villes de l'ouest des Prairies qui sont dotées de stations météorologiques importantes. Vous pouvez constater que ces données laissent prévoir une augmentation moyenne de la température d'environ 6,5 degrés. Les barres représentent les limites. Différentes stations ont des scénarios différents. Vous pouvez vérifier par vous-même sur leur site Web en indiquant la latitude et la longitude ainsi que l'année que vous aimeriez voir. Vos données seront traitées à l'aide d'un modèle reconnu pour vous directement sur votre ordinateur portatif et vous obtiendrez un diagramme de dispersion de ce que les différents modèles prévoient.

Un autre facteur avec lequel nous serons confrontés sera la perte de l'eau des glaciers. J'ai entendu beaucoup de gens essayer d'écarter cette préoccupation au sujet de l'eau des glaciers parce que, sur une base annuelle, elle ne représente qu'une petite partie du débit des principales rivières. Cependant, il ne s'agit pas d'une petite partie au milieu et à la fin de l'été. Et c'est à ce moment-là que l'agriculture a besoin d'eau. Il y a également une forte demande en eau dans les municipalités pour laver les voitures et arroser les jardins et les pelouses. Cette combinaison m'amène à penser que nous devrions accorder plus d'attention à ces périodes d'étiage.

Le glacier Athabasca est probablement le plus célèbre, parce qu'il est au centre du champ de glace. Voici une réplique de la maquette qu'ils ont là-bas, montrant ce glacier reculer de 1,5 kilomètre en une période d'environ 70 ans. Pendant cette période, on a calculé que le glacier a perdu, en moyenne, environ 16 millions de mètres cubes d'eau par année, en plus de ce qu'il a gagné à partir de la neige annuelle.

Cependant, ce n'est pas le pire du groupe. Voici le glacier Saskatchewan, là où prend sa source la rivière Saskatchewan Nord. Ces photos ont été prises par Graeme Pole, un ami, qui les a utilisées pour illustrer un ouvrage sur la randonnée pédestre. J'ai rédigé une partie de son livre en échange de copies de ses photos. Vous pouvez voir dans quelle mesure le glacier a reculé en comparant les photos de 1924 et de 2002.

Toutefois, le pire, c'est le glacier Bow. Graeme a pris la photo du bas pour reproduire une photo qu'il a trouvée au musée Whyte. Une photo a été prise en 1898 et l'autre en 2002. Il vaut la peine de noter qu'il s'agit du même arbre dans les deux photos. Il a chuté de 90, mais il a encore presque toutes ses branches. Malheureusement, la glace n'a pas été aussi bien préservée. Elle disparaît à l'horizon. C'est dans ce glacier que, dans des travaux antérieurs, nous avons documenté la libération d'une grande quantité de pesticides qui se sont déposés au milieu du XXe siècle dans la rivière Bow par suite de la fonte du glacier.

Le président : Pour nous donner une idée de l'échelle de grandeur au cas où quelqu'un ne s'est pas rendu en face du champ de glace Columbia, quelle est la hauteur de la glace à l'avant du glacier?

M. Schindler : J'ignore quel serait le maximum. Les glaciers recouvrent un terrain variable. Je sais qu'il y a eu un amincissement considérable. Il y a peu de glaciers pour lesquels nous avons un bon bilan massique. Une de mes principales recommandations, c'est que nous n'avons pas une bonne information concernant un grand nombre de ces glaciers. Nous avons besoin de profils de profondeur qui nous permettront, avec le temps, de faire un certain calcul de cette masse. Là où nous avons des données, elles indiquent que nous avons eu une perte de 40 p. 100.

Certains des petits glaciers disparaissent plus rapidement. Certains n'ont qu'un ou deux kilomètres d'étendue. Ils se trouvent littéralement dans des petits bols chauffés où le terrain autour d'eux, de couleur beaucoup plus foncée, absorbe le rayonnement solaire. Ils disparaissent très rapidement. Une étude détaillée a été effectuée dans le parc national des Glaciers, juste de l'autre côté de la frontière du Montana. On prévoit qu'il n'y aura essentiellement plus de glaciers d'ici 2050. Il est probable que de nombreux glaciers plus petits subiront le même sort.

Il y a certaines indications que le glacier Bow et le glacier Peyto, les deux glaciers qui alimentent la rivière Bow, ont déjà atteint leur limite. Peu importe dans quelle mesure le climat se réchauffe, ils ne peuvent suivre le rythme ou donner plus d'eau.

J'ai ajouté des données ici pour l'Athabasca, montrant que le glacier réagit au réchauffement par des débits accélérés.

C'est très révélateur. Nous avons fait ce genre de calculs pour toutes les principales stations pluviométriques des Prairies. Je vous en montre quelques-uns ici pour l'Alberta. En Alberta, il semble y avoir un gradient du sud vers le nord. Cela se continue dans les territoires, où on peut constater que Fort Smith connaît un réchauffement plus important que Fort Chipewyan. J'ai choisi délibérément ces endroits qui n'ont pas d'effet d'îlot de chaleur urbain, comme se plaisent à signaler nos chroniqueurs économiques. Quiconque a atterri à Fort Chipewyan au milieu de l'été sait qu'il n'y a pas d'îlot de chaleur urbain à cet endroit. Il s'agit d'une petite collectivité et l'aéroport est situé à 10 kilomètres plus loin. À Edmonton et Calgary, les données de 1937 ont été prises à l'emplacement des aéroports internationaux. Un réchauffement considérable a déjà eu lieu depuis la période du milieu du XXe siècle qui est généralement utilisée comme ligne de base.

Le tableau suivant est plus compliqué que je le voudrais. Cependant, les données varient quelque peu selon les modèles d'évaporation que l'on utilise. Il existe plusieurs modèles bien connus. Certains nécessitent plus de données que d'autres. Nous ne pouvons utiliser tous les modèles pour toutes les stations. En général, ils indiquent que nous avons déjà eu une augmentation de l'évaporation de 10 à 12 ou 13 p. 100 par rapport à cette période du milieu du XXe siècle, à cause du réchauffement. Ce sont des données pour Edmonton et Fort McMurray, deux endroits d'intérêt. Dans le cas de Fort McMurray, c'est une question de développement rapide autour des sables bitumineux.

On indique ici ce qui arrivera par suite d'une augmentation additionnelle de la température de trois degrés Celsius. À partir des valeurs de base du milieu du XXe siècle, si vous les additionnez ensemble, vous obtenez près de 25 p. 100 d'augmentation de l'évaporation. Dans une grande partie de cette région, les précipitations sont presque égales à l'évaporation à l'heure actuelle; il n'y a qu'un léger surplus.

En termes de température et de précipitations prévues, les températures sont censées augmenter, mais on ne prévoit pas de grand changement dans les précipitations. Dans certains cas, on prévoit une augmentation d'environ 5 p. 100 et les gens croient que c'est merveilleux. Ce qu'ils oublient, c'est l'effet énorme qu'auront sur l'évaporation la température et une saison libre de glace plus longue. Même s'il pleut un peu plus, les conditions peuvent être plus sèches.

Un autre facteur que nous pouvons déjà voir, c'est l'effet sur l'accumulation annuelle de neige. Ces résultats sont fondés sur des travaux effectués par des scientifiques de l'Université de Lethbridge. La ligne verte indique l'accumulation annuelle de neige réelle de 1973 à 1974. La ligne noire indique ce que le modèle prévoit qu'il arrivera à l'accumulation annuelle de neige avec le réchauffement climatique prévu pour 2050. En général, moins de précipitations tombent sous forme de neige et plus sous forme de pluie, phénomène que l'on peut déjà observer dans de nombreux bassins versants du sud. Vous pouvez voir ces chutes abruptes. Dans plusieurs endroits où la neige tombe encore, cette dernière est sujette à des fontes périodiques plus importantes en hiver, de sorte que l'eau disparaît durant l'hiver. En conséquence, il en reste moins au printemps au moment où nous aimerions que nos rivières gonflent. Les calculs de ces chercheurs indiquent une diminution d'environ 30 p. 100 du débit des rivières en raison de ces conditions plus chaudes, si l'on suppose la même accumulation annuelle de neige. Il s'agit d'un autre facteur qui, j'en suis sûr, influera sur l'approvisionnement en eau des Prairies.

Si quelqu'un d'entre vous est intéressé, vous n'avez qu'à vous brancher sur ce site Web et on vous demandera une année, une latitude et une longitude. On vous donnera le choix entre 20-20, 20-50 ou 20-80. Après que vous aurez inscrit ces données, le modèle se mettra en marche. Ce sont tous les modèles du GIEC et leurs principaux scénarios, ces derniers variant selon des hypothèses différentes touchant la production de CO2. Vous avez les précipitations sur un axe et la température sur l'autre. Cet exemple concerne la région des sables bitumineux. Bien que les modèles donnent des prévisions différentes, vous verrez des grappes. Ici, c'est pour 20-20, pour une augmentation additionnelle de la température prévue d'environ 1 degré et demi et une augmentation des précipitations d'environ 5 p. 100. J'ai tracé une ligne pour l'évaporation qui a déjà augmenté à partir du milieu du XXe siècle. Si les modèles sont exacts, l'évaporation d'ici le milieu du siècle sera élevée. Si vous appliquez ces modèles à tous les principaux endroits dans les Prairies, vous constaterez que d'après les prévisions des modèles, il n'y a aucun endroits où les augmentations prévues dans les précipitations peuvent compenser les augmentations prévues de l'évaporation, lorsqu'on utilise ces augmentations de température et qu'on les traite avec n'importe quel modèle d'évaporation bien connu.

On m'a dit que l'un des intérêts du comité, ce sont les sables bitumineux. La diapositive suivante a été compilée par moi avec l'aide de plusieurs personnes de l'Université de Lethbridge. La ligne bleue indique l'eau dont l'utilisation a été autorisée. Ce travail a été réalisé par un certain nombre de mes étudiants au niveau du deuxième ou troisième cycle. La ligne en jaune indique l'usage prévu de l'eau dans les sables bitumineux. Sénateurs, le nom qui devrait figurer sur ce graphique devrait être celui de l'« Alberta Energy and Utilities Board ». Pour une raison quelconque, mes étudiants confondent ce nom avec « Alberta Environment ». Les lignes en rouge sur cette même diapositive indiquent l'utilisation de l'eau pour la production du pétrole — six barils d'eau par baril de pétrole produit, ce qui se trouve à être la moyenne jusqu'ici. Les lignes vertes indiquent que les nouvelles entreprises, comme CNRL et Shell, peuvent produire un baril de pétrole en utilisant seulement trois barils d'eau. J'espère qu'ils seront capables de réussir avec une telle utilisation, mais j'ai entendu dire qu'ils avaient des problèmes de corrosion lorsqu'ils essayaient de réutiliser l'eau à ce point. J'ai bon espoir qu'ils parviendront à surmonter cette difficulté.

La raison pour laquelle je montre cela, c'est que cette utilisation de l'eau correspondrait grossièrement à la moitié du débit d'hiver de la rivière Athabasca, si nos prédictions concernant les débits des rivières et ces projections sur l'utilisation de l'eau pour les sables bitumineux se concrétisaient. Une telle quantité devrait être une source d'inquiétude considérable.

Une bonne partie des sables bitumineux sont recouverts de terres humides. Avec les deux derniers projets, 56 p. 100 de la zone qui serait exploitée sont recouverts par ce que mon épouse appellerait « un marais boisé » — une couche étendue et épaisse de tourbe dans laquelle sont plantées de vielles épinettes. Il sera impossible de remettre ces terres humides en état par après. Les entreprises pétrolières ont eu plusieurs réunions avec des groupes de scientifiques internationaux qui ne peuvent être d'accord parce qu'il a fallu des milliers d'années pour produire ces marais et qu'il n'y a aucun moyen de les rétablir. Les meilleurs efforts de remise en état se sont soldés par des étangs comme ceux que l'on retrouve sur les terrains de golf. Je ne pense pas qu'ils joueront le même rôle que ces terres humides anciennes, de grande taille, qui agissent comme une éponge gigantesque qui absorbe l'eau de fonte au printemps et les grosses pluies l'été. L'eau est ensuite libérée lentement durant les périodes de faible débit, durant l'hiver, et devient la principale composante du débit des rivières lorsque les précipitations sont gelées ou inexistantes par suite d'une sécheresse. J'imagine qu'il y aura des conséquences assez importantes pour la région des sables bitumineux, pour la rivière Athabasca et ses tributaires.

Dans un autre ordre d'idée, la diapositive suivante décrit le travail récent de Dave Sauchyn. Il a utilisé les deux mêmes facteurs dont j'ai parlé — P signifie précipitation et PE signifie évaporation potentielle, s'il y avait dans ces endroits de l'eau qui pouvait s'évaporer.

La partie du haut indique le rapport comme une mesure standard de l'aridité pour la période de base, 1961 à 1990. Les deux couleurs les plus claires représentent les zones « subhumides » et « semi-arides » déterminées par un géographe. Il y a des climats sous lesquels l'agriculture est clairement limitée par l'eau. Si on utilise le scénario prévu pour le milieu du siècle en cours, on constate, grosso modo, que ces zones ont doublé en superficie. Ce n'est pas une bonne nouvelle pour l'agriculture. Évidemment, environ 2 milliards de dollars ont déjà été dépensés à cause des petites sécheresses que nous avons connues à la fin des années 90 jusqu'en 2002. Il est vraisemblable qu'un tel scénario rendra la vie des agriculteurs des Prairies encore plus difficile qu'elle ne l'est à l'heure actuelle, ce qui est assez difficile à imaginer.

Nous passons ensuite aux débits réels des rivières. Un certain nombre d'études ont porté sur le débit annuel total des rivières dans le passé. En général, les données ne sont pas très bonnes, particulièrement en ce qui concerne les premières années du XXe siècle. Cette situation est probablement attribuable au fait que les routes étaient mauvaises et que les gens ne pouvaient se rendre sur place pour faire la surveillance. Bill et moi avons choisi une autre période de temps — le débit d'été — c'est-à-dire de mai à août, pour deux raisons. Nous avons constaté que les données étaient plus complètes pour cette période de temps et il s'agit également de la période au cours de laquelle la demande en eau est élevée tant pour les municipalités que pour l'agriculture.

Le premier tableau montre la durée pour laquelle nous avons des données dans le cas de la rivière Athabasca. Je la montre en premier parce que c'est la seule rivière qui vient du versant est des montagnes Rocheuses qui n'a pas de barrage ou qui ne fait pas l'objet d'une extraction importante. Plus tôt, je vous ai montré la ligne bleue sur le graphique précédent qui indiquait les utilisations autorisées à l'heure actuelle. Elles sont toutes assez modestes, du moins au sud de la région des sables bitumineux. Évidemment, les barrages, même s'ils n'enlèvent pas nécessairement de l'eau, changent son caractère saisonnier. Par conséquent, nous avons décidé d'examiner cette période estivale critique.

Voyons la situation en détail pour plusieurs stations; les étoiles rouges le long de la rivière Athabasca indiquent les endroits où se trouvent les stations de jaugeage où l'on mesure les débits de la rivière. Nous avons regardé le point élevé sur le premier graphique, en 1970, et le point actuel. Il nous manque des données pour quelques années et nous n'avons pas eu l'occasion de refaire le tracé depuis que l'on a obtenu les données initiales jusqu'à 2003. Si on trace une ligne de régression entre ces points, et si l'on compare la première partie de cette régression avec la partie tardive, on constate que les débits sont à la baisse dans toutes les stations sauf celle de Sunwapta. Cette station se situe juste en dessous du glacier Athabasca. Presque toute l'eau que cette rivière reçoit provient de ce glacier. La fonte excessive du glacier à cause d'un réchauffement du climat d'environ deux degrés à Lac Louise, à l'heure actuelle, a entraîné une augmentation de plus de 20 p. 100 du débit d'eau provenant du glacier. Évidemment, il s'agit d'une région assez limitée, et cela ne peut compenser pour ce qui arrive en aval. Ce système travaille fort, mais il y a des régions beaucoup plus grandes du bassin versant en aval.

Si vous prenez ces données et que vous soustrayez les régions au-dessus et regardez le rendement par unité de bassin versant en dessous, vous verrez que les rendements ont beaucoup diminué dans chacune des stations, sauf à Sunwapta. Cela donne aux sénateurs une idée de ce qui arrivera une fois que le glacier aura tellement rétréci qu'il ne pourra plus maintenir de telles augmentations. Le système deviendra encore beaucoup plus sec.

Ensuite, nous regardons la plupart des principales rivières des Prairies. Je vais vous donner quelques exemples. Voici la rivière de la Paix. Nous avons calculé une ligne de régression pour ces périodes. Le nombre indique la différence entre le pourcentage d'un débit initial de 100 p. 100 et ce qui arrive par la suite.

Le débit de la rivière de la Paix a déjà diminué d'environ 40 p. 100. Le débit de la rivière Oldman, rivière qui est fortement taxée parce qu'elle comporte de nombreux barrages et qu'on y fait de nombreuses extractions importantes pour l'irrigation, dont la plus grande partie n'est pas retournée à la rivière, a diminué de près de 60 p. 100. La pire situation que nous avons rencontrée concerne la rivière Saskatchewan Sud. Ces résultats ont été obtenus à l'aide des données allant jusqu'à 2003. La rivière Saskatchewan Sud est la somme des trois rivières lourdement taxées, Oldman, Bow et Red Deer. Dans le bassin versant de la rivière Red Deer, il n'y a pas de glacier. Je vous ai montré le glacier Bow; or, ce dernier et le glacier Peyto semblent avoir déjà reculé tellement qu'ils ne peuvent donner plus d'eau. Dans le cas de la rivière Oldman, une bonne partie de l'eau vient uniquement de l'accumulation annuelle de neige.

Dans le cas des trois rivières, il y a des barrages importants, des extractions pour l'agriculture et des villes comme Calgary, évidemment, et d'autres villes à croissance rapide dans le sud de l'Alberta. Les débits ici ne représentent plus que 16 p. 100 de ce qu'ils étaient il y a un siècle. Je sais que beaucoup de gens autour de Saskatoon sont très préoccupés par cette situation.

Je n'ai pas de graphique pour la rivière Saskatchewan Nord. Nous n'avons pas encore établi le graphique avec les données des deux dernières années, mais les chiffres devraient être semblables à ceux de la rivière de la Paix. Le débit a diminué d'environ 40 p. 100.

Le président : S'agit-il de chiffres réels?

M. Schindler : Il s'agit des débits des rivières réels pour cette période de mai à août. Il est important de s'en rappeler. Les gens m'écrivent souvent pour me dire qu'ils ont lu le journal et que mes chiffres ne correspondent pas aux leurs. J'ai regardé la situation et ce que les autres personnes ont utilisé, ce sont les débits totaux avec les lacunes, surtout au début du XXe siècle, que j'ai indiquées.

Voilà en gros tout ce que j'ai à dire au sujet de la quantité d'eau. La plupart des gens ont oublié qu'à la suite du travail que nous avons fait sur les éléments nutritifs dans les années 70, tous les modèles indiquent que ces débits d'eau, surtout lorsqu'on arrive dans des lacs comme le lac Winnipeg ou de nombreux lacs de l'Alberta, diluent moins les éléments nutritifs et ont un effet aussi important que l'apport d'éléments nutritifs sur la prolifération des algues dans les lacs, ce qu'on appelle l'eutrophisation. Grosso modo, si l'eau s'écoule à travers le lac, cela équivaut à doubler la quantité d'éléments nutritifs qui entre dans le lac, en termes de ce que peut faire le lac.

Voudriez-vous que je m'arrête ici et poser des questions? Je pourrais poursuivre avec certains exemples concrets sur les éléments nutritifs.

Le président : Peut-être devrions-nous nous arrêter pour que vous nous aidiez à assimiler ce que nous avons entendu jusqu'ici. Du moins, il est plus facile pour moi de comprendre les problèmes qui ont trait au débit et à la disponibilité de l'eau plutôt que ce qui entre dans l'eau et ce que cela fait, ce qui est, comme vous dites, une autre question. Nous allons laisser les membres poser des questions et s'il reste plus de temps, nous allons continuer avec votre exposé plus tard.

Le sénateur Cochrane : Je tiens à vous féliciter à l'avance d'avoir reçu l'Ordre du Canada. C'est quelque chose de merveilleux. Vous le méritez.

M. Schindler : Merci.

Le sénateur Cochrane : Je vous suis reconnaissant de passer du temps avec nous aujourd'hui, parce que les écologistes canadiens ont rendu un grand service à notre pays. Vous traitez du cas de l'Alberta. Y a-t-il d'autres écologistes dans d'autres provinces qui font du travail semblable au vôtre?

M. Schindler : La plus grande partie du travail que j'ai montré a été réalisé par des scientifiques de l'Université de Regina. On semble être assez actif là-bas. Par exemple, je pense au travail de Dave Sauchyn sur les climats du passé à l'aide des anneaux de croissance des arbres; et une bonne partie du travail sur les diatomées auquel j'ai fait allusion a été l'œuvre de Peter Leavitt du département de biologie de cette université, et qui a déjà travaillé avec moi dans le cadre d'un stage postdoctoral.

Il y a également certains bons groupes de chercheurs au Manitoba. Là-bas, le travail est fait surtout par les groupes gouvernementaux, particulièrement l'Institut des eaux douces. Il y a également ce que nous avions l'habitude d'appeler l'Institut national de recherches en hydrologie. Maintenant, il porte le même nom que sa contrepartie dans l'est du pays, l'Institut national de recherches sur les eaux de Saskatoon. Ces deux organismes ont connu des temps difficiles au plan financier.

Avec ce que je vois arriver dans les Prairies, une des choses qu'il est important de faire, c'est de ressusciter la capacité de recherche de ces deux organismes.

Le sénateur Cochrane : Comment éduquons-nous les gens au sujet des problèmes auxquels nous serons confrontés dans l'avenir? Hier soir, j'ai regardé Peter Mansbridge à la télévision qui parlait de Calgary. L'afflux de gens à Calgary est extraordinaire, tout comme la construction qui se fait là-bas.

M. Schindler : La partie concernant l'eau est assez facile. Les gens sont très intéressés par cette question. Je donne probablement une conférence par semaine et, dernièrement, j'ai dû faire en sorte que des étudiants, mon épouse et diverses autres personnes donnent des conférences à ma place; c'est donc dire qu'il y a un intérêt public énorme pour cette question. Des organismes comme Canards Illimités font vraiment un excellent travail au chapitre de l'information et dans certains projets de remise en état des terres humides. Une chose que les gens ne réalisent pas, c'est que la raison pour laquelle leurs puits sont taris, c'est qu'ils ont labouré en-dessous de leurs terres humides ou qu'ils les ont asséchées. Il y a un écart énorme entre la façon dont les gens traitent la plomberie de leur environnement et ce qu'ils attendent d'elle.

Mais il y a du progrès. Je suis un peu déçu des journaux qui ne reprennent pas cette histoire, bien que plus tôt cette semaine, l'éditeur du Edmonton Journal m'ait demandé de rédiger un article sur ce sujet. Divers autres journaux ont publié des articles sur des questions comme la fonte des glaciers. Ma principale préoccupation, ce n'est pas que l'information ne se propage pas, mais qu'elle ne se propage pas assez vite.

Certaines des personnes les mieux placées pour diffuser cette information sont employées dans des organismes du gouvernement fédéral. Il y a une tradition dans ces organismes de ne pas prendre la parole. Si j'étais ministre, sur le formulaire d'évaluation annuelle de ces gens, j'aurais une case à cocher pour savoir s'ils ont donné des conférences publiques ou non. Il est tragique que les spécialistes qui travaillent pour ces organismes ne participent pas plus que cela à l'effort d'éducation. Ils peuvent très bien vous donner une belle petite brochure, mais il n'y a rien de tel qu'un contact de personne à personne avec quelqu'un qui a fait le travail.

Le sénateur Cochrane : Dans un article paru dans AlbertaViews, vous avez parlé du fait que nous utilisons sans réfléchir de l'eau de haute qualité pour l'irrigation, pour chasser l'eau des toilettes et pour extraire le pétrole et le gaz. D'autres nous ont dit la même chose. Vous avez dit qu'il n'était pas clair pourquoi nous utilisons une ressource aussi rare que l'eau des Prairies pour certaines de ces activités. J'aimerais savoir pourquoi nous le faisons, mais, plus important encore, j'aimerais savoir comment vous feriez pour changer cette réalité. Existe-t-il de bons modèles que nous pourrions suivre de sorte que nous utilisions notre eau de la plus haute qualité d'une manière plus efficace?

M. Schindler : Je pourrais parler de cette question pendant deux heures, alors je vais donner quelques points saillants.

Une chose que nous pourrions faire, c'est le recyclage de l'eau. Des 250 à 300 litres d'eau que nous traitons par jour selon les normes d'eau potable, la personne moyenne n'en boit peut-être que trois ou quatre. Nous utilisons cette même eau hautement traitée pour laver la voiture ou chasser l'eau des toilettes. Au moins, une bonne partie de cette eau pourrait être récupérée — l'eau de la douche et l'eau de l'évier — et être réutilisée pour arroser la pelouse, chasser l'eau des toilettes et ainsi de suite. Je vois des villes qui n'ont même pas de compteurs d'eau. Certaines ont même des incitatifs pour utiliser plus d'eau, disons, à l'intention des industries, en offrant un tarif décroissant avec l'augmentation de l'utilisation de l'eau. Je vois rarement des pommes de douche à faible débit ou des toilettes à débit d'eau restreint. Tous ces éléments aideraient.

À titre d'exemple, Edmonton est probablement la ville au Canada où l'eau coûte le plus cher. Le coût de l'eau y est environ l'équivalent de ce que l'on paye dans un pays européen moyen et quatre fois plus élevé que la moyenne canadienne. En conséquence, Edmonton est l'une des villes les plus efficaces au Canada pour ce qui est de l'utilisation de l'eau. Parfois, le simple fait d'exiger un petit quelque chose, comme un dixième de cent le litre, ce qui n'est pas beaucoup, a pour effet d'inciter les gens à surveiller leur utilisation.

Pour ce qui est de ce que nous pouvons faire, le meilleur exemple que je puisse vous donner, c'est celui de ma famille. Pendant 22 ans, nous avons vécu dans une partie du sud du Manitoba dont l'eau souterraine est salée, alors, il nous fallait faire venir l'eau par camion-citerne, comme le faisaient un grand nombre de nos voisins. Notre famille de quatre personnes utilisait entre 22 et 25 litres par jour. Cela ne nous a pas causé de privations. Nous ne lavions pas la voiture et nous n'arrosions pas le jardin, mais cela répondait bien à tous nos autres besoins.

Le sénateur Milne : Merci, monsieur Schindler, c'est fascinant.

D'après ce que nous avons vu et entendu ce matin, il semblerait que, fondamentalement, il soit trop tard pour l'agriculture dans les provinces des Prairies et que nous devrions prévenir les agriculteurs de tout vendre et de déménager pendant qu'il en est encore temps.

M. Schindler : Étant moi-même originaire d'une famille d'agriculteurs, je ne suis pas prêt à aller aussi loin.

Le sénateur Milne : C'est là le problème. Moi aussi je viens de la ferme.

M. Schindler : Je dirais aux agriculteurs de ne pas gaspiller l'eau à irriguer des cultures destinées à l'alimentation du bétail. Il s'agit d'une utilisation coûteuse de l'eau. Je suis d'avis que la plus grande partie du bétail devrait être élevée là où il y a beaucoup d'eau. Ceci dit, j'ai examiné l'utilisation de l'eau pour ces activités en Alberta et les meilleures exploitations utilisent seulement 20 p. 100 de l'eau qu'utilisent les fermes moyennes. Si nous imposions cette norme à tous les agriculteurs, nous pourrions sauver l'agriculture pendant un certain temps.

Le sénateur Milne : Est-ce que cela nous sauverait pendant un certain temps?

M. Schindler : Oui. De plus, nous pourrions cultiver des espèces végétales qui nécessitent moins d'eau. Le canola demande beaucoup moins d'eau que la luzerne ou la betterave à sucre. Il serait certainement utile d'orienter les agriculteurs dans ce sens. Évidemment, pour d'autres raisons, nous devrions encourager les agriculteurs à utiliser des pratiques agricoles à travail réduit du sol.

En matière de protection de l'eau, si nous pouvions laisser intactes les rives des cours d'eau et les terres humides, nous y gagnerions parce qu'une partie du problème que nous éprouvons avec les débits des rivières est liée à la destruction de ces zones.

Le sénateur Milne : Chaque fois que vous survoler les provinces de l'Ouest, vous voyez de moins en moins de marécages parce que les gens les assèchent ou qu'ils les labourent.

M. Schindler : C'est exact. En fait, j'ai vu de la végétation des terres humides — de la tourbe — être mises en ballots il y a deux ans en Saskatchewan. Les chiffres de Canards Illimités indiquent qu'environ 70 p. 100 de ces terres humides ont disparu depuis que nous avons commencé l'agriculture dans les Prairies.

Si nous pouvions éduquer les gens, ces terres humides pourraient être remises en état. À tout le moins, nous pourrions protéger les terres humides sur les nouvelles terres agricoles. Une chose que nous devons faire, c'est d'inverser la tendance vers l'accroissement sans fin de l'agriculture, bien que j'ignore si nous pouvons demander beaucoup moins d'agriculture. La position du gouvernement de l'Alberta de vouloir doubler l'agriculture en dix ans n'est pas une bonne position lorsqu'il ne reste plus de terres agricoles dans la zone blanche des Prairies et que ces terres proviennent directement de la bordure sud de la région boréale.

Le sénateur Milne : Concernant les zones urbaines, vous avez parlé de ne pas utiliser de l'eau potable traitée de haute qualité pour chasser l'eau des toilettes. En fait, vous parlez d'un système d'approvisionnement en eau séparé et du dédoublement du système de captage des eaux. Si vous voulez économiser l'eau grise et la réutiliser, vous avez alors besoin de deux systèmes. Je doute beaucoup que l'on puisse jamais persuader une ville de faire cela.

M. Schindler : Il existe différents moyens, dont certains sont utilisés dans le sud-ouest des États-Unis et en Israël. L'un d'eux est l'équivalent du vieux système de citerne qui récupère les eaux grises de nos douches et les achemine vers les toilettes, et cetera. L'autre système consiste à récupérer l'eau des toits. La dernière étape consiste à avoir deux systèmes de traitement : seule l'eau potable fait l'objet d'un traitement intensif tandis que l'eau destinée à d'autres usages est traitée dans une moindre mesure. Ce serait probablement très coûteux, en particulier dans des secteurs déjà établis. On pourrait accomplir beaucoup en recyclant à l'intérieur de chaque habitation. On gagnerait également si les gens cessaient d'être fascinés par le pâturin des prés et se mettaient à cultiver des plantes indigènes.

Le sénateur Milne : Il faudrait revenir à une végétation indigène sur nos parterres. Certaines personnes le font maintenant dans le centre-ville de Toronto.

M. Schindler : Mon épouse déteste tondre le gazon; elle l'encourage plutôt à mourir et elle n'aurait jamais l'idée d'arroser la pelouse.

Le sénateur Milne : C'est facile de laisser mourir la pelouse lorsque vous vivez en Alberta. Ce qui m'intéresse particulièrement, c'est, entre autres, la Commission mixte internationale des États-Unis et du Canada. Votre domaine d'expertise touche à l'activité sur les terres arides de l'Ouest. Je crois comprendre que la CMI s'occupe de toutes les frontières internationales, alors que je croyais qu'elle ne s'intéressait qu'aux Grands Lacs. La rivière Rouge traverse la frontière nord-sud tandis que le fleuve Columbia traverse la frontière entre le Yukon et l'Alaska. La CMI s'occupe également de certaines voies de navigation; elle subit à l'heure actuelle beaucoup de pressions politiques.

M. Schindler : Je viens tout juste de rédiger un document à ce sujet, que je pourrais vous remettre. Il est affiché dans le site Web de l'Université de Victoria.

Le sénateur Milne : J'aimerais beaucoup, parce que cette question me préoccupe tout particulièrement. Monsieur le président, compte tenu de la nature de notre étude, le problème le plus immédiat pourrait être la CMI, parce qu'elle présente un enjeu politique sur lequel nous pourrions avoir une certaine influence. J'aimerais beaucoup que vous remettiez au comité toute l'information que vous pouvez.

M. Schindler : On trouve certains points chauds dans l'Ouest. Par exemple, le fleuve Columbia doit faire l'objet de nouvelles négociations. Les premières ont abouti à une entente défavorable pour le Canada. En effet, nous avons obtenu une somme forfaitaire qui n'équivalait pas au montant que nous avons payé pour construire des barrages afin de donner de l'hydroélectricité aux Américains. Nous avons aussi perdu tout notre saumon. Nous devons renégocier avec plus de fermeté.

Un peu plus à l'est, un important affrontement est en train de se préparer relativement aux rivières St. Mary et Milk, au sud de l'Alberta. Une entente avait été signée en 1921, je crois, après une décision de la CMI. Aujourd'hui, les agriculteurs du Montana veulent davantage d'eau. Ils ont des pratiques d'irrigation incroyables. Ils inondent tout simplement les terres. On ne voit plus cela de nos jours, sauf dans les pays du tiers monde.

Le sénateur Milne : Cette pratique est utilisée en Australie.

M. Schindler : Encore un peu plus à l'est, on a décidé de drainer l'eau saline du lac Devil's dans la rivière Rouge. Des travaux de construction sont en cours et cette eau commencera à couler dès le milieu de l'été prochain. Les Américains prévoient également relier le réseau du Missouri au lac Devil's. Si tous ces projets se réalisent, nous pourrions avoir d'énormes problèmes parce que des espèces étrangères du Sud, dont certaines d'Eurasie, seraient introduites dans la rivière Rouge et le lac Winnipeg. Il y a aussi l'annexe de 2001 concernant les Grands Lacs qui nous cause des problèmes.

En fait, j'ai sauté un point chaud. L'éperlan s'est introduit dans la rivière à la Pluie et envahira tôt ou tard tout le système, y compris le lac Winnipeg et le fleuve Nelson. L'espèce étrangère se trouve maintenant dans la baie d'Hudson, et on me dit qu'elle s'introduit dans des ruisseaux plus au nord. Deux ou trois autres espèces, dont la plupart sont de petits crustacés, ont entraîné des problèmes. Le cladocère épineux, un crustacé qui a causé de nombreux problèmes dans les Grands Lacs, aurait apparemment envahi le réseau de la rivière à la Pluie. La moule zébrée est un autre problème qui nous guette.

Le sénateur Milne : Il suffit qu'une seule personne prenne un bateau qui a baigné dans un réseau hydrographique et l'amène dans un autre réseau pour introduire des espèces étrangères.

M. Schindler : C'est exact. Le cladocère épineux s'accroche même aux lignes de pêche. Vous ne pouvez utiliser la même ligne à pêche dans deux bassins différents si l'un des deux est infecté.

Concernant les Grands Lacs, l'annexe de 2001 pose un véritable problème. Même certains groupes écologistes se sont faits berner par les beaux mots que comporte le projet d'annexe, comme l'amélioration de la ressource. En fait, dans sa forme actuelle, le document ne comporte aucune protection pour l'eau du côté canadien. L'eau peut être retirée d'un bassin jusqu'à une certaine quantité. On a prévu une limite sur le volume des retraits, mais non sur le nombre. Des douzaines de villes de l'Ohio et du Wisconsin, en particulier, aimeraient bien expédier cette eau à 10 milles de là. On ne sait même pas exactement où le bassin hydrogéologique commence et où il se termine. La science doit faire des progrès dans ce domaine. Si nous devons expédier l'eau au-delà de la ligne de partage des eaux, dans des zones adjacentes de l'Ohio, c'est comme si nous l'expédions en Arizona. L'eau n'est plus dans le bassin.

Je ne crois pas que les gens réalisent à quel point l'équilibre de l'eau des Grands Lacs est précaire. En moyenne, seulement 1 p. 100 de cette eau est renouvelé. Ce pourcentage diminuera avec le réchauffement du climat, parce que l'évaporation va augmenter. Même une variation de 10 p. 100 de ce 1 p. 100 aura des conséquences. Nous avons déjà connu des périodes où les niveaux des Grands Lacs étaient bas. En terme de coûts de navigation, si c'est la seule chose qui vous préoccupe, on parle de milliards de dollars. Les travaux de dragage, si nous en faisons, augmenteraient ces coûts.

Le sénateur Spivak : Monsieur Schindler, félicitations. Vous êtes un limnologue, et non un écologiste. Qu'est-ce que c'est?

M. Schindler : C'est l'équivalent d'un océanographe, mais d'eau douce.

Le sénateur Spivak : Est-il établi sans équivoque que le niveau de CO2 va doubler? Cette prévision est-elle remise en question?

M. Schindler : Cette prévision n'est plus remise en question. Nous sommes tellement avancés maintenant que dans le meilleur des scénarios, la hausse serait légèrement moins forte, mais dans le pire des scénarios, cette augmentation serait légèrement supérieure. Évidemment, très peu de signes laissent croire que nous allons prendre la voie de la conservation. Selon les meilleures estimations, les niveaux vont doubler entre 2040 et 2060.

Le sénateur Spivak : Des représentants du ministère des Ressources naturelles sont venus nous parler de l'eau souterraine. Vous en avez peu parlé. Ils nous ont dit que, jusqu'à présent, la situation semble ne pas être inquiétante puisque nos aquifères sont tous capables de se reconstituer naturellement.

Dans 10 ans, on prévoit que des choses horribles pourraient traverser même l'esprit des exploitants des sables bitumineux. Il semble que le gouvernement de l'Alberta envisage une certaine politique de l'eau, mais qui sait ce que cela signifie. Si l'eau des rivières venait à manquer, vont-ils s'attaquer à l'eau souterraine? Comme voyez-vous l'avenir des sables bitumineux? Qu'est-ce qui est plus rationnel?

M. Schindler : Voilà beaucoup de questions.

Le sénateur Spivak : Avant que vous répondiez, j'aimerais simplement ajouter que la technologie de l'irrigation existe. Israël a transformé le désert en terre arable avec de petites parcelles d'irrigation. Pourquoi sommes-nous si stupides que nous n'adoptons pas ces méthodes avant l'apocalypse? Je ne comprends pas.

M. Schindler : D'abord, concernant l'eau souterraine, je reçois environ deux appels par semaines de gens de Alberta dont les puits sont asséchés. Je remettrais en question l'idée que ces aquifères se reconstituent, du moins dans cette partie du monde.

Dans l'Ouest, une partie de l'eau utilisée a plusieurs centaines d'années. La période de reconstitution est très longue. Je sais également qu'on ne connaît pas très bien les aquifères. Certains registres sur l'eau souterraine ont été suivis jusqu'en 1993 et ne l'ont pas été depuis, en raison des compressions budgétaires du gouvernement. Il est inutile pour un scientifique de prendre part à une telle polémique. On s'attend à ce que vous soyez un magicien et que vous produisiez vos propres données. En l'absence d'une base de données, les scientifiques ne valent pas mieux que d'autres pour deviner ce qui pourrait arriver.

La même chose s'est produite aux niveaux fédéral et provincial. Il y a eu tellement de compressions budgétaires qu'au lieu de faire double emploi comme on le redoutait, personne ne s'occupe de l'eau. Quelqu'un doit prendre les choses en main et produire les bases de données dont nous avons besoin pour faire certaines de ces prévisions.

Je ne crois pas que les exploitants des sables bitumineux deviendront un jour de grands consommateurs d'eau souterraine. En général, l'eau qu'ils utilisent vient directement de la rivière Athabasca. Ce qui pourrait menacer l'eau souterraine, ce serait le retrait de toute cette mousse qui couvre la majeure partie de ce bassin. Elle ne pourrait pas être reconstituée. L'écoulement restitué — il s'agit, à toutes fins pratiques, de l'eau souterraine — agit comme un condensateur dans un système électrique, en égalisant toutes les impulsions pour garder un flot annuel universel, ce qui pourrait causer un véritable problème. J'aimerais que l'on pousse un peu plus ces compagnies à adopter des mesures de conservation de l'eau.

J'ai participé à deux audiences récentes concernant les sables bitumineux, où j'ai présenté des plaidoyers en faveur de l'eau. Dans les deux cas, la commission de l'énergie et des services publics n'a pas tenu compte de nous. Toutefois, les compagnies ont dit qu'elles croyaient ce que nous disions. Elles n'ont pas mis fin à leurs projets, mais elles ont juré de diminuer le ratio eau-pétrole à trois pour un, au lieu de six pour un. Les deux compagnies ont installé un réservoir dans lequel elles peuvent pomper de l'eau de la rivière lorsque le débit est élevé, de manière à ne pas dépendre de la rivière lorsque le niveau est bas, au milieu de l'hiver.

Le sénateur Spivak : Les sables bitumineux comportent-ils une masse terrestre telle que tout le paysage sera détruit? Que penser du fait qu'ils vont acheminer le gaz naturel vers le sud? Faut-il toujours utiliser la vapeur pour extraire le pétrole du bitume, ou peut-on utiliser autre chose?

M. Schindler : Je ne suis probablement pas la bonne personne à qui poser ces questions sur la technologie, mais j'en sais quand même un peu. Il y a environ cinq ans, j'ai travaillé avec certaines des compagnies qui s'intéressent aux sables bitumineux et j'étais plutôt frustré de voir à quel point elles étaient empressées d'aller de l'avant. Certaines des usines les plus nouvelles utilisent l'eau pour transporter la boue de forage. Au lieu de la chauffer à de fortes températures, c'est une eau tiède qui transporte ce bitume sur de longues distances. C'est une amélioration par rapport à l'énergie qu'elles utilisaient auparavant. Par ailleurs, elles utilisent deux fois plus d'énergie pour produire un baril de pétrole que les méthodes d'extraction conventionnelles. Selon les données qui m'ont été rapportées, et vous n'êtes pas obligés d'y croire, on utilise l'équivalent d'un baril de pétrole pour extraire trois barils, alors que la même énergie donne six barils ou plus de pétrole conventionnel.

Ce n'est pas un procédé efficace. Encore une fois, je crois qu'il faut exiger l'efficacité. Le gaz naturel ne devrait pas être utilisé uniquement pour l'extraction. J'ai bien peur qu'entre l'empressement de l'expédier aux États-Unis et le besoin d'énergie pour l'extraction des sables bitumineux, il restera bien peu de gaz naturel pour autres choses, et il s'agit évidemment d'un produit appréciable pour les plastiques, le chauffage conventionnel et toutes sortes de choses.

Le sénateur Spivak : Selon vous, où pourrions-nous avoir le plus d'influence? C'est ce que nous cherchons à savoir. Nous voulons savoir ce qu'il faut faire. Croyez-vous que nous devrions nous occuper de tout ce qui touche aux Prairies? Selon vous, où pouvons-nous avoir le plus d'influence au niveau fédéral, dans quels secteurs du pays ou sur quel aspect d'un problème particulier?

M. Schindler : Je dirais que vous pourriez examiner deux secteurs. D'abord, les Prairies, parce qu'elles sont aux prises avec des problèmes d'eau. L'Alberta a ce nouveau programme L'eau pour la vie, mais le ministre qui a démarré ce programme a décidé de ne pas se représenter. Si on lit entre les lignes, je crois qu'il est un peu frustré de la lenteur du projet. Bon nombre de ses collègues ne voient pas aussi loin que lui.

Cela dit, le nouveau ministre de l'Environnement, Guy Boutilier, a demandé à un de ses collaborateurs de m'appeler pour voir si nous pouvions nous rencontrer afin que je puisse lui donner certains conseils. On se rend compte, au moins, qu'il faut faire quelque chose.

Si vous pouvez appuyer et renforcer certaines initiatives que les politiciens provinciaux plus progressistes jugent nécessaires, ce serait un pas dans la bonne direction.

La communauté scientifique des Prairies se rend compte maintenant qu'il suffirait d'une sécheresse prolongée comme nous avons connue par le passé pour nous retrouver avec un grave problème. Toutefois, il est impossible de prédire quand une telle sécheresse pourrait se produire, sauf que nous en avons eu trois ou quatre dans la plupart des derniers siècles. Ce serait probablement dans moins d'une décennie ou deux.

Le sénateur Angus : Monsieur Schindler, permettez-moi d'abord de dire à quel point nous sommes privilégiés de recevoir ce matin un témoin de votre calibre et de votre compétence. C'est dommage que les bancs ne soient pas tous occupés par des représentants des médias. Ce que vous dites devrait être littéralement crié sur tous les toits. Une des plus grandes questions que nous avons est la suivante : que devons-nous faire? Comment pouvons-nous faire quelque chose? Je suis un nouveau membre de ce comité. On dit déjà que je suis un « environnementaliste nouvellement converti » et un « sénateur vert ». Je suis très enthousiaste. C'est un rapport fascinant que vous nous avez remis et qui porte sur vous, « L'Indiana Jones de l'écologie ». Je dis que vous êtes vraiment l'homme de la situation. Vous êtes ici et nous devons trouver un moyen de profiter de votre présence.

Un paragraphe sur l'eau a attiré mon attention. On y dit : « Je ne connais aucun autre spécialiste de l'écologie des eaux douces qui a exercé autant d'influence ou qui est plus estimé dans le monde que Schindler » ... « Il est toujours à l'avant-garde. » On dit également que vous n'êtes pas un pessimiste, mais plutôt un optimiste qui dit les choses comme elles sont. Vous dites les choses comme elles sont, mais vous ne désespérez pas.

Le comité a le mandat de rédiger un rapport. Vous avez dit de belles choses sur le rapport que le comité a rédigé sur la forêt boréale en 1999. Ce n'était pas notre comité?

Le sénateur Spivak : Je crois que c'était le comité de l'agriculture.

Le sénateur Angus : C'était un excellent rapport produit par un comité sénatorial qui, à ce que je sache en tant qu'environnementaliste nouvellement converti, est plus ou moins tombé dans l'oubli.

Hier, dans le cadre des travaux d'un autre comité, nous avons entendu des représentants de Canards Illimités, dont vous avez parlé. Un de leurs cadres supérieurs, M. Turner, était assis ici ce matin. Cet organisme devrait peut-être faire valoir son point de vue devant notre comité puisqu'il s'intéresse à l'eau et aux milieux humides.

Hier, les porte-parole de Canards Illimités parlaient de ce que le gouvernement pouvait faire pour encourager les propriétaires de ces milieux humides qui, semble-t-il, non rien d'autre à faire de cette terre que de la détruire. On a suggéré de leur accorder un allègement fiscal convenable.

On dit que le ministère des Finances est très réticent à faire quoi que ce soit pour faire avancer les causes dont vous avez parlé. Je dirai à notre comité que nous devons parler d'une voix forte. Comme je l'ai dit, c'est dommage que les représentants des médias ne soient pas ici pour rendre compte de notre réunion.

Vous avez rédigé un article extraordinaire dans un de nos journaux nationaux il y a deux samedis de cela. Que recommanderiez-vous à propos des milieux humides? Vous êtes axé sur les solutions. Vous êtes un optimiste. Je regarde les photographies de ces glaciers et je vois ce qui pourrait se produire dans cent ans. Je me rappelle le vieux dicton qui dit qu'une image vaut mille mots. Êtes-vous en train de nous dire que nous ne pouvons rien faire pour renverser la situation?

M. Schindler : Je ne crois que ces glaciers reviendront avant la prochaine période glacière. Ça pourrait arriver, mais je crois aussi que nous allons retarder la venue d'une autre période glacière pendant un certain temps, au rythme où nous allons.

Une solution serait d'essayer de combiner l'argent que nous distribuons aux agriculteurs en guise d'indemnités de manière à ce qu'il serve plutôt à la protection des milieux humides et de l'habitat rivulaire. Lorsque nous distribuons de l'argent, ce sont de grosses sommes d'argent qui sont données sans aucune condition.

Compte tenu du réchauffement du climat, de la pression démographique en Alberta et de la disparition des glaciers, nous devons absolument prémunir la terre contre les risques de sécheresse. La dernière chose dont nous avons besoin, c'est bien que les milieux humides disparaissent, que les rivières soient canalisées et que les zones rivulaires disparaissent. Je crois que la protection de ces milieux est une bonne façon de se prémunir contre la sécheresse. Il y a aussi les mesures de conservation dont nous avons parlé un plus tôt.

L'argent que nous donnons déjà aux agriculteurs pourrait être assorti d'un incitatif pour protéger les cours d'eau. Toutefois, il serait peu réaliste de s'attendre à ce que les agriculteurs paient davantage qu'à l'heure actuelle. Ils vont s'en aller. Nous allons peut-être en arriver à cela.

Je vois de grands consortiums prendre possession des fermes. On se soucie moins des milieux humides et des zones rivulaires. L'équipement devient plus gros, si bien que les petits nids de poule deviennent de plus en plus gênants quand vous tentez de tirer une herse de 100 pieds et que des cavités se retrouvent à tous les 50 pieds. Nul besoin d'être un génie pour voir ce qui arrivera. Les gens qui possèdent les fermes n'habitent pas ces endroits.

J'ai vu des programmes équivalents qui ont été mis sur pied pour d'autres raisons — la surproduction — lorsque j'étais adolescent et que je demeurais dans le nord des États-Unis. Ces programmes ont eu un effet extraordinaire sur les espèces sauvages et les cours d'eau. On a payé les agriculteurs pour qu'ils n'exploitent pas leurs terres. Si on les payait pour protéger les bandes rivulaires des milieux humides, au lieu de leur donner une somme forfaitaire lorsqu'ils ont des problèmes, cette mesure pourrait rapporter.

Le sénateur Angus : Il faut tenir compte également de la sensibilisation. Il ne fait aucun doute que les jeunes d'aujourd'hui, ceux qui ont dépassé l'âge de raison, semblent davantage conscients des changements climatiques que nous l'étions lorsque nous avions leur âge. Aurais-je raison de dire qu'une des meilleures choses que nous pouvons faire, c'est de les sensibiliser encore davantage à la gravité du problème, ou croyez-vous que cette sensibilisation est suffisante?

M. Schindler : Je crois qu'il importe de sensibiliser les gens davantage. Pour dire vrai, je peux déjà voir une certaine mobilisation en Alberta. En 1998, un rapport a été produit en Alberta et faisait état de la piètre qualité de l'eau dans les secteurs agricoles. Depuis ce temps, un grand nombre de groupes d'agriculteurs se sont secoués. Il existe des programmes qui visent à installer des clôtures pour empêcher le bétail de s'approcher des cours d'eau. Au lieu de permettre aux animaux de fouler les cours d'eau et les lacs, on pompe l'eau jusqu'à eux. Ce qui s'est produit à la rivière Oldman tient presque du miracle, puisque les gens qui ont fait cela ont constaté que leur bétail prenait du poids plus rapidement. Cette pratique suscite maintenant plus d'intérêt qu'à l'origine. Certains groupes locaux, comme Cow and Fish, se déplacent pour aider les agriculteurs à réaliser ce type de projet.

Il y a des groupes de grands éleveurs dans le sud de l'Alberta, dont le plus connu, le groupe Pekisko, est venu manifester ici à Ottawa il y a plusieurs années, ont décidé de prendre les choses en mains et de protéger leurs terres. Ils ne sont pas très nombreux, peut-être une centaine de grands éleveurs, mais certains de ces ranchs couvrent l'équivalent de 10 comtés ou plus. Il s'agit de très grandes étendues, dont la plupart se trouvent sur les versants est. Ces personnes ont de l'influence et lorsqu'elles s'attaqueront à la conservation de l'eau, un grand nombre d'autres emboîteront le pas.

Les mêmes terres sont menacées par l'urbanisation. La croissance du territoire de Calgary est presque deux fois plus rapide que sa croissance démographique. Selon les projections, si Calgary continue de s'agrandir, la ville s'étendra, d'est en ouest, de Canmore à Bassano, d'ici 2050. Une très grande partie du territoire sera pavée, sans infiltration, une grande partie des milieux humides et des cours d'eau seront détruits et il y aura une très forte demande en eau. Ce conflit avec la population sera important.

La situation est encore plus grave dans la région de Red Deer. L'été dernier, j'ai témoigné dans une affaire qui opposait neuf municipalités à une pétrolière qui voulait injecter de l'eau de la rivière Red Deer dans un puits de pétrole. Neuf municipalités représentées par le maire se sont opposées au projet. Elles ont perdu, bien que le gouvernement ait réduit la quantité d'eau que pouvait utiliser la pétrolière. Il y a cinq ans, une telle chose aurait été impensable.

Le sénateur Angus : Rien n'éveille davantage l'attention du public que les expériences qu'ont vécues les agriculteurs victimes de sécheresse ou les habitants de Walkerton. Je ne suis pas vraiment un partisan de l'interventionnisme, mais il me semble que, dans ce cas-ci, le gouvernement devrait sensibiliser la population à ces questions, notamment les personnes qui n'ont pas à composer avec ces problèmes tous les jours. C'est essentiel.

Y a-t-il un point en particulier que nous devrions aborder dans notre rapport?

Le sénateur Milne : Monsieur le président, le sénateur Angus ne se rend peut-être pas compte que M. Schindler n'a pas fini de présenter son exposé. Nous voulons entendre le reste.

Le président : C'est une question importante — « Y a-t-il un point en particulier... » Il faut que M. Schindler puisse répondre.

Le sénateur Chaput souhaite faire un commentaire.

Le sénateur Chaput : M. Schindler a répondu en partie à la question que je voulais poser. Je préférerais entendre le reste de son exposé.

Le président : Monsieur Schindler, le sénateur Angus a posé une question importante. Voulez-vous terminer votre exposé avant d'y répondre? La question est la suivante : si tous les efforts déployés restent vains, quelle est la recommandation qui devrait figurer dans notre premier rapport, ou qui devrait faire l'objet de notre premier rapport, et qui aurait l'effet le plus percutant?

M. Schindler : Vous posez-là une question difficile.

Le président : Je vous demande, si possible, d'être précis.

M. Schindler : Pour l'instant, la principale recommandation qui me vient à l'esprit — et ils sont nombreux à insister là-dessus — est celle qui concerne la base de données. Il faut absolument remettre sur pied les programmes scientifiques qui ont été abolis dans les années 90. La rareté des données semble être le plus gros problème auquel sont confrontés les gens dans leur domaine de travail. Les programmes gouvernementaux, aussi bien fédéraux que provinciaux, abolis dans les années 90 doivent être rétablis.

C'est un sujet qui suscite beaucoup d'intérêt, de questions. Je dirais que la communication figure en tête de liste des priorités, même si des progrès sont en train d'être réalisés. Encore une fois, Cows and Fish et Ducks Unlimited, entre autres, jouent un rôle utile à ce chapitre, un rôle qu'ils remplissent avec efficacité.

Toutefois, les bases de données scientifiques sur lesquelles nous fondons nos prévisions s'appauvrissent de jour en jour.

Le président : Voulez-vous reprendre votre exposé? Vous parliez des substances qui sont déversées dans l'eau.

M. Schindler : J'étais en train de dire que les débits plus faibles altèrent la qualité de l'eau.

Voici une formule que j'ai conçue dans les années 70 et qui sert à prédire la quantité d'eutrophisation, la quantité d'algues, qu'un lac peut supporter. Elle compare la quantité de phosphore provenant essentiellement des détergents au débit sortant d'un lac. Elle permet de déterminer à quelle vitesse l'eau d'un lac se renouvelle. Il existe une demi- douzaine de versions de cette formule, avec quelques variantes. Toutefois, c'est moi qui ai établi cette base de données à partir d'analyses effectuées dans des lacs canadiens et suédois. Elle nous permet de prédire de manière assez efficace, à partir du contenu en chlorophylle, la quantité d'algues qui peuvent se retrouver dans un lac. Comme je l'ai déjà mentionné, le volume d'eau qui s'écoule dans un lac peut contribuer à doubler, grosso modo, la quantité de nutriments qui s'y trouvent. En fait, ce sont deux phénomènes qui se manifestent déjà, car les zones auxquelles j'ai fait allusion et qui connaissent une pénurie d'eau sont en train de subir des changements majeurs sur le plan de l'agriculture, du développement urbain, ainsi de suite.

Ces données-ci sont tirées de la région des lacs expérimentaux. Entre 1970 et 1990, la température moyenne annuelle dans cette région a augmenté de 1,7o degré. C'est le temps qu'il a fallu pour que l'eau du lac se renouvelle. Ce phénomène a pris quatre fois plus de temps à se réaliser pendant cette période de réchauffement. Comme l'indique cette ligne supérieure, il a fallu de 5 à 20 ans, soit jusqu'en 1990, pour que l'eau du lac se renouvelle. Ce sont là les effets du réchauffement.

On remarque également des changements au niveau de l'utilisation des terres. Les agriculteurs ne travaillent plus la terre avec des petits tracteurs Ford ou des chevaux. Ils utilisent du matériel agricole plus lourd. Voici à quoi ressemble le paysage en Alberta. Nous sommes près de LaCrete, qui est située à mi-chemin entre Grand Prairie et la frontière des Territoires du Nord-Ouest. Vous pouvez voir les zones qui ont été déboisées. Cette partie-ci a déjà été cultivée. Les marécages et les étangs ont été drainés et transformés en terres agricoles.

On ne se rend pas compte à quel point le défrichement — dans cet exemple-ci, une petite partie de la forêt a été transformée en pâturage; il y avait ici de petits pâturages et de petites zones boisées — double la quantité de nutriments qui se dégagent de la terre et qui se déversent dans l'eau.

Ce n'est pas tout. En raison de la présence de grandes exploitations d'élevage, des quantités énormes de fumier sont répandues sur le sol. On a l'impression, d'après cette carte, que l'Alberta est la capitale du fumier du Canada.

J'ai effectué des travaux de recherche sur l'eutrophisation dans les années 70. Si, à l'époque, j'avais dessiné un diagramme circulaire, on aurait pu voir que 50 p. 100 de la pollution était d'origine municipale et industrielle. Nous avons éliminé le phosphate des détergents et installé des systèmes de déphosphatation dans toutes les grandes usines de traitement des eaux usées, surtout dans l'Est.

Nous avons trop encouragé l'utilisation d'engrais et la production de fumier. Environnement Canada a réalisé, récemment, une étude qui montre que nous sommes aux prises avec un problème énorme qui est encore plus complexe que l'élimination des détergents contenant du phosphate ou le traitement d'effluents de source ponctuelle, ces matières étant présentes dans tous les bassins hydrologiques.

Il y a autre chose dont on ne se rend pas compte : la demi-douzaine d'organismes responsables de la plupart des maladies gastro-intestinales chez l'homme se retrouvent également chez les bovins et les porcs. Épandre du fumier au hasard sur les terres agricoles, surtout après avoir éliminé les zones humides riveraines, n'est pas une chose très intelligente à faire, puisque lorsqu'on a de fortes pluies, le fumier se déverse dans les cours d'eau.

Voici le calcul que j'ai fait pour l'Alberta. Comme il m'est impossible de vous l'expliquer rapidement parce qu'il y a trop de colonnes, je vais uniquement me concentrer sur le phosphore, un nutriment qui est en grande partie responsable de l'eutrophisation. L'Alberta compte 3 millions d'habitants. Une vache d'élevage de boucherie produit 11 fois plus de phosphore, par tête, qu'un être humain, et un porc, 10 fois plus. Si l'on multiplie tous ces chiffres, on constate que, collectivement, ils produisent l'équivalent de ce que produiraient 87 millions de personnes en Alberta. Les déchets de ces 3 millions de personnes sont traités, tandis que ceux produits par les 84 millions qui restent sont tout simplement répandus sur le sol. Il n'est donc pas étonnant que, lorsque cette étude a été réalisée dans les années 90, la plupart des cours d'eau dans les zones agricoles ne répondaient pas aux normes de qualité de l'eau en ce qui concerne les quantités de coliformes fécaux.

La situation n'est guère mieux pour ce qui est des nutriments. J'ai rencontré, ce printemps, des agriculteurs qui vivent dans le bassin de la rivière Oldman. Ils ont pris ce problème très au sérieux et ont adopté des mesures pour protéger les zones riveraines et garder leur bétail loin de celles-ci.. La qualité de l'eau s'est grandement améliorée. J'ai visité d'autres régions où le bétail était gardé dans des enclos, loin des cours d'eau. Toutefois, vers le milieu de l'été, pendant les périodes de sécheresse, les agriculteurs, incapables de résister plus longtemps, relâchaient leur bétail. Lorsque les terres situées en amont étaient complètement dénudées, le bétail allait paître le long des cours d'eau, au pire moment de l'année. L'application des règlements laissait à désirer. Les autorités n'intervenaient que lorsqu'une plainte était déposée. Quand vous vivez dans une région rurale et que tout le monde fait la même chose, personne ne porte plainte. Nous avons des normes qui semblent être assez rigoureuses, sauf qu'elles ne sont pas bien appliquées.

La bonne nouvelle, c'est que nous savons comment protéger nos bassins hydrographiques, ce qui n'était pas le cas il y a 30 ou 40 ans. Nous savons qu'il faut laisser les zones humides intactes, pratiquer un défrichement peu profond dans les zones riveraines, et situer les grandes exploitations d'élevage dans des endroits stratégiques. Toutefois, ces renseignements figurent déjà, pour la plupart, dans des rapports qui traînent sur les tablettes, ce qui fait que nous continuons d'employer les vieilles méthodes. Les décisions sont prises par des conseils municipaux ou, comme c'est le cas en Alberta, par des conseils provinciaux qui ne font guère mieux. Nous devons appliquer les solutions que nous connaissons déjà et, comme je l'ai déjà mentionné, améliorer notre base de données pour que nous puissions nous tenir au fait des changements qui surviennent.

Passons maintenant au lac Wabamun, qui est sans doute le cours d'eau le plus touché au Canada. Il est entouré de quatre grandes centrales; 65 p. 100 du mercure dégagé par les cheminées en Alberta provient de ces quatre centrales. Le lac se trouve dans le corridor Yellowhead, entre Edmonton et Jasper. Le niveau d'eau est très faible. Le débit sortant n'a jamais dépassé celui de 1992. Son taux de salinité ne cesse de croître. Le lac est surexploité : tous les ans, 80 p.100 des stocks de poisson sont capturés. Les poissons ne se reproduisent pas avant l'âge de 7 ou 8 ans. Or, seul un poisson sur 100 000 atteint l'âge de reproduction.

Le président : Est-ce un quai que l'on voit dans la photo?

M. Schindler : Oui. L'embarcadère est trop petit.

Voici une photo aérienne du lac. Les houillères, illustrées en mauve, alimentent les grandes centrales. Autrement, ce lac ressemble en tout point à un lac du centre de l'Alberta. Le bassin hydrographique a été cultivé. On a d'abord éliminé la végétation et les terres humides avant de répandre des engrais, d'aménager des pâturages, ainsi de suite. Il y a également des terrains de golf et des chalets tout autour du lac. C'est une sorte de microcosme.

On peut voir, sur la diapositive suivante, un lac qui fait l'objet d'une analyse détaillée depuis deux ans par l'équipe dont je fais partie. Il s'agit du lac La Biche, qui est assez grand, puisqu'il s'étend sur 230 kilomètres carrés. La collectivité du lac La Biche est l'une des plus anciennes en Alberta. Elle s'inquiète de la baisse de la qualité d'eau. En raison des réductions imposées au ministère de l'Environnement de l'Alberta, elle n'a pas pu procéder à des analyses approfondies du lac. La situation est tout autre dans le cas du lac Wabamun. Plusieurs groupes écologiques fort astucieux, dirigés par des avocats, suivent l'état de ce lac de très près, et arrivent à faire bouger la province dans ce dossier. Ils disposent d'une excellente base de données, et ce, depuis une vingtaine d'années. Il n'existe pratiquement aucune donnée sur le lac La Biche. Ils ont communiqué avec nous il y a trois ans, et nous n'avons trouvé que très, très peu de données là-dessus.

On retrouve, ici, plusieurs caractéristiques typiques. Les zones vertes et rouges sont boisées : la zone verte est composée essentiellement de conifères, et la rouge, de peupliers trembles. La zone blanche représente des terres agricoles. La plupart des personnes pensent qu'il s'agit d'un bassin forestier. Elles ne se rendent pas compte à quel point il a été déboisé.

Il y a une collectivité de 3 500 habitants qui déverse ses eaux usées dans le lac. À l'origine, celles-ci étaient déversées directement dans le lac. Quand ils se sont rendus compte de l'inefficacité de cette démarche, ils ont déversé les eaux usées dans le lac Field, pensant que celui-ci se jetait dans la rivière Churchill. Or, ils se sont trompés, puisque le lac se jette dans le lac La Biche. Ils arrivent probablement à en éliminer une partie, mais les eaux usées sont déversées directement dans le lac.

Pour ce qui est des zones peintes en noir, nous avons examiné les ruissellements de nutriments qui proviennent de terres qui sont soumises à des usages différents. Comme nous n'avions aucune donnée, nous avons prélevé des échantillons de boue pour pouvoir examiner les sédiments du lac. Nous les avons datés en utilisant diverses méthodes de datation isotopique, ce qui nous a permis d'établir une chronographie. On voit à quel point la quantité de phosphore a augmenté au fil des ans. On en retrouve dans les sédiments.

Le sénateur Milne : Qu'est-ce qu'on entend par flux PT?

M. Schlinder : C'est le phosphore total. Le flux correspond à la quantité déposée chaque année.

Nous pouvons également extraire des pigments coudés de ces mêmes sédiments. Grâce à des méthodes de remplacement qui permettent de reconstituer le passé, nous pouvons voir que, dans trois des quatre types de pigments d'algues bleues, les algues bleues étant les fleurs d'eau qui altèrent les fonctions olfacto-gustatives et qui produisent des toxines, de fortes poussées ont été enregistrées au fil des ans.

Prenons, par exemple, le lac Winnipeg. Il en a été beaucoup question dans les journaux au cours des deux dernières années. Le lac a commencé subitement à produire d'immenses fleurs d'eau formées par les algues bleues, qui durent de deux à trois mois. Plusieurs faits ont été constatés. D'abord, les apports en nutriments. La rivière Rouge traverse des terres fertiles du Dakota du Nord et du Minnesota. Fargo, Morehead, Winnipeg et plusieurs autres centres déversent leurs eaux usées dans la Rouge. De plus, il y a d'importantes exploitations d'élevage dans le bassin de la Rouge et de l'Assiniboine, un des principaux tributaires. Il y a donc eu augmentation des apports en nutriments.

Je vous ai montré, à Saskatoon, les données pour la Saskatchewan-Sud. Son débit, une fois qu'elle atteint la Saskatchewan-Nord et ensuite le lac Winnipeg, ne correspond qu'à 20 p. cent de ce qu'il était il y a cent ans. Encore une fois, dans les deux cas, on fait fausse route.

Le bassin est énorme. Le tableau, indiqué en jaune, établit une comparaison entre le bassin et le lac Érié. Ils sont presque de la même taille, sauf que le bassin hydrographique est dix fois plus gros, étant donné qu'il s'étend jusqu'aux Rocheuses.

La diapositive suivante vous donne une idée des dégâts causés par les nutriments et les algues. C'est cette mince ligne verte que l'on voit ici. En 1969, j'ai effectué une analyse du lac, de concert avec quelques collègues. Il a fallu attendre jusqu'aux années 90 avant qu'une autre étude ne soit réalisée. Au début, on a eu l'impression que peu de choses avaient changé. Toutefois, les changements enregistrés au niveau du débit d'eau et des nutriments ont eu pour effet d'encourager la prolifération de fleurs d'eau dans le lac durant les années 90. On pourrait illustrer tout cela au moyen de graphiques. Celui-ci a été réalisé dans les années 1970. On voit ici le lac Érié au pire de la situation. La presse avait déclaré à l'époque qu'il était en train de mourir. Le lac Winnipeg se trouve ici. On peut voir l'évolution qu'ont connue différentes parties des lacs au fil des ans. Le lac La Biche, s'il était transposé sur cette carte, se situerait au point le plus élevé du graphique.

Les sources de nutriments sont différentes de celles qui ont été à l'origine des problèmes d'eutrophisation observés dans l'Est. Elles sont diffuses et proviennent d'une zone très sèche où le débit d'eau est faible.

J'ai réuni tous les facteurs et je les ai résumés dans ce dessin. Il représente un lac dont le débit est naturel. Le bassin est bien végétalisé et les poissons, nombreux.

Il y a un autre point qui mérite d'être souligné, soit le tort que nous causons aux populations de poisson dans ces lacs. Les gens pêchent les prédateurs, c'est-à-dire le brochet, le touladi, le doré jaune, ainsi de suite. Une fois ces stocks épuisés, les petits ménés et autres zooplanctivores qui se nourrissent de crustacés se déchaînent. C'est ce qui s'est produit dans le lac La Biche. Ils dévorent les gros crustacés qui se nourrissent d'algues. Une fois ces stocks épuisés, les algues prolifèrent.

J'ai parlé des changements que nous avons enregistrés au niveau des sources de nutriments et des débits. J'ajouterais que nous avons détruit la capacité qu'ont les lacs, à l'interne, de gérer les charges en nutriments et d'empêcher la prolifération excessive d'algues.

Ce problème a été relevé dans un très grand nombre d'endroits en Amérique du Nord et en Europe. Il est connu sous le nom de cascade tropique dans les milieux scientifiques. Lorsque vous éliminez les prédateurs, la prolifération des algues, qui est assez faible au départ, prend de l'ampleur même si les apports en nutriments restent les mêmes.

Tels sont les effets qu'on t le réchauffement climatique, la surpêche et le développement industriel sur nos lacs. Nous détruisons les habitats de poissons. Nous capturons les prédateurs. Les poissons plus petits qui se nourrissent de crustacés prolifèrent, tandis que le nombre de crustacés, lui, diminue. Les algues se reproduisent davantage en raison de l'augmentation des apports en nutriments et de la baisse des débits sortants. Toutefois, comme la capacité d'absorption des crustacés diminue, l'effet global est plus prononcé.

Le sénateur Chaput : Je trouve votre exposé fort impressionnant, monsieur Schindler, et je vous en remercie.

Je cherche des pistes de solution. Vous en avez mentionné quelques-unes juste avant d'entreprendre la deuxième partie de votre exposé. Que pouvons-nous faire dans le cas de ce puissant voisin que sont les États-Unis? On ne peut arrêter l'air et l'eau à la frontière. Quel genre de mesures le Canada peut-il prendre dans ces domaines?

M. Schindler : La première chose à faire, c'est de nous assurer que les traités en place sont appliqués correctement. Le Traité des eaux limitrophes et l'Accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs sont des instruments internationaux fort solides. Il n'est pas question ici d'entreprendre une nouvelle guerre irakienne — une guerre dont l'enjeu serait l'eau et qui se passerait au Canada, et non pas en Irak. Nous avons des règles très strictes. Nous devrions assimiler cette situation à une partie de hockey avec les États-Unis. Les États-Unis ne sont pas si grands et si puissants qu'ils ne peuvent être battus au hockey. Les règles en place sont très rigoureuses. Si nous ne laissons pas les États-Unis nous convaincre de modifier les règles, comme cela pourra se produire avec l'annexe 2001, nous devrions être en mesure de négocier sur un pied d'égalité.

Nous devons également éviter d'établir un précédent pour la réification de l'eau, une situation où les États-Unis pourraient exiger d'avoir accès à l'eau en vertu des accords commerciaux internationaux qui ont été conclus. Il y a déjà quelques signes préoccupants qui se manifestent et qui pourraient donner lieu à une contestation juridique. Il faut faire preuve de vigilance.

Nous devons nous doter, au niveau fédéral, d'une politique de gestion de l'eau bien solide. Des efforts en ce sens avaient déjà été déployés dans les années 80. En effet, un projet de loi avait été déposé, sauf que l'élection de 1987 en a sonné le glas. Il n'a jamais été ressuscité. Depuis, nous avons perdu le service du gouvernement qui devait en assurer la mise en œuvre. La direction générale des eaux intérieures a été éliminée dans le cadre des mesures de réduction budgétaire qui ont été adoptées dans les années 1990.

Toutefois, beaucoup de progrès ont été accomplis dans ce dossier. Peter Pearce a présidé la commission d'enquête sur l'eau dans les années 80. Grâce à celle-ci, l'eau est devenue partie intégrante du développement durable, et ce facteur a motivé bon nombre des décisions prises dans les années subséquentes. Bien entendu, nous savons tous que l'expression développement durable veut surtout dire « soutenir l'économie », et non « soutenir l'écologie ». Or, c'est l'eau qui détermine ce qui arrive dans nos écosystèmes.

Le président : Savez-vous si le gouvernement de l'Alberta entend aller de l'avant avec la réification de l'eau? Un député provincial du nom d'Abbott en a parlé, il y a quelques semaines de cela.

M. Schindler : Je n'ai rien entendu de ce côté-là. Il serait un peu ridicule d'entreprendre une telle démarche en Alberta, en raison des vastes superficies de terre sèche qu'on y trouve. L'Alberta forme une bande de terre de longueur supérieure à l'Oregon et à la Californie mis ensemble. La seule rivière assez grande qui mérite d'être exploitée est la rivière de la Paix, qui est située dans l'extrême nord de la province. Comme je l'ai déjà mentionné, le débit de cette rivière est très faible. J'aurais pu également parler des effets plutôt négatifs d'une telle démarche sur la rivière de la Paix/Athabasca/Delta. On n'entreprendra pas un tel projet pour de simples raisons économiques.

Il y a quelques années, le gouvernement de l'Alberta a tenté d'ériger un barrage sur la rivière Saskatchewan-Sud, juste à la frontière. Il s'agissait du barrage Méridian. Il en a fait la promotion jusqu'à ce qu'on établisse le rapport coûts-avantages à .3. Tout cela pour un seul barrage. Compte tenu du nombre de barrages et de détournements qui s'avéreraient nécessaires pour faire dévier la rivière de la Paix vers le sud de l'Alberta, le rapport coûts-avantages serait minuscule. Ce projet, à mon avis, ne verra pas le jour.

Plus troublantes encore sont les récentes décisions de vendre les eaux usées d'Edmonton à des installations industrielles situées à Fort Saskatchewan. Certains avocats sont inquiets, car l'eau obtenue gratuitement serait vendue à profit, ce qui établirait un précédent pour la réification. Les projets de ce genre doivent être clarifiés avant d'être autorisés. L'impact de ce projet de petite envergure , situé dans un contexte plus large, n'a pas été pleinement mesuré par les agences provinciales.

Le président : J'aimerais savoir ce que vous pensez, brièvement, de l'attitude des opposants. D'abord, lorsque des gens sérieux se prononcent sur ces questions, leurs arguments sont rejetés au motif qu'ils ne sont que de simples intellectuels. Nous devons changer d'approche si nous voulons être en mesure de bien renseigner le public. Ensuite, certains prétendent que ces phénomènes font tout simplement partie du cycle naturel. L'Alberta, par exemple, était jadis une jungle et une mer subtropicales. Nous ne pouvons pas empêcher ces phénomènes de se produire. Enfin, les prévisions que nous faisons en nous fondant sur les meilleures données qui existent ne se réalisent pas, car les choses changent. Nous sommes confrontés à des opposants qui, parfois, ont des arguments fort convaincants. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

M. Schindler : Je partage, dans une certaine mesure, l'avis des opposants. Nous avons connu un réchauffement naturel au milieu de la période holocène, et aussi durant la période médiévale. Si vous jetez un coup d'œil aux données qui ont été recueillies, vous allez constater que nous avons connu une période de réchauffement pendant 50 ou 100 ans à une certaine époque. Il y en a eu une autre 50 ou 100 ans plus tard, mais sur un autre continent. Toutefois, ces données, une fois rassemblées, ne me permettent pas de conclure qu'il y a eu une augmentation de la température à l'échelle planétaire, comme nous en sommes témoins aujourd'hui. Mais même si une telle augmentation avait été notée, qu'aurions-nous pu faire? Les personnes, à cette époque, mouraient tranquillement, ou partaient s'installer ailleurs. Nous n'avions pas à ce moment-là une société hautement industrialisée et dorlotée qui s'attendait à avoir immédiatement accès à des ressources en eau.

Les prévisions ont ceci d'avantageux que le forçage causé par les gaz à effet de serre peut être mesuré. Comme nous n'avons qu'une seule planète, nous ne pouvons procéder à des expériences de contrôle. C'est l'unique planète que nous avons. Si nous commettons des erreurs, nous allons avoir de sérieuses difficultés.

Mon conseil serait le suivant : il faut se ranger du côté des scientifiques, qui sont 99 p. 100 à dire la même chose. Ils peuvent se tromper; ils l'ont fait dans le cas de Galilée. Toutefois, compte tenu de tous les événements qui se sont produits au cours de l'histoire, une telle chose est plutôt rare. Au pire, nous pourrions prendre des mesures pour protéger le paysage et l'eau, ce que nous devrions faire de toute façon.

Le président : On pourrait appliquer le principe de précaution.

M. Schindler : C'est exact.

Le sénateur Cochrane : Monsieur Schindler, vous parlez constamment de l'absence de données. Il y a de nombreux ministères fédéraux qui s'occupent du dossier relatif à l'eau. Est-ce qu'ils possèdent des données qui n'ont pas été rendues publiques? Ou pensez-vous que ces données n'ont jamais été colligées? Quels ministères le comité devrait-il citer dans le cadre de son étude?

M. Schindler : Il y a eu beaucoup de changements au cours des 30 dernières années. Au début des années 70, nous avions d'excellents programmes au niveau fédéral, et des programmes solides au niveau provincial, notamment en Ontario. Les programmes mis sur pied par l'Alberta et la Colombie-Britannique n'étaient pas si mauvais. Toutefois, les programmes provinciaux et fédéraux ont été victimes des réductions budgétaires et d'une bureaucratie toujours plus lourde.

Or, ce ne sont pas les formalités administratives qui ont été visées par les réductions, mais les scientifiques et les techniciens. Aujourd'hui, certains de mes collègues dans les ministères fédéraux doivent composer avec des budgets qui sont moins élevés que ceux dont disposent mes étudiants de troisième cycle. Certains de ces scientifiques sont reconnus de par le monde, vu les connaissances qu'ils possèdent dans les domaines des polluants et des ressources en eau. On s'attend, dans certains milieux, à ce qu'ils soient recrutés par les universités. Or, très peu d'entre eux peuvent travailler sur le terrain durant l'hiver parce qu'ils enseignent. Les données à long terme recueillies au moyen de techniques des plus perfectionnées ont toujours été l'apanage des ministères fédéraux et de certains organismes provinciaux. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Qu'ils soient à l'emploi d'une université ou du gouvernement, les scientifiques aujourd'hui souffrent de l'absence de ces programmes.

Le sénateur Milne : Je voudrais enchaîner sur ce qu'a dit le sénateur Angus et faire une suggestion. Il aurait fallu télédiffuser cette réunion. Les exposés des témoins qui comparaissent devant le comité devraient être télédiffusés. Je trouve dommage qu'on ne le fasse pas, parce qu'on devrait tous avoir accès à cette information. Merci.

Le président : Nous avons demandé à ce que les réunions soient télédiffusées. On invoque toutes sortes de raisons qui ne tiennent pas. Nos efforts n'ont encore rien donné.

Le sénateur Spivak : Quand je présidais le comité, les séances étaient télédiffusées régulièrement.

Le président : C'était avant cette session-ci.

Le sénateur Angus : Merci, monsieur Schindler, d'être venu nous rencontrer. Le comité s'engage à prendre des mesures concrètes. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir partagé vos connaissances avec nous.

Le président : Monsieur Schindler, nous aurons sans doute une longue liste de questions à vous poser auxquelles nous n'avons pas songé aujourd'hui. J'espère que vous accepterez, à l'occasion, d'y répondre. Nous aimerions vous rencontrer à nouveau.

M. Schindler : Je le ferai volontiers, si c'est possible.

La séance est levée.


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