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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 7 - Témoignages du 24 février 2005


OTTAWA, le jeudi 24 février 2005

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 8 h 35 pour examiner de nouvelles questions concernant son mandat et en faire rapport.

Le sénateur Ethel Cochrane (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente : Je tiens à souhaiter la bienvenue à l'honorable Herb Gray. Il n'est pas nécessaire de présenter notre invité aux sénateurs, car nous savons tous d'où il vient et pendant combien de temps il est resté sur la Colline du Parlement. M. Gray est maintenant président de la Section canadienne de la Commission mixte internationale, la CMI, qui est une organisation binationale indépendante établie par le Traité sur les eaux limitrophes de 1909. La CMI a pour but d'aider à prévenir et à résoudre les différends portant sur l'utilisation et la qualité des eaux limitrophes, et de conseiller le Canada et les États-Unis sur les questions connexes.

La Commission compte six membres, dont trois sont nommés par le président des États-Unis, sur la recommandation et avec l'approbation du Sénat, et trois sont nommés par le gouverneur en conseil du Canada, sur la recommandation du premier ministre. Les commissaires doivent essayer de prévenir ou de résoudre les différends, conformément au traité, et ils doivent examiner les problèmes et prendre leurs décisions de façon impartiale au lieu de défendre le point de vue de leur gouvernement respectif.

C'est un simple aperçu de ce dont M. Gray va nous parler aujourd'hui.

Le très honorable Herb Gray, C.P. C.C., c.r., président, Commission mixte internationale : Je vous remercie beaucoup, madame la présidente, vous et les autres membres de ce comité sénatorial. Je me réjouis d'être ici. Je tiens à remercier le sénateur Cochrane pour son entrée en matière, car cela va me permettre de vous présenter plus rapidement mon exposé.

[Français]

Je serai content de répondre à vos questions et commentaires, en anglais et en français, mais je présenterai mon exposé en anglais.

[Traduction]

Comme la présidente l'a souligné, la Commission internationale mixte a été créée par un traité conclu, en 1909, entre les États-Unis et la Grande-Bretagne qui agissait au nom du Canada. La Commission fonctionne depuis 1909. Elle s'occupe non seulement des eaux limitrophes, mais de toutes les questions environnementales transfrontalières qui intéressent le Canada et les États-Unis. Depuis près d'un siècle, nous avons largement contribué à prévenir et résoudre les litiges concernant les eaux limitrophes et l'air qui se trouve au-dessus d'elles.

Pour vous citer quelques principes clés du traité, les parties ont des droits égaux et semblables d'utiliser les eaux limitrophes. Il y a aussi un ordre de préséance qui donne la priorité à une utilisation sanitaire et domestique et ensuite à la navigation, la production d'électricité et l'irrigation.

Il est dit dans le traité que les structures et déviations ne doivent modifier ni le niveau ni le débit des eaux limitrophes, ni hausser le niveau des eaux dans l'autre pays sans un accord binational ou l'approbation de la CMI.

Ce qui est de remarquable dans ce traité signé en 1909, à une époque où les gens n'étaient pas aussi conscients qu'aujourd'hui de l'importance de l'environnement, c'est qu'il interdit de polluer les eaux d'un côté comme de l'autre afin de ne pas menacer la santé ou l'état des biens de l'autre pays. Il y a égalité totale entre le Canada et les États-Unis en vertu du traité et dans le travail de la Commission, même si les États-Unis sont une économie bien plus puissante et sont 10 fois plus peuplés que le Canada.

En tant que commissaires, nous rendons nos décisions par consensus, un peu comme un comité du cabinet ou le conseil des ministres. Nous ne votons pas. Je pense qu'il y a seulement eu trois votes en plus de 94 ans. La CMI a été établie par le traité, et non pas par les gouvernements. Elle ne relève ni du Parlement ni du Congrès. C'est un organisme international permanent, objectif, indépendant et unitaire. Nous sommes en contact très étroit avec au moins six ministères fédéraux au Canada et leurs homologues fédéraux américains, surtout les ministères des Affaires étrangères et de l'Environnement.

Comme vous pouvez le voir sur la carte que j'ai distribuée et qui figure également dans le document, le territoire de la Commission mixte internationale s'étend d'un océan à l'autre le long de la frontière est-ouest et au nord, le long de la frontière entre l'Alaska, le Yukon et la Colombie-Britannique. Cela couvre plus de 8 000 kilomètres et 40 p. 100 de la frontière est fluviale ou lacustre. Nous donnons la liste des principaux bassins que nous couvrons.

Que fait la Commission? Elle reçoit des demandes d'avis des gouvernements canadien et américain et fait rapport sur les sujets précis. Elle répond aux demandes d'avis permanentes émanant d'autres accords binationaux. Il s'agit plus particulièrement de l'accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs, de l'Accord Canada-États-Unis sur la qualité de l'air et de la Convention sur le lac des Bois et son protocole. Elle alerte les gouvernements au sujet des problèmes environnementaux transfrontaliers et elle a une compétence quasi judiciaire pour étudier les demandes d'approbation de structures transfrontalières.

Lorsque nous recevons une demande d'avis, nous commençons par créer un groupe binational d'experts qui examine les fondements scientifiques et établit les faits en commun. Nous demandons ensuite l'opinion du public sur le rapport du groupe. Après cela, nous rédigeons notre propre rapport que nous remettons aux gouvernements canadien et américain et nous le divulguons également au public. Nous ne faisons pas de rapports secrets. Tout ce que nous faisons est communiqué à la fois au gouvernement et au public.

Par exemple, nous avons reçu une demande d'avis sur un sujet précis qui portait sur un projet lancé en 1998 pour exporter en vrac de l'eau des Grands Lacs. Les gouvernements nous ont demandé de nous pencher sur la question. Nous avons produit un rapport dans lequel nous avons conclu que les Grands Lacs ne constituent pas un réservoir assez vaste pour un monde de plus en plus assoiffé. Même si les Grands Lacs comprennent environ 20 p. 100 de l'eau douce de la surface de la terre, seulement 1 p. 100 de cette eau est renouvelé chaque année par les neiges et les pluies. En fait, nous avons dit que les Grands Lacs ne contiennent pas d'eau excédentaire qui pourrait être exportée en vrac.

Quelle a été la réponse des gouvernements? Notre gouvernement fédéral a présenté au Parlement le projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi du Traité des eaux limitrophes internationales. Les modifications et les règlements connexes sont entrés en vigueur le 9 décembre 2002. Ils interdisent le prélèvement des eaux limitrophes des bassins canadiens et, éventuellement, de l'ensemble des bassins, mais plus particulièrement des Grands Lacs.

Qu'en est-il du côté américain? Les États-Unis ont adopté une approche différente. Ils ont négocié un accord qui, une fois adopté par les assemblées législatives des États des Grands Lacs et le Congrès fédéral deviendra exécutoire et établira le régime de réglementation des prélèvements d'eau du côté américain du bassin.

Entre-temps, une loi américaine interdit de le faire sans l'approbation des gouverneurs de l'ensemble des États des Grands Lacs. Une Charte des Grands Lacs a été signée par les États des Grands Lacs, l'Ontario et le Québec. En 2001, les parties ont préparé une annexe établissant les principes de la réglementation des exportations d'eau ou interdisant ces exportations selon la façon dont vous interprétez l'annexe, à partir du côté américain du bassin. En juillet dernier, elles ont publié un projet de mise en oeuvre de l'annexe en accordant au public 90 jours pour faire part de ses commentaires. La réaction a, je crois, été généralement négative, particulièrement au Canada. Le gouvernement de l'Ontario a critiqué certains éléments de cette proposition en disant qu'il n'accepterait pas de signer. Le gouvernement canadien a déposé un mémoire disant que la proposition contenait certains bons éléments, par exemple, en ce qui concerne la surveillance et la collecte de données, mais que ce projet affaiblirait les régimes existants et qu'il devrait être réexaminé. Un groupe de travail des gouverneurs des États des Grands Lacs s'est réuni à Chicago en janvier. Les membres du groupe de travail ont décidé de tenir compte des divers commentaires et de préparer une nouvelle version de ces propositions qui sera soumise à une nouvelle consultation publique.

Peut-être vous demanderez-vous ce qu'en pense la CMI. Dans une mise à jour de son rapport de l'an 2000 intitulé Protection des eaux des Grands Lacs, la Commission fait observer que le résultat du processus de l'annexe 2001 devrait comporter une norme et un régime de gestion conformes aux recommandations de son rapport de l'an 2000. Jusqu'à ce que ce processus soit terminé, et donne lieu à un texte final, il ne sera pas possible de dire si l'annexe 2001 et les mesures prises en application de cette annexe donneront effet aux recommandations du rapport 2000 de la Commission.

Qu'en est-il des demandes d'avis permanentes? J'ai mentionné l'Accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs. Nous devons aider les gouvernements à appliquer l'accord et à évaluer l'efficacité des mesures qu'ils prennent pour atteindre l'objectif visant le rétablissement de l'intégrité chimique, physique et biologique des eaux de l'écosystème des eaux du bassin des Grands Lacs. Par « gouvernements », j'entends surtout le gouvernement fédéral des deux pays. Nous jouons également un rôle dans l'Accord Canada-États-Unis sur la qualité de l'air, dont je vous parlerai aussi.

Le prochain tableau donne la liste de tous les conseils scientifiques et groupes de travail qui relèvent de la Commission. Il y a deux types de conseils : les conseils et groupes de travail scientifiques et les conseils de contrôle. Je vous parlerai de ces derniers dans un instant.

Nous mettons en garde les gouvernements contre les nouveaux problèmes, par exemple, les espèces aquatiques exotiques comme les carpes asiatiques qui accèdent aux Grands Lacs par le Mississippi et en menacent la biodiversité aquatique. Une barrière électronique installée dans la rivière Illinois empêche cette espèce de poissons d'entrer dans les Grands Lacs. Nous incitons le gouvernement de l'État de l'Illinois et le gouvernement fédéral à renforcer cette barrière et à en installer une autre.

Pour ce qui est des demandes et ordonnances, quelqu'un qui veut construire une structure dans les eaux limitrophes ou encore en amont ou en aval, soit s'adresser aux deux ministères des Affaires étrangères, celui du Canada et celui des États-Unis. S'ils acceptent tous les deux, il faut faire une demande à la Commission qui tient des audiences et a pleins pouvoirs pour émettre des ordonnances d'approbation ou de désapprobation ou encore d'approbation conditionnelle.

Au cours des années, la Commission a généralement approuvé les demandes, mais en imposant des conditions et elle a créé des conseils de contrôle permanents pour veiller à ce que les conditions soient respectées. Des exemples d'ouvrages visés par les ordonnances de contrôle de la CMI sont les structures de contrôle à l'exutoire du lac Supérieur, au Sault, et du lac Ontario, sur la partie internationale du Saint-Laurent. Je dois vous dire qu'il n'y a eu aucune demande importante depuis l'achèvement de la Voie maritime et des ouvrages visés par le Traité du fleuve Columbia. Néanmoins, si la circulation des camions et des automobiles entre les deux pays continue d'augmenter, je suppose qu'on proposera la construction de nouveaux ponts ou structures à des endroits comme Windsor et Detroit. Cela a été mentionné dans le discours du budget, hier soir, et si certains éléments des ouvrages en question se trouvent dans l'eau, je ne sais pas si ce sera du ressort des commissaires actuels. Cela dépendra de la longueur du processus, mais le rôle quasi judiciaire de la Commission sera probablement renouvelé.

Voici la liste de tous nos conseils de contrôle. Avant de conclure, je vais vous parler de certaines de nos activités en cours. Vous m'avez demandé de vous faire quelques suggestions quant au mandat dont votre comité pourrait se charger dans le cadre de son étude de l'eau.

Nous terminons une étude quinquennale des structures de contrôle et des ordonnances régissant la région inférieure du lac Ontario et la partie internationale du Saint-Laurent, entre Cornwall et Messina. Cette étude, d'une valeur de 30 millions de dollars sur cinq ans, est financée par les deux gouvernements, celui des États-Unis et celui du Canada. Nous en sommes à la dernière année. Comme je l'ai dit, nous examinons les ordonnances de contrôle remontant à la période 1952-1956, qui régissent les niveaux d'eau pour les structures du Saint-Laurent et qui font en sorte que le port de Montréal ait suffisamment d'eau pour recevoir les navires internationaux et leur cargaison.

L'étude se penche maintenant sur les types d'utilisation qui n'avaient pas été considérés dans les années 50, comme la navigation de plaisance, la pêche sportive et l'environnement. Cette étude permettra de recommander à la CMI de nouveaux plans et critères pour régir le débit et le niveau de l'eau d'ici octobre de cette année. Il est probable que nous tiendrons alors d'autres audiences publiques et que nous rédigerons un rapport dans lequel nous dirons si les ordonnances seront ou non modifiées, et si c'est le cas, de quelle façon.

Nous avons un autre projet très intéressant en cours. En 1921, la CMI a émis une ordonnance répartissant les eaux des rivières Sainte-Marie et du Lait entre les États-Unis et le Canada. Comme vous le savez peut-être, elles traversent la frontière entre le Montana et les provinces de l'Alberta et de la Saskatchewan. Ces eaux servent à irriguer des centaines de milliers d'hectares de terres agricoles au sud de Lethbridge, à la frontière, et à alimenter les usines de transformation situées à des endroits comme Taber, en Alberta. Ce genre d'activités se situe des deux côtés de la frontière, mais surtout en Alberta.

Depuis l'émission de cette ordonnance, en 1921, le gouvernement du Montana n'en a jamais été entièrement satisfait et il demande périodiquement à la Commission de rouvrir le dossier pour modifier l'ordonnance. Jusqu'ici, la Commission a toujours refusé, mais suite à la demande du gouverneur du Montana, Judy Martz, dont le mandat vient d'être renouvelé, nous avons tenu des audiences le long de la frontière l'été dernier. En fait, je ne devrais pas parler d'audiences. Ce sont davantage des assemblées de consultation publique. Nous avons décidé de procéder de façon différente en constituant un groupe de travail spécial, le groupe de travail administratif sur les rivières Sainte-Marie et du Lait pour voir s'il est possible de modifier la procédure administrative prévue dans l'ordonnance de 1921 afin d'améliorer la répartition des eaux de ces deux rivières dans l'intérêt des deux pays. Le groupe de travail présentera son rapport à la CMI, qui décidera s'il y a lieu de modifier l'ordonnance ou de la maintenir.

Un détail intéressant au sujet de la compétence de la CMI est que les ordonnances de contrôle sont irrévocables. Si vous n'aimez pas une ordonnance ou si vous pensez que les conditions ont changé, vous pouvez nous demander de la réviser ou de la réexaminer, mais le traité ne prévoit aucune possibilité d'appel, ce qui est intéressant sur le plan de la souveraineté.

Pour passer à un autre sujet, nous avons tenu des audiences en décembre et nous sommes en train de rédiger un rapport sur un problème de qualité de l'eau qui touche la baie Missisquoi du lac Champlain, au Québec, et le reste du lac qui sépare le Vermont et l'État de New York. Si vous examinez la grande carte ou la petite carte, vous verrez que le tracé de la frontière traverse le lac Champlain et que le traité nous confère donc la compétence sur ce lac.

En vertu de l'Accord relatif à la qualité de l'eau des Grands Lacs, nous devons rédiger, tous les deux ans, un important rapport sur la façon dont les gouvernements s'acquittent de leurs responsabilités et les progrès qu'ils réalisent pour nettoyer les Grands Lacs. Le dernier de ces rapports, le 12e Rapport biennal sur la qualité de l'eau des Grands Lacs a été publié en septembre. À la page 20, nous indiquons sur quoi porte ce rapport, mais pour ce qui est de nos travaux actuels, nous sommes en train de terminer un rapport sur les déversements dans les chenaux reliant les Grands Lacs, qui sera prêt dans quelques mois.

Les déversements de produits chimiques des deux côtés de la frontière qui se retrouvent dans la rivière St. Clair, surtout en provenance de la région de Sarnia, le centre de l'industrie chimique du Canada, ont suscité des inquiétudes. J'en parlerai plus en détail au cours de la période de discussion, si vous voulez, mais on craignait que ces substances chimiques se retrouvent dans l'eau et que les municipalités en aval n'en aient pas été informées assez rapidement. Le gouvernement de l'Ontario a produit un rapport très important à ce sujet et notre directeur du bureau des Grands Lacs est l'un des conseiller technique.

Je voudrais maintenant mentionner — et je lance l'invitation aux membres et au personnel du comité — notre Conférence sur les Grands Lacs et notre Assemblée biennale 2005 qui auront lieu du 9 au 11 juin à l'Université Queen's, à Kingston. Tous les deux ans, nous tenons une grande conférence publique qui coïncide avec la publication de notre rapport biennal sur la qualité de l'eau des Grands Lacs. Il y aura des ateliers techniques, mais aussi des séances publiques ouvertes à tous ceux qui pourront venir et qui pourront aller au micro parler de l'environnement et de la pollution. Nous avons invité des conférenciers de renom. David Suzuki prendra la parole, de même que le professeur David Schindler, de l'Université de l'Alberta, lauréat de plusieurs prix internationaux. Nous venons d'obtenir confirmation que le ministre fédéral de l'Environnement, Stéphane Dion et son homologue provincial, Leona Dombrowski seront là. Il y aura aussi des personnalités du Congrès et du Sénat américains qui s'intéressent au rétablissement des Grands Lacs. Je tiens à inviter toutes les personnes dans la salle et je sais que vos délibérations sont également diffusées sur les ondes. Vous pouvez vous inscrire dès maintenant à www.ijc.org. Les gens sont les bienvenus. Il n'y a pas de frais d'inscription, sauf pour les ateliers techniques.

Comme je l'ai mentionné, nous avons un rôle à jouer en vertu de l'Accord Canada-États-Unis sur la qualité de l'air. Nous sommes chargés d'inviter le public à commenter les rapports d'étape des deux gouvernements sur leur application de cet accord, tous les deux ans, et de résumer ces commentaires pour aider les gouvernements à mettre l'accord en oeuvre. Le dernier de ces rapports a été publié en décembre. Nous avons organisé des tables rondes pour obtenir l'opinion de divers groupes et les intéressés nous ont également écrit. Si votre comité ou un de vos collègues, ou encore tout organisme auquel vous êtes associés souhaite donner son avis sur ce dernier rapport, vous pouvez l'obtenir sur notre site web dont l'adresse est, je le répète, www.ijc.org et je crois que les commentaires doivent nous parvenir d'ici le 28 février.

Je signale en passant qu'il n'est pas nécessaire de présenter un mémoire d'une centaine de pages accompagné de notes et de tableaux. Vous pouvez simplement envoyer une lettre de quelques paragraphes pour nous dire ce que vous en pensez. Nous l'apprécierons tout autant, ou peut-être même davantage, et nous transmettrons au secrétaire de la Section canadienne de la Commission. Nos bureaux se trouvent à quelques coins de rue d'ici, au 234 rue Laurier.

En ce qui concerne les activités éventuelles de la CMI, pour ce qui est de l'Accord sur la qualité de l'eau des Grands Lacs, tous les six ans environ, les deux gouvernements se livrent à un examen général de l'accord. En fait, ils font cet examen après le troisième rapport biennal. Nous allons y participer. Non seulement nous allons faire part de nos opinions, mais nous pourrions également être chargés d'organiser toutes les consultations publiques. Un comité des deux gouvernements a été chargé d'établir le plan de cet examen. Je crois qu'il y a quelque chose à ce sujet dans le site web. L'examen n'a pas encore commencé. Les gouvernements veulent d'abord établir un plan de travail, car ce sera une entreprise de très grande envergure.

Il se peut également que nous examinions les ordonnances de contrôle que nous avons émises au sujet des structures de la rivière Sainte-Marie, au Sault et d'une étude des Grands Lacs d'amont comme celle que nous terminons pour les lacs d'aval.

Également, en ce qui concerne les espèces exotiques envahissantes, le gouvernement a proposé un plan pour s'attaquer à ces espèces dans l'environnement tant aquatique que terrestre. Je signale que le budget parle de financer davantage de travaux sur ce sujet important. Nous avons demandé que la question nous soit renvoyée afin que nous puissions faciliter et coordonner les activités binationales visant à contrôler ou prévenir l'entrée des espèces exotiques envahissantes dans les Grands Lacs. C'est actuellement à l'étude.

Nous voulons également transformer nos conseils sur les bassins hydrographiques situés le long de la frontière internationale en comité sur les bassins hydrographiques d'un océan à l'autre. Vous voudrez peut-être voir si la chose vous paraît possible ou souhaitable.

Enfin, toujours en ce qui concerne nos activités éventuelles, les peuples autochtones vivant le long du fleuve Columbia, du côté canadien, nous ont demandé de vérifier si le barrage de Grand Coulée n'avait pas des conséquences négatives sur la pêche autochtone en amont. Nous sommes en train d'établir si nous avons compétence en la matière.

Parmi les autres problèmes que les gouvernements pourraient référer à la Commission mixte internationale figure la question du lac Devil dans le Dakota du Nord. Certains craignent que, si des eaux de ce lac entrent dans la rivière Rouge, cela pourrait causer des dommages environnementaux du côté canadien de la rivière Rouge et dans le lac Winnipeg.

Nous ne pouvons pas nous livrer à un examen officiel et produire des rapports et des recommandations à moins d'être mandatés par les deux gouvernements. Le traité stipule qu'un seul gouvernement peut le faire, mais la tradition veut que les deux gouvernements le fassent conjointement. C'est logique étant donné que si un gouvernement ne participe pas, il ne prêtera probablement pas autant d'attention au rapport que s'il nous l'avait demandé. Nos comités d'experts sont composés de représentants des ministères, et parfois des universités, qui sont détachés pour collaborer avec nous à temps partiel, selon les besoins. Si les deux gouvernements ne nous renvoient pas conjointement une question, l'autre gouvernement pourrait peut-être dire : « Nous n'envoyons aucun représentant pour aider la Commission. »

La municipalité de Fargo, dans le Dakota du Nord a signalé sont intention de dévier de l'eau du lac des Bois. Cela fait partie du grand projet d'approvisionnement de la vallée de la Rouge. Ce projet susciterait la controverse chez les résidents de la région entourant le lac des Bois et les Canadiens qui utilisent déjà cette eau. Par exemple, le sénateur Spivak n'ignore pas qu'un chenal amène de l'eau du lac des Bois jusqu'à la ville de Winnipeg et cela depuis près d'un siècle.

Il y a aussi un projet controversé de travaux routiers et miniers, en Colombie-Britannique, à proximité des eaux limitrophes de la rivière Taku qui coule de la Colombie-Britannique jusqu'à l'Alaska. L'Agence de protection environnementale américaine a accusé la fonderie Teck Cominco, de Trail — qui rejette ces accusations — de rejeter dans les eaux du fleuve Columbia des polluants qui polluent ensuite les eaux américaines.

Il y a un autre problème dans l'Ouest. La rivière Flathead coule de la Colombie-Britannique jusqu'à l'État de Washington. L'État de Washington craint que le gouvernement de la Colombie-Britannique autorise l'exploitation de mines de charbon dégageant du méthane ou la combustion de charbon sur lit fluidisé qui, selon lui, créerait de la pollution. Les promoteurs du projet contestent également ces affirmations.

Enfin, dans l'est du Canada, notre compétence s'étend au lac Memphrémagog, qui est situé à l'est du lac Champlain. Coventry, au Vermont, est en train de créer un grand site d'enfouissement qui ne plaît pas beaucoup aux résidents des villes et localités situées du côté canadien du lac. Ils voudraient que nous examinions la question, mais là encore, il faut que nous soyons mandatés.

Vous m'avez demandé de vous faire des suggestions pour entreprendre une étude importante. J'ai pensé que ce que je pouvais vous dire au sujet de la CMI et de certains projets auxquels nous travaillons pourrait vous intéresser.

Je terminerais en vous rappelant que le discours du Trône d'octobre 2004 mentionnait ceci :

Le gouvernement travaillera en collaboration avec les États-Unis et des organismes comme la Commission mixte internationale sur des questions comme la pureté de l'air, la salubrité de l'eau et les espèces envahissantes.

Nous étions très flattés d'être mentionnés dans le discours du Trône. Nous avons certainement écouté avec beaucoup d'intérêt. J'ai tenu à être présent pour entendre le discours du budget et ce qu'il disait à propos de l'infrastructure verte, des travaux sur les espèces exotiques envahissantes et le renouvellement du programme des Grands Lacs du gouvernement fédéral.

Quant aux autres sujets que vous pourriez examiner — je sais que le temps que vous m'aviez accordé touche à sa fin — la Loi sur les ressources en eau du Canada a déjà de nombreuses années d'existence. Vous pourriez voir comment elle est appliquée ou si elle est inactive et s'il y a lieu que le gouvernement fédéral établisse des normes nationales pour l'eau potable.

Je vous remercie de votre patience. Je suis prêt à répondre à vos questions.

La vice-présidente : Merci beaucoup. C'était certainement très approfondi. Vous avez une tâche difficile devant vous. Je n'avais aucune idée de ce que vous faisiez depuis que vous avez quitté le Parlement, monsieur Gray. Mais maintenant, je le sais.

Le sénateur Spivak : Monsieur Gray, vous avez là une tâche formidable. Je voudrais d'abord savoir si vous avez suffisamment d'argent pour vous acquitter de cette énorme tâche? Elle va encore s'alourdir à l'avenir.

M. Gray : Nous ne sommes pas un organisme qui bénéficie d'un financement unique. Nous sommes financés dans le cadre du processus budgétaire des deux pays. Notre budget comprend de l'argent pour le personnel, les locaux, les déplacements et l'information du public. Si nous sommes mandatés pour étudier une question, nous devons recevoir des fonds supplémentaires. Nous n'avons pas de budget de programmes. Si les gouvernements veulent nous confier une mission, à quelques exceptions près, ils doivent nous accorder des fonds supplémentaires. Nous n'avons pas l'argent voulu pour réaliser tous les travaux éventuels que je vous ai décrits, mais si les gouvernements veulent que ce soit fait, ils savent qu'ils doivent fournir des fonds supplémentaires. Pour ce qui est de nos activités permanentes, nous respectons les limites de notre budget, mais c'est parfois difficile. Si vous voulez recommander que notre budget soit réexaminé, je ne m'y opposerais pas.

Le sénateur Spivak : Ma question concerne l'annexe proposée. On retire actuellement de l'eau des Grands Lacs. Chicago le fait, par exemple, je crois. Quelle quantité d'eau cela représente-t-il?

Étant donné les problèmes qu'il y aura dans le sud des États-Unis et la baisse de niveau de l'aquifère Ogallala, si les litiges auxquels il faut s'attendre donnent lieu à des contestations judiciaires et que les gouvernements ont adopté des lois, en fin de compte, qui l'emportera? Qu'en est-il de la question de la souveraineté?

M. Gray : Tout d'abord, il y a un canal, le Chicago Sanitary and Ship Canal, qui relie les Grands Lacs au Mississippi, à Chicago. Curieusement, ce canal a été construit au départ pour détourner vers le Mississippi les eaux d'égout du secteur de Chicago situé en bordure du lac, puis c'est devenu une voie de navigation pour les barges. À l'eau qui passe par ce canal vient se joindre, en partie à peu près égale, de l'eau provenant du détournement de l'Ogoki qui se jette dans le lac Supérieur. La quantité d'eau qui peut être détournée par le canal de Chicago est fixée par un arrêt de la Cour suprême des États-Unis. Le canal de Chicago a été construit avant le Traité sur les eaux limitrophes, si bien qu'il s'agit d'un droit acquis, dans un certain sens.

Pour ce qui est des grandes quantités d'eau qui sortent des Grands Lacs, on m'a dit qu'elle correspond à la quantité qui y entre par le détournement de l'Ogoki. Pendant la Seconde Guerre mondiale, on a inversé le courant d'un lac et d'une rivière qui se jetaient dans la baie James afin d'alimenter les centrales électriques, si bien que l'eau qui entre correspond à la quantité d'eau qui sort par le canal de Chicago.

Pour répondre plus précisément à votre question, je dirais que les États situés en bordure des Grands Lacs n'ont pas dit qu'ils seraient d'accord pour autoriser le captage de l'eau. Quel que soit l'état de l'aquifère, il n'est pas question qu'on puisse retirer de l'eau des lacs pour cette raison ou pour répondre à tout autre besoin au-delà du territoire des États américains en bordure des Grands Lacs à moins que ces derniers ne soient d'accord. À ma connaissance, ils ne sont pas prêts pour le moment à accepter des captages massifs pour quelque fin que ce soit.

Comme nous l'avons mentionné dans nos rapports de 2000 et 2004, la croissance de l'urbanisation dans des régions comme Chicago a entraîné le développement de collectivités à proximité du bassin, de l'autre côté de l'étendue de terre séparant les Grands Lacs du Mississippi. Cette étendue de terre est très près des Grands Lacs dans certaines régions. Ces collectivités voudraient avoir un plus grand accès aux eaux des Grands Lacs, car elles croient faire partie de la même communauté urbaine. C'est une question sur laquelle il va falloir se pencher.

Tous les grands projets du début des années 90 qui visaient à capter de l'eau au moyen de chenaux ou de grands bateaux-citernes, ont été abandonnés à cause de leur coût et aux recours intentés du côté canadien en vertu de la législation fédérale. Du côté américain, une loi fédérale porte que si un gouverneur s'oppose à un détournement, même si ce n'est pas dans son État, le projet ne peut pas être réalisé.

Entre-temps, les Américains négocient cet accord. Pour qu'il entre en vigueur, ils doivent obtenir l'approbation de l'Assemblée législative de chacun des États et du Congrès, ce qui peut prendre un certain temps. Dans l'intervalle, le gouvernement fédéral du Canada a déclaré officiellement que l'ébauche de proposition n'est pas satisfaisante et l'Ontario a dit la même chose. Le procureur général du Michigan a également exprimé des inquiétudes au sujet de ce projet. Ce n'est pas seulement du côté canadien, mais des deux côtés que l'on est inquiet.

Compte tenu de ces commentaires, j'espère que ces groupes de travail parviendront à un compromis qui sera acceptable pour tout le monde.

Le gouvernement des États-Unis a déposé auprès de ce groupe de travail une intervention dans laquelle il dit qu'il doit, pour toute question, accorder la priorité et la primauté au Traité sur les eaux limitrophes et au rôle de la Commission mixte internationale, comme le disait également la déclaration du gouvernement canadien. Nous verrons comment les choses tourneront.

Pour ce qui est des déclarations officielles de la Commission, comme nous travaillons de façon consensuelle, je peux seulement vous référer à ce que nous avons dit dans notre rapport au milieu de l'année dernière.

Le sénateur Spivak : Cela m'éclaire beaucoup. Vous ne pouvez toutefois pas prédire l'avenir. Supposons qu'il y ait un désaccord entre toutes les assemblées législatives, le gouvernement américain et la CMI. Cela créerait-il un litige? Sait-on clairement ce qui l'emporterait? Est-ce que le traité l'emporterait?

M. Gray : Vous posez des questions touchant au droit international qui dépassent ma compétence. Néanmoins, cet accord sera conclu entre le gouvernement fédéral des États-Unis et les États des Grands Lacs. La CMI ne sera pas partie à cet accord. Sa compétence sera celle que prévoit le traité. Le traité a été signé par la Grande-Bretagne, au nom du Canada et par les États-Unis et, en vertu du droit international, les deux pays sont chargés de veiller à ce que les dispositions du traité soient appliquées.

Je suppose que la Commission pourra toujours attirer officiellement l'attention du gouvernement sur tout projet qu'elle jugera contraire au traité. Néanmoins, contrairement à moi, vous avez le droit d'examiner des questions hypothétiques. Il ne faut pas supposer qu'on ne pourra pas trouver une solution satisfaisante pour les deux gouvernements, de même que pour les États des Grands Lacs.

[Français]

Le sénateur Lavigne : J'aimerais tout d'abord vous remercier d'avoir accepté notre invitation de venir témoigner aujourd'hui. Je vous connais, monsieur Gray, depuis longtemps, ayant siégé au Parlement avec vous. Vous êtes un homme d'une grande culture et sagesse.

Vous avez parlé plus tôt du fleuve Saint-Laurent en direction du port de Montréal. Est-ce que la commission aura un rôle à jouer en ce qui concerne le creusage qui doit se faire afin de permettre aux bateaux de se rendre au port de Montréal, compte tenu de la baisse du niveau des eaux du fleuve Saint-Laurent?

M. Gray : Je ne crois pas que nous allons participer au dragage, car ces travaux n'auront pas lieu dans les eaux limitrophes. À l'endroit où le fleuve Saint-Laurent traverse la frontière entre les deux provinces, il se situe au-delà la province de Québec et à l'intérieur du Canada. Il ne s'agit pas d'une zone limitrophe.

Notre responsabilité touche principalement le partage des eaux du Saint-Laurent afin de maintenir le niveau d'eau pour permettre l'accès au port de Montréal par les bateaux des pays du monde. Nous n'allons pas statuer sur les projets de dragage, car ces eaux ne sont pas limitrophes.

Le sénateur Lavigne : Vous avez parlé plus tôt du centre de débordement ou du site d'enfouissement dans le lac Memphrémagog. La CMI aura-t-elle un rôle à jouer dans cette question, ou si pour ce faire vous devez attendre que la demande vienne du gouvernement, des parlementaires ou des sénateurs?

M. Gray : Les communautés sur le territoire canadien du lac Memphrémagog ont demandé au gouvernement de nous donner un mandat formel de faire enquête sur ce projet de site d'enfouissement. Certains députés, tel que M. Paradis, ont demandé que l'on nous accorde un mandat ou une référence en la matière. Toutefois, en ce moment, nous n'avons pas de rôle formel car nous n'avons pas reçu de référence. Si vous pouvez convaincre le gouvernement de nous donner une telle référence, comme ce fut le cas dans le dossier du lac Champlain, nous serons heureux de remplir notre devoir. Pour l'instant, nous suivons le dossier.

Le sénateur Lavigne : Aucune demande n'a encore été faite?

M. Gray : Il revient aux membres du public, aux élus ou aux honorables sénateurs de demander au gouvernement de nous donner un tel mandat.

[Traduction]

Le sénateur Milne : Monsieur Gray, selon votre mandat, vous pouvez uniquement vous pencher sur des questions qui vous sont référées par les deux gouvernements. À quel point est-il difficile de se faire référer un dossier par les deux gouvernements?

M. Gray : Certains diraient que c'est difficile. Par exemple, le Canada souhaiterait nous renvoyer la question du lac Devil, dans le Dakota du Nord, qui préoccupe beaucoup le gouvernement provincial du Manitoba. Le gouvernement américain actuel n'est pas prêt à le faire. Le gouvernement du Dakota du Nord y est tout à fait opposé, tout comme vos homologues du Sénat américain.

Comme vous le constaterez dans le traité, l'un ou l'autre des deux gouvernements peut nous adresser une demande d'avis. Il n'est pas nécessaire que cela vienne des deux, mais la coutume veut qu'il n'y ait pas de demande si l'un des deux gouvernements n'est pas d'accord. J'ai expliqué tout à l'heure pourquoi c'était sans doute une bonne idée, même si certaines personnes souhaitent que le gouvernement canadien agisse de son propre chef.

Nous suivons cette question de très près, d'autant plus que nous avons un conseil de la rivière Rouge qui s'intéresse à la pollution de la rivière Rouge étant donné qu'elle traverse la frontière. Nous assistons aux réunions de ce conseil où ces questions sont abordées. Nous n'avons pas de rôle officiel à jouer en examinant la question et formulant des recommandations comme nous l'avons fait, par exemple, lorsqu'il y a eu de grandes inondations dans le bassin de la rivière Rouge. Nous avons émis le rapport intitulé Vivre le long de la rivière Rouge dont l'une des 41 recommandations proposait d'élargir considérablement le canal de dérivation autour de Winnipeg. Ces travaux sont en cours. Quand les gouvernements l'ont annoncé, ils ont eu l'amabilité de mentionner que cette mesure leur avait été notamment inspirée par notre rapport.

Un seul des deux gouvernements pourrait nous renvoyer une question. Je ne pense pas que ce soit déjà arrivé. C'est sans doute préférable, mais je sais que le gouvernement canadien envisage d'aborder la question avec la nouvelle secrétaire d'État lorsqu'elle viendra au Canada. Je crois qu'elle doit venir en mars. Nous verrons ce qui se passera. Nous sommes prêts à nous pencher officiellement sur le problème. Pour le moment, nous nous contentons de nous informer de façon officieuse. Nous ne pouvons pas nous mettre au travail en disant qu'il faut faire ceci ou cela ou que le lac Devil pose un problème ou n'en pose pas.

Le sénateur Milne : Quand vous parlez du Groupe de travail administratif sur les rivières Sainte-Marie et du Lait, vous dites qu'il tente de modifier l'ordonnance, les procédures administratives de 1921. Qu'entendez-vous exactement par « modifier »? Pour moi, cela veut dire qu'on veut donner plus aux États-Unis et moins au Canada.

M. Gray : Je tiens à bien préciser que la CMI n'a pas constitué ce groupe de travail administratif dans le but de modifier l'ordonnance. Il s'agit seulement de voir si le libellé actuel de l'ordonnance peut être modifié sans causer de tort à l'Alberta, mais de façon à répondre aux préoccupations du Montana. Les gouvernements de l'Alberta et de la Saskatchewan s'opposent radicalement à tout changement. Le gouvernement du Montana voudrait que le texte soit changé. Il estime que les eaux n'ont pas été réparties équitablement et que l'ordonnance de 1921 ne lui accorde pas toute l'eau à laquelle il estime que le traité lui donne droit. Les gouvernements de la Saskatchewan et de l'Alberta ne sont pas du tout d'accord, pas plus que le gouvernement fédéral du Canada. Ils sont intervenus auprès de notre Commission pour dire que ce n'était pas le cas.

Le sénateur Milne : Comment l'eau est-elle répartie? Est-ce en fonction de la population?

M. Gray : C'est très compliqué. Il faudrait une réunion rien que sur ce sujet.

Le sénateur Milne : Vous pourriez peut-être nous envoyer quelque chose.

M. Gray : Nous pouvons vous envoyer quelque chose. Les négociations qui ont conduit au traité portaient sur deux questions. L'une d'elles était la répartition de l'eau de la rivière Niagara pour la centrale électrique Sir Adam Beck et pour les chutes. L'autre était le conflit qui avait commencé quelques années plus tôt entre les agriculteurs et les éleveurs des deux côtés de la frontière au sujet de la répartition des eaux. Ils avaient déjà commencé à creuser des chenaux. Le traité contenait une formule pour la répartition de l'eau. J'attire votre attention sur l'article 6. Pour clarifier davantage l'article 6, la Commission a émis une ordonnance en 1921.

C'est très compliqué, mais l'ordonnance porte, par exemple, que les deux rivières doivent être traitées :

... comme un seul et même cours d'eau pour les fins d'irrigation et de force hydraulique, et que leurs eaux soient attribuées par parts égales entre les deux pays, mais en faisant cette attribution par parts égales plus de la moitié des eaux d'une rivière et moins de la moitié de celles de l'autre puissent être prises de manière que chaque pays puisse tirer de ces eaux le plus grand avantage possible.

Et le texte se poursuit. Vous pouvez l'interpréter comme le fait le Montana qui dit qu'il n'obtient pas suffisamment d'eau. Vous pouvez l'interpréter comme le fait surtout l'Alberta, mais aussi, la Saskatchewan, en disant que c'est injuste. Les deux provinces font valoir que les problèmes du Montana sont notamment dus au fait que ses canalisations qui conduisent l'eau jusqu'aux agriculteurs ne sont pas aussi efficaces et en aussi bon état que celles de l'Alberta. L'assemblée législative du Montana cherche maintenant à allouer des fonds pour d'importants travaux de réfection des installations du côté américain et demande de l'argent au gouvernement fédéral américain. Voilà ce que je peux vous dire.

Le sénateur Milne : Est-ce pour limiter les fuites ou l'évaporation?

M. Gray : C'est ce que certaines personnes font valoir. C'est un des arguments qui a été invoqué lors de nos audiences. Certaines personnes estiment que l'Alberta a mieux su entretenir les ouvrages ou les a remplacés ou a modernisé la technologie. Le Montana dit qu'en vertu du traité il devrait obtenir une plus grande quantité d'eau. J'ai lu dans les journaux des articles disant que son assemblée législative envisage d'allouer des fonds pour l'amélioration des installations. Je ne porte aucun jugement.

Nous avons ce groupe de travail qui a commencé à tenir des audiences. Je dirais que cela montre quel beau grand pays nous avons. Cela représente des centaines de milliers d'acres, des investissements de centaines de millions de dollars dans des terres et de l'équipement et des usines de transformation ultramodernes, à Taber, pour la pomme de terre, les légumes et les betteraves à sucre, comme celles qu'il y a dans le sud de l'Ontario.

Le sénateur Adams : J'ai entendu dire que les Américains obtiennent parfois moins d'eau que le Canada. Y ont-ils accès? Il y a là une ligne jaune.

M. Gray : Ces cartes ne sont pas des cartes hydrographiques détaillées. Elles visent seulement à montrer aux gens comme moi, qui ne sont pas des experts, quelles sont les régions dans lesquelles nous jouons un rôle. J'ajoute que ce texte décrit bien les travaux de la Commission.

Je ne pense pas que l'un ou l'autre des deux pays pourrait commencer à capter de l'eau au point de perturber la répartition actuelle. Le traité stipule que les deux pays ont le même accès à l'eau. Je dois mentionner que nous exerçons notre compétence dans le Nord, mais que nous ne l'avons exercée que de façon très limitée dans des endroits comme la rivière Taku.

Comme la rivière Yukon River et la rivière Porcupine traversent la frontière, si la construction de pipelines venant de l'Alaska perturbe le niveau ou l'écoulement de l'eau, les deux gouvernements devront conclure une entente binationale distincte ou renvoyer la question à la commission pour qu'elle tienne des audiences.

Nous n'avons pas participé pleinement au Traité sur le fleuve Columbia parce que c'était considéré comme une entente binationale. En ce qui concerne le règlement des différends, le traité nous confère un rôle que nous n'avons jamais été appelés à jouer. Nous avons émis une ordonnance de contrôle à l'égard de l'énorme barrage de Grand Coulée et des réservoirs annexes. Ce barrage est antérieur au traité. Notre compétence s'étend au fleuve Columbia et au bassin du Columbia, mais pas à l'ensemble du traité. Ce pourrait bien être le cas lorsqu'on commencera à construire les pipelines. Cela pourrait faire l'objet d'une entente binationale, mais il se peut que nous intervenions.

À ma connaissance, ni l'un ni l'autre des deux pays ne désire un captage important des eaux. Je crois que cela n'intéresse aucun des deux gouvernements. Au niveau fédéral, le Canada a déjà légiféré pour interdire le captage des eaux du côté canadien des bassins.

Le sénateur Adams : L'eau des Grands Lacs est très polluée et cette eau coule dans le Saint-Laurent. Pour quelle raison l'eau des lacs n'est-elle plus potable? Vous occupez-vous de ce problème?

M. Gray : En 1972, après la publication des rapports de la Commission et des incidents dont tout le monde a été témoin comme des rivières qui prenaient feu, et cetera, les deux gouvernements ont signé l'Accord sur la qualité de l'eaux des Grands Lacs. Depuis, des centaines de millions de dollars ont été dépensés pour améliorer les usines de traitement des eaux usées. Des lois ont interdit le déversement de certains produits chimiques dans les lacs, surtout les composés phosphoreux.

Il y a eu des améliorations considérables, mais la tâche est tellement gigantesque qu'il reste encore beaucoup à faire. Il faut encore améliorer les usines de traitement des eaux usées. Étant donné la croissance de l'urbanisation, les eaux de ruissellement des régions urbaines transportent des polluants dans les lacs. L'agriculture industrielle pose également un problème à cause des eaux de ruissellement.

D'autre part, des produits chimiques qui n'existaient pas encore au moment où l'accord a été signé, comme les substances ignifuges, se retrouvent dans l'eau et se concentrent dans le poisson que les gens mangent. Cela inquiète beaucoup les chercheurs. Également, d'autres personnes jettent leurs médicaments non utilisés dans l'évier. Apparemment, les usines de traitement des eaux usées des deux pays ne sont pas en mesure d'éliminer ces produits chimiques et ces derniers peuvent se retrouver dans l'eau que nous buvons.

Il faut travailler davantage à résoudre ces nouveaux problèmes. Je ne pense pas que nous pourrons déclarer un jour déclarer les Grands Lacs totalement propres, car c'est une situation dynamique. Au fur et à mesure que nous éliminons des substances, certaines risquent de se retrouver de nouveau dans l'eau. Par exemple, le phosphore a refait son apparition dans le lac Érié. D'autre part, de nouveaux produits chimiques sont mis au point et nous espérons que les gouvernements provinciaux et fédéraux s'en occuperont.

Nous devons être vigilants. C'est Andrew Jackson, un ancien président américain, qui a déclaré, je crois, que le prix de la liberté est une vigilance éternelle. Vous pouvez appliquer le même principe aux problèmes environnementaux en disant qu'il est nécessaire de faire preuve d'une vigilance éternelle pour protéger l'environnement.

Le sénateur Adams : Dans les années 80 et 90, nous avons beaucoup entendu parler de la rivière Oldman qui va jusqu'aux États-Unis. Cette question a-t-elle été réglée?

M. Gray : Je pense qu'on y travaille toujours. C'est à cause du projet de détournement de la Garrison. On en parle encore, mais ce n'est plus une proposition active. Cela inquiétait beaucoup le Canada et la Saskatchewan. C'est un projet dont on parle encore, mais à ma connaissance, il n'est plus vraiment question d'y donner suite.

La vice-présidente : Monsieur Gray, le Traité sur les eaux limitrophes couvre-t-il les nappes phréatiques qui traversent les frontières?

M. Gray : Oui. Nous considérons que les eaux souterraines sont couvertes par le traité et relèvent à la fois des États et des provinces, de même que des gouvernements fédéraux. Bien entendu, il y a des eaux souterraines qui ne s'écoulent pas dans les lacs, mais nous nous intéressons également à ces eaux, en supposant qu'elles sont reliées aux lacs ou à une rivière limitrophe.

Le sénateur Spivak : Ma première question concerne le détournement de l'eau du lac Devil. Je crois qu'un rapport recommandait de construire une barrière de sable ou de gravier pour empêcher que beaucoup de choses entrent dans le bassin de la rivière Rouge, mais cette recommandation n'a pas été acceptée. Serait-ce une solution réalisable?

Je n'avais aucune idée que le captage d'eau du lac des Bois pourrait avoir des répercussions sur l'eau du lac Shoal qui arrive à Winnipeg. Cette eau, qui était pure, est maintenant pleine de chlore, mais c'était une construction ingénieuse.

M. Gray : Pour les collègues qui ne le savent pas, le lac Devil est un lac qui n'a pas d'exutoire permanent si bien que, lorsque l'eau y entre non seulement elle élève le niveau du lac, mais il y a une accumulation de toutes sortes de produits chimiques.

L'État du Dakota du Nord et le Corps of Engineers, des États-Unis qui, malgré son titre militaire est un organisme de génie civil fédéral, ont mis au point des projets pour créer des exutoires qui permettent à l'eau du lac Devil de s'écouler dans la rivière Rouge et je crois aussi dans la rivière Cheyenne et la rivière Missouri. Le Corps of Engineers a décidé de ne pas donner suite à ce projet. L'eau devait être filtrée avant d'aller dans la rivière Rouge, mais le projet a été abandonné. Je suppose que les crédits nécessaires n'ont pas été votés. Le projet américain ne sera pas réalisé, mais il aurait mis en place un système de filtration avant que l'eau n'aille dans la rivière Rouge.

L'État du Dakota du Nord a son propre projet, auquel il travaille et qui créera une décharge permettant à l'eau du lac d'aller dans la rivière Rouge, mais je ne pense pas que l'eau sera filtrée. Il réalise ce projet de son propre chef et le Manitoba l'a contesté devant les tribunaux, mais sans succès jusqu'ici. Ce dont vous parlez est, en fait, un projet qui a été abandonné.

Votre deuxième question concernait le lac Shoal. Sans vouloir susciter d'inquiétudes, je vous rapporte seulement ce qui a été dit à Fargo, au Dakota du Nord, lors d'une réunion de la Commission de la rivière Rouge. Les gens de la région ont dit qu'ils voudraient régler leur problème d'eau en captant de l'eau du lac des Bois. Aucun plan n'a été établi et aucune approbation n'a été obtenue. C'est simplement une idée qui a été lancée. Il y a cinq propositions différentes concernant l'eau de la rivière Rouge. Je ne veux nullement laisser entendre que l'eau du lac Shoal, à Winnipeg, est menacée dans l'immédiat ou à long terme.

Toutefois, l'Association des propriétaires du district de Lac des Bois, qui est un groupe très important et bien financé d'environ 4 000 membres, s'est inquiétée de la qualité de l'eau du lac des Bois. Deux commissions, une entièrement canadienne et l'autre binationale surveillent le niveau de l'eau et l'eau disponible pour le lac Shoal, Winnipeg, et cetera. Les propriétaires du Lac des bois ont exprimé l'espoir que notre Commission serait mandatée pour étudier la pollution de l'eau, car il y a une accumulation d'algues dans le lac. Il y a eu un excellent atelier sur le sujet.

Encore une fois, si les gouvernements veulent confier à notre conseil de contrôle un rôle en ce qui concerne la qualité de l'eau, nous nous ferons un plaisir d'accepter cette responsabilité. Je ne peux pas parler au nom de mes collègues, mais si cette responsabilité nous est confiée, nous devrons l'assumer.

Le sénateur Spivak : M. Schindler a comparu devant notre comité. Le bassin de la rivière Rouge est énorme et pourrait même avoir un impact sur d'autres eaux limitrophes. Ce n'est pas quelque chose d'insignifiant.

M. Gray : En effet.

Le sénateur Spivak : Je me demande si le gouvernement américain sait qu'il ne s'agit pas seulement d'un litige entre le Dakota du Nord et le Manitoba. C'est énorme. Il n'est peut-être pas bien informé.

M. Gray : À ma connaissance, cette question a été portée à l'attention du gouvernement fédéral canadien, en tout cas par le Manitoba. Le gouvernement provincial a été très actif et en a beaucoup parlé. Par exemple, le ministre responsable de l'eau au gouvernement manitobain a été très actif. Nous avons eu une excellente discussion dans nos bureaux d'Ottawa il y a quelques semaines. Le gouvernement est au courant. C'est également un sujet que vous pourriez approfondir, non seulement en ce qui concerne le lac Devil, mais aussi toutes les répercussions sur le bassin de la rivière Rouge. Je vous dis cela, parce que vous m'avez demandé de vous faire des suggestions.

Le différend n'oppose pas seulement le Canada et les États-Unis, mais aussi les États. En effet, l'État du Minnesota s'est joint au Manitoba, m'a-t-on dit, pour s'opposer au projet du Dakota du Nord concernant l'exutoire du lac Devil. Il faut reconnaître que, sur un grand nombre de ces dossiers, il y a de l'opposition non seulement entre le Canada et les États-Unis, mais aussi entre les États, ce qui est une bonne façon d'aborder le problème.

Le sénateur Christensen : Excusez-moi de mon retard, monsieur Gray. Malheureusement, les rendez-vous médicaux ne tombent pas toujours au bon moment. Je crois que vous n'avez pas parlé de la Telsequah qui coule dans la Taku. Avez-vous joué un rôle dans ce dossier? Il s'agit de la demande faite par la mine, sur la Telsequah, qui se trouve dans le nord de la Colombie-Britannique et qui coule dans la Taku.

M. Gray : Nous ne nous pencherons pas sur ce dossier à moins que les gouvernements ne nous adressent une demande d'avis officielle.

Le sénateur Christensen : Je pensais que vous l'aviez reçue.

M. Gray : Nous en avons reçu une à un moment donné. Je me trompe peut-être. La Commission existe depuis près d'un siècle.

Le sénateur Christensen : C'est un projet dont il est question depuis seulement cinq ou six ans. Il s'agit de rouvrir une ancienne mine dans le nord de la Colombie-Britannique, sur la rivière Telsequah. Cette rivière rejoint la Taku et je sais que ce projet inquiète beaucoup Juneau et les secteurs de pêche de la région. Je pensais que votre commission s'occupait peut-être de ce dossier.

M. Gray : Nous nous tenons au courant, mais nous ne jouons aucun rôle pour le moment. Il faudrait pour cela que les gouvernements nous demandent un avis.

Le sénateur Milne : Monsieur Gray, avez-vous déjà reçu une demande d'avis par le passé?

M. Gray : Je confonds avec une autre rivière portant un nom similaire. Je retire ce que j'ai dit, car je me suis trompé.

Je dois mentionner un détail technique, à savoir qu'une fois que nous avons publié notre rapport et nos recommandations, on considère que nous avons rempli notre mandat. Il y a toutefois des exceptions. Nous avons des demandes d'avis permanentes au sujet de la pollution atmosphérique dans la région des Grands Lacs, mais à moins que les gouvernements ne nous adressent une demande d'avis permanente pour superviser l'Accord sur la qualité de l'eau des Grands Lacs, une fois que nous publions notre rapport et nos recommandations, c'est aux autres de prendre la suite.

Le sénateur Milne : Vous ne vous occupez absolument pas de vérifier si les gouvernements prennent effectivement des mesures?

M. Gray : Il faut d'abord que les gouvernements répondent à nos recommandations. Ils doivent nous donner une réponse.

Deuxièmement, il se peut que nous ayons dans la région des conseils de contrôle qui s'occupent d'un autre dossier. Nous avons demandé à notre conseil de contrôle de la rivière Rouge de nous faire un rapport sur le suivi des 41 recommandations visant à éviter des grandes inondations dans le bassin de la rivière Rouge. Ou bien nous avons une demande d'avis permanente qui nous permet de voir dans quelle mesure nos recommandations sont suivies, comme c'est le cas pour les Grands Lacs, ou bien nous pouvons surveiller ce qui se passe par l'entremise des conseils de contrôle existants.

Le sénateur Milne : Suite à la question du sénateur Cochrane concernant les aquifères, je suis contente d'avoir cette carte. C'est très intéressant. Elle nous aide beaucoup à voir quelles sont les eaux auxquelles s'étend la compétence de la Commission.

Avez-vous un rôle à jouer en dehors des zones indiquées sur la carte? Il serait intéressant de voir les aquifères qui se déversent dans ces zones ou qui s'y retrouvent.

M. Gray : Vous pourriez peut-être demander ces renseignements à Ressources naturelles Canada ou au ministère de l'Environnement, mais je crois que notre rôle se limite aux eaux de ces bassins.

Le sénateur Milne : C'est la réponse à laquelle je m'attendais, mais il serait intéressant de voir où se situent les aquifères sur cette carte.

Monsieur Gray, est-ce que le conseil de contrôle de la rivière Sainte-Marie et des ouvrages qui s'y trouvent, au Sault, a déjà été constitué et que se passe-t-il exactement de ce côté-là?

M. Gray : Oui, le conseil de contrôle fonctionne depuis de nombreuses années. Comme tous nos conseils, il est binational. Il a un président canadien et un président américain et un nombre égal de membres canadiens et américains. Ce conseil supervise l'application des ordonnances que nous avons émises lorsque nous avons reçu des demandes d'avis concernant la construction de certains ouvrages. L'ordonnance prévoit des règles d'exploitation. Ces règles d'exploitation permettent de répartir l'eau et cette répartition peut aller parfois plus d'un côté que de l'autre. Le conseil supervise l'application de l'ordonnance en ce qui concerne la répartition des eaux. Cela comprend les écluses et les centrales électriques des deux côtés de la frontière. Il y a la série d'écluses du côté canadien qui, maintenant, sert surtout, je crois, pour la navigation de plaisance. Il y a un ouvrage de compensation qui aide à maintenir le niveau de l'eau. En aval, il faut tenir compte des droits de pêche des peuples des Premières nations de la région. Le conseil de contrôle existe sans doute depuis le début du siècle dernier.

Nous avons dit aux gouvernements qu'étant donné qu'ils nous ont demandé d'examiner l'application de l'ordonnance de contrôle visant le Saint-Laurent et la partie inférieure du lac Ontario et qu'ils nous ont accordé pour cela un budget spécial, ils devraient nous accorder un budget et nous demander d'examiner l'application des ordonnances de contrôle visant la rivière Sainte-Marie, au Sault, étant donné les répercussions sur les niveaux d'eau des Grands Lacs en amont et même en aval. Les gouvernements examinent cette possibilité. Cela exigerait un montant d'argent important.

C'est un très beau projet. Une centaine de personnes, aussi bien les membres permanents que des groupes de citoyens, participent à notre étude de la partie inférieure du bassin. Tout ce projet fait appel à des techniques de modélisation très inhabituelles qui tiennent compte de tous les facteurs. Certaines personnes estiment qu'il serait très utile d'en faire autant pour la partie supérieure des Grands Lacs.

[Français]

Le sénateur Lavigne : Quels sont les mandats officiels que vous avez reçus du gouvernement depuis un an?

M. Gray : Quel genre de mandat?

Le sénateur Lavigne : N'importe quel mandat qui concerne les eaux au Canada. Quels sont les mandats que vous avez reçus avec des budgets du gouvernement canadien?

M. Gray : Nous sommes sur le point de terminer un rapport sur les produits chimiques dans les Grands Lacs et nous procédons actuellement à la révision de l'accord entre les deux pays pour l'assainissement des eaux des Grands Lacs.

Par exemple, nous avons mis à jour notre rapport intitulé Protection des eaux des Grands Lacs. Examen des recommandations du rapport de février 2000 de la CMI, et nous attendons une réponse du gouvernement sur notre deuxième rapport biennal sur les progrès dans l'assainissement des eaux des Grands Lacs. J'espère avoir bien répondu à votre question.

Nous avons des mandats spécifiques ou un mandat en permanence que l'on retrouve dans l'accord global sur l'assainissement des eaux des Grands Lacs ou dans l'accord entre le Canada et les États-Unis pour la qualité de l'air traversant la frontière.

Le sénateur Lavigne : Vous demandiez, tantôt, que le gouvernement vous donne un mandat concernant le site d'enfouissement au lac Memphrémagog. C'est un dossier très important, mais qui traîne encore.

M. Gray : Nous ne demandons pas un mandat. Ce sont les maires des municipalités et les députés provinciaux et fédéraux qui demandent au gouvernement de nous donner le mandat. Ils seront, j'en suis certain, très contents de recevoir un tel mandat. En attendant ce mandat, nous faisons notre possible pour nous renseigner au sujet des développements dans ce dossier.

Le sénateur Lavigne : Vous savez, c'est un dossier très complexe qui peut détruire beaucoup de choses dans le secteur du lac Memphrémagog.

M. Gray : J'espère que si on nous donne un mandat, il sera possible de visiter le lac pendant l'été ou au printemps, mais pas au milieu de l'hiver, comme on l'a déjà fait pour le lac Champlain.

Le sénateur Lavigne : Non, une visite l'hiver se fera en mononeige.

[Traduction]

La vice-présidente : Le sénateur Banks m'a demandé de poser cette question, monsieur Gray.

L'Alberta invoque la diminution de la quantité d'eau disponible dans la rivière Sainte-Marie pour ne pas modifier l'ordonnance de 1921. Pourriez-vous nous parler du lien entre le réchauffement de la planète, qui diminue les ressources en eau dans l'Ouest, et les traités et conventions?

M. Gray : Nous tenons compte du réchauffement de la planète. Par exemple, dans notre douzième rapport sur les Grands Lacs, nous avons fait valoir que ce réchauffement pouvait avoir un effet sur le niveau des eaux ainsi que la concentration de substances chimiques dangereuses ou encore sur la prolifération de micro-organismes. Il est certain que le réchauffement pourrait avoir un effet sur le niveau et le débit des eaux dans le sud de l'Alberta et dans le nord du Montana.

Les glaciers alimentent la rivière Sainte-Marie dans le parc national Glacier, du côté américain et cela rejoint les lacs Waterton. Comme je l'ai moi-même constaté, certaines personnes estiment que les glaciers ont l'air beaucoup plus petits qu'ils ne l'étaient il y a quelques décennies. C'est un problème dont il faut être très conscient.

La vice-présidente : J'ai moi-même une question à vous poser. À la page 17 de votre rapport, vous dites que le Groupe de travail administratif de la rivière Sainte-Marie et de la rivière du Lait fera rapport à la CMI qui décidera d'éventuels changements, mais il n'y a pas de procédure d'appel.

M. Gray : C'est exact.

La vice-présidente : Vous pouvez ouvrir le dossier, mais il n'y a pas de procédure d'appel?

M. Gray : C'est ce que prévoit le traité. Les deux pays cèdent leur souveraineté en la matière à la Commission. Je me demande si un traité de ce genre pourrait être conclu de nos jours. Une fois que la Commission a émis une ordonnance, elle seule peut la modifier. Il n'est pas possible de faire appel à un tribunal international ou aux gouvernements. Je suppose qu'en fin de compte les deux gouvernements pourraient modifier le traité pour y inclure des modalités différentes, mais ils ne l'ont jamais fait.

Lorsqu'on nous demande de réviser une ordonnance, les gouvernements font une intervention. Le gouvernement fédéral du Canada publie alors une déclaration, que vous pouvez trouver dans le site web pertinent, disant qu'il soutient l'Alberta et la Saskatchewan et qu'il pense que les clauses concernant la répartition des eaux de la rivière Sainte-Marie et de la rivière du Lait sont bien interprétées. Je ne pense pas que gouvernement américain ait émis de déclarations jusqu'ici.

Il y a une autre clause aux termes de laquelle nous pouvons recevoir une demande d'avis. C'est l'article 10. Ce dont nous avons parlé jusqu'ici ce sont des demandes d'avis en vertu de l'article 9 du traité. L'article 10 permet aux gouvernements de nous demander de faire une recommandation qui pourra revêtir la forme d'une sentence arbitrale exécutoire pour les deux pays. On m'a dit que le Sénat américain avait insisté, à la dernière minute, pour inclure une disposition portant que cet article ne pourrait pas être invoqué sans son accord. Il n'a jamais été invoqué, mais le traité dit que dans le cas contraire, il est possible de faire appel à la Cour de justice internationale de La Haye, aux Pays-Bas. C'est un sujet de discussion pour les experts, car le Sénat américain n'a jamais accepté de renvois qui pourraient faire l'objet d'une sentence arbitrale.

La vice-présidente : Merci beaucoup. J'ai oublié de vous présenter M. John Heisler, qui est l'adjoint de M. Gray.

Je tiens à vous remercier infiniment, car comme vous l'avez déjà dit, notre étude de l'eau est très importante et les renseignements que vous nous avez donnés vont contribuer à nous guider.

M. Gray : Je vous remercie de votre bon accueil et de vos questions très pertinentes. Si nous pouvons, moi-même ou la Commission, aider le comité dans ses travaux, n'hésitez pas à nous appeler.

J'enfreins peut-être une règle, mais je remarque dans l'auditoire un ancien président de la Commission mixte internationale qui s'intéresse toujours à ces questions, au nom du Canadian Institute of International Affairs. C'est M. Blair Seaborn, ancien sous-ministre et diplomate.

La vice-présidente : Nous vous souhaitons également la bienvenue. Vous n'enfreignez aucune règle. Nous acceptons tout ce que vous avez à nous dire. Merci beaucoup.

La séance est levée.


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