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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 10 - Témoignages - Séance du matin


EDMONTON, le mercredi 9 mars 2005

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 10 h 8 pour examiner de nouvelles questions concernant son mandat et en faire rapport.

Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, ce matin, notre premier groupe de témoins comprend M. Steve Hrudey, professeur à l'Université de l'Alberta, M. John Zahary, président de l'Alberta Chamber of Resources, et M. Brad Anderson, directeur exécutif de l'Alberta Chamber of Resources. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de nous rencontrer.

M. Hrudey, permettez-moi de vous remercier, ainsi que votre femme, Elizabeth, de nous avoir remis ce livre et l'éditorial que vous avez rédigé. Merci beaucoup. Nous aborderons ces questions en profondeur.

Nous étudions un certain nombre de dossiers et nous courons dans toutes les directions. Ce matin, M. Hrudey nous parlera de certains aspects de l'eau, ou de tout autre sujet qui mérite, selon lui, notre attention. Même chose pour M. Zahary et M. Anderson; nous écouterons tout ce que vous avez à nous dire.

Nous étudions actuellement la question de l'eau dans son sens le plus large : émissions de gaz à effet de serre, tout ce qui touche l'énergie, l'environnement et les ressources naturelles et qui mérite, selon vous, notre attention.

Je crois que l'Alberta est la seule province dotée d'une chambre des ressources, est-ce exact? Connaissez-vous d'autres provinces qui ont une chambre des ressources, M. Anderson?

M. Brad Anderson, directeur exécutif de l'Alberta Chamber of Resources : Nous sommes uniques du fait que noter chambre représente de multiples secteurs de la production de ressources. Nous représentons les forêts, les sables bitumineux, le pétrole, le gaz et le charbon. C'est unique au Canada, effectivement.

Le président : De façon tout à fait arbitraire, je demanderais à M. Hrudey de parler le premier. Si cela vous convient, messieurs, nous entendrons tout ce que vous aurez à nous dire. Nous aurons ensuite le temps de passer aux questions et aux échanges.

Je vous demande de nous dire tout ce que nous devons entendre de la manière la plus concise possible afin que nous disposions d'un maximum de temps pour ces échanges.

M. Steve Hrudey, à titre personnel : Sénateurs, je vous parlerai aujourd'hui de l'innocuité de l'eau potable. Seul l'air est plus important que l'eau pour la survie des êtres humains; s'en priver plus de quelques jours est fatal. La consommation d'eau potable contaminée peut entraîner la mort encore plus rapidement. Nous avons malheureusement pu le constater lors des événements de Walkerton, en mai 2000, il y a bientôt cinq ans.

Si je fais ces commentaires aujourd'hui, c'est parce que bien des signes montrent encore que trop de Canadiens ne comprennent pas comment s'est produite la crise de Walkerton et, si nous ne comprenons pas, le risque que cela se reproduise au Canada est trop grand.

J'ai eu le privilège d'aider le juge O'Connor en tant que membre du groupe consultatif de recherche sur l'enquête sur Walkerton. Cette expérience m'a mené, en compagnie de ma femme et coauteure, à écrire le livre que vous avez mentionné, intitulé Safe Drinking Water.

Mon livre porte sur 70 études de cas de flambées de maladies dans 15 nations fortunées au cours des 30 dernières années. Notre analyse révèle un certain nombre de thèmes communs. On peut dire que la bonne nouvelle est que les flambées de maladies liées à de l'eau potable contaminée sont extrêmement rares dans les pays développés, compte tenu du potentiel énorme de transmission des maladies par l'eau.

Nous savons que des millions de personnes meurent chaque année partout dans le monde de maladies d'origine hydrique. C'est malheureux, car nous connaissons les moyens de prévenir ces maladies depuis plus de 150 ans.

Les causes ont été cernées pour la première fois à l'occasion de flambées de choléra à Londres, vers le milieu des années 1850. Au cours des 50 à 100 années suivantes, les façons d'éliminer ces flambées ont été perfectionnées, notamment en ce qui a trait à l'épuration et à la désinfection de l'eau.

Mon résumé contient un graphique montrant la diminution très marquée du nombre de décès liés à des maladies hydriques aux États-Unis au cours du siècle dernier. Par contre, malgré tout, il y a eu des flambées de maladies hydriques mortelles aux États-Unis.

La plus importantes de ces flambées a eu lieu en 1993, à Milwaukee. Quelque 400 000 consommateurs ont été touchés et entre 50 et 70 décès en ont découlé chez les personnes immunocompromises au cours des deux années suivant la flambée. Il y a également eu quatre décès liés à des maladies d'origine hydrique à Cabool, au Missouri, en 1990, sept décès à Gideon, au Missouri, en 1993, et deux décès lors de la foire du comté de Washington, dans les environs d'Albany, capitale de l'État de New York, en 1999.

Le lien entre ces événements et votre mandat est que les États-Unis ont sans doute la réglementation concernant l'eau potable la plus précise et la plus rigoureuse de la planète et que ce pays est, bien entendu, le plus riche de tous. Cela nous amène à nous demander à quel point la rigueur de la réglementation sur l'eau potable a un effet sur les maladies transmises par l'eau.

Dans mon résumé, j'ai cité le discours du Trône qui a marqué l'ouverture de la troisième session de la 37e législature. Voici la citation :

[...] le gouvernement intensifiera ses efforts en ce qui concerne...l'eau saine. Nous entamerons des discussions avec... les provinces sur l'instauration de lignes directrices plus rigoureuses relativement à la qualité...de l'eau.

Malheureusement, je crois que cela dénote une interprétation gravement fautive de ce qui s'est produit à Walkerton. En fait, si les autorités municipales de Walkerton avaient respecté les exigences relatives au puits dont elles étaient responsables depuis son entrée en fonction en 1978, la flambée de maladie n'aurait jamais eu lieu.

Le problème n'est pas la rigueur des lignes directrices; le problème est que ces lignes directrices n'ont pas été suivies de façon compétente.

En fait, le juge O'Connor a découvert que la flambée aurait pu être évitée par l'utilisation d'appareils de surveillance continue des résidus de chlore et de la turbidité au puits 5. Quelle triste ironie : selon la politique du ministère de l'Environnement de l'Ontario, l'utilisation d'appareils de surveillance continue des résidus de chlore est obligatoire pour les puits tels que le puits 5 depuis 1994, soit six ans avant l'affaire Walkerton. Le puits 5 avait été classé dans cette catégorie en 1978 lors de son entrée en fonction.

On peut donc en conclure qu'il s'agit d'un manque sur le plan de la surveillance réglementaire et de santé publique. Un appareil de surveillance continue des résidus de chlore coûte environ 8 000 $.

Je crois donc que le resserrement des lignes directrices n'améliorera pas l'innocuité de l'eau potable au Canada. En fait, cela pourrait même nuire à l'accomplissement de ce qui doit vraiment être fait, c'est-à-dire reconnaître les menaces pour l'innocuité de l'eau, offrir la formation adéquate et cesser de sous-évaluer les avantages de l'innocuité de l'eau.

Un autre exemple de l'interprétation fautive des événements de Walkerton est que le ministère de l'Environnement de l'Ontario a mis en œuvre, immédiatement après Walkerton, le règlement 459, selon lequel les fournisseurs d'eau potable doivent réaliser, chaque trimestre, des épreuves de détection de 43 pesticides et BPC. Ces analyses coûtent très cher et n'ont absolument rien à voir avec les causes de la flambée de maladie à Walkerton.

D'un côté, on a les petites collectivités qui disent qu'elles n'ont pas les ressources financières pour s'occuper de la qualité de l'eau, et de l'autre côté, on a une mesure réglementaire qui gaspille de l'argent.

Puisque les pathogènes microbiens proviennent des humains, des animaux de compagnie, du bétail et des autres animaux, ils seront présents partout où il y a des systèmes de distribution d'eau. Ces pathogènes microbiens représentent la principale menace à l'innocuité de l'eau. Ils sont présents dans tous les milieux géographiques et tout système d'approvisionnement en eau potable qui n'est pas protégé contre ces pathogènes est intrinsèquement non sécuritaire.

Ce qu'il faut se demander, c'est « quand? », « quel pathogène? », « quelle est la gravité? » et ainsi de suite, et non « est-ce que » une flambée se produira, si l'on échoue dans la lutte contre les pathogènes.

Il est vrai que, dans certains cas, la contamination par des produits chimiques est en cause. Il y a eu un cas cette semaine, à Stratford, où le retour d'eau d'un lave-auto a contaminé des réserves d'eau. Ce genre de chose se produit, mais elles ne nécessitent pas le même type de mesures de surveillance approfondies et continues que les pathogènes pour que l'innocuité de l'eau soit protégée.

L'Organisation mondiale de la santé a récemment mené une étude sur la gamme complète des contaminants chimiques et a conclu que seuls l'arsenic, le fluorure, le sélénium, le nitrate et le plomb ont été prouvés comme étant des causes de maladies humaines transmises par l'eau potable. Portant, les services de distribution d'eau potable doivent surveiller une liste énorme de produits.

Augmenter le nombre de produits à surveiller ou en diminuer la teneur dans l'eau potable n'améliorera pas l'innocuité de l'eau potable pour la majorité des Canadiens. Ces mesures sont déjà adéquates.

Mon espoir que les autorités publiques canadiennes avaient compris le problème s'est encore effrité après les transactions pénales qui sont survenues lors des procédures criminelles contre les frères Koebel, en décembre dernier. Je vous ai remis, comme vous l'avez souligné plus tôt, un éditorial que j'ai rédigé pour le National Post en décembre et qui traite de ce sujet.

Afin d'obtenir des aveux, le procureur de l'Ontario a accepté une déclaration fondée sur les preuves fournies par une épidémiologiste de Santé Canada, qui avait admis ne pas être un expert en matière de désinfection. Elle a dit, dans sa déclaration à la Police provinciale de l'Ontario, que même si les frères Koebel avaient augmenté la teneur en chlore du système d'approvisionnement en eau de Walkerton, la tragédie n'aurait pas pu être évitée.

La Couronne s'est servi de cette preuve pour démontrer que la conduite criminelle de Stan et Frank Koebel, soit leur omission de surveiller la qualité de l'eau, de prélever des échantillons et d'effectuer des épreuves, était, selon la loi, une cause significative des décès et des blessures. C'est de la foutaise. Cela va à l'encontre des conclusions de l'enquête sur Walkerton. En fait, les opérateurs de Walkerton étaient responsables de mesurer quotidiennement les résidus de chlore. En 1999 et jusqu'à l'éclosion en mai 2000, toutes les entrées étaient erronées.

Le juge O'Connor a souligné que l'un des objectifs de la mesure des résidus de chlore est de déterminer si la contamination supplante l'effet désinfectant du chlore. Il a également révélé que l'étendue de la flambée aurait été réduite de façon notable si les opérateurs avaient mesuré les résidus de chlore du puits 5 chaque jour, comme ils auraient dû le faire.

Quelque huit jours ont passé sans aucune surveillance valide des résidus de chlore entre la contamination et l'avertissement de faire bouillir l'eau. Pourtant, la transaction pénale stipule que la tragédie n'aurait pas pu être empêchée par quiconque, peu importe ses compétences, ce qui est une interprétation complètement faussée de la situation.

Après avoir investi 9 millions de dollars dans l'enquête sur Walkerton afin de faire la lumière sur ce qui s'est produit, que de telles interprétations complètement erronées soient inscrites officiellement dans le verdict des tribunaux est plutôt inquiétant.

Il y a un problème plus important qui va à l'encontre de notre intuition. En réalité, la surveillance de la qualité de l'eau purifiée ne représente pas le principal moyen d'assurer l'innocuité de l'eau potable.

En effet, cela semble contraire à notre intuition. L'eau traitée est l'eau que l'on boit; il est donc normal que l'on souhaite en connaître la qualité. Or, puisque nous utilisons des techniques de purification pour que la présence des contaminants dans l'eau potable soit réduite au minimum, la surveillance intermittente de ces divers paramètres ne nous dit pas de façon efficace si l'eau est salubre ou non.

Dans mon résumé, j'ai donné un exemple pour expliquer comment cela fonctionne, chiffres à l'appui. Je me suis servi des contrôles de sécurité des aéroports comme exemple. Si les aéroports étaient équipés d'appareils de détection précis à 99 p. 100 — c'est-à-dire que dans seulement 1 p. 100 des cas, ils donnent un faux résultat positif, soit la détection d'une arme sur une personne non armée —, et si l'on suppose que moins d'une personne sur 10 000 porte une arme, un taux de faux positif de 1 p. 100 appliqué à 9 999 passagers non armés détectera 100 passagers non armés avant que les services de sécurité puissent trouver la personne armée.

Bien entendu, lorsqu'il est question de transporter des armes à bord des avions, nous pouvons tolérer un taux élevé de faux positifs. Je suppose que nous le faisons chaque fois que nous nous rendons à l'aéroport. Par contre, les faux positifs ont également des conséquences. Il ne faut pas lancer des avertissements de faire bouillir l'eau sans fondement à tout bout de champ.

En réalité, la surveillance de la qualité de l'eau potable sert davantage à surveiller les procédés et les menaces éventuelles des systèmes de traitement de l'eau.

Cette réalité est maintenant bien établie dans les nouvelles directives canadiennes sur le traitement de l'eau potable et est également reflétée dans les nouvelles lignes directrices de l'Organisation mondiale de la santé sur l'eau potable, fondées sur un modèle que nous avons élaboré en Australie. Malheureusement, cette approche n'est pas bien comprise, et nos propres recherches montrent que bon nombre de professionnels de l'eau potable ne comprennent pas cette prémisse.

Le juge O'Connor a conclu que la protection de l'innocuité de l'eau potable est assurée par des systèmes de gestion et des pratiques opérationnelles efficaces mis en œuvre par du personnel compétent et bien formé.

Lorsque j'ai rédigé le résumé, j'ai remarqué que la police provinciale ou la GRC fournit des services locaux pour d'autres services essentiels, comme le maintien de l'ordre. Bien entendu, elles n'auraient pas pu prévoir les événements tragiques de la semaine dernière. Par contre, l'idée que de grands organismes fournissent des services essentiels, que ce soit en matière de maintien de l'ordre ou de santé publique, est un fait établi. Pourtant, nous avons laissé la responsabilité de la salubrité de l'eau potable aux municipalités, peu importe leur taille ou leur capacité à s'acquitter de cette tâche.

J'ai récemment pris connaissance des résultats d'une enquête sur les petits systèmes aux États-Unis : l'âge moyen des techniciens des stations d'épuration d'eau est 55 ans. Il s'agit de petits systèmes où ces employés d'expérience n'ont pas vraiment la possibilité d'encadrer les jeunes employés. Si ces chiffres s'appliquent également au Canada, nous serons bientôt en pleine crise.

Il est fort probable que nous ne verrons aucune amélioration si les Canadiens continuent d'être mal informés au sujet des vrais problèmes liés à l'innocuité de l'eau potable et de ne rien faire pour les régler. Je trouve ironique que l'eau potable au Canada est sans doute plus salubre qu'elle ne l'a jamais été malgré le nombre de petits systèmes qui pourraient probablement être plus efficaces.

Un grand nombre de personnes vivant en milieu urbain, où l'approvisionnement en eau potable salubre est très bien protégé, paient jusqu'à 1 000 fois plus pour de l'eau vendue dans des bouteilles de plastique que pour l'eau qui coule de leur robinet. Bon nombre d'entre eux dépensent des centaines, sinon des milliers, de dollars sur des systèmes de purification de l'eau à domicile. Si tout cet argent était investi dans nos systèmes publics d'eau potable, qu'ils soient opérés par des organismes publics ou des sociétés privées, nous en profiterions tous.

En réalité, l'innocuité de l'eau potable demeure une bonne affaire. Nous jouissons du privilège remarquable d'avoir de l'eau potable salubre à domicile et sur demande, et pourtant, nous tenons trop de choses pour acquises.

Pour terminer, lorsque nous avons étudié ce que nous pourrions dire au sujet de toutes ces flambées partout dans le monde et de la mauvaise interprétation, nous avons jugé que, finalement, tout revient aux consommateurs. Nous avons donc produit une liste de questions que les consommateurs devraient poser à leur fournisseur d'eau potable. Nous croyons que si tous les Canadiens qui consomment de l'eau potable pouvaient obtenir des réponses satisfaisante aux questions que nous avons rédigées — je ne les énumérerai pas —, nous pourrions tous être assurés de l'innocuité de notre eau potable. La solution n'est pas de rendre la réglementation plus rigoureuse.

Le président : Merci. Nous vous reviendrons avec des questions dans quelques instants.

M. John Zahary, président de l'Alberta Chamber of Resources : Bonjour à tous. Je suis heureux d'être ici ce matin. Je suis le président de l'Alberta Chamber of Resources et aussi président et directeur général de Viking Energy Royalty Trust.

L'Alberta Chamber of Resources se fait la championne de l'exploitation ordonnée et responsable des ressources naturelles de l'Alberta depuis 1935. Aujourd'hui, nos membres représentent les sables bitumineux, les forêts, les mines, les minéraux, le charbon, la production et le transport d'électricité, les oléoducs, les gazoducs et les entreprises de services.

La chambre se compose d'environ 170 entreprises qui génèrent des recettes annuelles de plus de 50 milliards de dollars, qui emploient des dizaines de milliers d'Albertains et qui entraînent une valeur et une croissance économiques incroyables pour la province et pour l'ensemble du Canada.

La Chambre est bien connue pour le succès qu'elle obtient dans la poursuite des initiatives liées aux sables bitumineux au nom de ses membres et des intervenants. Le rapport de notre Groupe de travail national sur les stratégies de mise en valeur des sables bitumineux, publié au milieu des années 90, a établi la vision concernant le développement et l'expansion des sables bitumineux. La Chambre a publié l'an dernier un document intitulé « Oil Sands Technology Road Map », une stratégie essentielle pour le développement continu des sables bitumineux dans les années à venir.

L'ACR participe à des activités liées à l'utilisation de l'eau depuis un certain nombre d'années. Par exemple, nous avons participé à l'élaboration de la stratégie « Water for Life » de la province de l'Alberta, stratégie qui a été élaborée au cours des dernières années.

En 2004, la Chambre a créé un comité de l'eau dont le mandat est d'aider les membres de l'ACR dans l'élaboration de politiques, de stratégies et d'activités liées à une utilisation efficace et responsable de l'eau.

Les membres du comité de l'eau représentent presque tous les secteurs des ressources naturelles. Le comité a préparé cet exposé et ce dernier a été discuté et approuvé par le conseil de direction de l'ACR.

Laissez-moi d'abord vous donner de l'information de base sur les sables bitumineux. Les sables bitumineux se trouvent en grande partie dans le nord-est de l'Alberta et représentent une ressource inestimable pour tous les Canadiens. Les sables bitumineux sont des gisements d'une superficie extrêmement vaste d'hydrocarbures épais et visqueux.

Généralement, le pétrole est produit de deux façons différentes. La première, c'est l'exploitation à ciel ouvert, dans laquelle on creuse les sables bitumineux depuis la surface, par exemple, en utilisant des excavatrices et des camions de grande dimension. Le pétrole lourd ou bitume est ensuite séparé du sable à l'aide d'eau chaude et du procédé de flottation. Cette méthode est généralement utilisée lorsque les dépôts sont assez peu profonds, comme c'est le cas au nord de Fort McMurray.

La deuxième méthode fait intervenir le forage et l'extraction du pétrole par des puits. Dans certains cas, on peut parvenir à faire remonter le pétrole dans les puits sans l'aide de produits d'injection, en utilisant habituellement des techniques de forage et de pompage spécialisées.

Cependant, dans la plupart des cas il est nécessaire d'injecter des produits pour permettre aux hydrocarbures visqueux de remonter dans les puits. Cette méthode est généralement appelée « récupération in situ ».

Dans la plupart des cas, le produit injecté, habituellement de la vapeur, augmente la température du bitume, ce qui réduit sa viscosité et lui permet de remonter à la surface. Typiquement, cette deuxième méthode est nécessaire lorsque les gisements de sables bitumineux sont plus profonds, comme c'est le cas au sud de Fort McMurray, dans la région de Cold Lake, et également dans la région de la rivière de la Paix directement au nord d'Edmonton.

Le pétrole lourd ou bitume peut ensuite être expédié vers des raffineries ou être transformé en produits de plus grande qualité et, ensuite, être acheminé vers le marché.

Il y a actuellement trois exploitations à ciel ouvert actives et quelques projets additionnels, et un certain nombre d'exploitations in situ. Je pense que vous venez juste d'entendre parler de cette question par le ministre.

Au total, environ 35 p. 100 de la production canadienne de pétrole proviennent maintenant des sables bitumineux, selon la méthode de mesure utilisée.

On estime que d'ici à 2010, 68 p. 100 de la production pétrolière canadienne proviendront des sables bitumineux, au fur et à mesure que la production de pétrole par les méthodes traditionnelles diminuera et que de nouveaux projets d'exploitation des sables bitumineux actuellement en voie de développement et dans les phases de planification viendront s'ajouter aux projets existants.

Les sables bitumineux sont devenus un moteur important de l'activité économique au pays au cours des dernières décennies et on s'attend à ce leur importance s'accroisse encore davantage dans l'avenir. L'industrie fournit une source de revenu importante pour le gouvernement fédéral sous forme d'impôt sur le revenu des particuliers et d'impôt sur les sociétés. L'Athabasca Regional Infrastructure Working Group a calculé que la contribution actuelle est d'environ 1,5 milliard de dollars par année et on s'attend qu'au cours des 10 prochaines années, ce chiffre augmentera à 3 ou 4 milliards de dollars. Il s'agit véritablement d'une contribution importante de l'industrie.

Les entreprises qui oeuvrent dans l'industrie des sables bitumineux sont des chefs de file reconnus dans le domaine du développement durable. Des entreprises comme Suncor, Syncrude, Petro-Canada et Imperial, pour n'en nommer que quelques-unes, sont bien connues pour soupeser les objectifs environnementaux, sociaux et économiques dans la conception et la mise en oeuvre de leurs projets.

Tous les exploitants dialoguent avec les intervenants grâce à leur participation à divers organismes multilatéraux s'intéressant à des préoccupations sociales et environnementales, dont la Cumulative Environmental Management Association, la Wood Buffalo Environment Association et la Lakeland Industry Community Association.

Ces groupes fonctionnent par consensus et comptent parmi leurs membres des représentants des collectivités autochtones, des gouvernements, allant du palier municipal jusqu'au palier fédéral, et d'organismes non gouvernementaux ainsi que des citoyens préoccupés.

L'industrie des sables bitumineux est fortement réglementée par un certain nombre d'organismes provinciaux et fédéraux. Chaque nouveau projet est examiné par un certain nombre d'organismes, y compris des ministères fédéraux, à la suite de l'Entente de collaboration entre le Canada et l'Alberta en matière d'évaluation environnementale.

Les études d'impact sont réalisées en tenant compte des effets cumulés des développements existants, approuvés et planifiés dans la région. Tous les projets nécessitent l'approbation de l'Alberta Energy and Utilities Board, et de nombreux projets ont fait l'objet d'audiences publiques; deux projets récents ont fait l'objet d'un examen par une commission d'examen conjoint fédérale-provinciale créée en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

Reconnaissant l'importance de l'eau pour l'économie, la qualité de vie et l'environnement de l'Alberta, la province de l'Alberta a élaboré la stratégie Water for Life. De plus, elle a créé le conseil de l'eau pour travailler sur les questions liées à l'eau partout dans la province et fournir des recommandations concernant la mise en œuvre de la stratégie.

L'Alberta Chamber of Resources compte un représentant au sein de ce comité. Nous croyons savoir que la province pourrait comparaître, ou pourrait avoir déjà comparu, devant le comité pour discuter de cette stratégie en plus grand détail.

L'eau est une ressource essentielle utilisée pour convertir les gisements de sables bitumineux en une variété de produits pétroliers. L'eau est utilisée dans le procédé de séparation du pétrole et du sable, comme milieu de transport et pour assurer une capacité de transfert de la chaleur et du froid. L'eau est également utilisée pour remplir les cavités dans les réservoirs après que le bitume a été extrait et dans les systèmes d'eau potable et sanitaire utilisés à l'appui des activités d'exploitation.

L'industrie des sables bitumineux est fière du fait qu'elle recycle une part importante de l'eau qu'elle utilise, réutilisant ainsi cette eau à de multiples reprises avant de se tourner vers de nouvelles sources d'approvisionnement. Il y a un degré élevé de recyclage dans l'industrie et bien que l'on ne puisse citer un chiffre précis, du fait que chaque exploitation possède des caractéristiques uniques, ce degré s'élève à plus de 75 p. 100 pour les exploitations à ciel ouvert et environ 90 p. 100 pour les exploitations in situ.

Les seuls endroits où il y a rétention à long terme de l'eau dans l'industrie des sables bitumineux, c'est dans les cavités des dépôts de résidus ou dans les réservoirs in situ et dans les effluents d'eaux usées précis qui sont injectés dans des formations géologiques profondes.

L'eau utilisée par l'industrie des sables bitumineux comprend de l'eau de surface et de l'eau souterraine. La source dépend de la technologie de récupération du bitume utilisée et du lieu de l'exploitation. L'eau de surface est la source principale dans le cas des exploitations à ciel ouvert et un mélange d'eau souterraine, comprenant aussi bien de l'eau saumâtre que de l'eau douce, et d'eau de surface sont les sources principales d'eau pour les exploitations in situ.

Dans la documentation que j'ai distribuée, on trouvera, à la figure 5, une représentation du cycle de l'eau pour les exploitations à ciel ouvert. L'eau est importée dans le processus et réutilisée à l'intérieur des unités de traitement. Une grande partie de l'eau est recyclée dans le processus d'extraction et de dépôt des résidus. Il y a une possibilité que des petits volumes d'eau de dépressurisation entrent dans le cycle, s'il y a des aquifères présents dans le gisement minier. Toutes les eaux de ruissellement et les précipitations sont captées et utilisées pour réduire l'importation d'eau.

Dans le cycle, il y a des pertes par évaporation et de l'eau est également perdue dans les produits pétroliers et dans les effluents d'eaux usées. L'eau retenue dans les dépôts de résidus est libérée et retournée dans le processus avec le temps, au fur et à mesure que les dépôts de résidus se décantent. Les utilisations de l'eau vont différer selon qu'il s'agit d'activités intégrées de production de produits pétroliers valorisés ou d'activités de production de produits du bitume qui nécessiteront un traitement plus poussé dans d'autres installations.

Le cycle de l'eau pour une exploitation in situ est illustré à la page suivante, à la figure 6, l'activité in situ représentant les opérations de forage de puits. Le cycle de l'eau pour les exploitations in situ est différent du fait que l'eau est utilisée principalement pour produire de la vapeur qui est ensuite pompée dans le réservoir pour chauffer le bitume.

L'eau introduite dans le circuit du bitume fait l'objet d'un traitement de séparation et est traitée pour être réutilisée dans la production de vapeur. Une source d'eau de remplacement est nécessaire pour remplir les cavités laissées par l'extraction du bitume.

L'industrie des sables bitumineux est une utilisatrice efficace de l'eau et depuis la naissance de cette industrie, il y a eu une amélioration incroyable de cette efficacité, pour en arriver au niveau actuel de trois à quatre mètres cubes d'eau importée par mètre cube de production pour les exploitations à ciel ouvert et de moins de un mètre cube d'eau importée par mètre cube de production pour les exploitations in situ.

Les exploitations à ciel ouvert actuelles importent environ trois à quatre mètres cube d'eau et la tendance à cet égard est de réduire cette quantité à environ deux mètres cube. La tendance à la baisse est fondée sur les prévisions des exploitants actuels qui sont dans des activités en régime stationnaire. Il y a une augmentation des besoins en eau durant la phase de démarrage d'une exploitation pour bâtir l'inventaire d'eau pour les procédés d'extraction et d'élimination des résidus.

En plus des incitatifs environnementaux, il y a des incitatifs économiques importants qui encouragent les exploitants à utiliser l'eau de manière efficace. La manipulation et le stockage de l'eau accroissent les coûts de production; alors, il est dans l'intérêt de l'industrie d'utiliser moins d'eau.

Du point de vue de l'exploitation à ciel ouvert, la construction d'aires de résidus pour retenir l'inventaire d'eau est très coûteuse et nous cherchons à réduire le plus possible le volume d'eau nécessaire à l'exploitation. Dans le cas des exploitations in situ, le traitement de l'eau représentent un coût en énergie important.

Pour placer l'utilisation de l'eau dans les sables bitumineux dans une juste perspective, il faut noter que dans les attributions totales d'eau de l'Alberta en 2003, la plus grande part, environ 45 p. 100, est allée à l'irrigation, tandis que l'industrie du pétrole et du gaz, y compris les sables bitumineux, a été autorisée à en utiliser environ 4 p. 100. Et l'industrie du pétrole et du gaz n'a pas utilisé toute l'eau qu'elle était autorisée à utiliser, ce qui réduit d'autant la quantité totale d'eau utilisée.

De même, les pénuries d'eau et les répercussions environnementales et socio-économiques qui les accompagnent ont tendance à être concentrées, en Alberta, dans les bassins versants du sud. Par contraste, la plus grande partie de l'eau utilisée par l'industrie des sables bitumineux provient des bassins versants situés plus au nord, où les pénuries sont beaucoup moins fréquentes.

Le bassin versant de la rivière Athabaska est la principale source d'eau pour toutes les exploitations à ciel ouvert, et il est très important pour l'industrie et les intervenants de s'assurer que l'on préserve l'intégrité écologique de la rivière.

À la figure 11 de la présentation PowerPoint, on résume les attributions autorisées actuelles touchant le bassin de la rivière Athabasca, pour les sables bitumineux et pour d'autres utilisations, et cela comprend une prévision pour les projets prévus, mais non approuvés, d'exploitation des sables bitumineux.

Si l'on tient compte de toutes les activités approuvées et planifiées, l'attribution prévue est de 3,6 p. 100 du débit moyen annuel. On peut comparer ce chiffre aux attributions de 18 p. 100 pour les rivières Bow et Red Deer, et aux attributions supérieures à 70 p. 100 du débit moyen annuel dans le cas des rivières Oldman, Waterton, Belly et St. Mary's. On retrouve cette information sur la diapositive suivante.

Tous les membres de l'industrie travaillent avec le groupe multilatéral CEMA, la Cumulative Environmental Management Association, pour déterminer les objectifs de gestion pour cette voie navigable importante. Les travaux actuels visent à déterminer la valeur du débit affluant minimal requis, fondée sur des données scientifiques, en régime d'étiage.

Le plus faible débit jamais enregistré dans la rivière Athabasca au cours d'une période de sept jours consécutifs a été mesuré en 2002. Le pire des scénarios surviendrait si tous les utilisateurs non liés aux sables bitumineux de même que tous les exploitants de sables bitumineux actuels et prévus utilisaient le maximum de l'attribution d'eau le même jour lorsque le débit est à son plus bas. Dans ce scénario, le prélèvement s'élèverait approximativement à 15 ou 16 p. 100 du débit à l'étiage.

Il faut dire que la probabilité que toutes ces conditions soient réunies est mince, mais elle existe. C'est pourquoi il est important de comprendre quelles seraient les répercussions de cette situation. Si l'on compare avec les données statistiques données plus haut, le pire des scénarios pour la rivière Athabasca est meilleure que le scénario moyen pour les rivières Bow, Red Deer, Waterton Valley et St. Mary's.

Bien que les exploitants des sables bitumineux aient fait beaucoup pour réduire le plus possible leur utilisation de l'eau, pour maximiser le recyclage de cette eau et pour maximiser le pourcentage d'eau qu'ils utilisent en provenance de sources d'eau saumâtre, non potable, ces derniers reconnaissent qu'il doivent envisager d'autres façons de devenir encore plus efficaces.

Dans le cas des exploitations à ciel ouvert, l'attention se porte sur les thèmes suivants : augmenter la composante recyclage par le biais de la conception d'équipement pour utiliser et traiter de l'eau de moins bonne qualité; accélérer la décantation des résidus pour retourner l'eau dans le cycle hydrologique; se tourner vers la technologie du refroidissement par l'air et les tours de refroidissement pour remplacer les circuits de refroidissement à l'eau; réduire les inventaires d'exploitation par stockage hors-rivière pour les période d'étiage; et l'amélioration continue de la gestion des eaux douces.

Pour les exploitations in situ, l'accent est mis sur l'accroissement du recyclage par le remplacement et l'amélioration du traitement de l'eau; la réduction de l'utilisation de l'eau douce en ajoutant plus d'eau saumâtre ou salée dans l'approvisionnement en eau — la mise à l'essai d'une technologie de dessalement est à l'étude —; la réduction des besoins en vapeur en ajoutant des solvants pour réduire la viscosité du bitume; l'amélioration du rapport vapeur- hydrocarbure par une modélisation améliorée des réservoirs et la disposition des puits; la recherche de nouvelles technologies permettant de produire le bitume sans utilisation d'eau.

En plus du travail sur l'eau, l'Alberta Chamber of Resources recherche activement des occasions de réduire les empreintes sur le terrain et dans l'air au fur et à mesure que des projets de développement des ressources naturelles sont élaborés. Le projet de gestion intégrée du paysage de l'ACR vise à examiner les possibilités de réduire les perturbations terrestres en coordonnant les activités des exploitants des ressources naturelles et à trouver d'autres manières d'atténuer les répercussions.

En ce qui concerne l'air, l'ACR possède un comité sur le changement climatique qui a travaillé avec les gouvernements pour comprendre les répercussions du développement des ressources naturelles.

On nous a également demandé de faire certaines observations sur la possibilité d'utiliser la récupération du pétrole assistée par l'injection de dioxyde de carbone et la séquestration de ce dernier dans les sables bitumineux. On utilise le dioxyde de carbone pour la récupération assistée du pétrole dans les champs pétroliers partout dans le monde depuis un certain nombre d'années.

Au Canada, on procède aussi à des essais sur l'injection de dioxyde de carbone depuis un certain nombre d'année. La première injection d'une quantité importante de dioxyde de carbone, dans le champ Weyburn exploité par EnCana dans le sud-est de la Saskatchewan, a eu lieu en 2001. L'injection de 5 000 tonnes métriques de dioxyde de carbone par jour dans le réservoir en a fait le plus grand projet de récupération assistée du pétrole et d'entreposage géologique au monde.

Ce champ a été étudié de manière approfondie au cours des sept dernières années, avec l'appui des gouvernements provincial et fédéral, de nombreuses sociétés pétrolières et gazières du Canada et du monde entier et de gouvernements étrangers, par le biais du Centre de recherche en technologie pétrolière de Regina.

On étudie la possibilité d'appliquer l'injection de CO2 aux sables bitumineux depuis quelques décennies. L'injection de CO2 peut accroître la quantité de pétrole récupérée, principalement grâce à deux processus liés au réservoir, le maintien de la pression et l'amélioration de la viscosité du pétrole. Elle peut fonctionner dans les processus miscibles et non miscibles, les processus miscibles étant les plus efficaces.

Le président : Voudriez-vous prendre une minute pour expliquer ce que ces termes signifient, s'il vous plaît.

M. Zahary : Les termes « miscible » et « non miscible » se rapportent au mélange de deux produits. Si vous mettez un diluant à peinture dans une peinture, il s'agirait d'un solvant qui se mélange avec la peinture. Il s'agirait là d'un procédé miscible. Les deux peuvent se combiner ensemble. Un processus non miscible, c'est lorsqu'ils ne se combinent pas ensemble.

Si les conditions sont favorables — ce qui nécessite généralement une pression plus élevée —, le CO2 se mélange au pétrole et réduit sa viscosité. Si le pétrole n'est pas assez profond pour que la pression soit favorable, vous n'obtiendrez pas de mélange. Par conséquent, vous avez l'effet de maintien de la pression, mais vous n'avez pas l'effet d'entraînement pas le solvant que vous obtenez lorsqu'il y a mélange.

Étant donné la nature du pétrole dans les sables bitumineux et la profondeur relativement faible des formations, l'injection dans les sables bitumineux serait vraisemblablement un processus non miscible.

Bien que, jusqu'à présent, il ait été démontré que les procédés thermiques ou les procédés à base de solvant pour hydrocarbure étaient les plus efficaces pour la récupération du pétrole dans les sables bitumineux, l'industrie continue de chercher des moyens de réduire son empreinte sur le terrain et de récupérer plus de pétrole.

Il y a certainement des possibilités additionnelles pour l'utilisation du CO2 pour récupérer plus de pétrole et de gaz dans l'Ouest canadien et de réservoirs épuisés pour séquestrer le CO2. .La recherche se poursuit dans ce domaine et des projets additionnels ont été proposés récemment et d'autres verront vraisemblablement le jour dans les années à venir.

En conclusion, les exploitants des sables bitumineux agissent de manière responsable dans leur utilisation actuelle de l'eau, mais ils cherchent constamment des moyens de réduire encore davantage leur utilisation.

Nous sommes certainement heureux de l'occasion qui nous a été donnée de comparaître aujourd'hui.

Le sénateur Angus : J'adresse mes questions à M. Zahary puisqu'elles concernent la technologie.

Avant notre arrivée ici, nous avons eu la chance d'avoir accès à votre rapport intitulé « Oil Sands Technology Road Map ». Pourriez-vous, pour les besoins du compte rendu, nous en dire davantage sur la genèse de ce document? Peut- on dire que les renseignements qu'on y trouve sont à jour et représentent l'état actuel de la technologie nécessaire pour libérer, comme vous dites, le potentiel?

M. Zahary : Ce document — et nous en avons apporté des exemplaires additionnels aujourd'hui — a été élaboré au cours des dernières années. Je pense que nous l'avons publié il y a environ un an. Il s'agissait d'une tentative, par les exploitants des sables bitumineux ainsi que par les gouvernements provincial et fédéral, de mettre en commun toutes les idées et les réflexions différentes sur le développement technologique appliqué aux sables bitumineux.

Il est important de reconnaître que sur la production actuelle d'environ 1 million de barils de pétrole par jour, environ 600 000 barils proviennent des exploitations à ciel ouvert, environ 250 000 barils proviennent des exploitations in situ ayant recours à des procédés thermiques et environ 150 000 barils proviennent de l'utilisation des technologies de forage et de pompage qui, généralement, ne font pas intervenir la chaleur pour libérer le pétrole des sables bitumineux.

Le sénateur Angus : Vous avez dit que sur le million de barils de pétrole par jour provenant des sables bitumineux, environ 600 000 proviennent des mines à ciel ouvert. Le public connaît les activités de Syncrude, de Suncor et de Shell ou du complexe Western Oil Sands. Parmi ces trois projets, lesquels sont en mode in situ, s'il y en a?

M. Zahary : Ces trois projets sont des mines à ciel ouvert.

Le sénateur Angus : Alors, les projets in situ se trouvent où?

M. Zahary : Les projets in situ sont généralement situés dans les régions où les formations de sable bitumineux sont plus profondes. L'exploitation in situ qui est active depuis le plus longtemps est le site d'Imperial Oil à Cold Lake, situé à l'est d'Edmonton, à proximité de la frontière entre l'Alberta et la Saskatchewan.

À l'heure actuelle, ce projet produit, je pense, environ 140 000 barils de pétrole par jour à l'aide de l'injection de vapeur pour réduire la viscosité.

Si vous permettez, juste pour conclure sur la question du document « Oil Sands Technology Road Map », il est évident qu'il est encore actuel. Il a été terminé il y a environ un an. Il est à la fine pointe en ce sens qu'il réunit ensemble les projets technologiques actuels ainsi que les idées de technologie pour l'avenir. Il a certainement suscité beaucoup d'intérêt depuis sa publication. On nous pose souvent des questions sur son contenu, tant au Canada qu'à l'étranger.

Le sénateur Angus : En date d'aujourd'hui, du 9 mars 2005, quels sont d'après vous, peut-être par ordre de priorité, les principaux obstacles technologiques à la réalisation d'un objectif de production de 5 millions de barils par jour?

M. Zahary : C'est une question de taille et peut-être que je vais la découper en segments différents, et parler des situations de l'exploitation à ciel ouvert et de l'exploitation in situ.

Le sénateur Angus : Merci.

M. Zahary : La technologie minière comporte trois étapes. Premièrement, il faut creuser pour obtenir le minerai. Deuxièmement, il faut séparer le pétrole du sable. Et troisièmement, il faut valoriser le pétrole.

Dans le domaine minier, il y a eu des améliorations technologiques importantes et, souvent, il s'agit simplement de trouver des façons de rendre la récupération plus efficace.

Cela comprend la construction de camions plus gros. Je pense que vous allez vous rendre à Fort McMurray; alors, vous allez voir la taille de certains de ces équipements. Simplement la fabrication des pneus — la technologie du caoutchouc pour fabriquer des pneus suffisamment gros pour s'adapter à ces véhicules s'est révélée un défi énorme pendant des années. La taille de ces camions a grandi avec le temps et cela permet de faire des économies d'échelle pour la production de ce pétrole, là où les gisements sont très vastes.

L'industrie mondiale du pétrole est très concurrentielle et pour être rentable, vous devez trouver des façons de réduire les coûts.

Par conséquent, pour creuser dans la mine, il a fallu construire des camions de grande dimension, construire des excavatrices, élaborer une technologie du caoutchouc pour fabriquer des pneus adaptés à ces véhicules.

Pour ce qui est de la séparation du pétrole du sable, il s'agit habituellement d'une combinaison de chaleur et de produits chimiques. Ce qu'on cherche ici, ce sont des procédés qui utilisent moins de chaleur et des méthodes plus efficaces et moins coûteuses pour séparer le pétrole des sables bitumineux. Pour ce qui est de la valorisation, il y a un certain nombre de façons de le faire.

Certaines de ces technologies existent depuis de nombreuses années, mais nous continuons de les améliorer.

Pour ce qui est des techniques in situ, où vous forez des puits, vous devez forer une partie initiale verticalement et ensuite, vous forez horizontalement. Cela ressemble beaucoup à l'action de boire un cappuccino glacé ou une mousse; lorsque vous aspirez dans la paille vous videz la partie adjacente à la paille, mais le reste ne suit pas, alors vous devez déplacer la paille dans une autre partie du verre pour avoir accès à cette partie.

Le sénateur Angus : Bonne analogie.

M. Zahary : Il est beaucoup plus difficile de déplacer légèrement un puits que de déplacer une paille dans un verre. On a mis au point une technologie par laquelle vous pouvez forer un puits verticalement et ensuite ajouter une partie horizontale et cela vous permet d'avoir accès à une plus grande partie du réservoir.

Cela semble relativement simple, mais lorsque vous le faites à une profondeur d'un demi-kilomètre, d'un kilomètre ou de trois ou quatre kilomètres sous terre, il s'agit en fait d'un véritable défi technologique.

Aujourd'hui, il existe de nombreux puits horizontaux. La technologie de drainage par gravité au moyen de vapeur, qui est maintenant la méthode la plus souvent utilisée pour libérer le pétrole, consiste essentiellement à forer deux puits horizontaux très proches l'un de l'autre et à utiliser un puits pour injecter de la vapeur destinée à chauffer le réservoir et l'autre pour tirer le pétrole libéré à l'extérieur de la formation géologique.

Souvent, c'est une question de fabriquer des pompes qui peuvent résister à ces conditions de température; cela semble simple, mais en fait, il est incroyablement difficile de mettre au point ce genre de technologie. L'industrie des sables bitumineux a été un leader mondial de l'innovation technologique. La technologie canadienne est maintenant fréquemment utilisée dans le monde. Nous exportons notre technologie dans de nombreux pays pour les aider également à exploiter leurs gisements de pétrole plus lourd.

Le sénateur Angus : Dans votre réponse sur les priorités en matière de défis technologiques qui nous attendent, vous n'avez pas parlé de « séquestration du carbone », mais je crois savoir qu'il s'agit-là d'un élément important du problème. Est-ce que cela peut se faire sur place? Pouvez-vous nous dire un mot sur la séquestration du carbone et ce que cela donne?

M. Zahary : Au fur et à mesure que ces projets prennent de l'ampleur et qu'ils utilisent de l'énergie pour la production, ils deviennent une source d'émissions. Évidemment, ce n'est pas quelque chose qui s'applique uniquement aux exploitants des sables bitumineux. Les usines qui fabriquent des voitures ou qui produisent de l'énergie partout au pays ou dans le monde produisent des émissions de carbone.

Lorsque nous avons des réservoirs souterrains dans lesquels nous avons extrait des hydrocarbures, c'est-à-dire le pétrole et le gaz, nous avons la possibilité d'injecter du carbone dans ces mêmes réservoirs — en l'occurrence, il s'agit habituellement de dioxyde de carbone ou de gaz de carneau — pour faire du stockage géologique à long terme de ces gaz.

Nous pouvons réduire la quantité de carbone dans l'atmosphère en retournant ce carbone dans ce réservoir.

Le sénateur Angus : Cependant, est-il plus fréquent aujourd'hui de devoir acheminer ces gaz par des canalisations jusqu'à des sites de stockage qui sont éloignés des lieux d'exploitation?

M. Zahary : Oui. Très souvent il est nécessaire de transporter ces gaz dans des réservoirs appropriés. Si vous avez des réservoirs quelque part au pays qui ne sont pas épuisés, vous ne voulez pas nécessairement commencer à y injecter du dioxyde de carbone. Dans certains cas, cela permet d'accroître la récupération, mais il y a d'autres circonstances; par exemple, il pourrait y avoir un réservoir de gaz naturel qui est complètement épuisé et qui constitue un endroit idéal pour stocker des émissions de dioxyde de carbone.

Comme nous sommes plus conscients de l'environnement, nous cherchons des moyens de stocker le dioxyde de carbone ou d'autres gaz dans ces réservoirs. D'autres produits toxiques sont également séquestrés dans des réservoirs souterrains.

Le sénateur Milne : Est-ce que c'est faisable dans les sables bitumineux?

M. Zahary : C'est possible dans les sables bitumineux. Comme les réservoirs sont assez superficiels, il est difficile d'obtenir le degré de pression nécessaire pour le faire de manière efficace. La technique est plus efficace dans des réservoirs plus profonds. Le champ pétrolier de Weyburn dans le sud-est de la Saskatchewan est un réservoir plus profond et un endroit où il est plus efficace de stocker du dioxyde de carbone.

L'avantage des sables bitumineux, c'est qu'ils constituent un gisement extrêmement vaste de pétrole de sorte que, même si vous ne pouvez pas stocker autant de gaz dans chaque réservoir, il y a beaucoup plus de réservoirs. Il est effectivement possible que ces réservoirs deviennent un endroit pour stocker du dioxyde de carbone.

Le sénateur Milne : Examine-t-on cette possibilité à l'heure actuelle?

M. Zahary : On examine la question depuis un certain nombre d'années. L'injection de CO2 dans les sables bitumineux fait l'objet d'études depuis au moins 30 ans. De façon générale, ce n'est pas le meilleur endroit pour le faire. En fait, à mon avis, il est plus probable que l'injection et la séquestration du CO2 se fera dans d'autres endroits, avant qu'elle ne se fasse dans les sables bitumineux.

Le sénateur Milne : Alors, cela ne se fait pas nulle part en Alberta?

M. Zahary : Il existe un certain nombre de projets pilotes sur l'injection de CO2; on pense à une annonce récente faite par RNCan selon laquelle ce ministère contribuerait à quatre projets en Alberta — situés dans quatre régions différentes et exploités par quatre entreprises différentes.

Il y a eu d'autres projets pour tester l'injection de CO2 au cours des 30 dernières années.

Le sénateur Angus : Avons-nous, à l'heure actuelle, la technologie nécessaire pour procéder à la séquestration du CO2 ou de ces autres gaz toxiques? Est-ce le coût d'application de cette technologie qui fait obstacle? Est-il nécessaire de faire encore beaucoup de R et D dans ce domaine?

M. Zahary : L'injection de CO2, dans un sens général, n'est pas une nouvelle technologie; l'injection de CO2 existe déjà. Cependant, chaque champ est différent et doit faire l'objet d'un examen en fonction de ses caractéristiques particulières. Nous avons effectivement encore du travail à faire pour y arriver. Il s'agit également d'une question économique, parce qu'il est extrêmement coûteux de transporter le dioxyde de carbone à un endroit particulier où vous pouvez l'injecter. Quelqu'un doit payer la note.

Le sénateur Angus : Quelqu'un; les promoteurs.

J'avais un certain nombre de questions sur l'eau nécessaire à l'extraction du bitume. Je pense que dans vos observations, vous avez répondu à un grand nombre d'entre elles, sinon à toutes. Cependant, juste une information simple pour les besoins du compte rendu : combien d'eau est utilisée pour la production d'un baril de pétrole provenant des sables bitumineux?

M. Zahary : À l'heure actuelle, si l'on parle de l'eau neuve qui est importée dans le système pour les mines à ciel ouvert, on parle d'environ trois à quatre barils d'eau par baril de pétrole. C'est un chiffre qui est à la baisse et qui continuera vraisemblablement de baisser.

Pour ce qui est de l'exploitation in situ, la production à l'aide de puits, on parle d'environ un baril d'eau neuve par baril de pétrole.

Le sénateur Angus : Je pense que vous avez dit que 75 p. 100 de l'eau était recyclable ou qu'elle était recyclée sous une forme ou sous une autre à l'heure actuelle.

M. Zahary : De plus en plus, les exploitants utilisent de l'eau saumâtre — c'est-à-dire une eau fortement salée qui est impropre à la consommation et qui se trouve dans les formations géologiques souterraines. Cette eau est nettoyée et utilisée à la place des sources d'eau douce.

Le sénateur Angus : Vous avez dit que la principale source d'approvisionnement était le bassin versant de la rivière Athabaska et que l'industrie utilise un faible pourcentage de l'attribution totale d'eau de l'Alberta.

Est-ce que l'industrie paye pour l'eau qu'elle utilise dans ses projets?

M. Zahary : L'industrie paye dans ce sens qu'elle doit assumer les coûts pour la manipulation de l'eau. Lorsque l'eau est prélevée d'une source d'eau souterraine salée, par exemple, il est nécessaire de forer un puits et d'installer l'équipement nécessaire pour pomper l'eau à la surface, de construire des canalisations pour la transporter et la réinjecter. Il y a un coût important lié à la manipulation de l'eau.

Je ne pense pas qu'il y ait de paiements effectués pour l'utilisation de l'eau comme ressource en Alberta, ni dans la plupart des administrations au pays.

Le sénateur Angus : Ma dernière question porte sur l'aspect technologique des choses. Je crois qu'un certain nombre de technologies sont explorées et sont décrites en détails dans le document intitulé « Oil Sands Technology Road Map » dont nous avons parlé.

Dans le domaine de la réduction de l'utilisation de l'eau et de son recyclage efficace, y a-t-il d'autres technologies qui sembleraient prometteuses et dont il n'a pas été question ni dans ce document ni dans votre témoignage?

M. Zahary : Le document traite d'un grand nombre de technologies différentes, bien qu'un document de cette taille ne soit évidemment pas complet.

L'idée de l'injection du dioxyde de carbone, l'idée d'injecter des solvants d'hydrocarbures pour réduire la viscosité sans recourir à la chaleur est une technologie qui est utilisée de plus en plus pour accompagner l'utilisation de la chaleur et l'eau est le milieu utilisé pour transférer la chaleur à la formation.

L'utilisation d'un solvant quelconque à la place de l'eau chauffée est certainement à la hausse chez un certain nombre d'exploitants différents des sables bitumineux.

Le sénateur Angus : Notre courageux leader, le sénateur Banks, nous a enseigné, alors que tous nous apprenons des choses sur cette industrie palpitante, que nous devrions conclure nos questions en vous posant la question suivante — et c'est quelque chose que je n'oserais jamais faire dans un cour de justice — : si vous aviez une liste de souhaits, que voudriez-vous que nous mettions dans notre rapport qui pourrait aider cette industrie à réaliser cet objectif admirable qui est à libérer ce potentiel incroyable?

M. Zahary : Je pense qu'il serait probablement utile de dire qu'en tant que Canadiens, nous sommes modestes par nature et qu'il nous arrive souvent de ne pas reconnaître une ressource tant qu'un étranger ne l'a pas fait. Les sables bitumineux sont un exemple de ressources très importantes que nous avons dans ce pays, une occasion merveilleuse qui a rapporté dans une certaine mesure, et qui offre de grandes possibilités pour l'avenir.

Il est important que nous comprenions l'importance de cette ressource. Le rapport « Oil Sands Technology Road Map » a suscité un vif intérêt aux États-Unis parce qu'il aide à faire connaître l'importance de cette ressource que nous possédons. Il se peut que dans certains endroits à l'étranger, on soit plus conscient de cette ressource que nous le sommes ici.

Par conséquent, il s'agit de comprendre l'importance de la ressource, mais également les défis technologiques qu'elle soulève. La quantité de technologies utilisées et le rythme de croissance de cette technologie sont extrêmement importants et je pense que ce sont des choses sur lesquelles nous devrions continuer de nous concentrer.

M. Anderson : C'est une question merveilleuse et je dois tout simplement intervenir ici. Ma carrière s'est déroulée dans le domaine des sables bitumineux jusqu'à ce que j'accepte un emploi à l'Alberta Chamber of Resources. En fait, j'étais à Washington en décembre pour discuter de ce document avec des représentants du ministère de l'Énergie des États-Unis.

Je pense que ce qui a intrigué nos amis américains, c'était la façon dont nous, Canadiens, avons conservé la vision d'exploiter les sables bitumineux, parce qu'ils ont une ressources très semblable, qui s'appelle le schiste bitumineux, et qu'ils ont renoncé à l'exploiter.

Nous avons persévéré — à vrai dire, c'est 40 ans d'un appui combiné du gouvernement en R et D, de l'industrie et du public. Nous avons continué à aller de l'avant. Il s'agit purement d'une industrie axée sur la technologie qui, dès le départ, avait une vision que personne n'a abandonnée.

Il s'agit d'une histoire extraordinaire et je suis d'accord avec M. Zahary pour dire que nous devrions en être fiers.

Nous devons garder cette vision et c'est ce que nous avons essayé de faire dans « Oil Sands Technology Road Map ». Nous sommes maintenant rendus à une production d'un million de barils par jour. C'est incroyable. Les gens n'arrivent toujours pas à croire que nous avons réussi cet exploit et pourtant, nous l'avons fait.

Quel est notre prochain objectif? Eh bien, nous pouvons figurer parmi les plus grands fournisseurs de pétrole au monde et c'est de cette façon que le monde nous voit à l'heure actuelle.

Nous ne devons jamais oublier que les coûts de production du pétrole des sables bitumineux sont peut-être les plus élevés au monde. Ce sera toujours le cas, nous devons donc utiliser les meilleures techniques de production. Même lorsque le pétrole est extrait du sol, les coûts de conversion du pétrole en un produit utile comme l'essence sont toujours parmi les plus élevés au monde.

Nous avons ces deux défis considérables, mais nous nous en sommes toujours tirés. Il suffit d'avoir une vision et de s'y conformer.

Le sénateur Buchanan : Est-ce que les Américains ont abandonné la production de pétrole des schistes bitumineux?

M. Anderson : Ils sont en train de réétudier cette question. Un projet pilote a été arrêté il y a plusieurs années. C'état le dernier. En fait, les fonctionnaires du ministère de l'Énergie des États-Unis m'ont montré avec beaucoup de fierté leur guide technologique des sables bitumineux fondé sur nos travaux, donc ils s'y sont remis.

Le sénateur Spivak : Je n'ai pas eu l'occasion de consulter le document « Oil Sands Technology Road Map », il peut y avoir des réponses à certaines de mes questions.

Ma première question porte sur le coût de production du baril de pétrole. Y a-t-il une différence entre les coûts d'exploitation à ciel ouvert et les coûts de forage? Quel est le coût actuel?

M. Zahary : J'utiliserai des chiffres ronds pour l'exploitation à ciel ouvert. Aujourd'hui, les coûts d'exploitation d'une extraction à ciel ouvert, je parle des opérations de Syncrude ou de Suncor, se situent entre 17 et 20 $ le baril.

Pour ce qui est d'un projet in situ, où l'on utilise la chaleur du sol, le baril est environ de 8 $ en chiffre rond.

La différence, c'est que le pétrole des projets in situ est de qualité inférieure. La qualité du pétrole de 17 à 20 $ de Syncrude ou Suncor est meilleure, il y a donc un bénéfice de 4 à 6 $. C'est un peu comme si l'on comparaît des pommes et des oranges. Le pétrole de 8 $ est de qualité inférieure et se vend à rabais.

Les redevances, les impôts, les frais généraux et administratifs et les coûts en capital pour développer ces ressources ne sont pas inclus.

Le sénateur Spivak : Combien il en coûte à l'OPEP, 2 $ le baril ou à peu près?

M. Zahary : Je pense que c'est un peu plus que cela aujourd'hui et il augmente très rapidement dans beaucoup de ces pays. Aujourd'hui. Le Venezuela, un membre de l'OPEP, produit aussi des pétroles lourds.

Les coûts augmentent aussi dans ces marchés et il faut considérer le coût total pour commercialiser le pétrole. Le capital est très mobile aujourd'hui, le pétrole provenant des sables bitumineux est produit par des opérateurs pouvant aussi le produire d'autres autres pays, ils ont choisi de le faire au Canada pour être concurrentiels au niveau de la production. La structure des redevances et des impôts facilite la tâche, autrement ils le produiraient ailleurs.

Le président : Professeur Hrudey, nous avons publiquement dit que nous devons internaliser les coûts de production afin d'être efficaces.

Par exemple, nous avons appris aujourd'hui qu'il y a un coût pour amener l'eau, saline ou potable provenant d'une rivière, utilisée pour le développement des sables bitumineux, mais que l'on ne paye cette eau. Nous avons dit, je suis sûr que vous serez d'accord, avoir eu une idée délirante, pas pour l'utilisation de l'eau dans les sables bitumineux, car il s'agit d'une très petite quantité, mais en ce qui concerne ce dont vous parlez — faire attention à la salubrité de notre eau.

Est-ce que le fait de payer un coût réaliste et internalisé aurait un effet positif sur la salubrité? Deuxièmement, vous avez parlé des maladies d'origine hydrique, mais nous avons en plus le problème des produits chimiques, ce ne sont pas des maladies en tant que telles, mais un autre type de contaminants qui ont un effet sur notre santé.

Pouvez-vous dire un mot à ce sujet. Je suis désolé qu'il nous reste si peu de temps. Nous nous apercevons, à chaque témoignage, qu'il nous faut quatre fois plus de temps.

M. Hrudey : Bien sûr. Le coût est probablement l'un des principaux éléments de la sécurité. J'ai été surpris d'apprendre quand je participais à l'enquête sur Walkerton que, quelqu'un l'avait souligné, la facture d'eau moyenne en Ontario s'élevait à 200 $ par an. C'est incroyablement bon marché et cela explique, dans une certaine mesure, la mauvaise infrastructure et le fait que l'on néglige un grand nombre de ces petites collectivités.

L'enquête sur Walkerton a recommandé une comptabilité de tous les coûts, car l'eau est principalement fournie par les municipalités et les coûts de production de l'eau ne sont pas nécessairement facturés aux consommateurs selon le principe de la récupération des coûts. Certaines municipalités utiliseront dans d'autres secteurs les recettes de leur taxe d'eau.

Le président : Est-ce que la privatisation de la livraison d'eau tentée dans quelques endroits réglera ce problème? Qu'en pensez-vous?

M. Hrudey : Nous avons dû aborder ce problème; l'enquête avait déterminé dans son rapport que ça n'a pas vraiment d'importance, l'important, c'est la compétence. Il y a de bons services publics privés et de mauvais. Il y a de bons services publics et il y en a de mauvais.

Ce qui est important, c'est la compétence, il faut les exploiter comme des entreprises, pour être efficaces, il n'est pas nécessaire qu'elles soient privées. Elles doivent utiliser la comptabilité du coût total. Il faut recueillir les fonds nécessaires pour faire du bon travail. Il faut assurer l'entretien du réseau. Tout cela coûte de l'argent.

On pense que l'eau est un droit et qu'elle devrait être gratuite. L'eau n'est pas plus un droit que les aliments. Tout a un prix. Si on veut que l'eau soit salubre, quelqu'un doit payer quelque chose.

Vous avez tout à fait raison de dire que cette structure de comptabilité est essentielle pour assurer la salubrité de l'eau.

Le président : L'un de nos collègues a présenté une loi d'intérêt privé qui, en déclarant simplement que l'eau est un aliment dans la Loi sur les aliments et drogues, augmenterait le contrôle de la qualité de l'eau de nos robinets.

Il rappelait que la réglementation sur la fabrication de la gomme à mâcher est très claire et que le contrôle est très strict, ce n'est pas le cas pour l'eau, or, nous n'avons pas besoin de gomme à mâcher pour vivre.

M. Hrudey : Tout cela est bien beau, mais en fait, c'est l'une des questions que j'essaie d'aborder, je ne pense pas qu'une réglementation plus détaillée sur la qualité de l'eau sera la solution; il faut une réglementation plus détaillée sur la qualité du processus de livraison de l'eau.

Le président : Les normes existent, est-ce que le problème se situe au niveau de l'efficacité pour maintenir ces normes?

M. Hrudey : Tout à fait. Ce sont les gens, les problèmes de gestion, l'engagement; la façon dont nous nous prenons. Nous avons créé un processus par lequel nous avons chargé notre plus inférieur palier de gouvernement de livrer de l'eau potable, or, il en est tout simplement incapable dans un grand nombre d'endroits. Dans beaucoup de collectivités, la personne responsable de l'eau, attrape aussi les chiens et balaye les rues. C'est-à-dire que la santé publique est entre les mains de personnes qui n'ont pas été formées pour cela.

Le président : Notre collègue soutenait que le gouvernement fédéral devrait l'inclure dans la Loi sur les aliments et drogues au lieu que ce soit un gouvernement municipal comme c'est le cas actuellement. Qu'en pensez-vous?

M. Hrudey : Je pense que c'est peut-être allé trop loin. Il y a des analogies. Je travaille beaucoup en Australie où des sociétés des eaux, au niveau des États, sont chargées d'assurer que les choses sont bien faites dans tout l'État.

La solution que nous avons proposée pour l'Ontario, lors de l'enquête sur Walkerton, n'envisageait pas de convertir leur société d'État en un fournisseur d'eau pour toutes les commodités, mais visait à ce que toutes les sociétés livrant de l'eau respectent les normes de gestion de la qualité. Si une petite collectivité était prête à investir des ressources pour être agréée, elle pourrait continuer ses opérations. Si elle jugeait que c'était trop difficile, elle devrait donc arrêter ses opérations et conclure un contrat avec une société en mesure de le faire. L'accent devrait être mis sur la compétence.

Le président : Pouvez-vous nous dire un mot sur les produits chimiques par opposition aux insectes.

M. Hrudey : Je pense que c'était le grand problème. Pendant ma formation en 1970, nous avions réglé beaucoup de problèmes d'insectes sur le terrain et on m'a dit qu'il n'était plus nécessaire de faire de la recherche. Peu de temps après, tous ces problèmes de produits chimiques ont commencé à apparaître.

Je pense vraiment que beaucoup de ces problèmes ont constitué une diversion. L'eau n'est pas un très bon moyen pour empoisonner des gens avec des produits chimiques. La plupart des produits chimiques toxiques très connus ne sont pas très solubles dans l'eau. C'est la raison pour laquelle la question des BPC dont j'ai parlée était si ridicule. On ne peut pas mettre suffisamment de BPC dans de l'eau potable pour mettre quelqu'un en danger, car ils ne sont pas solubles.

Si les produits chimiques toxiques vous préoccupent, les aliments sont un moyen beaucoup plus efficace de contenir ces produits chimiques. L'eau n'est pas un moyen très efficace. L'Organisation mondiale de la Santé a établi une très petite liste — arsenic, fluorure, nitrate, sélénium — il est prouvé que ces polluants affectent la santé des êtres humains par le biais de l'eau potable.

Le président : On commence à s'inquiéter de la présence de produits pharmaceutiques dans l'eau, car nous les consommons, nous les déversons dans le réseau et ils ne peuvent pas être traités. Dites-nous un mot à ce sujet.

M. Hrudey : Eh bien, comme la plupart de ces problèmes, il faut étudier la question et s'informer, on ne peut pas simplement l'éviter. Ce qui est important, bien sûr, c'est que les produits pharmaceutiques valent la peine d'être étudiés car ils sont fabriqués pour être biologiquement actifs et ils ne doivent être administrés qu'aux personnes pour lesquelles ils ont été prescrits, pas aux autres.

Il faut dire que le fait que nous pouvons détecter leur présence dans l'eau ne signifie pas que nous avons un problème. L'écart l'absence absolue d'un produit dans de l'eau et une quantité pouvant être nocive est considérable. Cet écart en chiffre est tellement grand qu'il est incompréhensible. Il est presque à une échelle galactique.

Est-ce que je crois qu'avec le temps nous allons découvrir que les produits pharmaceutiques constituent un problème de santé grave dans l'eau potable? Probablement pas, cependant, nous devons étudier cette question afin de nous assurer que ce n'est pas un problème.

Le sénateur Spivak : Où se produisent les grandes émissions de gaz à effet de serre? Dans les exploitations à ciel ouvert, dans le forage, aux phases de séparation ou d'amélioration? D'où provient la majeure partie des émissions de gaz à effet de serre et où tente-t-on le plus de les réduire?

M. Zahary : Dans l'industrie pétrolière et gazière, les plus grandes émissions de gaz à effet de serre proviennent de la consommation des produits — chauffer votre maison ou rouler en voiture. Une petite quantité, relativement parlant, provient de la production du pétrole et du gaz.

Dans la production du pétrole et du gaz, quelle phase du développement...

Le sénateur Spivak : C'est vingt-cinq pour cent, d'émissions de gaz à effet de serre, je pense.

M. Zahary : Je ne sais pas si ce chiffre est exact. Toutefois, la quantité d'énergie consommée pour produire du pétrole et du gaz, lorsque vous produisez et améliorez du pétrole plus lourd, est plus importante que celle consommée pour extraire un pétrole dont la production est plus facile.

Je crois que l'amélioration est la phase du processus qui consomme le plus d'énergie. Cependant, dans notre pays, la consommation produit beaucoup plus d'émissions de gaz à effet de serre.

Le sénateur Spivak : J'ai une question sur le recyclage. Premièrement, je ne comprends pas vraiment ce que vous recyclez. Quel pourcentage de l'eau utilisée est de l'eau douce, quel pourcentage est saline?

Quand vous dites « recyclage », parlez-vous de réutiliser de l'eau pour produire du pétrole? Est-ce bien cela?

M. Zahary : Oui. Pour le recyclage, l'eau doit être chauffée pour créer de la vapeur qui sera injectée dans une formation rocheuse. Cette vapeur permet de chauffer le pétrole. Le pétrole et l'eau sont ensuite produits. Le pétrole est commercialisé. L'eau est séparée du pétrole, elle est nettoyée, réchauffée puis réinjectée dans la formation.

Voilà tout le recyclage.

Le sénateur Spivak : Vous devez la nettoyer avant de la réutiliser?

M. Zahary : Il faut le faire, car on ne peut pas rien injecter dans une formation qui risque de réduire sa capacité de production de pétrole. On extrait le pétrole car le consommateur en a, bien sûr, besoin pour rouler en voiture.

L'eau est réinjectée puis elle est nettoyée pour s'assurer qu'elle ne contient rien qui puisse endommager la formation.

Le sénateur Spivak : Nous parlons particulièrement de la région de l'Athabasca? En fait, pas particulièrement, c'est tout à fait dans la région de l'Athabasca, ce n'est pas au sud. Est-il possible d'utiliser de l'eau saline au lieu de l'eau douce, de l'eau potable? Qu'utilisez-vous le plus, de l'eau souterraine ou de l'eau de surface?

Quel pourcentage d'eau saline utilisez-vous, 5 p. 100, 10 p. 100?

M. Zahary : L'injection d'eau dans des réservoirs de pétrole se fait partout au monde, y compris dans toutes les régions de l'Alberta. Dans ce que nous appelons l'industrie pétrolière classique, ce procédé est appelé injection d'eau. C'est une technique permettant de maintenir la pression dans les champs.

C'est le même principe dans les exploitations à ciel ouvert ou les projets in situ, l'eau sert à maintenir la pression. Dans un champ de sables bitumineux, l'eau sert de conducteur de chaleur.

Il y a eu un très grand changement, surtout dans les nouvelles exploitations, les sables bitumineux sont pratiquement très récents puisqu'ils ont été développés au cours des 20 ou 25 dernières années, qui utilisent moins d'eau douce et beaucoup plus d'eau saline, non potable et saumâtre.

Je ne sais pas quelles sont les quantités d'eau saline utilisées, mais dans les projets in situ, elles dépasseraient de beaucoup 50 p. 100. Nous pouvons vous communiquer ce pourcentage.

Le président : Pouvez-vous le communiquer au greffier.

Le sénateur Adams : Je vis dans l'Arctique où il y a des problèmes d'eau. Avez-vous des informations ou des études à ce sujet?

M. Hrudey : Je pense que dans ces régions, il faut investir dans l'eau et dans l'assainissement, car l'assainissement risque de contaminer l'alimentation en eau. Étant donné la faible densité de population, beaucoup de sources d'eau brute sont disponibles, le problème est de s'assurer que les installations d'assainissement ne contaminent pas cette alimentation.

Le président : Je vous remercie beaucoup, messieurs, d'être venus. Nous aurons plus de questions à vous poser et j'espère que vous nous permettrez de vous les envoyer par écrit, par l'intermédiaire de notre greffier, et que vous y répondrez quand vous le pourrez. J'espère que nous aurons une autre occasion de vous parler. Nous vous sommes reconnaissants d'être venus ici ce matin.

Notre prochain groupe de témoins, de Clean Air Strategic Alliance, se compose de Donna Tringley, directrice exécutive; de Linda F. Duncan, membre du conseil représentant Lake Wabamun Enhancement and Protection Association. Nous avons aussi M. John Donner, un autre membre du conseil, représentant le gouvernement de l'Alberta.

Mme Donna Tingley, directrice exécutive, Clean Air Strategic Alliance : Merci beaucoup, monsieur le président. C'est un honneur pour nous d'avoir été invités à vous parler aujourd'hui de Clean Air Strategic Alliance, l'organisation dont nous sommes membres.

Mon nom est Donna Tingley, je suis la directrice exécutive de Clean Air Strategic Alliance ou CASA ainsi que nous l'appelons. Les autres membres du groupe ici présents sont des bénévoles membres du conseil d'administration.

Ma courte présenterai de Clean Air Strategic Alliance sera suivie de témoignages plus détaillés par les membres du conseil représentant les secteurs impliqués dans CASA; les organisations non gouvernementales et le gouvernement. Barbara Korol de Dow Chemical représentant l'industrie n'a malheureusement pu venir à cause de malentendus au sujet des dates.

Étant donné qu'ils participent à CASA, ils vous en donneront tous les détails. Pour ma part, je suis ici à titre d'employée.

Linda Duncan représente les ONG membres du conseil d'administration. Elle pourra se présenter plus en détail tout à l'heure.

John Donner représente les organisations gouvernementales membres du conseil d'administration.

Comme je l'ai dit, l'industrie est aussi présente dans le conseil.

Nous vous avons préparé une petite documentation et je vois qu'elle vous a été distribuée. Nous avons résisté à la tentation de vous donner beaucoup de paperasse. Nous avons beaucoup de paperasse.

Le président : Je vous en remercie.

Mme Tingley : Les documents essentiels y sont attachés. Mes collègues et moi serons heureux de répondre à toutes vos questions plus tard. Nous avons aussi un très bon site Web où se trouve tout ce que nous avons écrit. Vous êtes, bien sûr, invités à le visiter. Je voulais aussi remercier Geoff Williams, notre conseiller en communications, qui est présent et qui nous a aidé à nous préparer et qui prendra peut-être quelques photos, si vous le permettez.

Je présente brièvement l'organisation. Je crois que vous avez mes notes d'allocution. Je voulais vous parler de ce qui est à l'origine de la création de CASA.

En 1990, Ralph Klein, alors ministre de l'Environnement et Rick Orman, ministre de l'Énergie ont décidé qu'il fallait une organisation multipartite qui se rendrait partout en Alberta pour débattre avec les citoyens des questions sur la qualité de l'air et trouver des solutions. À l'époque, on se préoccupait du smog et du changement climatique — pas très différent d'aujourd'hui. C'était un groupe multipartite regroupant le gouvernement, l'industrie et des ONG.

Quand ce groupe multipartite a présenté un rapport au gouvernement provincial, plusieurs recommandations portaient sur ces problèmes, l'efficacité énergétique, etc., mais la principale recommandation demandaient la mise en place d'un processus permanent fondé sur un consensus/une coopération pour régler les problèmes de la qualité de l'air à l'avenir.

En 1994, CASA a été organisée en société. Elle est autonome par rapport à nos intervenants, mais elle se compose toujours de ces trois groupes, les ONG, l'industrie et le gouvernement. Un petit secrétariat où je travaille a une position neutre au sujet des questions, mais il aide le conseil et les équipes de projets à avancer.

Le président : Comment est-il financé?

Mme Tingley : Les opérations, essentiellement les salaires du secrétariat, sont financées par la province. Trois ministères Alberta Environment, Alberta Health and Wellness et Alberta Energy versent une contribution plus ou moins égale.

Nos équipes de projets, nous en avons plusieurs, ont quelques fois besoin de fonds supplémentaires pour engager des experts-conseils, organiser des ateliers, etc., elles demandent alors une aide financière aux membres du conseil. La participation fait partie de l'engagement pris par CASA, mais il faut aussi remplir un chèque au besoin. Bien sûr, les ONG ne peuvent habituellement pas remplir de chèques, mais elles contribuent énormément en heures de bénévolat.

Dans le cadre du processus consensuel, nous cherchons un accord, mais aussi que les membres soient satisfaits et que l'aboutissement réponde à leurs besoins fondamentaux. Tous les membres ont une voix égale autour de la table, n'importe lequel peut empêcher un consensus.

CASA suit un principe important et peut-être unique, chaque secteur, chaque intervenant nomme ses propres représentants. Je crois que c'est un atout important à la crédibilité de tout le processus.

C'est une image miniature de l'organisation.

Je passe la parole à John Donner qui parlera un peu plus de la philosophie de CASA et aussi de certaines réussites.

M. John Donner, membre suppléant représentant le ministère de l'Environnement de l'Alberta, Clean Air Strategic Alliance : L'énoncé de mission de CASA est que Clean Air Strategic Alliance est un partenariat — j'insiste sur le mot partenariat — qui a une responsabilité partagée. Le fait que le gouvernement partage la responsabilité avec des intervenants pour élaborer le plan stratégique est un facteur essentiel. La responsabilité est partagée parmi les membres, y compris le gouvernement de l'Alberta, dans le cadre d'une planification stratégique et une évaluation de la qualité de l'air dans l'Alberta au moyen d'un processus de collaboration.

La collaboration, le partenariat, la responsabilité partagée et la planification stratégique sont vraiment les caractéristiques qui, selon nous, font de CASA une organisation unique en son genre. Pour preuve, le fait qu'un ancien ministre s'est engagé à défendre les recommandations consensuelles de CASA au cabinet. Évidemment, il ne pouvait pas forcer le cabinet, mais il s'était engagé à présenter les recommandations telles qu'elles étaient et à les défendre.

Quand l'industrie, les organisations non gouvernementales et les représentants du gouvernement se mettent d'accord sur quelque chose, on peut approcher les décideurs politiques avec beaucoup d'assurance pour leur dire : Voici une solution à la fois innovatrice et fait l'objet d'un consensus.

Les partenaires se servent du consensus et l'accent est mis sur les solutions innovatrices en commençant à un niveau élevé de résolution de problèmes, pas en adoptant une position ferme, mais en se fondant sur les intérêts et les objectifs communs qui peuvent être poursuivis.

Quand il y a un consensus, les solutions sont durables, applicables et appuyées par tous les intervenants.

Les contributions du gouvernement suscitent d'autres contributions. Vous avez posé une question sur le financement. Nous finançons l'essentiel, mais nous constatons ensuite l'effort incroyable, pas seulement en termes de fonds versés par l'industrie, mais en participation égale des secteurs non gouvernementaux et de l'industrie, et bien sûr d'autres intervenants du gouvernement.

Six représentants de gouvernement sont présents, y compris trois du gouvernement de l'Alberta et on vous a dit qu'ils étaient des ministères de l'Énergie, de l'Environnement et de la Santé. Environnement Canada participe au conseil et il y a des représentants de nos deux associations municipales.

Nous avons accompli un certain nombre de réalisations sur plus de 10 ans — la gestion des émissions issues du smog, c'est-à-dire des particules fines et l'ozone; d'importantes réductions au niveau du brûlage à la torche et des mises à l'air libre. Nous avons réduit de 70 p. 100 le brûlage à la torche depuis 1996 et de 38 p. 100 les mises à l'air libre depuis 2000.

Les réductions des émissions des véhicules font l'objet d'études. Nous estimons que CASA est l'un de nos éléments clés pour garder propres les zones non polluées, ce qui est notre engagement conformément aux ententes nationales.

Nous croyons fermement à la responsabilité partagée, à l'entente concernant les objectifs que nous poursuivons et à la recherche de partenaires pour appliquer les solutions. Voilà la façon dont fonctionne CASA.

CASA ne s'occupe pas de l'application, CASA n'est pas un exécutant, c'est une organisation qui propose des solutions et des recommandations; sa force est d'engager des intervenants pour exécuter ces recommandations et en tirer des avantages.

L'accent n'est pas mis seulement sur le gouvernement de l'Alberta, il est mis sur les intervenants en mesure d'appliquer les actions décidées par l'ensemble des intervenants.

Mme Linda F. Duncan, membre suppléant représentant la Lake Wabamun Enhancement and Protection Association, Clean Air Strategic Alliance : Merci.

On m'a demandé de venir ici en tant que représentante de l'une des organisations publiques et non gouvernementales membres de CASA. Je suis même un peu plus que cela, car notre groupe se considère comme une organisation communautaire de base contrairement aux ONG plus grandes.

Je veux vous parler un peu de moi puis de ma participation à l'une des initiatives particulières de CASA afin de vous expliquer la raison pour laquelle autant de personnes tiennent tant à CASA. Je fais cette introduction car j'étais l'une des septiques quand je suis entrée au conseil d'administration; il y a environ quatre ans que je suis membre. Comme beaucoup d'autres personnes, j'étais très active et j'ai consacré littéralement des milliers d'heures de bénévolat à la stratégie pour la gestion des émissions des centrales alimentées au charbon en Alberta.

J'ai une expérience de 30 ans en tant que juriste spécialiste des questions d'environnement. J'ai travaillé pour des organismes judiciaires non gouvernementaux, mais j'ai aussi occupé le poste de chef de la gestion de l'application de la loi pour Environnement Canada. J'ai aussi été responsable de la Division de la coopération en matière de droit et d'applications des lois pour la Commission de coopération dans le domaine de l'environnement à Montréal pendant quatre ans. J'étais sous-ministre des Ressources pour le Yukon.

J'ai été consultant international au Bangladesh et en Indonésie où j'ai participé à l'élaboration des régimes d'application des lois dans le domaine de l'environnement. Je suis aujourd'hui vice-présidente du Sierra Legal Defence Fund et je suis aussi membre du conseil d'administration d'un autre groupe, le Conseil canadien des ressources humaines de l'industrie de l'environnement.

En passant, je vous invite à les rencontrer si vous avez l'occasion, car ils comptent parmi leurs projets l'élaboration d'une certification technique pour les techniciens de l'eau.

J'ai pensé à vous passer cette information quand vous parliez avec Steve Hrudey. Je serais heureuse de vous donner plus de renseignements à leur sujet.

Le président : Nous vous en serions très reconnaissants.

Mme Duncan : J'ai été invitée car je suis l'un des membres non gouvernementaux du conseil d'administration de CASA. Quand je suis devenue membre du conseil, j'étais la représentante de la direction d'une petite organisation communautaire d'environ 400 familles qui tenaient à protéger le lac Wabamun. Nous étions surtout préoccupés par les centrales à charbon et les mines de charbon toujours grandissantes et nous ne pouvions pas trouver un lien plus direct entre la qualité de l'air, l'utilisation à des fins récréatives, la pollution de l'air et la production d'énergie en Alberta.

J'aimerais vous faire part d'un des succès considérables, subventionnés par CASA, auquel j'ai eu la chance de participer, tout comme M. Donner. Il s'agit de la gestion des émissions des centrales à charbon dans l'atmosphère en Alberta. Au Canada, l'industrie à charbon est un sujet de préoccupation pour le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. C'est la plus grande source de mercure industrielle qui existe encore au Canada et qui constitue plus de 40 p. 100 du mercure au pays, et 80 p. 100 ou plus seulement pour l'Alberta.

C'est le plus grand producteur d'émissions d'oxyde nitreux et de dioxyde de soufre; cette industrie produit des émissions de gaz à effet de serre, des particules et d'autres métaux lourds. Inutile de dire que c'était une question très litigieuse. Il y a eu beaucoup d'avis au sujet des approbations concernant l'expansion de l'industrie. L'ancien ministre de l'Environnement mentionné par M. Donner a approché CASA pour demander, et c'est tout à son honneur, si le public, l'industrie et les représentants du gouvernement accepteraient d'étudier de nouvelles façons de gérer les émissions dans l'atmosphère.

Un travail intensif de deux ans et demi a abouti à un rapport consensuel et nous avons un projet de contrôle des émissions de mercure et d'autres métaux lourds, des particules fines, du dioxyde de soufre et d'oxyde nitreux. Nous avons aussi abordé des questions très litigieuses telles que les gaz à effet de serre et les mesures incitatives pour les énergies renouvelables. Ces deux dernières questions font encore l'objet de discussions, mais un travail d'avant-garde a été fait pour décider ce que pourrait faire le secteur pour gérer les gaz à effet de serre.

Le forum était unique en son genre. Il était complètement ouvert et transparent. Toutes les questions que l'industrie et le gouvernement se proposent d'étudier ont été discutées. Toutes les parties ont participé à la sélection des experts- conseils que nous recruterons. Nous avions fait beaucoup de modélisation pour les coûts, pour améliorer les contrôles de ces polluants, en présence du public, et choisir les termes de référence et les experts-conseils qui seront recrutés.

Comme l'a mentionné M. Donner, ce genre de processus a abouti à un incroyable soutien. Je ne veux pas vous induire en erreur, il y a eu des débats animés, beaucoup d'arguments, mais le forum de CASA ne découle pas d'un processus particulier, et c'est cela qui est formidable. CASA existe depuis plus de 10 ans et a un secrétariat à temps plein, payé et très efficace. Nous sommes soutenus un peu partout tout le temps dans les coulisses, par l'organisation de rencontres, la conclusion de contrats avec les experts-conseils et ainsi de suite.

En fin de compte, tous les intervenants avaient une voix égale à la table et ont eu accès aux données de coûts techniques et scientifiques.

En dernière analyse, quand nous établissons les prévisions pour toutes ces matières pour les prochains 25 ans, tout le monde a pu se prononcer et l'accord n'a été conclu que lorsque toutes les parties se sont mises d'accord.

Je pense que c'est un processus fabuleux. Je ne pense pas que le processus consensuel soit approprié à tout, mais pour des choses tel que l'établissement des normes, c'est la voie à suivre. J'aimerais fortement recommander au Sénat une étude plus approfondie du processus, surtout parce que le gouvernement fédéral examine les conseils sectoriels.

Le genre de résultats issus de nos travaux assurent une certitude à long terme pour l'industrie et assurent aux citoyens que leurs préoccupations seront dorénavant prises en compte. Nous ferons aussi, tous les cinq ans, un examen multipartite des nouvelles technologies et une étude pour déterminer si les normes devraient être améliorées ou non pour les projets futurs. Nous avons aussi établi un mécanisme unique pour les points chauds. C'est un processus qui vaut la peine d'être examiné.

Le document unique que nous avons rédigé a été, comme l'a mentionné M. Donner, présenté par le ministre au Cabinet qui l'a adopté.

CASA s'attaque à beaucoup d'autres questions très litigieuses. Les parcs d'engraissement et la pollution de l'air qui en émane, les émissions des véhicules, un travail innovateur continu dans ce domaine; les effets de la pollution de l'air sur la santé des êtres humains et des animaux, une question très litigieuse en Alberta. CASA est un forum crédible ouvert à tout le monde.

Au fur et à mesure des nombreuses questions que nous étudions, nous changeons la composition des membres. Les membres individuels de la collectivité peuvent se présenter et donner les raisons pour lesquelles ils devraient aussi faire partie de l'équipe. Ce qui est fascinant, c'est qu'il n'y pas seulement que les personnes que l'on attendrait habituellement.

Selon mon expérience de plus de 30 ans dans ce domaine, nous ne faisons plus aussi bien les consultations publiques. Je pense qu'il est important de s'assurer de surveiller de façon permanente les processus établis au niveau fédéral et provincial, et s'assurer que la décision du gouvernement traduit le sentiment des personnes concernées. Le processus de CASA le fait d'une façon unique.

Le président : Merci. C'est exactement, du moins en partie, la raison pour laquelle nous sommes ici comme le disait Fred Allen.

M. Donner : Pourrais-je faire deux ou trois remarques de la part de ma collègue absente?

Le président : Certainement.

M. Donner : Les représentants de CASA voyagent toujours en groupe de trois personnes au moins, habituellement quatre, ce qui montre combien nous tenons au consensus des trois parties intéressées. Vous verrez presque toujours une ONG, un gouvernement et une personne de l'industrie ensemble. Malheureusement, la personne représentant l'industrie n'a pas pu venir.

Je tiens à souligner ce point et dire simplement que la prise de décisions est fondée sur la réalisation d'objectifs environnementaux et économiques, ce qui représente une myriade d'intérêts.

Nous nous concentrons sur le bassin atmosphérique, c'est-à-dire surveiller des informations par le biais d'une approche sur place, régionale ou communautaire, en faisant appel à tous les intervenants pour identifier le mécanisme de surveillance et aussi permettre à ce groupe de prendre des mesures pour améliorer la qualité de l'air local.

C'est le résultat de la consultation, mentionnée par Mme Tringley, visant à élaborer la stratégie d'un air propre. Au lieu de ne surveiller que les cheminées, l'industrie commence à surveiller les collectivités et à élargir notre capacité de mesure de la qualité de l'air ambiant au niveau de la collectivité en rationalisant l'économie pour éviter des dédoublements ou des lacunes.

Je veux souligner que cette approche du bassin atmosphérique offerte par CASA a un autre aspect, elle réunit aujourd'hui six partenariats et nous essayons d'en avoir plus.

Nous en avons un dans le bassin atmosphérique de la Wood Buffalo Environmental Association, dans la région de Fort McMurray; dans la zone du bassin atmosphérique Peach, dans la région de Grande Prairie; dans le centre ouest, qui est dans la région de Hinton, Jasper; dans la Parkland Airshed Management Zone, au centre; à et Palliser et Fort Air. Ce sont tous des regroupements de l'industrie locale, de groupes environnementaux et de représentants des gouvernements pour surveiller l'air et commencer à définir leurs propres priorités en matière de gestion de la qualité de l'air. C'est un autre niveau, ou palier, du processus de la CASA.

Le président : Est-ce que ces bassins atmosphériques dont vous avez parlé sont un effet météorologique, ou des bassins géographiques arbitraires?

M. Donner : Ils sont définis par des communautés d'intérêt de bonne volonté. Nous avons eu pas mal de discussions, à la CASA, pour nous assurer d'avoir une participation globale, générale, mais tout part d'un effort pour y engager l'industrie, les collectivités d'une région, et ce sont eux qui commencent à regarder qu'est-ce qui est importé, ce qui est auto généré, quels sont les impacts en aval.

Le président : Merci beaucoup à tous. Nous allons maintenant entreprendre le débat, et j'espère qu'il sera intéressant pour tous.

Le sénateur Milne : Madame Tingley, je ne veux pas de liste précise des intervenants de la CASA, mais j'aimerais bien avoir une idée de qui ils sont et d'où vient leur financement.

Mme Tingley : Je vais vous parler un peu de notre théorie sur les activités des intervenants. Nous voulons avoir à la table tout le monde qui a un intérêt pour le résultat, et cela veut dire quiconque peut conclure ou faire échouer une entente quelconque.

Nous avons un conseil d'administration, et bien entendu, nous ne pouvons pas constamment changer les membres du conseil d'administration selon le sujet étudié. Par conséquent, lorsque l'organisation a été mise sur pied, les gens de l'époque — je n'y étais pas — ont défini les organisations qui, selon eux, auraient un intérêt pour la qualité de l'air future, et ils en ont très bien jugé, à mon avis.

Ce sont, en nombres à peu près égaux, des membres de l'industrie, du gouvernement et des ONG. Du côté du gouvernement, il y a trois ministères provinciaux, comme vous l'avez entendu, Environnement Canada et deux administrations municipales. Du côté de l'industrie, Barbara Korol représente les fabricants de produits chimiques, mais l'Association canadienne de producteurs pétroliers, les petits producteurs, les secteurs forestier, agricole, minier et des services publics sont tous représentés. Du côté des ONG, il y a des organisations qui se préoccupent des questions de pollution, d'autres qui s'occupent de la faune, d'enjeux touchant les consommateurs et de questions de santé. C'est l'éventail des intérêts représentés au conseil d'administration.

Lorsque nous mettons sur pied une équipe de projet pour étudier une question — nous nous organisons pas mal en fonction des enjeux — nous pouvons partir des principes de base et demander qui devrait être à la table pour en traiter de manière efficace. Il y aura des gens représentant les intérêts du conseil d'administration, mais d'autres aussi.

Nous avons entamé des travaux, par exemple sur l'élevage intensif du bétail. Nous nous sommes adressés au secteur agricole en général, pour nous assurer qu'il soit représenté à la table, et aussi aux groupes de protection de l'environnement, aux groupes municipaux locaux, etc.

Pour ce qui est du total des participants à toutes nos équipes de projet, c'est de l'ordre de 200 à 300.

C'est le gros groupe des intervenants. Le conseil d'administration a 20 membres et 20 substituts.

Vous avez posé une question sur le financement. Le budget de base, cette année, se chiffre à 780 000 dollars, et comme je l'ai dit tout à l'heure, ce montant provient à parts assez égales de contributions des ministères de l'Énergie et de l'Environnement, ainsi que de la Santé et du Bien-être de l'Alberta.

Le sénateur Milne : C'est donc généralement un financement public?

Mme Tingley : C'est un financement public pour les activités de base. Ensuite, si les équipes de projet ont besoin de fonds additionnels pour faire des travaux particuliers qu'elles aimeraient entreprendre, elles s'adressent à leurs participants pour obtenir un financement, qui peut venir de l'industrie et du gouvernement, de façon générale.

Dans les travaux dont parlait Linda Duncan, sur l'électricité, nous avons fait beaucoup de modélisation économétrique. En fait, cela a été assez coûteux, au bout du compte — plus de 100 000 dollars.

Le gouvernement et l'industrie ont versé d'assez gros montants pour que ce travail soit fait.

Le sénateur Milne : Vous êtes aussi financé par l'industrie, alors?

Mme Tingley : Oui.

Le président : Par projet?

Mme Tingley : Par projet; le financement de base vient du gouvernement provincial.

Le sénateur Milne : Quand vous avez un certain projet ou un problème que vous examinez, et tous les intervenants fonctionnement par consensus, comment pouvez-vous vous assurer de ne pas aboutir à une solution qui soit le dénominateur commun le plus faible?

C'est toujours ce qui m'inquiète avec les consensus. Nous pourrions parler de l'accord de Kyoto, qui est fondé sur un consensus. À moins que le gouvernement dise « Voici ce que vous ferez », l'industrie ne bougera pas, alors je me méfie toujours un peu des activités fondées sur un consensus.

Mme Duncan : Mme Tingley me laisse répondre, parce que je suis probablement plus en mesure de répondre à cela, étant donné que c'est justement une préoccupation de ma circonscription. C'était l'une de mes principales craintes, au sujet du processus de la CASA. Très franchement, c'est l'une de mes grandes préoccupations relativement à bien des processus fondés sur le consensus.

Je pense, toutefois, que les membres du conseil d'administration de la CASA, le gouvernement, l'industrie et le public, ont été très prudents dans le choix des enjeux qu'ils présentent à la CASA, et il y a aussi des règles de base très claires. Je peux vous assurer que les représentants du public n'accepteront pas de dénominateur commun le plus faible.

La raison pour laquelle nous avons pu faire des progrès, c'est que le gouvernement y est un membre actif. En passant, j'avais eu l'intention de mentionner que, dans le cas des normes relatives à l'air pour le secteur de l'électricité, le gouvernement fédéral y participe aussi, et les administrations municipales participent à bon nombre de nos groupes de travail. Ce n'est pas seulement qu'un forum pour le gouvernement provincial, tout le monde s'y met et participe activement.

Le gouvernement envoie un message très clair que ceci est une tribune, et qu'il ne faut pas penser pouvoir s'en sortir avec des normes moindres ou en prenant la voie la plus facile, en ne faisant pas tout le processus. Si on accepte de venir à la table et on convient de discuter d'une question, tout le monde doit en prendre et en laisser.

Il y a aussi la responsabilité des membres de joindre le geste à la parole. C'est une caractéristique unique, selon moi, du processus de la CASA. Ce n'est pas seulement que ce genre de consultation où tout le monde dit son mot et le gouvernement s'en va et prend une décision, point final.

Si vous avez vu notre rapport au sujet de l'électricité, vous avez dû constater que nous avons fixé des échéances pour la mise en oeuvre de chaque élément, prévu la possibilité de faire un suivi et un examen minutieux et, lorsque des nouveaux renseignements ont été disponibles, de pousser la démarche un peu plus loin.

Ce n'est pas perçu comme une fin, mais à bien des égards comme un processus continu.

Le sénateur Milne : Il y a donc un suivi; vous mesurez les résultats pour voir si l'industrie et le gouvernement, ainsi que tous les intervenants, respectent l'accord auquel ils sont parvenus par consensus?

Mme Duncan : Absolument. Je peux vous garantir que les représentants, particulièrement les membres du public, viennent constamment voir le conseil d'administration pour dire « Et qu'en est-il de cette entente que nous avons conclue? »

Le sénateur Milne : Et qu'en est-il de vos voisins du lac Wabamun?

Mme Duncan : Je peux vous assurer qu'il y a constamment des activités de consultation et de rayonnement.

M. Donner : J'aimerais dire deux choses. L'une concerne votre question originale, au sujet du consensus menant à un dénominateur commun le plus faible. « Consensus » est un terme populaire. Il a un sens très particulier au sein de la CASA. Il signifie qu'on peut se satisfaire du résultat, et pas nécessairement qu'on aime le résultat ou qu'il nous donne ce qu'on veut, mais qu'on peut l'accepter.

Il y a aussi une discipline dans l'atteinte d'un consensus; nous voulons le consensus. Si on ne peut l'atteindre, on documente les différences et on transmet le dossier au palier supérieur du processus décisionnel.

Il existe un processus qui contribue à faire avancer le processus décisionnel.

Le sénateur Milne : Et quel est le palier supérieur du processus décisionnel?

M. Donner : Le premier palier de décision est celui de l'équipe de projet, ensuite c'est le conseil d'administration, et ensuite quiconque est saisi du dossier, souvent le gouvernement.

Il y a un processus de progression. Rien n'est bloqué par une recherche sans fin d'un consensus.

Vous avez aussi posé une question au sujet du suivi. Dans certains cas, nous avons des équipes de mise en œuvre qui font le suivi de la mise en œuvre. Dans d'autres cas, nous avons une mesure de rendement qui suit, une année sur l'autre, ce qu'étaient les recommandations, le pourcentage de mise en œuvre et, au besoin, ce qu'il convient de faire; ou encore pour déterminer si les recommandations ont été abandonnées ou sont encore tenues en compte.

Le président : Qui décide de ce que vous devez regarder? Est-ce que la CASA peut décider?

M. Donner : Une décision est prise dans le cadre du processus de la CASA. Nous avons un système de classement de la prise de décision, qui détermine si c'est approprié pour la CASA — c'est appelé le système CAM — et qui réunit un groupe de travail multidisciplinaire pour définir le mandat et la portée de la question, et ensuite on passe à l'étape de l'équipe de projet.

Dans chaque cas, tout dépend de l'intérêt des intervenants pour la question, et du budget assigné à son étude. Dans un certain sens, ce sont des intervenants qui votent en offrant leur temps et leurs ressources.

L CASA est ouverte aux déclarations de possibilité et il y a aussi, je pense, tous les trois ans, une occasion pour les membres de la CASA de faire un examen et de dire « Il y a des questions qui ne reçoivent pas d'attention ».

Le sénateur Milne : Est-ce que la CASA a pris position, quelle qu'elle soit, en ce qui concerne l'utilité des systèmes d'échange de droits d'émissions pour réduire la pollution atmosphérique?

Mme Duncan : L'Alliance s'y intéresse vivement. De fait, l'une des questions dont notre équipe de la CASA a été saisie par le ministre de l'Environnement visait l'offre de conseils et d'avis sur l'élaboration d'un programme d'échange de droits d'émissions pour le secteur de l'électricité. Au bout du compte, cela a été une très vaste composante de ce que nous avons présenté.

Le ministre a dit qu'il voulait des idées et des concepts nouveaux, novateurs, sur la manière dont nous pourrions faire avancer le programme de protection de l'environnement, mais aussi qu'on examine l'efficacité par rapport aux coûts, et cetera.

En fin de compte, notre rapport présentait une combinaison d'outils de gestion. Par exemple, il y avait des recommandations visant l'adoption d'une approche plus réglementaire relativement au mercure; c'est donnant donnant. Les représentants du public, qui s'en méfiaient beaucoup, on dit d'accord, nous sommes prêts à faire l'essai pour NOx et SOx, à condition que nous adoptions une approche réglementaire au sujet du mercure, et qu'il n'y ait pas d'échanges.

De fait, il y a des recommandations spécifiques sur tout le cadre d'échange des droits d'émissions et la manière dont il pourrait s'appliquer à tout le secteur, et un tableau que nous avons conçu, qu'a pris en charge le ministère, à l'étape de la mise en œuvre.

Le sénateur Milne : Avons-nous ce rapport?

M. Donner : Je ne le pense pas. Il est assez volumineux.

Le sénateur Milne : Il pourrait être utile que nous en ayons un exemplaire.

M. Donner : Puis-je ajouter quelque chose, puisque c'est sous ma responsabilité que nous allons de l'avant avec la mise en œuvre?

Tout d'abord, pour insister là-dessus, c'est à propos de SOx et NOx, pour l'électricité — les oxydes de soufre et d'azote.

C'était une recommandation qui visait particulièrement le secteur de l'électricité. Notre ambition, en tant que ministère, est de déterminer comment nous pouvons élargir cela et avoir des directives explicites pour que mon ministère puisse aller de l'avant de façon énergique.

Le sénateur Milne : C'est très encourageant.

Nous avons entendu à plusieurs reprises depuis quelques jours, particulièrement ce matin, que le Protocole de Kyoto va saper la compétitivité internationale de l'Alberta et du secteur du pétrole et du gaz. La position du ministre Dion, actuellement, c'est que le Protocole de Kyoto présente une bonne occasion pour les compagnies d'améliorer leurs processus. De quel côté de ce débat se situe la CASA, et quelles mesures ont déjà pris les industries de l'Alberta pour réduire les émissions de gaz à effets de serre? Parce que je sais qu'elles en ont pris.

M. Donner : Il me semble qu'il y a deux questions.

Le sénateur Milne : Oui.

M. Donner : Tout d'abord, la CASA ne s'est pas penchée sur la question du changement climatique en général. Les discussions les plus récentes que la CASA a tenues ont entouré, comme l'a dit Mme Duncan, la stratégie sur les gaz à effet de serre pour le secteur de l'électricité.

L'Alliance a élaboré une méthode assez créative d'examen de la question, sous l'angle de la capacité du secteur de faire des réductions, le genre de normes qu'on pourrait imposer aux nouvelles centrales, le genre d'obligations générales de réductions qu'on pourrait imposer aux centrales existantes et le genre d'instruments flexibles qu'on pourrait mettre en place pour parvenir à ces objectifs de réduction.

La CASA ne pourrait pas présenter des chiffres sur chaque aspect, parce que c'est une série d'enjeux interreliés, et tout dépendait évidemment de décisions du gouvernement de l'Alberta, du gouvernement fédéral. Par conséquent, la CASA n'a pas émis d'avis sur les niveaux spécifiques, mais a tout de même élaboré un cadre de travail, qui est à mon avis très créatif.

L'Alliance n'a pas fait de suivi des mesures que prenait l'industrie en tant que telles. Si je devais faire un commentaire, ce serait ad hominem, il ne concernerait pas la CASA, alors peut-être devrais-je m'en abstenir.

De notre point de vue, l'industrie, en Alberta, a pris la tête du mouvement de réaction au changement climatique, si on regarde les degrés de réduction de l'intensité qu'elle affiche et certains autres éléments, mais il reste certainement encore à déterminer ce qu'il faut faire de plus.

Lorsque la CASA s'est intéressée à la question, elle l'a située dans le contexte d'un secteur particulier, et du genre d'exigences qui encourageraient ce type d'amélioration continue. J'essaie de faire la distinction entre ce que la CASA dirait et ce que d'autres pourraient dire au nom du ministère.

Le sénateur Buchanan : Je voudrais faire un commentaire sur le consensus. Le terme « consensus » a vraiment fait surface depuis quelques années, et le concept est valable, cela ne fait aucun doute.

Par exemple, le fonctionnement des gouvernements s'appuie sur le consensus. Au Cabinet, nous fonctionnons par consensus. Le premier ministre détermine le consensus, mais ce n'est pas une dictature, c'est un consensus.

Permettez-moi de vous donner un autre bon exemple du consensus.

Le sénateur Spivak : Mais c'est de la dictature.

Le sénateur Buchanan : Non, absolument pas. Savez-vous que le consensus le plus célèbre qu'il y ait eu au Canada date de 1981, lorsque le premier ministre a dit : « Vous savez quoi? Vous tous, les premiers ministres, vous n'êtes qu'un groupe de représentants municipaux et je n'ai pas à vous écouter ». Il va à Londres et il dit à la Chambre des Lords, la Chambre des communes « Je veux rapatrier la Constitution; je veux la Loi constitutionnelle sans les gouvernements provinciaux ». Ils ont dit « Nous n'allons pas nous en mêler. Rentrez chez vous et réglez cela ».

Il est revenu ici et il a dit « Je vais y arriver, que vous soyez d'accord ou non ». Huit d'entre nous avons demandé à la Cour suprême du Canada d'intervenir. La Cour, dans ce célèbre arrêté, a dit, « Monsieur Trudeau, vous ne pouvez pas faire cela. Il doit y avoir un consensus entre les provinces du Canada ». Linda Duncan s'en rappellera peut-être.

Le sénateur Milne : Est-ce une question?

Le sénateur Buchanan : Non, ce n'est qu'une observation.

Linda Duncan, j'aimerais vous poser une question maintenant. Je sais d'où vous venez. J'ai abordé cela avec Elizabeth May, j'en ai discuté avec elle. Même David Suzuki m'a qualifié de dinosaure parce que nous avons osé construire une autre centrale au charbon en Nouvelle-Écosse. Je voudrais simplement lui poser la question suivante : « David, quels autres choix avons-nous? » Je dis à Elizabeth May, « Quels choix avons-nous? ».

Nous avons généré 70 p. 100 de notre électricité avec le charbon, en Nouvelle-Écosse. Je vous pose la question suivante : Quels sont les autres choix que le charbon pour générer l'électricité?

Mme Duncan : En fait, j'ai eu l'honneur d'enseigner à Dalhousie pendant un certain temps, moi aussi, alors j'ai un lien avec votre province.

Je ne pense pas que ce soit tellement les autres choix pour produire l'électricité qu'une façon différente d'examiner comment nous allons produire l'électricité tout en protégeant l'environnement.

Le sénateur Buchanan : C'est ce que je veux dire.

Mme Duncan : Plusieurs gouvernements, y compris le nôtre, ici, en Alberta, affirment être déterminés à assainir les technologies du charbon épuré. Certains d'entre nous pensons que les choses ne vont pas assez vite, qu'on n'investit pas assez d'argent. Cependant, c'est en partie ce que nous avons fait, dans le processus de la CASA. Je siège aussi au comité sur le contrôle du mercure émanant de l'industrie alimentée au charbon. Par les deux processus, nous avons pu examiner toute la recherche sur le développement de la technologie.

Le rôle du gouvernement — et vous représentez, au Sénat, une partie de notre gouvernement — est de stimuler les progrès en prenant fermement position pour assurer la protection de l'environnement pour le public et réglementer les substances qui peuvent lui être nocives. L'industrie, le sondage KPMG, tous les sondages des directeurs de l'industrie répondent, à la question de savoir quand ils vont décider d'investir dans la protection de l'environnement, « eh bien ce sera quand le gouvernement adoptera un règlement nous obligeant à nous intéresser à une autre technologie ».

Je ne pense pas qu'il s'agisse tellement de nous attaquer à l'industrie nucléaire, à l'industrie alimentée au charbon ou à toute autre. Tous ceux-là qui font de l'argent en fournissant des services au public ont une obligation de s'assurer de les offrir de la manière la plus sécuritaire possible.

L'obligation du gouvernement est de leur serrer la vis et de dire « Si vous voulez rester dans un marché compétitif d'offre d'électricité et d'autres énergies au public, vous devez aussi chercher le moyen le moins nuisible à l'environnement de le faire, et en même temps, faire que ce soit efficace par rapport aux coûts ».

Il existe beaucoup de technologies, maintenant, et c'est tout simplement la responsabilité du gouvernement de s'assurer que ce soit fait proprement.

Le sénateur Buchanan : Nous avons examiné toutes les technologies. Permettez-moi de vous dire une chose. Nous avons décidé non seulement de réduire le SO2, mais de l'éliminer. Et nous l'avons fait. Nous avons construit notre première centrale au charbon à lit fluidisé au Canada. Elle a ouvert ses portes il y a 14 ans.

Et vous savez quoi? Du moment où elle a été ouverte, David Suzuki et Elizabeth May sont venus à Cap Breton crier haro sur le baudet pour avoir osé ouvrir une autre centrale au charbon, même s'ils avaient eux-mêmes parlé de la technologie du charbon épuré, celle que nous avons adoptée — la technologie du lit fluidisé. M. Suzuki m'a qualifié de dinosaure pour avoir osé construire cette centrale.

Je lui ai demandé « Que voudriez-vous que nous construisions? » Il a répondu « Ne construisez pas ». J'ai dit « Et que pouvons-nous faire? » « Construisez des génératrices éoliennes ». Voilà qui est intéressant. Tout d'abord, quelqu'un m'a dit un jour « le seul grand vent qu'on puisse avoir à Halifax est produit par l'assemblée législative » mais cela ne générerait pas beaucoup d'électricité.

Là où je veux en venir, c'est qu'on peut utiliser toutes sortes de technologies employant le charbon épuré, mais on se fera encore condamner pour l'utilisation du charbon, parce que nous l'avons essayé. Dans notre centrale au lit fluidisé, nous employons un charbon chimiquement épuré dans nos génératrices, et nous nous faisons tout de même condamner pour cela.

Alors que pouvons-nous faire? Nous dirons « Nous allons jeter aux orties nos centrales au charbon de 1 600 mégawats et brûler du gaz naturel? » Tout d'abord, nous n'avons pas assez de gaz naturel. Nous en avons, mais pas assez. Deuxièmement, c'est trop cher à convertir. Troisièmement, est-ce que nous pouvons employer l'énergie éolienne? Nous n'avons pas assez de vent. Nous n'avons que trois régions, en Nouvelle-Écosse, qui pourraient en générer un peu. Même cela serait très coûteux. Par conséquent, que pouvons-nous faire?

Disons-nous aux gens « Écoutez, nous allons tout doucement adopter d'autres méthodes pour produire de l'électricité, mais cela vous coûtera cher »? Les tarifs de l'électricité augmenteront. Boom, ils montent en flèche. Il n'y a pas un politicien en Nouvelle-Écosse qui se ferait réélire. Vous dites « tant pis ». Qui pourrait être réélu? Personne. Dans le monde réel, il faut être élu, puis réélu.

Le président : Sénateurs, il serait bon que nous posions des questions spécifiques aux témoins plutôt que des questions rhétoriques.

Le sénateur Buchanan : Je n'ai jamais posé de question rhétorique.

J'aimerais seulement savoir ce que nous devrions faire dans une province comme la Nouvelle-Écosse? Maintenant, ici, en Alberta, vous pouvez dire « Oh, vous avez tellement de gaz naturel et d'autres moyens ». Cependant, pas nous, alors que sommes-nous censés faire?

Mme Duncan : Sénateur, tout ce que je peux recommander, c'est que la Nouvelle-Écosse, et d'autres endroits qui ont des centrales alimentées au charbon ou à l'énergie nucléaire, et le gouvernement fédéral tiennent des tribunes comme celle de l'examen qu'a fait la CASA, comme en Alberta, parce que ce n'est qu'en faisant un examen auquel participent de nombreux intervenants qu'on peut avoir la participation des compétiteurs contentieux. Peut-être suis-je l'Elizabeth May de l'Alberta.

Les gens accepteront un processus qui est crédible; ils n'accepteront pas quelque chose qui ne l'est pas. Il n'y a pas de solution miracle.

J'aimerais vous faire part des coûts de notre démarche.

Le sénateur Buchanan : Votre scénario est loin du monde réel de la politique.

Le président : Mais c'est ce qui se fait ici.

Le sénateur Buchanan : Je ne le pense pas. J'ai entendu ce que disait le ministre ce matin aussi.

Je voulais seulement exprimer mon avis, comme toujours.

Mme Duncan : Nous avons prouvé, dans notre modélisation, que les technologies que nous recommandons sont abordables. Cela faisait partie du processus.

Le sénateur Spivak : J'ai un bref commentaire à faire, parce que je pense que ce que vous avez découvert, ici, et je tiens à vous en féliciter, est un moyen de canaliser les gens qui, souvent, n'ont aucune tribune où s'exprimer et qui ne savent pas comment s'opposer à des choses qui nuisent à leur existence même.

J'ai deux questions à vous poser. Je dois aussi dire qu'il est possible de faire des changements, parce qu'il suffit de penser au secteur forestier et à la manière dont il a dû modifier ses processus qui tuaient tous les poissons; il l'a fait.

Quelle est votre plus grande priorité, dans les questions relatives à la qualité de l'air? Est-ce que c'est la question des exploitations d'élevage?

Deuxièmement, lorsque vous examiniez le secteur de la production énergétique, je suppose que vous ne vous êtes pas concentrés sur le CO2, parce que ce n'est qu'indirectement un enjeu lié à la santé. Ou l'avez-vous fait?

Mme Tingley : Il est certain que les exploitations d'élevage confiné sont notre plus grande préoccupation ces derniers temps. Nous travaillons avec de nouveaux intervenants et nous en sommes à l'étape, actuellement, de cerner le problème. Nous avons d'autres nouveaux enjeux sur lesquels nous travaillons, la qualité de l'air intérieur, par exemple. Nous ne faisons que commencer là-dessus, et nous nous efforçons de circonscrire le problème.

Nous poursuivons les travaux que nous avions déjà entrepris, sur les sources d'énergie renouvelable et différentes, l'efficience énergétique et la conservation. La liste est longue.

M. Donner : Nous avons expressément demandé l'inclusion des gaz à effets de serre, du mercure et d'autres questions relatives à l'air. Nous cherchions une approche intégrée plutôt qu'une stratégie au cas par cas. Le rapport traitait en premier lieu de tout sauf les gaz à effet de serre, et ensuite, on est revenu un peu sur nos pas pour donner les conseils dont j'ai parlé, au sujet des gaz à effet de serre, y compris le CO2.

Le sénateur Spivak : C'est ainsi que vous cotez les problèmes que vous constatez en Alberta. Tout d'abord, les exploitations d'élevage, puis l'énergie — c'est ainsi que vous faites. C'est ainsi que vous établissez vos priorités, d'après ce qui, selon la population, sont les plus importants problèmes? C'est la question que je pose.

M. Donner : Dans le cadre de nos mesures du rendement, nous examinons les renseignements que nous avons sur la qualité de l'air. C'est intégré au processus de la CASA.

Auparavant, nous avons établi un cadre de travail pour la gestion d'une série d'émissions. Nous avons déjà créé un cadre pour composer avec les particules d'ozone. Ces démarches-là sont au stade de la mise en œuvre.

Nous faisons nos démarches, nous cernons un enjeu lié aux politiques, nous parvenons à une solution, nous faisons des recommandations et la mise en œuvre, et nous revenons périodiquement sur le sujet. L'autre façon de procéder, c'est par le processus des bassins atmosphériques, quand les gens peuvent cerner un problème particulier, ou ce qui peut être fait à son sujet.

Le sénateur Spivak : Dans ce cadre, quel genre d'échéancier envisagez-vous et quel genre de mesures pour les génératrices alimentées au charbon, pour réduire ces émissions?

Qu'avez-vous proposé au gouvernement en fait d'échéancier et de mesures?

Mme Duncan : Tout d'abord, la question de l'échéancier est intéressante, parce que plusieurs d'entre nous pensions qu'il n'y avait aucun moyen de régler cela dans le délai dont nous disposions. Cependant, ce qu'il y a de bon, avec l'échéance qu'a fixée la ministre pour la rétroaction, c'est qu'elle a vraiment poussé à atteindre un consensus. Au bout du compte, je pense qu'il nous a fallu repousser l'échéance d'au moins six mois, parce que c'était une tâche phénoménale que d'examiner toutes ces substances, dont beaucoup étaient très controversées.

Au sujet de l'échéancier de la mise en œuvre, l'engagement avait déjà été pris au Conseil canadien des ministres de l'Environnement, pour l'année 2010. Nous avons poussé le programme et obtenu un compromis de réalisation des objectifs, pour le mercure, d'ici à 2009. De fait, l'Alberta mérite bien des éloges, parce que nous sommes les chefs de file, parmi toutes les compétences territoriales, pour ce qui est de la mise en place de mesures de contrôle du mercure et de la production énergétique alimentée au charbon.

En ce qui concerne les NOx et SOx, c'est sur une période de 25 ans. À cela s'est ajouté le régime du secteur de l'électricité déréglementé, alors nous nous sommes butés aux obstacles que posaient ces accords d'achat d'énergie que vous aviez conclus.

En Alberta, il y a quelqu'un qui génère et quelqu'un qui vend de l'électricité, et il y avait des accords entre eux, alors il nous a fallu en tenir compte. C'était une question très litigieuse.

En dépit de cela, le gouvernement faisait pression sur nous pour que nous ne tentions pas de faire résilier les contrats entre les producteurs et les vendeurs d'électricité. En même temps, nous voulions avoir des mesures de contrôle en place le plus rapidement possible. Au bout du compte, le compromis a été la fin du cycle de vie de la centrale, ou 25 ans.

Je ne suis pas très douée en chiffres, cela dépendait de la substance. Le contrôle des particules est lié au contrôle du mercure, alors on peut supposer qu'il y aura des réductions des particules et, en même temps, nous avons les technologies pour réduire le mercure.

Encore une fois, comme je l'ai dit, il y a aussi l'examen qui sera fait tous les cinq ans. Par conséquent, s'il y a de nouvelles technologies et s'il semble qu'on peut aller plus loin avec les énergies renouvelables, etc., nous pourrons alors les examiner — n'importe qui dans l'industrie, le gouvernement et le public. Cependant, les centrales actuelles sont tenues à ces normes. Nous ne reviendrons pas à nouveau sur elles. Pour toutes nouvelles centrales, ce sera à discuter.

Le sénateur Adams : Dans l'article, on a parlé d'un changement dans la vélocité du vent depuis quelques années. Qu'est-ce qui arrive avec le vent et le mouvement de l'air, dans d'autres pays? Est-ce que votre organisation a quelque chose à y voir? C'est peut-être à Environnement Canada que je devrais poser cette question.

À Rankin Inlet, à un moment donné, nous avions mesuré des vents de 60 kilomètres heure. Maintenant, ils sont de l'ordre de 124 kilomètres heure. Est-ce que cela a quelque chose à voir avec le changement climatique ou avec l'excès de pollution? Qu'est-ce qui en est la cause?

M. Donner : Pour autant que je sache, nous ne faisons pas de surveillance météorologique. Nous ne saisissons pas ces données. Dans la mesure où nous nous intéressons à ce qui peut souffler sur les montagnes, pour évaluer les dépôts d'acide, par exemple, nous avons des modèles. Cependant, la vélocité du vent en tant que telle n'est pas un facteur qu'étudie la CASA.

Le sénateur Adams : Cela a quelque chose à voir avec le mouvement de l'air. Par exemple, quand il fait un temps frais, on me dit que des produits chimiques tombent dans notre région. Est-ce que c'est vrai?

Le président : Je pense que c'est une question d'ordre météorologique plutôt que sur la qualité de l'air. C'est de la qualité de l'air, mais le résultat est d'ordre météorologique.

Je remercie infiniment les témoins. Nous avons une longue liste de questions que nous n'avons pas eu l'occasion de vous poser. J'espère que vous nous permettrez de vous l'envoyer par lettre et que vous y répondrez, si vous le pouvez, par l'entremise du greffier de notre comité. J'espère que nous aurons la possibilité, d'une façon ou d'une autre de discuter encore avec vous, parce que vous avez été très utiles à nos diverses études, dont six sont en cours actuellement.

Nous vous remercions infiniment d'avoir généreusement offert de votre temps ce matin.

La séance est levée.


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