Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 12 - Témoignages du 14 avril 2005
OTTAWA, le jeudi 14 avril 2005
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles qui a été saisi du projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi de 1994 sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999), se réunit aujourd'hui à 8 h 5 afin d'examiner le projet de loi.
Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Mesdames et messieurs bonjour.
Honorables sénateurs et sénatrices, avant de pouvoir entendre nos invités, je crains que nous ne devions nous occuper de quelques questions internes. J'attire votre attention sur une lettre et sur le rapport de la Vérificatrice générale, documents qui se trouvent dans votre bureau. Veuillez en prendre connaissance parce que j'estime que nous devrons l'inviter à nous entretenir de cette question particulière, qui concerne le développement des ressources du Nord.
Je voudrais aussi attirer votre attention sur la liste provisoire des témoins concernant le projet de loi C-15. Nous proposons d'ajouter le nom de M. Tobin pour le 3 mai.
Le sénateur Cochrane : Nous aurons terminé nos travaux le 5 mai; du moins c'est la date prévue pour le moment.
Le président : Oui. J'attire également votre attention sur les renseignements que vous pouvez avoir reçus de M. Horrocks, de la Chambre internationale de la marine marchande. Il nous a envoyé des renseignements concernant l'Europe.
Nous avons plusieurs témoins à entendre ce matin. Je vous laisse la liberté d'établir l'ordre de présentation des exposés.
M. Peter J. Cullen, président, Association canadienne de droit maritime : Honorables sénateurs et sénatrices, je vous remercie de l'occasion que vous m'offrez de témoigner devant votre comité. Je suis accompagné aujourd'hui de M. John O'Connor, président du comité de l'écologie marine de notre association qui s'occupe de questions de pollution.
Permettez-moi de vous donner un bref aperçu de l'Association canadienne de droit maritime, après quoi je demanderai à M. O'Connor de présenter les quelques points essentiels concernant ce projet de loi particulier.
L'Association canadienne de droit maritime, fondée en 1951, regroupe des particuliers et des sociétés ayant une optique commune et dont les buts sont d'étudier l'évolution et l'administration du droit maritime canadien et de promouvoir l'uniformité en matière de droit maritime canadien. Nos membres proviennent de toutes les couches de la communauté maritime : propriétaires et exploitants de navire, universitaires, avocats, juges, courtiers d'assurance et experts en sinistre, chargeurs et agents de fret.
Je suis membre du Barreau depuis 24 ans et M. O'Connor est membre depuis presque aussi longtemps. Je fais partie de l'Association depuis une vingtaine d'années et nous n'avons témoigné devant des comités comme le vôtre qu'à quelques reprises, la raison étant que nous sommes habituellement consultés plus tôt. Quand vient le temps de préparer la première version d'une politique, les ministères vont souvent nous demander notre avis et de même que l'avis de plusieurs autres personnes sur les politiques et la rédaction de projets de loi.
Selon mon expérience, nous n'avons comparu devant des comités comme le vôtre qu'à quelques reprises. Je le mentionne parce que, normalement, nous ne nous présentons que si nous avons l'appui inconditionnel de l'Association pour exprimer des préoccupations ou faire état de questions concernant un projet de loi en particulier.
Nous sommes une organisation indépendante sans but lucratif. Nous n'avons pas de personnel permanent mais nous avons un secrétaire trésorier à temps partiel et tous les autres sont des bénévoles. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant votre comité pour y exprimer notre opinion, car nous estimons que cela est important.
Pour ce qui est des sociétés membres, nous avons le plaisir d'être accompagnés aujourd'hui de l'une des sociétés fondatrices, soit la Fédération maritime du Canada présidée par M. Michael Broad. Il y a aussi l'Association des banquiers canadiens, l'Association du Barreau canadien, l'Association des armateurs canadiens, l'Association des transitaires internationaux canadiens Inc. et la Guilde de la marine marchande du Canada, représentée par M. Lawrence Dempsey, qui est avec nous également.
FEDNAV n'est pas membre de notre association, bien que certains membres de cette organisation fassent partie de notre association. Vous en saurez davantage sur la FEDNAV dans un moment. Il s'agit d'une société de transport maritime de pointe au Canada et je suis sûr que vous serez heureux d'entendre leurs observations.
M. O'Neil est membre de longue date de notre association. Il a été en charge de la Garde côtière, dirigeant de la Voie maritime du Saint-Laurent et, plus récemment, dirigeant de l'Organisation maritime internationale.
Je le répète, nous sommes heureux d'avoir cette opportunité d'être ici ce matin.
M. John G. O'Connor, président, Sous-comité de l'environnement marin et de la pollution, Association canadienne de droit maritime : Bonjour sénateurs et sénatrices.
Pendant mon mandat à la présidence du Sous-comité de l'environnement marin et de la pollution, le Canada a adhéré au régime international concernant les questions de pollution. Ce régime est fondé sur trois piliers : la responsabilité civile, la responsabilité pénale et la coopération internationale.
Dans les cas de nettoyage, la responsabilité civile est renvoyée spécifiquement à l'armateur. Il n'a habituellement aucun moyen de défense. En échange, sa responsabilité est limitée bien que ce soit des montants très élevés, des millions de dollars. Au-delà de la limite de responsabilité, il y a du financement disponible. Nous avons notre propre fonds canadien et il existe un fonds international. Nous sommes le seul pays du monde à pouvoir profiter de ces deux fonds. Chaque pays qui reçoit du pétrole et qui est membre du fonds doit contribuer au fonds. C'est un équilibre entre armateurs et ceux qui reçoivent des marchandises en ce qui a trait à la responsabilité civile.
En matière de responsabilité pénale, la principale convention est celle de MARPOL. Essentiellement, MARPOL interdit la pollution, mais il y a un certain nombre d'exceptions, y compris pour sauver des vies ou en cas d'accidents maritimes qui causent de la pollution.
En ce qui a trait à la coopération internationale, il existe un certain nombre de conventions, mais la plus importante est la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, dont le Canada est signataire. Nous avons adhéré à toutes ces conventions internationales au cours des 15 ou 20 dernières années.
Nous avons des réserves concernant le projet de loi C-15 parce que nous estimons qu'il affecte les trois piliers. Nous vous avons fourni les modifications que nous proposons pour ce projet de loi. Au chapitre de la responsabilité civile, nous estimons que le projet de loi chevauche la convention sur la responsabilité civile, la convention reliée au fonds, dont le Canada est signataire. Il y a aussi chevauchement du fait que si une personne cause de la pollution, elle peut être condamnée à verser un dédommagement, et il n'y a aucune référence dans le projet de loi relativement à une limite du régime du fonds international déjà existant.
Je vous signale que les modifications vous sont présentées par ordre numérique et non selon l'ordre de mon exposé.
Selon nous, la formulation du paragraphe 17.1(3) proposé de la partie du projet de loi qui concerne la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs est quelque peu vague. Nous suggérons que les parties de l'article 16 qui font référence à la responsabilité civile ne s'appliquent pas dans le cas où les dommages constituent de la pollution au sens de la Loi sur la responsabilité en matière maritime. Par conséquent, vous devriez vous référer à la Loi sur la responsabilité en matière maritime pour savoir quel est le partage concernant la responsabilité civile.
Nous proposons un amendement similaire à la partie du projet de loi qui concerne la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. L'article 42(3) de la loi précise qu'une demande d'indemnisation ne peut être présentée si cette demande peut l'être en vertu de la Loi sur la responsabilité en matière maritime. Selon nous, la formulation « si cette demande peut l'être » n'est pas la meilleure si elle empêche de présenter une demande d'indemnisation en vertu de la Loi sur la responsabilité en matière maritime et qu'alors il faudrait se prévaloir de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Comme je l'ai dit, nous estimons que le projet de loi chevauche l'aspect responsabilité civile. Ce sont les changements que nous proposons.
En ce qui a trait à la responsabilité pénale, nous avons deux propositions. La première vise la disposition 5.4 du projet de loi C-15, qui est reliée à la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs. Selon nous, la formulation actuelle du projet de loi crée non seulement une responsabilité pénale, mais impute une responsabilité pénale potentielle à des personnes qui n'ont aucun rapport avec la pollution. Par exemple, un mécanicien en chef pourra être poursuivi si le navire cause de la pollution. Le mécanicien en chef pourrait ne pas être au courant qu'il y a eu pollution. Il peut être endormi au moment où quelqu'un d'autre commet une erreur et ouvre la mauvaise valve. En vertu de l'interprétation rigoureuse de la responsabilité pénale, la Couronne doit faire la preuve que l'accusé a pollué et l'accusé doit prouver qu'il a fait preuve de diligence raisonnable, s'il peut y parvenir. Selon la formulation du projet de loi, la personne qui serait accusée, le mécanicien en chef ou le capitaine, peut n'avoir aucun rapport avec la pollution et peut même ne pas être au courant de l'incident. Si cette personne a un rapport avec la pollution, nous n'avons pas besoin de cet article parce qu'elle serait alors le pollueur.
Nous proposons que les capitaines et les mécaniciens en chef soient traités, en vertu de la partie du projet de loi qui vise la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, exactement comme ils le seraient en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Je vous réfère à l'article 280.2. En vertu de cet article, capitaines et mécaniciens en chef peuvent être reconnus coupables, mais uniquement s'ils ont participé à la pollution, s'ils y ont acquiescé, et ainsi de suite. Voilà ce que nous proposons d'ajouter à la disposition 5.4.
Enfin, en ce qui a trait à la responsabilité pénale, l'Association s'oppose aux amendes minimales parce qu'elle craint que cela nuise au climat de coopération que nous avons instauré au pays au cours des 20 dernières années. Nous préférons que cette référence soit retirée, mais si vous souhaitez toujours la conserver, nous vous suggérons d'ajouter les mots « intentionnellement » ou de « manière négligente ». En d'autres termes, si la Couronne peut démontrer que les gestes ont été intentionnels, les amendes minimales devraient alors s'appliquer.
Nous vous suggérons aussi d'ajouter à la formulation des alinéas 280(2)a) et b) les mots « au navire » pour qu'il soit clair que les amendes minimales ne s'appliquent qu'aux navires. Nous craignons qu'un avocat de la Couronne puisse faire erreur et s'imaginer que dès qu'un bâtiment d'une certaine taille est mis en accusation, toute personne poursuivie en vertu de la loi serait exposée aux amendes minimales, y compris les mécaniciens en chef et les capitaines. Nous ne croyons pas que c'est là l'intention du projet de loi, et nous vous suggérons de clarifier la situation en ajoutant les mots « au navire ».
En ce qui a trait au volet de la coopération internationale, nous estimons que le projet de loi est en conflit avec certaines conventions, y compris la Convention sur le droit de la mer, MARPOL et la Convention sur la responsabilité civile.
Nous suggérons d'ajouter un nouvel article aux deux parties du projet de loi, et nous vous avons fourni une formulation pour les deux. L'ajout précise simplement que le projet de loi est un complément à nos droits et à nos obligations en vertu du droit international et s'il y a divergence entre la loi et une convention internationale, la convention aura priorité. De cette manière, nous évitons un débat sur la possibilité qu'il y ait ou non conflit. Nous comprenons que les témoins du ministère vous ont dit qu'ils sont d'avis qu'il n'y a pas de conflit et qu'il n'y a pas d'intention d'en créer un. Avec cet ajout, nous estimons que le projet de loi sera très clair.
M. Lawrence Dempsey, président national, Guilde de la marine marchande du Canada : Merci de votre invitation à comparaître devant votre comité ce matin. Aux fins du présent dossier, j'aimerais décrire qui nous sommes et qui nous représentons. Nous croyons être dans une situation unique par rapport aux autres agents négociateurs fédéraux, car la Guilde de la marine marchande du Canada a été constituée en personne morale au moyen d'une loi du Parlement en 1919; la loi a ensuite été modifiée, et la Guilde a été reconstituée par une loi du Parlement, en 1980, grâce au projet de loi S-12 du Sénat.
La Guilde a pour mandat de promouvoir les intérêts économiques, culturels, éducatifs et matériels des capitaines de navire, des mécaniciens en chef, des officiers et des pilotes. Nous représentons la vaste majorité des capitaines, des officiers de pont, des pilotes et des mécaniciens œuvrant au sein de l'industrie canadienne du transport. De plus, la Guilde est accréditée par la Commission des relations du travail dans la fonction publique à titre d'agent négociateur pour les officiers de navire au service de la Garde côtière canadienne et ceux qui travaillent à bord des navires civils du ministère de la Défense nationale, ainsi que pour les formateurs au Collège de la Garde côtière canadienne.
La Guilde compte environ 4 300 membres à l'échelle du pays. La majorité de nos membres sont couverts par une convention collective, mais une minorité appréciable sont des capitaines, exclus à titre de cadres, et des pilotes entrepreneurs. La convention collective des officiers de navire du gouvernement fédéral avec le Conseil du Trésor, qui vise environ 900 membres, est notre plus importante. Sur la côte ouest du Canada, nous représentons 900 capitaines et mécaniciens en chef syndiqués du secteur du remorquage et plus de 300 capitaines et mécaniciens en chef à la grandeur du Centre et de l'Est du Canada.
Monsieur le président, honorables sénateurs et sénatrices, je n'ai pas l'intention aujourd'hui de vous mettre à l'épreuve ni de vous éblouir avec mes connaissances sur la loi ni d'essayer de vous convaincre que ce qui est proposé par le projet de loi C-15 va à l'encontre des autres instruments de la législation canadienne ou internationale ou y contrevient. Je laisserai les aspects juridiques du projet de loi à l'expertise des avocats.
Durant les vingt-neuf années au cours desquelles j'ai agi comme représentant des hommes et des femmes qui gagnent leur vie sur des navires, j'ai essayé de le faire en adhérant à une simple philosophie. Si quelque chose me semble inapproprié, ce n'est habituellement pas sans raison. J'ai été élu et réélu représentant. J'ai appris à me fier à mes instincts au cours de ces nombreuses années. Je doute du bien-fondé du projet de loi C-15.
Les hommes et les femmes qui atteignent le sommet de leur profession à titre de capitaine et de mécanicien en chef y parviennent seulement après avoir passé de nombreuses années dans le secteur. Ils ont dû travailler pendant de nombreuses années avant d'occuper un poste qui leur a permis de subir et de réussir les examens requis par Transport Canada pour devenir capitaines et mécaniciens en chef. Le service en mer exigé et l'occupation d'un poste d'officier de quart au niveau des emplois d'exécution, tout cela associé à des études et à des examens, et l'attente d'une occasion favorable signifient habituellement que les titulaires des postes de capitaine et de mécanicien en chef ne peuvent occuper ces postes avant la fin de la quarantaine ou le début de la cinquantaine.
En ce qui a trait à l'éducation et l'apprentissage, je sais que malgré l'extrême difficulté d'obtenir un certificat de capacité de navigation côtière de catégorie 1 (NV1), il est encore plus difficile d'obtenir un certificat de mécanicien de marine de première classe. J'ai été personnellement témoin de situations où des personnes ont dû consacrer plus de cinq ans d'effort pour obtenir un tel certificat. De nombreux candidats n'y arrivent jamais. Pour ceux qui réussissent, je puis vous assurer que, du moins à bord des navires canadiens, toute mesure qui mettrait leur certificat en péril n'est tout simplement pas acceptable pour eux. Un licenciement à la suite d'un accident équivaut à la révocation du certificat maritime.
Le projet de loi C-15 n'est pas justifiable à mes yeux étant donné que le fardeau de la preuve incombe à la personne visée; elle doit prouver qu'elle n'a pas commis une infraction au règlement. Cette épée de Damoclès peut même aller jusqu'à l'imposition d'une amende de 100 000 $ lorsque la preuve d'innocence ne peut être faite ou qu'il n'y a pas eu diligence raisonnable. À la suite de la réception d'une notification relative à un incident, le capitaine et le mécanicien en chef devront donc faire appel à un avocat pour obtenir conseil et trouver un moyen de s'en sertir. En toute logique, l'avocat devrait ensuite faire appel à des spécialistes en analyse pétrolière afin d'assurer que la pollution par des hydrocarbures a été vraiment causée par le bâtiment identifié dans la poursuite. Quelques mois après, même si les officiers prouvent qu'ils n'ont pas commis de faute, ils pourraient faire face à des frais juridiques beaucoup plus élevés que l'amende minimale prévue dans le projet de loi.
Monsieur le président, des navires de tous les pays croisent dans les eaux du Canada. Des navires convergent vers des voies navigables qui ressemblent en tout point à des autoroutes à une seule voie. Dans les Grands Lacs, les navires se suivent comme s'ils faisaient partie d'un convoi grâce à la navigation de positionnement mondiale actuellement en vigueur, marquant leur position en deçà de quelques verges des indicateurs de parcours. Dans la réalité, une photographie représentant un navire qui pollue peut aussi bien montrer un navire qui traverse une nappe de polluants provenant d'un autre navire qui se trouve à des kilomètres devant lui.
Les navires canadiens, leurs capitaines et leurs mécaniciens en chef canadiens ne sont pas reconnus pour polluer. Tous les polluants, de quelque nature qu'ils soient, provenant d'un navire canadien sont ensachés, étiquetés et largués dans des ports d'escale. On passe les déchets d'hydrocarbures à travers des épurateurs d'eaux mazouteuses et on les élimine lors des opérations d'alimentation en carburant. D'autre part, de nombreux navires étrangers croisent dans les eaux canadiennes sans connaître nos lois et, dans certains cas, même s'ils les connaissent ils n'en tiennent pas compte.
De plus, les navires étrangers et les bâtiments battant pavillon de complaisance comptent habituellement des équipages regroupant diverses nationalités. La langue devient un enjeu et la communication entre les différents membres d'équipage, même dans les cas d'urgence en mer, est difficile.
D'après les transcriptions, je sais que vous avez entendu les propos de M. Peter Lahay qui représente la Fédération internationale des ouvriers du transport (FIOT). M. Lahay et d'autres inspecteurs de la FIOT au Canada et dans le monde sont en contact quotidien avec des navires battant pavillon de complaisance et leurs équipages. Les enjeux et les préoccupations identifiés dans ce témoignage au sujet des navires du COP sont réels.
J'aimerais conclure avec le résumé suivant. Les capitaines et les mécaniciens en chefs canadiens ont dû travailler de nombreuses années en mer et suivre des cours pour occuper les postes qu'ils occupent, pour devenir capitaines et mécaniciens en chef. Les poursuites judiciaires contre les capitaines et les mécaniciens en chef en vertu du projet de loi et les frais juridiques associés à l'établissement de la preuve d'innocence pourraient très bien entraîner la ruine financière pour ces officiers et leurs familles. La présomption d'innocence jusqu'à preuve du contraire doit être maintenue comme un droit pour tous les Canadiens. Le recrutement de personnes qui aspirent à occuper des postes dans le secteur de la marine marchande, notamment comme capitaines et mécaniciens en chef et leur maintien en emploi doivent être encouragés à tous les niveaux, de l'école élémentaire à l'université. En outre, il est inacceptable d'affirmer qu'une personne qui démontre qu'elle a fait preuve de diligence raisonnable ne serait assujettie à aucune amende sauf si la preuve est seulement exigée par un inspecteur de Transport Canada ou un enquêteur autorisé par la loi qui a l'autorité d'accepter cette preuve.
Pour toutes ces raisons, la Guilde de la marine marchande du Canada demande au Comité de renvoyer le projet de loi C-15 au Parlement pour étude et pour des amendements afin capitaines et les mécaniciens en chef n'aient pas à prouver leur innocence dans des incidents mettant en cause des polluants avec lesquels ils ne sont peut-être pas associés.
De plus, les amendes prévues dans le projet de loi devraient être éliminées dans la mesure elles pourraient s'appliquer aux capitaines et aux mécaniciens en chef. Il faut accepter que les Canadiens, en tant que peuple, sont conscients des problèmes environnementaux. Il faut aussi accepter que les capitaines, les mécaniciens en chef et les sociétés canadiennes qui les emploient sont aussi conscients de ces préoccupations. Ce ne sont pas les pollueurs ciblés par ce projet de loi.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Dempsey. À vous, monsieur Broad.
M. Michael Broad, président, Fédération maritime du Canada : Le Parlement a adopté, il y a maintenant plus de cent ans, une loi incorporant la Fédération maritime du Canada. Notre organisation représente les armateurs, les exploitants de navire et les mandataires engagés dans le commerce international du Canada. Nous représentons le trafic maritime international qui fait escale dans tous les ports canadiens de l'Est, de Terre-Neuve-et-Labrador jusqu'aux Grands Lacs.
Nous sommes ici aujourd'hui parce que l'industrie du transport océanique que nous représentons cherche à obtenir des assurances que le projet de loi C-15 sera renforcé d'une manière compatible avec les obligations internationales du Canada. Aujourd'hui, j'aimerais aborder trois points pour le bénéfice de votre comité.
Premièrement, il y a certains écarts entre les conventions internationales pertinentes et le projet de loi C-15. Ces conventions internationales sont importantes parce qu'elles définissent les droits d'un État côtier de dérouter, d'inspecter et de détenir un navire. Le projet de loi C-15 ne fait pas référence à ce contexte et certaines des dispositions ne concordent pas.
Le projet de loi C-15 indique aussi au reste du monde que le Canada pourrait décider d'ignorer les conventions internationales qu'il a signées et de faire comme il lui plaît. Cela compromet le réseau international mis en place par les quelque 160 États membres de l'Organisation maritime internationale, connue sous l'acronyme OMI.
Pour les exploitants de navire qui font du commerce dans les eaux canadiennes, les dispositions concernant le déroutement, la détention, les retards et le dépôt d'accusations criminelles contre les équipages pavent la voie à une grande incertitude. Par conséquent, le projet de loi établira un contexte opérationnel tout nouveau malgré les prétentions d'Environnement Canada, qui ne voit là qu'une solution administrative pour corriger certains problèmes législatifs.
Il existe une solution très simple à toutes ces préoccupations graves. Si l'intention du Canada est de mettre en application la législation proposée d'une manière qui soit conforme aux conventions internationales pertinentes, il faudrait le préciser dans le projet de loi. Une telle clarification revêt une très grande importance pour notre industrie, qui compte sur un cadre international prévisible. Cela est également important pour l'intégrité de ce cadre. L'amendement d'un paragraphe que nous proposons pour le projet de loi C-15 fait partie de notre mémoire.
Deuxièmement, notre présence ici aujourd'hui s'explique par le fait que nous sommes préoccupés par la disposition prévoyant des amendes minimales. Nous estimons que votre rapport pourrait servir à clarifier l'intention de la politique du gouvernement en cas de déversements accidentels. Nous craignons que la disposition prévoyant des amendes minimales ne soit contre-productive puisqu'elle pourrait décourager toute déclaration volontaire de déversement accidentel d'hydrocarbures de crainte d'être incarcéré.
Ce fut un soulagement de lire les propos de la sénatrice Christensen le 24 mars. Elle disait que quiconque fait une déclaration volontaire à la suite d'un déversement accidentel ne sera pas mis en accusation. C'est précisément le genre de clarification et d'assurance que nous cherchons, et l'inclusion d'une telle disposition dans le rapport du comité du Sénat serait grandement appréciée. C'est là la seconde et dernière recommandation du mémoire.
Bien que cela ne soit pas mentionné dans notre mémoire, nous partageons les préoccupations des autres intervenants concernant l'abordage des navires et leur inspection par des garde-pêche. Nous soumettons que le Canada devrait adhérer à la politique selon laquelle ce sont des agents de prévention de la pollution qui abordent et inspectent les navires.
Avant de vous présenter notre invité et témoin-expert, M. William O'Neil, je prierai M. Lawrence Pathy, président de FEDNAV et membre actif de notre organisation, de vous donner le point de vue d'un exploitant de navire canadien en matière de commerce international.
M. Ladi Pathy, président, FEDNAV : Merci beaucoup de nous permettre de témoigner devant votre comité. Je sais que vous avez entendu plusieurs témoignages et nous apprécions l'occasion qui nous est offerte de nous joindre à vous.
Avant de commercer, j'aimerais vous présenter M. John Weale, vice-président principal de FEDNAV et responsable de la gestion de risques. Il m'a aidé à préparer cet exposé et il pourra, je l'espère, m'aider à répondre aux questions auxquelles je ne pourrai répondre.
Je suis président et chef de la direction de FEDNAV, est une société privée appartenant à des intérêts canadiens. Notre société est en affaires depuis plus de 60 ans et nos bureaux sont situés à Montréal. La compagnie est propriétaire de 20 navires et elle affrète de 50 à 60 autres navires en plus ce ceux qu'elle possède.
Tous nos navires sont des transporteurs de marchandises sèches comme des céréales, du sucre, de la potasse, de l'acier, bref des produits que nous transportons un peu partout autour du monde. Toutefois, nous nous limitons à deux régions particulières pour notre commerce, soit les Grands Lacs et l'Arctique canadien.
Je le mentionne parce que dans les deux cas, il s'agit de régions qui sont vulnérables au plan environnemental. À titre de compagnie, nous nous percevons comme étant sensible à l'environnement et aux intérêts environnementaux. Par conséquent, nous apprécions l'occasion qui nous est fournie aujourd'hui de vous faire part de notre point de vue concernant le projet de loi C-15 relativement à notre entreprise.
Je suis ici à titre de membre de la collectivité maritime internationale, et je voudrais vous faire part de mes réserves concernant le projet C-15 et formuler quelques suggestions pour l'améliorer. Je crains que dans sa forme actuelle, le projet de loi ne soit une recette pour la confrontation. Il suffirait de quelques amendements pour que ce projet de loi devienne la base d'une nouvelle coopération entre le gouvernement, l'industrie et les environnementalistes.
Je suis également préoccupé par le manque de consultation dans l'élaboration du projet de loi jusqu'à maintenant. Je crains que les armateurs n'aient laissé les groupes environnementalistes prendre l'initiative dans ce débat. Selon nous, cela donne une image imparfaite et inexacte de l'industrie du transport maritime et de ce qu'elle fait.
La grande majorité des membres de cette industrie sont hautement responsables et sensibles aux questions environnementales. Presque tout ce que nous consommons ou fabriquons dans la vie est affecté d'une manière ou d'une autre par le transport maritime : les automobiles, les vêtements, les aliments, bref presque tout ce que nous faisons a un lien avec le transport maritime.
Au Canada comme ailleurs dans le monde, on a démontré à maintes reprises, du point de vue de la pollution et de la consommation de ressources énergétiques non renouvelables, que le transport maritime est beaucoup plus efficace que le transport terrestre quand on fait la comparaison en tonne-milles. De plus, le transport maritime à l'échelle mondiale est une activité hautement capitalistique et mouvante qui requiert néanmoins un degré de certitude, de stabilité et d'uniformité relativement à la réglementation et aux règles qui encadrent cette industrie.
Ces observations préliminaires peuvent ne pas sembler directement pertinentes au projet de loi C-15, mais j'estime qu'elles mènent logiquement aux deux questions que nous devons aborder. La première étant celle-ci : si nous sommes une si bonne industrie et si notre compagnie fait un si bon travail au plan environnemental, pourquoi nous préoccupons-nous du projet de loi C-15? Deuxièmement, comme la sénatrice Hubley l'a demandé, que faudrait-il pour en faire un bon projet de loi?
Pour répondre à la première question, des accidents se produisent au sein de toute industrie. Dans la nôtre, cela peut en effet être le cas en effet. La mer est un milieu dangereux. L'exploitation d'une entreprise de transport maritime n'est pas comme l'exploitation d'une entreprise d'autobus qui fait l'aller-retour entre le point A et le point B, bien que les compagnies d'autobus puissent parfois enregistrer des accidents. Par conséquent, bien que ce projet de loi puisse viser quelques propriétaires délinquants, il aura aussi pour effet de piéger les exploitants responsables et respectueux des lois, leurs officiers et dirigeants, leurs capitaines et leurs mécaniciens en chef.
Compte tenu du manque actuel de systèmes de détection efficaces, la prémisse du projet de loi C-15, c'est-à-dire si nous ne pouvons attraper les délinquants, au moins nous pourrons les dissuader, tend un filet dont les mailles sont trop fines, beaucoup trop fines. Selon nous, vous réussirez à attraper les innocents tout autant que les coupables, ce qui entraînera de longs délais pour leurs navires et des coûts financiers astronomiques, ainsi que des difficultés personnelles considérables pour quiconque sera arrêté.
D'autres spécialistes vous ont fait part de leur opinion sur le conflit allégué entre le projet de loi C-15 et les engagements internationaux du Canada de telle sorte que je n'irai pas plus loin sur ce sujet. Par contre, je connais très bien cet argument commercial que je viens de vous citer et je sais qu'il est valide, peu importe qu'il y ait conflit.
Pour revenir à la question de la sénatrice Hubley, j'estime que nous devons accepter le fait que le projet de loi a été rédigé dans un contexte un peu limité. Il vise non à attraper les délinquants, mais bien à punir ceux qui sont attrapés et à créer un effet d'entraînement et de dissuasion. Cela étant dit, j'estime que le projet de loi pourrait devenir une bonne loi pourvu qu'on y apporte quelques amendements pour le rendre projet de loi plus équitable et pour faire en sorte que la loi soit plus facile à appliquer.
Premièrement, le projet de loi dans sa forme actuelle prévoit des amendes minimales très élevées ou même une peine d'emprisonnement pour des hommes et des femmes innocentes. Ces amendes et ces peines peuvent même être imposées à des officiers qui n'étaient même pas de quart au moment de l'accident ou qui n'occupaient pas un poste de responsabilité à ce moment. Nous estimons que cela est déraisonnable. De plus, la menace de telles amendes ou d'une peine d'emprisonnement ne fera que pousser les auteurs coupables à couvrir leurs méfaits. Selon nous, la mesure de dissuasion la plus importante, le bâton économique, sont les entités et les personnes qui auront été condamnées pour des déversements délibérés de résidus huileux, les navires et les officiers qui pourront être identifiés publiquement et placés sur une liste noire internationale. Les propriétaires de ces navires constateront rapidement que leur base de clientèle s'érode et que leurs résultats nets diminuent. En conséquence, nous recommandons de supprimer les amendes minimales prévues en vertu de la loi.
Deuxièmement, les procédures de mise en application doivent être centralisées et confiées à des agents de l'autorité qui ont de l'expérience et qui connaissent les navires. Les agents de prévention de la pollution sont habilités à le faire. À titre d'exemple de spécialisation, aux États-Unis toute la question de la détection et de l'inspection des séparateurs d'eaux huileuses est confiée à un groupe d'agents spécialisés ayant reçu une formation particulière et ayant une connaissance approfondie de ces appareils. Ces agents sont aptes à détecter des choses que des officiers ayant moins de qualifications ne seraient pas capables de faire. Nous devrions envisager quelque chose de similaire au Canada.
Troisièmement, le projet de loi devrait comporter des dispositions qui insistent sur la responsabilité des agents de l'autorité d'agir avec toute la diligence possible. En d'autres mots, si un navire est amené dans un port, la disposition de 30 jours de détention possible est manifestement déraisonnable. Comme c'est le cas ailleurs, en Europe par exemple, il devrait être possible d'inspecter ces navires, de faire un rapport et de renvoyer le navire en mer après quelques heures.
Quatrièmement, le projet de loi devrait préciser que des conventions comme MARPOL et UNCLOS auront priorité en cas de conflit. Nous l'avons entendu dire plus tôt.
Même en tenant compte de ce qui précède et en reconnaissant que même de tels amendements au projet de loi C-15 en feront un outil imparfait pour aborder le cadre plus large auquel j'ai fait référence, le Canada doit chercher à améliorer ses systèmes de détection et travailler avec les États-Unis et la collectivité internationale pour coordonner l'examen réciproque des navires chaque fois qu'il y a suspicion de pollution.
Selon nous, la solution au problème plus large peut être formulée assez simplement. Premièrement, le Canada devrait maximiser les ressources qu'il consacre à la surveillance aérienne et électronique de ses eaux, y compris la ZEE. Deuxièmement, le Canada devrait maintenir ses efforts pour élaborer et améliorer la technologie de détection et de vérification des déversements d'eaux huileuses par les navires. Je suis sûr que l'industrie, y compris des compagnies comme la nôtre, serait disposée à travailler en étroite collaboration avec les gouvernements pour mettre au point de tels systèmes de détection et de vérification. Comme me l'a fait remarquer quelqu'un qui a déjà été en mer et bien que cela soit un peu naïf, les yeux de ceux qui se trouvent à bord d'un autre navire demeurent toujours le meilleur moyen de détection. Cela étant dit, aucun autre bâtiment ne signalera de déversement d'hydrocarbures s'il peut éviter de le faire. Troisièmement, le Canada devrait faire un effort soutenu pour négocier des ententes d'application mutuelle détaillée avec les États-Unis et avec d'autres pays. Quatrièmement, le Canada devrait travailler avec ces autres pays à l'établissement d'un système de déclaration basé sur l'Internet de sorte que le dossier de tout récidiviste sera instantanément accessible, de même que les détails de toute infraction. Pour que le succès soit complet, il faudra la coopération pleine et entière des bons exploitants, de la vaste majorité des exploitants comme certains l'ont dit au comité, de manière à ce que tout incident de pollution soit promptement déclaré, peu importe l'importance. Dans ce contexte, il est entièrement raisonnable que tout défaut de transmettre un tel rapport devrait être sanctionné, mais d'étendre ce comportement dans le cas d'une erreur ou d'une faute innocente par rapport à l'incident lui-même serait contre-productif, particulièrement s'il y a de lourdes amendes minimales et s'il y a possibilité d'incarcération.
M. Broad : Monsieur le président, puis-je présenter M. O'Neil? L'industrie lui a demandé de s'adresser à votre comité pour vous donner une petite idée de l'origine des conventions internationales, de leur raison d'être, et pour vous expliquer que les pays signataires devraient continuer de les appuyer. M. O'Neil a une longue feuille de route que je pourrai vous remettre plus tard. Toutefois, plus récemment, c'est-à-dire en 1989, il a été élu au poste de secrétaire général de l'Organisation maritime internationale, un organisme des Nations Unies, et il a occupé ce poste jusqu'en janvier 2004. Aujourd'hui, il en est le secrétaire général émérite. Il a également été président et PDG de la Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent et également commissaire de la Garde côtière canadienne.
M. William O'Neil, ex-dirigeant de l'Organisation maritime internationale, Fédération maritime du Canada, à titre personnel : Bien que je ne sois pas marin, j'ai eu beaucoup à faire avec l'industrie maritime au cours des 55 dernières années. Quand la Fédération maritime m'a demandé de témoigner devant votre comité, j'ai fait bon accueil à la possibilité de vous donner quelques explications sur le contexte de l'établissement de l'OMI, sur le fonctionnement de l'organisme et sur la possibilité que ces renseignements vous soient utiles lors de l'examen de la situation à l'étude. Si vous me le permettez, c'est ce que je ferai.
Il ne fait aucun doute que le transport maritime est véritablement une activité internationale et que les navires doivent donc être libres de se déplacer à l'échelle de la planète, sans restriction dans la mesure où ils n'abusent pas du privilège d'utiliser librement les mers. Ce système est en place depuis des années. Nous savons tous que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale il y a eu une augmentation exponentielle du volume du trafic maritime, particulièrement pour l'expédition de produits énergétiques et de charbon et de pétrole. Nous entrons maintenant dans une ère de transport de gaz. Toutes ces activités maritimes ont apporté avec elles leur cortège de craintes et de problèmes.
L'Organisation maritime internationale, comme vous avez pu l'entendre, a été créée vers le milieu du siècle dernier par les Nations Unies et par les pays qui étaient préoccupés par la sécurité en mer, surtout à la suite du naufrage du Titanic. La sécurité était la préoccupation première. Cette préoccupation s'est étendue aux mouvements que j'ai mentionnés, au transport de pétrole et d'autres produits qui sont devenus de plus en plus dominants dans l'industrie du transport maritime. L'organisation compte actuellement 164 pays membres et deux membres associés, Hong Kong (Chine) et Macao (Chine). De plus, 60 organisations non gouvernementales ont un statut consultatif au sein de l'OMI. Je le mentionne parce que l'organisation dépend dans une large mesure de l'apport des gens avec lesquels nous traitons sur des sujets particuliers au jour le jour afin que l'OMI puisse profiter de toutes les ressources disponibles dans le cadre de ses travaux.
Pour atteindre ces objectifs, qui sont essentiellement la sécurité en mer et la prévention de la pollution des mers, et plus récemment les questions de sécurité, un certain nombre de conventions et de traités ont été rédigés et mis en place pour fixer les normes, les codes et les règlements applicables aux navires concernant une vaste gamme de sujets.
L'élément le plus important de l'OMI est que l'organisme a une reconnaissance internationale. C'est le seul organisme qui ait un statut international.
Les sociétés de transport maritime estimaient, un peu avant mon arrivée à l'OMI, c'est-à-dire en 1990, qu'il n'y avait aucune nécessité de régime de réglementation rigoureux pour leur industrie. Cette industrie estimait que cela serait un obstacle à leur capacité de mener librement leurs affaires. Toutefois, au cours des 14 dernières années, cette position a grandement évolué au point où, à l'heure actuelle, si un pays ou une région suggérait un changement, les propriétaires insisteraient pour que cette proposition soit soumise à l'OMI et qu'elle soit traitée sur une base internationale par l'organisation, qui est maintenant devenue le point de chute central pour ces questions.
Le processus au sein de l'OMI est très clair. Si quelqu'un souhaite soit ajouter un élément au régime de sécurité ou de prévention de la pollution, soit en modifier un élément, la personne doit soumettre la question à l'OMI et la question est examinée par une série de comités auxquels des experts fournissent des conseils. L'organisme est ainsi construit que nous avons accès à des spécialistes sur tous les sujets à l'échelle du monde. Les meilleurs cerveaux peuvent être affectés à l'élaboration de toute convention, de toute norme ou de tout code.
Si, en bout de ligne, il s'agit d'une adaptation, d'un amendement ou d'un changement à un document existant, la mesure peut être mise en œuvre par un changement de procédure rapide, une procédure d'amendement tacite. En général, cela signifie que le changement peut être mis en œuvre dans un délai d'une quinzaine de mois, selon les besoins. S'il faut un nouveau traité, l'OMI convoque une conférence diplomatique au cours de laquelle les traités sont élaborés et ensuite adoptés par chacun des États.
Tous les pays ont l'occasion de participer aux travaux de l'OMI. Les comités de tous les pays peuvent apporter leurs points de vue à la table de discussion et présenter la position de leur gouvernement, de leur industrie ou de leurs gens de mer. L'OMI a la capacité générale d'obtenir les meilleurs conseils possibles.
Il y a plusieurs conventions, mais je ne les passerai pas toutes en revue. Les principales sont la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer et la convention MARPOL. Avant que l'opinion mondiale ne soit préoccupée par la pollution par les hydrocarbures provenant des navires, l'OMI comptait déjà sur la convention OILPOL depuis 1954. Cela était bien avant la création d'un ministère de l'environnement dans un quelconque gouvernement, du moins que je sache.
L'organisation a été saisie de questions portant sur la sécurité, la prévention de la pollution, les activités de nettoyage après les incidents de pollution et les ententes compensatoires en cas de dommages. Pour traiter d'un élément de cette chaîne de sécurité, nous nous sommes engagés dans l'élaboration d'un certificat de formation en sécurité et d'un certificat de surveillance pour les marins, une approche qui vient d'être mise à jour et qui a été très utile. Parallèlement à tout cela, il y a le Code international de gestion pour la sécurité qui traite des questions de gestion.
Ce sont là les domaines auxquels l'OMI s'est intéressée au fil des ans, soit les questions de sécurité et de pollution causée par les navires, les activités de nettoyage des déversements, les réparations en cas de dommages et le facteur humain lié au transport maritime.
Quelque 97 p. 100 du tonnage total de la marine marchande respectent maintenant les conventions majeures de l'OMI. Vous pouvez donc vous rendre compte que ces conventions sont largement acceptées et largement appliquées.
Tout le travail de développement qui est effectué par l'entremise de l'OMI fait l'objet d'un examen rigoureux avant d'être soumis à l'étude du milieu du transport maritime. Dans notre cas, les principes et les détails du projet de loi C-15 n'ont pas été exposés avec rigueur par des experts comme nous aurions pu nous y attendre à l'OMI. Le projet de loi semble incomplet et manque de réalisme par rapport aux considérations maritimes pratiques qui sont connues et acceptées par la collectivité internationale du transport maritime.
Il ne fait aucun doute que les personnes qui, délibérément et en toute connaissance de cause, commettent un acte qui cause de la pollution ou qui font fi des normes de prévention de la pollution devraient être punies de manière appropriée. Cela est une norme fondamentale pour l'IMO. La Convention MARPOL a été rédigée dans le but d'appliquer des sanctions dans les cas de non-conformité, mais il n'a jamais été question de sanctions pénales. Je comprends que le volet pénal doit être abordé en tenant compte du pays avec lequel nous traitons. L'Europe et l'IMO cherchent plutôt à éviter de criminaliser les gens de mer. Cela signifie qu'il faut éviter d'emprisonner les marins et de leur attribuer un dossier criminel. Outre les questions qui ont été mentionnées plus tôt, la difficulté d'obtenir une attestation de sécurité pour continuer d'exercer le métier de marin avec un dossier criminel pourrait être très difficile ces jours-ci, et il ne faudrait pas l'ignorer. Les répercussions à long terme pour un marin pourraient être extrêmement graves puisqu'elles nuiraient à sa capacité de continuer d'exercer sa profession. Les conventions de l'IMO ne visent pas à faire intervenir la notion de criminalisation mais traitent d'aspects civils et imposent les pénalités et les sanctions requises.
L'OMI se préoccupe des répercussions pratiques et psychologiques pour les gens de mer de même que des aspects que je viens de mentionner en ce qui a trait aux attestations de sécurité. L'industrie mondiale du transport fait face à de graves problèmes pour attirer de jeunes gens à faire carrière comme marin. La menace d'un dossier criminel constitue une préoccupation sérieuse qui pourrait décourager les jeunes gens consciencieux d'accéder à la profession. Cela découragerait les officiers consciencieux d'accepter des responsabilités plus importantes. Pourquoi devraient-ils s'exposer à la possibilité de faire de la prison? L'imposition d'amendes est une chose. Toutefois, s'ils se conduisent au mieux de leur connaissance dans leurs activités quotidiennes et qu'un accident survient, ils ne devraient pas être exposés au stigmate de l'emprisonnement.
J'ai parlé avec le secrétaire général actuel en préparation de mon témoignage d'aujourd'hui. Il est d'accord avec ce que je dis et il a envoyé à votre président une lettre décrivant la position de l'organisation. Par conséquent, bien que je ne vous parle pas en tant que représentant de l'OMI, ce point de vue est appuyé par l'organisation.
Les sauveteurs compétents qui travaillent à l'échelle internationale sont essentiels à la bonne marche des opérations de récupération à la suite d'un accident. L'atténuation des dommages causés par la pollution est extrêmement importante de telle sorte que des décisions immédiates doivent être prises dans le feu de l'action et que chacun doit user de son bon jugement pour prendre ces décisions en se fondant sur le fait que le bien de l'entreprise pourrait être sauvegardé. Toutefois, ce faisant, il pourrait y avoir un peu de pollution. C'est tout simplement dans la nature des choses.
À moins d'offrir aux sauveteurs une certaine forme d'immunité contre les poursuites, ces gens pourraient très bien s'éloigner du lieu d'un lieu d'accident. Ils n'ont aucune obligation d'assumer la responsabilité de s'occuper d'une situation qui pourrait les exposer à des poursuites pénales. C'est là une question très sérieuse pour déterminer les répercussions potentielles.
Les sauveteurs sont un élément extrêmement important de l'industrie du transport maritime, et il y a des cas où un maître-sauveteur a été placé en détention avant même d'avoir commencé le travail sur un projet donné dans un certain pays. Ce n'est pas une situation théorique; c'est une situation qui s'est réellement produite dans un pays et qui pourrait avoir des répercussions pour d'autres incidents ailleurs.
La convention en ce qui a trait au dédommagement a été élaborée au fil des ans et le Canada a toujours été un des leaders pour traiter des questions de réparation pour les parties lésées. Le fonds international est sur des principes que le Canada a mis en place au début des années 1970, à l'époque de la création du fonds canadien. Le Canada a joué un rôle de leader en ce qui a trait au fonds. La présidence de ce fonds est actuellement assurée par un Canadien; il en est de même pour le comité qui examine les activités du fonds. Par conséquent, nous avons deux Canadiens qui participent à cet aspect particulier.
Si on devait constater que le fonds n'est pas suffisant, il serait simple pour le gouvernement du Canada de faire les propositions qui rendraient ce fonds plus conforme aux souhaits du pays. Si le milieu du transport maritime était d'accord, le changement serait appliqué comme cela s'est produit depuis l'établissement du fonds.
J'aimerais résumer brièvement ce que je crois être la position de la collectivité internationale. Premièrement, le transport de marchandises par mer est une activité internationale qui doit être réglementée par un organisme international selon des normes qui sont acceptées et mises en œuvre à l'échelle mondiale. Cela est extrêmement important. L'OMI est considérée par la collectivité internationale comme le point central pour l'élaboration et l'adoption de tels règlements et normes et personne ne le conteste aujourd'hui.
La mise en œuvre aléatoire de normes nationales choisies n'est vraiment pas une pratique acceptable. Les navires ne peuvent être exploités de manière sécuritaire si les normes et les règlements varient d'un pays à l'autre. Si un navire se rend dans un pays et doit faire face à un régime réglementaire donné, et qu'il se rend dans un autre pays où il doit respecter un régime différent, les risques d'accident et de dommages causés par la pollution pourraient devenir complètement inacceptables. Il en résulterait une situation chaotique dans l'industrie du transport. Tout cela irait à l'encontre du processus qui vise à donner à l'industrie du transport un cadre plus sécuritaire et plus respectueux de l'environnement.
À mon avis, toutes les propositions qui concernent des changements au régime de réglementation du transport devraient être soumises à l'OMI afin qu'elles puissent être examinées par des spécialistes internationaux et analysées du point de vue des répercussions potentielles sur la navigation internationale et sur les écarts potentiels par rapport aux dispositions de la convention MARPOL. Des témoins vous ont exprimé leur crainte que les dispositions du projet de loi C-15 ne soient pas en harmonie avec la convention MARPOL. Cela devrait faire l'objet d'un examen par des spécialistes du domaine et par des personnes qui peuvent en faire une analyse indépendante et fournir des conseils relativement à cette question.
Il ne faudrait pas poursuivre dans la voie de l'application de sanctions pénales, de l'emprisonnement de marins et d'autres personnes qui ne sont pas coupables d'avoir tenté de violer des normes et des règlements acceptés à l'échelle internationale. Il est tout à fait inconvenant que des personnes qui n'ont rien à voir avec une situation soient confrontées à de telles possibilités.
Mon autre point est qu'il ne devrait y avoir aucune sanction pour décourager quiconque d'embrasser la profession de marin. Je dois insister sur cet aspect. Cette question fait l'objet d'une très grande attention à l'échelle de l'OMI et partout au sein de la collectivité du transport maritime en Europe. Manifestement, tout ce qui pourrait être fait pour rendre plus difficile le recrutement de marins ou pour le développement de la carrière des gens de mer n'est pas souhaitable.
Je vous ai parlé des sauveteurs et j'estime que ces personnes ne devraient pas être exposées à l'application de sanctions pénales lorsqu'elles participent à des opérations de sauvetage qui pourraient entraîner de la pollution, lorsqu'elles font appel à leur expertise et à leur jugement professionnel pour intervenir à la suite d'un incident. Vous savez fort bien que des décisions doivent être prises rapidement à la suite d'un accident parce que les délais sont toujours critiques dans de tels cas.
La proposition de modifier le cadre existant de dédommagement en cas d'incident pourrait être soumise au fonds par le Canada avant d'être incluse dans la législation canadienne de sorte que tout puisse être maintenu comme avant. Le Canada a toujours participé aux activités internationales. Le président de la première assemblée de l'OMI était un Canadien. J'ai été président du conseil pendant 10 ans et secrétaire général pendant 14 années. Le président du comité juridique est canadien. Nous avons également occupé d'autres fonctions comme je l'ai mentionné. Le Canada a un rôle particulier sur la scène du transport maritime international. Nous ne sommes pas un pays d'importants propriétaires. Par contre, nous utilisons abondamment les services de transport maritime et nous devons nous assurer que des services de transport de bonne qualité et sécuritaires sont disponibles pour répondre aux besoins canadiens et pour protéger le littoral du Canada. Il faudrait sérieusement envisager de faire en sorte que la collectivité internationale ait l'occasion d'exprimer son point de vue dans ce dossier.
Le sénateur Angus : Monsieur le président, un témoin a mentionné une lettre qui vous a été envoyée par le dirigeant actuel de l'OMI. Avons-nous ces documents?
Le président : Oui.
Le sénateur Angus : Cette lettre est-elle arrivée avant aujourd'hui?
Le président : Oui.
Le sénateur Angus : Avons-nous le curriculum vitae mentionné par M. Broad?
Le président : Je crois que nous l'avons aujourd'hui.
Le sénateur Angus : Je crois que nous devrions avoir ces documents devant nous.
Le président : Je pense que la lettre du secrétaire général de l'OMI nous est parvenue il y a quelques semaines et qu'elle a été remise à tous les membres du comité.
Le sénateur Cochrane : Je vous remercie d'avoir participé à nos travaux aujourd'hui. Je constate messieurs que vous êtes venus avec l'artillerie lourde. La question que nous étudions aujourd'hui semble vraiment importante pour vous puisque vous avez une solide représentation.
Monsieur O'Neil, l'OMI a-t-elle des pouvoirs de mise en application de sa réglementation? Dans la négative, n'est-il pas essentiel que les pays signataires disposent d'une législation interne pour s'assurer qu'ils peuvent faire leur part dans l'application de la convention MARPOL et d'autres conventions au sein de leurs zones économiques et de leur limite territoriale de 200 milles comme le prévoit le projet de loi?
M. O'Neil : Comme c'est le cas de la plupart des conventions, les détails ont été élaborés par l'OMI. Par la suite, chaque État membre, chaque pays doit mettre en oeuvre ces normes, le contenu des documents et les appliquer aux navires qui sont sous leur contrôle. Le système a évolué avec le temps sous forme d'un troisième arrangement selon lequel l'État du port qui autorise les navires à entrer dans le port s'assure que ces navires respectent les ententes.
En général, l'OMI n'a pas de pouvoirs de police, à une exception près. En ce qui a trait à la convention STCW, l'OMI a la responsabilité d'examiner tous les établissements de formation du monde et de s'assurer qu'ils respectent les exigences de la convention et qu'ils font en sorte que les marins reçoivent une formation appropriée.
Le sénateur Cochrane : L'organisation n'a-t-elle pas le pouvoir de police qui lui permet de pénétrer dans la zone économique de 200 milles?
M. O'Neil : Non.
Le sénateur Cochrane : Je veux revenir à la déclaration selon laquelle on décourage nos jeunes gens d'accepter des responsabilités plus grandes et selon laquelle il sera difficile de recruter de jeunes gens au sein de la profession. On a aussi dit que ce projet de loi pourrait les décourager en raison de la possibilité de sanctions pénales.
Je connais beaucoup de jeunes gens parce que j'ai été enseignante. Ces jeunes ont l'esprit ouvert; je ne dis pas que les personnes plus âgées n'ont pas l'esprit ouvert, et je me place dans cette catégorie. Non, ces jeunes sont magnifiques parce qu'ils sont conscients de leur environnement. S'ils savaient que nos oiseaux de mer sont menacés, je crois qu'ils seraient plus enclins à aller vers cette profession. C'est là une déclaration et non une question.
Le président : Quelle est votre question, sénatrice?
Le sénateur Cochrane : Ma question s'adresse à la Guilde de la marine marchande du Canada. Si je me souviens bien, monsieur Dempsey, vous avez conclu votre présentation en disant ceci : « Accepter que les Canadiens, comme peuple, reconnaissent des préoccupations environnementales. Accepter également que les capitaines, les mécaniciens en chef et les sociétés canadiennes qui les emploient reconnaissent également ces préoccupations. Ce ne sont pas les pollueurs ciblés par ce projet de loi ».
Reconnaissez-vous qu'il y a un problème, et que ce sont des milliers d'oiseaux qui meurent et qui ont été tués par les gens qui polluent nos océans? Je parle plus particulièrement de l'océan Atlantique au large des côtes de Terre-Neuve.
Si vous dites que ce ne sont pas eux les pollueurs, qui sont-ils alors? Que pouvons-nous faire à leur sujet? Êtes-vous d'accord que nous devrions faire quelque chose? Aidez-moi à comprendre ce que nous devons faire concernant les oiseaux qui sont tués dans nos eaux territoriales?
M. Dempsey : Merci d'avoir posé votre question. Peut-être n'aimerez-vous pas ma réponse. Dans le mémoire que je vous ai remis, je parle spécifiquement de la flotte intérieure du Canada. Je parle également pour les gens que je représente, les gens qui travaillent à bord de navires canadiens, les capitaines canadiens et les mécaniciens en chef canadiens.
Le problème que vous identifiez, soit la mort d'oiseaux et ainsi de suite, ce que nous voyons à la télévision, est grave, certes. Je l'admets et je suis sûr que tous ceux qui sont dans cette pièce admettraient qu'il est dommage que de tels incidents se produisent. Toutefois, j'essaie de vous dire que les navires canadiens sont ceux qui seront englobés dans le projet de loi C-15. J'essaie aussi de vous dire que les officiers, les capitaines et les mécaniciens en chef de navires canadiens ne sont pas ceux qui causent la pollution.
Leur certificat de navigation est trop important. Ils travaillent pendant des années pour obtenir ces postes, et ce sont des capitaines et des mécaniciens en chef modèles dans le monde dans lequel ils vivent. Ils ne veulent pas compromettre leur certificat, à moins d'un accident. Malheureusement, comme M. Pathy l'a dit, des accidents surviennent parfois.
Ma préoccupation, en tant que représentant de ces gens, est qu'ils peuvent être visés par certains aspects du projet de loi C-15. Si ces personnes se font attraper en vertu de ce projet de loi, les amendes minimales risquent d'avoir des conséquences sur la situation financières des capitaines et des mécaniciens en chef et aussi sur leurs familles.
Le président : Pourriez-vous élaborer sur la possibilité qu'ils soient victimes de cette réglementation?
M. Dempsey : Si je comprends bien, on prend une photographie aérienne et on porte des accusations. À partir de là, il incombe aux capitaines et aux mécaniciens en chef de démontrer qu'ils ont exercé une diligence raisonnable pour éviter que cet incident se produise. C'est au cours de ce processus que le capitaine et le mécanicien en chef devraient prouver hors de tout doute devant les tribunaux...
Le président : Non, excusez-moi; selon la prépondérance des probabilités?
M. Dempsey : Peut-être devrais-je demander à monsieur O'Connor de répondre à cette question, parce que vous semblez vous attacher à un aspect légal et je n'ai pas de formation en droit pour y répondre.
M. O'Connor : Puis-je répondre?
Le président : Bien sûr.
M. O'Connor : Monsieur Dempsey semble indiquer dans son exposé qu'il représente les capitaines et les mécaniciens en chef canadiens. Ces gens ne sont probablement pas responsables des incidents de pollution qui se produisent malheureusement sur la côte est du Canada. Toutefois, le projet de loi ne précise pas que les personnes visées sont les capitaines et les mécaniciens en chef étrangers. Le projet de loi cible tout le monde.
En cas d'incident ou d'événement potentiel ou d'apparence d'événement mettant en cause un navire canadien, l'équipage du navire sera pris dans le filet de ce projet de loi et, nous sommes bien d'accord, ce ne sont pas des pollueurs en temps normal, mais ils peuvent avoir été impliqués dans un accident, et cetera. Des accusations seront portées contre ces gens, ils seront poursuivis et, peu importe le niveau de preuve qu'ils pourront apporter, ils devront se présenter devant le tribunal et démontrer qu'ils ont fait preuve de diligence raisonnable ou qu'ils ont pris des mesures raisonnables. La préoccupation de M. Dempsey est qu'il en coûtera fort cher aux membres de cet équipage pour le faire. Ils n'ont pas d'assurance pour ce type d'événement et ils doivent puiser à même leurs épargnes pour couvrir les frais. Même s'ils avaient gain de cause, il leur en coûterait tout de même très cher. Je crois que c'est ce que M. Dempsey voulait dire.
Le sénateur Cochrane : Vous dites également que « des navires qui convergent vers des voies navigables qui ressemblent en tout point à des autoroutes à une seule voie ».
Ne s'agit-il pas là les autoroutes à une voie qu'empruntent nos oiseaux?
M. Dempsey : Pour répondre à votre question en ce qui concerne la route qu'empruntent les oiseaux, je ne saurais dire. Je puis cependant vous dire que dans mon mémoire, les voies de navigation auxquelles je fais référence sont celles qui mènent les navires vers des ports d'escale comme Halifax et St. John's. Ce sont des voies de navigation tracées sur des cartes pour l'ensemble de la Voie maritime du Saint-Laurent, le système du fleuve Saint-Laurent jusqu'aux Grands Lacs. Dans une large mesure, ce sont des voies de navigation recommandées. Dans les faits, ce sont les voies qu'empruntent tous les bâtiments, que ce soit sur la côte ouest ou la côte est du Canada ou dans les Grands Lacs.
Le sénateur Cochrane : Reconnaissez-vous également qu'aux endroits où naviguent vos navires sur l'océan Atlantique se trouvent un grand nombre d'oiseaux? Que doit-on faire? Est-ce un cas de blanc bonnet, bonnet blanc?
M. Dempsey : Tout à fait. Je ne puis le nier.
Le sénateur Milne : D'abord, j'aime bien votre suggestion, monsieur Pathy, concernant le lien Internet avec d'autres pays, de sorte que ces autres pays puissent connaître qui sont les pollueurs potentiels qui se dirigent dans leur direction. Il suffit de cliquer sur un bouton. C'est une suggestion merveilleuse.
Deuxièmement, monsieur le président, je me demande si les gens qui sont reliés au transport maritime se déplacent toujours en groupe? Vous êtes sept et je ne sais pas combien d'autres se trouvent dans la salle.
Si je me souviens bien, monsieur Dempsey, vous avez dit que le capitaine d'un navire qui n'est pas conscient qu'un membre de son équipage a délibérément causé un déversement ne devrait pas être mis en accusation. Quelqu'un d'autre, mais je ne me souviens pas qui, a dit que les matelots ne devraient pas être mis en accusation en vertu du droit international de la mer. Qui devrait l'être?
Le président : Si je me souviens bien, M. O'Connor a répondu en disant que le navire devrait être accusé.
M. O'Connor : C'est exact. Contrairement aux autres secteurs de commerce, un navire est souvent personnifié. Ainsi, si un navire peut être poursuivi comme s'il s'agissait d'une personne, quiconque est responsable de pollution devrait l'être également. Ce que je veux dire par là, c'est qu'une personne n'ayant rien à voir avec un cas de pollution ne devrait pas être poursuivie.
Le Canada prend une nouvelle mesure avec ce projet de loi en autorisant que des personnes soient poursuivies bien que celles-ci n'aient aucune participation à un incident de pollution. C'est ce que je voulais dire.
Le sénateur Milne : Voilà qui m'amène à ma question suivante. Si je comprends bien, monsieur O'Connor, vous êtes avocat.
M. O'Connor : C'est exact.
Le sénateur Milne : Des représentants du ministère nous ont dit qu'il n'y avait là aucune contravention à nos ententes, ni à nos responsabilités internationales. Par contre, vous me dites que c'est le cas. Je veux savoir, et je veux que vous soyez précis dans votre réponse, ce que contient exactement ce projet de loi qui contrevient à MARPOL et en quoi cela contrevient-il à MARPOL?
M. O'Connor : Il y a deux mois environ, nous avons fait parvenir deux mémoires, un document très court adressé à votre comité et à l'autre comité devant lequel nous avons eu le privilège de témoigner. Nous estimions qu'il était préférable d'envoyer des exemplaires aux deux endroits. Dans la trousse qui vous a été envoyée se trouvent deux lettres, l'une portant la date du 12 novembre 2004 et l'autre, celle du 15 février 2005. La lettre du 15 février est adressée à votre comité. Celle du 12 novembre, celle dont nous avons besoin ici, a été adressée à l'autre comité.
Je n'avais pas l'intention de revenir sur cette lettre parce que cela pourrait être ardu et parfois compliqué. Dans l'exposé, vous avez une section qui commence à la page 2 et qui s'intitule Projet de loi C-15 et UNCLOS, Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, où les articles sont présentés en détail. Pour être franc, quand nous avons témoigné devant l'autre comité, nous estimions que notre rapport contenait beaucoup trop de détails. Il a été très difficile pour les membres de ce comité de bien saisir rapidement les points dont nous parlions. Nous avons supprimés ces points.
Nous estimons que ce projet de loi est clairement contraire à nos obligations internationales en vertu d'UNCLOS et de MARPOL. Cela est écrit dans notre document. Je me ferai un plaisir de le passer en revue si vous le souhaitez. Par exemple, l'article 230 d'UNCLOS précise clairement que si des pénalités sont imposées par des États membres, il ne doit s'agir que de sanctions monétaires. La seule exception étant que s'il est démontré que des dommages graves ont été causés de manière intentionnelle, il pourrait y avoir des peines d'emprisonnement. J'estime que notre projet de loi va trop loin parce qu'il autorise des peines d'emprisonnement, sans égard au fait que l'événement est grave ou mineur. Cela contrevient au principe incorporé à UNCLOS.
L'idée de pouvoir détenir des navires, d'aborder les navires, d'ordonner à des navires qui ne se dirigent pas vers le Canada de se rendre à Halifax ou à St. John's pour une inspection n'est manifestement pas en harmonie avec les dispositions de UNCLOS, qui précise ce que nous devons faire. Tous les pays respectent cette convention : si un navire passe à proximité de votre pays et si vous croyez que ce navire a causé de la pollution, vous devez communiquer avec le prochain port d'escale où ce navire doit se rendre. Si un de ces ports se trouve aux États-Unis d'Amérique, les autorités de ce pays se feront un plaisir d'aborder le navire, de mener une enquête et de porter elles-mêmes des accusations si elles estiment qu'un tort a été causé. Selon moi, la coopération internationale représente le troisième pilier du régime international.
Sans entrer dans les détails, j'estime que le projet de loi va à l'encontre des dispositions internationales. Ma solution ne consiste pas à le passer en revue article par article et à proposer 55 amendements. Si tout le monde me dit que j'ai tort et qu'il n'y a aucune mesure conflictuelle, mettons-le par écrit dans le projet de loi. S'il y a une situation conflictuelle, les conventions internationales auront priorité. Par conséquent, si j'ai tort ou si quelqu'un d'autre a tort, cela n'a aucune importance.
Le sénateur Milne : Les conventions UNCLOS et MARPOL prévoient des normes minimales. Les pays sont-ils autorisés à se doter de normes plus élevées?
M. O'Connor : En vertu de MARPOL et UNCLOS, les pays sont autorisés à adopter leur propre législation. Aucune convention n'interdit au Canada d'adopter ses propres lois. Ce n'est pas simplement une déclaration générale. Si vous examinez attentivement la Convention sur le droit de la mer, et j'en ai quelques articles ici avec moi, il y a un endroit où l'on parle de la protection du milieu marin. Il y est dit que chaque pays membre peut légiférer en la matière. C'est la partie qui concerne l'application de cette législation qui précise ce que chaque État membre est censé faire. Il y a un article qui concerne les garanties qui doivent être prises. Cela est énoncé clairement. Le Canada vient tout juste de ratifier cette convention.
Vous vous souvenez du troisième pilier? Nous étions sensés y arriver dans les années 80, mais nous n'y sommes pas parvenus en raison des problèmes qui ont touché les pêches, le problème du chevauchement des stocks. À ce que je sache, ce troisième pilier énonce ce qui doit être fait et ce qui ne doit pas être fait.
Le sénateur Milne : Ce document fixe-t-il des limites supérieures à ce qu'un pays peut faire?
M. O'Connor : Je suis d'avis qu'il en est ainsi en ce qui a trait à la détention des navires, à l'emprisonnement des marins, à l'application de la loi nationale dans la zone économique et dans les eaux territoriales.
Le sénateur Milne : Est-ce que les États-Unis sont signataires de cette convention?
M. O'Connor : Pas encore, mais ils signeront cet accord dans un proche avenir. À l'heure actuelle, les États-Unis reconnaissent UNCLOS comme étant une codification moderne du droit international de la mer. Il n'y a qu'une raison pour expliquer qu'ils n'aient pas ratifié cet accord, mais le problème sera réglé dans un proche avenir. Cela n'a rien à voir avec la pollution ni avec les oiseaux. Cela concerne le droit au pétrole qui se trouve en mer au-delà de la zone de 200 milles. Actuellement, il n'est pas possible d'aller en haute mer pour y faire des travaux de forage, mais dans 15 ou 20 ans, cela sera possible. Les États-Unis disent, par exemple, que si Exxon fait du forage en mer, la compagnie voudra conserver le pétrole. La convention dit que, au-delà de la zone de 200 milles, ce qui se trouve sous les mers doit être partagé par l'ensemble du monde. Si quelqu'un s'approprie ces produits, il doit payer des royautés aux Nations Unies et les royautés doivent être réparties entre les pays.
Le sénateur Milne : Je ne me préoccupe pas tellement de cet aspect, mais plutôt du fait que le droit américain va beaucoup plus loin que notre projet de loi.
M. O'Connor : La loi américaine ne va pas aussi loin. Ce qui est plus important, ce sont les activités de surveillance et d'application. À ma connaissance, aucune loi américaine ne crée une responsabilité pénale du fait d'autrui pour quiconque n'est pas partie à la pollution. C'est une première au Canada et, à ma connaissance, les États-Unis n'ont aucune législation semblable.
Les États-Unis font le contraire de ce que le projet de loi tente de faire. Ce projet de loi propose d'accorder aux garde-pêche d'Environnement Canada des pouvoirs supplémentaires. Pour y parvenir, vous devrez dépenser beaucoup d'argent pour la formation et pour les munir de navires, d'avions et autres appareils. Par conséquent, vous devrez répartir les fonds disponibles. Les États-Unis ont adopté une attitude radicalement contraire. Ils ont canalisé le financement vers la Garde côtière. C'est à la Garde côtière de constituer les équipes volantes de spécialistes, ce que nous n'avons pas chez nous mais que nous devrions avoir. Ces équipes de spécialistes abordent les navires. Elles peuvent déterminer s'il s'est passé quelque chose. Si ces équipes constatent qu'il s'est passé quelque chose, même si elles ne savent pas où exactement, elles poursuivent le navire en vertu de leurs lois pour déclarations fausses, c'est la disposition « Martha Stewart » que tout le monde connaît bien maintenant.
Les États-Unis ont adopté une attitude très dynamique pour l'application de leurs lois. Ce n'est pas que leurs lois sont plus sévères, mais tout simplement que la mise en application est plus efficace parce qu'ils ont concentré le financement.
Le sénateur Milne : Leur façon de faire respecter la loi est certainement musclée. Je soupçonne fortement que vous préféreriez être attrapé dans les eaux canadiennes plutôt que dans les eaux américaines.
Le président : Vous parliez d'une différence entre les lois américaines et canadiennes. Comme nous en avons discuté auparavant, la notion de responsabilité stricte, par opposition aux infractions exigeant la mens rea, existe dans l'ensemble de la loi canadienne sur l'environnement.
Y a-t-il quelque chose dans le projet de loi C-15 qui fait référence à l'aspect de responsabilité stricte qui n'existe pas déjà dans la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs? Y a-t-il quelque chose dans ce nouveau projet de loi qui n'existe pas ailleurs dans la loi canadienne sur l'environnement?
M. O'Connor : Ce qui, à mon avis, n'existe nulle part ailleurs dans la législation canadienne sur l'environnement, ni dans d'autres lois canadiennes est la disposition 5.4. Cette disposition oblige les individus, principalement les capitaines et les mécaniciens en chef à faire quelque chose pour prévenir la pollution. Elle ne fait aucune différence entre la pollution intentionnelle, que le projet de loi cherche à stopper, et un accident. Essentiellement, la disposition dit que ces personnes sont passibles de poursuites au criminel et qu'elles s'exposent à des amendes importantes et à des peines d'emprisonnement s'il y a pollution, même s'il s'agit de pollution accidentelle, et même si ces personnes étaient endormies au moment où les événements ont eu lieu et qu'elles n'en ont eu aucune connaissance.
Je ne connais aucune autre législation au Canada qui aille aussi loin. Il ne s'agit pas simplement de la « responsabilité stricte ». La responsabilité stricte signifie que la Couronne n'a pas à prouver l'intention. Il en est ainsi parce que la Cour suprême a estimé, notamment dans les cas de pollution, qu'il serait difficile de prouver que quiconque voulait commettre un acte, à moins que cela ait été évident. La Cour suprême a décidé que la personne devrait dire quelle mesure de diligence raisonnable elle a pris pour éviter la pollution.
C'est là la responsabilité stricte, et nous ne sommes pas ici pour vous demander d'y apporter des changements. La responsabilité stricte n'est pas inscrite dans les lois. Il s'agit simplement, selon la Cour suprême, d'une façon d'interpréter les lois.
La disposition 5.4 va au-delà de cette obligation en rendant responsable une personne qui n'a rien à voir avec l'incident. La règle habituelle est que la Couronne doit démontrer que l'accusé a commis l'acte de pollution, après quoi l'accusé a la possibilité de démontrer qu'il a fait preuve de diligence raisonnable. Le capitaine et le mécanicien en chef n'ont pas nécessairement participé à la pollution, mais ils seraient quand même considérés comme coupables s'ils ne pouvaient faire la preuve de ce qu'ils ont fait.
La disposition 9 du projet de loi propose l'article 13(1.7) qui se lit comme suit :
Dans les poursuites intentées pour contravention à l'article 5.4, il suffit pour établir la culpabilité de l'accusé, de prouver que le bâtiment à procédé à l'immersion ou au rejet d'une substance en contravention à l'article 5.1.
Si la Couronne prouve qu'une substance a été rejetée du navire, le mécanicien en chef doit prouver qu'il a obéi à un critère plus important que celui de la diligence raisonnable, c'est-à-dire qu'il a pris toutes les mesures raisonnables, peu importe ce que cela signifie, bien qu'il n'ait eu aucune participation à l'activité de pollution.
La disposition 5.4 contient des éléments qui ne se trouvent dans aucune autre loi et c'est la raison pour laquelle nous vous suggérons de la modifier.
La disposition 41, qui se rapporte à l'article 280.2 de la LCPE, précise que le capitaine ou le mécanicien en chef ne seront déclarés coupables que s'ils ont participé à l'incident de pollution. Cela ne nous pose aucune difficulté. Pourquoi les traiter différemment de ce qu'ils sont traités à la disposition 5.4? Ils devraient avoir le même traitement partout dans le même projet de loi. Les amendements que nous suggérons permettent d'aligner la disposition 5.4 avec l'article 280.2 proposé.
Le sénateur Milne : Selon l'avis juridique que j'ai obtenu, votre raisonnement est bon. La disposition 5.4 prévoit qu'il y a obligation de prendre des mesures préventives.
Quelqu'un a fait état des voies de navigation encombrées et de la grande possibilité qu'un navire puisse traverser une zone où il y a eu déversement d'huile causé par un navire qui le précède immédiatement, parce les bâtiments se suivent à la queue leu leu sur ces voies d'autoroute.
Je crois comprendre que cela est très facile à prouver grâce à des analyses chimiques qui permettent de déterminer de quel navire provient le déversement huileux. Les hydrocarbures ainsi prélevés sont spécifiques au navire d'où ils proviennent de sorte qu'il serait assez aisé de faire la preuve de l'innocence des personnes accusées.
M. Weale : C'est exact. Si vous parvenez à trouver le navire, il est possible de faire concorder les hydrocarbures retrouvés dans la mer avec les hydrocarbures du navire. Le problème est que nous n'avons pas la capacité de prélever des échantillons au-delà de la zone de 200 milles. Les nappes d'hydrocarbures sont identifiées par radar satellite ou grâce à la surveillance aérienne. Si les nappes sont identifiées par radar satellite, il faut alors envoyer un avion ou un navire pour observer la nappe, mais les avions n'ont aucune possibilité de prélever des échantillons. Nous n'avons aucune façon d'échantillonner les nappes d'hydrocarbures à l'aide d'instruments optiques. Et il faut obtenir un échantillon suffisant pour être capable d'évaluer les caractéristiques, ou l'ADN si vous voulez, mais pour le moment, nous n'avons pas cette capacité.
Ce que vous avez dit est tout à fait exact. S'il est possible d'obtenir un échantillon et de le faire correspondre à un navire, il est alors beaucoup plus facile d'établir la preuve. Le problème est d'obtenir l'échantillon.
Si les résidus huileux sont déversés dans un port, cela ne pose aucun problème, mais je ne pense pas que ce soit là l'objet du projet de loi. La législation existante traite très bien de ce genre d'incident; en l'occurrence, ces déversements sont habituellement contenus assez rapidement et le nettoyage est assez efficace.
Le problème se pose lorsqu'un incident survient à 150 milles au large des côtes et que cinq navires sont passés dans la zone au cours de la période cible. Un avion peut observer la nappe d'hydrocarbures sur l'eau, mais ne peut identifier de quel navire elle provient et il n'a aucun moyen de prélever un échantillon pour fins d'analyse.
Il s'agit d'un problème pratique et non d'un problème logique.
Le président : N'est-ce pas là une arme à deux tranchants? Cela revient à dire que la Couronne doit faire la preuve que l'événement s'est produit et que la pollution est attribuable à tel navire, mais tout cela est limité par l'incapacité de la Couronne de prouver au-delà de tout doute raisonnable que le pétrole provient bien de ce navire.
M. Weale : C'est exact. Nous avons des réserves parce qu'il y a cinq navires potentiellement coupables. Le projet de loi permet de rediriger tous ces navires vers le port d'Halifax où des ressources limitées seront mises en œuvre pour un examen de chacune des salles des machines par des personnes qui peuvent avoir les compétences nécessaires pour l'utilisation d'un séparateur huile-eau. Les délais que tout cela entraînera pour le navire innocent peuvent être très coûteux.
Les navires sont des équipements en capital qui coûtent très chers. Il y a ici une situation conflictuelle parce que nous comprenons très bien l'objectif du projet de loi, mais nous élevons une objection dans ce contexte sur une base commerciale, c'est-à-dire correspondant au coût que la partie innocente doit absorber face à ce mode d'application de la loi. En vertu de ce projet de loi, un navire pourrait être détenu pendant une période allant jusqu'à 35 jours.
Le sénateur Cochrane : Si je comprends bien, le plus récent événement s'est produit au large de la côte est de Terre-Neuve, à proximité du littoral où de nombreux eiders ont été soit tués, soit contaminés par ces huiles usées. Cela ne s'est pas produit au-delà de la zone de 200 milles, mais bien près de la terre. Ai-je raison?
M. Weale : Vous semblez avoir de meilleurs renseignements que moi. Tout ce que j'en sais c'est ce que j'en ai lu dans les journaux. Manifestement, les preuves aboutissent sur le rivage; elles se trouvent donc à terre. Cela ne fait aucun doute. Je suis relativement sûr que la preuve est recueillie par la méthode d'échantillonnage parce que c'est la seule façon d'extrapoler le nombre d'oiseaux qui peuvent avoir été affectés. Cette extrapolation peut fort bien être exacte. Je ne critique pas la méthode, mais je crois bien que cela est la façon de procéder. Je ne crois pas que quiconque sachet d'où proviennent ces huiles usées mais je pourrais avoir tort.
Le sénateur Cochrane : Je suis assez sûre que ces oiseaux ont été trouvés près de la terre, et non au large.
Si nous allons jusqu'à la limite de la zone de 200 milles, si nous repoussons la limite, le gouvernement n'est-il pas obligé de s'assurer qu'il y a davantage de surveillance et que les activités d'exécution de la loi sont plus importantes?
M. Pathy : Madame la sénatrice, vous avez tout à fait raison. Je suggère d'ailleurs dans mon exposé d'améliorer nos méthodes de détection. Nous devons consacrer davantage d'argent à cette fin. Il n'y a pas suffisamment de surveillance et nous n'avons pas les outils nécessaires. Nous n'avons pas aujourd'hui les outils pour identifier la provenance de ces déversements et j'estime que cela est essentiel.
Le sénateur Cochrane : Si le gouvernement a proposé ce projet de loi, il a sûrement l'intention de consacrer davantage de ressources pour la réalisation des objectifs prévus.
M. Pathy : Je ne saurais commenter.
Le président : Nous ne le pouvons nous non plus.
M. Broad : Il y a une justification pour ces conventions internationales qui reflètent bien la difficulté de recueillir des échantillons d'hydrocarbures à 200 milles des côtes.
Le gouvernement du Canada et les fonctionnaires qui surveillent ces navires, qui pilotent les avions qui assurent la surveillance aérienne ont le droit en vertu des lois existantes de demander tous les renseignements nécessaires aux navires, aux cinq navires qui sont en mer, de demander le nom du navire, le nom du capitaine, le nom du prochain port d'escale, et ainsi de suite, puis de rendre compte. Si la nappe huileuse s'approche de la rive, ils peuvent prélever des échantillons. Ils savent où chacun des navires doit se rendre et ils peuvent, en vertu de la loi existante, demander que le gouvernement de l'État du port inspecte ce navire et cherche à établir une correspondance avec l'échantillon de résidu huileux. Il y a une certaine justification en droit international.
Le président : Nous nous intéressons au taux de succès des enquêtes, sans parler des poursuites dans le prochain port d'escale, et jusqu'à maintenant, les résultats ne sont pas très bons.
Le sénateur Spivak : Monsieur O'Connor, je ne suis pas avocate, mais j'ai trouvé que vos observations sur la responsabilité stricte sont source de confusion. Il me semble, malgré l'amendement qui est suggéré, que des innocents puissent être englobés dans le filet que constitue le projet de loi. Notre système de justice ne fonctionne pas comme une science exacte. Il arrive que des personnes innocentes soient accusées à tort. Le but visé est de minimiser ces occurrences. Êtes-vous en accord avec la notion de responsabilité stricte pour les infractions en matière d'environnement? Oui ou non?
M. O'Connor : Je vous répondrai que la notion de responsabilité stricte n'est pas une notion proposée par le Parlement. Ce sont plutôt les tribunaux qui l'ont proposée. Il ne s'agit pas de savoir si je suis d'accord ou non. Normalement, je vous dirais que je suis d'accord mais il y a un bémol à cela et ce bémol est que la Cour suprême du Canada se penche toujours sur la question. J'estime que d'ici quelques années, la question sera de nouveau soumise à la Cour suprême. La dernière fois que le plus haut tribunal en a été saisi, et la seule fois où cette question a été portée devant les tribunaux après l'adoption de notre Charte, le tribunal a rendu une décision à la majorité. Sur les neuf juges qui siégeaient à l'époque, un seul siège toujours à la Cour suprême et il s'agit de notre juge en chef. À l'époque, elle avait jugé que la question était inconstitutionnelle tout comme six de ses collègues, pour un total de sept juges sur neuf. Il s'agit d'une question très controversée. Il est possible que la Cour suprême exprime une opinion différente. Pour le moment, le droit du Canada fait en sorte que la responsabilité pénale stricte est légale et, par conséquent, je supporte cette approche parce que j'appuie la loi.
Le sénateur Angus : Pourrions-nous avoir la référence à cette cause?
Le sénateur Spivak : Nos lois ne devraient pas dépendre de précédents, mais qui sont les juges au tribunal?
Le sénateur Angus : C'est exact. Pouvons-nous avoir le nom de l'affaire?
M. O'Connor : Wholesale Travel Group Inc., 1991.
Le sénateur Spivak : Avant de laisser ce sujet, je ne sais toujours pas si vous avez raison de dire que cette interprétation a été imposée par le tribunal, parce que cela faisait partie de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et d'autres lois sur l'environnement. Je laisse cela de côté parce que nous avons des conseillers juridiques qui nous aident avec ces questions légales délicates. Même la notion de conflit avec le droit international n'est pas claire dans mon esprit.
Pourquoi des navires viendraient-ils dans les eaux canadiennes pour déverser leurs huiles usées? Ils viennent des États-Unis et, comme vous l'avez suggéré, ce n'est pas parce que les lois américaines ne sont pas bonnes, mais plutôt parce que les Américains ont un meilleur système de surveillance et d'application de la loi. Ce projet de loi porte sur les mesures d'application. Comment se comparent-elles? Quelles sont les différences essentielles entre ce que nous cherchons à faire et ce que les Américains font déjà qui les inciteraient à venir chez nous pour déverser leurs huiles usées?
M. O'Connor : Votre question comporte plusieurs sous-questions, mais je vous dirai ceci : nous ne sommes pas ici pour demander au Sénat de rejeter ce projet de loi. En toute honnêteté, que je crois que ce projet de loi n'est pas nécessaire. Nous avons déjà des lois qui couvrent le spectre économique au complet, qui font en sorte que la pollution est une violation grave et qui imposent des amendes d'un million de dollars. Il est possible aussi que la loi aille jusqu'à des peines d'emprisonnement. Nous avons déjà de telles lois. Nous ne sommes pas ici pour vous dire de vous débarrasser du projet de loi, parce que je ne sais pas si le Sénat est capable de le faire.
Le président : Nous pourrions le défaire.
M. O'Connor : Bien. Je vous suggère donc d'envisager cette possibilité. Nous cherchons plutôt ici à faire des comparaisons. Les gens demandent ce qui se fait aux États-Unis. Quand je dis que les Américains ont accru leur système de détection et de mise en application, je veux dire qu'ils consacrent des ressources financières et techniques pour trouver les pollueurs et les poursuivre.
Soit dit en passant, la législation des États-Unis n'en est pas une de responsabilité stricte parce que leurs tribunaux l'ont ainsi décidé. Ils n'en ont rien à faire. Ils ne cherchent qu'à poursuivre ceux qui polluent intentionnellement, mais ils investissent de l'argent et ils ont recours à des experts pour trouver qui sont les pollueurs et chaque fois qu'ils les découvrent, ils les poursuivent. J'estime que c'est ce que le Canada devrait faire.
Nous parlons ici de garde-pêche qui pourront donner des ordres à des navires en eaux internationales. Cela ne me semble pas raisonnable. J'estime que nous aurions dû faire de même avec le projet de loi C-3, qui votre comité étudie également. En l'occurrence, il faudrait confier les efforts d'application et de détection à une seule agence et cette agence devrait probablement être la Garde côtière du Canada. La Garde côtière dispose de navires, nous avons les avions et nous avons les satellites. Il nous faut davantage d'argent et, malgré tout le respect que je vous dois, je ne crois pas que ce projet de loi pourra attirer davantage de financement pour ses activités d'application de la loi et de détection des pollueurs. Je crois tout simplement que les fonds disponibles seront davantage répartis et qu'il sera encore plus difficile d'attraper les pollueurs. Nous devons concentrer et non diffuser.
Le sénateur Spivak : Laissez-moi voir si j'ai bien saisi votre intention. Rien dans la loi américaine n'est aussi contraignant. Il s'agit de dollars américains. Les Américains consacrent plus de fonds à cette activité. Est-ce là ce que vous cherchez à dire?
M. O'Connor : L'argent, oui bien sûr, mais il y a aussi l'expertise, les efforts de détection. Oui, tout cela coûte des sous et les Américains y consacrent davantage d'argent. C'est un fait et je crois que le Canada devrait envisager cette voie plutôt que d'envisager une autre loi.
Le sénateur Spivak : Cela m'amène à ma dernière question, monsieur le président. Nous avons un nombre en rapport avec l'application de la loi. J'ai aussi tendance à me demander sérieusement si les activités d'application de la loi seront menées par des garde-pêche. Nous avons entendu dire qu'il y a un peu plus de 900 agents de prévention de la pollution au Canada, mais nous avons reçu d'autres renseignements qui font en sorte que les chiffres ne concordent plus. En conséquence, ce n'est plus seulement une question d'expertise, mais aussi une question de nombre. Êtes-vous en train de me dire que la Garde côtière compte plus de personnel? Où en sommes-nous en ce qui a trait au personnel chargé de l'application de la loi, à votre avis?
M. O'Connor : Je ne voudrais pas donner de chiffres quant au nombre d'agents de prévention de la pollution, parce que je ne le sais pas, mais je sais qu'il n'y en a pas beaucoup. Je crois avoir entendu dire, et aussi lu dans les transcriptions des délibérations de votre comité, qu'il n'y a que 55 garde-chasses ou quelque chose du genre, ce qui ne me paraît être un petit nombre.
Toutefois, ces chiffres sont faciles à modifier. L'important est de savoir qui a les navires permettant d'aller dans cette zone. Incontestablement, ce ne sont pas les garde-pêche, mais bien la Garde côtière qui dispose de ces ressources. Qui a les avions nécessaires pour survoler les navires? J'estime que nous devrions augmenter le nombre de vols et laisser savoir publiquement ce que nous faisons de sorte que les gens aient peur. Est-ce cela qu'il faut faire? Une telle initiative pourrait aider à prévenir certains accidents de pollution. Qui a les avions? Je ne crois pas que ce soient les garde-pêche.
Autre chose : Que faisons-nous des satellites? Ils peuvent voir dans la nuit et à travers la brume. Nous avons le système RADARSAT, un dispositif merveilleux, mais nous avons besoin de financement supplémentaire pour accroître le nombre de survols, pour augmenter le nombre de satellites de surveillance. Voilà ce qu'il nous faut, et non un autre projet de loi.
Le président : Avant de céder la parole au sénateur Angus, n'est-il pas vrai que la Cour suprême a maintenu les accusations contre Wholesale Travel Group Inc., accusations qui étaient basées sur la responsabilité stricte? Je crois comprendre que la Couronne a eu raison dans l'affaire Wholesale Travel, et que la notion de responsabilité stricte a été maintenue. De fait, le juge Cory a dit dans son jugement que les infractions de responsabilité stricte ne violent ni l'article 7 ni l'alinéa 11d) de la Charte.
M. O'Connor : En prévision de cette rencontre, j'ai eu l'occasion de relire le dossier de l'affaire Wholesale Travel, et je dois dire qu'il m'a fallu plusieurs heures pour le faire parce qu'il s'agit d'un dossier très volumineux. C'est bien ce que le juge a dit. Il parlait en son nom et au nom du juge L'Heureux-Dubé. Tous deux sont à la retraite aujourd'hui. Ils étaient les deux seuls juges sur neuf à penser qu'il n'y avait pas de violation de notre Constitution. Les sept autres disaient qu'il s'agissait d'une situation illégale.
Toutefois, trois juges sur sept, les juge Iacobucci, Gonthier et Stevenson, ont dit que cela était permis à cause de l'article 1. Souvenez-vous de l'article 1 de notre Constitution qui dit, pour paraphraser, sauf dans une société moderne et démocratique selon les besoins.
Ces trois juges ont dit que cela était illégal mais que l'article 1 avait priorité. Ces trois juges s'ajoutent aux juges Cory et L'Heureux-Dubé. Au total, cinq juges sur neuf ont dit, pour des raisons différentes, que cela était illégal. Les quatre autres, y compris notre juge en chef actuel, ont dit que cela était totalement illégal et que l'article 1 n'avait rien à voir.
Par conséquent, il y a eu décision partagée. Pour vous donner une réponse courte, je dirais que c'est légal, que c'est constitutionnel, mais pour deux raisons différentes. Sur les neuf juges, un seul siège toujours. Personne ne peut prédire ce qui se produira lorsque l'affaire sera de nouveau soumise au tribunal, particulièrement après que notre juge en chef se soit exprimée avec vigueur contre ce fait et qu'elle ait dit que l'article 1 n'avait rien à voir.
Nous ne sommes pas ici pour vous demander de faire une déclaration à ce sujet, parce que la Cour suprême ne le fera probablement pas l'an prochain ni même avant dix ans. Le fait demeure que cela est légal aujourd'hui. Toutefois, l'affaire Wholesale Travel n'est pas un exemple éloquent qui milite en faveur d'une responsabilité pénale stricte.
Le sénateur Angus : Je vous dirai bien franchement que la flotte a bien répondu à toutes mes questions. J'ai gardé la plupart de mes questions pour le reste du groupe, qui devrait se présenter bientôt. Mais j'ai tout de même quelques questions à vous poser.
Monsieur O'Neil, si je comprends bien, vous êtes actuellement résident du Royaume-Uni et vous vous êtes déplacé spécialement pour cette occasion.
M. O'Neil : C'est exact.
Le sénateur Angus : Dans vos observations, vous avez fait référence, mais sans élaborer, à la notion de contrôle par l'État du port. Je crois comprendre que la notion de contrôle par l'État du port est une autre forme de mécanisme international mis en place par les nations qui exploitent des navires pour traiter de questions maritimes et environnementales et pour veiller à l'application des règlements. Pourriez-vous nous donner un exemple ou deux du fonctionnement de cette notion?
M. O'Neil : Le système de contrôle par l'État du port est issu du Protocole de Paris. Les pays d'Europe ont décidé qu'il était nécessaire d'avoir une forme d'inspection à bord des navires qui entrent dans leurs ports. Par conséquent, ces pays ont décidé collectivement qu'ils se serviraient du protocole comme instrument pour réunir les pays intéressés par cette mesure.
Le système de contrôle par l'État du port exige que les signataires du protocole d'entente inspectent un certain nombre des navires qui entrent dans leurs ports chaque année du point et leur permet de vérifier des questions de sécurité ou autre. Ils peuvent s'intéresser au matériel antipollution et chercher à savoir si les séparateurs huile-eau fonctionnent et si les appareils de sécurité fonctionnent également et ainsi de suite.
Une inspection faite par un pays signataire du protocole sera valide lorsque le navire se rendra dans un autre pays signataire. Le navire n'a pas à être inspecté chaque fois qu'il change de pays, disons en Europe.
De ce point de vue, le concept s'est répandu partout dans le monde de sorte qu'il y a maintenant des ententes de contrôle d'État de port, sept je crois, dans différentes régions, en Amérique latine, en Asie, en Afrique et ainsi de suite.
Le Canada est partie au Protocole de Paris et à l'Accord de Tokyo. Par conséquent, le Canada peut fournir des renseignements aux signataires et ainsi assurer un échange d'information entre les divers arrangements de contrôle d'État de port. Au départ, cette approche était considérée comme une défense tertiaire. La première était l'adoption de règles que l'État du pavillon était chargé de faire appliquer. La seconde était de s'assurer que l'État pavillon fasse le travail de manière appropriée, et l'OMI renforce cette exigence. À l'heure actuelle, il y a une proposition de système de vérification des États pour s'assurer qu'ils respectent les exigences des conventions qui traitent de la question de la souveraineté. Il semble cependant que les États soient disposés à mettre de côté la question de la souveraineté pour améliorer la sécurité et assurer la prévention de la pollution. La troisième ligne de défense est le contrôle de l'État de port. À une époque, cela était perçu comme une mesure temporaire.
Le sénateur Angus : Je suis désolé de vous interrompre, mais j'essaie de rendre les choses très claires. Il semble que l'expression « État de port » soit utilisée par opposition à « État du pavillon ». Si le navire vient à Sept-Îles, au Canada, mais qu'il bat pavillon panaméen, nous sommes donc l'État de port, ai-je raison?
M. O'Neil : C'est exact.
Le sénateur Angus : Est-ce à la discrétion de Transports Canada ou de quelqu'un d'autre? Disons que Transport Canada reçoit une plainte d'un membre de l'association de M. Dempsey ou de quelqu'un d'autre à l'effet que le navire n'est pas sécuritaire et que l'équipage se sent mal à l'aise, qu'il y a des trous dans les réservoirs ou quelque chose du genre. Dans la pratique, que se passerait-il et quel est le dossier du Canada à cet égard, jusqu'à maintenant?
M. O'Neil : L'expression État de port pourrait signifier État côtier. Elle désigne le pays vers lequel le pays le navire se dirige. La plupart des accords de contrôle d'État de port exigent qu'un certain nombre de navires fassent l'objet d'un examen. Parfois, il s'agit de 15 à 20 p. 100 des navires. En Australie, le gouvernement cherche à s'approcher de 100 p. 100. Les navires peuvent faire l'objet d'examen pour diverses raisons y compris à la suite d'une plainte. Indépendamment de cela, les agents de contrôle de l'État du port, qui au Canada sont les membres de la Garde côtière, ont l'obligation d'inspecter les navires.
Le sénateur Angus : Quel est le dossier du Canada en la matière?
M. O'Neil : Je ne suis pas au courant de cela. Les dossiers sont publiés par le contrôle de l'État du port. Il existe une association des autorités de contrôle d'État du port qui publie des renseignements sur les lacunes et, dans certains cas, publie une liste noire de certains pavillons et de certains bâtiments.
M. Cullen : L'élément canadien du contrôle de l'État du port peut accéder à une base de données pour vérifier qu'un navire en particulier a fait l'objet d'un examen au port d'escale précédent et connaître la description et l'historique du navire.
M. O'Neil : C'est exact. Il est possible de connaître la description du navire dans tout le système.
M. Cullen : Ainsi, il est possible de s'assurer, à l'arrivée du bâtiment au Canada, que les recommandations faites au navire ou les mesures de détention prises à son endroit dans le port d'escale ont été respectées.
M. O'Neil : L'agent de contrôle de l'État du port peut détenir le navire s'il estime que la gravité de l'infraction le justifie. Dans le cas contraire, les lacunes du navire devront être corrigées. Le navire se rendra à son prochain port d'escale où les renseignements seront disponibles à son sujet. Le navire fera l'objet d'une nouvelle inspection et il devrait normalement avoir corrigé les lacunes, quelles qu'elles soient. Ce renseignement est communiqué à l'ensemble de la collectivité des États du port.
Comme le Canada est partie à l'Accord de Tokyo et au Protocole de Paris, il a la capacité de suivre le flot d'information partout dans le monde par l'entremise des autorités canadiennes.
Le sénateur Angus : Tous les membres de la flotte dont j'ai entendu parler me disent que nous avons de bons opérateurs et que ce ne sont que les pommes pourries dans le baril, c'est-à-dire un à deux pour cent des opérateurs qui déversent les huiles usées dans l'obscurité de la nuit. Est-ce que les navires qui appartiennent à ces mauvais opérateurs font l'objet du contrôle de l'État du port? Avez-vous observé une tendance à ce sujet? S'agit-il de ces opérateurs modernes délinquants ou de navires différents?
M. O'Neil : Il peut s'agir de l'un ou de l'autre. Vous avez parlé du déversement de tonneaux de pétrole. La réglementation existe à ce sujet. Pourquoi les navires ne la respectent-ils pas? Que gagnent-ils à ne pas le faire?
La réponse est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît. La Convention MARPOL comporte une exigence selon laquelle les installations de réception des huiles usées permettent au navire de décharger ces matières, mais malheureusement de telles installations ne sont pas disponibles partout dans le monde. Le capitaine est pris dans un dilemme. Il a à son bord des matières générées par le fonctionnement normal du navire et il doit en faire quelque chose. Si l'installation de traitement des huiles usées existe, il devrait être tenu de s'en servir. Certains ports facturent pour l'utilisation de ces installations et certains opérateurs de navire estiment que les frais sont excessifs. S'il s'agissait de droits, les gens les utiliseraient sans poser de question. Si un navire peut se défaire de ses huiles usées dans une installation de réception, il devrait être tenu de le faire.
S'il ne le peut pas, que pourra-t-il faire? Dans certaines circonstances, en vertu du MARPOL, les navires sont autorisés à rejeter ces huiles usées à un certain rythme, mais les navires ne suivent pas tous cette recommandation et cela peut entraîner le déversement de matières polluantes en mer.
Il y a un élément côtier à tout cela. Une des situations les plus difficiles auxquelles j'ai eu à faire face pendant mon séjour à l'OMI était de convaincre les États côtiers qu'ils devraient respecter leurs obligations. Vous avez parlé de matières en provenance des États-Unis qui sont déversées dans les eaux canadiennes. S'il y avait des installations de traitement des huiles usées dans les ports, le capitaine ne serait pas obligé de déverser ces matières en mer. Si le Canada veut faire quelque chose, il devrait assumer sa responsabilité internationale de favoriser l'installation de postes de réception pour le traitement des huiles usées partout dans le monde.
Le sénateur Angus : Seraient-elles gratuites?
M. O'Neil : Oui. Le Canada devrait en faire la promotion auprès de l'OMI. Les gens ignorent ce problème particulier. J'ai lu plusieurs études au sujet des installations de réception, et j'ai entendu plusieurs pays affirmer solennellement qu'ils observent le règlement, mais nous savons très bien qu'ils ne le feront pas.
Le sénateur Angus : Il coûterait bien moins cher aux pays d'installer des installations gratuites dans tous les ports que d'utiliser des radars et des avions de surveillance.
M. O'Neil : Les retombées seraient considérables. J'ai de sérieux doutes quant à la capacité du Canada de bien assurer la surveillance maritime de ses zones économiques. J'ai écouté la discussion au sujet de l'identification de la source de pollution. C'est un problème très difficile que personne n'a pu résoudre à l'échelle internationale. Il est très difficile d'obtenir des échantillons et d'en garantir la provenance.
Le sénateur Angus : Vous dites cela à titre d'ancien commissaire de la Garde côtière, n'est-ce pas?
M. O'Neil : Oui. Lorsque les limites territoriales ont été repoussées dans le cadre de UNCLOS et que la zone économique a été créée, notre priorité était notre capacité de bien appliquer toutes les lois existantes dans la zone économique en raison d'un manque de ressources, et je ne crois pas que la situation se soit améliorée.
Le sénateur Christensen : Il y a bien d'autres coûts que le simple déchargement des huiles usées. Il y a le temps nécessaire pour entrer dans le port pour le déchargement, les droits de mouillage, et cetera. Il est certainement plus facile et moins coûteux de continuer son chemin et de déverser en mer, si l'équipage du navire n'est pas surpris.
M. O'Neil : La procédure opérationnelle serait que dès que le navire entre dans un port pour y charger des marchandises, il se défait de ses huiles usées. Il n'y aurait alors aucune perte de temps. C'est simplement une question d'utiliser le temps passé à quai, soit pour le chargement, soit pour le déchargement de marchandises, pour se défaire de ces matières.
Le sénateur Christensen : Les navires qui font du déversement ne viennent pas dans un port canadien, ils vont vers un port américain. Pourquoi ne chargent-ils pas leurs matières dans un port américain? Il est sans doute plus économique de le faire dans les eaux canadiennes.
M. O'Neil : J'aimerais que le Canada use de son influence pour exiger que des pays comme les États-Unis offrent des installations de réception afin que cela ne se produise pas.
Le sénateur Christensen : Vous dites que les États-Unis n'ont pas suffisamment de ces infrastructures de réception.
M. O'Neil : C'est tout à fait exact, ils n'en ont pas et le pays n'est pas le seul.
Le sénateur Angus : Presque tous les témoins, y compris les fonctionnaires qui étaient ici à la première audience concernant ce projet de loi, ont fini par admettre qu'il n'y a pas suffisamment de consultation au sein de l'industrie au sujet de ce projet de loi, comme c'est le cas normalement selon d'autres témoins. Est-ce que vous ou les organisations que vous représentez avez été consultés en rapport avec le projet de loi C-15 ou en rapport avec le projet précédent, le projet de loi C-34?
M. Cullen : Comme je l'ai mentionné dans mes observations préliminaires, l'Association canadienne de droit maritime est souvent consultée sur les projets de politique nouvelle ou en vue d'un changement de politique ou lorsque l'on en est à l'étape de la rédaction d'un règlement ou d'un projet de loi. Notre organisme n'a pas été consulté.
M. Broad : La Fédération maritime du Canada a soumis un mémoire au ministère de l'Environnement, mais il n'a pas été lu.
Le sénateur Angus : Est-ce que cela s'est produit après le dépôt du projet, ou après le dépôt du projet de loi C-34?
M. Broad : Dans le cas des deux projets de loi, les projets de loi C-34 et C-15. J'ai été convoqué à une réunion à Ottawa par Environnement Canada. Après deux minutes, les fonctionnaires ont commencé à poser des questions, et je leur ai demandé « n'avez-vous pas lu nos modifications proposées? » On m'a répondu non. Le lendemain, un fonctionnaire d'Environnement Canada a dit au président du Comité permanent de la Chambre que la Fédération maritime du Canada était d'accord.
Le sénateur Angus : Cela s'est produit après le projet de loi. Au cours de la période qui précède l'adoption de la loi, comme nous l'avons entendu dire par plusieurs autres témoins, le gouvernement prépare normalement un document qu'il fait circuler, et j'en ai lu plusieurs. Dans ce document, il est dit notamment que le gouvernement travaille à l'élaboration d'une politique publique en vue de l'adoption d'un projet de loi. Voici ce que nous pensons pour le moment. Quelqu'un a-t-il des opinions à formuler? Est-ce que quelqu'un a été consulté de cette manière ou d'une manière similaire en rapport avec le projet de loi qui nous intéresse?
M. Pathy : À ma connaissance, le milieu du transport maritime international ne l'a pas été. Nous travaillons par l'entremise d'organismes comme la Fédération maritime du Canada et la Chambre de commerce maritime. Aucun de ces organismes n'a été consulté, que je sache.
Le sénateur Angus : Monsieur O'Neil, vous avez dit n'avoir rien entendu à l'OMI à l'effet que le Canada songeait à le faire?
M. O'Neil : Aucunement.
M. Dempsey : La Guilde de la marine marchande du Canada en a entendu parler à l'occasion de la réunion du Conseil consultatif maritime canadien l'an dernier, réunion qui se tient deux fois par année à Ottawa. Il y avait un document sur la table et M. Peter Lehay de la Fédération internationale des ouvriers du transport s'est adonné à le feuilleter vers la fin de la période. En tant que participant, il a demandé des détails sur la criminalisation des marins. C'était la première fois que nous, en tant qu'organisation, prenions conscience de ce fait. Le dossier semblait avoir sa propre existence jusqu'à ce que la question soit posée. Jusqu'à ce moment, nous n'avions aucune idée de ce qui se passait.
Le sénateur Angus : Il s'agissait déjà d'un projet de loi en marche.
M. Dempsey : Oui.
M. Cullen : Je crois comprendre qu'un certain nombre d'autres membres n'ont pas été consultés, y compris l'Association des armateurs canadiens et la Chamber of Shipping of British Columbia.
Le sénateur Angus : Ils sont venus témoigner et c'est ce qu'ils ont dit. Je veux m'assurer que nous n'avons oublié personne.
Monsieur Pathy, vous avez fait état dans vos observations du coût élevé de ces immobilisations et je crois que vous avez également présenté un mémoire à l'appui de vos déclarations. Vous avez dit être propriétaire de 20 navires et en affréter de 50 à 60 autres pour des activités quelconques et vous avez également dit que la détention de navires est coûteuse. Supposons que l'un de vos navires soit immobilisé pendant une période de 30 jours en vertu de cette loi. Quel serait l'ordre de grandeur des coûts?
M. Pathy : Si un de nos navires entrait dans un port et qu'il y était détenu pendant 30 jours, il pourrait en coûter de 20 000 $ à 70 000 $ par jour, soit une moyenne de 40 000 $ par jour selon le cadre international actuel et selon le type de navire. Si vous multipliez cela par 30, et si vous y ajoutez tous les frais associés à cette procédure, vous parlez d'une somme qui dépasse le million de dollars.
Le sénateur Angus : S'il y avait à bord de ce navire des marchandises destinées à un autre port, seriez-vous assujetti à une réclamation de la part du propriétaire des marchandises parce que vous avez 30 jours de retard dans la livraison?
M. Pathy : Tout à fait. Dans bien des cas, l'arrivée des marchandises à une date précise est un élément essentiel. Par conséquent, non seulement y aurait-il une réclamation, mais notre réputation en souffrirait parce qu'une compagnie comme la nôtre donne un service à ses clients et que, dans ces circonstances, notre compagnie ne serait pas en mesure de donner ce service. De plus, le client pourrait également présenter une demande de réclamation pour livraison tardive.
Ce type de détention peut avoir des conséquences financières cumulatives très graves.
Le sénateur Angus : M. O'Neil parlait des raisons pour lesquelles les bâtiments ont tendance à déverser les eaux huileuses qui proviennent du fonctionnement normal du navire. Plusieurs des témoins que nous avons entendus ont parlé de séparateurs huile-eau. C'est une technologie qui a été mise au point, mais je ne suis pas sûr de très bien comprendre la situation. De plus, si ces appareils se trouvent à bord des navires, pourquoi y a-t-il problème?
M. Pathy : Nous avons inclus dans notre mémoire une photographie et une description d'un séparateur huile-eau. Je demanderai à M. Weale de répondre à votre question.
M. Weale : Premièrement, il faut savoir d'où proviennent ces huiles? Elles viennent des machines. Il s'agit d'huile de graissage. Il y a aussi des solvants qui servent à diverses fins. Et il y a aussi des huiles hydrocarboniques qui proviennent de divers endroits, même si c'est en petites quantités, et qui se retrouvent dans le fond de cale du navire. Il y a également de l'eau provenant de la condensation sur les parois du navire, selon la température ambiante et le point de rosée. Il y a donc un mélange d'eau et d'huile dans la cale du navire.
La question est de savoir comment en disposer. Il y a deux façons de le faire. La première est de recueillir et de conserver ces résidus et de les déverser dans une installation de traitement à terre. C'est là la solution préférée. L'autre façon de procéder est de traiter ces matières à bord du navire grâce à un système élaboré de filtration. Il s'agit de filtrer le produit jusqu'à ce que la concentration en huile soit acceptable. La valeur acceptée à l'échelle internationale est de 15 parties d'eau par million de parties d'huile. Dans des zones particulières comme les Grands Lacs ou la mer Noire, une concentration plus faible est acceptable. Vous pouvez imaginer des exemples évidents comme ceux-là.
Le séparateur huile-eau fonctionne essentiellement par mode de filtration. Diverses méthodes peuvent être appliquées pour accélérer ce processus, comme le recours à la chaleur. En bout de ligne, je dirai que le processus n'est pas inefficace, mais il est plutôt lent.
C'est la raison pour laquelle les installations à terre sont essentielles. Il y a deux façons parallèles d'aborder cette question. Une fois que cette concentration descend sous le niveau de 15 parties par million ou de cinq parties par million, selon le cas, le résidu peut être recueilli. Ce résidu peut être déversé à terre ou brûlé dans l'incinérateur du navire, en respectant les règles internationales concernant les émissions polluantes.
D'un point de vue opérationnel, il y a des circonstances où vous préférez déverser ces matières à terre, mais vous devez vous servir du séparateur huile-eau, ce qui ralentit les opérations. Je dirais que les pollueurs délinquants, les criminels, ou appelez-les comme vous voudrez, les deux ou cinq pour cent que votre projet de loi cherche à cibler, sont probablement pris dans cette conjoncture. Le processus de séparation à bord prend du temps. Si ces navires pouvaient se départir de cette matière à terre, dans le port d'escale, le problème ne serait pas aussi grave.
Le sénateur Fraser : Je suis nouvelle au sein de ce comité, mais j'en apprends beaucoup. Pourquoi y aurait-il des contraintes de temps? Le navire doit-il s'arrêter? N'est-il pas possible d'utiliser cet appareil pendant que le navire fait route?
M. Weale : L'appareil n'est pas utilisé pendant que le navire fait route, mais il se peut que l'on cherche à transformer trop de liquide et que le temps manque pour le faire. L'appareil ne fonctionnera pas non plus pendant que le navire est à quai. Par conséquent, il faut conserver les liquides et il peut y avoir accumulation. Un navire hauturier qui traverse le Pacifique n'aura pas ce problème, mais un navire qui navigue le long des côtes peut fort bien avoir le problème de l'évacuation de cette matière de la manière la plus efficace et la plus efficiente. Je ne suis pas ingénieur, et mon explication en est une de profane, mais c'est essentiellement la façon dont cela fonctionne.
Le sénateur Christensen : Un témoin précédent, venu de la côte du Pacifique, disait qu'il y a un marché assez important pour ces huiles récupérées, particulièrement dans l'Est. Il s'agirait donc d'un produit qui a une certaine valeur.
M. Weale : C'est exact. Je crois qu'il s'agissait de l'exploitant d'un service de conteneurs. Cela est fort possible. Dans le cas de nos navires, cela ne se produit pas, soit parce que les résidus n'ont pas de valeur, soit parce qu'il n'y en a pas suffisamment. C'est ce qu'il a dit.
Le sénateur Christensen : Dans le cadre de votre exploitation maritime, vous ne récupérez pas suffisamment de cette matière pour que cela en vaille la peine.
M. Weale : Non, pas que je sache.
Le sénateur Christensen : Tout dépend du type de transport maritime dont il est question.
Le sénateur Milne : Et des ports d'escale.
M. Weale : Possiblement le type de port auquel vous allez et l'économie, mais je ne saurais commenter cet aspect.
Le sénateur Buchanan : Merci d'être venu.
Le sénateur Angus : Ils ont tous déclaré qu'ils ne viennent pas de Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Buchanan : Si je fouillais un peu, je constaterais que la plupart d'entre eux sont venus en Nouvelle-Écosse à un moment ou à un autre et qu'ils ont probablement été là pendant que nous avions de grands gouvernements. Monsieur Dempsey, il y a plein de gens qui portent votre nom en Nouvelle-Écosse.
J'ai rencontré des représentants du syndicat international des débardeurs à Halifax et des pointeurs concernant une autre question et j'ai leur ai mentionné ce projet de loi. Personne n'en avait entendu parler et, la semaine suivante, ils ont reçu un appel de M. Lehay. L'Association internationale des débardeurs est associée à la Fédération internationale des ouvriers du transport. Les deux organismes se disaient préoccupés par le fait que personne n'avait mentionné ce projet de loi avant qu'il ne soit soumis à la Chambre des communes. Ce ne sont pas des marins, mais ils sont touchés par ce projet de loi. Ils sont touchés en ce sens qu'un tel projet de loi pourrait contribuer à une réduction des activités dans le port d'Halifax. Certains ont dit que cela est impossible, mais nous avons entendu dire que cela n'était guère impossible et que cela pouvait se produire. Vous avez dit aujourd'hui, messieurs, que cela pouvait se produire.
Pour ceux qui travaillent dans votre secteur d'activité, qu'il s'agisse de débardeurs, de pointeurs, de capitaines, de mécaniciens ou de propriétaires, les préoccupations deviennent de plus en plus importantes au fur et à mesure où les bureaucrates font partie de la situation. On m'a demandé pourquoi il faut que ce soit un garde-pêche, qui est considéré comme quelqu'un qui lutte contre le braconnage et qui, à compter de maintenant, décidera si les navires de transport feront escale dans le port d'Halifax.
M. Dempsey sait qu'il y a beaucoup de marins dans la région d'Halifax. J'ai reçu des appels de ces gens pour me dire qu'ils sont préoccupés, pour me demander s'ils risquent d'être mis en accusation pour un incident qu'ils ne connaissent pas. On leur répond que oui, mais si vous êtes mis en accusation, vous pouvez démontrer au tribunal que vous avez fait preuve de diligence raisonnable et que vous n'avez rien à voir avec la situation, et vous serez acquitté. Un capitaine a parlé du stigmate que laisse une accusation suivie d'un acquittement, mais la plupart de gens vous diront que la personne est coupable. Êtes-vous d'accord que ce stigmate est important?
M. Dempsey : Bien sûr, je suis entièrement d'accord avec vous. Les journaux font état des mises en accusation, mais l'article sur l'acquittement est souvent relégué à la dernière page.
Le sénateur Buchanan : C'est exact. Les sections du projet de loi qui traitent de l'aspect pénal concernent au plus haut point les gens de mer. Si je comprends bien, il s'agit de dispositions sans précédent et d'une violation de la convention MARPOL. Je ne l'ai pas examiné, et je ne suis pas un avocat du droit maritime, mais j'ai vérifié auprès d'un avocat en droit maritime d'Halifax qui me dit que cela est contraire à la convention MARPOL. Pour qu'il y ait intention criminelle, il faut qu'il y ait eu négligence volontaire. Le projet de loi ne le précise pas. Si un garde-pêche constate la présence d'un peu d'huile à proximité d'un navire, il peut dire « Vous serez accusé ». Est-ce exact?
M. Dempsey : C'est la façon dont nous lisons le projet de loi. Toutefois, il n'a pas été question aujourd'hui des conséquences pour l'ensemble de l'industrie lorsque le premier capitaine ou le premier ingénieur en chef ou les deux auront été mis en accusation et que le recrutement ou le maintien en emploi de personnel dans l'industrie et aux postes supérieurs deviendra difficile. Les bâtiments ne peuvent naviguer sans capitaine et sans mécanicien en chef et la loi exige leur présence à bord de navires de tout tonnage. Lors du recrutement, il est très important de ne pas mettre d'obstacles sur leur chemin et le projet de loi C-15 en est un de ces obstacles, de sorte que ces gens se disent « Ce n'est pas l'emploi que je veux occuper ». Le recrutement et le maintien en emploi sont très importants pour l'industrie.
Le président : Comme c'est toujours le cas pour des questions aussi intéressantes que celle-ci, nous avons épuisé notre temps. Nous pourrions continuer pendant un long moment. Je demanderai à M. O'Connor si nous pouvons lui transmettre les questions que nous n'avons pas eu l'occasion de lui poser.
Au cours des 30 secondes qui restent, je vous demanderai de répondre à une dernière question. Nous connaissons bien la question de la responsabilité stricte et de la mise en accusation, mais j'aimerais que l'un de vous réponde à une situation hypothétique. Il fait nuit et il y a de la brume. La Couronne a pu démontrer qu'un navire était à l'origine d'un déversement d'eaux huileuses, de résidus de cale ou d'huile. En l'occurrence, la Couronne doit prouver hors de tout doute raisonnable que ces matières proviennent de ce navire en particulier. Quelqu'un a commis l'infraction et il fait nuit et il y a de la brume et le navire ne fera pas escale avant un long moment. Faute de responsabilité stricte, comment pourrons prouver qui a commis l'infraction si nous ne portons pas d'accusations contre le navire? L'industrie est-elle disposée à tenir des registres spécifiques indiquant quel ingénieur n'était pas endormi, lequel était en poste au moment du déversement d'huile? En d'autres mots, aidez-nous à répondre mais de votre point de vue, si vous le pouvez. Pas maintenant, parce que nous devons quitter. Si cela n'est pas possible, envoyez-nous une note par l'entremise du greffier pour nous dire que cela n'est pas possible.
Je n'ai plus qu'à vous remercier, messieurs, pour le temps que vous nous avez consacré. J'aurais aimé disposer de plus de temps. Chers membres du comité, merci de vos questions.
La séance est levée.