Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 13 - Témoignages du 12 mai 2005
OTTAWA, le jeudi 12 mai 2005
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi de 1994 sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999), se réunit aujourd'hui à 8 h 2 du matin, pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour, la séance est ouverte.
Nous recevons ce matin le ministre de l'Environnement pour notre étude du projet de loi C-15. Les personnes qui accompagnent le ministre sont M. Wendt, chef, Conservation des oiseaux migrateurs; Mme Waters, conseillère juridique; M. Hazra, chef, Prévention et rétablissement et Mme Dawson, la sous-ministre déléguée de la Justice.
M. Byron Wilfert, député, se trouve également à cette table, ainsi que d'autres collaborateurs du ministre.
Cette réunion doit nous permettre de poser des questions sur le projet de loi C-15 au ministre et aux personnes qui l'accompagnent. Le ministre doit participer à une réunion du Cabinet à 9 heures. Je vais vous demander de poser des questions aussi brèves que possible afin que nous puissions faire au maximum le tour du sujet. Nous laisserons le ministre partir à neuf heures moins cinq.
Je suppose, monsieur le ministre, que vous désirez commencer par une déclaration. Alors la parole est à vous.
[Français]
M. Stéphane Dion, ministre de l'Environnement : Honorables sénateurs, je suis très heureux d'être ici aujourd'hui pour parler du projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Il me fera plaisir de répondre à toutes les questions que vous voudrez me poser par la suite.
[Traduction]
J'ai trouvé très encourageant d'entendre vos commentaires positifs au cours du débat en deuxième lecture. J'ai pu constater que les honorables sénateurs appuyaient le but de cette mesure qui est de mieux nous permettre d'appliquer efficacement ces lois environnementales importantes. Je tiens à remercier le sénateur Hubley d'avoir présenté le projet de loi au Sénat. De nombreux sénateurs ont travaillé fort sur ce dossier et je les en remercie également. Comme vous le savez, il s'agit d'une situation alarmante. Plusieurs sénateurs ont parlé très éloquemment de la gravité du problème, des centaines de milliers d'oiseaux qui sont tués chaque année dans l'environnement marin du Canada à cause des eaux de cale mazoutées qui sont évacuées illégalement par des navires qui traversent nos eaux. Des carcasses d'oiseaux mazoutés sont trouvées sur les plages du Canada depuis de nombreuses années, mais jusqu'à récemment, nous n'arrivions pas à comprendre le rapport entre le nombre de ces carcasses et la quantité réelle d'oiseaux tués. Les oiseaux morts ne se retrouvent pas tous sur les plages. Nous estimons actuellement que 300 000 oiseaux sont tués au large des côtes de Terre-Neuve en nous basant sur les recherches publiées dans les revues scientifiques réputées. On effectue actuellement des recherches pour évaluer l'ampleur du problème sur la côte ouest du Canada. Le problème ne se limite pas à la côte est ou à la côte ouest. Il est présent sur les deux côtes. Nous n'avons pas encore d'estimations. Nous savons déjà que les vents et les courants apportent peu d'oiseaux sur notre littoral pacifique et c'est pourquoi le modèle mis au point pour la côte est ne peut pas être appliqué directement. Il faut modifier ce modèle pour tenir compte des conditions particulières qui règnent dans le Pacifique.
Étant donné que le chiffre de 300 000 oiseaux est une estimation minimum pour la côte est et Terre-Neuve, il est probable que le nombre d'oiseaux tués dans les eaux canadiennes est plus élevé. En fait, toutes les parties prenantes s'entendent à trouver la situation inacceptable et scandaleuse.
Pour ce qui est des causes : Pourquoi certains navires continuent-ils à enfreindre les règles? Comme le disent les Américains, c'est pour une question d'argent et vous savez quel est le mot qui suit le mot « argent ». C'est le mot « économie ». En 2003, le Comité du transport maritime de l'OCDE a publié un rapport montrant que le non respect des règles représente une économie importante pour les navires. Selon ce rapport, les navires qui ne sont pas équipés d'un dispositif de traitement des eaux mazoutées en état de marche doivent payer 50 000 $ à 400 000 $ par année pour faire traiter à terre leurs eaux de cale. Dans le cas des navires plus anciens, il peut être encore plus coûteux de respecter les exigences environnementales. Ces frais peuvent représenter 11 à 15 p. 100 des revenus dans un marché dominé par des transporteurs à rabais.
Même si la plupart des navires obéissent aux règles, et si ces comportements scandaleux sont ceux d'une minorité, les coûts expliquent pourquoi les minorités en question ne respectent pas la loi. Selon le rapport de l'OCDE, les déversements illégaux auxquels les navires se livrent régulièrement dans les océans du monde entier représentent chaque année plus de huit fois la nappe de pétrole déversée par l'Exxon Valdez. Les données que nous avons présentées à l'Organisation maritime internationale montrent qu'un des pires endroits au monde où sévit ce problème est la côte atlantique du Canada et cette situation ne peut pas continuer.
Honorables sénateurs, le problème est dû en partie non pas aux navires qui se rendent dans les ports canadiens, mais aux navires à destination ou en partance des États-Unis. Les États-Unis sont pour nous un allié important dans la lutte que nous menons pour sauver les oiseaux du monde de la pollution maritime et ils sont signataires de MARPOL, la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires. Ils coopèrent avec le Canada pour l'application de la Convention. Pour ce qui est des amendes, ils ont réussi, dans de nombreuses causes dont on a beaucoup parlé, à infliger des amendes de plusieurs millions de dollars, mais à certains égards, cela nous pose un problème supplémentaire. Sachant que les amendes sont beaucoup plus élevées aux États-Unis, certains préfèrent se délester de leurs eaux mazoutées au Canada.
La rigueur de la politique américaine pose un problème pour nous si nos amendes sont moins élevées. Les amendes canadiennes sont beaucoup plus faibles. Nous devons veiller à ce que la rigueur avec laquelle les États-Unis appliquent la loi ne conduise pas les exploitants de navire peu scrupuleux à se débarrasser de leurs déchets pétroliers lorsqu'ils traversent notre zone économique exclusive.
[Français]
Nous venons de voir la cause du problème; penchons-nous maintenant sur la solution. Il faut accroître la probabilité que les pollueurs soient attrapés et poursuivis avec succès.
Comme l'ont fait observer beaucoup de sénateurs, il y a peu d'intérêt à voter des lois qui ne peuvent être appliquées. Si l'on n'applique pas la loi, les navires responsables profitent d'un avantage économique injustifié et ternissent la réputation de toute une industrie honnête. C'est pourtant la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement. Même si la Loi de 1994 sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement s'applique déjà aux cas de déversement d'hydrocarbure dans les eaux de la zone économique exclusive, elle ne comporte pas de moyens d'application suffisants pour mener à bien une poursuite devant les tribunaux.
[Traduction]
La solution devrait être une application plus rigoureuse. C'est ce que fera la loi.
[Français]
Voici ce que nous donne le projet de loi C-15 : le pouvoir de faire appliquer les lois dans les zones économiques exclusives; le droit de tenir les navires, leurs propriétaires et leurs exploitants responsables du respect de la loi; un devoir de diligence raisonnable pour toute personne en contrôle du navire; le pouvoir de détenir tout navire en infraction et de lui donner des directives; des amendes minimums pour les navires de plus de cinq mille tonnes, en vertu de la Loi de 1994 sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs; l'attribution de ces amendes au Fonds pour dommage à l'environnement.
L'adoption du projet de loi C-15, honorables sénateurs, garantira que nos actions d'application de la loi reposent sur des bases juridiques solides et qu'elles permettent la mise en œuvre de mesures efficaces, qu'il s'agisse d'ordres donnés par des agents de l'autorité ou de poursuites devant les tribunaux canadiens. L'adoption du projet de loi C-15 constituera une amélioration importante et nécessaire par rapport à la situation actuelle.
Certaines questions ont été soulevées devant votre comité. Pour répondre à celles qui nous ont été relayées et qui m'ont été relayées comme ministre de l'Environnement, mon ministère a préparé un document. Il s'agit d'une liste de lettres comprenant au moins 25 pages serrées, et je suis certain que ces questions ont maintenant été traitées à la satisfaction des sénateurs. J'aimerais élaborer sur trois thèmes récurrents, à savoir la conformité du projet de loi à la Charte canadienne des droits et libertés; le respect des conventions internationales et, enfin, l'accord par le gouvernement des ressources nécessaires à sa mise en œuvre.
Le projet de loi C-15 crée l'obligation de faire preuve de la diligence voulue. Par exemple, il stipule que le capitaine, le mécanicien en chef, le propriétaire et l'exploitant du bâtiment doivent prendre les mesures voulues pour faire en sorte que la loi soit respectée.
Comme d'habitude dans ce genre de loi, le projet de loi C-15 crée des infractions de responsabilité stricte. Certains nous ont dit que c'était contraire au principe de la présomption d'innocence garanti dans la Charte. Ce n'est pas le cas.
Il n'y a rien d'anormal dans ce projet de loi. Le ministère de la Justice, l'a soigneusement libellé de façon à nous permettre de poursuivre les contrevenants, mais en protégeant les droits garantis par la Charte. Par conséquent, le projet de loi C-15 confère l'obligation de faire preuve de diligence raisonnable, mais il permet également d'invoquer la diligence raisonnable pour se défendre. De cette façon, nous punirons la négligence tout en respectant les droits individuels.
La véritable question que soulève ce projet de loi est celle de savoir s'il se conforme aux lois du pays. Les fonctionnaires du ministère de la Justice, et le ministre de la Justice lui-même, ont confirmé que tel était le cas.
Honorables sénateurs, si nous avions accepté les arguments s'opposant à la responsabilité stricte, il aurait fallu modifier de nombreuses autres lois. Il aurait notamment fallu modifier la Loi sur les pêches, la Loi sur les espèces en péril et plusieurs autres.
Si nous acceptions une interprétation trompeuse de la loi et de la Charte des droits, cela reviendrait à nous lier les mains avec des lois très faibles.
[Français]
S'agissant des conventions internationales, le projet de loi C-15 est libellé de manière à ce qu'il respecte les obligations internationales du Canada qui découlent des traités sur le transport maritime et la pollution marine.
Néanmoins, certaines craintes ont été communiquées aux sénateurs. On craindrait notamment que les organismes canadiens fassent fi de nos engagements en vertu des conventions internationales, que le Canada envoie des agents de l'autorité des navires sans aucune formation et que les cours canadiennes prennent des décisions sans tenir compte du droit international.
Ces craintes ne sont pas fondées. Le Canada respecte ses engagements et contribuera à les respecter. Le projet de loi C-15 comporte suffisamment de mécanismes qui garantissent la primauté de nos engagements internationaux dans toute action de l'application de la loi portant sur des navires étrangers. Ainsi, le projet de loi C-15 exige l'aval du procureur général du Canada pour certaines actions dirigées contre un navire étranger.
La législation internationale ne nous oblige en rien à restreindre les effets du projet de loi C-15 — ce serait d'ailleurs une honte si tel était le cas — ou à éliminer l'aptitude de la loi à sanctionner les comportements négligents, ou encore à abolir les pouvoirs d'intervention des agents de l'autorité d'Environnement Canada en matière de pollution par les navires.
Honorables sénateurs, vous savez que l'Union européenne prépare une législation qui aura sensiblement les mêmes effets que le projet de loi C-15. Nous allons dans la même direction, et ce en accord avec le droit international et la morale internationale.
Dans ce contexte, le secrétaire général de la Chambre internationale des transports maritimes vous a dit que les conseillers juridiques de Bruxelles affirment qu'il n'existe aucun conflit entre leur législation et les obligations juridiques internationales des signataires de MARPOL.
La Chambre internationale des transports maritimes a évoqué les mêmes craintes en Europe et au Canada. Honorables sénateurs, nous sommes en bonne compagnie avec les États de l'Union européenne. Le Canada n'est pas le seul à penser que nous avons besoin de lois plus robustes et qu'elles peuvent être mises en œuvre en toute conformité avec le droit international.
On voit rarement des oiseaux mazoutés dans les eaux de l'Arctique canadien. C'est parce qu'il y a moins de circulation maritime dans les eaux de l'Arctique que sur la côte est et la côte ouest.
Toutefois, comme le Canada a affirmé sa souveraineté sur la plupart des eaux de l'Arctique, les revendiquant comme des eaux intérieures, il est déjà possible d'y appliquer la Loi de 1994 sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs. Le projet de loi C-15 représente donc peu de changement par rapport au régime qui existe déjà dans le Nord.
Je veillerai à ce que nous disposions des ressources fédérales nécessaires pour appliquer la Convention et la LCPE telle qu'elle sera modifiée et approuvée suite à l'adoption du projet de loi C-15. J'ai l'intention de réaffecter un montant total de 3 millions de dollars que contient le budget actuel d'Environnement Canada, ce qui démontre que je désire vraiment renforcer les efforts visant à lutter contre ce grave problème.
Ce montant comprend une contribution à des activités entreprises dans divers ministères pour nous permettre d'attraper ceux qui enfreignent la loi. Cela comprend davantage d'argent pour la surveillance par satellite, les laboratoires ainsi que l'embauche et la formation d'agents spécialisés supplémentaires. Ces agents ne travailleront pas seuls, mais en collaboration avec Transports Canada, de façon à ce que le gouvernement canadien puisse déployer une stratégie d'application solide et cohérente.
[Français]
L'efficacité de l'application de la loi exige une collaboration soigneuse entre plusieurs organismes fédéraux. Le ministre de l'Environnement conservera toute autorité en ce qui concerne la mise en application de la Loi de 1994 sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. L'application de ces lois entraîne déjà un niveau élevé de collaboration entre les ministères fédéraux et cette collaboration est appelée à durer.
Environnement Canada, Transports Canada et la Garde côtière canadienne collaborent déjà pour appliquer l'actuelle législation canadienne et, en conformité avec les lois internationales, arraisonner les navires pollueurs.
Cette collaboration interministérielle sera renforcée par l'adoption du projet de loi C-15 et par la clarté que ce dernier apporte en matière d'application des lois dans la zone économique exclusive du Canada. À cet effet, un protocole d'entente interministériel sera élaboré pour préciser les procédures à suivre dans certaines circonstances particulières.
À titre de membre de la délégation du Canada auprès de l'Organisation maritime internationale, Environnement Canada continuera à travailler avec les autres ministères concernés pour continuer à inciter la communauté internationale à adopter des pratiques durables en matière de transport maritime et à faire de la protection de l'environnement une priorité à l'échelle planétaire.
En conclusion, j'insiste sur le fait que le principal intérêt du projet de loi C-15 est qu'il élimine toute ambiguïté au sujet du fonctionnement de la Loi de 1994 sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, et ce notamment lors de leur mise en application dans la Zone économique exclusive du Canada.
Honorables sénateurs, il ne nous manque que les outils appropriés pour assurer le respect de nos lois existantes. Sans ces outils appropriés, nous manquons à notre devoir qui est de nous acquitter de nos engagements et de nos responsabilités au plan national et international. Je vous demande instamment d'appuyer le projet de loi C-15 et de nous aider ainsi à protéger les oiseaux migrateurs et les ressources marines du Canada à l'avantage des générations futures.
[Traduction]
Je suis prêt à répondre à vos questions. Ensemble, nous protégerons nos oiseaux.
Le président : Merci, monsieur le ministre. Un de vos collègues désire-t-il la parole avant que nous ne passions aux questions?
Mme Mary Dawson, sous-ministre adjointe, Justice Canada : Merci de m'avoir invitée à répondre à vos questions et à dire quelques mots au sujet du projet de loi C-15, qui modifie la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Ce projet de loi aborde des questions importantes et permet au Canada de protéger efficacement son environnement marin, comme le ministre vient de le dire.
Je crois qu'au cours des dernières semaines, vous avez entendu un certain nombre d'autres témoins au sujet de ce projet de loi. Je crois que deux grandes questions ont été soulevées, à savoir si le projet de loi se conforme à la Charte canadienne des droits et libertés et s'il se conforme au droit international. Je voudrais vous parler brièvement de ces deux questions.
Je parlerai d'abord des objections qui ont été soulevées au sujet de la conformité du projet de loi C-15 aux instruments internationaux.
Le sénateur Angus : Je regrette de vous interrompre, mais nous sommes limités par le temps. Nous avons cru comprendre que le ministre de l'Environnement parlerait en premier et que Mme Dawson est là pour remplacer le ministre, M. Cotler. J'ai l'impression que nous empiétons sur le temps du ministre. Nous aurons tout le temps, plus tard, d'entendre le point de vue du ministère de la Justice.
Le président : Madame Dawson, pourriez-vous rester plus longtemps que le ministre?
Mme Dawson : Je peux rester un peu plus longtemps. J'ai un engagement à 9 heures, mais je resterai si le comité le désire.
Le président : Le comité est-il d'accord pour que nous demandions au ministre de répondre maintenant?
Des voix : Oui.
Le président : Êtes-vous d'accord, monsieur le ministre?
M. Dion : Oui, mais comme il est probable qu'un bon nombre des questions des sénateurs auront une dimension juridique, je vais devoir demanderai à Mme Dawson d'y répondre, alors que la réponse à ces questions se trouve sans doute déjà dans le discours qu'elle comptait vous faire.
Le président : Notre but est de vous poser des questions pendant que vous êtes là, monsieur le ministre.
M. Dion : Je suis à la disposition du comité.
Le sénateur Hubley : Bonjour et merci beaucoup d'être venus.
Un conseiller juridique qui représentait une organisation maritime a déclaré que l'inversion de la charge de la preuve était anticonstitutionnelle. Mais surtout, il a dit que c'était tout à fait contraire à l'alinéa 11d) de la Charte qui garantit la présomption d'innocence. Il a ajouté que pour pouvoir être maintenue, l'inversion de la charge de la preuve devrait être justifiée en vertu de l'article 1 de la Charte et qu'à son avis, cette justification n'était pas possible. Il a conclu que l'inversion de la charge de la preuve était anticonstitutionnelle parce qu'elle allait à l'encontre de la présomption d'innocence garantie par la Charte canadienne des droits et libertés.
Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez? Il semble que ce soit le principal problème auquel nous soyons confrontés.
M. Dion : Je vais faire un bref commentaire après quoi, comme je m'y attendais, ce sera à Mme Dawson de vous répondre.
Si c'était vrai, nous ne serions pas en mesure de faire un tas de choses dans l'intérêt public. Si vous pouviez dire, lorsque vous recevez une contravention pour excès de vitesse : « Prouvez que je savais ce que je faisais » quel genre de protection aurions-nous dans nos rues et sur nos routes?
Ce n'est évidemment pas l'opinion des tribunaux. Lorsqu'une irrégularité a été commise, la police doit prouver qu'il y a eu infraction et c'est à vous de prouver que vous ne l'avez pas commise par négligence. Nous avons de nombreuses lois de ce genre. La plupart des lois environnementales reposent sur ce principe, car sinon nous ne pourrions pas protéger l'environnement du Canada.
Mme Dawson : Je pourrais compléter cette réponse, mais je vais me reporter à mes notes, car c'est le sujet que je comptais aborder.
Je dirais d'abord que j'ai remis au greffier un message de M. Cotler confirmant que le projet de loi se conforme à la Charte. Je tiens également à vous assurer que chacun des projets de loi qui sont déposés au Parlement ont été examinés par le ministère de la Justice pour vérifier que ses dispositions sont conformes à la Charte. Par définition, tout projet de loi que dépose le gouvernement a fait l'objet de cet examen.
Comme vous l'avez dit, des témoins ont fait valoir que les infractions violaient la Charte parce qu'il s'agissait d'infractions de responsabilité stricte. En général, ces infractions exigent que la Couronne prouve hors de tout doute raisonnable qu'une personne, une entité, etc., a commis l'acte prohibé et, dans ce cas, a déposé une substance nocive dans une zone fréquentée par les oiseaux migrateurs ou a rejeté une substance en mer sans autorisation.
Une fois que l'infraction a été prouvée, l'accusé doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il a fait preuve d'une diligence raisonnable pour éviter de commettre l'acte prohibé. Cette défense est parfois inscrite dans la loi, mais pas toujours.
Les infractions de responsabilité stricte se situent entre les infractions exigeant la mens rea et les infractions de responsabilité absolue. Compte tenu des graves conséquences qu'entraînent les crimes véritables, c'est-à-dire les infractions commises avec une intention coupable — celle qui sont visées par le Code criminel, mais pas exclusivement — les tribunaux doivent conclure à un haut degré de culpabilité morale pour prononcer un verdict de culpabilité. La loi exige que l'on démontre que l'accusé avait l'intention de commettre l'acte prohibé, qu'il l'a commis sciemment ou qu'il a volontairement fermé les yeux lorsqu'il a été commis.
Par contre, les infractions de responsabilité absolue sont celles qui n'exigent aucune preuve de culpabilité morale et pour lesquelles l'accusé ne peut pas invoquer la diligence raisonnable pour sa défense. Ces infractions ne sont pas punissables d'une peine d'emprisonnement et servent généralement à poursuivre les délits plus courants.
Les infractions de responsabilité stricte se situent entre les deux. C'est l'instrument généralement utilisé dans la législation canadienne, tant au niveau fédéral que provincial, pour faire appliquer les régimes de réglementation dans l'intérêt public. Il s'agit de domaines comme la protection de l'environnement, les normes de santé et de sécurité, les normes sur les aliments et drogues ainsi que la réglementation des valeurs mobilières. On retrouve ces infractions dans les lois réglementaires fédérales et provinciales, tant de façon explicite qu'implicite. Lorsqu'une loi ne prévoit pas la défense de la diligence raisonnable, si une infraction est punissable d'emprisonnement, les tribunaux partent du principe que la loi comprend ce moyen de défense. Par conséquent, même si l'emprisonnement fait partie des peines prévues, vous pouvez avoir une infraction de responsabilité stricte et il existe une certaine jurisprudence à cet effet. À titre d'exemple, je citerais les infractions que prévoit actuellement la Loi de 1994 sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs. Ces infractions sont en vigueur depuis 1948.
J'ai remis au comité une liste des lois fédérales en vigueur — et il s'agit seulement de la législation fédérale —qui contiennent explicitement une disposition de diligence raisonnable. Vous verrez qu'il y en a plusieurs pages.
La cause type concernant les infractions à responsabilité stricte est celle de La Reine c. Sault Ste. Marie. Il s'agissait d'une cause environnementale portant sur une infraction à des dispositions qui s'apparentaient à celles du projet de loi C-15. La Cour suprême du Canada a jugé que pour les infractions contre l'intérêt public comme celles que prévoit le projet de loi C-15, la Couronne n'a pas à prouver l'intention coupable étant donné que c'est pratiquement impossible dans la plupart des cas de ce genre.
Cette cause a été défendue avant l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés, en 1982, mais il y a également une jurisprudence postérieure à la Charte. La cause qui fait autorité en ce qui concerne la diligence raisonnable dans les cas d'infractions contre l'intérêt public ou les lois de réglementation est l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans La Reine c. Wholesale Travel. En fait, cette cause a constitutionnalisé en vertu de la Charte le raisonnement suivi dans l'affaire Sault Ste. Marie. L'interprétation généralement acceptée de l'arrêt rendu dans Wholesale Travel est que, pour une infraction réglementaire punissable d'une peine de prison, l'inversion de la charge de la preuve en ce qui concerne la défense de diligence raisonnable peut satisfaire à l'exigence minimale en matière de faute sans aller à l'encontre de la Constitution.
Les arguments de la Cour suprême énoncent des principes très généraux à cet égard.
Ce n'est pas une décision étroite et elle ne se fonde pas sur les faits particuliers d'une loi inhabituelle.
Je crois important de souligner que ce qui était contesté devant la Cour dans l'affaire Wholesale Travel, c'était qu'une infraction de publicité trompeuse aux termes de la Loi sur la concurrence constituait une infraction de responsabilité stricte. Cette loi, qui régit tous ceux qui font du commerce au Canada, prévoyait une peine d'emprisonnement maximale de cinq ans. Si le projet de loi C-15 est adopté, à titre de comparaison, la peine de prison maximale sera de trois ans pour les infractions de responsabilité stricte. Je sais qu'on a fait valoir devant le comité qu'étant donné que dans la cause Wholesale Travel, seulement trois des neuf juges ont estimé que la responsabilité stricte n'était pas contraire à l'article 1 de la Charte tandis que les deux autres juges majoritaires n'ont même pas conclu à une violation de l'alinéa 11d) et que les juges ont estimé qu'il n'était même pas nécessaire de discuter de l'article 1, la question n'a pas vraiment été réglée. Cette opinion ne me paraît pas vraiment défendable.
Un an après Wholesale Travel, il y a eu une autre cause, La Reine c. Rube, sur laquelle la Cour suprême du Canada a rendu, verbalement, une décision unanime dans laquelle elle considérait que la Loi sur les aliments et drogues devait contenir implicitement une défense de diligence raisonnable pour être conforme à la Charte.
Enfin, dans La Reine c. Hydro-Québec, en 1997, la majorité des juges de la Cour suprême se sont de nouveau référés aux arrêts Wholesale Travel et Rube en ce qui concerne la faute à établir pour les infractions réglementaires. Dans ces trois cas, la Cour suprême était saisie de lois qui prévoyaient une peine de prison.
La Cour ne s'est pas écartée des conclusions qu'elle avait tirées dans Wholesale Travel, à savoir que des lois dans l'intérêt public comme la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs peuvent prévoir des infractions de responsabilité stricte sans être contraires à la Charte. La plupart des juges reconnaissent qu'en ce qui concerne les infractions réglementaires l'obligation de faire preuve de diligence raisonnable contrevient probablement à l'alinéa 11d) de la Charte et que ce doit donc être justifié en vertu de l'article 1. Toute justification de ce genre doit remplir le critère très strict établi au départ par la Cour suprême dans Oakes et nous estimons que ce projet de loi, comme toutes les autres lois, est conforme à ce critère.
Le sénateur Spivak : L'avocat qui a comparu devant nous et qui, je le précise, est un avocat criminaliste, a fait valoir que même si l'alinéa 11d) a été sauvé par l'article 1 dans le cas de Wholesale Travel, cela ne veut pas dire que ce soit constitutionnel. Il dit que c'est anticonstitutionnel dans tous les cas de figure. Tel était son premier argument.
J'essaie seulement d'y voir plus clair. Vous avez cité les causes qui établissent des précédents, selon vous.
Deuxièmement, cet avocat a dit qu'il n'y avait aucune justification. Vous devez justifier l'inversion du fardeau de la preuve, mais aucune justification n'a été donnée.
Le troisième argument que nous avons entendu au cours d'un autre témoignage était que la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et la LCPE ne sont pas des réglementations générales. Comme elles ont une portée très étroite, cela ne s'applique pas. Tels sont les trois principaux arguments que nous avons entendus. Je voudrais savoir ce que vous en pensez.
Vous avez répondu en partie en disant qu'il y a une justification, un précédent pour cette justification.
L'honorable Stéphane Dion : Je préfère laisser notre juriste répondre à cela.
Le président : Madame Dawson, en ce qui concerne la réponse à cette question, on nous a dit que la décision rendue par sept juges contre deux en ce qui concerne la contravention à l'alinéa 11d) constitue un précédent en soi. Néanmoins, les autres juges ont estimé que cette contravention était justifiée en vertu de l'article premier. C'est cette partie qui nous intéresse.
Le sénateur Spivak : Exactement.
Mme Dawson : Ces commentaires me paraissent plutôt inhabituels. Premièrement, l'article premier fait autant partie de la Charte que les autres dispositions. Je ne vois pas comment quelqu'un peut dire que c'est contraire à la Charte même si l'article 1 le permet. Ce n'est tout simplement pas le cas.
En ce qui concerne les autres arguments concernant la justification, je ne sais pas exactement. Vous n'en arrivez pas à la justification avant d'aller devant les tribunaux et c'est alors que vous établissez votre justification. Nous avons cité un certain nombre de raisons pour lesquelles la responsabilité stricte est acceptable dans ce genre de cas.
Le sénateur Spivak : On nous a dit qu'il n'y avait aucun dossier faisant état d'une justification de la diligence raisonnable, de l'inversion du fardeau de la preuve dans une cause maritime.
Mme Dawson : Il n'y a pas encore eu de causes de ce genre? C'est probablement parce que les gens acceptent la loi; c'est logique. Si aucune cause n'est portée contre nous, je ne vois pas pourquoi ce serait un problème.
Le sénateur Spivak : Le troisième argument était que les causes précédentes se fondaient sur une série complète de règlements, ce que ne sont pas la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs ou la LCPE. Vous ne pouvez pas y appliquer ces décisions.
Mme Dawson : Si vous examinez la liste que nous vous avons remise, vous y trouverez de nombreuses lois semblables à celle dont vous êtes saisis. Ce n'est pas un critère dont nous avons à nous inquiéter. Cela s'applique à de nombreuses lois de réglementation.
Le sénateur Milne : Y compris des lois maritimes?
Le président : Tous les sénateurs ont cette liste. Elle a été distribuée ce matin.
Le sénateur Christensen : Vous avez lu les témoignages que nous avons entendus et les questions qui ont été soulevées et vous avez répondu à un grand nombre d'entre elles. Si j'examine la liste de lois contenant des dispositions relatives à la diligence raisonnable, l'un des arguments que nous avons entendus était qu'on mélangeait des pommes et des oranges. Il est question du droit environnemental et du droit de la mer. Ce n'est pas du tout la même chose. Examinez la liste que nous avons déjà. Il y a la Loi sur la marine marchande du Canada, la Loi sur les transports au Canada. Il y a au moins cinq lois qui se comparent à celle-ci, y compris la Loi sur les pêches, la Loi du Traité des eaux limitrophes internationales, la Loi sur la sûreté du transport maritime. Ce ne sont pas des lois environnementales et nous avons donc déjà ces dispositions. D'après ce que je peux voir, nous ne mélangeons pas les pommes et les oranges.
Avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet? J'aurais une autre précision à vous demander.
Mme Dawson : Je ne vois pas ce que je pourrais ajouter. Je trouve ces arguments plutôt bizarres, car il est habituel d'avoir une clause de responsabilité stricte dans ce genre de loi.
Le sénateur Christensen : Y a-t-il d'autres précédents? Sault Ste. Marie et Wholesale Travel sont les deux précédents qui sont régulièrement invoqués. Y a-t-il d'autres lois qui ont fait jurisprudence?
Mme Dawson : Je ne crois pas qu'il y ait une jurisprudence importante à ce sujet étant donné que c'est un principe accepté.
Le sénateur Christensen : Je pensais qu'il y avait trois causes postérieures à la Charte?
Mme Dawson : Il y a La Reine c. Rube, que j'ai mentionnée, ainsi que Wholesale Travel. Les experts de la Charte qui sont derrière moi auront peut-être d'autres causes à vous citer. Il n'y a pas grand-chose d'autre. C'est un principe assez bien accepté.
Le sénateur Christensen : Nous avons également entendu dire qu'une des raisons pour lesquelles on déverse davantage d'hydrocarbures dans nos eaux que dans les eaux américaines, c'est parce que les États-Unis ont des lois plus rigoureuses et qu'au Canada le contrôle est moins serré et les amendes sont moins élevées.
Les États-Unis ne sont pas signataire de la Conférence sur le droit de la mer. Voilà pourquoi ils peuvent le faire. Comme nous en sommes signataires, nous ne le pouvons pas.
Mme Dawson : Je ne peux rien ajouter. J'ai à côté de moi Jason Reiskind, qui est un expert en droit international. Il pourrait peut-être ajouter quelque chose. Je crois toutefois que vous avez bien énoncé le problème.
Le sénateur Christensen : Pourquoi ne pouvons-nous pas alourdir nos sanctions?
Mme Dawson : Je vais laisser M. Reiskind vous répondre.
Le sénateur Christensen : Apparemment, ce serait contraire aux accords internationaux.
M. Jason Reiskind, avocat-conseil, Section du droit international, Justice Canada : Les États-Unis considèrent qu'un grand nombre d'aspects, sinon la plupart, du droit de la mer font maintenant partie du droit coutumier et font donc de leur mieux pour en respecter à peu près toutes les dispositions. Ce n'est pas une distinction importante. C'est simplement que leurs tribunaux ont réussi à imposer des amendes plus lourdes.
Les Européens prévoient d'émettre des directives pour qu'une amende élevée soit imposée uniformément dans toute l'Europe. À peu près tous les pays européens sont également signataires de la Convention sur le droit de la mer.
Le sénateur Christensen : Pour essayer de simplifier ma question, on a laissé entendre qu'étant signataires de la Convention, nous ne pouvions pas appliquer les mêmes normes que les États-Unis. Ce sont les accords que nous avons signés qui nous en empêchent.
M. Reiskind : Non, je ne crois pas que ce soit le cas. Comme le ministre l'a mentionné, cette mesure vise à augmenter les amendes et à alourdir les sanctions. Je ne crois pas que ce soit la raison pour laquelle il y a eu par le passé des différences entre le Canada et les États-Unis.
M. Dion : Il serait scandaleux que vous ne puissiez pas protéger vos oiseaux lorsque vous décidez de coopérer avec les autres pays. J'espère qu'aucun sénateur ne suggère une chose pareille. UNCLOS stipule bien qu'il peut y avoir plus qu'une sanction contre les actes graves et délibérés de pollution dans les eaux territoriales. On saura désormais que si vous faites du tort à nos oiseaux, ce sera considéré comme un acte grave de pollution. Ce sera à vous de justifier votre acte. Une fois qu'il aura été prouvé que vous avez commis cet acte, ce sera à vous de le justifier. À ma connaissance, c'est ainsi que fonctionnent toutes les lois environnementales. Autrement, nous ne pouvons pas protéger notre environnement. Ce serait moralement indéfendable. Si vous polluez, vous devez justifier votre acte.
Le sénateur Christensen : J'essaie seulement d'obtenir des éclaircissements des spécialistes de l'environnement. Tout va très bien dans notre limite de 12 milles, mais nous avons un problème dans notre ZEE du fait que les dispositions qui s'appliqueraient aux navires internationaux comprennent une peine de prison.
D'après ce que je peux voir, il faut alors que le ministre ou le procureur général intervienne. Ce serait, peut-être pas une protection, mais un moyen de régler le problème.
Mme Dawson : Je crois que c'est le cas, mais M. Reiskind pourra peut-être vous en dire plus.
M. Reiskind : Oui, c'est exact. Les dispositions du projet de loi qui prévoient que le procureur général doit donner son consentement avant qu'un navire étranger qui se trouve dans une zone économique exclusive puisse être arraisonné ou redirigé visent à faire en sorte que nous nous conformions aux dispositions du droit de la mer qui ne permettent pas d'imposer une peine de prison uniquement en cas de pollution.
Le président : Pour être certain que le sénateur Christensen a bien obtenu réponse à sa question, les objections que nous avons entendues — et M. Reiskind pourra peut-être répondre à cela — portaient sur les éléments d'UNCLOS dont le ministre vient de parler, à propos de la nature de l'infraction. Ce même article de la Convention porte qu'à moins de pouvoir prouver qu'une violation grave et délibérée a été commise, vous ne pouvez pas imposer des sanctions autres que monétaires. Nous avons ratifié UNCLOS. Ce projet de loi prévoit une disposition contraire. Voilà la question.
M. Dion : C'est pourquoi la loi demande que l'on examine le risque de dommages, si le contrevenant a agi de façon délibérée, avec témérité, par inadvertance ou par négligence, s'il a obtenu un avantage quelconque et quels sont ses antécédents. La loi ne sera pas aveugle. Elle tiendra compte de tous ces faits. Lorsque l'enquête aura été menée de façon rigoureuse, le pollueur sera passible de lourdes sanctions.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Mes questions seront plutôt relatives à l'éducation et à l'information. Pourquoi le projet de loi est-il seulement pour les oiseaux et non pour les personnes qui polluent les eaux ? Pourquoi faut-il montrer qu'il y a eu dommage aux oiseaux migrateurs ?
M. Dion : Il y a déjà des mesures qui traitent des irrégularités de pollution en général. Nous avions aussi des mesures pour les oiseaux, mais nous n'avions pas les capacités de mise en œuvre que nous aurons grâce à cette loi.
Le sénateur Massicotte : Au paragraphe 13.1, on parle d'une pénalité maximale d'une million de dollars. Pourquoi ce montant quand les dommages peuvent s'élever à 5 ou 10 millions de dollars ?
M. Dion : J'en aurais ajouté, mais je vais laisser l'expert expliquer pourquoi on en est resté à cette timide pénalité.
[Traduction]
M. Stephen Wendt, chef, Convention concernant les oiseaux migrateurs, Environnement Canada : L'amende maximale que prévoit le projet de loi est de un million de dollars, mais les dispositions permettent d'imposer des amendes supplémentaires dans certains cas. Par exemple, si l'infraction dure plus d'un jour, l'amende peut être augmentée de jour en jour. Une disposition permet également de doubler son montant en cas de récidive. Il y a des sanctions supplémentaires qui peuvent être appliquées.
Il ne faut pas oublier que ce projet de loi s'applique en même temps que d'autres lois canadiennes. Il est souvent arrivé que des accusations soient portées en vertu de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs de même qu'en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada. Il y a d'autres pénalités.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Cela coûte 500 millions de dollars, mais autres que les exceptions rares, c'est un million de dollars et trois ans d'emprisonnement.
[Traduction]
M. Wendt : Au Canada, les amendes qui ont été imposées ont été beaucoup plus faibles que le maximum déjà autorisé. Nous avons toutefois vu des cas, aux États-Unis, où les amendes se chiffraient à plusieurs millions de dollars.
[Français]
Le sénateur Massicotte : L'article 5.5 du projet de loi parle des responsabilités des administrateurs et des employés d'une corporation qui deviennent responsables d'assurer le respect de la loi. Aujourd'hui, c'est très difficile de trouver des administrateurs à cause de tous les risques environnementaux existants. Dans les provinces, je connais plutôt le Québec, cet article est beaucoup plus sévère et donne une responsabilité accrue aux administrateurs. Au Québec, il faut que les administrateurs démontrent qu'ils ont contribué à la pollution. Ici, nous leur demandons d'être responsables et prendre des mesures pour s'assurer que cela n'arrive pas. Ce n'est pas une institution internationale qui est à Genève qui va dire aux administrateurs de s'assurer que cela n'arrive pas. Ce n'est pas trop sévère ?
[Traduction]
M. Wendt : Le projet de loi exige que les administrateurs et les dirigeants prennent toutes les précautions raisonnables. Nous avons maintenant une série de règles internationales bien établies pour prévenir la pollution par les hydrocarbures. Il faut notamment installer certaines pièces d'équipement et les entretenir. Tout cela est bien compris. Les administrateurs et dirigeants des sociétés du secteur de la marine marchande doivent veiller à ce que les précautions habituelles soient prises et à ce qu'une bonne formation soit donnée. Ce sont des attentes raisonnables.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Cependant, à la page 14, l'alinéa (1.8), je crois, on fait une exclusion pour l'article 5.3.
L'administrateur pense que les maisons ont pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables. L'article 5.3 prévoit qu'un administrateur peut être tenu personnellement responsable, même si toutes les mesures nécessaires ont été prises. Cela va faire peur à beaucoup de gens. Je pense que c'est déraisonnable. Est-ce le but?
On donne un droit de diligence. Cependant, l'article 5.3, exclut cela, même si les administrateurs ont pris toutes les mesures nécessaires et qu'ils ne sont pas tenus responsables.
[Traduction]
Mme Dawson : Un de mes collègues pourra peut-être répondre à cette question.
M. Raymond MacCallum, avocat-conseil, Section des droits de la personne, Justice Canada : La défense de la diligence raisonnable ne s'applique pas à la responsabilité de prendre toutes les précautions raisonnables étant donné que ce serait illogique. Il ne serait pas logique que la Couronne prouve, hors de tout doute raisonnable, que l'administrateur d'une société n'a pas fait preuve d'une diligence raisonnable et permette ensuite à cette personne de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu'elle a effectivement pris des précautions raisonnables. C'est la seule raison pour laquelle c'est exclu.
Le sénateur Massicotte : Je veux être certain d'avoir bien compris. Vous dites à une entreprise ou aux membres de son conseil d'administration que s'ils prennent des mesures raisonnables pour se conformer à la loi ils ne seront pas tenus personnellement responsable.
Disons que l'administrateur d'une société a pris des mesures raisonnables pour se conformer à la loi. Si je comprends bien, malgré cela, il pourra être tenu personnellement responsable.
M. MacCallum : Il ne peut pas être tenu personnellement responsable, car la Couronne doit prouver hors de tout doute raisonnable qu'il n'a pas pris des précautions raisonnables. S'il l'a fait, la Couronne ne pourra pas prouver que l'intéressé a commis une infraction. La défense de la diligence raisonnable n'est donc pas nécessaire.
Le sénateur Massicotte : Ce n'est pas ce que je comprends, mais je vais réexaminer cela.
Le sénateur Buchanan : Monsieur le président, il y a plusieurs choses qui m'ennuient dans ce projet de loi. Premièrement, je trouve intéressant que le comité ait fait comparaître les groupes suivants : l'avocat général de B.C. Ferry Services; M. Peter Lahay, coordonnateur national de l'International Transport Workers Federation, représentant l'ILA ainsi que les officiers, capitaines et ingénieurs, la Chamber of Shipping of British Columbia, la Chambre internationale des transports maritimes, la Fédération maritime du Canada, etc. Nous avons entendu des avocats indépendants et des avocats représentant tous les organismes que je viens de citer. Chacun d'entre eux nous a dit clairement que les articles du projet de loi en question violent la Charte des droits. Le conseiller juridique du Sierra Club a affirmé le contraire de même que, maintenant, le ministère de la Justice. Tout cela m'inquiète.
Deuxièmement, nous avons obtenu une opinion juridique de la Chambre internationale des transports maritimes disant clairement que ce projet de loi sera contesté en vertu du droit de la mer parce qu'il va à l'encontre de MARPOL et UNCLOS. Selon cette opinion, le projet de loi fait de tout incident de pollution une infraction, sans faire de distinction, quelle que soit l'intention de l'accusé. C'est non seulement contraire à MARPOL, mais également inquiétant pour les marins, les officiers et les mécaniciens.
Ce que vous nous déclarez aujourd'hui va à l'encontre de ce qu'on nous a laissé entendre. Vous dites que ce projet de loi ne viole pas MARPOL ou UNCLOS. Vous nous avez dit, je crois, que les pays européens signataires porteraient des accusations contre les capitaines et les mécaniciens et que les mêmes clauses s'appliquent dans ces pays. Ce n'est pas ce qui nous a été dit lors des témoignages précédents.
On nous a très clairement fait valoir que le projet de loi contrevient à UNCLOS et MARPOL. Les témoins qui nous ont dit cela sont des avocats du secteur de la marine marchande internationale. Tous les quatre ont indiqué clairement au comité que cette mesure allait à l'encontre des traités internationaux dont le Canada est signataire. Mais ils ont ajouté qu'un simple amendement visant à supprimer l'élément de criminalisation réglerait le problème.
Néanmoins, vous avez déclaré aujourd'hui que ce projet de loi ne crée aucune infraction criminelle. C'est bien ce que vous avez dit?
Mme Dawson : Je dis qu'il s'agit d'une infraction réglementaire de responsabilité stricte. Vous pouvez jouer avec la définition d'« infraction criminelle », car il n'y a pas de définition vraiment stricte. J'ai énoncé les trois façons dont nous traitons les infractions : la mens rea, soit l'infraction coupable; la responsabilité stricte, pour laquelle il y a une défense de diligence raisonnable et la responsabilité absolue pour laquelle cette défense n'existe pas. Telles sont les possibilités et telles sont les façons dont nous traitons les infractions sans avoir à définir laquelle est une infraction criminelle.
Le sénateur Buchanan : En fait, vous reconnaissez que le fardeau de la preuve est inversé et que la présomption d'innocence a disparu. C'est bien ce que vous dites?
Mme Dawson : C'est ce que j'ai dit.
Le sénateur Buchanan : Vous dites également que c'est parfaitement justifié en vertu de la Charte des droits.
Mme Dawson : Oui. C'est ce qu'est une infraction à responsabilité stricte.
Le sénateur Buchanan : Pouvez-vous me dire sur quoi portait la cause de La Reine c. Rube?
Mme Dawson : Je n'en ai pas les détails, mais les experts de la Charte pourront vous en parler, si vous le désirez.
Le sénateur Buchanan : Sur quoi porte la cause de La Reine c. Hydro-Québec?
Mme Dawson : Je vais lui demander de vous l'expliquer.
M. Dion : Comme je ne veux pas avoir à recommencer à zéro une troisième fois, je vais rester. Si vous le permettez, je vais répondre à ce qui a été dit jusqu'ici.
M. MacCallum : La Reine c. Rube portait sur une infraction à la Loi sur les aliments et drogues. Cette affaire a été portée en appel devant la Cour suprême du Canada, en 1992, par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique. Il s'agissait d'établir si l'infraction en question, c'est-à-dire la vente d'aliments périmés pouvait faire l'objet d'une défense de diligence raisonnable étant donné que la loi ne le précisait pas.
Quand l'affaire a été portée devant la Cour suprême du Canada, il s'agissait également d'établir si du fait que la loi n'incluait pas une défense de diligence raisonnable, étant donné qu'elle prévoyait une peine d'emprisonnement, cela la rendait inconstitutionnelle. Dans un jugement très rapide rendu un an après l'affaire Wholesale Travel, la Cour a déclaré que la défense de diligence raisonnable était certainement implicite, car autrement la loi serait inconstitutionnelle. En fait, elle a accepté sans discuter le fait que l'arrêt Wholesale Travel faisait jurisprudence en ce qui concerne l'exigence minimale en matière de faute et l'inversion du fardeau de la preuve pour se conformer à la Charte en cas d'infraction réglementaire punissable d'une peine de prison.
Hydro-Québec n'était pas un cas d'infraction de responsabilité stricte. Cette cause portait sur le partage des pouvoirs et visait à établir si le gouvernement fédéral pouvait prendre des mesures de protection globale dans le cadre de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. La Cour a mentionné les pouvoirs du gouvernement fédéral en matière de droit pénal, y compris le pouvoir de créer des infractions réglementaires plutôt que de simples infractions criminelles.
La Cour a examiné le genre d'actes criminels et d'infractions sur lesquels le gouvernement pouvait légiférer. Elle a mentionné les infractions de responsabilité stricte, l'exigence minimum de faute qu'exige la Charte, l'inversement de la charge de la preuve pour la défense de la diligence raisonnable ainsi que les causes Wholesale Travel et Rube, tout cela pour montrer que les juges étaient parfaitement conscients de la décision rendue dans Wholesale Travel. Ils s'y sont référés par la suite sans laisser entendre qu'ils devaient s'en écarter et c'est donc une jurisprudence maintenant bien établie.
Le sénateur Milne : Monsieur le ministre, reconnaissez-vous qu'à peu près tous les témoins que le sénateur Buchanan nous a cités ont intérêt à nous faire croire que ce projet de loi contrevient à MARPOL et UNCLOS?
M. Dion : Chaque fois que vous voulez adopter un règlement pour protéger l'environnement, dans un pays de 31 millions d'habitants, vous pouvez trouver un grand nombre de juristes prêts à se faire payer pour dire ce qu'ils ont à dire. Cela ne nous empêchera pas de protéger notre environnement, car la morale est de notre côté.
Je pourrais vous fournir ma propre liste : la Fédération canadienne de la faune, Nature Canada, l'Association des produits forestiers du Canada, le Sierra Legal Defence Fund, le Sierra Club of Canada, le World Life Sciences Forum, etc. Je tiens également à mentionner le ministre de Terre-Neuve qui vous a écrit pour vous exhorter à adopter ce projet de loi immédiatement.
Également, sénateur, le ministre des Ressources naturelles de Nouvelle-Écosse veut que ce soit fait. Il y a là-bas 5 000 milles de côte où l'on trouve chaque année des carcasses d'oiseaux. Il faut s'attaquer à ce problème. Il est faux que nous ne pouvons pas le faire sans prouver que le pollueur a agi délibérément, il est faux que les lois internationales permettent ce genre d'immoralité. Je sais que ce n'est pas vrai. C'est ce que les juristes disent et il serait honteux que ce soit vrai.
Le sénateur Adams : Je voudrais savoir pourquoi nous protégeons seulement les oiseaux dans le projet de loi C-15. Dans ma communauté de l'Arctique, nous mangeons toutes sortes de mammifères marins qui peuvent tous être touchés par la pollution. Nous savons que les mammifères ont été touchés par la pollution. Tout mammifère qui nage dans l'eau doit respirer, que ce soit les baleines, les phoques et tous les autres. S'il y a un déversement, ils seront touchés. Votre ministère ne nous a rien dit au sujet des droits des autres animaux. Pourquoi les oiseaux seraient-ils les seules victimes du pétrole présent dans l'eau?
Si je mange du muktuk, le petit lard du phoque et du bélouga, le pétrole colle à la peau de ces mammifères. Le ministre de l'Environnement de Terre-Neuve ne nous en a jamais parlé. S'il y a tant de pollution, elle doit nuire à certains autres mammifères marins qui doivent sortir de l'eau toutes les 10 minutes environ pour respirer. S'il y a tant de pétrole autour d'eux, ils en seront également victimes.
Pour ce qui est de ma deuxième question, je suis membre du Comité des pêches qui s'intéresse à certains pisciculteurs qui ont des écloseries au large, jusqu'à la limite de 12 milles. Le MPO n'a pas compétence pour se pencher sur les effets de la pisciculture sur les stocks de saumon sauvage de la Colombie-Britannique ou de la côte est. Il ne peut rien faire pour réglementer l cette industrie. Si le projet de loi C-15 est adopté, pourrez-vous changer la loi en ce qui concerne la limite de 12 milles?
M. Dion : Merci, sénateur. Vous soulevez une question légitime en demandant pourquoi nous ne le faisons pas pour les autres animaux, y compris les phoques et les baleines. Premièrement, les oiseaux sont les animaux les plus vulnérables. Nous avons identifié la zone où ils se trouvent. Ils ne se promènent pas partout comme un bélouga. Cela tombe clairement sous la responsabilité du gouvernement fédéral et les provinces nous exhortent à agir.
Il existe d'autres lois pour régler les problèmes à l'égard des autres animaux, notamment la Loi sur la prévention de la pollution dans les eaux de l'Arctique, la Loi sur les pêches, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, et cetera. Permettez-moi de demander à M. Wendt de continuer.
M. Wendt : Je crois que le ministre vous a clairement laissé entendre que nous avons la responsabilité d'améliorer notre loi pour répondre aux exigences de la Convention concernant la protection des oiseaux au Canada. C'est une responsabilité fédérale. Comme l'a dit le ministre, les oiseaux sont les animaux les plus touchés par la pollution pétrolière en mer.
En même temps, avec les autres lois en place pour la protection de l'Arctique, nous constatons que les normes qui protègent les eaux de l'Arctique contre la pollution pétrolière sont très élevées. Cela s'applique à tous les organismes.
Le sénateur Adams : Vous dites que vous pouvez déjà réglementer l'activité hauturière. Une fois le projet de loi C-15 en vigueur, est-ce que ce sera du ressort du gouvernement fédéral ou des provinces? Je pose la question car il ne semble pas y avoir de restrictions à l'heure actuelle au sujet de la pisciculture en mer, que ce soit pour l'élevage du poisson, des moules, des plantes ou de n'importe quel genre d'organismes. Si le projet de loi C-15 est adopté, va-t-il inclure des restrictions pour ceux qui font de la pisciculture jusqu'à la limite de 12 milles?
Le président : Excusez-moi d'intervenir, mais ce projet de loi traite uniquement des oiseaux.
Le sénateur Adams : Je le sais, mais il y aura des oiseaux également dans la limite de 12 milles.
Le président : Sont-ils couverts par ce projet de loi?
M. Wendt : Oui. Ce projet de loi modifie la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement qui s'appliquent déjà à l'intérieur de la limite de 12 milles, de même qu'à l'intérieur des terres.
Je répondrais également au sénateur Adams que lorsque nous protégeons l'environnement des oiseaux, nous protégeons l'environnement de toutes les créatures vivant dans la même région. Le projet de loi C-15 contient un deuxième élément très important, à savoir qu'il modifie la Loi canadienne sur la protection de l'environnement de 1999, qui ne se limite pas aux oiseaux. Cette loi a pour but de protéger l'environnement.
Le président : Par conséquent, les phoques et les poissons sont protégés par les autres lois que vous mentionnez?
M. Wendt : La Loi sur les pêches apporte également une protection supplémentaire.
Le sénateur Massicotte : La défense de la diligence raisonnable existe-t-elle dans la Loi sur l'environnement? Où est le fardeau de la preuve?
M. Wendt : Même sans le libellé ajouté dans la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, les tribunaux considéreraient que cette disposition figure dans toutes les lois dont nous avons parlé. En tout cas cela s'applique à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, la Loi sur les pêches et les autres lois similaires.
Le président : Pour être certain que nous avons répondu à la question du sénateur Adams, la législation existante protège les autres formes de vie présentes dans l'océan et surtout dans l'océan Arctique et le projet de loi C-15 ne change rien à cela.
M. Wendt : Étant donné que le projet de loi C-15 améliore la réglementation visant les oiseaux, il améliore la réglementation en général. Ce que vous dites est exact.
Le sénateur Adams : Il y a plus d'un an, nous nous sommes penchés sur les espèces en péril. Mon collègue, le sénateur Watt, a déclaré que chaque fois que le gouvernement prend des règlements qui se répercutent sur les quotas de pêche, par exemple, cela cause des problèmes à la population de la communauté. Lorsque les stocks de morue se sont effondrés, nous avons trouvé un moyen d'aider les gens, mais lorsqu'il s'agit des mammifères, la population des communautés de l'Arctique n'obtient pas une aide similaire. Le coût de la vie dans l'Arctique est très élevé et c'est très difficile. Je ne parle pas des animaux tués par les déversements de pétrole en mer. Le gouvernement doit comprendre que, lorsqu'il prend des règlements, que ce soit au sujet des droits de chasse ou d'autres choses, cela se répercute sur la population locale. Dans l'Arctique, il coûte très cher d'aller au magasin acheter de la nourriture que vous pouviez chasser avant, mais que vous n'avez plus le droit de chasser parce que le gouvernement protège les animaux.
Le président : Merci, sénateur. Cela soulève également une centaine de questions.
Le sénateur Angus : Merci, monsieur le ministre, d'être venu et je remercie également tous les autres. Les gros bonnets sont de sortie.
Comme j'ai posé des questions au sujet de ce projet de loi, je tiens à dire clairement que nous sommes tous pour le principe sur lequel il repose. Tout le monde est d'accord pour protéger les oiseaux, monsieur le ministre. Comme nous, vous avez travaillé fort sur ce dossier. Cela fait sept mois que nous siégeons ici. Je vois que vous avez écrit trois lettres au président du comité. Le président nous a tenus au courant de ses réunions avec vous et nous essayons tous de parvenir aux bonnes conclusions.
En réalité, ce projet de loi a suscité un certain nombre d'inquiétudes, comme vous le savez. Lorsqu'il a été présenté à la Chambre, lorsque vous l'avez signé, saviez-vous qu'il risquait de susciter des problèmes juridiques?
M. Dion : Je savais que la façon dont nous voulions procéder était conforme à la loi. Je m'attendais à ce que certains juristes disent le contraire, comme c'est toujours le cas lorsque nous voulons faire appliquer un règlement environnemental.
Le sénateur Angus : Je ne suis pas certain que ce soit toujours le cas. En fait, c'est la première fois que j'assiste à un débat aussi légitime.
M. Dion : Je pourrais vous parler de ce que nous voulons faire pour les émissions de gaz à effet de serre. Ce que vous avez sous les yeux n'est pas grand-chose à côté.
Le sénateur Angus : Comme nous sommes le Comité de l'énergie et de l'environnement, nous avons une bonne idée de ce genre de choses. Si vous vérifiez le compte rendu, vous constaterez que le comité a appuyé les efforts visant à protéger l'environnement.
Lorsque le projet de loi a été présenté — je ne suis pas certain d'avoir compris votre réponse — saviez-vous qu'il pourrait susciter certains problème juridique ou vous a-t-on assuré qu'il était conforme?
M. Dion : On pourrait parler de « résistance » juridique.
Le sénateur Angus : Avez-vous obtenu des opinions juridiques selon lesquelles ce projet de loi était conforme à nos obligations internationales et à la Charte?
M. Dion : Je n'appuierais jamais un projet de loi sans être sûr qu'il est conforme au droit international et à la Charte.
Le sénateur Angus : Vous-même ou votre ministère avez-vous obtenu des avis juridiques de vos propres juristes ou de Justice Canada? L'autre soir, on a parlé de soulever la question de privilège. Je vous pose une simple question : Vous- même ou votre ministère avez-vous reçu, par écrit, des avis juridiques concernant ce projet de loi?
M. Dion : Vous ne pouvez pas obtenir le feu vert du Cabinet sans que le ministère de la Justice ne garantisse qu'un projet de loi est conforme aux lois du pays. C'est ce qui s'est passé. Je crois que le même argument a été présenté à la Chambre et que nous avons fourni toutes les preuves voulues. Nous ne pouvons pas donner suite à un projet de loi sans être certains qu'il est conforme à la loi.
Le sénateur Angus : Je vous demande si des avis juridiques ont été donnés quant à la validité de ce projet de loi. Si c'est le cas, j'aimerais les voir.
M. Dion : J'ai 25 pages de texte traitant de tous les arguments juridiques qui ont été présentés au comité. Je l'ai fait car il est nécessaire de le faire.
Mme Dawson : Ce projet de loi a été à l'étude pendant plusieurs années. Bien entendu, le client a consulté le ministère de la Justice d'un bout à l'autre. C'est un sujet qui a fait l'objet de longues discussions. Pour ce qui est de déposer nos avis juridiques, nous n'avons pas l'habitude de le faire. Le secret professionnel entre l'avocat et son client doit être respecté pour la Couronne comme pour toute autre personne. Si nous déposions un avis juridique, nous renoncerions à ce privilège. Nous n'avons tout simplement pas pour habitude de déposer les avis juridiques.
Je peux vous dire que nous avons donné des avis juridiques réguliers sur ce dossier. Il ne s'agit non pas d'un document, mais d'une série d'avis donnés au cours des années à ce sujet.
Le sénateur Angus : Verbalement?
Mme Dawson : Cela a pu se faire verbalement ou par écrit, et peut-être de concert avec d'autres avis politiques. Il y a eu une série continue d'avis donnés sur une période de trois ou quatre ans.
Le sénateur Angus : Je parle du projet de loi C-15 et non pas de ses versions antérieures. Je crois que certains avis juridiques ont pu être donnés, mais pas une opinion juridique garantissant au ministère de M. Dion que ce projet de loi se conforme à nos obligations internationales et à la Charte. Est-ce exact?
Mme Dawson : Je dirais que ce n'est pas exact. Ce projet de loi n'aurait pas été déposé sans que nos experts de la Charte et nos services juridiques ne l'aient examiné comme il faut.
Je ne peux pas vous dire si ces avis ont été donnés dans des documents différents ou verbalement. D'autres pourront sans doute répondre à cela, mais quel que soit le cas, nous n'avons pas pour habitude de déposer nos avis juridiques pour les raisons que j'ai expliquées.
Le sénateur Angus : Voulez-vous dire que ces avis juridiques existent, mais que vous invoquez le secret entre l'avocat et son client? Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à renoncer à ce privilège pour nous permettre d'obtenir ces avis juridiques?
M. Dion : Je peux vous dire que je vous ai fait part de tout ce que je sais. Je n'ai pas reçu du ministère de la Justice ou de notre ministère des avis juridiques différents de ce que j'ai déclaré dans chacune des lettres que j'ai envoyées au sénateur Banks. Je vous ai remis toutes les preuves à ma disposition.
Le sénateur Angus : Je demanderai une fois de plus si vous êtes en mesure de renoncer au privilège invoqué par l'avocate?
M. Dion : Je ne suis pas certain d'avoir ce pouvoir.
Le sénateur Angus : Si, vous l'avez. Vous êtes le client.
M. Dion : Je ne sais pas pourquoi vous demandez cela. Je vous dis que toutes les preuves dont je dispose ont été communiquées au sénateur Banks. Je suis certain que nous respectons la Charte et le droit international. Je sais que nous avons la morale de notre côté.
Le sénateur Angus : J'ai beaucoup de respect pour vous, vous êtes une des personnalités éminentes de ma province et je me réjouis que vous vous soyez mis au service du public, mais je vous pose une simple question.
M. Dion : J'y ai répondu.
Le président : Nous pouvons conclure, je crois, que la question a été posée et qu'on y a répondu, mais que nous n'obtiendrons pas de réponse précise quant aux avis juridiques que le client, Environnement Canada, a reçus du ministère de la Justice au sujet de ce projet de loi. C'est bien cela?
Le sénateur Angus : C'est une question.
Mme Dawson : Tout ce que j'ai dit ce matin correspondait à l'avis juridique que le ministre a reçu d'un bout à l'autre au sujet de ce projet de loi. Nous vous avons dit quelle était notre opinion.
Le sénateur Angus : Je n'essaie pas de faire des histoires. Un éminent avocat est venu nous dire que nous devrions demander quelle est l'opinion juridique qui a été donnée. On nous a dit que le gouvernement avait l'habitude d'invoquer le secret professionnel entre l'avocat et son client, mais que nous devrions demander au ministre de lever ce secret. J'ai posé deux questions. En ce qui concerne la seconde, à savoir si vous renonciez à ce privilège, je dois comprendre, monsieur le ministre, que vous n'êtes pas prêt à nous remettre les avis juridiques que vous avez reçus.
Mme Dawson : Je dois mentionner que ce privilège appartient à la Couronne dans son ensemble. Notre client est le gouvernement du Canada et le gouvernement a simplement pour habitude de ne pas déposer les avis juridiques.
M. Dion : C'est la première fois qu'on me le demande. Je suis ici. Je vous dis la vérité, tout ce que je sais. Je ne comprends pas votre insistance.
Le sénateur Angus : J'ai essayé de vous en expliquer la raison. Nous en resterons là. Je crois vous avoir demandé de déposer toute opinion juridique que vous avez reçue au sujet de ce projet de loi.
M. Dion : C'est une demande extraordinaire que vous faites là.
Le sénateur Angus : Elle a néanmoins été faite de bonne foi. Moi aussi, j'ai d'autres choses à faire aujourd'hui. Je pose la question. Je voudrais qu'il soit clair que votre réponse est négative, que vous ne déposerez pas ces opinions.
Le président : Si je comprends bien, la réponse est que les gouvernements ne fournissent généralement pas ce renseignement.
Pour clarifier une autre question, nous avons vu des avis juridiques précis, dont le sénateur Angus a parlé, qui ont été demandés par divers clients. Ils sont concis. Une réponse est donnée en neuf ou 10 pages et nous pouvons l'examiner. C'est présenté dans une belle enveloppe.
Avez-vous dit qu'il n'y a pas eu d'avis juridiques de 10 pages concernant ce projet de loi, mais plutôt un ensemble d'opinions?
Le sénateur Spivak : Du temps du gouvernement conservateur, nous ne pouvions jamais obtenir une opinion.
Le sénateur Angus : Vous auriez dû insister comme je le fais moi-même.
M. Dion : J'ai répondu à tous les arguments juridiques qui ont été présentés à votre comité par écrit, sénateur, et vous étiez satisfait de ma réponse, satisfait que je vous réponde rapidement. J'ai coopéré pleinement avec le comité. Maintenant, nous sommes prêts à agir.
Le sénateur Angus : Merci, monsieur le président. Merci, monsieur le ministre. Je vais changer de sujet en supposant que vous refusez de déposer les avis juridiques. Nous en prenons bonne note.
Vous avez mentionné que certaines des questions soulevées, par exemple l'amende minimum, ne figuraient pas au départ dans le projet de loi. Êtes-vous satisfait de cet ajout? Nous avons entendu dire que les amendes minimums pourraient poser des problèmes.
M. Dion : Ce n'est pas que cela pose des problèmes. Nous avons préféré laisser une certaine latitude au système de justice à ce sujet. L'autre endroit a décidé, compte tenu de l'écart important entre la situation chez nous et aux États- Unis, que si nous n'avions pas une amende minimum, nous n'enverrions pas un message suffisamment convaincant. Ce point de vue me paraît légitime et cela n'affaiblit pas le projet de loi. C'est un point de vue différent et il est accepté par un gouvernement minoritaire.
Le sénateur Angus : Si c'était supprimé, pensez-vous que cela détruirait le projet de loi ou réduirait son efficacité?
M. Dion : Je ne pense pas que cette inclusion pose un sérieux problème.
Le sénateur Angus : L'expression utilisée est « criminalisation de droit maritime ». Un gros problème que pose la pollution maritime c'est que, disons, lorsque deux navires entrent en collision et qu'il y a un important déversement de pétrole ou un autre genre d'accident, comme cela s'est passé récemment dans une des plates-formes de forage, je crois que c'était à l'île de Sable ou un endroit de ce genre...
Le sénateur Buchanan : Pas l'île de Sable.
Le sénateur Angus : ... il y a une industrie du sauvetage maritime. Ce sont des gens qui restent en alerte pour sauver des vies et empêcher la pollution en mer. Nous avons eu la preuve que les sauveteurs pourraient être appelés en cas d'importants déversements et que la loi actuelle assure leur protection et n'est pas menaçante pour eux. Souvent, par mauvais temps ou quand les conditions en mer sont difficiles, les sauveteurs peuvent échouer dans leur tâche et même aggraver la situation. On nous a dit que s'ils risquaient de se faire jeter en prison et d'avoir d'énormes amendes à payer alors qu'ils sont seulement là pour porter secours, cela les dissuaderait d'aller sur les lieux des accidents. On nous a dit que c'était un des problèmes posés par les sanctions criminelles.
Ce matin, nous avons parlé d'UNCLOS. C'était un des problèmes soulevés. On nous a dit également que, tel qu'il est libellé, ce projet de loi s'appliquerait à la pollution accidentelle. Autrement dit, il arrive souvent qu'en raison des dangers de la mer il puisse y avoir malheureusement un déversement accidentel dont l'origine pourrait être attribuée sans aucun doute à tel ou tel navire. Avec ce projet de loi, les auteurs du déversement risqueraient de lourdes amendes et peut-être même la prison. On nous a fait valoir que c'était un important facteur de dissuasion pour les marins. Y avez-vous pensé?
M. Dion : C'est précisément la raison pour laquelle vous avez la défense de la diligence raisonnable, la capacité de prouver que le déversement était accidentel et que toutes les précautions avaient été prises pour l'éviter. Il faut en tenir compte et le système de justice en tiendra compte. C'est précisément pour cette raison que nous avons ces lignes directrices.
Le sénateur Angus : Je voudrais parler un peu plus des sanctions pénales, car le chef mécanicien et le capitaine sont les deux officiers du navire qui pourraient se retrouver en prison, même s'ils dormaient pendant que la prétendue infraction a été commise. Selon les avocats, la responsabilité stricte est totale. C'est ce qui est contraire à la Charte. Ne pourriez-vous pas supprimer les sanctions pénales contre les officiers des navires, ce qui réglerait le problème?
Quelles objections y voyez-vous?
Mme Dawson : J'ai l'impression que tous ces gens ont la responsabilité de veiller à ce qu'il n'y ait pas de déversements de pétrole. Si l'officier dort, quelqu'un d'autre devrait le remplacer. La diligence raisonnable n'est pas une règle stupide. Les tribunaux ne sont pas stupides à l'égard de ces choses-là.
Le sénateur Angus : Le fardeau de la preuve est inversé.
Mme Dawson : Oui, mais l'officier du navire doit prendre les moyens voulus pour éviter ce genre de choses.
Le sénateur Angus : Personne ne s'est opposé aux énormes amendes qui pourraient être imposées. C'est assez illimité. Le juge a la possibilité de fixer le montant de l'amende, comme vous l'avez mentionné, madame Dawson.
On s'oppose au risque d'incrimination d'innocents marins. Nous avons de la difficulté à recruter des marins. En enlevant deux ou trois mots de l'article 13, vous régleriez entièrement le problème. Vous auriez quand même des pouvoirs énormes contre les armateurs dont vous pourrez saisir le navire indéfiniment s'ils sont coupables. C'est le sort des marins qui nous inquiète.
Quoi que vous puissiez penser, M. Gold a été catégorique. Il a déclaré que la menace qui plane sur ces personnes est un grave défaut de ce projet de loi.
M. Dion : Nous ne voulons pas de loi présentant ce genre de lacunes. Nous voulons être certains qu'il s'agit d'une approche équilibrée. Vous devez prouver que vous avez fait preuve de diligence raisonnable, que vous avez pris toutes les précautions voulues pour éviter l'accident. Si c'est accidentel, les sanctions ne sont pas les mêmes.
Le sénateur Angus : Il y a des amendes minimums, ce qui est une autre question. Plusieurs témoins nous ont dit que cela pourrait dissuader le juge de prononcer une condamnation, même si de nombreux oiseaux ont été mazoutés, car l'amende minimum est de 500 000 $. C'est le problème que posent les amendes minimums, comme vous le saviez sans doute dès le départ.
M. Dion : L'amende s'applique aux navires et non pas aux personnes, ce qui n'est pas la même chose. J'ai déjà dit ce que je pense des amendes minimums. Ce n'est pas notre premier choix, mais ce n'est pas la fin du monde.
Le sénateur Angus : Cela fait du tort au projet de loi. Nous approuvons le principe de cette mesure. Nous ne voulons tout simplement pas approuver une mauvaise loi.
Madame Dawson, avez-vous lu le témoignage de M. Gold?
Mme Dawson : J'en ai entendu un résumé. Je ne l'ai pas lu en détail, mais les personnes qui travaillent avec moi l'ont lu.
L'honorable Byron Wilfert, C.P., député, secrétaire parlementaire auprès du ministre de l'Environnement : La question de l'amende minimum a été soulevée par vos collègues à l'autre endroit. Le gouvernement l'a acceptée étant entendu que les amendes perçues financeraient le nettoyage. Nous n'avons pas avancé l'idée d'une amende minimum.
Le sénateur Angus : Je pense que c'était tout à fait louable de votre part. Nous essayons de ne pas nous montrer sectaires ici. Lorsque vous parlez de mes collègues, vous ne parlez pas de mes collègues du Sénat.
M. Wilfert : Non, je parle de vos collègues de l'autre endroit. Étant une personne raisonnable, j'étais prêt à accepter des amendes minimums, même si je m'étais prononcé contre elles, à la condition que cet argent serve à une fin précise, ce qui sera le cas. Quant à savoir si cela renforce ou non le projet de loi, c'est discutable. Ce n'était pas la préférence du gouvernement ou du ministre.
M. Dion : Si le gouvernement pensait que ce changement aurait transformé une bonne loi en mauvaise loi, nous ne serions pas ici aujourd'hui.
Le sénateur Massicotte : Néanmoins, le gouvernement a déjà commis des erreurs.
M. Wilfert : J'en discuterai plus tard.
Le sénateur Angus : Monsieur le ministre, je ne pense pas que nous fassions le moindre progrès en poursuivant cette discussion. Je sais que vous avez une importante réunion du Cabinet et vous êtes déjà en retard.
Je veux seulement vous dire que tous les membres du comité ont travaillé très fort à ce projet de loi et que cette mesure est compliquée. En fait, vos trois lettres sont très détaillées. Le président a pris la peine de vous rencontrer vous et vos fonctionnaires. Nous avons fait un effort collectif pour avoir une bonne loi.
Je vous dirais qu'avec un amendement très mineur, nous pourrions avoir un projet de loi qui serait très efficace pour protéger nos oiseaux. Je vous exhorte à envisager le genre d'amendement que M. Gold a suggéré l'autre soir. Cela concerne le paragraphe 13(1.8) et il s'agit d'éliminer la criminalisation des officiers des navires.
M. Dion : Merci, sénateur. Sauf votre respect, je ne suis pas d'accord. Ce n'est pas un amendement mineur. Il affaiblirait le projet de loi et je ne peux pas l'appuyer. Nous voulons protéger énergiquement nos oiseaux.
Le sénateur Angus : Nous le voulons tous et nous verrons ce qui se passera. Vous serez sans doute le premier, j'en suis sûr, à le regretter si les tribunaux invalident le projet de loi.
Le sénateur Spivak : Je serais très brève. La proposition de M. Gold consiste à séparer la diligence raisonnable de l'inversion du fardeau de la preuve. Il a fait valoir que si la charge de la preuve est inversée, la diligence raisonnable n'est pas facile à prouver et que si vous faites en sorte que ce soit la poursuite qui ait à prouver le contraire, le problème sera réglé. La preuve devrait être établie non plus par l'accusé mais par la poursuite, ce qui améliorerait cette disposition.
Je suis surprise de voir apporter ce changement radical, mais d'autres témoins nous ont dit que la constitutionnalité de cette loi serait immédiatement contestée.
Le président : Pour être très précis, la suggestion de M. Gold portait sur le paragraphe 13 (1.8) proposé. Selon lui, si les mots « prouve qu' » étaient supprimés de ce paragraphe, le projet de loi deviendrait inattaquable.
Mme Dawson : C'est toujours la même histoire. Cela revient à inverser une nouvelle fois le fardeau de la preuve. Il serait impossible à la poursuite d'établir qu'il n'y a pas eu diligence raisonnable. Si le fardeau de la preuve est inversé, c'est parce que celui qui doit l'établir est celui qui a les moyens de le faire.
Nous avons fait valoir que de nombreuses lois similaires reposent sur le même principe.
Le sénateur Spivak : Il a répondu à cela qu'on arrive tous les jours à prouver les motifs d'une personne dans des causes très difficiles. Il applique les principes du droit pénal à cette question. Je m'attendais à votre réponse, mais je tenais à en parler car c'est l'amendement qui a été suggéré.
Cela nous amène dans les eaux troubles du droit constitutionnel alors qu'il n'y a pas de constitutionnaliste parmi nous. Mon estimé collègue, le sénateur Angus, est un spécialiste du droit maritime et nous avons le sénateur Buchanan. Je voudrais vous demander quelles pourraient en être les conséquences.
Mme Dawson : Les conséquences seraient énormes. Cela transformerait une infraction de responsabilité stricte en infraction exigeant la mens rea, qui obligerait la Couronne à tout prouver. C'est un changement majeur.
Le sénateur Spivak : Nous ne pouvons pas séparer la diligence raisonnable et l'inversion de la charge de la preuve. Les deux sont reliés. Ce témoin suggérait de les séparer.
Mme Dawson : La diligence raisonnable veut dire que l'accusé doit établir qu'il a fait preuve d'une diligence raisonnable. Cette expression a la même signification.
Le sénateur Spivak : J'aimerais dire un mot au sujet des privilèges de la Couronne. Cela fait un certain temps que je suis ici, mais jamais la Couronne n'y a renoncé. Sous des gouvernements antérieurs, nous avons fait de gros efforts pour l'en convaincre. C'est impossible. Vous poursuivez la tradition.
Le sénateur Milne : Je voudrais souligner que c'est le principal parti de l'opposition à l'autre endroit qui a proposé ces amendes minimums. Vos collègues de l'autre endroit les ont énergiquement appuyées, sénateur Angus.
Madame Dawson, avez-vous parlé tout à l'heure d'un cas montrant qu'il s'agit non pas d'une infraction criminelle véritable, mais d'une infraction réglementaire créée conformément aux vastes pouvoirs que possède le gouvernement fédéral en matière pénale?
Mme Dawson : Je ne l'ai pas dit exactement en ces termes. J'ai parlé d'une infraction de responsabilité stricte.
Le sénateur Milne : Le gouvernement fédéral a-t-il le pouvoir de présenter des lois pénales?
Mme Dawson : Non. C'est en vertu d'autres pouvoirs que ses pouvoirs en matière de droit pénal. C'est dans le cadre du domaine que nous réglementons.
Le sénateur Milne : C'est une infraction réglementaire?
Mme Dawson : Oui..
Le sénateur Buchanan : Divers syndicats nous ont fait des instances. J'ai parlé à plusieurs d'entre eux. Ce n'est pas une question d'argent. Parmi ces groupes figuraient les syndicats internationaux de Halifax, Peter Lahay et l'International Transport Workers' Federation, ainsi que les officiers, mécaniciens et capitaines.
Ce qui les inquiète surtout, c'est l'atteinte à la réputation de leurs membres au cas où ils seraient accusés dans le cadre de ce projet de loi. Même s'ils sont acquittés, ils auront été accusés d'une infraction passible d'une peine de prison.
L'un d'entre eux a dit quelque chose d'intéressant. Ils craignent que le Canada perde des clients à cause de cette mesure et ils nous disent que c'est déjà arrivé. Certains pays européens ne criminalisent pas les officiers et les mécaniciens et le commerce y est florissant.
Un grand port comme celui de Halifax pourrait-il perdre des clients dans d'autres domaines? C'est un grave sujet d'inquiétude. Je pose la question parce que la Chambre des transports maritimes dit que les accusations criminelles marquent la fin de la présomption d'innocence. Même dans les cas où il n'y a pas d'intention criminelle, les compagnies pourraient abandonner les ports canadiens, ce qui réduirait le nombre d'emplois. Cela risque de nuire à la compétitivité du Canada.
Cela pourrait être très dangereux. C'est une source d'inquiétude pour la marine marchande et les marins.
M. Dion : Au contraire, ils ont peur de ce qui se passe aux États-Unis et qui amène certains navires à venir déverser leurs déchets au Canada. Cela va renverser la situation ou du moins diminuer le problème. Les pays européens veulent imposer des règles plus sévères que les nôtres. Je ne sais pas si nous créons une situation qui nous fera perdre des emplois. Suivons-nous ou dirigeons-nous? Telle est la question.
De plus, nous avons une mauvaise réputation en ce qui concerne la façon dont nous protégeons nos oiseaux. Je suis sûr que cela fait du tort à notre réputation et à notre économie. Dans le monde d'aujourd'hui, si vous ne vous acquittez pas de vos responsabilités envers l'environnement, cela vous coûte cher.
Le sénateur Buchanan : Il y a des amendes importantes aux États-Unis. Les États-Unis ont également une autre chose que nous n'avons pas. Ils se servent de leur garde côtière. C'est la troisième marine au monde. C'est une des raisons pour lesquelles ils n'ont pas de problèmes. L'autre raison est qu'aux États-Unis, les poursuites se font davantage au civil qu'au criminel et que les amendes sont élevées. Cela ne fait aucun doute.
Pour le moment, nous n'avons pas les moyens de faire ce que les États-Unis ont fait pour assurer le respect de la loi. Je serais beaucoup plus rassuré si le Canada avait une capacité d'application beaucoup plus importante, mais il n'a pas la troisième marine au monde.
M. Dion : C'est pourquoi nous demandons des instruments d'application supplémentaires. Voilà pourquoi nous avons besoin de ce projet de loi.
Le sénateur Buchanan : Même avec ce projet de loi, avez-vous les moyens de le faire appliquer comme le font les États-Unis?
M. Dion : Je ne suis pas sûr que nous ayons les mêmes moyens que les États-Unis, mais nos moyens seront meilleurs.
Nous avons un problème supplémentaire. Les États-Unis accueillent les navires qui se rendent là-bas. La plupart des navires se contentent de traverser notre zone. Voilà pourquoi nous avons besoin de ce projet de loi.
Le sénateur Buchanan : Comme vous le savez peut-être, le port de Halifax a perdu des clients au profit des ports de Boston, de Philadelphie, de New York et de Baltimore. Nous recevons moins de porte-conteneurs. Heureusement, ce marché commence à se reconstituer.
J'ai rencontré un groupe à Halifax. Ils m'ont demandé : « Pourquoi nos officiers, nos mécaniciens et nos capitaines sont-ils maintenant passibles de sanctions pénales en cas d'accidents dont ils ne sont pas responsables? ». C'est une question très importante.
Le sénateur Milne : C'est une infraction réglementaire. On vient de nous le dire.
Le sénateur Buchanan : Non. Il y a une sanction pénale. Nous en avons parlé.
M. Wendt : Aux États-Unis où les amendes ont été plus élevées, un pourcentage important des navires se conforment à la loi. Il y a des règles internationales qui exigent que les navires soient équipés de matériel de prévention de la pollution pétrolière et la majeure partie de la marine marchande s'y conforme. Elle ne verra absolument rien de nouveau dans le projet de loi C-15 quant à ce qu'il est permis de faire. Le projet de loi C-15 réfère à la Loi sur la marine marchande du Canada en ce qui concerne la quantité d'hydrocarbures qui peut être évacué, si bien qu'il n'y a aucune exigence nouvelle.
En ce qui concerne le projet de loi C-15 qui s'ajoute à toute la législation canadienne existante, il touchera seulement les navires délinquants dont nous ne voulons pas particulièrement chez nous.
Le sénateur Buchanan : Voulez-vous dire que, selon vous, l'avis juridique indépendant, donné par une personne très compétente, que nous avons entendu est inexact? Voulez-vous dire que ce projet de loi ne contrevient pas à MARPOL et UNCLOS? Selon l'avis juridique indépendant qui nous a été donné, il sera contesté en vertu d'UNCLOS.
M. Wendt : Je crois que ce projet de loi a été rédigé de façon à se conformer à UNCLOS et MARPOL.
Le sénateur Buchanan : Avez-vous un avis juridique contraire?
Mme Dawson : Je ne peux pas l'affirmer. Nous n'aurions jamais donné suite à ce projet de loi si nous avions pensé qu'il contrevenait au droit international.
Le sénateur Buchanan : La question n'est pas là. Avez-vous, dans votre portefeuille au ministère de la Justice ou ailleurs, un avis juridique contraire qui aurait dû vous inciter à vous en soucier davantage?
Autrement dit, est-ce que tous vos avis juridiques vous disent que tout va bien?
Mme Dawson : Nous avons dû examiner toute cette question en profondeur. Je crois que nous sommes convaincus que l'application de ce projet de loi ne sera pas contraire à ces conventions internationales.
Le sénateur Buchanan : Je dirai les choses ainsi. Nous avons obtenu un avis juridique indépendant selon lequel c'est tout à fait contraire à la Charte et aux traités internationaux. Vos avis juridiques sont-ils aussi concis que cela?
Mme Dawson : Je ne pourrais pas le dire, car je ne les ai pas examinés directement. Nous sommes convaincus que ce projet de loi peut être appliqué sans contrevenir à ces conventions.
Le président : Le ministère a dit que sa réponse à cette question tient en partie au fait que l'application de la loi dépendra des directives et des politiques. Autrement dit, les moyens qui seront pris pour appliquer la loi n'iront pas à l'encontre de ces conventions. Ai-je bien compris?
Mme Dawson : C'est exactement ce que j'essayais de dire.
Le président : Je crois que le ministère l'a dit également. Ai-je raison, monsieur le ministre?
L'honorable Stéphane Dion : Oui. C'est ce que je vous ai écrit.
Le sénateur Massicotte : Je voudrais revenir sur une question technique antérieure, car j'appuie entièrement ce projet de loi et son intention. Je m'inquiète seulement de ses répercussions. Les sénateurs n'ont pas du tout l'esprit de parti. Supposons que mon collègue, le sénateur Angus, qui, étant très riche et bien connu dans le monde entier, comme vous le savez peut-être, puisse un jour siéger au conseil d'administration d'une grande entreprise de transport maritime à Genève. Il veillerait alors à ce que les règles soient bien suivies et à ce que l'entreprise fasse preuve d'une diligence raisonnable. Toutes les normes seraient respectées, etc.
Le sénateur Angus : Malheureusement, tout cela est hypothétique, comme vous le savez, surtout pour ce qui est de ma richesse.
Le sénateur Massicotte : Si vous faites cette supposition, qui est assez réaliste selon moi, disons qu'il s'agisse d'une entreprises internationale dont les navires, la direction et les méthodes sont de première classe. Cependant, quelqu'un au Canada contrevient à l'article 5.3. Autrement dit, quelqu'un met un employé à la porte ou harcèle un employé. Si je comprends bien, même si le sénateur Angus a fait son travail en posant les bonnes questions et en s'assurant que les bonnes méthodes sont appliquées, il pourrait être tenu personnellement responsable. Est-ce exact?
Mme Dawson : Il pourrait invoquer pour sa défense la diligence raisonnable. Il s'agirait donc de savoir si les tribunaux conviendront qu'il a été suffisamment diligent.
Le sénateur Massicotte : Parlons-en. La défense de la diligence raisonnable ne s'applique pas à l'article 5.3.
M. MacCallum : Excusez-moi. Dans ma dernière réponse, je pensais que vous parliez de l'article 5.5.
Le sénateur Massicotte : Non, c'était l'article 5.3. Le point de départ est le paragraphe (1.8), page 14. Autrement dit, la disposition de disculpation s'applique à tout le monde, mais pas à l'article 5.3, peu importe si le membre du conseil d'administration a fait son travail avec professionnalisme et a respecté toutes les normes internationales. N'ai-je pas raison?
Le sénateur Milne : Si je comprends bien l'article 5.3, il s'agit de dispositions contre le harcèlement. Ce n'a rien à voir avec la diligence raisonnable. Il s'agit de la façon dont un armateur ou un capitaine traite les employés.
Le sénateur Massicotte : Toutefois, il se pourrait que le membre du conseil d'administration, disons le sénateur Angus, ait pris les précautions voulues. Il a veillé à mettre en place des lignes de conduite permettant d'éviter cela, veillé à ce que les bonnes normes soient appliquées, etc. Toutefois, un de ses subalternes au Canada congédie un employé qui a eu un comportement fautif. Le sénateur Angus n'a rien fait de mal, alors pourquoi devrait-il être tenu personnellement responsable plutôt que sa société?
Le président : Peut-on faire ce lien? Le sénateur Massicotte a-t-il raison de faire le lien avec une infraction commise aux termes de l'article 5.3, page 4, c'est-à-dire une infraction commise par un employeur contre un employé? Suis-je au bon endroit, sénateur Massicotte?
Le sénateur Massicotte : Oui, l'article 5.5 confère une responsabilité personnelle.
Le président : La disculpation prévue au paragraphe (1.8) permet d'invoquer une diligence raisonnable.
Le sénateur Milne : Si je comprends bien, l'article 5.3 n'est pas une infraction de responsabilité stricte. La diligence raisonnable est prévue à la page 14. Cela s'applique à un employé agissant de bonne foi qui divulgue des renseignements à un ministre fédéral. Cet employé ne peut pas être congédié.
Ce n'est pas une responsabilité stricte. Cela vise à protéger les dénonciateurs. Le sénateur Angus va s'en tirer parce qu'il n'est pas un employeur canadien.
Mme Susan Waters, conseillère juridique, Environnement Canada : Cette disposition ne s'applique pas de la même façon que les autres infractions de responsabilité stricte. Il faudrait qu'un employé soit congédié pour créer cette infraction. Nous n'avons pas voulu inverser la charge de la preuve dans cette disposition qui s'applique seulement aux employeurs canadiens. C'est une disposition de protection des dénonciateurs qui a été utilisée dans d'autres lois fédérales, comme la Loi sur la concurrence et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Le président : Quel est le fardeau de la preuve pour 5.3? Est-il vrai que la diligence raisonnable ne peut pas être invoquée pour l'article 5.3?
Mme Waters : C'est exact.
Le président : La diligence raisonnable n'est pas un motif de défense pour l'article 5.3.
Mme Waters : Cela ne peut pas être invoqué étant donné qu'il s'agit d'une mesure prise contre un employé. Ce n'est pas comme une infraction pour laquelle vous devez établir que vous avez pris toutes les précautions voulues pour éviter le rejet de substances nocives. Il s'agit d'un type d'infraction différent, si bien que la diligence raisonnable ne s'applique pas. Comment pourriez-vous faire preuve de diligence raisonnable pour le congédiement d'un employé?
Le sénateur Massicotte : Supposons que le sénateur Angus siège au conseil d'administration d'une entreprise canadienne qui a une politique à l'égard des dénonciateurs. Le sénateur Angus a posé les bonnes questions, conformément à cette politique, mais quelqu'un au sein de son entreprise s'est mal comporté. Pourquoi le tenir personnellement responsable des actes fautifs d'un employé? Pourquoi serait-il personnellement responsable en vertu de l'article 5.5? Cela va plus loin que la norme en vigueur dans la législation visant les sociétés.
Mme Waters : Il ne s'agit pas d'une responsabilité stricte ou absolue, mais d'une simple infraction. On a décidé, au niveau politique, que c'était une question importante.
Le sénateur Massicotte : Vous devez reconnaître que, contrairement à la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, cette mesure vous rend personnellement responsable des comportements inhabituels et inappropriés de la personne morale et qu'il s'agit...
Mme Waters : Oui.
Le sénateur Massicotte : C'est dur.
Mme Dawson : On a jugé qu'il s'agissait d'une sérieuse infraction.
Le sénateur Massicotte : Ce projet de loi est excellent, mais lorsque les entreprises se rendront compte de ce qu'elle représente, cela va beaucoup les inquiéter. De façon générale, c'est un bon projet de loi, mais il va très loin sur certains plans.
Le sénateur Milne : J'ai une question supplémentaire à ce sujet. Quand je lis l'article 5.3, j'ai l'impression que, contrairement au reste du projet de loi, cet article exige que la Couronne prouve la culpabilité hors de tout doute raisonnable. Par conséquent, il n'est pas nécessaire ici de prouver la diligence raisonnable. Il s'agit de protéger les employés qui ont agi comme ils en avaient le devoir.
Mme Dawson : Exactement. Il faut bien comprendre qu'il ne s'agit pas du même genre d'infractions que ce dont nous avons parlé.
Le sénateur Milne : Ce doit être prouvé hors de tout doute raisonnable.
Mme Dawson : Oui, le fardeau de la preuve qui incombe à la Couronne est plus exigeant et non pas moins exigeant.
Le sénateur Massicotte : Je ne vois pas d'objection à l'article 5.3, mais je m'inquiète pour l'administrateur qui a fait son travail, qui a posé les bonnes questions conformément à la politique de l'entreprises à l'égard des dénonciateurs et qui, malgré ses efforts, est tenu personnellement responsable d'une chose sur laquelle il n'a pas de contrôle direct.
Le sénateur Milne : Cette disposition vise les employeurs canadiens et leur interdit de congédier un employé qui a agi de bonne foi.
Le sénateur Massicotte : Je ne vois pas d'objection en ce qui concerne la personne morale.
Le président : Nous en discuterons entre nous le moment venu.
Mme Dawson : Si vous le permettez, cette disposition n'est pas nouvelle. Elle s'inspire d'une disposition similaire qui figure dans la Loi sur la concurrence. Par conséquent, nous pensons que cette disposition est la bonne dans ce cas-ci.
Le sénateur Milne : Un armateur ne doit pas pouvoir faire impunément en mer ce qu'il n'est pas possible de faire à terre.
Le président : Avez-vous d'autres questions?
M. Dion : J'exhorte les sénateurs à lire la lettre de mon collègue de Terre-Neuve. Nous avons besoin de ce projet de loi.
Le président : Merci, monsieur le ministre. Le ministre de Terre-Neuve a comparu devant le comité et a défendu ardemment le projet de loi.
Le sénateur Milne : Avant que vous n'ajourniez la séance, je crois que nous pourrions aussi bien passer directement à l'étude article par article.
Le sénateur Spivak : Exactement.
Le président : Nous n'avons pas donné avis que nous ferions l'étude article par article aujourd'hui.
Le sénateur Milne : Ce n'est pas nécessaire. Je propose que nous passions à l'étude article par article.
Le président : J'ai promis à la vice-présidente que nous ne passerions pas à l'étude article par article.
Le sénateur Milne : La vice-présidente était à la réunion du comité directeur à laquelle j'ai assisté il y a une semaine. Nous nous sommes mis d'accord à ce moment-là pour passer à l'étude article par article.
Le président : Mais pas aujourd'hui.
Le sénateur Milne : Vous êtes saisi d'une motion.
Le président : Nous nous étions mis d'accord pour passer à l'étude article par article suite à la comparution du ministre, mais à un autre jour. J'ai promis personnellement à la vice-présidente d'attendre qu'elle soit présente pour passer à l'étude article par article. Nous sommes toutefois saisis d'une motion. Il y a été proposé que nous passions maintenant à l'étude article par article.
Des voix : D'accord.
Le président : Ceux qui sont pour la motion? Ceux qui s'y opposent?
Comme il y a égalité des voix, la motion est rejetée. Nous procéderons à l'étude article par article le mardi 17 mai.
La séance est levée.