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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 15 - Témoignages du 7 juin 2005


OTTAWA, le mardi 7 juin 2005

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 17 h 10 pour examiner de nouvelles questions concernant son mandat et en faire rapport.

Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : C'est un grand plaisir d'accueillir nos invités, MM. Alex Himelfarb et Simon Kennedy, qui sont parmi nous pour nous parler de l'application par le gouvernement d'éléments qui se rapportent au développement durable, relativement à un rapport dont je viens d'informer M. Himelfarb. Auriez-vous l'obligeance de faire votre déclaration liminaire, après quoi nous passerons aux questions?

M. Alex Himelfarb, greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet, Bureau du Conseil privé : Merci de votre invitation. Je suis accompagné par quelqu'un qui s'y connaît en environnement. Lorsque je comparais, j'aime bien amener quelqu'un qui connaît la question à aborder.

Mes observations liminaires seront brèves. Vos questions m'intéressent. Le président vient de me donner un bon avertissement au sujet d'une catastrophe imminente pour le gouvernement et dont il est question dans votre rapport. On a l'impression que nous n'avons pas proposé assez rapidement ou avec assez de cohérence un ensemble de mesures incitatives ou contraignantes pour pouvoir compter qu'un changement réel se produira. Le rapport arrive peut-être à un moment opportun, car je crois honnêtement que le gouvernement commence à faire des progrès décisifs dans certains domaines dont je parlerai aujourd'hui.

Je crois que les efforts du gouvernement sont importants à cet égard. Ils ont débuté par les deux discours du Trône, dans lesquels il a dit que le développement durable était une notion intégrée à la prise de décisions. Cela représente plus que la directive actuellement en vigueur et qui exige que de tous les mémoires au Cabinet tiennent compte de l'évaluation environnementale, lorsqu'il y a lieu. Le gouvernement a investi dans des indicateurs qui mesurent la qualité de l'air et de l'eau et la biodiversité. Nous pouvons non seulement suivre les progrès, mais aussi les imposer, car nous sommes déterminés à communiquer cette information et à la mettre à la disposition du public.

Ces indicateurs devraient commencer à influencer notre principal processus politique, non seulement pour des décisions isolées, par exemple des mémoires au Cabinet, mais aussi sur des orientations stratégiques. Le gouvernement a pris cet engagement. Nous en sommes conscients, et la commissaire à l'environnement et au développement durable a dit clairement que nous avons besoin, pour y arriver, d'un plan de développement durable qui a un peu de mordant et précise non seulement les priorités, mais aussi les moyens, les mesures incitatives et dissuasives qui nous permettront d'accomplir des progrès.

Le premier ministre Martin a créé un comité du Cabinet présidé par le ministre de l'Industrie et formé de ministres importants et l'a chargé d'élaborer ce cadre, ce qu'il a fait. Nous avons entrepris des consultations avec Mme Gélinas au sujet du cadre qui nous servira à élaborer un plan de développement concret, durable. Comme je suis du BCP, permettez-moi de parler de ce processus.

Pour appuyer cette initiative, nous avons mis sur pied un comité de sous-ministres qui est présidé par le sous- ministre de l'Environnement. Il doit concevoir une approche vraiment horizontale pour établir le cadre, produire le plan et envisager une approche intégrée de la science environnementale portant à la fois sur l'eau, l'air ou les gaz à effet de serre. Nous commençons à orchestrer notre action avec une approche fondée sur la science et à rationaliser et à améliorer notre approche de la réglementation. Ce comité est bien en route et son travail progresse.

Le premier produit concret est le plan vert sur les changements climatiques. Il y aura d'autres plans verts. Cette série de plans sur les changements climatiques devait être une priorité, car nous accusons un retard important en ce qui concerne nos engagements internationaux. L'élaboration du plan vert a aidé à élaborer le budget, qui est plus vert que tout ce que nous avons vu depuis un certain temps. Le plan nous fait passer à un stade plus avancé en créant certaines pressions sur les budgets à venir parce que les besoins en ressources nécessaires pour concrétiser le plan sont plus grands que les ressources prévues. Je vais dire un mot des principaux éléments de ce plan.

Comme je l'ai dit, je n'ai pas de compétences sur le fond, mais les éléments laissent entrevoir une orientation stratégique. Dans le budget et le plan, nous prévoyons l'utilisation la plus ambitieuse d'instruments du marché et d'instruments fiscaux que le Canada ait jamais connue. Cela est vrai pour les initiatives fiscales particulières visant les énergies de remplacement et la DPA dans le domaine environnemental. C'est la première fois que nous prévoyons un ensemble aussi important de mesures fiscales. C'est sans doute l'ensemble le plus important de mesures que le Canada ait jamais prises. Je ne suis pas un spécialiste de chacune de ces mesures, mais le fait que nous utilisions des instruments du marché et de la fiscalité est en soi extrêmement éloquent.

J'ajoute que nous avons également demandé à la table ronde sur l'environnement d'envisager des « droits- remboursements » non seulement pour les produits écologiques, mais aussi pour ceux qui ne le sont pas. Le principe consiste à proposer des mesures dissuasives et incitatives. Les « droits-remboursements » ont ceci de bon qu'ils associent dissuasion et incitation. La table ronde sur l'environnement a été invitée à conseiller le gouvernement sur leur utilisation, notamment dans le secteur de l'automobile. Le ministère des Finances a publié un document d'information se rattachant au budget qui montre le cadre à suivre pour continuer à utiliser des mesures fiscales à des fins environnementales. Il a lancé un dialogue national pour la première fois au Canada.

Le premier grand élément est un ensemble vraiment ambitieux d'incitations fiscales. Le programme d'initiatives pour l'énergie éolienne et d'autres énergies de remplacement a été lancé. Il y a un certain nombre de questions de modernisation et nous tablons sur des réussites passées et essayons d'aller plus loin. Cet ensemble de mesures est plus impressionnant que la couverture médiatique ne l'a montré. Nous avançons en terrain nouveau et c'est un changement de paradigme parce que c'est un engagement à utiliser les forces du marché à des fins environnementales.

Le deuxième grand élément est le Fonds pour le climat, qui est également une approche fondée sur le marché, parce qu'il comprend l'achat de droits. Certains vendront leurs réductions d'émissions pour obtenir au départ les capitaux nécessaires pour obtenir ces réductions d'émissions. Le Fonds pour le climat, dont la conception n'est pas encore chose faite, sera doté d'un milliard de dollars. Le plan dit que, lorsqu'il sera approuvé et que le gouvernement le mettra en place, les émissions devront être réduites pour que les fonds soient versés. C'est ainsi que le plan fonctionne. Lorsqu'il sera approuvé, il prendra beaucoup plus d'importance, je dirais dans les milliards de dollars. L'accent est mis sur les entreprises.

Le troisième grand élément est le Fonds du partenariat avec les provinces. Bien que nous n'ayons pas établi nos objectifs en nous appuyant sur les provinces, nous savons que nous ne pourrons pas les atteindre sans ces partenariats. Nous avons un cadre pour l'élaboration de protocoles d'entente avec les provinces et nous avons prévu des fonds pour contribuer à des réductions réelles et mesurables des émissions et pour d'autres types de projets pilotes qui peuvent être pertinents dans d'autres régions du Canada. Il y aura probablement une préférence pour des choses comme la transmission est-ouest entre le Manitoba et l'Ontario, dont plusieurs provinces et tous les Canadiens profiteront. Le nouveau chemin de fer du Canada pourrait bien être une infrastructure propice à une utilisation durable de l'énergie. Ce troisième élément sera le fondement de nouveaux partenariats avec les provinces.

Le quatrième grand élément est un ensemble formé de nombreux programmes. Nous en avons certains au ministère des Ressources naturelles et quelques-uns au ministère de l'Environnement. Certains marcheront très bien et d'autres moins bien. Nous avons débloqué 2 milliards de dollars pour passer ces programmes en revue et en améliorer le fonctionnement. Ces efforts portent non seulement sur la production, mais aussi sur notre façon de consommer et de mener nos activités quotidiennes. Le Défi d'une tonne et bien des programmes individuels visant les consommateurs figurent dans cet ensemble, et des éléments visent la production également. Nous rationalisons cet ensemble et l'une des tâches de ce nouveau comité du Cabinet est de veiller à ce que chaque dollar soit consacré à des mesures efficaces et à ce que les fonds soient réaffectés au détriment des mesures qui marchent moins bien en faveur de celles qui marchent mieux.

Le dernier élément est le nouveau partenariat avec les villes et les collectivités qui sera fondé sur un engagement à l'égard de la durabilité. Nous parlons du transfert de recettes de la taxe sur l'essence non seulement comme d'une mesure fiscale, mais aussi comme d'un moyen de créer des villes plus vivables. Chaque ville qui reçoit ces ressources est tenue de produire un plan de durabilité. Il s'agit en partie d'un changement de culture, et la mesure incitative, c'est beaucoup d'argent. La carotte, c'est l'argent; le bâton, c'est perdre l'argent.

Le principe, c'est que chaque ville et localité au Canadadevra tôt ou tard préparer un plan de durabilité. Cela ne se fait pas en 15 jours, mais la Colombie-Britannique montre ici la voie. C'est très emballant. Il s'agit seulement du Plan sur les changements climatiques, mais vous voyez quelle orientation nous suivons. Il y a un engagement réel à l'égard des instruments du marché.

Il y a deux éléments qui ne concernent pas les dépenses et que je voudrais ajouter ici. L'un d'eux est le nouvel accord avec le secteur de l'automobile, qui porte sur la salubrité de l'air en général beaucoup plus que sur les changements climatiques. L'autre élément est celui des grands émetteurs finaux, les GEF, qui prête un peu à controverse. L'industrie pense que nous sommes allés trop loin et les environnementalistes sont d'avis que nous ne sommes pas allés assez loin. Toutefois, nous avons constitué un point de départ pour aller ensuite plus loin.

Dans le secteur de l'automobile, il s'agit de conformité volontaire, mais nous nous sommes clairement réservé le droit d'imposer une réglementation si nécessaire. Le recours à l'observation volontaire est très controversé, mais nous avons un point de repère et le secteur de l'automobile s'est engagé à présenter régulièrement des rapports pour que nous puissions voir si cette approche donne des résultats. Nous avons augmenté un peu la mise pour justifier cette méthode. Si elle ne donne pas de résultats, l'industrie sait qu'elle sera soumise à des règlements.

Quant aux GEF, nous opterons pour la réglementation. Vous aurez entendu parler d'ambiguïté, du point de vue de la controverse du budget et du cadre législatif exact que nous pourrions employer, mais il n'y a aucune ambiguïté. Nous allons légiférer, cela ne se discute pas. Franchement, les émetteurs ont accepté. Ils savent que telle est la réalité.

Je le répète, nous avons un point de départ pour ces deux secteurs, afin d'apporter des changements très réels. De toute évidence, nous aurions pu aller plus vite et plus loin, mais nous avons un excellent point de départ pour bâtir quelque chose.

J'ai décrit le Plan sur les changements climatiques non parce que c'est l'alpha et l'oméga de notre action, mais parce que cela vous donne une bonne idée des moyens qui sont à notre disposition : l'investissement dans la technologie, les mesures incitatives axées sur le marché, les mesures dissuasives et, au besoin, la réglementation.

Le plan comprend également des engagements réels en matière de sensibilisation et d'information du public, car nous savons que le changement de culture se fera dans les écoles, les milieux de travail et les organisations locales. Nous visons le long terme. Nous envisageons un véritable virage vers la durabilité dans la production, la consommation et la vie courante.

J'ai lu beaucoup d'articles dans lesquels on se demande si le Canada atteindra ses objectifs à court terme en matière de changements climatiques. C'est bien notre intention de les atteindre.

Notre plan est le plus détaillé du monde, à l'exception de celui de la France. La plupart des pays évitent la quantification. Pas nous, car nous connaissons que les chiffres ont un effet de discipline. Nous savons que, si nous prenons du retard, nous aurons un prix à payer, et c'est là une bonne discipline. Notre plan est très détaillé. Nous aurons un plan sur la nature prévoyant des parcs et zones sauvages durables, et nous allons mettre en place une stratégie beaucoup plus énergique en matière de développement durable, et elle va vraiment s'implanter.

Dans des rapports antérieurs, Mme Gélinas a souvent parlé du rôle du BCP. Il ne fait pas de doute que, dans ce domaine, on a besoin d'une approche horizontale, cohérente et intégrée. Tous les ministères doivent participer. Le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux étudie sérieusement l'écologisation des approvisionnements et de la gestion des biens immobiliers. Ce sera énorme. Tous les ministères comptent. Le MAINC étudie sérieusement la question de l'eau dans les réserves. Il n'y a pas un ministère qui n'a pas de responsabilités à l'égard de terres ou d'étendues d'eau de ressort fédéral. Tout gestionnaire et acheteur de biens doit tenir compte du principe de la durabilité.

Au BCP, nous n'avons pas mis en place un secrétariat comme certains l'espéraient. C'est que l'un des principaux rôles du BCP, mis à part celui d'assurer la cohérence, consiste à remettre en question les politiques pendant qu'elles sont en voie d'élaboration. Il existerait un vrai conflit si nous étions à la fois celui qui propose la politique et celui qui doit la remettre en question. C'est pourquoi nous avons créé cet autre comité. Ce n'est pas que nous n'avons pas d'intérêt ou de responsabilité de chef de file dans le domaine. C'est tout le contraire qui est vrai.

Nous appuyons le Comité ministériel du développement durable. Nous structurons le Comité des sous-ministres et le faisons intervenir pour garantir des progrès, et nous jouons un rôle critique. Nous instituons le processus des mémoires au Cabinet et exigeons que les considérations environnementales y soient intégrées. Notre rôle n'est pas exactement celui queMme Gélinas a recommandé, mais je crois qu'elle dirait que, dans le cadre et dans la structure des comités, nous faisons des progrès, peut-être à un rythme nettement plus lent que ce qu'elle aurait espéré, cependant.

Le sénateur Angus : Merci beaucoup, messieurs Himelfarb et Kennedy, d'avoir accepté de comparaître ce soir. J'étudie l'appareil gouvernemental du Canada depuis des années. Chaque jour, comme sénateur, le fonctionnement de ce gigantesque appareil est pour moi une révélation. Je vous considère comme le directeur général d'une des plus grandes entreprises au Canada. Vos responsabilités sont impressionnantes et, d'après ce que je peux voir, vous vous en acquittez fort bien, mais j'observe les choses d'assez loin.

M. Himelfarb : Votre point de vue me plaît beaucoup.

Le sénateur Angus : Lorsque le président m'a dit que vous comparaissiez ce soir, j'ai été très heureux. Le traitement que nous infligeons à notre planète inquiète tout le monde.

Si on écoute la commissaire Gélinas et si on vous écoute ensuite parler d'elle, on a l'impression d'être sur deux planètes différentes. Je sais que vous essayez de faire de votre mieux avec les outils à votre disposition, mais il me semble que la commissaire à l'environnement et au développement durable n'est pas du tout satisfaite de la façon dont les choses se passent. Elle croit que nous avons tous les outils voulus — vous avez parlé de technologie, de mesures axées sur le marché, et cetera — mais que nous ne nous en servons pas.

Le président a dit que nous étions sur le point de publier un rapport. Nous tenons absolument à faire tout notre possible pour vous aider à faire ce que la commissaire souhaite. Quepouvons-nous faire pour vous donner plus de pouvoir afin d'appliquer ces mesures? Ce que vous dites semble très bien, mais je ne vois pas de résultats. Y a-t-il quelque chose que nous pouvons écrire dans notre rapport qui puisse vous aider, dans la fonction publique très professionnelle que vous dirigez, à inciter le gouvernement à vous donner ce dont vous avez besoin?

Vous avez parlé du budget, qui serait le plus vert de tous les budgets. Honnêtement, ce n'est pas mon impression. Les témoins qui comparaissent nous disent qu'il ne prévoit pas les mesures nécessaires. La commissaire nous dit la même chose. L'ancien ministre de l'Environnement nous dit, à nous et au public, qu'il est exaspéré de ne pas pouvoir faire le travail. Ce n'est pas une vraie question, mais je voudrais que vous me disiez ce que vous en pensez.

M. Himelfarb : C'est une vraie question, et je prends vos observations au sérieux. Je ne peux me substituer à Mme Gélinas, cela ne conviendrait pas. J'ai énormément de respect pour son rôle, et j'estime qu'elle a provoqué des changements constructifs. N'interprétez rien de ce que j'ai dit comme présumant qu'elle est satisfaite. Je reconnais que son insatisfaction a été un facteur constructif.

Le sénateur Angus : Nous voudrions quadrupler son budget et lui donner une armée de policiers.

M. Himelfarb : Je n'ai pas d'opinion à exprimer là-dessus comme fonctionnaire, mais la commissaire est un atout considérable.

Je suis étonné que les médias n'aient pas fait ressortir plus clairement à quel point le budget met l'accent sur l'environnement. Ce n'est pas un vieux budget. Il est même récent. C'est une déclaration d'engagement. Le Fonds pour le climat et l'organisme qui le gérera n'existent pas encore. De l'argent est prévu dans le budget, mais l'organisme n'existe pas encore. Le Fonds du partenariat prévu dans le budget n'a pas été distribué parce que les protocoles d'entente ne sont pas en place. Nous sommes à un carrefour important.

Le sénateur Angus : Il y a de bonnes intentions.

M. Himelfarb : C'est plus que cela. Il y a de l'argent à la banque. L'argent a été mis de côté et les engagements ont été pris.

Le sénateur Angus : De quel budget parlons-nous? Du projet de loi C-48 ou du C-43?

M. Himelfarb : C'est de l'argent qui est presque à la banque.

Le sénateur Angus : Est-ce le budget de M. Layton?

M. Himelfarb : C'est l'ensemble des mesures budgétaires, selon ma conception des choses.

Le sénateur Buchanan : Vous n'allez pas tomber dans ce piège, n'est-ce pas?

Le sénateur Angus : Nous allons savoir à quoi nous en tenir. Cet homme n'y va pas par quatre chemins.

M. Himelfarb : Les engagements se trouvent dans le budget. Le plan va plus loin et les précise davantage. Il établit les principes qui nous guideront. Toutefois, c'est un plan, et les gens réclament des gestes concrets. Les gens ont déjà entendu ce discours, mais il n'y a jamais eu des engagements financiers de cet ordre. Je soutiens que nous avons maintenant un leadership. Le ministre Dion a comparu devant vous et dit qu'il n'y avait pas de problème de leadership. Nous avons maintenant un comité du Cabinet et un comité de sous-ministres qui se chargent de ce programme, mais nous avons beaucoup de travail à faire sur le plan des changements de mentalité. L'argent servira à tout cela. Ces engagements ont été pris, mais il y a des éléments politiques que nous ne maîtrisons pas. Le plan est bien réel, et il sera révisé chaque année, car il faut sans cesse veiller à l'écologisation. C'est plus ambitieux que tout ce que nous avons jamais entrepris.

Les déceptions du passé incitent les gens à la méfiance.

Le sénateur Angus : Au cynisme.

M. Himelfarb : J'espère que non.

Le sénateur Angus : En ce qui concerne les objectifs de Kyoto, vous avez parlé de choses et d'autres. Selon les idées reçues, du moins telles qu'elles nous sont transmises, il est peu réaliste de penser que le Canada pourra honorer ses engagements de l'accord de Kyoto. Toutefois, nous avons au moins amorcé le mouvement, et je peux concevoir qu'un peu de bien est préférable à rien de bon.

J'ai été intéressé par votre idée de secrétariat de surveillance, à votre bureau, qui exigerait des comptes de tous les éléments du gouvernement en matière d'environnement, plutôt qu'un simple secrétariat. Vous avez dit que vous préfériez jouer une fonction critique.

Cette idée me plaît. Cette fonction aura-t-elle du mordant? Vous avez tellement de choses à faire. Nous serions enchantés de pouvoir rentrer ce soir en étant convaincus que cette fonction critique permettra d'exiger des comptes, y compris du ministère des Finances.

M. Himelfarb : C'est une bonne question. Je pourrais vous faire une autre promesse en disant que cela va de soi.

Je vais vous parler des mesures concrètes que nous avons prises. Nous avons renforcé nos compétences au centre. Nous n'en parlons pas beaucoup, mais nous nous sommes adressés au secteur du bénévolat, à la Fondation Suzuki, et nous avons étoffé nos compétences. Notre difficulté concerne le fond de la question, et non le processus. Nous avons plus de compétences que nous n'en avions. Nous ne prétendons pas être le centre d'élaboration de la politique, mais il nous faut être efficaces dans notre critique. Dans ce cadre, il nous faut des accords sur le rendement qui ont des conséquences pour la rémunération. Avec certains ministères importants, c'est déjà chose faite. Nous devons dépasser les principaux ministères et commencer à englober les autres ministères, je le sais. Cela est concret.

Je peux vous dire que la seule politique d'intérêt public qui intéresse mes enfants est écologique et planétaire. Je crois que, si nous n'agissons pas, nous allons perdre la planète, de toute évidence, et les Canadiens, à court terme. Les Canadiens ont une longueur d'avance sur nous. Ils sont conscients.

Il ne faut pas se méprendre sur ce que nous avons fait. Il y a la LCPE, la loi sur les espèces en péril, les régimes d'application de la loi et un investissement plus considérable dans l'application de la loi. Je sais qu'une grande partie de ce que j'ai dit concerne des processus pour lesquels il n'y a pas encore de produits. Je crois que nous avons maintenant en place bien plus que tout ce que j'ai vu depuis que je suis au service du gouvernement : investissement, cadre législatif et personnes clés en place pour diriger le changement.

Le sénateur Angus : Pour en revenir à ma première question, pourrions-nous faire ou dire quelque chose qui puisse aider à donner plus de mordant, à rendre plus convaincants ceux qui doivent assurer la remise en question?

M. Himelfarb : Intéressant. Je vais faire une annonce politique gratuite intéressée. Ce qui va suivre est complètement intéressé, vous êtes prévenus.

Je rencontre tout le temps divers groupes environnementaux et environnementalistes — Elizabeth May, le Sierra Club et Suzuki — parce qu'ils jouent un rôle énorme pour nous contraindre à être honnêtes et à aller de l'avant. Je leur dis toujours qu'ils doivent reconnaître les progrès accomplis et nous pousser à aller plus loin. Il ne faut pas prétendre qu'il n'y a pas de progrès, car on dirait que tout l'investissement n'a servi à rien.

Le sénateur Angus : Cela pourrait valoir pour nous également.

M. Himelfarb : Je ne voudrais pas être présomptueux.

Le président : Je vais poser une question précisément sur ce point avant de laisser la parole à d'autres. Monsieur Himelfarb, il s'agit d'un fait sans importance et anecdotique, mais je vous décrirais certaines raisons qui expliquent nos doutes et notre attitude générale qui nous fait considérer tout cela comme des promesses creuses.

Cette semaine, j'ai rencontré pour une toute autre raison le sous-ministre adjoint qui a la charge directe de dépenser des montants importants pour le gouvernement. Dans le contexte d'autres affaires actuelles, j'ai parlé des modernisations et de la prise en compte de l'écologisation dans les nouvelles immobilisations. La réponse très compétente, complète et claire que j'ai reçue est la suivante : « Nous commencerons à examiner cette question à un moment donné, mais il y d'autres considérations qui gênent et nous ne pourrons pas tout faire. » Je suis entré dans les détails. J'ai même parlé des ampoules électriques, des fenêtres, des thermopompes qui puisent l'énergie dans le sol et de la cogénération, bref, de toutes ces solutions qu'on peut envisager. J'ai fait remarquer que le gouvernement demandait à l'industrie de participer à cet effort et de s'attaquer aux causes des changements climatiques et notamment, s'agissant de l'accord de Kyoto, de réduire les émissions de gaz a effet de serre, mais il est difficile de demander des choses aux autres si nous ne le faisons pas nous-mêmes dans une grande mesure et si nous ne donnons pas l'exemple. Plus précisément, nous ne pouvons pas le faire s'il y a des exemples flagrants de très grands propriétaires, ce que sont, comme vous l'avez dit, un grand nombre de ministères, qui ne font pas ces choses, pendant que nous dépensons des millions de dollars en annonces à la télévision pour exhorter les gens à agir. Nous constatons que l'écart entre promesses et gestes concrets se réduit constamment, mais il n'est toujours pas complètement éliminé. C'est là, d'une manière brutale, ce que voulait dire le sénateur Angus.

M. Himelfarb : Je pourrais passer les divers services gouvernementaux en revue et donner des exemples plus positifs, par exemple un sous-ministre des Finances qui comprend et qui prévoit des mesures fiscales et pense vraiment que c'est ainsi qu'il faut appliquer la politique. Le sous-ministre de l'Environnement conduit une Prius, si pénible que ça puisse être.

Le président : Il donne le bon exemple.

M. Himelfarb : Je peux vous donner bien des exemples de gens qui adoptent des sources d'énergie différentes. Malheureusement, je peux aussi vous donner des exemples exactement semblables aux vôtres. Il s'agit d'opérer un changement de culture ou de paradigme. Cela n'est pas très original, mais nous avons une masse critique suffisante pour que, si vous n'adoptez pas un comportement acceptable, vous soyez marginalisé.

Le sénateur Angus : Quelqu'un est venu ici et a attiré notre attention sur ces lampes. Il nous a donné quelques idées sur la façon de réduire la consommation. On pourrait le faire dans toutes ces salles.

M. Himelfarb : Aujourd'hui, j'ai rencontré le sous-ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, qui est en fait notre plus grand propriétaire d'immeubles, et un chef de file de l'immobilier dans le secteur privé pour mettre en place un plan de gestion de notre parc immobilier et faire les choses mieux que ce que nous demandons au secteur privé. En réalité, nous perdons de la crédibilité si nous ne prêchons pas d'exemple. Je dirais la même chose au sujet de l'initiative d'approvisionnement écologique, qui associe écologie et conservation du patrimoine à notre gestion des approvisionnements et de l'immobilier.

Nous avons du chemin à faire et il s'agit effectivement d'un autre engagement, mais l'argent a été mis de côté. Les groupes intéressés ne nous laisseront pas nous en tirer autrement, et c'est la chose à faire. Je peux vous donner plus d'exemples positifs que je n'aurais pu le faire il y a un certain temps.

Si je peux me permettre une observation, M. Kennedy vient de me signaler une autre promesse. Dans son Plan sur le climat, le gouvernement fédéral s'engage à réduire ses émissions du tiers, et non de 8 p. 100.

Le président : C'est le chiffre actuel?

Le sénateur Angus : Ce sont les émissions, mais en combien de temps?

Le sénateur Cochrane : D'ici quelle année?

M. Kennedy : Pendant la période visée par l'accord de Kyoto, soit de 2008 à 2012.

Le sénateur Cochrane : L'un des cinq éléments que vous avez énumérés — les mesures fiscales, le Fonds pour le climat, le partenariat avec les provinces, les programmes environnementaux, le partenariat avec les villes, et cetera... Quels sont ceux qui n'ont pas été élaborés? Vous avez dit que certains ne l'avaient pas encore été. Vous avez dit que les dispositions du Fonds pour le climat n'avaient pas encore été élaborées.

M. Himelfarb : Celles du fonds du partenariat ne l'ont pas été non plus.

Le sénateur Cochrane : C'en est un autre. C'est le deuxième. Le premier est déjà prêt : ce sont les mesures fiscales et les instruments financiers.

M. Himelfarb : Les grands programmes ont été élaborés, mais nous sommes en train de les modifier. Ils sont en application et les dépenses ont débuté, mais nous les révisons continuellement. Les programmes qui ne marchent pas bien sont changés. Nous les modifions, mais nous n'attendons pas d'avoir la conception idéale pour agir.

Le sénateur Cochrane : Avez-vous un partenariat avec les provinces?

M. Himelfarb : Nous avons des protocoles en place, mais ils sont assez généraux parce que nos plans le sont. Mais nous avons un plan concret et nous l'actualisons. Nous discutons avec l'Ontario, la Nouvelle-Écosse, le Manitoba, les provinces qui ont hâte de participer, qui ont une idée claire de la façon dont elles veulent s'y prendre, et la participation est énorme.

Le sénateur Cochrane : Toutes les provinces sont-elles bien disposées?

M. Himelfarb : Je ne prévois aucune difficulté.

Le sénateur Cochrane : Et les programmes environnementaux? Sont-ils prêts?

M. Himelfarb : Soit dit en passant, avec certaines provinces, nous parlons probablement plus des changements climatiques que de l'accord de Kyoto. Nous allons devoir adapter notre façon de penser, mais nous pouvons accomplir des progrès avec toutes les provinces. Il n'y a pas un seul gouvernement provincial qui n'essaie pas de faire quelque chose d'intelligent pour lutter contre les changements climatiques.

Le sénateur Cochrane : Et les villes et localités?

M. Himelfarb : Là encore, dans le nouveau pacte, nous avons travaillé, par l'entremise des provinces, et nous exigeons des plans de durabilité des villes et nous prévoyons qu'un élément essentiel de ces plans sera le progrès sur le plan de l'environnement et des changements climatiques. En outre, les mesures budgétaires mettent l'accent sur les transports en commun comme le principal investissement dans les infrastructures, comme moyen direct et mesurable de réduire les émissions dans les grandes villes et celles qui servent de point d'entrée.

Le sénateur Cochrane : Et l'assainissement des cours d'eau?

M. Himelfarb : Nous avons deux programmes très importants, l'un pour les eaux polluées et l'autre pour les sites terrestres contaminés.

Le sénateur Cochrane : Ils sont déjà en place, n'est-ce pas?

M. Himelfarb : Ils ont été annoncés dans l'avant-dernier budget, je crois, et ils sont au stade de la mise en œuvre. Ils portent sur les terres fédérales pour lesquelles nous avons une responsabilité directe, mais ils concernent aussi les étangs bitumineux de Sydney et un ou deux sites d'exploitation de l'uranium, dans le Nord, qui polluent les eaux. Dans ce cas, la responsabilité est indirecte, mais nous savons qu'il est très urgent d'agir. Tout cela est en place. L'autre grand programme en place et en voie d'application est celui qui vise à assainir les eaux dans les réserves.

Le sénateur Cochrane : Avez-vous commandé des évaluations de mesures que vous avez prises jusqu'à maintenant?

M. Himelfarb : C'est prématuré. Ces mesures ne sont en place que depuis quelques années, mais toutes ces initiatives exigent un examen. Je ne sais pas au juste quand le prochain aura lieu, mais elles doivent toutes être évaluées.

Le sénateur Cochrane : Avez-vous un calendrier d'évaluation?

M. Himelfarb : Oui. Je ne l'ai pas ici, mais je peux communiquer cette information au comité. Ce sont des examens cycliques.

Le sénateur Cochrane : Pour les cinq sous-catégories?

M. Himelfarb : C'est exact.

Le président : Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir le communiquer au greffier.

Le sénateur Cochrane : Maintenant que le gouvernement a mis sur pied un comité du Cabinet chargé du développement durable, le Bureau du Conseil privé contrôle-t-il les propositions présentées au Cabinet pour s'assurer qu'elles sont conformes aux objectifs du Canada en matière de développement durable?

M. Himelfarb : Cela fait partie de nos règlements. Nous sommes tenus de le faire.

Le sénateur Cochrane : Votre bureau fait cela?

M. Himelfarb : Oui.

Le sénateur Cochrane : Votre bureau contrôle-t-il tout ce qui vient de tous les ministères?

M. Himelfarb : Oui.

Le sénateur Cochrane : Une autre de mes préoccupations concerne les ministères. Quel mécanisme y a-t-il pour assurer une coordination et une coopération plus poussées entre les ministères fédéraux dans cet important dossier?

M. Himelfarb : L'élément clé, c'est le nouveau Comité de coordination pour l'environnement et le développement durable dirigé par le sous-ministre de l'Environnement. Je signale aussi que la loi qui a établi le ministère de l'Environnement a donné à ce ministère le mandat de coordonner pour le gouvernement les politiques et activités concernant l'environnement. Nous venons de lui donner un mandat du BPC. Il s'agit d'un comité desous-ministres qui est chargé d'assurer la coordination au nom du gouvernement. Nous les convoquons régulièrement au BPC pour savoir où ils en sont.

Le sénateur Cochrane : Chaque ministère a le mandat, dans son champ de compétence, de veiller à ce que les objectifs du Canada en matière de développement durable soient respectés, n'est-ce pas?

M. Himelfarb : Oui.

Le sénateur Cochrane : Tous les ministères?

M. Himelfarb : Oui. Nous avons du travail à faire pour que cela se concrétise. En ce moment, nous avons un règlement qui nous oblige à faire une évaluation environnementale dans tous les mémoires au Cabinet. Nous devons faire cet examen, et il se fait dans le cadre du processus normal d'élaboration de la politique. La réponse est oui. Certains diront que nous avons beaucoup de travail à faire avant que ces dispositions ne deviennent précises et n'aient un certain mordant.

Le sénateur Cochrane : Combien de temps faudra-t-il,croyez-vous?

M. Himelfarb : Ce sera très rapide. Le cadre a été approuvé par le Cabinet. Nous devons nous donner une stratégie. Nous voulons collaborer avec la commissaire à l'environnement et au développement durable pour nous assurer que tous peuvent participer. C'est tout proche.

Le sénateur Cochrane : Tout proche, c'est dans combien de temps? Pouvez-vous être plus précis?

M. Himelfarb : Je vais essayer de vous donner un calendrier.

Le sénateur Cochrane : Nous voudrions avoir un calendrier.

M. Himelfarb : Nous allons essayer de vous le donner.

Le sénateur Cochrane : Monsieur Himelfarb, avez-vous pris des mesures pour que les hauts fonctionnaires qui s'occupent de véritables dossiers de développement durable restent assez longtemps en poste pour mener à bien des initiatives importantes comme l'application du Protocole de Kyoto? Il est important que les fonctionnaires restent à leur poste assez longtemps pour terminer les projets qu'ils ont entrepris. Il arrive qu'ils passent de ministère en ministère et n'aient jamais le même objectif. Je voudrais qu'ils restent en poste assez longtemps pour achever un projet, surtout lorsqu'il s'agit de choses comme honorer nos engagements à l'égard du Protocole de Kyoto et de sa mise en œuvre.

M. Himelfarb : La fonction publique professionnelle et impartiale dont vous parlez est fière de la continuité qu'elle assure en période de changement. Elle ne maîtrise pas complètement certains des facteurs dont vous parlez, notamment parce que la Charte des droits et libertés s'applique aux sous-ministres qui décident de prendre leur retraite. Oui, la continuité revêt une importance énorme, mais il existe une excellente continuité. L'une des grandes contributions d'une fonction publique professionnelle et impartiale consiste à assurer cette continuité. Je reconnais avec vous qu'elle est importante.

Le sénateur Milne : Monsieur Himelfarb, vous parlez de question de développement durable et d'un comité du Cabinet chargé des questions d'environnement, mais le fait qu'il s'agit d'un comité spécial fait problème à mes yeux. Je crois que cela donne à penser qu'il ne s'agit pas d'une question importante puisqu'un comité spécial finit par disparaître. Je m'inquiète aussi de la composition de ce comité, car le ministère le plus important, pour le développement durable, n'est pas le ministère de l'Environnement, mais celui des Finances, et le ministre des Finances ne fait pas partie de ce comité. Il devrait en être membre et il devrait peut-être même le présider. C'est une grande préoccupation. On pourrait donner un message clair, mais on ne le fait pas.

Vous avez parlé d'un comité de sous-ministres. Comment choisissez vous les sous-ministres et leur ministère? Y a-t-il dans chaque ministère un sous-ministre qui a pour mandat de s'occuper du développement durable?

M. Himelfarb : Il y a un seul sous-ministre par ministère.

Le sénateur Milne : Je songe au ministre Emerson dont relèvent le ministère de l'Industrie, la Bibliothèque et Archives Canada, Recensement Canada et Statistique Canada.

M. Himelfarb : Il y a un seul sous-ministre.

Le sénateur Milne : Ces sous-ministres n'ont pas le même rang. Je croyais qu'ils avaient tous le même statut.

M. Himelfarb : Non.

Le sénateur Milne : J'apprends. Lorsqu'ils se réunissent, comment pouvez-vous mesurer les progrès? Avez-vous recours à votre processus d'examen pour savoir s'ils font progresser leurs ministères, ou est-il encore trop tôt?

M. Himelfarb : Nous avons commencé, mais je ne peux pas prétendre que ce soit très objectif, car nous n'avons pas de bonnes données de référence. Nous avons demandé à Statistique Canada de concevoir de solides indicateurs comme nous l'a recommandé la table ronde. L'un des mandats du comité du Cabinet est d'élaborer un cadre de responsabilisation qui nous permettra de mesurer les progrès avec plus de précision et de rigueur. C'est un résultat considérable. Il y a un seul sous-ministre par ministère. Je comprends ce que vous dites au sujet de ces dirigeants d'organismes, mais chaque sous-ministre a des responsabilités à l'égard de l'ensemble du portefeuille. Les sous- ministres sont là pour représenter ces organismes et leur communiquer les messages, pour qu'il y ait une seule voix collective et qu'ils reçoivent les messages.

Quant à la structure et à la durée de ce comité, je comprends qu'il s'agit d'une question importante. Son mandat était d'élaborer un cadre, ce qui est fait, et la stratégie que la commissaire nous a réclamée en disant qu'elle avait trop tardé. Nous nous chargerons de cette stratégie. Il devait aussi s'occuper du cadre de responsabilisation et formuler des recommandations avoir sur le mécanisme pour assurer la suite des choses, y compris les mécanismes au Cabinet. Lorsque le comité fera rapport, il répondra à la question pour le long terme. Nous voulions un petit comité restreint; le ministre des Finances en est membre d'office.

Le sénateur Milne : Il s'agit d'un comité spécial.

M. Himelfarb : C'est un petit comité d'une grande cohésion qui fournira un produit dans les meilleurs délais. Il ne s'agit pas d'un long processus, et il produit un cadre et une stratégie pour que nous puissions mesurer les progrès et les cadres nécessaires à l'égard des dispositifs, y compris les processus du Cabinet pour s'assurer que nous atteignons tous les objectifs que nous nous sommes fixés.

Le sénateur Milne : Je vous souhaite bonne chance. J'ai l'impression que vous comptez sur la chance.

M. Himelfarb : Ce n'est pas mon avis. Nous devons travailler pour nous donner un plan. Nous pourrions travailler n'importe comment et prendre 212 mesures, mais elles doivent être coordonnées et systématiques si nous voulons changer la culture. Je ne crois pas que nous fermions les yeux en espérant que tout ira bien. Nous cherchons à progresser et à déployer les meilleurs efforts dont nous sommes capables.

Le sénateur Milne : Je m'intéresse surtout au ministère des Finances et aux progrès qu'il peut faire pour réorienter le régime fiscal de façon à appuyer les objectifs de développement durable. Vous avez parlé de « droits-remboursements » dans le secteur de l'automobile. Est-ce une formule qui est envisagée sérieusement? Elle a été une réussite dans certaines régions des États-Unis où on achète maintenant des voitures respectueuses de l'environnement.

M. Himelfarb : Une partie du budget décrit cette formule et promet un examen pour les fins du Canada. Le premier ministre a donné à la table ronde du secteur privé le mandat de formuler des recommandations au gouvernement avant le prochain budget. Cela est concret, comme les mesures fiscales proposées dans le budget. J'ignore pourquoi tout cela n'a pas plus de visibilité.

La commissaire à l'environnement et au développement durable a manifesté une grande exaspération, et elle nous a fait savoir que le ministère des Finances répugnait à employer des mesures fiscales pour atteindre des objectifs en matière d'environnement. Je le sais, et laissez moi être le premier et le dernier à défendre le ministère des Finances. Il a pris des mesures, mais, quant à savoir si elles sont suffisantes, je vais laisser le comité étudier la question et en juger. Il faut reconnaître que c'est le premier effort important du Canada pour mettre en oeuvre les recommandations du BCE, qui conseille d'user de mesures incitatives et dissuasives pour faire bouger les choses. Est-ce que c'est tout ce que veulent les environnementalistes? Est-ce que c'est tout ce que nous ferons? Non, mais c'est un début. Nous ne fermons pas les yeux en espérant que les choses vont se faire toutes seules.

Le sénateur Milne : Monsieur Himelfarb, à titre de greffier du Conseil privé, quel est votre rôle pour vous assurer que votre politique fiscale est conforme aux impératifs du développement durable?

M. Himelfarb : Je joue un rôle de remise en question, analogue à celui du BPC. Mon rôle est de conseiller le premier ministre au sujet de la cohérence du programme politique. Au nom de cette cohérence, il nous faut nous demander si nous devons utiliser des mesures fiscales pour atteindre de grands objectifs nationaux, notamment en matière d'environnement. Nous le faisons pour aider ceux qui doivent dispenser des soins et pour faciliter l'accès à l'éducation. Nous avons recours à des incitatifs fiscaux pour favoriser l'apprentissage et pour appliquer la politique familiale aussi bien que pour atteindre de grands objectifs nationaux.

Il est clair qu'un des grands objectifs nationaux qui uniront le Canada dans sa marche en avant est l'environnement et le développement durable, et ce sera mon travail de dire dans quelle mesure nous progressons sur le plan de la cohérence dans notre utilisation des instruments fiscaux.

Le sénateur Milne : Là-dessus, et avec les objectifs de Kyoto en tête, croyez-vous que la durabilité, en l'espace d'une génération, est un objectif que le Canada peut atteindre? Notre réputation internationale sur ce plan s'effrite. Pouvons- nous la rebâtir?

M. Himelfarb : Je crois que, en l'espace d'une génération, nous pouvons devenir un chef de file en matière environnementale. On peut le voir dans le cas du Plan d'action concernant les océans, également financé dans le budget. Je distingue un engagement à l'égard de l'intégrité écologique et de l'expansion du réseau des parcs. Je le perçois également dans notre engagement à l'égard des zones marines, de la nature sauvage et de la conservation. Je sais que bien des gens critiquent le Défi d'une tonne, mais cette initiative donne de l'information pour que cela devienne un projet vraiment national, car ce n'est pas seulement le gouvernement qui doit s'engager. Nous devons tous le faire. Je crois que nous pouvons devenir un chef de file par suite de notre très ambitieux plan vert. Je perçois un engagement dans le fait que le budget a ouvert la porte à des incitatifs fiscaux. C'est une possibilité, mais il faudra beaucoup travailler. Je crois que les Canadiens insisteront là-dessus et que la jeune génération l'exigera.

Le sénateur Milne : Le Canada joint-il les actes à la parole et appuie-t-il les recherches scientifiques qui sont la base de tout ceci? Ce n'est pas ce que je constate.

M. Himelfarb : Depuis sept ou huit ans, nous avons injecté de 12 à 13 milliards de dollars dans les sciences et la recherche. La santé et les sciences de l'environnement ont été au centre de cet effort. Ce sont deux domaines où nous pourrions devenir un chef de file.

Le sénateur Milne : Je vais vous laisser prendre le relais pour ce qui est de la recherche sur l'eau souterraine dans l'Ouest, monsieur le président.

Le président : Nous avons amorcé cette étude, monsieur Himelfarb, et nous vous ferons connaître les résultats lorsque nous aurons fini.

Le sénateur Buchanan : Je me demandais aussi pourquoi le ministre des Finances n'est pas un membre permanent ou même le président du comité du Cabinet. C'est lui qui s'occupe de l'argent, et il me semble qu'il devrait être un membre permanent du comité du Cabinet chargé du développement durable.

M. Himelfarb : Il serait déplacé pour moi de beaucoup parler de la structure des comités du Cabinet, mais je comprends la question. Il est normal de faire du ministre des Finances un membre d'office de presque tous nos comités. Toutefois, il serait très inhabituel de lui confier la présidence de ce comité.

Le sénateur Buchanan : Pourquoi le président du Conseil du Trésor ne fait-il pas partie de votre comité?

M. Himelfarb : Il en est membre d'office également. Nous avons essayé de faire en sorte que tous les organismes centraux chargés des finances soient des participants impartiaux qui sont là pour se renseigner. Vous pouvez soutenir qu'il pourrait y avoir de meilleures modalités, mais telle est la réflexion qui s'est faite.

Le sénateur Buchanan : Vous avez parlé du problème des étangs bitumineux qui existe depuis 100 ans. C'est une chose qui a hanté les gouvernements. Je suis parfaitement au courant.

Le premier accord sur les étangs bitumineux remonte aux années 80. Il portait sur l'évaluation des besoins et les diverses propositions d'assainissement. Il fallait en choisir une et l'appliquer. Nous avons signé cet accord il y a plus de 20 ans. Depuis, on a gaspillé entre 50 et 70 millions de dollars pour régler le problème de ces étangs, et absolument rien n'a changé.

Les dernières propositions qui ont été soumises au gouvernement fédéral et, je présume, à votre comité desous- ministres, auraient dû être mises en œuvre il y a longtemps, mais on envisage encore une autre évaluation. Il y a eu un nombre ahurissant d'évaluations, mais je crois savoir qu'il doit y en avoir encore une autre. Est-ce la décision du comité du Cabinet?

M. Himelfarb : Je ne vais pas prétendre être un expert. Vous en savez probablement plus long que moi sur la question, mais je sais qu'un autre examen est prévu. Je sais aussi qu'il y a une grande controverse aux niveaux local et provincial et parmi les environnementalistes sur le choix de la meilleure technique d'assainissement. Certains voudraient qu'on recouvre tout, tandis que d'autres voudraient qu'on opte pour des mesures plus fondamentales.

Le sénateur Buchanan : J'ai parlé de la question au ministre David Anderson, lorsqu'il a comparu devant ce comité- ci.Saviez-vous qu'il y avait déjà eu d'autres étangs bitumineux au Canada? Il y en a eu au Michigan, en Pennsylvanie et àBuffalo, dans l'État de New York. L'un des plus importants, qui devait son origine au goudron des fours de cokerie des années 1920 à 1950, est depuis des années l'un des plus beaux terrains de baseball de la région.

Il y a des années que ces étangs auraient dû être isolés par des batardeaux et comblés. Toutefois, cela ne peut pas se faire de nos jours à cause de gens comme ma chère amie Elizabeth May.

Nous avons visité le CANMET, en Alberta, et j'ai été intrigué par certaines des choses qu'on y fait avec les sables bitumineux. Un scientifique de là-bas m'a dit qu'on aurait pu assainir les étangs il y a des années au moyen d'une méthode chimique qui permet de solidifier le bitume. Cela se fait dans l'Ouest et personne ne sait plus que l'étang bitumineux a existé. Il y a solidification complète. C'est ce que nous devrions faire dans les étangs bitumineux de la Nouvelle-Écosse.

Pourtant, plus de 20 ans plus tard, un autre groupe fera encore une étude. Chose curieuse, certains de ceux qui réclament une autre étude aujourd'hui soutenaient il y a 10 ou 15 ans que nous devrions nous mettre à l'œuvre, que nous n'avions pas besoin d'autres évaluations. Bruno Marocchio et d'autres soutiennent maintenant qu'il nous faut d'autres évaluations environnementales et d'autres discussions entre experts.

M. Himelfarb : D'abord, il y a au niveau local des différends amicaux comme ceux que vous avez avec Mme May, et, étant donné que la technologie évolue, il est possible d'appliquer de meilleures solutions. Il y a des divergences de vues compréhensibles sur la façon de s'y prendre, et le groupe permettra de régler ces problèmes. Nous allons faire des progrès.

Vous avez parlé du temps que nous consacrons à la réglementation. Si nous n'arrivons pas à nous y prendre de façon plus intelligente, vous ne serez pas le seul à être exaspéré. Vous avez soulevé un point important dont il faut tenir compte dans tout plan environnemental. Nous devons appliquer de façon plus intelligente le processus de réglementation.

Le sénateur Buchanan : Lorsqu'il y a un projet comme celui-là, qu'on passe à l'action.

Le président : Je me souviens du scientifique avec qui nous avons parlé et qui a tenu ce discours. Il a dit : « Je vais régler le problème tout de suite. » Peut-être M. Himelfarb peut-il avoir une certaine influence à cet égard. Il pourrait peut-être trouver un raccourci.

Le sénateur Nancy Ruth : Je suis une nouvelle venue, et je viens de Toronto. Selon vous, pourquoi la presse ou les médias répugnent-ils à reconnaître au gouvernement le mérite qui lui revient? Je suis enchantée de ce que vous dites, soit que nous devrions peut-être dire que le gouvernement fait de bonnes choses et il revient peut-être aux sénateurs d'exercer cette persuasion morale. Je trouve cela très amusant. Je présume qu'il n'y a aucune mesure dissuasive pour le gouvernement sinon se faire éjecter du pouvoir, ni incitation à modifier ce qu'il fait de ses biens immobiliers.

Pourquoi la presse ne parle-t-elle pas de ce qui va bien? Pourquoi les choses se passent-elles ainsi?

M. Himelfarb : Je ne vais même pas essayer de spéculer parce que, si je le fais, on va commencer à parler de moi.

Le sénateur Angus : Ils sont tous branchés.

M. Himelfarb : J'adore les médias.

Le sénateur Nancy Ruth : Le Canada se rapproche de la France, et vos enfants réclament le virage vert et planétaire. C'est ce qui se passe dans tout le pays, et pourtant, on dénonce tout.

M. Himelfarb : Il y a là plusieurs éléments. L'un d'eux est que les médias jouent le rôle d'opposition. Ils le font depuis un certain temps. Je ne vais pas commenter le rôle des médias au Canada, car il serait déplacé que je le fasse.

L'autre problème, c'est qu'il faut voir du concret. Il faut de l'action. Nous voulons voir du changement sur le terrain. Nous voulons voir de choses concrètes.

Je dis que cela ne va pas tarder. Lorsqu'il y aura des choses très visibles, on commencera à reconnaître les mérites du gouvernement.

Le sénateur Nancy Ruth : Ce sera après-coup, comme cela s'est passé pour M. Mulroney.

M. Himelfarb : Les changements massifs viennent souvent après-coup. Les changements massifs sont provoqués par des choses dont il est vraiment ennuyeux de parler, comme les cadres. Qui a envie de parler d'un cadre? Comment pouvez-vous parcourir le Canada en disant : « Nous avons un cadre environnemental »? On vous répondra : « Mon enfant souffre d'asthme. Comment un cadre va-t-il m'aider? » Après le cadre, c'est le plan qu'il faut élaborer; puis il faut susciter un consensus sur la mise en œuvre du plan et ensuite, il y a tous les rouages qui sont derrière le plan. J'aurai réussi à endormir tout le monde.

Ce qui suscite l'intérêt, ce sont des choses concrètes comme une diminution mesurable de la présence de polluants, des villes plus vivables, une diminution des problèmes d'asthme chez les enfants. On veut voir les résultats, et cela me semble normal.

Je suis aux affaires depuis assez longtemps pour constater que nous progressons de façon concertée et coordonnée vers quelque chose de très significatif. Je crois qu'il y aura un revirement lorsque les gens s'apercevront des résultats dans la qualité de leur vie, au niveau local, et lorsqu'ils verront que les indicateurs traduisent des progrès réels.

Le sénateur Nancy Ruth : On peut l'espérer.

M. Himelfarb : Je l'espère, effectivement.

Le sénateur Cochrane : Les représentants de diverses entreprises ont comparu devant notre comité et nous ont expliqué ce qu'ils faisaient pour atteindre les objectifs fixés dans le Protocole de Kyoto. Il y a eu d'excellents projets, comme le remplacement d'ampoules électriques et l'énergie éolienne. Je crois aussi qu'il y a au Québec une entreprise qui travaille sur des panneaux solaires pour les maisons et les bureaux, ce qui se traduira par de grandes économies d'électricité et d'argent.

Comment le gouvernement informe-t-il le grand public de ce que chacun peut faire pour donner suite à certaines de ces idées?

M. Himelfarb : Il y a un site Web qui donne de l'information et nous diffusons régulièrement des dépliants. Nous fournissons de l'information et des documents pédagogiques pour toutes sortes d'établissements. Nous faisons beaucoup de choses. Nous compilons cette information non seulement à Environnement Canada, mais aussi à RNCan. Il s'est fait un travail considérable. Le Plan sur les changements climatiques a été élaboré avec la coopération très étroite de certaines des industries dont vous parlez, y compris des représentants du secteur de l'énergie éolienne, qui nous ont aidé à concevoir un régime de mesures incitatives qui donnera des résultats.

Il y a eu une évaluation, et ce n'est presque jamais suffisant, mais ce genre de travail se fait.

Le sénateur Cochrane : Votre bureau a-t-il une liste d'entreprises qui appliquent déjà certaines de ces idées?

M. Himelfarb : Mon bureau ne le fait pas, mais Environnement Canada et RNC le font.

Le sénateur Cochrane : On le fait à Environnement Canada?

M. Himelfarb : J'ignore si on y dresse des listes, mais on y connaît certainement les chefs de file de l'industrie, si c'est ce que vous voulez savoir.

Le sénateur Cochrane : Vous avez une liste de ces entreprises à Environnement Canada, n'est-ce pas?

M. Himelfarb : Je le présume. Nous pouvons vérifier et communiquer l'information au greffier.

Le sénateur Cochrane : Nombre de ces entreprises sont merveilleuses. Allons-nous leur accorder des mesures incitatives pour les encourager à continuer ce qu'elles font? Ce sont de nouveaux projets qui seront utiles dans tout le Canada.

M. Himelfarb : Dans le dernier budget, on a annoncé des mesures incitatives considérables, mais pas uniquement pour l'énergie éolienne — il y a eu accroissement massif des mesures incitatives existantes pour l'énergie éolienne —, car il y a eu aussi des mesures incitatives pour toutes les énergies de remplacement. Elles sont déjà en place pour encourager ce type d'innovation.

Le sénateur Cochrane : Y aura-t-il des mesures incitatives égales pour toutes les énergies de remplacement?

M. Himelfarb : Oui, il y aura des mesures incitatives conséquentes qui auront vraiment un effet. Encore une fois, nous allons vérifier régulièrement. Si ce n'est pas suffisant ou si les résultats ne sont pas au rendez-vous, nous apporterons des rajustements. Nous proposons maintenant une première occasion d'agir.

Le sénateur Angus : Ai-je raison de déduire que vous connaissez la réponse à cette nouvelle question un peu légère : qui a été le premier ministre le plus vert?

M. Himelfarb : Par mon engagement professionnel, je dois dire : « Le premier ministre en poste. » Nous devenons de plus en plus respectueux de l'environnement.

Le sénateur Angus : J'ai pensé que nous profiterions de votre comparution pour vous demander votre réponse à un problème épineux que nous avons en ce moment, un problème d'environnement qui concerne le lac Devils. Je m'adresse à vous dans votre rôle plus vaste que celui de la remise en question des propositions sous l'angle du développement durable. Cela concerne une initiative canadienne auprès de nos voisins du Sud, que nous essayons d'amener à la Commission mixte internationale. Pourriez-vous nous informer de quelque fait nouveau qui nous rassurerait et atténuerait nos inquiétudes?

M. Himelfarb : Je ne veux pas vous donner un faux optimisme, mais il y a quelques jours, le premier ministre a parlé de la question au président.

Le sénateur Angus : Nous avons appris qu'ils avaient eu une conversation téléphonique.

M. Himelfarb : Nous travaillons beaucoup et de façon très étroite avec le premier ministre Doer. Nous travaillons, étape par étape, avec lui, avec les gouverneurs, avec le président, avec tous les principaux protagonistes, pour faire en sorte qu'on soit pleinement conscient de la situation. Nous examinons les différentes éventualités. Notre préférence, comme celle du premier ministre Doer, je crois, est une solution négociée.

Le sénateur Angus : Je suis heureux de l'entendre. J'essaie de paraphraser votre réponse parce qu'elle me semble exacte : nous faisons tout notre possible, au gouvernement fédéral, pour trouver une solution satisfaisante à ce problème difficile.

M. Himelfarb : J'aurais voulu le dire précisément dans ces termes.

Le sénateur Angus : Deuxièmement, si nous ne réussissons pas, vous avez dit que nous élaborions des plans d'urgence. Le président du comité et moi discutions l'autre soir de ce qui se passerait si, le 1er juillet, les Américains commençaient à déverser des eaux du lac Devils dans la rivière Cheyenne.

M. Himelfarb : Je suis bien à l'aise pour dire que notre priorité est de rechercher une solution négociée.

Le sénateur Angus : Y a-t-il des mesures physiques utilisables?

Le sénateur Milne : Autres que d'endiguer la rivière?

Le sénateur Angus : Ou déclarer la guerre, par exemple?

M. Himelfarb : Ce serait une erreur de ma part de parler d'autres éventualités avant que nous ayons épuisé toutes les possibilités de règlement négocié.

Le sénateur Angus : Notre comité est en train de faire une étude sur l'eau. Nous avons été vraiment choqués d'apprendre qu'on n'avait jamais fait une cartographie complète des aquifères au Canada. Au fur et à mesure que nous entendons des témoignages, surtout sur l'ouest du Canada et au sujet de la désertification, qui est une menace imminente, nous nous demandons si le gouvernement s'intéresse à cette question. Sinon, préparez-vous, car nous allons bientôt publier un rapport.

M. Himelfarb : J'ignore quel rôle cela joue dans notre cadre ou notre stratégie. De toute évidence, je ne connais pas la réponse.

Le sénateur Angus : C'est important.

M. Kennedy : Avez-vous déjà parlé à Agriculture et Agroalimentaire Canada? On a déjà dépensé beaucoup d'argent pour cartographier les eaux de surface et les nappes aquifères. Il s'est fait un certain travail, et il a fait intervenir un certain nombre de ministères, dont Environnement Canada et AAC. Je sais que, à un moment donné, l'Administration du rétablissement agricole des Prairies a fait un travail important pour réunir toutes les bases de données constituées dans tout l'appareil gouvernemental pour avoir une seule vue d'ensemble sur les eaux de surface, les eaux souterraines et les types de sols et ainsi pouvoir mieux gérer les ressources hydriques, notamment dans l'Ouest. On a réalisé des projets pilotes.

Il vaudrait peut-être la peine que vos collaborateurs fouillent un peu la question. Je ne possède pas beaucoup de détails, mais c'est un bon exemple de cas où on essaie de prendre l'information que différents ministères ont réunie à grands frais pendant un certain nombre d'années et on exploite la nouvelle technologie pour tout rassembler en un lieu unique et dresser un meilleur tableau de la situation, dans ce cas-ci celle de l'eau. Je crois que c'est l'ARAP qui a dû piloter ce travail.

Le président : Vous avez raison, monsieur Kennedy. Cela s'est fait par le passé. Vous avez dit que, jusqu'à présent, la fonction de l'ARAP a consisté à coordonner l'information au lieu de la produire. Ce que nous avons compris, jusqu'à maintenant, c'est que le financement fédéral qui existait et qui était remis aux universités ou servait à des travaux de recherche scientifique comme la mesure du débit des rivières, de leur vélocité et de leur volume, l'étude des aquifères, et cetera, a tellement diminué qu'il s'est presque tari. Pour simplifier à outrance, si nous avons entrepris cette étude, c'est parce que nous nous sommes dit que nous pouvions tous vivre sans pétrole, bien que ce ne soit pas facile, ou sans charbon, bien que ce ne soit pas facile non plus, que nous ne pouvions pas vivre sans eau. Or, les réserves s'épuisent assez vite.

Comme le sénateur Angus l'a dit, nous étudierons la question de très près et sur une longue période. Il nous faudra bien du temps avant de pouvoir publier notre premier rapport provisoire sur la question.

Vous avez parlé de la coordination entre les ministères, et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous sommes contents queM. Himelfarb soit ici aujourd'hui, car, d'après notre expérience limitée, cette coopération entre les ministères est une sinistre blague, et c'est peu dire. Il est notoire que les ministères coopèrent très peu, parfois, et c'est un problème auquel nous devons tous nous attaquer.

Le sénateur Milne : Ils défendent farouchement leur chasse gardée.

Le président : Chacun défend son territoire. C'est une partie du problème auquel nous nous intéressons. Il y a des secteurs de l'ouest du Canada, là où j'habite, où, celui qui est assez téméraire pour dire qu'il travaille pour le gouvernement fédéral, se ferait lyncher et expédier entre quatre planches hors de la localité.

La seule exception, le seul organisme qui est tenu en haute estime, notamment par les Albertains ruraux, est l'ARAP. C'est là un éditorial non sollicité : cet organisme a été sous-financé, compte tenu de tout le bien qu'il a fait ces dernières années. Il faudrait lui donner plus d'ampleur, car il a une excellente réputation.

Monsieur Himelfarb, je sais que nous ne pouvons pas évaluer la réussite d'une entreprise d'après le nombre de réunions qui lui ont été consacrées, mais j'ai deux questions précises à poser au sujet du comité du Cabinet que le ministre Emerson préside et du Comité des sous-ministres présidé par le sous-ministre de l'Environnement.

Quelle est la fréquence de leurs réunions? À quel intervalle? Je ne demande pas des chiffres précis, quoique je doive dire que nous serions heureux de les avoir si vous pouviez les obtenir et les communiquer au greffier. C'est une évaluation qui n'est pas juste, mais selon les bribes d'information que nous avons obtenues, ils ne se réunissent pas très régulièrement, ni très souvent, ni très bien. Pouvez-vous me détromper?

M. Himelfarb : Le comité du Cabinet a eu beaucoup de réunions, étant donné qu'il est limité au court terme.

M. Kennedy : Lorsque la Chambre siège, ce doit être en moyenne à tous les dix ou quinze jours.

M. Himelfarb : C'est plutôt intense. Les membres de ce comité sont au courant de tous les grands dossiers comme l'accord avec l'industrie de l'automobile et les grands émetteurs finaux, les GEF.

Le sénateur Angus : Il y a des procès-verbaux?

M. Himelfarb : Oui, on tient le procès-verbal des décisions qui sont prises et qui sont ratifiées par le Cabinet. En ce sens, le comité a le pouvoir de prendre des décisions qui doivent être ensuite ratifiées par le Cabinet. Le travail est très structuré et intense. Le Comité des sous-ministres prend de la vigueur. Il était probablement assez faible au départ. Il y avait une tension énorme, dont vous avez peut-être lu quelque chose dans les journaux, au sujet de l'élaboration du Plan sur les changements climatiques. Je me dis toujours que, s'il vaut la peine de faire quelque chose, il vaut aussi la peine de se battre à ce sujet. Nous avons réussi, et nous nous sommes battus.

On parvient à dégager une meilleure orientation, plus nette, mais comment prévoir des réunions au cours d'un dîner pour discuter des sciences de l'eau, des réunions informelles sur des sujets qui ne seraient peut-être pas abordés au cours de réunions officielles? Ce sont les mêmes sous-ministres parce qu'ils gèrent des ministères à vocation scientifique. Nous savons que la question ne se résume pas aux montants à investir. Si nous n'établissons pas les bonnes priorités en matière scientifique et si nous ne concilions pas nos données scientifiques, il n'y aura pas assez d'argent dans le monde pour faire les choses correctement.

L'autre question consiste à établir des objectifs publics clairs, comme la durabilité et l'intendance de l'environnement. Dans la fonction publique, nous dépassons le stade des querelles de territoire. Nous apprenons à travailler les uns avec les autres. Cela ne vient peut-être ni naturellement, ni facilement, mais cela vient. Nous observons l'un des grands signes de progrès : une vraie collaboration et la collégialité entre les ministères à vocation scientifique. Nous commençons de la sorte à concilier nos priorités et à harmoniser notre action. Il y a eu bien des échos dans les médias avant que nous n'en arrivions là. Il y a eu des affrontements, des positions férocement défendues, des opinions divergentes. Cela n'est pas malsain lorsqu'on s'attaque à de grands enjeux, pourvu qu'on arrive à dépasser ce stade.

Le président : Vous devriez voir certaines de nos réunions. On en arrive donc aux sous-ministres qui appliqueront certaines de ces mesures. Vous avez espoir qu'il y aura collégialité, au sein du comité, pour atteindre les objectifs que le gouvernement fixe, même s'ils en sont mécontents?

M. Himelfarb : Il y aura des accrocs, monsieur le président. Il y aura des batailles qui n'ont pas encore été livrées, mais il est vrai que j'entrevois une harmonisation, une collaboration réelle et un engagement à poursuivre des objectifs supérieurs. C'est ce pourquoi la plupart d'entre eux se sont engagés dans ce travail.

Le président : Une dernière question sur une affaire que le comité a déjà abordée dans un contexte différent, et cela concerne les grands émetteurs industriels. Le problème que nous avons perçu, c'est par exemple que, si nous tirons un trait mardi prochain et disons que nous allons porter à votre crédit tout ce que vous ferez après cela — que cela sera pris en considération à la bourse, ou peu importe comment se feront la vente ou l'achat de droits, mais ce sera la date repère — on se trouvera à punir les bons gars qui ont commencé à travailler avant que cette date ne soit choisie, qui travaillent depuis des années et qui ont beaucoup fait. Dans les divers programmes dont vous avez parlé, est-ce qu'on se soucie d'éviter que les bons gars ne soient punis?

M. Himelfarb : L'un des principes qui nous ont guidés, c'est le souci de ne pas punir les pionniers. Si les environnementalistes nous ont reproché de ne pas avoir un objectif plus ambitieux que nous l'avions espéré, c'est entre autre parce que nous avons dû faire un travail de conciliation, de rééquilibrage pour éviter de punir ceux qui ont agi énergiquement et sans tarder. C'est un important principe que celui qui consiste à éviter de punir les pionniers. Par conséquent, au lieu de la réduction initiale prévue il y a quelques années dans notre plan, nous avons proposé un peu moins.

L'une des tensions, en matière de changements climatiques, c'est qu'il faut faire des efforts sérieux pour atteindre les objectifs à court terme que nous avons acceptés à Kyoto. Il faut les prendre au sérieux. C'est une discipline importante. Les changements climatiques sont un enjeu multilatéral. C'est un problème mondial qui appelle une solution mondiale. C'était le seul enjeu mondial à l'ordre du jour. Nous avons signé et nous devons prendre la chose au sérieux et accepter la discipline des objectifs à atteindre. Toutefois, nous devons nous assurer à tout moment que nous ne sacrifions pas les changements fondamentaux de paradigme et les investissements dans la révision de notre manière de diriger ces secteurs. Nous ne voulons pas entraver cette démarche.

Nous avons donc cherché à ne pas punir les pionniers et à ne pas décourager les transformations fondamentales à long terme. Nous avons essayé de trouver le juste milieu. Nous avons même créé un fonds qui permet aux industries d'investir dans des technologies qui entraîneront des améliorations après 2012, en dehors de la période des objectifs, 2008-2012. Au fond, il faut qu'il s'agisse d'un engagement durable, et nous devrons poursuivre les efforts après 2012.

Le président : C'est simplement la première étape. Nous espérons qu'on commencera à le comprendre bientôt.

Le sénateur Milne : Ma question fait suite à la première partie de la vôtre et à ce que le sénateur Cochrane a dit à propos des mesures dissuasives. Le Comité des sous-ministres a-t-il songé à des mesures incitatives pour les dirigeants des ministères qui commencent à prendre certaines des mesures que les ministères doivent prendre? A-t-il étudié et mis en œuvre ces mesures incitatives? A-t-il pensé à offrir des encouragements à ses propres gens?

M. Himelfarb : Certains ministères l'ont fait, mais nous ne l'avons pas fait de manière systématique.

Le sénateur Milne : Il est peut-être temps.

M. Himelfarb : Il est peut-être temps.

Le président : Monsieur Himelfarb, vous parlez du fonds pour le climat, et cela concerne l'achat de droits d'émission d'un genre quelconque. Cela n'a pas été encore établi officiellement, mais éventuellement, si nous devons acheter des droits, il y aura certainement une bourse quelque part. Il y en a déjà une, plus ou moins, à Chicago. Prévoyez-vous que le Fonds pour le climat dont vous parlez deviendra une bourse pour le Canada ou en jouera le rôle?

M. Himelfarb : Oui, plus ou moins. On essaie d'imiter ce type de bourse.

Le sénateur Milne : Il y a au Canada un intérêt appréciable pour la création d'une bourse.

M. Kennedy : L'un des aspects du Fonds pour le climat, honorables sénateurs, est qu'il concerne la transformation dont M. Himelfarb a déjà parlé. Une chose dont on n'a peut-être pas assez fait état, au sujet du Fonds pour le climat, du Fonds du partenariat, du régime des grands émetteurs finaux, c'est que tout un ensemble de règles comptables sous- jacentes est en voie d'élaboration depuis un certain temps déjà pour qu'on sache quelle valeur accorder aux émissions de carbone. Comment la mesurer? Comment échanger les droits? Comme dans l'économie, en grande partie, nous avons des règles sur l'inventaire, les actifs et l'amortissement. Il faut élaborer un ensemble de règles comme celles-là si on veut contrôler les polluants — il s'agit de voir comment intégrer tout cela dans la structure économique. C'est ce qu'on appelle le système de compensation.

Une équipe a travaillé au sein du gouvernement à la conception de ce système de mesure et de comptabilité du carbone. En un sens, ce sera l'assise sur laquelle reposeront le Fonds pour le climat et le Fonds du partenariat. Ces fonds accorderont de l'argent pour les projets admissibles, détermineront qui doit recevoir les ressources et qui a les meilleurs projets. La comptabilité sera gérée selon un système assez élaboré d'échange, comme vous l'avez signalé, sénateur, à propos du fonctionnement de ce dispositif.

D'une certaine façon, c'est l'essence de ce que nous essayons de faire pour intégrer l'environnement à l'économie. Il s'agit en fait d'attribuer un prix aux émissions de carbone pour qu'on puisse le mesurer comme un polluant qu'on peut contrôler ou qui a une valeur pour certaines industries qui l'utilisent.

Le président : Monsieur Kennedy, il y a des gens au Canada, qui, à propos d'aspects divers de certains secteurs industriels, seraient terrorisés s'ils entendaient : « Une bande de gens, à l'intérieur du gouvernement, travaillent sur ce plan depuis un long moment. » Je peux vous en donner une liste. Les secteurs industriels auxquels ces choses-là s'appliqueront sont-ils partie prenante, sont-ils consultés par ceux qui conçoivent ces systèmes, de sorte qu'il leur soit possible de dire : « Cela est complètement faux, complètement à côté, cela n'a rien à voir avec la façon dont les choses se passent »?

M. Kennedy : Oui, sénateur, absolument. Il faudrait probablement faire une distinction. Sur le plan du travail qui se poursuit en ce moment, on cherche à répondre à toutes sortes de demandes que les industries formulent depuis longtemps. Elles veulent avoir une certaine latitude, si elles ont des problèmes opérationnels, par exemple, dans l'application de la nouvelle technologie. Si elles entrevoient une possibilité prometteuse de réduire des émissions dans un projet situé ailleurs, le système en place leur permet de le faire, de comptabiliser ces réductions et d'en obtenir le crédit. Le système est vraiment conçu pour laisser la latitude nécessaire au bon fonctionnement du marché. Il ne s'agit pas d'imposer des taxes ni de prendre d'autres mesures semblables. Il s'agit d'avoir un marché des droits d'émission pour qu'on puisse les acheter, les échanger, et cetera.

Le sénateur Milne : Mon bureau a été approché par un groupe qui voudrait faire ce genre de chose. On nous a dit expressément qu'il n'y aurait pas de bourse dirigée au Canada par Environnement Canada, qu'il faudrait que l'on consigne les droits pour qu'on sache qui possède quoi, mais qu'il n'y aurait aucun échange ou que le ministère de surveillerait aucun commerce de quelque nature. L'industrie canadienne ne sait plus à quoi s'en tenir.

M. Himelfarb : Nous ne nous sommes pas engagés à avoir une sorte bourse de commerce ou du carbone comme certains le réclament.

Le sénateur Milne : Il faudra donc qu'ils aillent en Europe? À Chicago?

M. Himelfarb : Honnêtement, nous n'avons pas de réponses précises sur le mode de fonctionnement des marchés. C'est comme si on introduisait un nouveau produit dans l'économie. C'est une affaire très importante. Comment faut-il laisser les forces du marché influer sur les prix?

Si nous laissons l'industrie échapper à certaines réductions en la laissant investir dans la technologie, quelle devra être l'importance de cet investissement? Il y a un énorme travail fondamental qui se fait maintenant avec l'industrie parce que l'industrie le souhaite. Elle veut que les choses soient claires et elle veut avoir le sentiment que nous allons la protéger contre des hausses de prix énormes. Nous collaborons étroitement avec elle d'une façon que bien des secteurs jugeront plus réceptive qu'ils ne l'avaient prévu.

Le président : Merci beaucoup, messieurs Himelfarb et Kennedy.

M. Himelfarb : Merci beaucoup à vous.

Le président : Vous avez été très utile pour nos débats. Vous auriez quelque chose à ajouter avant de partir?

M. Himelfarb : C'est un plaisir d'être parmi nous.

Le sénateur Angus : Revenez nous voir.

M. Himelfarb : J'ai hâte de revenir.

Le président : Nous attendrons avec impatience que le greffier reçoive les éléments d'information dont vous nous avez parlé.

M. Himelfarb : Je vais les envoyer le plus rapidement possible.

Le président : Merci beaucoup.

La séance se poursuit à huis clos.


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