Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 18 - Témoignages du 20 octobre 2005
OTTAWA, le jeudi 20 octobre 2005
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 8 h 40 pour étudier de nouvelles questions concernant son mandat et en faire rapport.
Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Comme premier point à l'ordre du jour, je veux que chacun prenne note du message que nous avons reçu hier, selon lequel le sénateur Spivak s'apprête à recevoir un prix pour réalisations exceptionnelles décerné par le Sierra Club afin de souligner le travail qu'elle a accompli pendant toutes ces années. Cette remise de prix aura lieu la semaine prochaine.
Il ne faudrait pas oublier non plus de féliciter Mme Elizabeth May, directrice exécutive du Sierra Club, qui a été décorée de l'Ordre du Canada.
La réunion a pour objet de poursuivre notre étude des questions relatives à l'eau dans l'ouest du pays. Parmi nous se trouvent aujourd'hui M. Red Williams, président de la Saskatchewan Agrivision Corporation, M. Wayne Clifton, président de la compagnie Clifton Associates Ltd., et M. Graham Parsons, vice-président de Clifton Associates Ltd.
Certains d'entre nous ont eu l'occasion d'entendre ces messieurs s'exprimer cet été à Regina sur le dossier de l'eau dans l'Ouest, et il nous a semblé tout à fait pertinent de les inviter.
Wayne Clifton, président, Clifton Associates Ltd. : Il nous fait plaisir d'être ici ce matin suite à l'invitation du comité.
Nous avons distribué de la documentation, dont une présentation en PowerPoint et un document intitulé Water Wealth, qui est le sommaire d'une étude importante préparée par M. Parsons pour le compte de la Saskatchewan Agrivision. Cette étude est un examen du rôle que peut jouer l'eau pour la santé de la Saskatchewan en particulier et des Prairies canadiennes en général. Vous trouverez également un document sur les priorités concernant le développement de l'eau dans les Prairies canadiennes et un sommaire de ce document.
La vision relative aux Prairies consiste à saisir la possibilité de créer un territoire de grande prospérité : de solides collectivités, des industries en santé, une économie diversifiée et un environnement sain. C'est là notre vision des Prairies, sauf qu'il se pose un enjeu de taille, à savoir l'eau.
Nous croyons que l'eau représente le prochain défi régional pour les secteurs ruraux de la Saskatchewan, de l'Alberta et du Manitoba. Nous démontrerons que les changements climatiques mondiaux ont déjà une incidence sur cette région, et qu'il nous faut un programme pour gérer la manière dont nous nous adaptons, en tant que Canadiens, au monde qui change sous nos yeux. Car il ne fait aucun doute que le monde change.
Le Canada a adopté une ferme stratégie dans le cadre du protocole de Kyoto pour s'attaquer aux problèmes à l'échelle mondiale. Nous avons le sentiment qu'il faut établir une stratégie parallèle pour donner suite aux enjeux régionaux qui se posent plus particulièrement aux gens vivant dans des secteurs arides. Il nous faut une réponse régionale à long terme pour soutenir l'économie et l'environnement.
Un groupe fédéral, l'ARAP, a joué un rôle clé dans...
Le président : Excusez-moi, monsieur Clifton, nous imposons une amende. Il y a une cagnotte là-bas dans laquelle nous déposons un dollar chaque fois que nous utilisons un acronyme sans d'abord le définir.
M. Clifton : À ce que je peux voir, mes impôts n'ont rien de secret.
L'Administration du rétablissement agricole des Prairies est un organisme qui a été fondé dans les années 30 afin d'aider les fermiers et les industries agricoles à faire la transition, durant la sécheresse, des méthodes d'exploitation agricole remontant aux premiers pionniers aux méthodes agricoles modernes axées sur la gestion des eaux. Cet organisme a joué un rôle de premier plan dans la protection de l'économie des Prairies centrales contre les conséquences des sécheresses, ce qui a rendu l'industrie viable.
Alors que le protocole de Kyoto représente clairement aux yeux des Canadiens une réponse de l'État fédéral aux changements climatiques, il n'y a aucun effort parallèle dans cette région, et la population manifeste un certain détachement à l'égard du réchauffement de la planète. Nous sommes d'avis qu'il y a moyen de corriger cette situation.
J'ai résumé dans le document plusieurs messages clés. L'eau est une ressource cruciale dans la région centrale des Prairies. L'occasion est belle de décupler les multiples avantages liés à l'eau, qu'ils soient sociaux, économiques ou environnementaux.
Le second message clé est que le climat a eu et continuera d'avoir des répercussions énormes sur cette région. Puisqu'il s'agit d'un climat semi-aride, nous remarquerons probablement les premiers les changements climatiques, qui auront des conséquences d'envergure à cet endroit.
Troisièmement, le Canada ne peut à lui seul prévenir les changements climatiques. De concert avec le milieu international, nous avons adopté des stratégies nationales pour s'attaquer au dossier des changements climatiques. Il faut soutenir cet effort. En outre, nous avons également besoin d'un programme d'adaptation régional.
Quatrièmement, une proportion de 40 p. 100 de l'ensemble des débits fluviaux et des écoulements dans les Prairies proviennent de l'Alberta. Cette province est celle qui se développe le plus rapidement, et les pressions sont fortes pour exploiter toute l'eau disponible dans l'économie et le développement économique de cette région. La distribution de l'eau deviendra un problème régional sans cesse grandissant.
Cinquièmement, le public s'attend à ce que le gouvernement fédéral prenne des mesures au sujet du réchauffement du globe. Il faudra plusieurs générations pour s'adapter à cette situation, et on doit s'y attaquer maintenant. Seul le Canada peut donner le coup d'envoi. Les provinces ne peuvent individuellement assurer le leadership régional requis pour superviser la mise en œuvre des efforts liés à la technologie, à la recherche et aux programmes. C'est un problème régional et national, et sa résolution n'est pas du ressort des provinces.
Nous savons que la partie sud des Prairies est pauvre en eau. Certaines parties des systèmes d'écoulement dans la région sont déjà surutilisées. Le principal bras de la rivière Saskatchewan sud en Alberta est déjà alloué à 125 p. 100. En d'autres mots, ses eaux sont allouées dans une proportion excédentaire de 25 p. 100 par rapport à son écoulement de base permissible à long terme. Le taux de croissance dans la région et la rapide expansion des villes telles que Lethbridge et Calgary ne pourront qu'aggraver cette pénurie.
Nous pouvons nous attendre à ce que la répartition interprovinciale de l'eau devienne un enjeu politique de plus en plus délicat. Nous savons déjà que la protection du milieu aquatique par le maintien d'un écoulement suffisant dans les rivières dans le but de soutenir les écosystèmes aquatiques des vallées fluviales est en péril, particulièrement dans le cas de la rivière Saskatchewan sud.
L'eau est essentielle à une région saine. Elle est indispensable aux collectivités, à la préservation de l'environnement et au maintien d'une économie saine, car elle est un élément essentiel du système de productivité.
Je répéterai tout au long de mon exposé que le temps presse. À cause des changements climatiques, l'écoulement à long terme du système de la rivière Saskatchewan a connu une tendance à la baisse tout au long du siècle pendant laquelle on l'a observée. Sur le plan statistique, la diminution de l'écoulement est un fait accepté. La diminution des glaciers et du manteau neigeux en altitude est un fait réel. Mon document en fournit des exemples.
À mesure que ces répercussions deviendront plus évidentes, le régime d'écoulement des rivières se modifiera. L'eau libérée par les glaciers et le manteau neigeux en fonte tout au cours de la saison n'atteindra pas une quantité égale à ce qui se produisait auparavant. Il est temps pour le Canada et les provinces de prendre des mesures de gestion pour aider la nature.
Le document porte sur les répercussions de la sécheresse. Dans la région des Prairies, la sécheresse survient deux années sur dix, et elles sont catastrophiques pour l'économie. La sécheresse absorbe les capitaux propres des investisseurs dans l'industrie et l'agriculture, nuit aux investissements et paralyse le progrès économique.
Les conséquences ne se font pas sentir que dans les secteurs ruraux. Le travail mené par M. Parsons illustre clairement que, 18 mois après une sécheresse ayant nui à l'agriculture dans les Prairies, les pertes d'emploi sont élevées dans les secteurs urbains. Par conséquent, la sécheresse n'est pas uniquement un problème agricole, c'est aussi un enjeu économique et environnemental pour la région au complet.
Nous avons présenté dans nos documents la composition des bassins fluviaux des Prairies, qui comptent parmi les systèmes riverains les plus vastes sur le continent. Près de six millions de gens habitent sur les bassins fluviaux, en partie dans la région dont la croissance est la plus rapide au Canada. Ces régions ont besoin de beaucoup d'eau.
Il ne fait pas de doute que l'eau et sa gestion constituent la pierre angulaire de toute la région des Prairies. L'agriculture, le pétrole et le gaz naturel, les mines et la foresterie sont d'importants consommateurs d'eau, et tous ces secteurs prospèrent lorsqu'ils peuvent accéder facilement à de l'eau.
Notre ressource hydrique est partagée entre les provinces des Prairies et avec les États voisins. C'est un système régional, et il faut le gérer selon une approche régionale de concert avec nos voisins.
Cet enjeu n'est pas uniquement économique, et pour illustrer notre propos, nous mettons en lumière la situation du bassin hydrographique du lac Winnipeg. Ce lac est un écosystème menacé. Selon certaines estimations, seuls les six ou sept mètres supérieurs du lac sont encore vivants. Les couches plus profondes sont en certains endroits anoxiques et non productives. Le système est menacé notamment par l'agriculture ainsi que par d'autres sources de nutriants s'écoulant dans le lac.
Le lac Winnipeg est le puits de la majorité des systèmes riverains des Prairies du sud. Il s'étend jusqu'aux limites de Lakehead. C'est un vaste réservoir dont la gestion demande une attention spéciale. C'est aussi un autre enjeu régional.
Nous avons dégagé les changements climatiques prévus par la dernière modélisation, qui démontre que les Prairies se réchauffent et continueront à le faire. On s'attend à ce que la température atteigne jusqu'à cinq degrés de plus au cours du prochain siècle, l'essentiel de cette augmentation devant se produire dans les 40 à 60 prochaines années. Cette hausse engendrera une évapotranspiration accrue, en plus de modifier l'écoulement des rivières et le potentiel des terres à engendrer des récoltes et de la végétation.
La diapositive dans le coin supérieur gauche de la page 6 illustre le recul du glacier Bow, qui se trouve en amont de la rivière Bow, à l'ouest de Calgary. On peut voir où se trouvait la pointe du glacier en 1898. En 2002, elle avait reculé haut sur la montagne, presque jusqu'au bassin hydrographique suivant. La fonte du glacier se poursuit, et on prévoit qu'il pourrait disparaître totalement d'ici deux décennies. L'objet ici n'est pas de prédire un désastre, mais de simplement reconnaître le changement qui prend place dans le bassin hydrographique et qui se poursuivra. Le tout est compatible avec d'autres changements observés dans les écosystèmes canadiens tels que la fonte de la calotte glaciaire de l'Arctique et les changements recensés dans d'autres calottes glaciaires au Canada.
La combinaison du réchauffement, des débits fluviaux changeants et des pressions démographiques de la population causera des changements importants, continus et réguliers dans la région des Prairies du Canada. On prévoit que les températures se réchaufferont et que les précipitations seront plus aléatoires. Il y aura davantage de gros orages et les sécheresses seront plus graves. La saison de croissance sera vraisemblablement plus longue; le sol présentera un taux d'humidité plus variable, qui sera généralement plus faible; les débits fluviaux seront également plus variables. Un autre point important est le stockage, qui sera plus réduit dans les régions montagneuses, dans les calottes glaciaires et les manteaux neigeux. De façon générale, le climat sera moins rigoureux.
C'est ce que nous a appris l'étude des systèmes d'eau des Prairies, qui subit un changement à long terme, généralement sous une forme qui menacera les écosystèmes et l'économie telle que nous la connaissons. D'où la nécessité d'amorcer des mesures, une chose que seul peut faire le gouvernement du Canada.
En 1972, l'Administration du rétablissement agricole des Prairies, c'est-à-dire l'ARAP, a mené à terme une étude sur les systèmes riverains des Prairies et publié un document appelé Saskatchewan-Nelson Basin Study. Cette étude était le plan provisoire de développement du système riverain et d'utilisation de l'eau sous un mode économique. Malgré l'absence de plans précis, l'étude démontrait les mesures pouvant être prises.
Vers le début des années 70, le Canada a amorcé une période d'investissements de capitaux dans les travaux publics. Pendant les décennies suivantes, nous avons appliqué un programme d'investissement social. Selon nous, il est opportun et nécessaire d'étudier à nouveau le bassin de la Saskatchewan et du Nelson. Ce système fait l'objet d'une gestion très serrée. Il est harnaché de plusieurs barrages alors qu'il traverse le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta.
Nous recommandons fermement de réviser le document Saskatchewan-Nelson Basin Study en tenant compte des sciences du génie, des sciences de l'environnement et des critères de développement durable d'aujourd'hui, et dans l'optique d'en faire un instrument économique pour la région. Il s'agit d'une étude importante.
En outre, nous plaidons fermement en faveur de l'équilibre. Lorsque vous prenez en considération l'eau et son rôle essentiel dans le développement durable, vous réalisez que les intervenants sont multiples : ceux qui offrent une participation financière, ceux qui appuient sans réserve des conditions environnementales durables, et ceux qui souhaitent s'assurer de la présence d'eau pour soutenir les collectivités et d'eau potable pour les gens. Par conséquent, nous reconnaissons que l'eau est un enjeu précis qui regroupe un ensemble universel d'intervenants. Ils proviennent de tous les spectres et de tous les domaines d'intérêts de la société.
Dans ce contexte, nous croyons qu'il existe trois objectifs stratégiques liés à la création d'une eau saine dans la région. Le premier objectif est axé sur des collectivités saines. Il faut veiller à ce chaque collectivité dispose d'une réserve adéquate d'eau potable pour alimenter les familles et les industries, ainsi que pour soutenir la collectivité même.
Le deuxième objectif est l'environnement : préserver des écosystèmes naturels, de l'eau en quantité suffisante et des débits raisonnables.
Le troisième objectif concerne les intérêts économiques : fournir une source d'eau durable pour soutenir l'économie, qu'il s'agisse de l'agriculture, de l'industrie, des loisirs ou autres. Nous ignorons quel développement économique pourrait en ressortir, mais nous savons qu'il est difficile d'imaginer que l'eau ne soit pas un élément clé d'un tel développement.
Les principaux enjeux de l'eau dans les Prairies qui sont liés au réchauffement du globe se font plus évidents. Voyez l'accumulation de preuves : les demandes s'accentuent avec la croissance de la région, particulièrement dans les secteurs en amont du côté de l'Alberta, sans oublier les villes et les industries en pleine expansion. L'agriculture s'adapte à la sécheresse par le biais de l'irrigation. Toutes ces choses augmentent la demande, sauf que les approvisionnements vont diminuer à long terme. Nous ne prévoyons pas que cette situation changera. En fait, les approvisionnements diminueront encore à mesure que le réchauffement et que les pertes par évaporation s'accentueront.
La pollution est une préoccupation grandissante, de sorte que le maintien de la qualité dans cette ère d'approvisionnements à la baisse et d'effluents soutenus provenant des villes et des industries posera de plus en plus problème. Enfin, et c'est sans doute ce qui occupe en premier lieu l'esprit des gens, il faut mentionner le maintien des écosystèmes aquatiques qui existent actuellement dans les lacs, les vallées fluviales et les cours d'eau de la région. Les écosystèmes vont se modifier en l'absence de toute intervention.
Le Canada pourrait jouer ici un rôle de leadership. La région a pris forme dans le cadre de politiques du gouvernement fédéral. L'État fédéral y est pour beaucoup dans la colonisation de la région et les efforts d'adaptation au changement qui ont pris place. Les anciennes méthodes d'exploitation agricoles adoptées de l'Europe de l'Est et de l'Ouest ne sont plus reconnaissables aujourd'hui. Ces méthodes ont entraîné une grave érosion du sol arable et endommagé la terre. Par le biais de l'ARAP et des politiques agricoles fédérales, le Canada a pris une part très active dans l'orientation visant à modifier les pratiques agricoles et la gestion de l'eau, et à faire en sorte que la région passe d'un rendement décroissant à la stabilité dans les domaines de l'agriculture et de l'industrie.
Le Canada a favorisé des changements adaptatifs par le biais de l'ARAP, des programmes de recherche agricole et du Centre national de recherche en hydrologie, qui se trouve à Saskatoon. Les stations de recherche d'Agriculture Canada ont fait d'importantes contributions dans la gestion des terres de la région, dans le contrôle de l'érosion, dans la plantation d'arbres, dans la création d'habitats et ainsi de suite. Ces initiatives se sont révélées importantes.
Le Canada a réalisé des investissements dans l'infrastructure. On recense bon nombre de barrages et systèmes d'irrigation, la plupart de ceux de la Saskatchewan et de l'Alberta (qui se trouvent dans les premières étapes) ayant été créés grâce à l'aide de fonds fédéraux. Le barrage Gardiner, qui a eu une forte incidence, est intéressant en raison du fait que les terres qui l'entourent sont développées dans une proportion de 15 p. 100 par rapport aux éventuels travaux envisagés au moment de la construction de l'installation. Donc, il y a eu stagnation des investissements.
La Société canadienne d'hypothèques et de logement a amorcé beaucoup de programmes régionaux qui visaient à financer ou à faciliter le financement initial de systèmes d'égout et d'aqueduc régionaux et communautaires. C'était il y a 50 ans. Les installations atteignent maintenant la fin de leur vie économique et il faudra les reconstruire. On les remplace tranquillement. Toutefois, le gouvernement du Canada a joué un rôle important dans la colonisation de la région, dans son adaptation aux pratiques changeantes et dans l'adoption de techniques de gestion de l'eau. Encore une fois, nous sommes d'avis que seul le Canada peut assumer le leadership complet requis dans le dossier de l'eau et de l'environnement de la région, étant donné que celle-ci s'étend sur plus d'une province.
Par conséquent, nous recommandons une série d'objectifs stratégiques. Le premier consiste à établir des capacités régionales de planification et de contrôle de l'eau. Le Canada s'est retranché à grands pas de cette activité ces deux dernières décennies en fermant des stations de surveillance, en réduisant les activités de collecte de données et en déléguant en grande partie le tout aux provinces. Par conséquent, on recueille peu de données actuellement dans bon nombre de bassins hydrographiques et de sous-bassins.
Je crois qu'il est juste de dire que la capacité de l'État fédéral dans ce domaine s'érode elle aussi rapidement comme en témoignent les retraites et le roulement de personnel dans la fonction publique. La capacité fait défaut et n'a pas été remplacée de manière concrète dans les provinces. Par conséquent, il se perd des capacités technologiques en gestion de l'eau au Canada.
Selon nous, les rôles du gouvernement fédéral se situent dans la planification et l'évaluation, le financement des infrastructures, l'éducation et la recherche. Nous proposons qu'un conseil général de l'eau assume la gestion de ces rôles. Ce conseil évoluerait probablement sous la direction du gouvernement fédéral, mais intégrerait les administrations qu'on retrouve dans ces bassins. Ce conseil pourrait comprendre un fonds de développement de l'eau pour faciliter les investissements de capitaux. Il établirait un réseau avec les universités et les centres de recherche de la province.
Second objectif stratégique : investissement et financement axés sur les infrastructures. On a besoin d'un plan d'investissement régional à partir duquel mettre à jour les études du bassin de la Saskatchewan et du Nelson 1972 et donner priorité aux investissements dans le stockage, la distribution, le traitement, le développement des écosystèmes et la remise en état des travaux existants.
Il n'existe aucun programme d'investissement continu en développement de l'eau dans l'Ouest du Canada. Les mesures, ponctuelles, intègrent des projets qui sont importants pour les services publics, les provinces ou peut-être une autorité de gestion des eaux, mais on ne recense aucun cadre d'investissement dans l'eau dans l'ouest du Canada.
Il faut absolument établir un cadre de gestion de l'environnement dans le contexte des lois et règlements fédéraux et provinciaux pour la protection de l'environnement. Par-dessus tout, il est important de faire exactement ce que fait ce comité, à savoir mener un programme de participation publique pour évaluer les programmes et rechange et recommander ceux qui méritent investissement. La collectivité nationale est pratiquement silencieuse sur la question de l'eau.
Le troisième objectif stratégique consiste à protéger les écosystèmes aquatiques en élaborant un cadre de protection. Qu'est-ce qui est important pour les régions? Quelles composantes valorisées d'un écosystème faudrait-il soutenir?
Il faut établir des critères de débit minimal pour maintenir les écosystèmes aquatiques dans les lacs et les rivières. Lors des récentes sècheresses les plus graves, particulièrement dans le sud de la Saskatchewan, on craignait parfois que le débit ne suffise pas à relier les réserves d'eau qui se trouvent dans le bassin et permettent aux poissons et aux organismes aquatiques de migrer le long du système. Il est important d'avoir des lignes directrices quant aux débits minimaux nécessaires pour soutenir les écosystèmes.
Encore une fois, il faut consulter le public pour obtenir son opinion et son approbation concernant ces initiatives.
Finalement, il faut investir en éducation et en R-D. Il est nécessaire d'élargir la portée des programmes d'études postsecondaires axés sur la gestion de l'eau dans cette région semi-aride.
Il n'existe à l'heure actuelle aucun programme concentré comme c'était le cas il y a plusieurs décennies. Nous devons en mettre en place dans les programmes de deuxième et troisième cycles de nos établissements d'enseignement, et développer davantage de gens hautement qualifiés ayant les compétences voulues pour gérer et développer les ressources hydriques à l'échelle nationale et internationale.
Nous avons une occasion de consolider et diriger les efforts de R-D dans une région où se retrouvent des actifs fédéraux. D'ailleurs, ces actifs sont d'envergure et capables de réalisations : Agriculture Canada, le Centre national de recherche en hydrologie, les stations de recherches d'Agriculture Canada et l'ARAP. Nous avons une occasion de les amener à concentrer leurs efforts sur cet important problème régional, de demander l'aide que peut offrir actuellement le milieu de la R-D et de chercher à obtenir les fonds fédéraux accessibles. Ce volet ne semble pas abordé.
Un examen rapide des initiatives financées permet de constater que nous finançons beaucoup d'initiatives de haute technologie et de nombreuses causes valables. Toutefois, il se trouve une cause valable qui semble absente du profil de financement, et c'est celle de la gestion de l'eau. L'occasion est belle de concentrer à nouveau nos efforts dans ce domaine.
Il faudra réaliser des investissements soutenus pendant bon nombre de décennies. Cet investissement n'est pas seulement en capital, mais aussi en ressources humaines et en création de savoir.
Il faut injecter sans tarder du capital public afin de mener des activités pendant une décennie et amorcer de la sorte un effort honnête et soutenu en gestion de l'eau et développement de l'eau dans la région des Prairies. Selon M. Parsons, il faudra environ 10 milliards de dollars en capital au cours des 25 prochaines années pour s'occuper des dossiers urgents. Cela ne serait pas nécessairement un investissement public, mais plutôt une combinaison de fonds publics et privés afin de protéger, de préserver et de développer des ressources hydriques.
En résumé, nous demandons que le Canada conçoive une initiative stratégique équilibrée de manière à répondre aux besoins des collectivités, de l'environnement et de l'économie. Nous avons besoin d'une initiative qui porterait sur les problèmes actuels et futurs de gestion de l'eau, et qui comporterait un programme d'urgence permettant de s'ajuster aux enjeux de réchauffement du globe. De plus, cela devrait mener à une meilleure gestion régionale de l'eau ainsi qu'à des efforts de recherche et à une formation à long terme.
Nous sommes d'avis que la région des Prairies offre au Canada une occasion d'élaborer un modèle régional pouvant s'appliquer à toutes les régions du pays. Toutefois, le banc d'essai de la région des Prairies est là et il fonctionne déjà. Les provinces et les administrations travaillent déjà en collaboration et sont probablement les éléments les plus réceptifs que nous puissions trouver pour entreprendre une telle initiative.
Le Canada a l'occasion de retrouver son leadership dans le domaine de l'eau. La région s'est montrée ouverte à ce leadership en période de colonisation. Le besoin est aussi crucial aujourd'hui qu'il l'était à l'époque, et nous croyons que ce leadership serait à nouveau salué aujourd'hui.
Le temps presse. L'eau est un enjeu à long terme qui nécessite des solutions régionales à long terme. Le problème ne disparaîtra pas en une génération. Il faudra plusieurs générations, tout comme les répercussions du réchauffement du globe s'étireront sur plusieurs générations avant d'atteindre leur niveau maximal dans la région.
Bien qu'il s'agisse d'un enjeu régional à long terme, il faut que l'État fédéral prenne des mesures immédiates. C'est ainsi que se termine la partie formelle de mon exposé.
Le sénateur Cochrane : Voilà un travail de taille pour les gouvernements et l'entreprise privée.
Ma première question est celle-ci : que faisons-nous à l'égard du public? Les gens ne font pas le rapport entre les changements climatiques et l'approvisionnement/la distribution en eau douce. Comment les amener à réaliser qu'ils doivent également prendre des mesures?
M. Clifton : Manifestement, ils n'établissent pas de lien. Je demanderai à M. Parsons de s'exprimer là-dessus. Je dirai pour ma part qu'une éducation du public est nécessaire. Nos représentants élus de même que le Sénat doivent jouer ici un rôle primordial. Le présent comité est un véhicule rêvé pour informer le public du lien existant et des tendances à long terme.
Nos nombreuses consultations nous ont permis de sentir une bonne volonté chez les gens. Ils ne souhaitent pas faire un emprunt sur l'avenir de leurs enfants ou petits-enfants. Il y a suffisamment de bonne volonté pour améliorer les choses, sauf que les gens ne sont pas au fait de l'enjeu.
Graham Parsons, vice-président, Développement international, Clifton Associates Lts. : J'ai deux choses à dire là- dessus. Dans les cas extrêmes, la situation leur saute aux yeux, par exemple lorsque survient une sécheresse. Cela dit, il faut garder à l'esprit que le réchauffement du globe ne se limite pas à la sécheresse. Mentionnons à cet effet les inondations de la rivière Rouge et les inondations en Alberta survenues cette année.
Toute réponse à long terme au réchauffement du globe ne signifie rien pour eux. Dans les situations d'urgence, ils veulent une réponse immédiate. Il est intéressant de constater qu'une grande partie de cette réponse peut permettre d'escamoter les conséquences les plus néfastes des inondations comme des sécheresses, mais uniquement si nous agissons.
Lors des assemblées publiques tenues dans toutes les Prairies avec des fermiers, des groupes, des universitaires et autres, on se préoccupait vraiment de la qualité de l'eau, ce qui s'inscrivait dans la foulée des problèmes survenus à Walkerton et North Battleford. Personne ne veut boire de l'eau contaminée. Les changements climatiques peuvent engendrer une hausse de ces problèmes.
Les gens comprennent également pour l'essentiel — et davantage dans les secteurs ruraux que dans les villes, mais aussi dans les villes — que nous vivons dans une partie sèche du monde, et que la gestion efficace de notre eau est la seule façon de parvenir à vivre dans cet endroit dans un sens durable.
Un nombre effarent de citoyens urbains des Prairies sont actifs dans nos eaux gérées. Le barrage St. Mary's est un terrain de jeu hydrique gigantesque pour Calgary. La chose est vraie à l'échelle des Prairies. Ce lien se précise lentement, mais nous devons faire beaucoup plus pour expliquer pourquoi nous devons gérer les eaux et de quelle façon la gestion des eaux protège mieux les gens et l'environnement. Nous sommes encore loin du compte. La plupart des discussions bloquent en raison d'une absence d'information, car nous fermons des stations de surveillance; nous ne menons pas d'enquêtes détaillées sur les polluants dans nos eaux; nous ne savons trop la quantité de stockage supplémentaire qu'il nous faudrait pour remplacer la perte des glaciers. Nous somme en face d'un vide gigantesque.
Les gens des Prairies sont disposés à écouter et à participer à ces enjeux. Comme l'a mentionné M. Clifton plus tôt, l'ARAP était une institution fédérale dont on appréciait la présence dans les années 30 à 50, alors qu'il fallait s'adapter aux problèmes d'eau. Selon les sondages effectués à l'époque, elle remportait le titre d'institution fédérale la plus estimée au Canada. Tout cela est chose du passé, et il manque aujourd'hui un porte-parole fédéral dans ce domaine.
Le sénateur Cochrane : À la page 2 de votre présentation, vous dites que seul le Canada peut fournir le leadership global nécessaire. En outre, vous parlez d'un plan d'action. Qu'est-ce que vous envisagez comme plan? Y a-t-il des priorités parmi les nombreux éléments qui composent votre liste de souhaits?
M. Parsons : Absolument. Premièrement, il existe un cadre institutionnel. Le gouvernement fédéral s'éparpille partout dans le dossier de l'eau, et il faut que quelqu'un coordonne toutes ces interventions. Il me semblerait des plus sensés que soit mis sur pied un comité régional sur l'eau pour toutes les Prairies ou pour l'ouest du Canada.
Deuxièmement, le point de départ le plus simple serait de revoir les études du bassin de la Saskatchewan et du Nelson pour les réécrire en fonction du contexte actuel, en ayant en tête le réchauffement du globe, les changements hydrologiques et les précipitations qui découleront de tout cela.
Troisièmement, nous devons aller de l'avant avec l'irrigation, qui est un élément absolument crucial du l'avenir du Canada rural. L'exploitation agricole en région sèche est déficitaire année après année, et pourtant l'agriculture définit le Canada. Par conséquent, l'irrigation se révèle un élément important de la solution.
De telles questions ressortiraient de chacun des sujets généraux dont nous avons parlé. Ces priorités de base apparaîtraient sensées pour les gens comme pour le gouvernement.
Le sénateur Cochrane : Je ne comprends pas. Des organismes tels que l'ARAP de même que la Loi sur l'aménagement rural et le développement agricole (ARDA) ou encore l'Horticulture Research Institute (HRI) ne sont- ils pas toujours opérationnels?
M. Parsons : L'ARAP fait maintenant partie d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Auparavant, c'était un organisme agissant avec beaucoup plus d'indépendance quant à l'application de ses propres lois, et son sous-ministre relevait directement du ministre. Il jouait un rôle actif dans le caucus de l'ouest des Prairies, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. L'ARAP est devenue une division du gouvernement. En outre, l'ARDA n'existe plus.
Le Centre national de recherche en hydrologie (CNRH) se trouve à Saskatoon, mais si vous vous adressez aux gens là-bas et aux employés fédéraux s'occupant du dossier de l'eau à Lethbridge, vous vous rendrez compte que les efforts ne sont pas concentrés ou coordonnés en ce qui touche les grands enjeux politiques actuels sur l'eau et les questions pratiques connexes.
Le sénateur Cochrane : De quoi s'occupent-ils?
M. Parsons : Ils effectuent de la recherche sur divers sujets en fonction de leur budget réduit. À titre d'exemple, la fonte des glaciers a fait l'objet d'un certain travail, mais il n'existe aucune façon coordonnée de rassembler les éléments d'information pour en faire une trousse. Vous disposez d'énormes ressources fédérales concernant l'eau, et vous rédigez des politiques sur l'eau depuis 1987, année de la parution du rapport Pierce. Les politiques se sont succédé, mais rien de concret ne se produit actuellement.
Le sénateur Cochrane : J'aimerais revenir à cette question au deuxième tour, monsieur le président.
Le sénateur Gustafson : Premièrement, j'ai apprécié votre exposé, qui est très à-propos. Vous avez fait état de la réalité économique. Depuis 20 ans, les agriculteurs de la Saskatchewan, de l'Alberta et du Manitoba ont soutenu la culture continue en la voyant comme une méthode agricole saine sur le plan écologique. Comme le prix des denrées ne couvre pas le coût des facteurs de production, tous les cultivateurs affirment qu'ils reviendront aux jachères, ce qui les ramènera à l'époque où les Européens sont débarqués en Amérique du Nord. Je ne veux pas donner à mon intervention un tour politique, mais j'estime que le Canada réagit trop lentement à la réalité. Personne n'en a encore parlé. Le prix du blé dur se situe à 1,71 $, le prix du lin est la moitié de celui de l'année dernière tandis que le canola se vend 5 $ alors qu'il en atteignait le double il y a un an. Qu'est-ce qu'un agriculteur peut retirer de ces récoltes? L'agriculture se trouve en situation de crise, ce qui rejoint ce que nous disons ici. À Weyburn, en Saskatchewan, la Weyburn Security Company a vendu tous ses terrains en culture sèche pour acheter des terres irriguées dans les environs de Lethbridge. Au moment où l'eau quitte l'Alberta, il ne reste plus rien, et vous le savez.
Cette province connaît un développement économique incroyable. Pouvez-vous vous prononcer là-dessus?
M. Clifton : Circulez sur le corridor allant de Medicine Hat à Lethbridge, en continuant vers le nord jusqu'à Calgary, puis allez de Weyburn jusqu'à Regina et ensuite Outlook en Saskatchewan. Vous remarquez qu'il y a une grande différence. Dans un cas, la région est fortement développée et prospère, et dans l'autre, elle se vide à grande vitesse. Les secteurs ruraux des Prairies se vident, il ne fait aucun doute là-dessus. Nous sommes passés de 300 000 à 50 000 fermes en Saskatchewan seulement. Les politiques visent peut-être 15 000 fermes.
Le sénateur Gustafson : Vous n'avez encore rien vu.
M. Clifton : C'est vrai. Lorsque nous apprenons ce que l'agriculture en terre sèche doit permettre de réaliser au cours de l'année à venir avec des facteurs de production à la hausse, nous nous rendons compte du désastre de la situation. À notre avis, le seul moyen de soutenir l'environnement rural des Prairies est d'amener de l'eau aux Prairies. M. Parsons peut vous indiquer en dollars par hectare le rendement économique des terres sèches versus les terres irriguées. La culture irriguée en Alberta offre un rendement économique environ dix fois supérieur à celui de la culture en terre sèche en Saskatchewan. C'est pratiquement un ordre de grandeur. On peut prévoir sans trop de difficulté la direction que prendra l'activité économique. Les contraintes découlant du maintien des secteurs ruraux dans les Prairies sont plus fortes que jamais dans les souvenirs que j'en ai, et elles s'intensifient rapidement. Oui, l'eau est incontestablement un élément clé pour freiner la saignée et redonner du tonus économique à la région.
M. Parsons : J'ai également une observation à faire là-dessus. À l'endos du document sur la santé de l'eau, les sénateurs verront une petite carte illustrant les secteurs d'irrigation et les emplois connexes.
Le corridor allant de Medicine Hat à Lethbridge dans le sud de l'Alberta a totalement transformé ce secteur, et c'est en partie grâce à l'assurance de l'approvisionnement en eau. Si vous avez des approvisionnements d'eau assurés, vous avez des cultures assurées. Si vous avez des cultures et du bétail assurés, vous disposez alors en retour d'une base pour la transformation, et ce sont là les emplois que vous voyez sur ces cartes.
La Saskatchewan jouit d'une possibilité identique grâce à l'eau du lac Diefenbaker, mais pour un tas de raisons diverses recensées dans plusieurs autres documents, on n'a pas exploité la chose en Saskatchewan. Le gouvernement fédéral a construit le barrage et le lac. La province devait s'occuper du travail en aval, mais pour des raisons majoritairement politiques, de mon point de vue historique de la situation ainsi que de ma correspondance personnelle avec plusieurs personnes clés jouant un rôle actif à l'époque, la chose ne s'est pas produite.
Selon moi, le maintien des secteurs ruraux du Canada présente un intérêt national. Les plus importantes exploitations agricoles au pays se retrouvent dans les Prairies, et elles sont à la veille de s'écrouler. L'économie liée à l'agriculture en terre sèche ne soutiendra pas les régions rurales des Prairies. Il faudrait réaliser dans une zone beaucoup plus grande le type d'investissement observé dans le corridor allant de Medicine Hat à Lethbridge. C'est pourquoi je considère que l'irrigation et tout ce qui l'accompagne est un élément crucial de toute politique sur l'eau élaborée dans l'Ouest.
Le président : Pourriez-vous expliquer la façon dont l'irrigation, qui utilise l'eau, s'inscrit dans la solution?
M. Parsons : L'eau, pour l'essentiel, coule depuis l'Alberta vers la Saskatchewan, où elle double son volume en raison des eaux collectées dans la province avant de continuer son chemin. Vous pouvez répondre à tous les besoins des cours d'eau, et il en reste de grandes quantités pour irriguer une superficie se situant entre 1 et 4 millions d'acres en Saskatchewan uniquement. Cela représente dans les faits beaucoup d'eau accessible.
On pourrait devoir développer des capacités de gestion de l'eau et le nombre d'installations de stockage sur les systèmes hydriques. La chose a été examinée sur le barrage Meridian Dam, mais ça s'est terminé par un rejet. Toutefois, ce rejet reposait sur des critères d'évaluation étroits. Dans la pratique, il faudra probablement augmenter le stockage. En ce qui concerne le stockage actuel sur le seul lac Diefenbaker, le simple fait d'y apporter des aménagements et de les exploiter représente une possibilité énorme. L'eau est là. Nous avons examiné les chiffres. Environ 15 millions de décalitres cubes d'eau affluent dans la partie sud de la province, et 37 millions de décalitres cubes en ressortent. Nous en utiliserions au plus de deux à trois millions pour l'irrigation.
En Saskatchewan, il y a un surplus d'eau. En Alberta, il y a un déficit d'eau. Au Manitoba, il y a également un surplus d'eau, mais une partie d'entre elle se trouve au mauvais endroit.
Le président : Vous êtes la première personne à nous dire qu'il y a beaucoup d'eau. Je crois que nous y reviendrons. Comme la liste de questionneurs est longue, je n'accorderai pas de questions supplémentaires.
Le sénateur Angus : On a répondu en partie à ma première question, mais c'est un point important.
Le sénateur Cochrane a soulevé la question des communications. Vous avez exposé un problème continu, crucial et à long terme. Vous avez laissé entendre qu'il s'agissait d'un problème national bien qu'il se déroule dans une région. Vous demandez le soutien de l'État fédéral pour corriger la situation.
J'ai déjeuné ce matin avec un sénateur de la Saskatchewan. Je me dépêchais pour arriver ici à 8 h 30. Il m'a dit : « Pourquoi êtes-vous si pressé? J'ai quelque chose à vous dire. ». Je lui ai répondu : « Je m'en vais examiner un problème important pour vous. Vous vivez à Saskatoon. Ça concerne l'eau. Deux gourous, Red Williams et Wayne Clifton, vont s'adresser à nous. » Il a alors rétorqué : « Mais qui sont ces gens? L'eau? Nous n'avons aucun problème avec l'eau. Il y a eu de la pluie, et la nappe phréatique monte pratiquement jusqu'à mon évier de cuisine. Nous n'avons jamais eu autant d'eau. » Mon ami le sénateur Gustafson m'a dit que l'eau à Saskatoon a atteint des sommets inégalés cette année.
J'ai répondu à mon collègue de Saskatoon que je n'étais qu'un petit gars de l'est du Québec, mais que je croyais qu'il s'agissait d'un gros problème. Ce comité s'est réuni à Calgary en mars. En Alberta, on nous a dit, bien sûr, les choses que vous avez mentionnées sur le recul des glaciers et la mauvaise gestion, si vous voulez, du débit des systèmes fluviaux et des écosystèmes.
On nous a également dit que, quel que soit le problème, il ne peut être renversé. On peut y mettre un frein, mais pas revenir en arrière. Est-ce bien ça? En d'autres mots, si les choses vont mal, c'est tant pis, mais laissez-nous au moins essayer d'enrayer le problème.
M. Clifton : Tout à fait.
Le sénateur Angus : Je pense que c'est la raison pour laquelle notre président vous a invités ici. Nous sommes au fait de cette situation et souhaitons apprendre comment la corriger. Pour reprendre ses propos, c'est la première fois que nous entendons dire qu'il y a de l'eau en grande quantité. Nous sommes intéressés par des solutions précises.
À cet égard, j'ai un problème, car presque tout ce que vous avez suggéré — là, je n'ai d'autre choix que de me cantonner dans les grandes lignes en raison du temps imparti — m'a semblé du ressort provincial. Nous avons déjà lu des documents sur les sommes astronomiques qu'engrange l'Alberta. Vous avez dit que c'est également un problème albertain, et pas seulement saskatchewanais ou manitobain. Pourquoi vous attendez-vous à de la sympathie de la part du gouvernement central? Et quelle forme de sympathie envisagez-vous? Les sénateurs de votre propre région ne sont même pas au fait de ce problème. Vous avez mentionné que les responsables fédéraux ont construit un lac et un barrage, mais que les gens locaux n'ont pas fait leur part.
En ce qui regarde la publicité et l'aide que nous pouvons vous fournir pour attirer l'attention sur ce problème, c'est dans nos cordes, et il incombe à votre député fédéral de se mettre à jour dans ce dossier. Le sénateur Banks vient aussi de l'Alberta.
J'aurai probablement de la difficulté à souscrire aux recommandations qui impliquent un lourd apport de fonds fédéraux pour régler un problème qui est clairement du ressort des provinces. On nous dit d'ailleurs que l'une d'elles est plus riche que le gouvernement fédéral au complet.
M. Clifton : Le dossier comporte deux volets. Premièrement, la situation qui s'est produite à Saskatoon et à High River à Calgary cette année est symptomatique de l'environnement changeant dans lequel nous vivons. Oui, la rivière Saskatoon et la rivière Bow ont connu des crues records, mais elles sont rentrées dans leur lit. Les eaux excédentaires se sont écoulées.
Le sénateur Angus : Pour aller où?
M. Clifton : L'eau se trouve maintenant dans la baie d'Hudson.
Le sénateur Kenny : Il reste de l'eau dans des sous-sols à Calgary.
M. Clifton : Une fois cette eau pompée, elle s'en ira également dans la baie d'Hudson. Le problème s'explique en partie par le fait que nous ne pouvons stocker les eaux pour en faire usage. Auparavant, c'était le manteau neigeux d'un glacier qui assurait le stockage, mais il n'est plus là. La solution évidente consiste à construire des réserves — davantage de barrages et d'autres réservoirs pour conserver l'eau — et de la laisser s'écouler plus lentement, car nous savons que les degrés de variation seront plus élevés que jamais. Cette prédiction semble en voie de ce concrétiser.
Le deuxième volet est la nature interprovinciale de la situation. Les rivières ne se terminent pas aux limites d'une province. Vous retiendrez que nous avons parlé de « leadership ». Le leadership du gouvernement fédéral est crucial. Des fonds fédéraux seraient également appréciés. Il nous semble que la seule administration qui puisse diriger ici est le gouvernement du Canada, qui est la seule autorité transcendante qui puisse prendre en compte et intégrer les intérêts régionaux. Le reste sera exclusivement local. Les gens sont intéressés par ce qui se déroule entre leurs frontières. D'après nos conversations avec les élus, ils espèrent également de l'aide.
C.M. (Red) Williams, agronome, président, Saskatchewan Agrivision Corporation Inc. : J'aimerais me prononcer sur cette question. L'Alberta peut résoudre ses problèmes d'eau par elle-même. Cependant, cela ferait souffrir tous les autres, et ce n'est pas acceptable. La réduction du débit d'eau vers la Saskatchewan selon l'entente de 1969 pose de sérieuses questions à considérer.
Pour faire suite aux propos du sénateur Gustafson, les Prairies ne sont pas un secteur isolé qui peut se détacher et dériver dans l'océan Pacifique. C'est une partie intégrante du Canada. Si nous cessons notre production en Saskatchewan, des industries en Ontario et au Québec vont s'éteindre. En tout, 100 milliards de dollars du PIB reposent sur les céréales des Prairies. Si vous tentez d'en faire un enjeu national, c'est là l'argument.
Le sénateur Angus : Je suis content d'avoir découvert ça. Un problème se pose actuellement à vous avec le lac Devils. Le gouvernement fédéral a compétence sur cette question, et nous comptons sur la Commission mixte internationale.
J'ai posé une question sincère sur les compétences et les priorités. Chaque jour, nous entendons parler de lourds problèmes concernant l'énergie. Devrions-nous nous tourner vers le nucléaire? Qu'en est-il de l'accord de Kyoto et des questions environnementales? Vous avez abordé toutes ces questions de manière générale. Je me rends compte de l'existence d'un gros problème, et pas seulement dans les Prairies. Nous avons d'autres problèmes d'eau au Canada, ce que ce comité tente de comprendre. C'est pourquoi nous nous réjouissons de la présence d'experts tels que vous pour nous fournir des explications.
Compte tenu de la fédération fragile qui existe au Canada, des enjeux dans un secteur donnent lieu à d'autres enjeux quasi politiques dans un autre. J'ai été surpris de votre souhait d'obtenir l'aide de « Big Brother » et du gouvernement central. Je n'ai rien entendu à propos du secteur privé, mais j'ai entendu parler de beaucoup de négligence par les autorités locales.
M. Parsons : D'un point de vue technique et juridique, le gouvernement fédéral a autorité sur les rivières internationales, et il a un rôle à jouer dans les rivières qui traversent les frontières provinciales. Les provinces aimeraient voir l'État fédéral entrer à nouveau dans ce domaine. Il s'agit de bassins hydrographiques, et ces bassins n'ont que faire de la compétence provinciale.
Le sénateur Angus : Je m'en rends compte. Vous avez parlé de la cuvette du lac Winnipeg, ce que je trouve fascinant. Vous avez dit que l'un des plus grands systèmes fluviaux dans le monde se termine dans la cour du sénateur Spivak, y compris le lac Devils. Ce point a retenu mon attention parce que les gens du Manitoba, particulièrement dans le secteur du lac Winnipeg, sont les grands perdants éventuels dans ce domaine.
M. Clifton : Dans tous les pays, sauf le Canada, le lac Winnipeg serait un grand lac. C'est un plan d'eau immense.
Le sénateur Angus : Vous dites qu'il meurt progressivement?
M. Clifton : Oui, c'est le cas.
Le sénateur Angus : Sans la carpe asiatique et autres choses du genre qui vont dans les Grands Lacs.
Monsieur le président, je reconnais qu'il y a un gros problème et que nous pouvons jouer un rôle de leadership. Toutefois, je crois que vous comprenez la genèse de la question. Je reconnais qu'il y a compétence du gouvernement fédéral dans ce dossier, et qu'elle est directement évoquée dans la Constitution, dans la partie qui traite des enjeux interprovinciaux. Il y a un tel enjeu ici.
Le président : Oui, et je veux qu'on l'aborde plus en profondeur que ce n'a été le cas jusqu'ici.
J'ai demandé à quelqu'un d'examiner la carte au verso du document intitulé Water Wealth auquel M. Parsons a fait référence plus tôt. Pendant des décennies, le gouvernement fédéral a assumé des responsabilités dans les trois provinces illustrées sur cette carte. Toutefois, le développement de méthodes d'exploitation de l'eau, qui autrement se déverse dans la baie d'Hudson Bay et est gaspillée en regard de la situation dans les Prairies, ne dépasse tout simplement pas la frontière de l'Alberta.
J'aimerais que vous répondiez plus directement à la question du sénateur Angus. Quelle est la situation à propos de la Saskatchewan, et quelle est la situation à propos du Manitoba? L'on présume que la participation fédérale a été la même de façon générale, et que cela s'arrête à la frontière. Pourquoi la solution du problème d'eau gaspillée n'est-elle pas de nature provinciale?
M. Parsons : Je vous donnerai deux réponses. La première est purement politique. J'ai beaucoup travaillé dans le domaine de l'eau dans les années 80. Je me demandais pourquoi cet énorme plan d'eau au milieu de la Saskatchewan n'était pas exploité. Les fermiers qui font de la culture en terrain irrigué s'enrichissent davantage parce qu'ils ont des revenus plus stables, et les agriculteurs riches votent à droite, non à gauche.
Le sénateur Milne : Ils ne votent pas à gauche actuellement.
M. Parsons : Non. C'est la justification historique la plus crédible que j'aie entendue.
Si j'en viens aux barrages actuels, nous avons eu des lois provinciales sur les districts d'irrigation à Saskatchewan qui sont complètement différentes des lois de l'Alberta. Les lois de la Saskatchewan posaient des contraintes aux agriculteurs, qui restaient petits et pauvres. Ils ne pouvaient emprunter. C'est un gros morceau du problème. Nous avions des programmes qui semblaient s'écouler comme d'un robinet que nous ouvrions et fermions. En Alberta, des programmes stables se sont poursuivis année après année. En Saskatchewan, des arbres poussent en plein milieu des canaux d'irrigation parce que ces canaux n'ont pas été utilisés. En Alberta, on a réhabilité ces mêmes canaux. La liste est longue, mais tous les détails se trouvent dans le rapport Water Wealth.
Cela est symptomatique d'une absence d'orientation en irrigation, l'une des principales possibilités d'aménagement hydraulique dans la province et par la province, parce que cela ne correspond pas aux politiques du moment.
Le président : On dirait que, dans une grande mesure, ce n'est pas un problème du palier fédéral, mais plutôt provincial.
M. Clifton : Pour être juste, la Saskatchewan a répondu lorsque le gouvernement fédéral dirigeait le jeu. En d'autres mots, lorsqu'il y a sur la table un projet impliquant un partage d'argent, la Saskatchewan se joint aux joueurs. Toutefois, en l'absence d'un cadre d'investissement, ce n'est pas une chose que la Saskatchewan amorce en toute indépendance.
Le sénateur Spivak : J'aimerais revenir à la question soulevée par le président. Vous avez parlé de l'irrigation et d'un surplus d'eau dans le lac Diefenbaker et le lac Winnipeg, lequel, en passant, est dans un pire état que ne l'étaient les Grands Lacs dans ma province, et ce n'est que tardivement que le gouvernement s'est penché sur la situation. Dans l'avenir, s'il n'y a pas de débit, comment allons-nous maintenir le Diefenenbaker et le Winnipeg? Ils vont disparaître.
Le second enjeu concerne l'irrigation. Israël a créé des terres merveilleuses dans le désert grâce à la technologie de l'irrigation. Ils ne gaspillent pas une goutte d'eau. Avons-nous tiré une leçon de la chose ou allons-nous continuer à présumer que nous avons d'immenses ressources et que nous n'avons pas besoin de technologie?
M. Parsons : Ces deux volets sont importants. Dans le premier cas, qui concerne le débit de l'eau, nous prévoyons que le réchauffement du globe nous apportera de plus grandes quantités d'eau, mais à des moments différents. Elle ne proviendra pas de la lente fonte des neiges et des glaciers, mais des grosses tempêtes que nous essuierons, et elles charrieront de plus grandes quantités d'eau. La question est la suivante : comment emmagasiner cette eau pour l'utiliser? Auparavant, l'hiver nous la gardait gentiment jusqu'à ce qu'elle ressorte à la faveur de la fonte des neiges au printemps.
L'hydrologie des systèmes fluviaux des Prairies s'est modifiée. Nous devons comprendre davantage cet état de choses, et nous allons probablement devoir accroître de façon substantielle les capacités de stockage.
La question concernant l'utilisation de meilleures méthodes d'irrigation est absolument cruciale. L'irrigation connaît un succès extraordinaire en Alberta. Je me suis entretenu la semaine dernière avec David Hill, qui dirige l'Alberta Irrigation Projects Association. Il revenait d'Israël. Une partie du problème dans les Prairies est liée aux formulaires archaïques des droits relatifs à l'eau, qui permettent une irrigation propice au gaspillage. Nous pouvons probablement mieux irriguer.
Si vous passez de l'inondation à l'irrigation par pivot central, vous sauvegardez au moins la moitié de l'eau. Si vous passez de l'irrigation par pivot central au système de chute, vous réalisez des économies énormes. Si vous passez à l'irrigation goutte à goutte, les économies se multiplient. Vous pouvez irriguer beaucoup plus d'acres, sauf qu'il faut des mesures d'incitation pour améliorer cette technologie. Elle progresse rapidement dans le sud de l'Alberta et en Saskatchewan. Au Manitoba, elle est pratiquement dormante.
Le sénateur Angus : S'agit-il d'un problème fédéral?
M. Clifton : Le soutien du volet R-D est l'affaire du gouvernement fédéral. Or, ce soutien est pratiquement inexistant à l'échelon provincial, peu importe l'endroit. Les stations de recherches agricoles ont joué un rôle important au chapitre des sols, de la conservation de l'humidité et des développements technologiques. Ce n'est pas un problème fédéral, mais c'est certainement un domaine où le gouvernement fédéral a manifesté son leadership dans les efforts d'adaptation. Il se pose ici un enjeu d'investissement, des choses telles que les crédits d'impôt en R-D et la façon dont les investissements en technologie sont traités sous un angle fiscal. Le gouvernement fédéral peut certainement faire bien des choses pour encourager les investisseurs.
M. Parsons : On est devant un enjeu de politique fédérale agricole qui ne manque pas de fondement au sens où le gouvernement fédéral poursuit certains objectifs liés à l'agriculture au Canada et aux exportations agricoles depuis le Canada. Les meilleures terres agricoles autour de nos villes continuent de disparaître à mesure que les villes en expansion les englobent. Il faudra faire de la production agricole quelque part si on veut maintenir le niveau d'exportations agricoles.
Cela ne viendra pas des terres sèches. La production agricole devra s'accroître à partir d'un endroit, et ce sera probablement à la faveur de l'agriculture irriguée. À peu près partout dans le monde, on croit que la seule façon de se nourrir soi-même est d'irriguer.
Le sénateur Spivak : D'après ce que vous dites, le problème sans doute le plus sérieux est la disparition des capacités institutionnelles à l'échelon fédéral. Je connais la question parce qu'une situation du genre s'est produite dans la région des lacs expérimentaux. C'était la faute d'un sous-ministre absolument stupide animé de motivations criminelles. C'est vrai : il se trouve que j'étais là.
L'absence d'analyses de la part du gouvernement fédéral n'est-il pas le problème plus fondamental? Ils veulent des exportations sans examiner les assises écologiquement solides, dans bien des cas pour que la roue continue de tourner. C'est là un grave point de rupture dans le domaine du renseignement. Je ne sais pas comment vous pouvez résoudre cela.
M. Parsons : À notre avis, il se dégage de nos deux évaluations des enjeux frontaliers, l'une de la Saskatchewan et l'autre des Prairies, un ensemble important de lacunes institutionnelles. Au palier fédéral, on compte au moins 22 joueurs. Ils se réunissent fréquemment, mais ne font absolument rien d'autre que de rédiger des politiques. À mon avis, des politiques qui ne se traduisent pas en programmes ruraux ne veulent rien dire. Vous vous adressez à quelqu'un qui a réécrit la loi de l'ARAP dans les années 70. Je travaillais au ministère d'État chargé du Développement économique et régional. J'ai travaillé à différents échelons au sein de l'appareil d'État fédéral et dans des gouvernements provinciaux du Canada.
C'est pourquoi nous recommandons une chose comme un conseil chargé des questions de l'eau, car il donne le pouvoir aux échelons les plus élevés d'un système fédéral de brasser les choses, de réunir des gens et de les amener à se concentrer sur les dossiers qui importent. J'ai vu cette approche fonctionner dans le passé. Je l'ai vu fonctionner au sein du ministère d'État chargé du Développement économique et régional; je l'ai vue en action dans le ministère de l'Expansion économique régionale (MEER). Je l'ai vue se produire de diverses façons. Si nous demandons l'intervention d'Agriculture Canada et d'Environnement Canada, ils vont discuter jusqu'à la fin des temps de la façon de donner suite aux problèmes d'eau. Je ne crois pas qu'ils vont se rendre jusque là. Ils ne l'ont pas fait ces 15 dernières années.
Le sénateur Spivak : On disait auparavant que la guerre était trop importante pour la laisser aux généraux. Il me semble que nos vies sont trop importantes pour les laisser entre les mains des politiciens. Nous avons besoin que les choses bougent, et c'est ce dont vous parlez. Merci.
M. Clifton : Je crois que vous touchez du doigt un point important. Le gouvernement du Canada s'est progressivement retiré d'une série complète de dossiers liés à la terre au Canada, y compris l'eau. Il sera difficile de trouver, au sein de la fonction publique fédérale, des capacités permettant d'aborder les enjeux de la gestion de l'eau, car c'est là un dossier dont le Canada, sur le plan stratégique, s'est en grande partie retiré pour le laisser entre les mains des administrations provinciales.
Le présent débat porte en partie sur la question de savoir s'il s'agit d'une responsabilité provinciale ou fédérale. Comme c'est si souvent le cas avec un grand nombre de dossiers au pays, il s'agit clairement d'une responsabilité partagée. Dans bien des domaines, nous comptons sur le Canada pour diriger les opérations.
Le sénateur Spivak : Si nous désignions quelques personnes comme David Schindler de l'Université de l'Alberta et vous-même pour diriger un conseil régional des Prairies, les choses débloqueraient.
Le sénateur Angus : Et vous comme présidente.
Le sénateur Christensen : Il y a tellement de choses sur lesquelles se pencher ici. Merci messieurs de votre présence. J'ai apprécié votre exposé à Regina.
La première diapositive en page 5 met en relief la situation telle qu'elle se présente à nous. Cet écosystème est compliqué. Nous nous dirigeons vers un réchauffement du globe. On peut faire des hypothèses sur la façon de traiter la chose et la manière dont le tout se terminera. Nous surveillerons les excès, le « trop » et le « pas assez », probablement davantage de « pas assez ». Nous sommes aux prises avec une ressource qui, dans certains cas, vient en trop grande quantité. Dans l'ensemble, nous devrons à long terme gérer une ressource qui sera insuffisante.
Nous avons parlé d'eau gaspillée. Je crois que la seule eau gaspillée est celle que les humains contaminent. Tout le reste de l'eau se jette dans l'océan et recharge nos systèmes, qui font que l'eau est réacheminée vers les montagnes. L'eau n'est pas gaspillée lorsqu'elle va à l'océan.
Dans votre exposé, vous avez parlé d'exploitation du barrage dans une proportion de 15 p. 100. Quel autre aménagement voyez-vous sur ce barrage? Que voulez-vous dire en avançant qu'il est exploité uniquement dans une proportion de 15 p. 100?
M. Clifton : Je veux dire qu'on a exploité 15 p. 100 des terres irrigables.
Le sénateur Christensen : Le reste est intouché?
M. Clifton : L'intérêt ici est que la fertilité de ces terres et le climat qu'on y trouve sont supérieurs aux terres irriguées dans le sud de l'Alberta. Même si la Saskatchewan convient mieux à l'irrigation sur les plans économique et climatique, une telle chose ne s'est pas produite dans le centre de cette province.
Le sénateur Christensen : Lorsqu'on examine l'historique de l'irrigation, les minéraux qui se déposent à long terme dans la terre par le biais de l'irrigation épuisent souvent le sol et le rendent non cultivable. Je parle ici du long terme.
M. Williams : Cela nous ramène aux observations du sénateur Spivak. L'irrigation, particulièrement celle pratiquée par submersion, engendre elle aussi des sels excédentaires. L'eau descend, atteint une roche de fond ou une couche, puis remonte en transportant des sels là où les sols en comportent en quantité excédentaire.
Les nouvelles méthodes ne favorisent pas cet état de choses parce qu'on se limite aux quantités d'eau nécessaires pour satisfaire aux exigences du sol en ce qui concerne l'humidité. Ce problème a été résolu. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il s'agit d'un mythe, mais c'est un...
Le sénateur Christensen : Une grande partie de cette eau transporte ses propres minéraux, en plus des excès provenant d'autres exploitations agricoles et ainsi de suite, de sorte que l'eau elle-même charrie des éléments non désirables.
M. Parsons : Pour vous donner un exemple concret, le district d'irrigation de Riverhurst autour du lac Diefenbaker a une pression élevée, mais il présente une moindre salinité aujourd'hui après irrigation que ce n'était le cas avant irrigation. Par ailleurs, les éléments qui s'ajoutent à l'eau durant l'irrigation devraient idéalement se limiter à ceux nécessaires aux produits agricoles dans les systèmes d'irrigation de haute technologie.
Dans ce que j'appelle le « vieux style d'irrigation », qui est à la base de bon nombre de problèmes environnementaux autour du monde, c'est souvent l'irrigation par submersion qui était utilisée. L'irrigation ne faisait pas l'objet d'un contrôle ou d'une surveillance étroite. Nous constatons aujourd'hui, particulièrement dans le sud de l'Alberta, qui possède certains des systèmes de contrôle de l'eau et des additifs parmi les plus sophistiqués au monde — aussi efficaces que tout ce qui se fait en Israël — que les produits agricoles absorbent presque tous ces additifs. Tout additif supplémentaire est gaspillé du point de vue de l'agriculteur. Les agriculteurs ne veulent pas les acheter, ils souhaitent seulement ajouter au produit agricole les substances dont il a essentiellement besoin. Nous voulons une irrigation à la fine pointe de la technologie, ce qui, en retour, est tout à fait compatible avec l'amélioration des sols, et non leur épuisement.
Bon nombre de questions se greffent également à tout cela. Lorsque nous irriguons, nous faisons habituellement des ajouts à la structure des sols et les raffermissons. De ce point de vue, les sols deviennent en mesure de retenir davantage d'humidité.
Il est vrai que les opinions stéréotypées veulent que l'irrigation soit mauvaise. Les éléments de preuve, surtout les plus récents, indiquent tout le contraire.
Le sénateur Christensen : Donc, il existe une approche durable à long terme?
M. Parsons : Notre meilleure carte en ce qui concerne la durabilité à long terme à bien des égards pour les sols des Prairies est l'irrigation durable de haute technologie.
Le sénateur Christensen : L'autre enjeu est la mise en place — à la lumière d'anciennes études — de plus grandes capacités de stockage. Vous ne pouvez stocker que ce qui tombe. Si rien ne tombe, il y aura de l'eau pour un certain temps, mais elle n'est pas réapprovisionnée. Vous vous retrouverez avec des barrages vides.
Regardons le système actuel; celui que nous avons toujours exploité depuis la colonisation du Canada repose sur des glaciers qui fondent lentement chaque été et laissent l'eau s'écouler. Ces glaciers ne sont pas réapprovisionnés à tous les hivers. Ils ont pris forme au cours de milliers d'années, ce sont donc d'énormes stocks à long terme dont nous avons tiré profit.
Encore une fois, nous examinons la situation en fonction du long terme, car c'est un problème à long terme, et si nous ne nous y attaquons pas maintenant, nous n'arriverons pas à une solution.
Comment voyez-vous la chose dans le contexte du réchauffement du globe qui, sommes-nous forcés de l'admettre, est une réalité? Comment faire d'autres aménagements à long terme dans les Prairies pour remplacer ce que nous offrent actuellement les glaciers? Je ne nous vois pas fabriquer d'autres glaciers.
M. Clifton : La quantité totale d'eau suffit à répondre aux besoins des Prairies. En Saskatchewan à l'heure actuelle, nous utilisons environ 2 p. 100 du débit total des rivières et des bassins hydrographiques. Il y a abondance d'eau. Le point crucial est de l'avoir en place au bon moment.
La seule solution de rechange que nous avons pu dégager pour avoir des provisions d'eau en place au bon moment est de construire davantage de barrages et de réservoirs. C'est là qu'on peut conserver l'eau des averses, qui est retenue pendant la saison de croissance et à longueur d'année pour maintenir le débit riverain et un écoulement propre à préserver le milieu aquatique des rivières.
En passant, l'appétit du public pour les barrages semble en voie de changer. Dans le nord-ouest de la Saskatchewan et le centre-est de l'Alberta, il s'exerce de fortes pressions pour construire un barrage sur la rivière Saskatchewan Nord. Il y a deux décennies, une telle chose aurait été impensable, mais là les collectivités elles-mêmes plaident fermement en ce sens.
Le sénateur Milne : Où cela se trouve-t-il?
M. Clifton : Il s'agit du Highgate Dame à North Battleford.
Le public commence à reconnaître qu'il ne peut vivre avec des variabilités si élevées dans les approvisionnements d'eau et la qualité de l'eau.
Saskatchewan dispose d'un approvisionnement excédentaire énorme en eau. Le nord de la Saskatchewan compte 100 000 lacs, dont certains sont plus purs que l'eau distillée dans les laboratoires. Ce secteur contient une eau dont la pureté est l'une des plus grandes au monde, et elle est en grande partie inutilisée.
Y a-t-il là une ressource dont on pourrait faire un usage bénéfique? Absolument.
Le sénateur Christensen : J'ai un dernier commentaire, et j'aimerais entendre votre opinion là-dessus. Notre première priorité à ce moment-ci est de trouver des moyens de garder notre eau pure qui servira à fins industrielles, personnelles, municipales ou autres. Nous n'avons pas de pollution si nous protégeons tous nos lacs contre les polluants et que nous commençons par là.
M. Parsons : Il va de soit que la protection des bassins hydrographiques des polluants est un élément crucial de toute stratégie hydrique.
Toutefois, l'approvisionnement adéquat en eau dans les zones sèches des Prairies par le biais de nos rivières est également crucial. À titre d'exemple, l'eau dans les grands barrages est bien plus propre, croyez-le ou non, que si elle s'écoulait directement dans les rivières du point de vue de la consommation humaine. L'eau se dépose dans le fond des barrages, mais elle y est également protégée et se purifie.
Les systèmes fluviaux des Prairies dans le sud sont déjà très réglementés au sens où on y retrouve beaucoup de barrages et de nombreuses dérivations. Les transferts entre bassins, décriés comme une hérésie par tous, sont déjà une réalité dans le sud des Prairies. L'eau est dérivée du lac Diefenbaker vers le système Qu'Appelle. C'est un transfert entre bassins. Le système Qu'Appelle aurait l'air très malade aujourd'hui s'il ne s'y déversait pas de grandes quantités d'eau du système de la rivière Saskatchewan Sud, qui ne serait normalement pas là. Lorsque Henry Hind faisait de l'exploration dans les années 1800, il n'y avait pas de dérivation, mais il a signalé que la chose pouvait se faire.
Le sénateur Christensen : C'est un bassin hydrographique arctique.
M. Parsons : Ils se trouvent l'un et l'autre dans le système du bassin de la Saskatchewan et du Nelson. Il finira par revenir. Il est possible d'en déplacer encore une certaine partie.
Il est probable qu'on doive accroître de façon radicale le stockage dont nous avons besoin pour remplacer les glaciers. Dans quelle quantité? Nous ne le savons pas exactement. Il nous faudrait refaire les études du bassin de la Saskatchewan et du Nelson pour en avoir une bonne idée. On aura besoin d'un plus ample stockage, et peut-être faudra-t-il effectuer des mouvements d'un bassin à l'autre. Ces mesures s'inscriront dans la réalité si nous voulons vivre dans les Prairies.
Cinq ou six millions d'entre nous qui vivons là-bas sommes d'avis que c'est une très belle partie du monde. Bon nombre de civilisations autour du monde ont réussi à vivre dans des régions arides pendant des siècles en gérant convenablement les eaux. Nous ne pouvons pas laisser le réchauffement du globe nous expulser de là.
M. Clifton : Pour enchaîner avec votre observation sur la qualité de l'eau, je dirais qu'il s'agit d'un enjeu essentiel. Les gouvernements ne peuvent assurer la qualité de l'eau. Seuls les consommateurs le peuvent ainsi que les gens qui la rejettent. En d'autres occasions, nous avons fermement plaidé en faveur d'un changement dans la réglementation.
Le Canada pourrait appliquer un code de l'environnement qui énonce clairement les responsabilités des consommateurs d'eau et de la qualité de l'eau qu'ils rejettent, par opposition à une simple réglementation. Nous sommes entièrement d'accord. L'eau est là pour qu'on en fasse usage, mais elle doit être retournée au bassin dans une qualité permettant au prochain consommateur d'en profiter également.
Le sénateur Tardif : Je viens de l'Alberta. Quelle est l'incidence de l'industrie du pétrole et du gaz sur les approvisionnements d'eau en Saskatchewan et le reste des Prairies? Existe-t-il des ententes interprovinciales entre, par exemple, l'Alberta et la Saskatchewan sur la gestion et les approvisionnements d'eau ou s'agit-il d'une compétence fédérale? Quel intérêt aurait le secteur privé à y faire des investissements, puisque le pétrole et le gaz lui rapportent beaucoup de profits? Le secteur privé a-t-il investi dans l'infrastructure afin de soutenir certains des barrages, ou même dans un volet de recherche?
Je sais que l'industrie du pétrole et du gaz a des répercussions énormes en Alberta parce qu'elle consomme beaucoup d'eau dans le cadre de certains procédés d'extraction? Cela est en train de poser problème également en Alberta.
Comment tout cela touche-t-il l'Alberta qui poursuit son essor et continue à profiter des approvisionnements d'eau? Quels sont les domaines de coopération, le cas échéant, entre les gouvernements sur cette question, et quel est selon vous le rôle du secteur privé?
M. Clifton : L'industrie pétrolière et gazière est le troisième plus gros consommateur d'eau, loin derrière l'agriculture qui vient au premier rang. L'industrie du pétrole et du gaz est progressivement passée de la consommation des eaux de surface à la consommation des eaux souterraines. L'essentiel de la consommation d'eau maintenant en production provient des eaux souterraines.
Le sénateur Tardif : Qu'est-ce que cela signifie exactement?
M. Clifton : Ils vont chercher l'eau dans des puits plutôt que dans des lacs et rivières. C'est que, dans bien des cas, il n'y a pas d'approvisionnement d'eau de surface près des champs de captage.
M. Parsons peut en dire long sur les ententes interprovinciales, mais la Saskatchewan et l'Alberta ont adopté un protocole conjoint ou commun sur la gestion de l'eau pour l'industrie pétrolière et gazière.
L'industrie a volontairement présenté des initiatives axées sur la qualité et des initiatives visant à limiter la consommation. Elle a pris des mesures extrêmes pour traiter les approvisionnements trop minéralisés pour une consommation normale. Elle est qualifiée dans les procédés de traitement visant à rendre l'eau convenable pour l'injection de vapeur et d'autres procédés.
L'industrie est volontairement passée des eaux de surface aux puits et aux eaux souterraines. Un protocole commun est en place. Ces gens se concentrent sur l'eau de moindre qualité dans la mesure du possible.
M. Parsons : Permettez-moi d'ajouter un commentaire.
Il existe une chose appelée entente sur la répartition de l'eau dans les provinces des Prairies (Prairie Provinces Water Apportionment Agreement) en vertu de laquelle chaque province accepte de déplacer la moitié de son eau dans l'autre province.
Cette entente fonctionne raisonnablement bien. Toutefois, on a constamment diminué les capacités du conseil qui gère l'entente. Ses ressources provenaient essentiellement d'Environnement Canada, qui les a systématiquement retirées. Le contrôle qu'effectuait habituellement le conseil a encore une fois été ramené à la surveillance frontalière. Cela ne suffit pour accomplir le nécessaire.
Au chapitre de l'investissement, vous soulevez un point intéressant. Lorsque nous avons effectué le travail en Saskatchewan l'année dernière, je me suis livré à un vaste examen des investissements dans le domaine de l'eau autour du monde.
Le secteur privé réalise beaucoup d'investissements dans les installations hydriques, les barrages et les réservoirs. On peut le constater dans une certaine mesure actuellement en Alberta, en ce qui concerne l'investissement privé dans les canaux et l'irrigation appartenant aux compagnies qui détiennent des services d'utilité publique.
On ne retrouve rien de cela en Saskatchewan. Tous les barrages appartiennent au secteur public en Alberta, au Manitoba et en Saskatchewan. Cela ne fait pas partie de la culture du Canada. L'est a toujours été un produit administré par le secteur public. C'est différent en Nouvelle-Zélande, où on recense de nombreux barrages privés. Des arrangements ont été pris et ils sont visés par des règlements, mais quelqu'un d'autre fournit les immobilisations.
Manitoba Hydro et le service public d'électricité SaskPower, qui paient évidemment pour les barrages avec lesquels ils produisent de l'électricité, sont à bien des égards ce qui se rapproche le plus de cette formule dans nos principaux investissements hydriques. L'État est propriétaire des barrages. Le gouvernement fédéral (ARAP) a construit les barrages dans le sud de Saskatchewan et le sud de l'Alberta avant de les transférer aux provinces.
Le sénateur Tardif : Le conseil dont vous parlez est-il fédéral?
M. Parsons : La Régie des eaux des provinces des Prairies est un conseil fédéral-provincial composé de représentants issus des trois provinces concernées. Le gouvernement fédéral fait fonction d'administrateur. La Régie est située à Regina, et son directeur actuel est Wayne Dybvig. Il administre l'entente et, durant les périodes de sécheresse, alors que le débit semble ne plus convenir, il cherche un moyen qui permettra de rétablir la situation.
L'entente est en place. Elle est naïve et simpliste, et il y a probablement moyen de l'améliorer.
Cette entente n'est pas très sensée. Par exemple, s'il y sécheresse soutenue dans le sud de Alberta alors qu'il pleut en Saskatchewan, pourquoi faudrait-il transférer la moitié d'une petite quantité d'eau de l'autre côté de la frontière et vice-versa? Il faudra davantage de souplesse si notre débit atteint un degré de variabilité beaucoup plus grand dans un contexte de réchauffement du globe.
Le sénateur Tardif : Cela ne serait pas l'idée du comité régional?
M. Parsons : Nous croyons que les comités du Conseil régional des Prairies et la Régie des eaux des provinces des Prairies pourraient faire partie d'un même organe et ainsi raffermir le comité régional dans ce rôle.
Le sénateur Milne : Rappelez-moi après la réunion de vous parler de la Politique agricole commune, la PAC, et ce qui est arrivé récemment à ce propos au Conseil de l'Europe.
J'ai été intéressé de vous entendre dire qu'il y a beaucoup d'eau en Saskatchewan. Mon raisonnement intuitif a toujours été que la seule façon de résoudre le problème concernant l'agriculture en terre sèche dans les Prairies était de progressivement adopter de meilleures méthodes d'irrigation plutôt que d'intensifier l'irrigation : des méthodes d'irrigation plus efficaces et une transition systématique vers des cultures utilisant moins d'eau si nous voulons soutenir l'exploitation agricole dans les Prairies.
Il est intéressant de vous entendre dire qu'il y a de l'eau, mais qu'on en fait un usage inadéquat. Les terres disponibles autour du lac Diefenbaker sont irriguées dans une proportion de 15 p. 100.
Le cœur de votre exposé est lié aux objectifs stratégiques en page 10.
En ce qui concerne l'objectif stratégique numéro 4, soit l'éducation, la R-D, M. Clifton a mentionné qu'il n'existait pas de programme au niveau postsecondaire comme on en trouvait il y a 10 ou 20 ans.
La raison pour laquelle ils n'existent pas est-elle liée au fait qu'il n'y a pas d'emploi disponible pour les diplômés de ces programmes?
Il me semble que l'objectif stratégique numéro 4 devrait être le numéro 1 parce que vous ne pourrez pas faire de la R- D si, pour commencer, vous n'avez pas la scolarité de base.
M. Clifton : Voilà qui est perspicace et absolument dans le mille. À l'époque où j'ai obtenu mon diplôme en ingénierie, l'investissement en génie civil était très appuyé jusqu'à ce que le Canada prenne la voie de l'investissement social. L'époque de l'investissement dans les travaux public a essentiellement pris fin au début des années 70. La demande de compétences en hydrologie et en génie civil liée à l'époque de la construction des barrages s'est tarie. En termes simples, il n'y avait pas de marché. Tout le groupe de personnes avec des compétences en gestion de l'eau dans ce domaine de technologie a pris sa retraite. Le gouvernement fédéral était un important employeur de ces personnes dotées de telles compétences, mais il s'est retiré de ce secteur. Il n'y a plus de financement pour bon nombre de programmes régionaux.
L'Alberta est l'un des seuls secteurs qui a conservé un programme et un ensemble de compétences du genre, bien que considérablement réduit. En fait, l'Université de l'Alberta et l'Université de Lethbridge figurent parmi un petit groupe d'institutions du Canada qui continuent d'offrir une formation d'un niveau élevé, mais le tout vise en grande partie à répondre aux besoins locaux. Je n'ai pas connaissance de l'existence d'un programme national de R-D en hydrologie et en gestion de l'eau au Canada.
Le sénateur Milne : Ce pourrait être le domaine dans lequel ce comité doit orienter sa réflexion et faire ses recommandations, compte tenu que cette question est de compétence fédérale. Il faudrait soutenir ce domaine parce que c'est absolument essentiel.
J'ai des questions au sujet de l'irrigation. Dans un secteur tel que le lac Diefenbaker, où il y a amplement d'eau, l'irrigation est-elle économiquement viable? Vous avez parlé des différents niveaux d'irrigation depuis le mode par submersion au mode par aspersion, en chute et goutte à goutte. Que prévoyez-vous apprendre durant votre voyage en Israël pour étudier l'irrigation goutte à goutte? Cela vous aidera-t-il par rapport à un système pour le Canada?
M. Clifton : La culture en dépend dans la mesure où l'irrigation goutte à goutte convient à certaines cultures, mais pas à d'autres.
Le sénateur Milne : Dans le cas des arbres, l'irrigation goutte à goutte fonctionnerait bien.
M. Clifton : J'ai appris dans un reportage télévisé sur la culture des pommes de terre que la rampe d'irrigation goutte à goutte était découverte au moment de récolter les pommes de terre. On a utilisé ce mode à l'échelle locale, mais j'ignore dans quelle mesure dans le secteur Outlook. Le sud de l'Alberta a élargi d'environ 50 p. 100 sa base de terres irriguées grâce aux améliorations technologiques de conservation de l'eau dans les systèmes d'irrigation. Ils utilisent moins d'eau, ou dans une quantité équivalente à celle d'il y a 20 ans, sauf qu'ils irriguent 50 p. 100 plus de terres, essentiellement grâce à l'exploitation d'une meilleure technologie.
M. Parsons : Dans la station de recherches Outlook sur le lac Diefenbaker, on effectue un projet pilote d'irrigation goutte à goutte sur les petits fruits. Le tout dépend des récoltes qui seront obtenues. La vision d'ensemble est qu'une grande partie de l'agriculture irriguée, particulièrement dans l'ouest des États-Unis, est en voie de disparaître parce qu'elle ne peut faire concurrence aux besoins urbains et aux intérêts des gens dans les droits d'usage de l'eau. Les changements amènent une fantastique possibilité de développement pour nous, par le biais de laquelle vendre des biens de grande valeur. Bon nombre d'entre eux se prêteront au mode d'irrigation goutte à goutte parce que nous disposons d'unités thermiques — c'est suffisamment chaud — et nous avons les sols. Nous pouvons faire pousser ces petits fruits.
Le sénateur Milne : Nous avons les degrés-jours.
M. Parsons : Oui, nous avons les degrés-jours, c'est exact.
Le sénateur Milne : Quel pourcentage de l'irrigation provient des eaux souterraines, des puits forés à la sondeuse, des barrages, des rivières et de l'écoulement?
M. Parsons : Tout provient des eaux de surface. Il y a quelques exceptions. Le cas échéant, il s'agit habituellement de remplacer un réservoir pour une courte période. En Alberta et en Saskatchewan, on pratique l'irrigation de surface.
Le sénateur Milne : Cela me ramène au commentaire du sénateur Tardif sur la façon dont l'industrie du pétrole dans le nord de l'Alberta nettoie son pétrole et la façon dont elle obtient son eau. L'eau n'est pas un problème dans les secteurs nord de ces deux provinces, mais cela n'a pas beaucoup d'incidence sur les couches aquifères parce que vous ne faites pas de forage. Que connaissez-vous des couches aquifères en Saskatchewan? Nous avons été plutôt ébahis par l'un des témoins, M Schindler, qui disait qu'ils ne connaissaient rien des couches aquifères.
M. Parsons : C'est précisément l'un des principaux problèmes qui se posent lorsque nous retournons à la recherche et à l'information de base. Il y a un monde d'eaux souterraines appelées nappes. Bien que nous ayons certains éléments d'information sur un petit nombre de puits, qui nous donnent des indications, une grande partie de l'information issue de la collecte de données a été fermée par les gouvernements fédéraux ou provinciaux. Bon nombre des enquêtes ont pris fin. J'ignore s'il est juste de dire que c'était une bonne base, mais il nous faut approfondir notre compréhension là- dessus. M. Clifton est un expert en géosciences et peut s'exprimer sur ce dossier avec beaucoup plus de compétence que moi.
M. Clifton : Une initiative du gouvernement du Canada a permis de connaître le niveau actuel de connaissances dans l'ouest du Canada sur les nappes souterraines. L'ARDA a financé un vaste programme de recherche sur ces nappes. La Saskatchewan en a fait grand usage, tandis que l'Alberta et le Manitoba y ont moins fait appel. Par conséquent, les ressources en nappes souterraines de la Saskatchewan sont bien tracées sur grande échelle — pas en détails locaux, mais suffisamment pour fournir un cadre — de sorte que la géologie des nappes souterraines en Saskatchewan est bien connue. Du temps qu'elle était en vigueur, l'ARDA comportait une disposition qui amenait les provinces à collecter de l'information. L'ARDA a pris fin et les provinces ont cessé la collecte de l'information. Les sénateurs peuvent constater la valeur d'un programme-cadre.
Environnement Canada continue à mener des études de qualité sur les nappes souterraines, plus particulièrement le lessivage des produits chimiques agricoles dans le système des eaux souterraines. Cette information n'est pas encore communiquée au public. Je pense que le public est convaincu que les nappes souterraines sont en sécurité, mais nous savons maintenant que ce n'est pas nécessairement vrai parce que les produits chimiques à l'état de traces se manifestent. Il faut informer le public des tendances, et nous ferons pression pour que des mesures soient prises sur ces enjeux. Pendant longtemps, on a cru que les couches aquifères dans les Prairies — l'approvisionnement des nappes souterraines — se trouvaient sous des couches protectrices profondes et qu'elles étaient exemptes de pollution. Toutefois, nous savons maintenant que nous avons peut-être péché par optimisme.
M. Parsons : Il est important de recueillir les éléments d'information à l'échelle des Prairies, bien que nous ne connaissions pas tous les détails. Quand l'industrie minière effectue de l'exploration, tous les renseignements recueillis sont intégrés dans une base de données publique. Avec le temps, nous commençons à en savoir davantage sur les géologies profondes et minières de diverses parties du monde. Nous intégrons ces données de façon régulière.
Nous collectons beaucoup de données sur l'eau à partir d'activités auxiliaires. À titre d'exemple, l'industrie pétrolière et gazière possède de riches renseignements géophysiques, dont la majorité n'est jamais intégrée de manière fonctionnelle dans une base de données sur l'eau. Je me suis adressé aux géologistes qui effectuent, gèrent et régularisent cette collecte de données. Personne n'a pris les devants pour regrouper ces volets d'information et concentrer ces efforts de recherche et ces données.
Pourtant, les données sont essentielles pour savoir si nous polluons ou non nos eaux, ou si elles sont propres. Cette information fondamentale nous est absolument cruciale pour comprendre comment s'ajuster au réchauffement du globe.
Le sénateur Milne : Ces messieurs nous ont fourni suffisamment d'information pour produire tout de suite un rapport. L'un des objectifs de base devrait être de financer davantage la R-D, et peut-être de créer une base de données centrale où puiser de l'information nécessaire aux provinces et aux gens.
M. Clifton : La Commission géologique du Canada possédait les ressources nécessaires pour traiter les richesses minérales et la géologie du Canada, sauf que ses capacités s'affaiblissent. Il n'existe actuellement aucun dépôt pouvant servir de base de données nationale. Toutefois, le comité pourrait peut-être faire enquête sur son rôle dans la gestion et l'accumulation de connaissances relatives aux ressources en nappes souterraines, dans cette branche appelée hydrogéologie.
Sénateur Milne, vous allez droit au cœur du problème. Qui fait cela? Doit-on le faire? Le cas échéant, sous quelle responsabilité cette tâche s'inscrit-elle? Il n'est pas nécessaire que ce soit par le gouvernement, mais peut-être dans le cadre d'une entente entre l'État et une université ou d'un ensemble d'ententes régionales. À l'heure actuelle, il y a des données importantes qui ne sont pas collectées, ni analysées. À mon avis, cela devrait se faire. Les gouvernements se sont repliés face à certains enjeux, et ils s'en sont un peu trop éloignés dans certains cas.
Le sénateur Buchanan : Pendant une douzaine d'années, j'ai eu un ministre de l'Agriculture qui était un homme brillant. C'était aussi un agriculteur. Il parlait toujours des gens ordinaires. Il disait que les agriculteurs étaient des gens ordinaires, mais futés. Il disait de ne pas les inonder de contradictions.
Il y a bien des années, nous avons eu un autre député provincial qui disait que chaque enjeu comportait d'un côté et de l'autre des faits réels. Je crois qu'il y a beaucoup de contradictions dans ce que nous avons entendu aujourd'hui, et ce que nous entendons tout le temps à propos des gens ordinaires. Comprennent-ils ce qui se produit dans ce soi-disant monde changeant qu'est le nôtre?
Vous affirmez que nous vivons dans une partie sèche du monde. Nous avons eu davantage de pluie dans le Canada atlantique ces deux dernières années que pendant toute une décennie. Nous entendons parler de l'Ouest du Canada et du fait qu'ils ont besoin de pluie.
Puis, quelqu'un évoque la sécheresse des années 30 dans l'ouest du Canada, qui était probablement pire que les récentes qui sont survenues.
Les tempêtes de neige qui se sont abattues sur le Canada atlantique ces deux ou trois dernières années étaient plus fortes que toutes celles de la décennie précédente. Pourtant, on a enregistré en 1959 certaines des pires tempêtes de neige à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse, alors que près de 50 centimètres de neige ont recouvert St. John's.
Certains climatologues prétendront que tous les ouragans s'expliquent par le réchauffement du globe. D'autres diront que ce n'est pas exact, car c'est en 1933 qu'on a enregistré le plus grand nombre d'ouragans en une même année. Devant tous ces propos, qu'est-ce que les gens ordinaires sont supposés penser?
Autre chose : je suis en désaccord avec le sénateur Spivak lorsqu'elle dit que la classe politique ne devrait pas s'occuper des supposés problèmes. J'estime que les hommes politiques, en tant que groupe, font du bon travail. Je veux croire, sénateur Spivak, que vous plaisantiez.
Qu'est-ce que les gens ordinaires sont censés penser lorsqu'ils entendent tous ces faits réels d'un côté comme de l'autre, mais qui entrent en contradiction?
M. Clifton : Il existe deux éléments d'information qui, selon moi, sont irréfutables. Premièrement, la tendance à long terme du débit des rivières. On a observé une tendance à la baisse dans le bassin de rivières de Prairies, et cet état de faits se poursuit. Si vous regardez cette situation en faisant appel au bon sens, en oubliant les modèles informatiques, lorsque vous prenez en considération le manteau neigeux des montagnes et les champs de glace, dans le contexte des perturbations normales qui surviennent dans le climat, je ne vois aucun renversement dans la tendance. Les choses continueront dans cette direction.
Lorsque vous combinez ce tableau à la réalité du réchauffement du globe, cela ne peut que renforcer cette opinion.
Le sénateur Buchanan : Donc, tout n'est pas attribuable au réchauffement du globe?
M. Clifton : C'est une tendance à long terme. Le réchauffement de la planète peut s'inscrire dans cette tendance. Nous ignorons quel volet de ces variations observées l'été dernier est attribuable au réchauffement et quelle est une variation naturelle dans la température. Nous ne savons pas encore ce qui arrivera du climat, mais nous le découvrirons en traçant la ligne des tendances.
Mon autre élément de preuve a trait aux modèles informatiques proposés par les scientifiques. Ils indiquent également le maintien de cette tendance. De cela se dégage une convergence d'éléments probants. Dans quelle direction va l'hydrologie du Canada? On ne semble pas disposer d'éléments de preuve pour atténuer l'opinion selon laquelle nous gardons le cap vers des climats plus chauds, plus humides et plus secs — des variations plus grandes, donc — et des écoulements moindres.
La contradiction touchant la région des Prairies et le grand bassin complet est le second volet. Ce secteur est sec en grande partie parce que l'évaporation annuelle moyenne s'élève à un mètre comparativement à des précipitations annuelles moyenne d'un demi-mètre. Les récentes sécheresses survenues en 1981 et durant les années 90 sont pires que celles des années 30. Les mesures d'adaptation menées en grande partie par le gouvernement fédéral ont atténué les sécheresses des dernières années. Si de telles sécheresses étaient survenues dans les années 30, les conséquences auraient été beaucoup plus graves qu'elles ne l'ont été. Ce sont les modifications apportées aux pratiques agricoles, à la machinerie, aux variétés végétales et ainsi de suite qui ont permis à la population de vivre dans la région, malgré un climat plus néfaste.
Ce climat est aride à semi-aride, selon l'endroit où vous vous trouvez, mais il y a de l'eau en abondance pour créer une agriculture verdoyante et beaucoup d'industries. L'eau doit être utilisée de manière avertie, le tout au moyen d'une technologie et de politiques qui rendent la chose faisable.
Le sénateur Buchanan : Les gens croient que la sécheresse des années 30 dans l'Ouest du Canada a été incroyablement mauvaise. Vos propos sont intéressants. La sécheresse des années 80 et 90 était pire, mais grâce aux nouvelles technologies du gouvernement et au milieu agricole, les conséquences n'ont pas été les mêmes.
M. Clifton : Les perturbations sociales et économiques sont beaucoup moindres.
M. Parsons : C'est exactement notre propos. Il s'agit d'une adaptation aux besoins régionaux.
Pour revenir à votre commentaire original, j'ai effectué ce printemps dernier certains travaux sur l'eau dans le Canada. Il ne faisait aucun doute que les enjeux relatifs à l'eau diffèrent d'un endroit à l'autre du pays. Oui, c'est humide dans l'Est. Vous avez des problèmes d'inondation et toutes sortes de dossiers à régler. L'Ontario est aux prises avec d'énormes problèmes de pollution, bien pires que tout ce qui se voit dans l'Ouest, même dans le domaine du bétail, alors qu'on retrouve un parc d'engraissement intensif dans le sud de l'Alberta. Néanmoins, les enjeux sont différents.
Le modèle que nous avons suggéré pour les Prairies fonctionne généralement. Vous pouvez l'appliquer dans différentes parties du Canada et les résultats seront différents, selon moi, dans le Canada atlantique, au Québec et en Ontario. Il fonctionnerait sur ce vaste bassin hydrographique et permettrait de s'attaquer à certains des plus gros enjeux, mais les priorités changeraient, tout comme le feront les enjeux. Les réponses au réchauffement du globe se modifieront, selon la force avec laquelle frappera le réchauffement. Oui, les ouragans deviendront peut-être une conséquence majeure du réchauffement du globe dans le Canada atlantique. Nous ne croyons pas que les ouragans frapperont les Prairies, mais nous sommes pas mal certains que le réchauffement entraînera des sécheresses et des inondations à cet endroit. Selon moi...
Le président : Je dois me montrer incisif ici afin de satisfaire à tous.
Le sénateur Buchanan : Vous n'êtes jamais incisif, monsieur. Vous vous comportez seulement en bon président.
Le sénateur Kenny : J'ai une déclaration/question. Elle découle du commentaire selon lequel il est dans l'intérêt national de garder la Saskatchewan économiquement viable. Ma réaction instinctive est de soutenir cette proposition. J'ai vécu dans l'Ouest pendant plusieurs années, mais ce n'est pas là que se trouvent mes racines. Mon héritage culturel se rapproche pour l'essentiel des petites villes du Québec et de l'Ontario. J'ai des racines dans des endroits tels que Buckingham, Thurso, Tavistock, Perth, Cabano et Renfrew. Ce ne sont pas des noms d'endroits dont on entend parler souvent.
Je n'ai jamais tenu d'exploitation agricole, mais ma famille et moi avons eu une entreprise familiale qui s'en rapproche. Nous avons beaucoup de choses en commun. Notre entreprise concerne les textiles à jauge gros, les salaires sont faibles et il y a beaucoup de capitaux immobilisés. Nous manquons de liquidités. Il y aura des gains au moment de la retraite, si nous pouvons trouver un acheteur. Le cas contraire, il vaut mieux espérer que quelqu'un dans la famille prenne l'entreprise en mains.
Les usines se trouvent dans les villes que j'ai mentionnées. Elles se trouvent toutes en bordure d'eau, près d'une chute, habituellement, ou d'une eau au courant rapide. Ce sont d'importants employeurs dans leur collectivité. Ce ne sont pas d'importants employeurs en regard de la province ou du pays, mais pour leur collectivité, elles représentent beaucoup. Elles ne survivraient pas sans subvention, protection ou autres mesures de distorsion de l'économie. Elles ne survivraient pas sans intervention du gouvernement sous une forme ou une autre. Dans les faits, sans intervention du gouvernement, ces entreprises doivent entreprendre des activités de consolidation et d'harmonisation, et des gens doivent quitter leur milieu et s'adapter.
La question en cause en est une avec laquelle se débattent ma famille et d'autres familles ayant de petites entreprises dans l'Est du Canada. Est-ce le rôle du gouvernement d'intervenir pour nous protéger, si vous voulez, ou de nous subventionner indéfiniment, ou est-ce plutôt son rôle de nous aider à faire une transition pour nous amener dans un domaine concurrentiel, où nous pourrons fonctionner sans le soutien continu de l'État?
J'ai vécu dans l'Ouest, mais je m'exprime comme un gars de l'Est qui sent beaucoup de choses en commun avec ceux qui ont des fermes familiales et les gens qui vivent dans ce genre d'environnement. Leur vie est évidemment différente, mais également similaire à bien des égards. Lorsque j'entends un agriculteur parler d'une chose, je peux dire : « Oui, nous en avons parlé hier soir pendant le souper. » Que répondez-vous à cela?
M. Williams : La particularité de l'exploitation agricole est qu'elle est fondée sur la terre ou le sol, et que vous ne pouvez déplacer cela. On ne peut en faire aucun autre usage que celui de la production de récoltes. Le coût d'option, comme on dit, ne se trouve pas dans les sols comme c'est le cas dans les entreprises. D'une certaine manière, vous pouvez habituellement utiliser ces ressources. C'est fondamentalement ma réponse à votre question. C'est unique.
Permettez-moi d'étoffer ici. J'ai passé la journée d'hier à expliquer à divers comités de la Chambre quelle est la situation dans l'ouest du Canada. C'est tellement fondamental. J'avoue que c'est lourd à dire ici, mais les États-Unis ont reconnu par le biais du Farm Bill un élément fondamental que vous abordez, à savoir qu'il faut maintenir la valeur de la terre. Ils ont une politique visant à maintenir cette valeur. Le Canada applique une politique d'aide au revenu, mais n'appuie pas la valeur de la terre, de sorte que cette valeur diminue. Les agriculteurs sont en train de perdre leur avoir. Je ne veux pas m'enfoncer trop loin dans ce dossier parce que nous pourrions y passer la journée. Votre question est importante, et je vous comprends quand vous parlez de vos racines.
M. Parsons : Il y a ici un enjeu d'intérêt public plus grand pour le Canada et la nature du pays dans lequel nous vivons. Chacun est maître de sa ville. Chacun vit dans ces grandes villes. Elles sont le cœur de notre économie. En pratique, la nature de notre pays implique un grand secteur rural, et un secteur rural fait différentes choses dans différents coins du pays.
Dans notre coin de pays, particulièrement dans les Prairies, les gens pratiquent l'agriculture. Ils sont les intendants de notre terre, pour la majeure partie. Ils s'en occupent dans le cadre de leur travail. Selon moi, cela comporte une valeur inhérente qui contribue à la nature du Canada tel que nous le connaissons. Lorsque nous pensons au Canada, nous voyons les immenses montagnes Rocheuses telles qu'elles apparaissent dans les annonces télévisées, les immenses Prairies et les petites fermes dans le sud du Québec. Cela fait partie du Canada que nous connaissons. Leur disparition — imaginons leur faillite parce qu'on ne s'occupe pas des sols ni des eaux — nous poserait problème comme pays. C'est une chose dont nous ne devrions pas nous défaire. Il se trouve que l'eau dans les Prairies fait partie de la solution à une éventuelle économie rurale viable et durable.
Le sénateur Kenny : Je vous comprends, mais vous dites que la production d'aliments est plus importante que la production de vêtements. Vous croyez que quelqu'un qui travaille fort pour produire une récolte mérite plus de protection qu'une personne qui travaille fort pour produire quelque chose qui gardera les gens au chaud.
M. Parsons : Je suis un économiste et je ne crois pas aux subventions à long terme. Je crois en la mise en place de bons cadres structuraux de manière à ce que les éléments régionaux de notre pays qui sont hors des grandes villes puissent être économiquement viables et durables. Je suis d'avis que l'eau dans les Prairies est, ici, une solution importante. Des projets de lois sur les fermes comme celui du Canada, des États-Unis (Farm Bill) et en Europe doivent s'inscrire dans la politique d'encadrement. Dans l'ensemble, je pense que les Canadiens ne paient pas assez cher les aliments produits dans leur pays. Ces prix devraient être plus élevés.
Le président : Le gouvernement du Canada devrait-il soutenir un mode de vie par opposition à une industrie viable? Je vais vous donner deux exemples. Nous avons dit aux mineurs de la Nouvelle-Écosse : « Désolé, nous ne pouvons soutenir plus longtemps votre mode de vie. Vous devez faire quelque chose d'autre parce que vous ne pouvez plus faire efficacement du travail minier. Au revoir. » Nous avons fait la même chose avec certains métallurgistes et certains pêcheurs. Nous leur avons dit : « Désolé, mais nous rachetons vos permis. L'entreprise est finie. Allez trouver autre chose à faire. Voici quelques solutions d'aide pour y arriver. »
Êtes-vous certain que nous soutenons une activité pour laquelle il y a de l'espoir, par opposition à une activité que nous devrons continuellement soutenir? Est-il logique de tenter une exploitation agricole dans un désert?
M. Parsons : La réponse à cette question est oui. On trouve déjà en place les marchés qui versent l'argent. Il ne s'agit peut-être pas de nos céréales et oléagineux conventionnels, malheureusement, c'est un secteur que nous pourrions devoir laisser tomber. Pouvons-nous produire des récoltes dans les Prairies pour les vendre aux Canadiens et à d'autres clients dans le monde? La réponse à ces questions est résolument oui.
M. Clifton : Je reconnais avec vous que les préoccupations des gens à Perth, Renfrew et Tavistock sont exactement parallèles à celles des gens à Elbow, Eyebrow, Eastend et West Bank dans les Prairies. L'enjeu est de disposer d'une infrastructure économique et environnementale propice à engendrer un rendement économique durable. L'enjeu n'est pas l'octroi de subventions à une industrie, mais plutôt de fournir une infrastructure économique pour permettre à l'économie de prospérer. Nous n'avons pas investi du tout dans l'infrastructure hydrique du Canada. Comme vous l'avez souligné, l'enjeu est le même pour les villes abritant des usines et les villes productrices de céréales dans les Prairies. Nous devons trouver une façon différente de soutenir ces collectivités. La gérance de la région est en voie de devenir un enjeu sérieux. Lorsque vous passez en auto dans le sud des Prairies, vous voyez les réserves routières se couvrir de mauvaises herbes, les buses sont délabrées et les routes ne sont pas accessibles, simplement parce qu'il ne vit plus personne dans ces endroits. Nous devons poser la question : est-ce le Canada que nous voulons dans cette région? C'est là une question sérieuse.
Le sénateur Kenny : En bout de ligne, les gens se battront pour ce qui leur appartient. Je comprends cela. Vous tentez de faire valoir un point, et il est possible que vous ayez suffisamment d'influence politique pour que ça fonctionne. Dans l'Est du Canada, les villes ayant des usines n'ont pas le poids politique voulu, de sorte qu'elles n'obtiendront pas les subventions, et elles devront changer et s'adapter. Le consommateur, en bout de ligne, paiera probablement moins cher les produits textiles, et il en coûtera probablement moins aux gens pour se vêtir. Dans l'intervalle, plusieurs centaines de Canadiens ayant consacré leur vie à une activité ne pourront plus le faire. C'est là un réel problème.
M. Clifton : N'y a-t-il pas une harmonisation des intérêts parmi ces collectivités?
Le sénateur Kenny : Oui, il y en a une, jusqu'à ce que les rendez-vous avec Revenu Canada se multiplient. Pendant combien de temps pouvez-vous raisonnablement vous attendre à être subventionné ou protégé? Qui paie pour cela? Qui : quelqu'un d'autre. Je peux faire un exposé ici en faveur de la transition. J'ai vraiment de la difficulté à établir le bien- fondé d'un mode de soutien perpétuel. J'habite cette ville depuis 1967, et la crise agricole est allée de mal en pis. Les lignes de tendances indiquent clairement la direction que prend l'agriculture. Il suffit de regarder l'âge moyen des agriculteurs pour tout comprendre.
Le sénateur Gustafson : Le Canada néglige de reconnaître la réalité globale de ce qui se produit dans la société globale. Nous la reconnaissons dans pratiquement tout autre domaine, sauf en agriculture. Nous ne la reconnaissons pas en agriculture.
J'ai présidé des réunions en Europe. Ils vous diront que nous ne nous en tirerons pas sans subventions, que c'est un mode de vie. Les Américains font exactement la même chose pour protéger leur terre, comme l'a indiqué Red Williams. Ce que fait le Canada à mes yeux est un mensonge. Ils veulent nous faire croire qu'ils réussiront à amener les Américains et les Européens à laisser tomber leurs subventions. Cette chose n'arrivera jamais.
Les Américains nourrissent la moitié de l'Afrique avec, si vous voulez, leurs subventions. Les Européens font la même chose. L'année dernière, la France a doublé ses subventions pour le blé. Toutefois, au Canada, les politiciens et les bureaucrates négligent de reconnaître la réalité globale de l'économie dans laquelle nous vivons.
Le sénateur Milne : Si nous voulons pénétrer dans le monde de l'agriculture, il faut savoir que les subventions en Europe et aux États-Unis font chuter les prix mondiaux et font du tort à l'agriculture.
Le sénateur Cochrane : Vous avez décrit le paysage de la Saskatchewan lorsque vous avez parlé des routes en mauvais état, et des collectivités et populations en baisse. Nous avons le même problème dans le Canada atlantique. Venez faire un tour à Terre-Neuve.
Le président : Merci beaucoup. Désolé d'avoir abusé de votre temps. Nous aurons d'autres questions. J'espère que vous accepterez que nous vous les fassions parvenir afin que vous puissiez y répondre.
La séance est levée.