Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 19 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 20 avril 2005
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été déféré le projet de loi C-30, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada, la Loi sur le traitement et d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 18 h 18, pour procéder à un examen article par article de ce projet de loi.
M. Donald H. Oliver : (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, le projet de loi C-30 est le premier point à notre ordre du jour. Est-ce que l'un d'entre vous souhaite entendre d'autres témoins ou sommes-nous prêts à procéder à l'examen article par article du projet de loi C-30?
Le sénateur Murray : Monsieur le président, je veux faire savoir officiellement que je m'oppose énergétiquement aux tractations qui ont eu lieu au cours des dernières heures relativement à la présente réunion et je souhaite invoquer le Règlement concernant une ou deux questions à cet effet.
C'est le leader du gouvernement au Sénat qui nous disait cet après-midi que les comités sénatoriaux sont responsables de leurs propres travaux. Je suppose que c'est vrai, malgré que les événements d'aujourd'hui semblent indiquer le contraire. Nous avons tous reçu un avis indiquant que la présente réunion devait servir à l'examen article par article du projet de loi C-30. C'est l'avis que les sénateurs ont reçu et c'est le même avis qui a été rendu public.
Je ne reviendrai pas sur les discussions que nous avons eues au Sénat cet après-midi concernant la procédure, si ce n'est pour signaler le fait que le leader adjoint de l'opposition, le sénateur Stratton — je suis désolé qu'il ne soit pas encore des nôtres, il m'a dit qu'il viendrait — est intervenu lorsque j'ai pris la parole pour m'opposer à l'ajout d'un point à notre ordre du jour. Il a fait valoir que le comité avait déjà décidé de se réunir et avait déjà convenu d'inviter le ministre Goodale. Monsieur le président, nous savons tous que cela n'est pas vrai. Je suis membre du comité. Je n'ai pas été consulté. Nous ne nous sommes jamais réunis pour décider que nous allions ajouter des points à l'ordre du jour de la présente séance; le comité de direction ne s'est pas réuni non plus à cette fin. Par conséquent, l'affirmation du sénateur Stratton n'était tout simplement pas conforme à la réalité.
Ce qui est encore plus grave selon moi, c'est qu'il nous disait en fait, et il pourra le confirmer plus tard, que, contrairement à l'affirmation du sénateur Austin voulant que le comité soit responsable de ses propres règles, il a lui- même conclu, de concert avec les leaders du côté gouvernemental, une entente sans jamais consulté le comité. Ils ont convenu de ce que nous allons faire ce soir et vous n'étiez pas au courant, si j'ai bien compris ce que vous avez dit après coup.
J'ai eu mon mot à dire lors de la deuxième lecture du projet de loi C-33 et je continuerai d'intervenir, en comité comme au Sénat. Je considère toutefois que la situation actuelle est abusive. En fait, les abus ne font que s'accumuler. Ces gens ont abusé de leur pouvoir et de leur position de leadership pour prendre des décisions au nom du comité, sans même consulter ses membres. Je m'oppose très énergiquement à de telles pratiques. J'estime également qu'il va à l'encontre des règles d'ajouter un important point comme celui-ci à l'ordre du jour à la dernière minute. C'est une pratique tout à fait irrecevable qui devrait être considérée comme contraire au règlement. Quelqu'un m'a rappelé aujourd'hui que cela s'était produit auparavant. Je crois toutefois qu'il y avait alors eu consentement. Quoi qu'il en soit, il est absolument inadmissible d'ajouter à la dernière minute un point de cette importance à l'ordre du jour.
C'est donc pour cette raison que je fais ce rappel au Règlement. Le paragraphe 92(1) exige que soit donné un avis public des séances. Il est bien évident que cela comprend aussi l'ordre du jour. Le seul avis public qui a été émis, qu'il faut distinguer d'une communication avec les membres du comité, est celui indiquant un seul point à l'ordre du jour, à savoir l'examen article par article du projet de loi C-30. Il y a une demi-heure à peine, l'avis révisé ne figurait toujours pas sur le site Web du Parlement où sont diffusés les avis publics.
Cela m'amène à demander des explications à différents sujets. Premièrement, pour quelle raison et de quelle façon le sénateur Stratton en vient-il à faire une déclaration sur la décision prise par le comité avant même qu'on ait procédé à la deuxième lecture du projet de loi? Deuxièmement, comment en est-on arrivé à une décision concernant l'avis révisé? Le comité n'a pas tenu de réunion à ce sujet. Le comité de direction s'est-il réuni? Qui était présent? Enfin, nous sommes-nous conformés aux exigences du paragraphe 92(1) du Règlement en ne donnant pas, au moins c'était encore le cas il y a 30 minutes, un avis public de l'ordre du jour révisé?
Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, j'aimerais vous entretenir des questions soulevées par le sénateur Murray. En sa qualité d'ancien leader du gouvernement, il connaît bien les pratiques et les conventions régissant la gestion des affaires gouvernementales au Sénat et dans les comités.
Quant au mode de fonctionnement des comités, il existe des comités de direction qui interviennent pour déterminer les travaux d'un comité et recommander un ordre du jour. Ces comités directeurs ont toujours été composés de sénateurs représentant le gouvernement et l'opposition officielle. Lorsque les membres de ces comités de direction en viennent à un accord concernant la gestion des comités, les sympathisants de ces deux parties au sein du comité sont généralement disposés à appuyer la décision prise par le comité de direction.
C'est la façon dont le système fonctionne et il n'y a rien d'irrecevable ou de contraire au règlement dans ce mode de fonctionnement.
Pour ce qui est de la seconde objection concernant l'ajout de dernière minute, les représentants du gouvernement et de l'opposition ont convenu que le comité allait prendre les dispositions nécessaires pour accueillir le ministre des Finances et entendre le témoignage qu'il voudra bien nous présenter ce soir. Cette décision est justifiable compte tenu de la réalité sous-jacente du Sénat : le gouvernement et l'opposition ensemble, si ce n'est séparément, représentent une majorité de sénateurs. Les droits individuels des différents sénateurs ne sont aucunement lésés.
Pour ce qui est de l'application du paragraphe 92(1), j'ai reçu un ordre du jour révisé il y a environ une heure. Je ne sais pas ce qui est affiché sur le site Web, mais l'avis officiel de l'ordre du jour révisé — celui que nous avons devant nous — prévoyant le témoignage sur le projet de loi C-33 du ministre des Finances, accompagné de son secrétaire parlementaire, a bel et bien été émis. Il est bien évident que c'est un préavis plutôt court, mais l'avis public a tout de même été donné conformément aux exigences du paragraphe 92(1).
Je ne sais pas pour quelle raison le sénateur Murray remet en question ces démarches procédurales, tant au Sénat qu'au sein de ce comité, si ce n'est pour essayer de retarder la comparution du ministre des Finances. Comme en a témoigné son intervention lors de la deuxième lecture, il ne fait aucun doute qu'il comprend bien les questions et les enjeux liés au projet de loi C-33. J'aurais cru — et c'est là mon opinion personnelle — qu'il aurait souhaité mettre à l'épreuve le ministre des Finances, plutôt que de retarder indûment l'adoption de ce projet de loi.
Nous nous devons de tenir compte de la situation que vit le gouvernement dans l'autre Chambre et des déclarations faites par le leader de l'opposition quant à la durée de vie possible du gouvernement dirigé par le premier ministre Martin. Ce projet de loi renferme différentes dispositions qui touchent un grand nombre de Canadiens dans toutes les régions du pays. C'est un projet de loi d'exécution du budget, un document qui revêt un caractère spécial dans la procédure parlementaire. C'est un point que je souhaite faire ressortir au moment où certains semblent présumer que le projet de loi sera adopté comme c'est le cas habituellement. S'il n'était pas adopté, cela bouleverserait considérablement la situation de pas mal de gens.
J'estime que le Parlement et le Sénat ont le devoir de procéder rapidement, mais minutieusement, à l'étude de ce projet de loi au nom de tous les Canadiens. Comme je l'ai indiqué en Chambre, je ne veux pas dire par là que nous devons refuser de recevoir des témoins qui sont des professionnels et qui ne sont pas personnellement touchés par les dispositions de ce projet de loi. J'affirme cependant que nous avons la responsabilité d'examiner ce projet de loi; et que lorsque le ministre des Finances offre de venir nous rencontrer pour en discuter, et c'est ce qui s'est produit, nous avons la responsabilité d'écouter le ministre des Finances.
Le président : Est-ce que d'autres sénateurs voudraient exprimer leurs points de vue relativement à ce rappel au Règlement?
Le sénateur Cools : J'ai prêté une oreille attentive aux questions qui ont été soulevées, et j'ai aussi bien écouté ce que nous a dit le sénateur Austin. Il me semble que le sénateur Austin traite davantage des questions de fond que du problème soulevé dans le rappel au Règlement. Je comprends bien son point de vue. Je suis consciente du dilemme dans lequel il se trouve et je peux comprendre sa situation. Cependant, pour ce qui est du rappel au Règlement dont nous débattons, je crois que le sénateur Austin rate la cible, ce qui est fort problématique.
J'interviens en tant que simple membre du comité. J'ai déjà parlé au président du problème de l'organisation des travaux du comité en lui faisant valoir que, en ma qualité de membre, je m'inquiétais de constater que le comité n'était pas consulté sur les questions concernant l'organisation de ses séances, la liste des témoins, l'ordre des délibérations, et cetera. Mes préoccupations à ce titre ne sont donc pas nouvelles.
Il ne s'agit pas ici de déterminer si le ministre devrait comparaître devant nous. En vertu de ce rappel au Règlement, nous devons plutôt chercher à savoir si le processus approprié a été suivi pour inviter le ministre et si l'invitation qui lui a été faite découle ou non d'une décision de ce comité. Je suis d'avis que la décision d'inviter le ministre ce soir et de tenir des audiences sur le projet de loi C-33 n'est pas une décision prise par ce comité.
J'aimerais revendiquer le droit de contribuer à de telles décisions en ma qualité de membre de ce comité. Je ne parle pas de la question de fond. Je regrette profondément la façon dont les choses se sont déroulées car, si j'avais su que le ministre serait présent ce soir, j'aurais aimé disposer du temps nécessaire pour me préparer à accomplir le travail de qualité qu'une telle rencontre mérite.
Le sénateur Murray — et il a droit à son opinion — a soulevé la question du paragraphe 92(1) et de l'avis public. C'est cet aspect qui le préoccupe. Pour ma part, je m'interroge au sujet de l'avis donné aux sénateurs.
Le président : Sénateur Cools, le ministre vient tout juste d'arriver et le sénateur Stratton voulait intervenir au sujet de ce rappel au Règlement. Je me demandais si nous pourrions écouter le sénateur Stratton avant de prendre une décision concernant le ministre.
Le sénateur Cools : Je croyais qu'il n'était pas possible d'interrompre les discussions au sujet d'un rappel au Règlement pour passer à autre chose. Si vous voulez continuer à bafouer les règles, grand bien vous fasse. J'aimerais toutefois déclarer officiellement que je ne crois pas que nous procédons de manière appropriée.
Le sénateur Stratton : Pour vous mettre un peu en contexte, lorsque j'étais président du Comité des finances et que le sénateur Cools était vice-présidente, nous procédions pas mal de la même façon. C'était essentiellement le comité de direction qui décidait quels témoins nous allions recevoir. Je proposerais que nous entendions le ministre des Finances dès maintenant.
Le sénateur Cools : Un rappel au Règlement a été fait; il est impossible de présenter une motion.
Le sénateur Stratton : Il n'y a pas de rappel au Règlement.
Le sénateur Cools : Quelqu'un a invoqué le Règlement. Il faut prendre une décision à cet égard.
Le sénateur Stratton : Si vous le permettez, car je n'ai pas eu l'occasion d'intervenir, je dirais qu'il n'y a pas eu de rappel au Règlement. C'est toujours le comité, par l'entremise de son comité de direction, qui décide du programme de ses travaux. Je soutiens donc simplement que le comité a décidé de recevoir le ministre ce soir et qu'il n'y a donc pas lieu d'invoquer le Règlement. Merci.
Le sénateur Cools : Je suis...
Le sénateur Austin : Monsieur le président, nous devrions prendre une décision.
Le sénateur Cools : Monsieur le président, je n'ai pas pu intervenir concernant le rappel au Règlement. Je ne ressens pas vraiment le besoin de m'écouter parler, mais je m'oppose vivement au fait que vous puissiez, en votre qualité de président, interrompre l'examen d'un rappel au Règlement pour permettre au sénateur de présenter une motion. C'est tout à fait inapproprié et contraire au Règlement. Il vient de présenter une motion.
Le président : Je vous ai interrompu pour permettre au leader adjoint de l'opposition de débattre de la motion. C'est pour cette raison que je l'ai fait.
Le sénateur Cools : Quelle motion? Il n'y a aucune motion à l'étude. Le sénateur Murray a invoqué le Règlement. Nous n'avons été saisis d'aucune motion.
Le sénateur Stratton : Je l'ai dit bien clairement. J'ai indiqué que, selon moi, il n'y avait pas de rappel au Règlement. Pouvons-nous poursuivre nos travaux, s'il vous plaît?
Le sénateur Cools : Mais vous avez présenté une motion; vous ne pouvez pas faire ça.
Le sénateur Stratton : Je retire la motion en faisant valoir l'argument qu'il n'y a pas de rappel au Règlement, compte tenu des considérations que je vous ai soumises.
Le sénateur Cools : Je n'ai pas terminé, monsieur le président.
Je voudrais, dans le cadre de l'examen de ce rappel au Règlement, réfuter ce qui vient d'être dit concernant le fonctionnement passé de ce comité. J'étais vice-présidente à l'époque, et je devais obtenir les budgets et compiler les questions qui s'y rattachaient au nom du gouvernement. Je me faisais un devoir de m'assurer que les travaux se déroulaient toujours avec le soutien du comité.
Le sénateur Stratton devrait se souvenir qu'il m'est arrivé à plusieurs reprises de déposer des motions à l'encontre de ses agissements à cet égard. Il est possible que vous ne soyez pas d'accord avec cette façon de procéder, mais vous ne pouvez pas affirmer que le comité ne s'assurait pas d'obtenir le soutien de ses membres. C'était le cas à l'époque et c'est la même chose aujourd'hui.
Je pourrais vous citer le Règlement du Sénat et les règles de fonctionnement du système pour étayer mon point de vue. Comme je l'ai déjà indiqué, lorsqu'un comté de direction se réunit et prend une décision, il devrait présenter un rapport. Il peut s'agir d'un rapport oral, mais il reste quand même que le comité de direction ne peut pas agir de sa propre initiative. Il doit toujours solliciter et obtenir le soutien du comité principal.
J'aimerais vous faire lecture d'une disposition réglementaire au sujet de laquelle je demanderais au président de se prononcer. Je vais vous lire l'article 789 du Beauchesne. On y traite du Sous-comité du programme et de la procédure. Je vous lirai le paragraphe dans son ensemble.
Paragraphe 789. Il est loisible à un comité, dès la réunion d'organisation, de se doter d'un Sous-comité du programme et de la procédure (appelé généralement comité de direction). Ce sous-comité se réunit sur ordre du comité ou sur convocation de son président, qui se trouve à être le président du comité permanent. Il recommande, dans un rapport, la façon dont le comité pourra le mieux remplir son mandat, en abordant plus particulièrement la question des témoins, des heures de séance et des diverses matières à examiner à chacune des séances ultérieures.
On ne saurait être plus clair. Le Sous-comité du programme est assujetti aux décisions du comité principal. Il est une création du comité plénier, tout comme celui-ci est une création du Sénat. Nous ne devons jamais perdre de vue qu'un comité est un organe doté de pouvoirs délégués et qu'il ne peut pas agir indépendamment de l'entité qui lui a confié ces pouvoirs. Le comité de direction, soit le sous-comité, doit toujours s'assurer l'appui, ne serait-ce que pour des considérations politiques, du comité principal.
Cela m'amène à vous entretenir de mon second point. Il s'agit de déterminer ce que le comité peut faire ou non de sa propre initiative. Je dirais que le comité de direction a outrepassé, ne serait-ce qu'en tentant de prendre une telle décision, le cadre de son mandat et de ses compétences, parce que le comité n'avait pas été saisi d'un ordre de renvoi. De fait, le greffier du comité n'a pas le pouvoir d'amorcer la mise en œuvre de décisions lorsque le comité n'a pas été saisi d'un ordre de renvoi à cet effet par la Chambre. C'est la définition même d'un comité. Je l'ai déjà expliqué tout à l'heure. Le projet de loi est confié au comité, ce qui est selon moi tout a fait inapproprié. Je pourrais comprendre s'il y avait situation d'urgence. Vous pouvez vous donner les moyens d'intervenir s'il y a urgence, s'il est possible de déterminer que la situation presse. Nous l'avons d'ailleurs déjà fait à maintes reprises dans le passé. En l'espèce, il n'y avait pas urgence. Ce n'était pas du tout urgent. Dans les faits, le comité doit s'en tenir à l'obligation d'attendre un ordre de renvoi. Des mesures ont été prises aujourd'hui sans qu'un ordre de renvoi n'ait été donné au comité, ce qui est inapproprié. Le sénateur Austin peut ne pas en tenir compte si bon lui semble, mais avant que le Sénat ait pris une décision à cet effet, il a été annoncé que l'on avait convenu d'agir ainsi et qu'on allait tout simplement de l'avant.
Je suis d'avis que cette façon de faire n'est pas conforme aux règles. J'irais jusqu'à dire que c'est tout à fait inconvenant. On aurait pu en arriver au même résultat en agissant différemment. Je dis toujours qu'il est plus facile de faire les choses comme il se doit et j'aurais aimé qu'il en soit ainsi.
Quoi qu'il en soit, cette question revêt une très grande importance et j'ai grand hâte de connaître la décision du président à ce sujet.
J'irais même un peu plus loin en ajoutant que, une fois que les micros sont fermés, on peut oublier les rappels au Règlement pour porter la discussion à un niveau différent.
Honorables sénateurs, j'ai bien quelques autres arguments, mais ils peuvent attendre.
Le sénateur Ringuette : Je veux intervenir au sujet de ce rappel au Règlement sans traiter de la question de fond, soit du projet de loi C-33. La semaine dernière, lorsque le vice-président du comité occupait le fauteuil, je me souviens d'une observation concernant une demande de préavis relativement au programme proposé pour cette semaine qui devait être d'étudier le projet de loi C-30. On avait alors évoqué la possibilité que le projet de loi C-33 soit également déféré au comité et que nous recevions le ministre Goodale pour nous en parler. Je crois bien que c'est ce que j'ai entendu. Il y a donc eu une forme de préavis quant à l'inclusion de ce point dans le programme de travail du comité pour cette semaine. J'estime qu'il est important de le souligner en considération du rappel au Règlement qui a été fait.
Le sénateur Murray : Je vais conclure sur ce point, monsieur le président. Je n'ai pas l'intention de retarder davantage la comparution du ministre devant notre comité. Ce n'est pas de sa faute si les choses se sont déroulées de façon si inappropriée et contraire au Règlement. Il est présent et il est bien certain que nous allons l'écouter. Je tenais toutefois à indiquer officiellement que je m'oppose énergiquement à la façon dont les choses se sont déroulées. Je peux dire, puisque c'est moi qui ai invoqué le Règlement, que j'ai fait ce rappel avant l'arrivée du sénateur Stratton. Vous avez déclaré la séance ouverte avant que le sénateur Stratton ne se joigne à nous.
Je m'insurge notamment contre le fait que le sénateur Stratton a annoncé, avant même la deuxième lecture du projet de loi, que le « comité » avait décidé de se réunir et de recevoir le ministre. Le comité ne s'est jamais réuni à cette fin, pas plus que le comité de direction d'ailleurs. Je trouve exaspérant de voir le sénateur Stratton arriver ici aujourd'hui et nous dire ce dont le comité de direction a convenu. Le comité de direction n'a jamais pris une telle décision. Ce que vous avez dit au Sénat cet après-midi était donc tout à fait faux.
Dans un tout autre ordre d'idées, sénateur, les gouvernements veulent toujours tout mettre en œuvre, aussi rapidement que possible, pour faire adopter leurs projets de loi. Nous pouvons tous le comprendre, mais je trouve un peu surprenant et désappointant de voir la loyale opposition de Sa Majesté fermer les yeux et se faire même, à ce qu'il semble, la complice d'un stratagème comme celui auquel nous avons eu droit cet après-midi et ce soir.
Le président : Honorables sénateurs, plusieurs d'entre vous avez pu vous exprimer au sujet de ce rappel au Règlement. Le ministre est parmi nous. Notre comité s'est toujours fait un devoir d'essayer d'accueillir les ministres, les sous-ministres et les autres hauts fonctionnaires qui lui rendent visite.
Le rappel au Règlement porte sur plusieurs points différents. L'un d'eux est l'obligation de donner préavis. Il n'y a pas de règles précises quant à la durée du préavis qui doit être donné, conformément au paragraphe 92(1) qui prévoit ce qui suit :
[...] toutes les séances des comités permanents et spéciaux du Sénat sont publiques et n'ont lieu qu'après avis public.
Un avis a été donné relativement au projet de loi C-30, dont l'étude a déjà été amorcée. À 16 h 24, cet après-midi, un avis révisé a été envoyé aux bureaux des honorables sénateurs pour leur faire savoir que le Comité national des finances se réunirait ce soir, à 18 h 15, à la pièce 505 pour procéder à l'examen article par article du projet de loi C-30, et pour étudier le projet de loi C-33, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 23 mars 2004. À mon sens, cet avis a été produit conformément au Règlement du Sénat.
Au sujet de ce qui s'est passé au Sénat cet après-midi, le sénateur Murray a fait valoir son argument. Le sénateur Cools a d'ailleurs ajouté à son rappel au Règlement sur la procédure. Le leader adjoint de l'opposition a exprimé sa position sur le rôle qu'il joue sur ces questions.
Malgré tout ce qui s'est passé, le comité est ici, il a reçu les avis voulus, le ministre est ici, et je suis d'avis que nous devrions l'entendre.
Le seul problème technique que je vois, c'est que nous avons déjà commencé l'étude article par article du projet de loi C-30, et avec votre permission, honorables sénateurs, je demanderais que nous terminions cette étude, parce que notre comité en est saisi. J'aimerais la conclure, puis nous pourrons entendre le ministre.
Sénateur Day, êtes-vous d'accord?
Le sénateur Day : Je ne me rappelle pas que nous ayons commencé l'étude article par article du projet de loi C-30.
Le président : Nous l'avons commencée.
Le sénateur Austin : Vous n'avez jamais reçu le projet de loi C-30.
Le sénateur Stratton : Je propose que nous entendions le ministre.
Le président : Que voulez-vous faire, honorables sénateurs? Êtes-vous prêts à entendre le ministre maintenant?
Des voix : D'accord.
Le président : Monsieur le ministre, le projet de loi C-33, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 23 mars 2004, a été renvoyé à notre comité cet après-midi. Nous savons que vous n'avez que peu de temps, donc je vais me contenter de vous souhaiter la bienvenue, puis nous serons heureux d'entendre vos opinions sur le projet de loi C-33. Si vous en avez le temps, je sais que des honorables sénateurs auraient des questions à vous poser.
L'hon. Ralph Goodale, C.P., député, ministre des Finances : Monsieur le président, honorables sénateurs, je suis accompagné du secrétaire parlementaire, l'honorable John McKay, que vous avez tous eu l'occasion de rencontrer à d'autres débats législatifs. Je vous présente aussi nos deux hauts fonctionnaires du ministère des Finances Canada, Len Farber et Brian Ernewein, tous deux experts des questions que vous allez examiner ce soir dans le contexte du projet de loi C-33.
M. Mackay pourra rester avec vous plus longtemps que moi ce soir. Il connaît bien les dimensions parlementaires de ce projet de loi. D'après ce que je comprends, vous vous intéressez particulièrement à l'une des dispositions du projet de loi, qui porte sur la règle générale anti-évitement. Si vous me le permettez, je vais concentrer mes observations de ce soir sur cet aspect et je vais laisser le soin à M. Mackay et à nos fonctionnaires de vous parler des autres aspects du projet de loi.
La règle générale anti-évitement, que la plupart des gens appellent la RGAE, a été promulguée par le Parlement en 1988 afin d'inclure dans notre régime fiscal une protection générale contre les transactions d'évitement fiscal, qui portent entrave à l'équité et à l'intégrité du régime fiscal. J'aimerais porter votre attention sur huit éléments en faveur des dispositions contenues dans le projet de loi C-33.
Premièrement, l'intention de faire adopter cette disposition dans le budget de 2004 a été clairement signalée dans les documents de l'époque sur le budget. Je comprends que certains se demandent si le gouvernement a adéquatement porté à l'attention des parlementaires et du public ses intentions concernant la RGAE au moment du budget de 2004. J'ai relu la documentation, et j'y ai constaté que le gouvernement avait fait connaître son intention de façon satisfaisante. En particulier, en ce qui concerne le plan budgétaire de cette année, je vous renvoie aux pages 153, 230, 323 et 345. Elles contiennent des mentions claires du plan et de l'intention du gouvernement sur la disposition concernant la RGAE.
Deuxièmement, je vous demanderais de tenir compte de la logique ici. Il ne fait aucun doute que la règle générale anti-évitement s'applique à la Loi de l'impôt sur le revenu. Il faut toutefois se demander si elle s'applique également au règlement promulgué en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu et aux conventions fiscales que le Canada a conclus. Il me semblerait fondamentalement illogique de dire que les transactions d'évitement sont interdites en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, mais qu'elles sont parfaitement acceptables en vertu du règlement ou d'une convention fiscale. Cela semble être une erreur de logique que de dire que cette règle s'applique seulement à la loi, mais que le règlement et les conventions fiscales en sont exemptés d'une façon ou d'une autre.
Mon troisième argument, c'est que l'intention du gouvernement concernant la règle générale anti-évitement est absolument claire depuis 1988. Depuis l'introduction de cette règle, il y a environ 17 ans, l'Agence du revenu du Canada ou son prédécesseur a fait de nombreuses annonces publiques, et les experts du ministère des Finances en ont fait souvent mention. Chaque fois que la question a été soulevée publiquement, le gouvernement a fait connaître de façon absolument claire, sans l'ombre d'une ambiguïté, son intention que cette règle s'applique à la loi, au règlement et aux conventions. Chose certaine, le gouvernement l'a déclaré publiquement à diverses reprises, et n'importe qui peut certainement en trouver l'attestation.
Troisièmement, donc, on ne peut pas accuser le gouvernement d'avoir exprimé vaguement ou avec ambiguïté son intention depuis 1988. Son intention a toujours été claire et elle est restée la même au cours de ces 17 années.
Quatrièmement, il y a eu peu de poursuites à cet égard, mais il y a une loi et il y a une affaire dont le jugement a été rendu en 1997, sur la RGAE par rapport aux conventions fiscales. Le juge n'était pas tenu de prononcer un jugement réfléchi sur ce point dans cette affaire, mais en remarque incidente, il s'exprime clairement sur l'intention du gouvernement selon lui. Je vais vous lire la citation du juge Bowman en 1997 :
Il serait surprenant de conclure que le Canada, ou de fait l'un quelconque des autres pays [...] avec lesquels des conventions fiscale sont conclues, [...] avait intentionnellement ou par inadvertance renoncé à son droit de traiter de l'évitement d'impôt par les résidents d'États contractants dans sa propre législation fiscale interne. Il serait également surprenant que les stratagèmes d'évitement d'impôt qui sont susceptibles d'être contestés en vertu des dispositions générales anti-évitement ou de dispositions anti-évitement précises, s'ils étaient ourdis par des résidents canadiens, puissent être machinés impunément par des non-résidents sous la protection d'une convention. Tel n'est pas le but visé par les conventions.
Il apparaît clairement que du point de vue du juge Bowman, selon ce qu'il a écrit dans la remarque incidente de ce jugement-là, prononcé en 1997, la RGAE s'applique aux conventions fiscales.
En ce qui concerne la RGAE et son incidence sur le Règlement de l'impôt sur le revenu, et c'est là mon cinquième point, les juges de deux instances inférieures ont statué que la RGAE ne s'appliquait au règlement.
Lorsque les juges de ces deux tribunaux inférieurs ont exprimé ces opinions, leur jugement est arrivé comme une surprise totale pour les professionnels de l'impôt ainsi que pour les décideurs et les administrateurs fiscaux. Je rappelle toutefois qu'il importe de comprendre que ces deux affaires n'ont pas nécessairement remis en question l'application de la RGAE au règlement. Il y avait beaucoup d'autres arguments en faveur du contribuable dans ces affaires. Comme je l'ai déjà dit, la seule décision concernant la RGAE et les conventions penche en faveur de la Couronne.
Cependant, pour protéger l'intégrité et l'équité du régime fiscal et pour éliminer tout doute sur ces questions, on propose dans le budget de 2004 des mesures législatives non pas pour changer la loi mais, à notre avis, pour clarifier la position bien comprise depuis longtemps que la RGAE s'applique aux transactions abusives, que ce soit en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, du Règlement de l'impôt sur le revenu ou des conventions fiscales du Canada. En tous les cas, c'est une disposition qui vise à clarifier ces questions.
Mon sixième point porte sur l'avis de la vérificatrice générale. De nombreux cas d'évitement fiscal actuellement contestés par l'Agence du revenu du Canada en vertu de la RGAE et mis en lumière par la vérificatrice générale impliquent le recours à des stratagèmes par lesquels des résidents canadiens utilisent des fiducies constituées dans des États contractants de conventions comme abris fiscaux de revenus et de bénéfices qui devraient être imposés au Canada.
Dans son rapport de 2001, la vérificatrice générale a mis en lumière 55 cas de la sorte, qui touchent des gains en capital de quelque 800 millions de dollars. Depuis ce rapport, l'Agence du revenu du Canada a repéré environ 150 cas de plus. Vous voyez qu'il y a une somme importante de revenu fiscal en jeu. Ce n'est pas une question légère ni futile.
Je souligne aussi que dans son rapport de 2001, la vérificatrice générale recommande la prise de mesures législatives appropriées.
Cela m'amène à mon septième point, monsieur le président. Cela revient à notre argument de base que la loi est claire, qu'elle a toujours été interprétée de la même façon et que la disposition que vous examinez aujourd'hui vise à clarifier la situation et non à apporter un changement fondamental nouveau.
Je sais que certains sénateurs s'inquiètent de la notion de rétroactivité, mais je tiens à préciser que cette disposition existait dès le départ et que ce n'est pas un changement, donc on peut soutenir qu'on ne propose pas de rétroactivité ici, mais surtout une plus grande clarté.
Cela dit, en ce qui concerne la rétroactivité, le Comité permanent des comptes publics a recommandé, en 1995, que le gouvernement adopte une loi fiscale rétroactive dans certains cas appropriés. Il a aussi recommandé que le ministère des Finances établisse des critères explicites pour régir l'exercice de la prérogative du gouvernement d'adopter des dispositions rétroactives.
En réponse au rapport du Comité des comptes publics, le ministère des Finances a remis au greffier du Sénat une liste des critères pertinents à examiner pour poser ces jugements difficiles sur la rétroactivité.
Voici ces critères : le premier, c'est que les modifications articulent l'interprétation connue de longue date que l'Agence du revenu du Canada fait de la loi. C'est le cas ici. Le second, c'est que les modifications reflètent une intention stratégique claire et bien connue. C'est aussi le cas. Le troisième critère, c'est que les modifications empêchent que certains contribuables retirent des bénéfices exceptionnels. C'est aussi le cas, et nous avons les faits sous les yeux. Le quatrième, c'est que les modifications soient nécessaires pour préserver la stabilité de l'assiette du revenu du gouvernement. Le cinquième critère, c'est que les modifications corrigent des dispositions ambiguës ou insuffisantes, qui ne sont pas conformes à l'objet de la loi.
Je vous dirais qu'en fonction de ces critères, qui ont été établis pour déterminer si la rétroactivité est acceptable, la rétroactivité s'appliquerait tout à fait à la liste de dispositions que vous examinez ce soir.
Je réitère toutefois que ce n'est pas vraiment un cas de rétroactivité. Il s'agit de la clarification d'une chose qui existe depuis le début, depuis 1988.
Enfin, monsieur le président, voici mon huitième argument. Les contribuables ont beaucoup à gagner de cette disposition. S'il ne fait aucune transaction d'évitement abusive, le contribuable n'a pas à s'inquiéter. Ce n'est que lorsqu'il y a de telles transactions qu'on propose de prendre des mesures. S'il n'y a pas d'abus, il n'y a pas de problème.
Le président : Merci infiniment, monsieur le ministre. Le président va maintenant prendre les questions des sénateurs. Je n'ai aucun nom sur ma liste. Y a-t-il des honorables sénateurs qui souhaitent poser des questions au ministre?
Le sénateur Cools : Je tiens à remercier le ministre d'être ici aujourd'hui et d'être resté parmi nous malgré un rappel au Règlement qui nous a retardés. Je fais partie du groupe de personnes qui croient au système britannique — et on peut se demander aujourd'hui en quoi consiste vraiment ce système —, où la véritable liberté réside dans les règlements et leur utilisation et où tout ne dépend pas de résultats de votes.
De toute évidence, l'article dont vous semblez parler le plus dans votre exposé se trouve à la page 73. Je dois m'excuser, monsieur le ministre. Je ne savais pas que vous viendriez ce soir. Je ne suis pas bien préparé. Il se trouve aux pages 72 et 73, il s'agit de l'article 60 du projet de loi, qui modifie la Loi sur l'interprétation des conventions en matière d'impôt sur le revenu.
Si l'on regarde en haut de la page 73, on y trouve le paragraphe (2) de l'article 60. Il importe de souligner comment le projet de loi lui-même et numéroté. L'article 60 modifie l'article 4.1 de la loi. Le paragraphe 60(2) dicte clairement que le paragraphe (1) s'applique relativement aux opérations conclues après le 12 septembre 1988.
De la façon dont cet article est rédigé, il ne peut être autrement que rétroactif, et c'est le mot que vous avez utilisé. Il dicte noir sur blanc que le paragraphe (1) s'applique à des transactions effectuées il y a plusieurs années. Il est clairement rétroactif.
Peut-être que je vous ai mal compris lorsque vous avez insisté pour dire qu'il s'agissait d'une clarification. Peut-être pouvez-vous nous expliquer comment cet article clarifie quoi que ce soit et en quoi il n'est pas rétrospectif. Je dis « rétrospectif », parce que c'est le terme qu'on trouve dans l'ancienne littérature.
M. Goodale : Sénateur, je vous remercie de votre question. Nous sommes d'avis que depuis le 12 septembre 1988, l'interprétation proposée dans cet article est l'interprétation qui s'est toujours appliquée pendant cette période, donc elle n'a rien de nouveau. Elle ne fait que clarifier les choses, au cas où il y aurait un doute.
Il y a une affaire pertinente à cet article 60, et elle est conforme à l'interprétation du gouvernement. Je veux dire qu'il y a une affaire qui a été portée devant les tribunaux, et le jugement qui a été prononcé est tout à fait conforme à l'interprétation qu'en fait le gouvernement. Par conséquent, il est juste de dire que pendant toute cette période, il y a eu très peu de contestations et lorsqu'il y en a eu, les tribunaux ont pris des décisions conformes à notre compréhension que les conventions fiscales sont assujetties à la RGAE et ce, depuis le 12 septembre 1988.
Le sénateur Cools : Je parle en fait des mots qu'on trouve dans le projet de loi à l'étude, parce qu'ils me posent vraiment problème. Je peux peut-être vous citer le document de référence le plus célèbre sur la définition de « rétrospectif » ou de « rétroactivité ». Je vous renvoie à un éminent auteur américain, Théodore Sedgwick, et j'ai aussi la référence de M. Blackstone. M. Sedgwick est l'une des principales autorités américaines en la matière.
Dans son livre intitulé A Treatise on the Rules which Govern the Interpretation and Construction of Statutory and Constitutional Law, à la page 160 d'une partie de chapitre intitulée « Retrospective or Retroactive Statutes », il dit ce qui suit :
Une loi qui annule ou limite un droit acquis en vertu des lois existantes ou qui crée une nouvelle obligation, impose un nouveau droit ou confère une nouvelle contrainte à des transactions ou des considérations faisant déjà partie du passé est réputée rétrospective ou rétroactive. Les philosophes nient souvent le pouvoir d'un parlement d'adopter des lois ayant un tel effet.
Sedgwick parle ici de lois qui ont pour effet d'abolir des droits et de créer des obligations ou des contraintes pour ses choses qui sont déjà terminées et conclues.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez, monsieur le ministre. Je n'essaie pas de vous placer en position difficile. Le Parlement n'est pas libre.
M. Goodale : Vous ne l'êtes pas, monsieur le sénateur, et je comprends votre point.
Je n'ai pas pris en note toute la citation, mais je comprends que vous citez l'interprétation de Sedgwick, qui dit que toute loi qui annule une nouvelle chose en vertu des lois existantes est rétroactive ou rétrospective.
Le sénateur Cools : Ce n'est pas qu'elle l'annule complètement.
M. Goodale : Ou alors elle impose une obligation. Elle fait quelque chose de nouveau.
Le sénateur Cools : Après qu'une chose est terminée. On peut interdire une chose dans l'avenir. On peut dire : « À partir d'aujourd'hui, il n'y aura plus de lunettes brunes », mais cela s'applique au passé.
M. Goodale : Il y a deux difficultés dans votre argument. Premièrement, ce n'est pas nouveau. C'est l'interprétation qu'on fait de cet article depuis 1988, depuis le jour il y est entré en vigueur. Deuxièmement, il n'a été contesté qu'une fois à notre connaissance, devant un tribunal en 1997. Dans ce cas, le tribunal s'est prononcé en faveur du gouvernement; même si l'affaire portait sur d'autres questions, la décision du tribunal était la même que la nôtre, c'est- à-dire que c'est ce que dicte la loi depuis 1988 et par conséquent, aucune nouvelle obligation n'est imposée et rien n'est enlevé rétroactivement. Il en a toujours été ainsi depuis 1988.
Le président : Monsieur le ministre, je pense que vous avez une autre réunion à 19 heures, et il est maintenant 19 h 15. Pouvez-vous nous dire combien de temps il vous reste pour ce comité? Nous ne voulons pas nous imposer à vous.
M. Goodale : Monsieur le président, je comprends vos autres pressions d'aujourd'hui. Si cela vous convient, je peux rester jusqu'à 19 h 30, mais après, je devrai vraiment partir à cette autre obligation, si cela ne vous dérange pas.
Le président : Je sais que le sénateur Murray voulait vous poser une question. Y a-t-il d'autres honorables sénateurs qui souhaitent poser une question?
Nous allons commencer par le sénateur Ferretti Barth.
[Français]
Le sénateur Ferretti Barth : Monsieur le ministre, dans le projet de loi C-33, il y a trois parties. C'est vraiment une brique! Ne trouvez-vous pas qu'il est encombrant avec toutes les modifications que vous allez apportez? C'est un projet de loi qui touche plusieurs volets. Est-ce normal de procéder de cette façon?
[Traduction]
M. Goodale : Monsieur le sénateur, en tant qu'avocat et que représentant du ministère des Finances, je ne qualifierais jamais notre travail d'encombrant. Je le qualifierais plutôt de multidimensionnel et complexe. La tradition en ce qui concerne les lois budgétaires, c'est que les dispositions axées sur la politique principale annoncées dans le budget sont incluses dans le premier projet de loi de mise en œuvre du budget, après le discours du budget. Je tiens à ce qu'il soit très clair que je me limite au budget de 2004 et non à celui de 2005, parce que le projet de loi à l'étude concerne celui de 2004. Ce projet de loi comprend de grandes initiatives stratégiques. Il donne habituellement lieu à un deuxième petit débat sur le budget lorsqu'il est déposé au Parlement.
Après ce premier projet de loi budgétaire, selon le calendrier parlementaire, il y a habituellement deux ou trois autres projets de loi techniques qui sont déposés pour mettre en œuvre divers petits détails de fond requis dans la loi. Cela comprend tout un éventail de petits éléments distincts qui, comme vous le dites, n'ont parfois pas du tout l'air d'être liés au même sujet.
Celui-ci porte essentiellement sur la Loi de l'impôt sur le revenu, mais l'impôt sur le revenu est de portée très large.
Plutôt que de présenter un projet de loi pour chaque élément, nous les regroupons dans un projet de loi d'ensemble, parce que c'est la façon la plus efficace de proposer des choses au Parlement. Cependant, cela signifie qu'un large éventail d'éléments sont compris dans un même projet de loi.
Le sénateur Murray : Monsieur le ministre, je ne vais aborder que deux ou trois questions, parce que vous n'avez que quelques minutes. Vous pourrez répondre à toutes mes questions en une seule et même réponse.
Premièrement, laissez-moi vous dire ce que je sais que vous savez. Certains ne l'apprécient peut-être pas en ce moment, mais il y en a d'autres, comme le Comité mixte du droit fiscal de l'Association du Barreau canadien et de l'Institut canadien des comptables agréés, qui ont un point de vue radicalement différent du vôtre et de celui que vos fonctionnaires ont présenté au comité de la Chambre des communes sur cette disposition.
En réponse à la question de savoir si la RGAE s'applique au règlement connexe à la Loi de l'impôt sur le revenu, je vous ai entendu dire qu'il semblait illogique qu'elle ne s'y applique pas. Ce profane a des affinités avec ce point de vue. Cependant, vous laissez entendre que le tribunal a décidé, dans les deux cas, que la règle ne s'appliquait pas au règlement. Je vous dirais que ce n'est pas vraiment ce que le tribunal a dit. Il y avait d'autres facteurs pris en considération. Il me semble que vous auriez dû interjeter appel. Plutôt que d'interjeter appel de ces deux jugements, vous proposez une loi rétroactive.
Deuxièmement, sur la question de savoir si la RGAE s'applique aux conventions fiscales, comme vous l'avez dit vous-même, il y a une mention de cette règle par un juge dans une remarque incidente. J'ai appris, et c'est inscrit quelque part dans les notes qui nous ont été distribuées, qu'assez récemment, deux autres affaires ont été portées devant les tribunaux afin de déterminer si la RGAE s'applique aux conventions fiscales. Elles ont été réglées hors cour. On n'en a pas tiré de conclusion litigieuse. Par conséquent, en tant que profane sceptique, j'ai tendance à croire que vous avez eu peur de perdre.
M. Goodale : Non.
Le sénateur Murray : Vous proposez donc une disposition qui s'appliquera de façon rétroactive aux 17 dernières années si elle est adoptée.
Troisièmement, concernant vos propres lignes directrices, le Comité mixte du droit fiscal de l'Association du Barreau canadien et de l'Institut Canadien des Comptables Agréés a analysé chacune des lignes directrices et affirme catégoriquement que cette mesure législative rétroactive ne respecte même pas vos propres lignes directrices. Ce comité n'est pas ici pour faire valoir sa position, et je ne suis pas en mesure de faire valoir tous les détails; toutefois, je voulais qu'il soit dit pour le compte rendu que c'est la position prise par ce comité concernant les lignes directrices sur les conventions et le règlement.
Pourquoi n'êtes-vous pas allé en appel au sujet du règlement? Pourquoi n'avez-vous pas porté la question des conventions devant les tribunaux? Pourquoi adoptez-vous une mesure qui aura des effets rétroactifs sur 17 ans?
Avec quelques considérations, je serais peut-être disposé à soutenir une mesure qui prendrait effet aujourd'hui, ou même à la date du budget de 2004. Toutefois, il est passablement exagéré, monsieur le ministre, d'adopter une mesure qui aura des effets rétroactifs sur 17 ans. Je trouve exagéré de dire que ce n'est pas une rétroaction, mais simplement une clarification.
L'Agence du revenu du Canada peut dire tout ce qu'elle peut avoir dit — et j'ignore ce qu'elle a dit. Il convient peut- être de préciser que je ne suis pas un contribuable qui sera touché par ces dispositions. Je ne suis absolument pas dans cette ligue.
Le sénateur Stratton : Je suis ravi que vous fassiez cette précision.
Le sénateur Murray : L'ARC peut dire ce qu'elle veut. Les contribuables ont le droit de contester devant les tribunaux. À mon avis, le Parlement exagère en leur coupant l'herbe sous les pieds comme il l'a fait et en adoptant ensuite une mesure législative dont les effets remonteront à 1988. C'est pour cette raison que je m'oppose à cette mesure; je m'y oppose par principe.
M. Goodale : Sénateur Murray, merci de vos observations. D'abord, je répondrais catégoriquement que, pour toutes les raisons que j'ai données plus tôt, il ne s'agit pas d'une mesure rétroactive en soi, mais de la clarification de quelque chose qui existe déjà.
Deuxièmement, je dirais, comme je l'ai déjà fait, que si vous croyez qu'il s'agit d'une mesure rétroactive, les critères présentés au greffier du Sénat, à la suite de la recommandation faite par le Comité des comptes publics en 1995, qui sont du domaine public, conviennent parfaitement aux circonstances dont nous parlons, et cette proposition est tout à fait conforme à ces critères.
Troisièmement, je vais vous expliquer pourquoi nous n'avons pas appelé de ces deux décisions. Je ne l'ai peut-être pas dit assez clairement dans mes remarques, mais nous ne l'avons pas fait parce que ces décisions reposaient sur plusieurs arguments en faveur du contribuable. Les juges ont abordé la question de la RGAE, entre autres sujets; toutefois, il y avait plusieurs autres arguments en faveur du contribuable, si bien qu'il n'aurait pas été pertinent de porter la décision en appel sur la simple question de la RGAE. La cour a rendu une décision favorable au contribuable, concernant la RGAE et trois ou quatre autres motifs. Par conséquent, même en appel, si le tribunal nous avait donné raison sur la question de la RGAE, il aurait statué en faveur du contribuable sur ces trois, quatre ou cinq autres motifs.
Peut-être que par excès de prudence, nous aurions dû appeler de la décision portant précisément sur la question de la RGAE. Cela n'aurait rien changé à l'issue de ces affaires, puisque le contribuable a gagné sur tous les autres aspects.
Concernant les affaires qui ont été réglées, je ferais remarquer qu'elles l'ont été seulement après que le tribunal a statué en notre faveur, dans une remarque incidente, en 1997, et après que cette mesure budgétaire a été du domaine public. Comme vous le dites, ces affaires sont passablement récentes.
Il y avait beaucoup de réactions de la part du public concernant les décisions des tribunaux et les mesures législatives que le gouvernement s'apprêtait à rédiger, ce qui a certainement contribué au règlement de ces affaires.
Vous dites que, en tant que profane — et je crois que vous vous rendez un mauvais service, sénateur Murray — vous seriez instinctivement enclin à adhérer à ma logique, c'est-à-dire que si les règles d'anti-évitement s'appliquent à la loi de l'impôt, alors elles doivent sûrement s'appliquer au règlement et aux conventions fiscales, puisqu'il serait illogique d'interdire un agissement abusif en vertu de la loi et de l'autoriser en vertu d'un règlement ou d'une convention fiscale. Cette logique s'impose d'elle-même, à mon avis, et vous dites, en tant que profane, qu'il en est de même pour vous.
Je me rappelle qu'il y avait une norme à suivre en common law pour décider de ce qui constitue un jugement rationnel. Ce que les tribunaux ont dit, c'est que vous devez vous mettre à la place de monsieur tout-le-monde et voir comment ce dernier évaluerait la situation. Je crois que cette homme-là dirait : « Si cette règle s'applique à la loi, elle doit, logiquement, s'appliquer aussi au règlement et aux conventions. Le contraire serait illogique. »
Je ferais également remarquer que la vérificatrice générale a aussi fait part de ses inquiétudes concernant ce qu'elle estime être un important problème d'évitement. Elle a recommandé que ce problème soit réglé par une mesure législative. Je crois que cet avis n'a pas été donné à la légère en 2001 et que cette question mérite l'attention du Parlement si nous voulons éviter des abus éventuels.
Enfin, vous faites valoir avec persuasion et à juste titre que les contribuables ont le droit de s'adresser aux tribunaux et contester les décisions de l'ARC, et c'est tout à fait juste. Rien dans ce projet de loi ne leur enlèverait ce droit. La planche de salut pour le contribuable est la suivante : si le tribunal dit qu'il n'y a pas d'abus, qu'il n'y a pas de situation abusive d'évitement, comme c'était le cas dans les autres affaires dont nous avons parlé plus tôt, alors il n'y a pas de problème. Si le contribuable n'a pas eu de conduite abusive, il n'a rien à craindre parce qu'il a respecté la loi.
Le sénateur Murray : Tous ces arguments s'appliquent avec une force égale pour appuyer votre redéfinition, parce que c'est bien ce dont il s'agit, à partir de l'adoption de ce projet de loi ou de la date du budget de 2004. Pourquoi, si ce n'est pas rétroactif, estimez-vous que dans les deux cas, cette mesure entrerait en vigueur le 12 septembre 1988, il y a 17 ans?
M. Goodale : Pour la simple raison, sénateur Murray, que si nous prenions la position que vous décrivez, nous inciterions d'autres, y compris des avocats et les tribunaux, à conclure qu'il s'agit d'un changement. Or, ce n'est pas le cas. La loi est ainsi depuis 1988. Si nous disions qu'il s'agit d'un changement, alors vous auriez l'impression qu'il y avait quelque chose d'autre de 1988 à aujourd'hui, ce qui n'est pas notre position. Nous disons que la loi a toujours été ainsi.
Le président : Puisqu'il est passé 19 h 30 et qu'il n'y a pas d'autres questions, au nom du comité, monsieur le ministre, j'aimerais vous remercier de votre participation.
M. Goodale : Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais ajouter que ces mukluks occupent une place de choix dans mon bureau. Je vous en remercie.
Le président : Les honorables sénateurs ont-ils des questions à poser à M. McKay et aux porte-parole du ministère concernant le projet de loi C-33?
Le sénateur Ringuette : Le ministre a mentionné que la vérificatrice générale avait déclaré en 2001 que 55 cas avaient été relevés et il a ajouté que Revenu Canada avait ensuite mis au jour 150 cas supplémentaires ou plus. Est-ce que ce sont des cas d'abus ou d'évitement?
L'hon. John McKay, C.P., député, secrétaire parlementaire du ministre des Finances : Ce serait tous des cas d'évitement, oui.
M. Brian Ernewein, directeur, Division de la législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada : Si vous me le permettez, je crois comprendre que les cas dont il est question impliquent des fiducies résidantes à l'étranger ou ce qu'on estime être des fiducies résidantes à l'étranger. Je crois que Revenu Canada conteste ces transactions parce qu'elles ne fonctionnent pas techniquement, c'est-à-dire qu'on n'a pas besoin de considérer la règle générale d'anti-évitement. Si l'on constate qu'elles fonctionnent techniquement, on peut alors les contester en invoquant le fait qu'elles sont contraires à la loi ou aux conventions prises en considération avec la loi.
Le sénateur Ringuette : Pourriez-vous donner au comité les dates où ces fiducies résidantes à l'étranger ont été mises sur pied? Je ne veux pas de noms.
M. McKay : Je ne crois pas que nous pouvons faire cela.
Le sénateur Ringuette : Il y a un problème ici. Vous avez dit au comité que le ministère a cerné 150 cas à l'étranger qui pourraient être de nature technique ou encore qui pourraient représenter des abus commis depuis 1988. On ne compromet pas le caractère confidentiel en donnant des dates. Je ne demande pas le nom des fiducies, et je ne veux pas savoir où elles se trouvent. Je veux seulement voir le calendrier, parce que s'il y a un lien entre le moment où ces fiducies ont été mises en place à l'étranger en 1988 et la mesure législative actuelle, je veux le savoir.
M. McKay : Voulez-vous savoir le nombre de cas relevés en 1989, en 1990, et cetera?
Le sénateur Ringuette : Je ne demande pas la date à laquelle le ministère a relevé ces cas, mais plutôt la date où les fiducies ont été mises en place.
M. McKay : Les fiducies elles-mêmes?
Le sénateur Ringuette : Si le ministère a cerné 150 cas, il détient un dossier complet et exhaustif de ces cas. Vous ne pouvez pas vous présenter devant un comité parlementaire et dire que vous avez cerné tel nombre de cas sans pouvoir étayer vos propos. Je ne veux pas de renseignement personnel, je veux des dates, des statistiques. C'est tout ce que je demande.
Le sénateur Cools : Monsieur le président, si vous me permettez d'invoquer le Règlement et prêter main-forte à M. McKay.
Le sénateur Ringuette : Ce n'est pas une question de confidentialité. Je ne veux rien d'autre que des dates.
M. Len Farber, directeur général, Bureau du sous-ministre adjoint, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada : Nous n'avons pas de dates précises pour chacun des cas qui ont été établis, mais dans le rapport de la vérificatrice générale de 2001, on dit que 55 cas ont été relevés. On pourrait présumer qu'ils dateraient d'avant 2001 et qu'ils ne s'appliqueraient qu'à la période de réévaluation, ce qui serait, dans la plupart des cas, quatre ans. On pourrait présumer que ces cas dateraient d'au plus tard 1996, 1997.
Les 155 autres cas sont ceux que l'ARC a mis au jour dans le cadre de ses vérifications courantes. Nous pouvons présumer que c'est après 2001, puisque c'est après le rapport de la vérificatrice générale. Cette dernière a parlé de 55 cas en 2001, qui pourraient remonter à cinq ans auparavant. L'agence a découvert 155 autres cas qui pourraient remonter d'aussi loin, mais qui se seraient produits, plus probablement, après 2001.
Je ne sais pas si ma réponse vous est utile. Je ne crois pas qu'il y ait des cas parmi ceux-ci qui remontent à 1988, à moins qu'il ne s'agisse de dossiers en suspens. C'est une possibilité; je ne dis pas que c'est impossible, mais globalement, concernant la question que vous avez posée, je dirais que ce serait là la période de référence.
Le sénateur Ringuette : Le ministère des Finances a rédigé ce projet de loi de concert avec le ministère de la Justice. Quelle était la position du ministère de la Justice concernant la rétroactivité de 17 ans?
M. McKay : Nous ne pourrions procéder sans l'autorisation du ministère de la Justice. Ce projet de loi est proposé en partie et indirectement par le ministère de la Justice également.
Le sénateur Ringuette : Le ministère de la Justice était d'accord avec le ministère des Finances pour proposer ce projet de loi, n'est-ce pas?
M. McKay : Oui.
Le sénateur Day : Tout à l'heure, le sénateur Murray a parlé de la position de l'Association du Barreau canadien. Il a mentionné le Comité mixte du droit fiscal de l'Association du Barreau canadien et de l'Institut Canadien des Comptables Agréés. J'ai vérifié pour voir quels commentaires avaient été faits à la Chambre des communes durant l'examen et je n'ai rien trouvé. Je comprends que le comité mixte a clairement présenté sa position au ministre il y a un an ou plus. Le ministère de la Justice ou Revenu Canada a-t-il produit un rapport en réponse à cette position, qui pourrait nous être utile?
M. Ernewein : Oui, je crois que le sénateur Murray a mentionné que le Comité mixte du droit fiscal de l'Association du Barreau canadien et de l'Institut Canadien des Comptables Agréés a adopté une position radicalement opposée à la proposition du gouvernement.
Le comité ne remet pas en question le fait que la position du gouvernement a été de dire que la RGAE s'applique aux conventions fiscales. Il existe de nombreux articles que nous pourrions citer dans lesquels il reconnaît qu'il s'agit de la position du gouvernement. Certains avocats vont plus loin et contestent cette position. Ils remettent en question l'application de la RGAE aux conventions fiscales. Je tiens à faire cette précision.
Concernant la présentation faite par le comité mixte au ministre des Finances, il n'y a pas eu de réponse officielle, à ce que je sache. Toutefois, j'ai personnellement participé à des entretiens avec le comité mixte sur cette question avant que le projet de loi ne soit déposé en décembre dernier. Je crois pouvoir dire que nous avons constaté notre désaccord sur l'application des lignes directrices rétroactives, si elles devaient être considérées applicables. Nous avons examiné cette question et avons fait valoir les arguments que le ministre a présentés aujourd'hui. Nous sommes d'avis que le changement répond aux critères.
Le sénateur Day : Vous avez dit que le comité mixte n'avait pas remis en question le fait que la position du gouvernement avait été claire dès le début. Est-ce bien ce que vous avez dit?
M. Ernewein : Les discussions que nous avons eues ont porté surtout sur l'application des lignes directrices aux règles. Je ne me rappelle pas qu'on ait discuté longuement à savoir si les membres du comité croyaient que nous avions maintenu ou non cette position. Je crois qu'ils présument que c'est clair, mais si on devait en discuter, nous pourrions revoir certains documents. Je crois qu'on verrait que les avocats reconnaissent que la position de Revenu Canada, aujourd'hui l'Agence du revenu du Canada, et celle du ministère des Finances ont été que la RGAE doit s'appliquer aux conventions.
M. McKay : Il serait peut-être utile de mentionner un article paru en 2001 dans la Revue fiscale canadienne sur l'octroi d'un crédit d'impôt fictif. L'article porte sur divers aspects, sur lesquels je ne veux pas m'étendre, mais on dit, entre autres, que l'ADRC pourrait appliquer la règle générale d'anti-évitement (RGAE) dans l'article 245 de la loi. On mentionne également que l'ADRC pourrait s'attaquer aux abus en s'appuyant sur d'autres fondements, comme l'interprétation des conventions.
M. Ernewein a dit très justement qu'il pourrait y avoir des discussions parmi les fiscalistes à ce sujet, mais la position du gouvernement a toujours été très claire.
Le sénateur Day : Vous avez dit que vous pourriez faire des recherches. Avez-vous quelque chose que vous pourriez partager avec nous, mis à part cet article que M. McKay vient de mentionner? Avez-vous d'autres documents qui nous aideraient à comprendre ce que l'industrie a dit? Lorsque je parle de l'industrie, je veux dire les conseillers, les avocats ou les comptables. L'agence a-t-elle fait des déclarations au fil des années qui nous permettraient de savoir quel avis a été donné au public à ce sujet et ce qu'on a compris?
M. McKay : J'ai entre les mains deux pages de commentaires d'avocats qui remontent à 1988, 1991, 1993, 1997, 2000, 2001 et 2003. Ce n'est pas comme si la question n'avait jamais été abordée. Je ne dirais pas qu'une conférence d'avocats fiscalistes est du domaine public, mais cette question a certainement été abordée par les principaux intéressés. Je serais ravi de remettre ce document aux honorables sénateurs s'ils croient qu'il peut leur être utile.
Le sénateur Day : Vous pourriez en remettre une copie à la greffière, qui distribuera ensuite le document.
M. McKay : Nous y ajouterons les déclarations du gouvernement concernant la période de référence parallèle.
Le président : Sénateur Day, auriez-vous des objections à ce que le sénateur Murray pose des questions supplémentaires pour faire suite aux vôtres?
Le sénateur Day : Non.
Le sénateur Murray : Ce ne sont peut-être pas des questions supplémentaires, mais je serai bref. Je présume que nous entendrons des représentants du Comité mixte du droit fiscal de l'Association du Barreau canadien et de l'Institut Canadien des Comptables Agréés.
Le président : Le sénateur Austin a indiqué à la chambre qu'il espérait que le comité les entende.
Le sénateur Murray : Ils pourront en parler eux-mêmes, mais sur la question de savoir dans quelle mesure la position du gouvernement est la même depuis des temps immémoriaux ou au moins depuis 1988, voici ce qu'ils disent dans leur mémoire :
Le problème visé par la proposition n'a rien de secret ou d'inattendu et a été largement débattu en public, surtout depuis l'adoption de la RGAE. Il est tout à fait injuste de laisser les contribuables s'en remettre au texte original pendant toutes ces années, même si le ministère des Finances était au courant du problème, et d'adopter par la suite une modification rétroactive.
Dans un passage précédent de leur mémoire, voici ce qu'ils disent :
Les tribunaux ont statué clairement que la proposition n'est pas une clarification de la loi, contrairement à ce qu'on affirme dans les documents budgétaires. La proposition élargit plutôt la portée d'une des dispositions les plus importantes de la loi.
Il y a encore davantage. Comme je l'ai dit, ils pourront en parler eux-mêmes lorsqu'ils seront ici.
M. McKay : La question soulevée par le sénateur suppose une modification rétroactive et ce n'est pas, évidemment, notre position. Cette mesure a été appliquée depuis 1988. Que les avocats fiscalistes soient d'accord ou non, c'est une autre histoire, mais ce n'est pas une modification rétroactive.
Le sénateur Day : Durant la deuxième lecture du projet de loi au Sénat, on a utilisé une expression que je n'ai pas bien comprise. Vous pourriez peut-être m'aider à cet égard. Comme nous parlons de la loi, du règlement et des conventions internationales, on a parlé d'une clause touchant à la suprématie d'un convention. Pouvez-vous m'expliquer ce dont il s'agit ou dois-je m'adresser à quelqu'un d'autre?
M. McKay : Sénateur, vous et moi avons été à la même école de droit, et je ne veux certainement pas faire de commentaires sur la question de la suprématie en droit. Croyez-vous que nous devrions répondre au sénateur?
Le sénateur Day : Les hypothèses ne nous seraient pas utiles, mais si vous avez des renseignements précis à partager, ce serait bien.
M. McKay : Cette question nous échappe un peu.
Le sénateur Day : Elle m'échappe certainement.
Le sénateur Ringuette : La vérificatrice générale a cerné 55 cas et Revenu Canada, 150, pour un total de 205 cas. Le ministre a parlé d'un cas où la décision a été rendue en faveur de la Couronne. Le sénateur Murray a signalé deux autres affaires qui ont été réglées hors cour. Ce sont trois cas sur 205. Il en reste 202.
M. McKay : Vos calculs semblent bons. Je ne suis pas en mesure de faire des commentaires sur l'état d'avancement des procédures prises dans l'un ou l'autre de ces cas.
Le sénateur Ringuette : Le ministère est-il au courant d'autres procédures, mis à part le cas mentionné par le ministre et les deux autres signalés par le sénateur Murray?
M. McKay : La seule information que nous pouvons divulguer publiquement porte sur les cas qui sont passés devant les tribunaux.
Le président : Un cas est passé devant la Cour suprême du Canada en mars, le mois dernier.
Le sénateur Ringuette : Cela en fait un quatrième. Est-ce parce que vous savez qu'il y a des cas en ce moment, mais que vous ne pouvez pas en parler publiquement ou est-ce parce qu'il n'y en a pas à la connaissance du ministère?
M. Farber : Les 155 cas auxquels vous faites allusion ne sont pas encore devant les tribunaux. Dans la mesure où il y a des questions en litige, l'application de la RGAE n'est que l'une des questions qui peuvent ou non faire l'objet d'une décision des tribunaux. Comme mon collègue l'a indiqué plus tôt, certains de ces cas pourraient être rejetés sur des questions de procédure. Comme le ministre l'a indiqué également, s'il n'y a pas d'abus dans ces cas, ce dont nous parlons ici ne s'applique pas non plus. Ces cas ne sont pas encore devant les tribunaux, alors nous n'en savons rien. Nous ne pouvons vous donner d'autre information que celle qui est du domaine public. Une fois que les détails d'un cas seront du domaine public, nous en saurons davantage sur le cas et nous verrons comment les choses évoluent.
Le sénateur Downe : Si cette disposition controversée du projet de loi dont nous avons discuté en détail n'est pas adoptée, y a-t-il des prévisions permettant de dire combien de recettes le gouvernement perdra?
M. McKay : D'après mes souvenirs, il y aurait environ 800 millions de dollars en jeu.
Le sénateur Downe : On parle de 800 millions de dollars si la disposition concernant la RGAE du projet de loi n'est pas adoptée.
M. McKay : À ma connaissance, oui.
Le sénateur Downe : Si c'est déjà dans la loi et que ce n'est pas rétroactif, pourquoi ne pouvons-nous prélever cet argent maintenant?
M. McKay : Nous pouvons toujours recourir aux procédures qui nous sont accessibles à l'heure actuelle, mais il s'agit d'un point de clarification.
Le sénateur Downe : Lorsque ce projet de loi s'est rendu au comité du Cabinet avant qu'il soit approuvé pour faire partie de la législation gouvernementale, je suppose qu'il y avait des projections financières dans la proposition. Par conséquent, je suppose — sans le savoir — que le cabinet a été conseillé, mais on vient juste de nous dire que si la disposition n'est pas adoptée, le gouvernement pourrait perdre 800 millions de dollars.
M. McKay : Je suppose que toutes les données auraient été présentées au cabinet, dans un mémoire au cabinet.
Le sénateur Downe : Concernant une autre question dans le même projet de loi, et vous pouvez ou non être en mesure de répondre, concernant le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, il est indiqué qu'il a déjà été réduit de 40 p. 100. Je fais allusion à la déclaration faite par le ministre ce soir selon laquelle, d'après des projections mises à jour sur les recettes et les dépenses, le budget de 2004 proposait une réduction encore plus grande.
Pourriez-vous dire au comité quelles étaient les recettes et les dépenses projetées? Je suis particulièrement intéressé aux dépenses. Comme vous le savez, l'industrie aérienne clame que cette taxe s'est révélée un fardeau énorme et que le gouvernement est loin d'avoir dépensé les recettes qu'elle a générées depuis son entrée en vigueur. Depuis l'entrée en vigueur de ce droit, combien d'argent a été dépensé en matière de sécurité et où a-t-il été dépensé? Si personne n'a cette information en ce moment, vous pouvez me la faire parvenir.
M. McKay : Vous posez une question légitime. Jusqu'ici, les recettes ont dépassé les dépenses. Les dépenses ne se sont pas manifestées aussi rapidement que le gouvernement le prévoyait, d'où les réductions assez spectaculaires des droits eux-mêmes. Cependant, il y a quelqu'un ici qui peut être plus précis.
M. Geoff Truman, agent principal, Politique de l'impôt, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada : Je peux vous donner certaines sources d'information qui peuvent aider à démêler certains de ces chiffres.
Lorsque l'initiative a été annoncée dans le budget de 2001, le gouvernement s'était clairement engagé à équilibrer les recettes et les dépenses sur une période de planification ou sur une échelle de cinq ans.
Le sénateur Downe : Cependant, il n'y a pas eu de planification faite à l'époque. Fondamentalement, on a tiré un chiffre au hasard à partir d'une hypothèse de ce qui serait nécessaire.
M. Truman : Il y avait le financement cadre de 2,2 milliards de dollars inscrit dans le budget de 2001, établi en collaboration avec Transports Canada à partir de l'estimation que faisait le ministère des coûts nécessaires à l'installation des systèmes de sécurité dans les 89 aéroports désignés dans l'ensemble du Canada.
Le sénateur Downe : Je crois savoir que Transports Canada n'était pas d'accord à l'époque et que c'est le ministère des Finances qui a avancé ce chiffre. Cependant, nous pouvons vérifier cela.
M. Truman : Depuis ce moment-là, il y a eu trois examens du droit présentés dans les budgets successifs de 2003, 2004 et 2005. Chacun de ces budgets comportait une projection mise à jour des recettes générées par le droit et tenait compte des informations révisées sur les dépenses fondées sur les sommes déclarées jusqu'à ce moment-là.
De même, vous allez constater que l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, ACSTA, publie un rapport annuel. Son deuxième rapport annuel a été publié l'automne dernier. On a demandé à la vérificatrice générale de faire une vérification des recettes et des dépenses et le premier rapport de vérification a été publié en novembre de l'an dernier.
Il est certain que nous avons prévu qu'il y aurait un surplus de recettes par rapport aux dépenses au cours des premières années pendant lesquelles l'ACSTA mettait sur pied ses activités et bâtissait sa capacité en matière de capitaux et que cela allait s'équilibrer au cours des années au fur et à mesure que la situation arrivait à maturité.
Le sénateur Cools : Je peux être un peu dense, parce que je ne comprends pas. Pourriez-vous m'expliquer encore une fois pourquoi vous croyez que cette question peut être résolue par le simple fait que le ministère ou le ministre affirment la position que dans ce projet de loi qui est devant nous, les dispositions pertinentes ont un but de clarification et qu'elles ne sont pas rétrospectives? Je ne vois pas du tout ce qui est clarifié. Je n'arrive pas à suivre l'usage régulier de la langue anglaise. J'ai de la difficulté. Peut-être que c'est l'époque. Mariage n'est qu'un nom. Tout est dans le nom, alors, si vous lui donnez un autre nom, vous pouvez ignorer des centaines d'années de droit et de pratiques constitutionnels.
Le sénateur Murray : M. McKay appuie votre point de vue là-dessus.
Le sénateur Cools : Tout est dans le nom. C'est légal et approprié parce que nous le disons. Votre position ne s'appuie sur aucune autorité constitutionnelle, elle s'appuie uniquement sur ce que vous dites.
M. McKay : Mais de quelle position s'agit-il?
Le sénateur Cools : Je veux que vous sachiez que je vois la même chose dans beaucoup de comités. Vous demandez au ministère de la Justice : « Quelle est l'autorité qui justifie ces mesures? » Le ministère peut répondre : « C'est comme cela parce que nous le disons. C'est légal et approprié. C'est parlementaire. Nous le disons. Prenez notre parole. Vous n'avez pas à vous inquiéter parce que, si vous ne prenez pas notre parole, nous avons toute une série de personnes qui vont voter contre vous. Il importe peu qu'ils connaissent les questions. Ils vont voter contre vous. »
Vous pouvez faire des observations sur n'importe quelle de ces questions, monsieur McKay, mais rappelez-vous simplement que dans le mariage, tout est dans le nom. Rappelez-vous, tout est dans le nom. À l'heure actuelle, il n'y en a que pour les droits de la personne. Il y a un nouveau nom. Il y a quelques mois, nous avions un ensemble de noms. Maintenant, nous avons un nouvel ensemble de noms. Le nom le plus récent, c'est « droits de la personne ». Tout est dans le nom. À l'heure actuelle, ce sont les droits de la personne. La langue change trop rapidement pour moi. Je ne suis pas aussi jeune que je l'étais. Je ne peux pas courir aussi vite.
M. McKay : Voici un nouveau mot pour vous : « rétro-RGAE ». C'est de cette question dont nous parlons maintenant.
Le sénateur Cools : Je ne connais pas ce mot.
M. McKay : Passons à la question de savoir s'il s'agit d'un point de clarification sur la rétro-RGAE.
Le sénateur Cools : Si vous parvenez à me convaincre, vous êtes un homme chanceux. J'aimerais que vous puissiez le faire, parce que je suis un peu frustrée parce que je voulais avoir plus de temps pour me préparer à la réunion de ce soir. Je n'ai pas été en mesure de creuser dans les questions concrètes concernant les cas et ainsi de suite, mais j'ai lu l'histoire parlementaire et l'histoire constitutionnelle concernant la rétrospection ou la rétroactivité. Je ne peux pas comprendre comment vous pouvez dire simplement : « Si nous l'appelons comme ceci, alors nous pourrons continuer de soutenir cet argument. Ce sera ceci. Cela ne fait rien si c'est cela. Nous allons continuer de soutenir cet argument et le simple fait que nous disions que c'est ceci, alors c'est ceci et cela ne fait rien si c'est cela. » Si vous dites : « C'est un lever de soleil », peut-être que ce sera la cas. Si vous le répétez suffisamment souvent, cela pourrait devenir vrai, également.
M. McKay : J'espérais plutôt avoir une réponse à un moment donné. Je ne veux pas entreprendre une discussion sur la théorie générale de la relativité de la langue. Nous avons un point de clarification. Le point de clarification est habituellement nécessaire lorsque des personnes raisonnablement simples et honnêtes ont, si vous voulez, des désaccords au sujet d'un point ou d'un mot, si vous voulez. Ce que nous avons ici, c'est une dispute quant à savoir si les règles générales anti-évitement s'appliquent à l'époque où le législateur avait l'intention qu'elles s'appliquent, soit en 1988.
Il y a une sorte de processus que vous empruntez pour clarifier cela pour les besoins de la loi et ce processus a été établi par le Comité permanent des comptes publics en 1995. Lorsqu'il a établi cela, parce qu'il savait que ces points d'ambiguïté ou ces points de conflit pourraient survenir, il a dit voilà la façon dont il faut s'y prendre pour clarifier un point.
Premièrement, l'amendement doit refléter une interprétation de longue date et bien connue de la loi par l'Agence du revenu du Canada. Par conséquent, nous avons déposé nos interprétations qui remontent jusqu'à 1988 et indiqué chacune des années. Je pense que le premier point est démontré.
Deuxièmement, l'amendement doit refléter une intention de politique claire et bien connue. Je pense que le ministre a fait une démonstration assez claire et convaincante du caractère illogique du point de vue opposé.
Troisièmement, l'amendement doit empêcher un bénéfice exceptionnel pour certains contribuables, et nous faisons affaire à un micro-ensemble de contribuables qui pourraient en profiter assez substantiellement.
Quatrièmement, l'amendement est nécessaire pour assurer la stabilité de la base de revenus du gouvernement. Un des élément qui interviennent dans la conservation de la base de revenu du gouvernement, c'est de traiter tous les contribuables de manière juste et équitable.
Cinquièmement, l'amendement doit corriger des dispositions ambiguës ou déficientes qui ne concordaient pas avec l'objet de la loi. Encore une fois, je reviens à la position du ministre : il est tout à fait illogique de penser que vous auriez une Loi de l'impôt sur le revenu, qui est environ trois fois plus volumineuse que mon budget ici, et que vous ne prévoyez pas que la RGAE ne s'appliquerait pas au Règlement et ne s'appliquerait pas aux traités et ne s'appliquerait pas aux conventions. Cela est tout simplement insensé.
Je pense que dans les cinq cas, nous clarifions un point. Nous n'inventons pas des mots. C'est en fait, la façon de faire pour clarifier des zones d'ambiguïté.
Le sénateur Cools : Monsieur McKay, vous pouvez dire beaucoup de choses, mais ce que je vous ai entendu dire, c'est que parce que ces articles s'appliquent à un groupe très privilégié de personnes...
M. McKay : Je n'ai pas dit privilégié. J'ai dit un « micro-ensemble ».
Le sénateur Cools : Je vous entends dire que c'est correct de le faire parce que personne ne va s'en plaindre.
M. McKay : Je pense que c'est un point d'interprétation.
Le sénateur Cools : Personne ne peut dire que c'est de l'interprétation. Peut-être que c'est de la clarification. Qui sait? Nous pourrions continuer pour toujours.
Je pense simplement, monsieur McKay, que la façon dont nous étudions ce projet de loi, et cette façon de présenter la législation, constituent un précédent épouvantable. Le fait de remonter dans le passé comme cela dans une loi est quelque chose que le Parlement ne devrait pas considérer à la légère. Cela m'inquiète parce que ce gouvernement a tellement l'habitude de présenter de mauvaises lois et de forcer leur adoption. Il n'a pas à s'inquiéter, parce que l'an prochain, il peut changer d'idée, n'est-ce pas?
Il y a trois ou quatre ans, on nous a forcés à adopter un projet de loi - je le sais parce que j'ai voté contre ce dernier - liant le salaire des parlementaires à celui des juges. J'avais dit à l'époque que ce n'était pas constitutionnel.
Le président : Nous traitons du projet de loi C-33.
Le sénateur Cools : Je connais la différence. Je sais compter. Je connais la différence entre 30 et 33.
Le sénateur Stratton : Avez-vous une question?
Le sénateur Cools : Cela ne vous regarde pas.
Le sénateur Stratton : Oui, cela me regarde.
Le sénateur Cools : Non, j'ai des nouvelles pour vous. Je peux avoir des échanges avec le témoin qui n'ont pas à prendre la forme d'une question. Vous improvisez cela.
Je peux lui demander de faire des observations. C'est un débat. Ce n'est pas une séance de questions et réponses. C'est un débat.
Je me demande, monsieur le ministre, si vous pouvez m'aider à comprendre s'il s'agit là d'une manière appropriée de la part de n'importe quel gouvernement de demander au Parlement d'adopter une législation proposée.
Le président : Monsieur McKay, vous avez la parole, avant que je présente le prochain sénateur, le plus récent sénateur à faire partie de ce comité.
M. McKay : J'aimerais simplement préciser à l'honorable sénateur et aux membres du comité qu'il s'agit d'une procédure assez rare, mais elle doit exister dans le contexte des initiatives législatives. J'ai décrit les cinq critères que vous devez respecter dans ce genre d'environnement où une clarification s'impose. Je pense que le gouvernement a fait preuve de diligence en procédant de cette façon.
Le sénateur Cools : Je suis impressionnée, mais si vous décrivez cela comme de la diligence, il s'agirait alors de l'une des rares choses pour lesquelles ce gouvernement fait preuve de diligence récemment.
M. McKay : Mieux vaut faire preuve de diligence parfois que jamais.
Le sénateur Cools : Je connais très bien ce gouvernement.
Le président : Merci de cette réponse, monsieur McKay.
Le sénateur Cools : Je faisais partie de ce caucus bien avant vous tous, messieurs. Vous êtes tous des nouveaux venus.
Le président : Honorables sénateurs, j'aimerais présenter le tout dernier membre du Comité sénatorial permanent des finances nationales, le sénateur Graham Mitchell, et je lui souhaite la bienvenue au comité. Il s'agira pour lui de la première occasion qui lui est offerte de poser une question. Sénateur Mitchell, vous avez la parole.
Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup. J'ai attendu longtemps pour devenir sénateur et il me semble que j'ai attendu presque aussi longtemps pour avoir l'occasion de poser ma première question. Merci, monsieur le président.
Ce que je sais au sujet de la politique, monsieur Farber, c'est qu'elle fait intervenir des intérêts et habituellement, des intérêts opposés. Ce projet de loi fait intervenir de nombreux intérêts en plus des intérêts qui sont touchés par cette disposition particulière concernant la RGAE. Il me semble que les intérêts touchés par cette disposition seraient les grandes sociétés, les entreprises, les gens qui ont beaucoup d'argent.
Lorsque je regarde l'ensemble du projet de loi, je vois des dispositions qui concernent une variété d'autres intérêts. Il y en a une qui vise à aider les gens qui viennent en aide aux personnes handicapées; une autre vise à aider les petites entreprises en augmentant plus rapidement à 300 000 $ le plafond des bénéfices donnant droit à la déduction. Il y a également, et cela me touche profondément parce que mon père était militaire, certaines propositions qui aideront ou qui constitueront un avantage précieux du point de vue fiscal pour les membres des Forces armées qui sont envoyés à l'étranger.
Il me semble que si nous retardons ce projet de loi par des discussions interminables, nous fournirons par le renvoyer à la Chambre. Non seulement il sera retardé d'autant, mais dans l'éventualité où des élections seraient déclenchées, il pourrait être retardé pendant une longue période de temps. De même, le moment choisi pour l'étude de ce projet de loi est tel que l'avantage pour ces autres intérêts que je viens de mentionner, parmi d'autres, sera affecté par l'avantage que retireraient ces intérêts plus grands dans l'éventualité où ce projet de loi était rejeté ou retardé. Est-ce le cas? Est-ce bien ce qui se passe?
M. McKay : Je pense que c'est une observation juste.
Le sénateur Mitchell : Merci. Le point que je veux faire valoir est le suivant : à quel moment en arrivons-nous aux détails de cette affaire, à savoir quels intérêts nous allons appuyer d'un côté et quels intérêts nous n'allons pas appuyer ou avantager, de l'autre? J'aimerais aider les Forces armées, j'aimerais vraiment aider les gens qui aident les handicapés; et j'aimerais vraiment aider la petite entreprise. Si j'étais un conservateur, je penserais que la petite entreprise serait pour moi particulièrement importante.
Le sénateur Cools : Je ne comprends pas, monsieur le président; où est le retard? Le projet de loi vient tout juste d'arriver au comité il y a cinq minutes. Je ne sais pas de quel retard on parle.
Le président : Monsieur McKay, voulez-vous faire une autre observation?
M. McKay : Non. Je pense que le sénateur a frappé juste. Je ne pense pas que dans le contexte politique actuel il est possible de sous-estimer l'importance d'un délai additionnel ou d'amendements éventuels et de choses de cette nature.
Le sénateur Mitchell : Le délai pour la remise des déclarations d'impôts pour l'année d'imposition 2004 est sur le point de prendre fin.
M. McKay : C'est là une autre question également et il est certain que pour mes amis des deux côtés, cela a une grande importance. Cependant, d'autres dispositions que vous avez indiquées seront perdues si les choses n'avancent pas comme nous le souhaitons ce soir.
Le président : Monsieur McKay, vous n'êtes certainement pas un étranger pour le comité et nous vous remercions beaucoup d'être venu aujourd'hui. Je veux également remercier nos autres témoins de leur présence.
Comme il n'y a pas d'autre nom sur notre liste, je désire reporter nos discussions sur le projet de loi C-33.
Le sénateur Cools : Vous ne pouvez pas reporter; vous pouvez continuer.
Le président : Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour passer à l'étude article par article du projet de loi C- 30, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada, la Loi sur les traitements et d'autres lois en conséquence?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Le titre est-il réservé?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 1 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 2 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 3 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 4 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 5 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 6 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 7 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 8 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 9 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 10 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 11 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 12 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 13 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 14 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 15 est-il adopté?
Le sénateur Cools : Rappel au règlement. Monsieur le président, il est approprié de demander les pours et les contres, plutôt que de demander si l'article est adopté. C'est plutôt difficile de suivre.
Le sénateur Stratton : Il n'y a pas de contre jusqu'ici. Veuillez continuer s'il vous plaît, monsieur le président.
Le président : L'article 16 est-il adopté?
Le sénateur Cools : Non.
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 17 est-il adopté?
Le sénateur Cools : Non.
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 18 est-il adopté?
Le sénateur Cools : Non.
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 19 est-il adopté?
Le sénateur Cools : Non.
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 20 est-il adopté?
Le sénateur Cools : Non.
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 21 est-il adopté?
Le sénateur Cools : Non.
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 22 est-il adopté?
Le sénateur Cools : Non.
Des voix : D'accord.
Le président : Le titre est-il adopté?
Le sénateur Cools : Non.
Des voix : D'accord.
Le président : Le projet de loi est-il adopté?
Le sénateur Cools : Non.
Des voix : D'accord.
Le président : Honorables sénateurs, puis-je faire rapport du projet de loi au Sénat?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Cools : Non, non. Pouvons-nous avoir une discussion, s'il vous plaît, monsieur le président? Si nous ne voulons pas avoir une discussion, peut-être que nous devrions tout simplement mettre la clé dans la porte, parce que certains d'entre nous pourraient vouloir que certaines observations soient reflétées dans le procès-verbal.
Le sénateur Day : Est-il convenu de faire rapport du projet de loi sans modification?
Le président : Oui.
Le sénateur Day : Merci.
Le sénateur Cools : Il s'agit d'un manque de respect pour nous et pour le Sénat tout entier.
Le président : Honorables sénateurs, comme nous avons épuisé l'ordre du jour, la séance est levée.
Le sénateur Cools : Je veux que le compte rendu montre très clairement, honorables sénateurs, que j'aurais aimé avoir l'occasion de discuter de certaines observations dans ce rapport.
La séance est levée.